le 18/03/2021

Revirement de jurisprudence : transfert de responsabilité pénale en cas de fusion-absorption

Cass. Crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955

Dans un arrêt de principe du 25 novembre 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a affirmé qu’en cas de fusion absorption d’une société par une autre société entrant dans le champ de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017, la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée pour des faits commis par la société absorbée avant l’opération.

Cette décision constitue un revirement au regard de la jurisprudence établie depuis des années et modifie l’appréhension des risques qu’une société anonyme ou une société par actions simplifiée doit prendre en compte lorsqu’elle souhaite réaliser une fusion-absorption.

Avant cette affaire, la Cour de cassation affirmait avec constance que l’article 121-1 du Code pénal ne pouvait s’interpréter autrement que comme interdisant les poursuites contre la société absorbante. Pour la chambre criminelle, toute interprétation divergente contrevenait au principe de personnalité des poursuites et sanctions, notamment protégé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Toutefois, par un arrêt du 1er octobre 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme avait, pour sa part, jugé le transfert de responsabilité civile résultant d’une fusion-absorption, de l’absorbée vers l’absorbante, conforme à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette évolution prétorienne majeure du droit français est toutefois subordonnée à l’existence  de plusieurs conditions cumulatives.

En effet, l’opération conduisant à la disparition de la personne morale délinquante doit entrer dans le champ d’application de la directive n° 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, relative aux seules fusions des sociétés anonymes (la directive 1978), codifiée en dernier lieu par la directive (UE) n° 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 (la directive 2017).

En ciblant la fusion-absorption, la chambre criminelle a circonscrit les effets de son revirement aux seules entités soumises aux dispositions issues de la directive 1978 relatives à ce type d’opérations, à l’exclusion notamment de la fusion par création d’une société nouvelle et de l’apport partiel d’actifs.

Néanmoins, cette décision laisse quelques zones d’ombre s’agissant notamment des champs matériel, personnel et territorial de la nouvelle interprétation de l’article 121-1 du Code pénal, laissant ainsi apparaitre une certaine forme d’insécurité juridique puisque de nouveaux risques , et pas des moindres, apparaitront lors de chaque opération de fusion absorption.

La réalisation d’audits juridiques, comptables et financiers deviendra désormais systématique.

Hakim Ziane