Chiffrage par le maître d’œuvre des désordres survenus en cours de chantier au stade du décompte général

Malgré leur apparente évidence, les modalités précises de certaines opérations méritent d’être évoquées. A ce titre, l’élaboration du décompte général et définitif est la dernière occasion pour faire valoir des sommes liées aux désordres ayant affecté le maître d’ouvrage, même si ces désordres (tels les retards) n’ont pas affecté directement l’ouvrage construit, le maître d’œuvre devant chiffrer ces sommes ou attirer l’attention du maître d’ouvrage sur celles-ci s’il ne peut les chiffrer avec certitude.

Rappelons que la fin d’un marché public de travaux est marquée par l’élaboration d’un décompte qui suit le cheminement suivant (voir articles 13.3 et suivants du CCAG travaux version 2009 et 12.3 du CCAG version 2021) : projet de décompte final (établi par le titulaire) ; décompte final (projet accepté ou rectifié par le maître d’œuvre) ; projet de décompte général (établi par le maître d’œuvre) ; décompte général (projet signé par le pouvoir adjudicateur) ; décompte général et définitif (décompte général signé sans réserve par le titulaire).

Le document qui récapitule le premier l’ensemble de la situation financière résultant du contrat est le projet de décompte général établi par le maître d’œuvre. Il comprend le décompte final, l’état du solde établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, et la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Et le CCAG travaux (version 2009 et 2021) prévoit bien que le montant du projet de décompte général est égal au résultat de cette récapitulation.

Dans le cadre de ce décompte, dont les contours semblent figés, le maître d’œuvre doit-il intégrer les sommes liées à des désordres qui ont affecté le maître d’ouvrage sans affecter directement l’ouvrage objet des travaux (location de bâtiments modulaires par suite de retards et constats d’huissier, par exemple) ? En répondant par la positive, la Cour administrative d’appel de Lyon a précisé que :

« Lorsqu’il a connaissance de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l’état de l’ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l’ouvrage, il appartient au maître d’œuvre chargé d’établir le décompte général du marché, soit d’inclure dans ce décompte, au passif de l’entreprise responsable de ces désordres, les sommes correspondant aux conséquences de ces derniers, soit, s’il n’est pas alors en mesure de chiffrer lesdites conséquences avec certitude, d’attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder ses droits, d’assortir la signature du décompte général de réserves relatives à ces conséquences ».

De manière générale, l’établissement du décompte constitue la dernière occasion pour les parties au contrat de réclamer des sommes liées aux droits et obligations nés de l’exécution du contrat. En effet, afin de conférer une portée utile au principe d’unicité, lorsque le décompte général devient définitif, il devient par la même occasion intangible et irrévocable : il n’est plus possible pour les parties d’en contester le contenu et de réclamer des sommes à une autre partie (sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde).

Les maîtres d’œuvre devront donc être attentifs au sort des désordres ayant affecté, au cours d’un chantier, les maîtres d’ouvrage et chiffrer ces désordres ou attirer l’attention des maîtres d’ouvrage en cas de difficulté de chiffrage, afin de leur permettre d’assortir la signature du décompte général de réserves.

Parution du décret « communications éléctroniques »

Pris pour l’application de l’ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021 portant transposition de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le Code des communications électroniques européen et relative aux mesures d’adaptation des pouvoirs de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), le décret du 31 août 2021 publié au Journal officiel du 2 septembre 2021 poursuit ainsi l’œuvre de transposition des règles issues du nouveau Code européen des communications électroniques.

LA PRISE EN COMPTE DU CHANGEMENT DE DENOMINATION POUR L’ARCEP

Au titre des principaux changements prévus par le décret du 31 août 2021, figure notamment la prise en compte de la modification de la dénomination de l’ARCEP qui est désormais baptisée « Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ».

PRECISION DES MODALITES DE SUBSTITUTION DE NOUVEAUX RESEAUX AU RESEAU CUIVRE 

Le décret du 31 août 2021 vient également préciser les modalités de la procédure de déclassement ou de remplacement par une infrastructure nouvelle de certaines parties du réseau.  Il est ainsi prévu qu’avant de mettre en œuvre une procédure de déclassement ou de remplacement, l’opérateur doit notifier son projet au préalable et en temps utile à l’ARCEP, et ce, au plus tard, six mois avant le lancement de la procédure (art. L. 38-2-3 et R. 9-6-1 du Code des postes et des communications électroniques – ci-après « CPCE »). Après évaluation des effets potentiels d’une telle procédure et la satisfaction d’autres conditions, l’ARCEP peut supprimer les obligations d’opérateur fixées conformément à l’article L. 37-2 du CPCE.

La définition des modalités de procédure devrait ainsi faciliter le remplacement du réseau cuivre de l’opérateur historique par les réseaux en fibre optique.

INTRODUCTION D’UN DELAI DE REPONSE PROPRE AUX GESTIONNAIRES D’INFRASTRUCTURES D’ACCUEIL

Ensuite, le décret introduit un délai maximal de réponse de deux mois au cours duquel les gestionnaires d’infrastructures d’accueil se prononcent sur les demandes d’accès à leurs infrastructures faites par les opérateurs en vue d’y installer des points d’accès sans fil à portée limitée, et dont le silence équivaut à une décision de rejet de la demande d’accès. On rappellera toutefois qu’aux termes de l’article L. 34-8-2-3 du CPCE, un refus opposé à une telle demande doit en principe être fondé sur des critères objectifs, transparents et proportionnés à l’instar de la capacité technique des infrastructures, la sécurité des personnes ou encore des obligations issues des règlementions particulières.

FIXATION DES MODALITES D’APPLICATION RELATIVE AU SERVICE UNIVERSEL DES COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES

Sur son site internet l’ARCEP définit le service universel des communications électroniques comme « un service public français » se matérialisant par le fait que « toute personne peut en faire la demande et bénéficier d’un raccordement fixe à un réseau ouvert au public, et la fourniture d’un service téléphonique de qualité, à un tarif abordable ». Pour concrétiser la mise en œuvre de ce service public, le décret 31 août 2021 vient fixer les modalités d’application des dispositions relatives au service universel des communications électroniques prévues par les articles L. 35-1 à L. 35-7 du CPCE. En effet, les articles R. 20-30-1 et R. 20-31 du CPCE viennent définir d’une part, les catégories de personnes éligibles au service universel (concernent en particulier les personnes à faible ressources financières bénéficiaires de prestations sociales) ainsi que les services de base qui devront être accessibles par ces utilisateurs finals au titre du service d’accès adéquat à internet à haut débit, comme par exemple l’accès à la messagerie électronique, aux moteurs de recherche permettant de chercher et de trouver tout type d’information, aux outils en ligne de base destinés à la formation et à l’éducation, aux journaux ou sites d’information en ligne…

PRECISIONS SUR LES DELAIS APPLICABLES EN MATIERE D’AUTORISATIONS D’UTILISATION DE FREQUENCES                 

Concernant les autorisations d’utilisation des fréquences attribuées par l’ARCEP, le décret vient modifier l’article R. 20-44-9 du CPCE en précisant que cette dernière dispose en principe d’un délai d’instruction maximal de six semaines entre le dépôt d’un dossier complet et la date de notification de la décision relative aux autorisations d’utilisation de fréquence, sauf si la décision intervient à l’issue d’une procédure d’attribution auquel cas ce délai est porté à huit mois.

Quant au délai de notification de la décision de prorogation d’autorisation d’utilisation de fréquences, il est précisé qu’elle ne peut être ne peut être inférieur à deux ans avant l’expiration de la durée initiale des droits.

Enfin, s’agissant du délai minimal de notification des conditions de renouvellement ou des motifs de refus de renouvellement des autorisations d’utilisation de fréquences, il ne peut être inférieur à un an.

Expropriation : le Conseil d’Etat vient trancher une question importante sur les conditions pour exciper l’illégalité d’une DUP

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt très attendu par les spécialistes de droit de l’expropriation, tranchant le point de savoir si, à l’appui d’un recours en annulation contre un arrêté de cessibilité, un requérant pouvait soulever certains moyens de légalité externe tiré de l’exception d’illégalité de l’arrêté prononçant la déclaration d’utilité publique d’un projet d’aménagement ou de construction.

Pour revenir sur la genèse de la problématique, par un arrêt d’Assemblée rendu le 18 mai 2018, le Conseil d’Etat avait jugé qu’à l’appui d’un recours contre un acte administratif s’appuyant sur un acte règlementaire antérieur formant avec lui une opération complexe, « si […] la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux » (CE, 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, n° 414583).

Cette jurisprudence récente du Conseil d’Etat est venue désormais empêcher la contestation perpétuelle de vices de procédure ou de forme dont seraient entachés des actes règlementaires par le recours à la technique de l’exception d’illégalité.

Toute la question était alors de savoir si cette jurisprudence était applicable au cas dans lequel des vices de forme ou de procédure entachant un arrêté de DUP pouvaient être soulevés, par voie d’exception, à l’appui d’un recours contre l’arrêté de cessibilité.

La Cour administrative d’appel de Nancy avait tranché cette question en indiquant que la jurisprudence du Conseil d’Etat « Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT » s’appliquait, ce qui impliquait que des moyens de légalité externe contre la DUP ne pouvaient être soulevés à l’appui d’un recours contre l’arrêté de cessibilité (CAA Nancy, 27 décembre 2019, n° 18NC03397). D’autres juridictions sont allées dans le même sens (voir notamment : TA Châlons-en-Champagne, 5 juillet 2018, n° 1700746).

A l’inverse, d’autres juridictions du fond ont pu considérer que les moyens de légalité externe contre la DUP peuvent être soulevés dans le cadre d’un recours contre l’arrêté de cessibilité (TA Poitiers, 14 mars 2019, n° 1702490).

C’est donc cette dernière position que retient le Conseil d’Etat, en formation de chambres réunies. Précisons que la Haute juridiction administrative était saisie dans ce contentieux en premier et dernier ressort.

Si l’arrêt ne contient pas de considérant de principe sur le sujet de l’exception d’illégalité, le Conseil d’Etat accepte toutefois de trancher les moyens de légalité externe soulevés par voie d’exception contre l’arrêté de DUP, en l’occurrence les moyens tirés de l’insuffisance de l’étude d’impact et de la nécessité de conduire une nouvelle enquête publique compte tenu de l’augmentation du coût du projet depuis 2008.

La procédure de modification simplifiée d’un PLU ne peut avoir pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec une zone ou un secteur du PLU

Par une décision en date du 21 juillet dernier, le Conseil d’Etat a considéré que, si la procédure de modification simplifiée d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) peut légalement être utilisée pour rectifier une erreur matérielle, elle ne peut en revanche pas avoir pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec une zone ou un secteur défini par ce PLU.

 

Dans cette affaire, la commune de Plouézec avait approuvé la modification simplifiée de son PLU selon laquelle les aménagements et installations liés à l’exercice des sports mécaniques sont interdits en zone N « à l’exception de la zone Ny ». Le Maire a, ensuite, délivré à la Commune un permis d’aménager portant sur la réalisation d’un site multisport situé en zone Ny. Le requérant contestait l’utilisation de la procédure de modification simplifiée pour l’évolution réglementaire envisagée.

La procédure de modification simplifiée du PLU est régie par les articles L. 153-45 à L. 153-48 du Code de l’urbanisme, antérieurement codifiés à l’article L. 123-13-3 du même Code, qui prévoyait, dans sa version applicable aux faits, que :

« I. En dehors des cas mentionnés à l’article L. 123-13-2, et dans le cas des majorations des possibilités de construire prévues au deuxième alinéa de l’article L. 123-1-11 ainsi qu’aux articles L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2, le projet de modification peut, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-6, du maire, être adopté selon une procédure simplifiée. Il en est de même lorsque le projet de modification a uniquement pour objet la rectification d’une erreur matérielle ».

Par une précédente décision du 31 janvier 2020, Commune de Thorame-Haute (CE, 31 janvier 2020, n° 416364), le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de préciser le champ d’application de la modification simplifiée au regard des dispositions précitées :

« 3. Il résulte de ces dispositions que le recours à la procédure de modification simplifiée pour la correction d’une erreur matérielle est légalement possible en cas de malfaçon rédactionnelle ou cartographique portant sur l’intitulé, la délimitation ou la règlementation d’une parcelle, d’un secteur ou d’une zone ou le choix d’un zonage, dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du plan local d’urbanisme, telles qu’elles ressortent des différents documents constitutifs du plan local d’urbanisme, comme le rapport de présentation, les orientations d’aménagement ou le projet d’aménagement et de développement durable ».

Dans sa décision du 21 juillet 2021, n° 434130, le Conseil d’Etat a, après avoir rappelé le considérant de principe susvisé, précisé que la modification simplifiée ne saurait, en revanche, avoir pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec la vocation d’une zone ou d’un secteur défini par le plan local d’urbanisme.

Il a ainsi décidé que la Cour administrative d’appel de Nantes avait inexactement qualifié les faits de l’espèce en considérant que la modification, par la délibération litigieuse, du règlement de la zone Ny pour y autoriser les aménagements et installations liés à l’exercice des sports mécaniques, pouvait être regardée comme la rectification d’une erreur matérielle, et a annulé l’arrêt attaqué.

Actualités IT et nouvelles technologies : Bilan annuel des dernières décisions rendues en droit des contrats et marchés informatiques

Dans la lignée de la LAJ #112 de septembre 2020 et de la LAJ #101 d’octobre 2019, voici le nouveau bilan des décisions rendues en droit des contrats et marchés informatiques au cours de l’année passée marquée par l’adaptation du nouveau CCAG-TIC.

1.    Marchés publics informatiques

1.1.   Actualisation du CCAG-TIC

Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de techniques de l’information et de la communication

Le nouveau CCAG-TIC a fait l’objet d’une refonte, tout comme les autres CCAG, afin de prendre en compte l’évolution du droit positif et plus particulièrement du Code de la commande publique (CCP) qui, entre autres évolutions, n’impose plus de fixer la hiérarchie des pièces contractuelles, prévoit la dématérialisation des factures, inclut l’engagement de l’acheteur de prendre en compte les objectifs de développement durable, etc.

S’agissant plus spécifiquement des aspects de droit de l’informatique, le nouveau CCAG-TIC a eu pour objet de :

    • mieux définir les obligations du titulaire ;
    • réformer le régime de propriété intellectuelle applicable aux résultats ;
    • protéger la confidentialité ;
    • renforcer la sécurité des systèmes d’information.
  • Redéfinition des obligations du titulaire de marché

L’un des objectifs du législateur, avec cette réforme, a été de mieux adapter le CCAG-TIC aux marchés relatifs aux logiciels.

En premier lieu, un devoir de conseil et de mise en garde a été introduit à l’article 3.9 à la charge du titulaire comme une obligation permanente pour les matériels, logiciels et prestations fournies à l’acheteur. Il est à cet égard précisé que, dans le cadre de cette obligation, « le titulaire communique notamment à l’acheteur toute information permettant d’améliorer le niveau de sécurité du système d’information et signale les difficultés et risques que certains choix peuvent entraîner dès lors que cette information relève des prestations objet du marché ».

En deuxième lieu, l’article 22 indique une liste très complète de ce que doit inclure la documentation livrée avec le logiciel, alors que l’ancienne version du CCAG-TIC se contentait de viser la composition et les caractéristiques du matériel ou du logiciel, et leurs procédures courantes d’utilisation.

Enfin, l’article 38.3 vient préciser un peu plus les modalités de mise en œuvre des opérations de réversibilité révélant ainsi une prise de conscience quant au caractère crucial de cette étape du contrat informatique, souvent négligée par le passé.

  • Réforme du régime de propriété intellectuelle applicable aux résultats

L’une des évolutions les plus frappantes de ce CCAG (et des autres CCAG également) consiste en la suppression des anciennes options « A » et « B » et leur remplacement par une clause de propriété intellectuelle unique.

En effet, la pratique a révélé que le système des options A (concession d’une licence non exclusive sur les résultats) et B (cession exclusive des droits sur les résultats) présentait de nombreux inconvénients, le premier étant qu’il obligeait l’acheteur à faire un choix entre les deux options (l’absence de choix conduisait à l’application de l’option A), ce qui pouvait conduire l’acheteur à choisir l’option la plus protectrice à ses yeux, i.e. la cession exclusive de tous les droits, pour le monde entier. Or une telle option, au vu de l’objet du marché concerné, était parfois excessive et inadaptée. A l’inverse, de nombreux acheteurs ne faisaient simplement pas de choix et se voyaient appliquer, par défaut, une licence non exclusive à leur désavantage et sans que cela soit justifié, par exemple sur des logiciels spécifiques (pour lesquels il est généralement prévu une cession par définition définitive). 

Désormais, l’article 46.2.1 limite aux seuls résultats pour lesquels une exclusivité est nécessaire pour l’acheteur et prévoit trois cas :

    • les résultats ayant pour objet de distinguer l’identité propre de l’acheteur et/ou de ses services ou produits par rapport aux autres entités, services ou produits (tels que marques, dénominations, logos, slogans, chartes graphiques) ;
    • les résultats ayant pour objet de promouvoir l’acheteur, ses produits et services, et plus généralement ses missions de service public (telles que campagnes de promotion, ou de communication) ;
    • les résultats qualifiés de confidentiels.

Ainsi, la seule qualification de « confidentielle » d’un résultat (par exemple un logiciel spécifique) suffira à conférer à l’acheteur une exclusivité sur ledit résultat.

Cette actualisation facilitera probablement la tâche des acheteurs dans la rédaction des marchés, étant précisé qu’il leur sera toujours possible de prévoir une clause de propriété intellectuelle différente de celle du CCAG, mieux adaptée à leurs besoins.

  • Protéger la confidentialité

Il est introduit une nouvelle définition de « information confidentielle » à l’article 5.1.2, très large puisqu’elle couvre toute information communiquée sous quelque forme que ce soit par l’acheteur au titulaire. Cette définition, qui n’est plus réciproque puisque les informations communiquées par le titulaire ne sont plus visées, couvre donc désormais également les informations non spécialement signalées comme « confidentielles ».

Il est en outre précisé, à l’article 5.2.3, que lorsque le titulaire met en œuvre un traitement de données à caractère personnel pour le compte de l’acheteur (qui en sera donc le responsable de traitement), les documents du marché devront mentionner l’ensemble des informations requises pour la rédaction d’une clause de sous-traitance (article 28 du RGPD) et préciser également les pénalités applicables au titulaire en cas de méconnaissance de la réglementation.

Bien que cet article ne soit que la reprise de la règlementation applicable en la matière, une telle précision ne peut être que bienvenue dans ce document cadre.

  • Renforcement de la sécurité des systèmes d’information

La réforme du CCAG-TIC introduit plusieurs mesures de natures à renforcer la sécurité des systèmes d’information.

L’article 5.4 introduit une obligation d’information propre aux vulnérabilités et incidents de sécurité détectés sur le système d’information du titulaire. Pour cela, le titulaire doit mettre à la disposition de l’acheteur « un dispositif d’information dédié à la sécurité informatique (notamment flux RSS/ATOM, liste de diffusion par courriel ou autre) » qui vise à tenir l’acheteur informé de tout événement susceptible d’impacter la sécurité du système (par exemple annonce de correctif, attaque en cours, violation de données à caractère personnel).

A l’article 14.3, il est introduit une pénalité spécifique pour violation des obligations de sécurité ou de confidentialité selon laquelle : (i) en cas de non-respect des règles de sécurité et de protection des informations confidentielles n’impliquant pas des données à caractère personnel, il est appliqué une pénalité égale à 0,5 % du montant exécuté du marché public à la date de constatation du fait générateur ; (ii) en cas de non-respect des règles de sécurité et de protection des informations confidentielles impliquant des données à caractère personnel, il est appliqué une pénalité égale à 2 % du montant exécuté du marché public à la date de constatation du fait générateur.

L’article 24 prévoit la possibilité de conduire un audit de sécurité auprès du titulaire ou des sous-traitants de celui-ci afin de s’assurer du respect du niveau de sécurité requis par l’acheteur au sein des documents du marché, d’où l’importance de soigner la rédaction de ces documents.

Enfin, il est ajouté, à l’article 40, une clause sur les obligations relatives à la « maintenance en condition de sécurité », comprenant (i) le traitement des obsolescences et (ii) les obligations relatives à la livraison des correctifs de sécurité.

 

1.2. Interprétation restrictive de l’intérêt à agir d’un tiers au contrat dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne » portant sur la contestation de la validité d’un marché de maintenance de logiciel pour une association de promotion du logiciel libre

Tribunal administratif de Melun, 20 avr. 2021, n° 1804171

Le recours « Tarn-et-Garonne » ouvre à tout tiers à un contrat administratif un recours en contestation de la validité dudit contrat signé dès lors que ce tiers est susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou les clauses du contrat (Dpt Tarn-et-Garonne, n° 358994).

Dans la présente affaire, l’association « Free software foundation Europe » (ONG à but non lucratif militant pour le logiciel libre en Europe et aux Nations unies) contestait, dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne », la validité d’un marché conclu par le ministère des Armées portant sur le maintien des systèmes informatiques exploitant des produits de la société Microsoft.

Le contrat dont la validité était contestée ayant pour effet de limiter la diffusion du logiciel libre, cette association soutenait que son intérêt à agir résultait de son activité de défense du logiciel libre dans la mesure où son objet social est la promotion et la diffusion des logiciels libres afin de soutenir le libre-échange de savoirs et l’égalité des chances dans l’accès aux logiciels et à l’éducation populaire.

Par cette décision le Tribunal fait une interprétation restrictive de l’intérêt à agir en retenant que le contrat ne pouvait avoir pour effet de limiter la diffusion du logiciel libre alors que l’Administration était déjà utilisatrice des logiciels en question, sous la licence en cause.

 

2. Propriété intellectuelle afférente aux logiciels

2.1.    La protection des APIs par le copyright

Arrêt de la Cour suprême des États-Unis du 5 avril 2021 (n°18-956), Google LLC v. Oracle America Inc.

Le 5 avril dernier, la Cour suprême des Etats-Unis a rendu un arrêt d’ores et déjà devenu incontournable, après onze ans d’une saga judiciaire opposant Oracle à Google. Il était reproché à cette dernière l’utilisation, dans son système Android, de lignes de code de l’« interface de programmation applicative » (ou « API ») du logiciel Java Standard Edition d’Oracle.

Au soutien de sa demande d’indemnisation, qui s’élevait à plusieurs milliards de dollars, Oracle avait invoqué notamment le fait que cette API était protégée par le droit d’auteur.

Dans cette affaire, la question était donc celle de savoir si un code API était susceptible d’être protégé par le copyright (droit d’auteur américain). Etant précisé que le droit américain, comme le droit français, protège les logiciels par le système du copyright (équivalent du droit d’auteur en droit français) mais refuse cette protection aux idées, méthodes et découvertes.

Le code API est un ensemble de définitions et de protocoles qui facilite la création et l’intégration de logiciels en permettant la communication et l’échange de données entre plusieurs applications. Les API sont aujourd’hui devenues incontournables tant elles permettent l’interopérabilité entre systèmes d’information.

Oracle estimait ainsi que le code de l’API de Java était protégé par le copyright et, en conséquence, que son autorisation était requise pour le reproduire en tout ou partie au sein du système Android.

Sans totalement répondre à la question relative à la protection du code API par le copyright, la Cour suprême a rejeté les demandes d’Oracle, considérant que l’utilisation d’une partie du code API de Java par Google relevait de l’exception du fair use (« usage légitime ») dans la mesure où la reproduction en question n’intégrait que les lignes de code nécessaires.

Bien que cet arrêt ne tranche pas définitivement la question de savoir si le code API doit bénéficier de la protection au titre du coypright, il dessine un régime juridique relativement libéral, en laissant une certaine liberté de réutilisation aux acteurs du secteur, en vue d’assurer l’interfaçage de leurs applications.

 

2.2. Nature du régime de responsabilité applicable en cas de non-respect d’une licence de logiciel (responsabilité délictuelle ou contractuelle)

CA, Paris 19 mars 2021, n° 19/17493

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 18 décembre 2019 dans l’affaire IT Development SAS c. Free Mobile SAS, saisie d’une question préjudicielle posée par la Cour d’appel de Paris en 2018 dans une affaire similaire, et se prononce sur la nature de l’action en responsabilité en cas de non-respect d’une licence de logiciel.

Pour rappel, la décision de la CJUE avait considéré que, dans le cadre d’une action en responsabilité pour violation d’une licence d’utilisation d’un logiciel, le régime de responsabilité délictuelle ou contractuelle importait peu du moment que les garanties prévues par la directive 2004/48 étaient respectées. La Cour de justice laissait ainsi toute liberté aux législateurs nationaux sur le choix du régime de responsabilité applicable.

Dans la présente affaire, la société Entr’Ouvert invoquait le non-respect d’un contrat de licence à l’encontre de la société du fait de la mise à disposition à un de ses clients d’une bibliothèque logicielle éditée par la société Entr’ouvert sous licence libre GNU GPL (Version 2). Estimant que les termes de cette licence avaient été violés, la société Entr’Ouvert a agi en responsabilité contre la société Orange, en fondant l’ensemble de ses demandes sur la responsabilité délictuelle au titre d’actes de contrefaçon, sans mettre en jeu la responsabilité contractuelle de la société Orange, et se prévalait pour cela, devant la Cour d’appel, de l’arrêt de la CJUE du 18 décembre 2019.

Logiquement, la société Orange a, de son côté, opposé l’irrecevabilité des demandes fondées sur la contrefaçon en application du principe de non-cumul des responsabilités délictuelle (contrefaçon) et contractuelle.

Dans cette même affaire, le TGI de Paris avait, en 2019, tranché en faveur de l’application du principe du non-cumul, considérant que les demandes fondées sur la contrefaçon étaient irrecevables. Cette décision s’est ainsi inscrite dans la droite ligne de la position qui était déjà celle de la Cour d’appel de Paris en 2016 dans une autre affaire (arrêt du 10 mai 2016, n° 14/25055). 

Saisie en appel de cette décision, la Cour d’appel de Paris a fourni son analyse de la portée à donner à cette décision de la CJUE. Elle a considéré que la décision de la CJUE « ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et la conséquence qui en découle de l’exclusion de la responsabilité délictuelle au profit de la responsabilité contractuelle dès lors que les parties sont liées par un contrat et qu’il est reproché la violation des obligations de celui-ci ».

Par conséquent, elle considère que « lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, alors seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités ».

Dès lors, la demande de la société Entr’Ouvert, qui était fondée sur la seule responsabilité délictuelle, a été déclarée irrecevable dans la mesure où elle avait été fondée sur un contrat de licence et qu’elle s’était prévalue de la violation des clauses de ce contrat.

Il en résulte que toute action en responsabilité fondée sur le non-respect d’un contrat de licence ne peut être formée que sur le fondement d’une responsabilité contractuelle.

 

3. Contrats informatiques

3.1.   Vices du consentement

CA, Nancy 7 avril 2021, n° 19/02615

Dans cette affaire, une société cliente a conclu avec un prestataire informatique un contrat de licence et de maintenance d’un logiciel de gestion.

Constant que ce logiciel ne lui permettait pas d’exploiter les fichiers clients présents dans son ancien logiciel, cette société a agi en nullité du contrat sur le fondement de son erreur (article 1110 du Code civil), invoquant le fait qu’en cas d’acquisition d’un nouveau logiciel informatique, la reprise des données de l’ancien logiciel constituait un élément essentiel du contrat pour l’acquéreur.

In fine, elle reprochait à son prestataire informatique de ne pas l’avoir avertie de l’impossibilité du transfert des fichiers présents dans son ancien logiciel sur le nouveau logiciel préalablement à la conclusion du contrat.

La Cour d’appel de Nancy a confirmé ici la position du Tribunal de commerce de Nancy et a rejeté cette demande, constatant que :

    • Les devis transmis par le prestataire n’incluaient pas de prestation quant au transfert des fichiers ;
    • Le catalogue commercial du prestataire mentionnait expressément que cette prestation était optionnelle ;
    • La société cliente ne rapportait pas la preuve que ce transfert constituait une condition déterminante de son consentement, ce sujet n’ayant jamais été évoqué dans les échanges entre les parties avant l’acceptation des devis ;
    • Le logiciel fourni n’était pas pour autant inutilisable dans ses fonctionnalités.

La Cour en a déduit qu’il n’y avait pas eu, en l’espèce, d’erreur sur les qualités essentielles du logiciel.

 

3.2.   L’obligation de délivrance conforme

  • Obligation de délivrance d’un logiciel conforme à la règlementation

Cass. com., 9 décembre 2020, n° 19-10.119

La Cour de cassation rappelle ici que le manquement du fournisseur de logiciel à son obligation de délivrance conforme peut résulter d’une non-conformité dudit logiciel à la réglementation.

En l’occurrence, il est légalement requis des offices d’huissiers de justice d’utiliser un logiciel de comptabilité dont la conformité aux prescriptions d’un arrêté du 31 mai 2011 et de ses annexes a été attestée.

Ainsi, l’absence de conformité d’un logiciel de comptabilité à cet arrêté rend le logiciel non conforme à l’usage auquel il est destiné, peu important le fait que le client n’ait pas semblé gêné par l’absence d’homologation de ce logiciel lorsqu’il a signé le contrat.

  • Obligation de délivrance conforme : obligation de résultat ou de moyens ?

CA, Caen 22 avril 2021, n° 19/00629

La Cour d’appel de Caen rappelle dans cet arrêt que l’obligation de délivrance conforme, s’agissant d’un logiciel, en tant que produit complexe, « s’entend de l’installation et du paramétrage du logiciel conformément aux besoins de l’acheteur tels qu’ils résultent des spécifications contractuelles ». La Cour ajoute, en outre, que « le prestataire informatique est tenu d’une obligation de résultat portant sur la livraison d’un logiciel conforme aux prévisions contractuelles ».

En l’espèce, il s’agissait d’un contrat de prestation informatique ayant pour objet le remplacement d’un progiciel par une version plus récente. Or, le fonctionnement du nouveau logiciel supposait la récupération des données de la version précédente. Cette prestation avait été confiée à un tiers par le client.

Ainsi, le fonctionnement du logiciel selon la spécification contractuelle dépendait en grande partie d’une opération menée en collaboration entre le prestataire informatique, le client et le prestataire tiers chargé de la récupération des données.

Considérant que le succès de l’installation dépendait donc de la collaboration active du client et du prestataire tiers, avec le prestataire informatique, les juges en ont déduit que ce dernier ne pouvait pas être tenu d’une obligation de résultat.

Il appartenait alors au client de prouver que les dysfonctionnements dont il faisait état étaient en réalité imputables à une défaillance du logiciel vendu, et non à la carence du prestataire tiers chargé de la récupération des données, ce qui n’a pas été établi en l’espèce.

CA, Paris, 3 juillet 2020, n° 18/09507

A propos d’un contrat relatif à l’amélioration du référencement en ligne et sur les réseaux sociaux du client, la Cour d’appel de Paris précise qu’à défaut de quantification des objectifs à atteindre, le prestataire n’a souscrit qu’une simple obligation de moyens.

Dès lors, le client ne pouvait invoquer l’insatisfaction quant au résultat des actions accomplies ou le retard dans les livraisons pour se soustraire à son obligation de payer les honoraires stipulés forfaitairement et qui n’étaient pas contractuellement assujettis aux résultats effectivement obtenus.

Tribunal de commerce de Vienne, 21 janvier 2021

L’affaire portée devant le Tribunal de commerce de Vienne était relative à l’exécution d’un contrat de fourniture d’un logiciel spécifique afin d’automatiser certaines tâches et optimiser la gestion opérationnelle sociale et comptable de la société cliente.

La société cliente avait établi un cahier des charges détaillant ses besoins spécifiques, sur la base duquel le prestataire informatique avait construit sa proposition commerciale, puis développé le logiciel commandé.

Face aux dysfonctionnements et incohérences de fonctionnement invoqués par la cliente et constatant la méfiance qui s’était installée entre les cocontractants, le prestataire a mis fin à leur collaboration en invitant la cliente à finaliser les développements complémentaires de l’application avec un autre développeur plus adapté.

La cliente a alors agi en responsabilité contractuelle de son prestataire, sur le fondement d’un manquement à son obligation de délivrance, demandant également la résolution du contrat ainsi que le versement de dommages-intérêts.

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, qu’en matière de logiciel spécifique, le prestataire est tenu d’une obligation de résultat de délivrer un produit conforme aux spécifications détaillées dans le cahier des charges et constate, en l’espèce, que le prestataire avait ici manqué à son obligation de délivrance conforme, d’autant plus que la recette de l’application n’avait jamais été acquise.

Toutefois, ces manquements n’étaient pas, pour les juges, d’une gravité suffisante pour emporter la résolution du contrat.

Seuls des dommages-intérêts à hauteur de 8.000 euros ont donc été alloués au titre des manquements constatés.

  • L’obligation de délivrance conforme : la fourniture d’un logiciel standard ne comprend pas toujours son installation sur l’ordinateur du client

Cass. com.,6 janvier 2021 n° 19-17.413

Se plaignant de dysfonctionnements affectant les deux logiciels standards commandés, concernant le paramétrage et la saisie, la société cliente a assigné son prestataire en responsabilité. La Cour de cassation, confirmant la Cour d’appel de Caen, rejette cette demande, estimant que l’obligation de délivrance conforme avait été exécutée par le prestataire.

La Cour de cassation estime que, s’agissant de logiciels standards, l’installation et le paramétrage des logiciels, non visés dans le devis ou la facture, n’entraient pas dans le champ contractuel. De sorte que l’obligation du prestataire ne couvrait finalement que la livraison des logiciels.

En ce sens, la présente décision tranche avec l’arrêt de la Cour d’appel de Caen en avril 2021 (cf. ci-avant) qui a, quant à lui, retenu que l’obligation de délivrance conforme d’un logiciel s’entendait de l’installation et du paramétrage conformément aux besoins de l’acheteur tels qu’ils résultaient des spécifications contractuelles, dès lors que le logiciel est un produit complexe.

Il est donc permis de déduire que la présente espèce s’applique aux logiciels standards, autrement dénommés « progiciels » qui, contrairement aux logiciels développement spécifiquement pour un client, ne constituent pas des produits complexes.

  • Indemnisation du client

CA, Paris 26 juin 2020, n° 17/20843

Pour la réparation de la mauvaise exécution de son obligation de délivrance conforme par un prestataire informatique, la Cour d’appel de Paris retient les préjudices suivants :

    • Le remboursement de l’ensemble des factures réglées par la cliente audit prestataire sans réelle contrepartie ;
    • Le remboursement des coûts externes inutilement engagés après la conclusion du contrat auprès de tiers pour l’assistance, la gestion de projet, le développement et le paramétrage ;
    • Le remboursement des coûts internes liés aux salaires des employés dans le projet ;
    • Le remboursement du manque à gagner, dans la mesure où le projet devait générer des économies de coût substantielles et assurer le développement de son activité, soit une année de retour sur investissement.

Au total, l’indemnisation de la société cliente s’élève ainsi à 1.948.074 euros (complétée de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile).

En revanche, le préjudice moral invoqué par la cliente en raison de la large communication sur le projet auprès de ses clients et fournisseurs est écarté à défaut d’éléments probants sur ce point.

 

3.3. L’obligation de conseil du prestataire informatique

CA, Lyon 24 septembre 2020, n° 18/00258

La Cour d’appel de Lyon constate le manquement du prestataire informatique à son obligation de conseil dès lors qu’il ne s’était pas suffisamment renseigné sur l’ensemble des besoins effectifs de son futur client afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation du progiciel standard et des modules à l’utilisation qui en était prévue.

En effet, si une documentation avait bien été fournie au client, celle-ci se limitait à une présentation fonctionnelle détaillée destinée à l’ensemble des potentiels clients et ne prenait donc pas en compte les besoins spécifiques de son client.

En tout état de cause, les juges ont relevé que le prestataire reprochait à son client de ne pas avoir exprimé ses besoins spécifiques préalablement et de ne l’avoir fait qu’après l’installation du logiciel, ce qui ne pouvait que confirmer que le prestataire ne s’était lui-même pas renseigné préalablement au contrat. 

CA, Nancy 26 février 2021, n° 18/09828

La Cour d’appel condamne ici un prestataire informatique au titre d’un manquement grave à ses obligations contractuelles dans le cadre d’un ensemble de trois contrats par lequel la société cliente lui avait confié la gestion et la maintenance de son réseau informatique.

Parmi les inexécutions imputables au prestataire, les juges constatent un manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde dès lors que ce dernier n’avait pas alerté sa cliente sur la vétusté de son matériel de nature à compromettre la bonne exécution des prestations de maintenance.

Il est intéressant de noter que pour l’indemnisation de la société cliente, les juges ont tenu compte de son préjudice moral. En effet, les inexécutions du prestataire ont affaibli le crédit de la société cliente auprès de sa clientèle, la rigueur attendue dans l’exécution des prestations d’expertise comptable au regard des obligations déclaratives en matière fiscale et sociale notamment étant incompatible avec un réseau informatique non sécurisé, des données non sauvegardées et un système d’exploitation obsolète.

L’affaiblissement de la confiance de la clientèle était, en l’espèce, attestée par des témoins, dont certains avaient eu à subir une exposition à des pénalités liées au retard dans les obligations déclaratives sociales et fiscales confiées à leur expert-comptable.

Ce préjudice moral a été évalué à 5.000 euros.

 

3.4.   L’obligation de collaboration du client

CA, Paris 19 mars 2021, n° 17/20062

Une société souhaitait confier à un prestataire informatique le maintien et l’évolution de son ERP ainsi que la mise en place de futures évolutions mineures et majeures. Préalablement à l’établissement de sa proposition commerciale, le prestataire a réalisé un audit mettant en évidence plusieurs risques et préconisant notamment le maintien et l’évolution de l’ERP tout en assurant la mise en place de futures évolutions, afin d’assurer une migration progressive.

La proposition commerciale ayant été acceptée, cette solution a été contractualisée.

Or, cette solution nécessitait que la société cliente fournisse la base historique du support réalisé par le précédent prestataire, mais également mette en œuvre la charge en personnel et prévoie un budget nécessaire à l’adaptation, ce qu’elle n’a pas fait.

A défaut d’avoir exécuté ses obligations, les juges ont constaté que la cliente n’avait pas fourni à son prestataire les moyens d’exécuter sa mission. De sorte que la rupture des relations contractuelles n’étaient pas imputables au prestataire.

CA, Rennes 23 mars 2021, n° 19/00243

Dans le cadre d’un contrat de développement spécifique, la société cliente était tenue d’une obligation de collaboration afin de permettre au prestataire informatique d’ajuster au fur et à mesure ses produits.

La Cour d’appel ne manque pas de rappeler, toutefois, que « seul le prestataire est à même de comprendre si les informations qui lui sont fournies sont suffisantes pour lui permettre de poursuivre sa mission ou si au contraire, la collaboration de son client est inadaptée et insuffisante ».

En conséquence, il lui appartient, « s’il estime que les renseignements fournis par son client sont contradictoires, confus, ou incomplets, de l’en avertir dans les plus brefs délais en lui expliquant précisément ce qu’il attend de lui et en lui demandant de corriger ses méthodes ».

En l’espèce, le prestataire n’était pas en mesure de rapporter la preuve du caractère insuffisant, confus ou inefficace des informations fournies par la société cliente.

De sorte que le prestataire ne pouvait s’exonérer de ses manquements résultant du non-respect du calendrier, qui avait été contractuellement rendu impératif afin de permettre l’exploitation de l’application (dans sa version prototype) pour la saison estivale.

N’ayant pu exploiter l’application durant la période estivale, la société cliente réclamait la réparation, à hauteur de 100.000 euros, de son préjudice lié à la perte de chance de lever des fonds pour développer la version définitive de l’application.

La Cour d’appel de Rennes relève, cependant, que la perte de chance était, en l’espèce, « très hypothétique compte tenu de l’incertitude tenant tout à la fois aux réactions du public concerné qu’à celles des investisseurs ». Elle accorde donc une indemnisation de 5.000 euros au titre de la perte de chance.

Il est intéressant de noter, par ailleurs, que la Cour a refusé de tenir compte d’un rapport d’expertise unilatéral, estimant que « le prendre en considération reviendrait à s’appuyer uniquement sur lui pour l’aspect technique du dossier, ce qui violerait le principe du contradictoire ».

 

3.5.   Poursuite forcée du contrat

CA, Paris 31 mars 2021, n° 21/02172

Dans cette affaire, les parties étaient liées par des contrats de licence successifs (les contrats étaient à durée déterminée), depuis 22 ans, portant sur des logiciels mainframe.

Invoquant des retards successifs et répétés, et face au refus de sa cliente d’accepter de nouvelles conditions de paiement, le fournisseur des logiciels décide de résilier de manière anticipée le contrat de licence à durée déterminée, prévoyant un préavis de 6 mois. Ce délai a ensuite été prolongé pour une nouvelle durée additionnelle de six mois (jusqu’au 30 juin 2021), dans le cadre de pourparlers.

La cliente a saisi le juge des référés, sur le fondement du dommage imminent, estimant que le délai de préavis était insuffisant.

La Cour d’appel a ordonné la poursuite du contrat pour une année supplémentaire (jusqu’au 30 juin 2022), compte-tenu de la spécificité des logiciels mainframe du prestataire et de leur grande interdépendance avec les applications de la cliente rendant complexe, long et coûteux leur remplacement, et au regard de la dépendance croissante de la cliente à l’égard des logiciels de son fournisseur depuis 22 ans.

 

3.6. Responsabilité contractuelle du prestataire : les reproches formulés tardivement par le client ne sont pas pris en compte

CA, Grenoble 29 avril 2021, n° 19/01179

Une société cliente s’opposait au règlement des factures émises par son prestataire informatique en exécution d’un contrat de licence et d’un contrat de maintenance de logiciel. La cliente invoquait pour cela des dysfonctionnements du logiciel rendant impossible l’utilisation du logiciel.

Toutefois, la Cour relève que ces dysfonctionnements n’avaient pas été soulevés par la cliente en cours d’exécution du contrat, ni au moment de son renouvellement, alors que, de son côté, le prestataire justifiait être intervenu en mettant à jour le logiciel, et en vérifiant les codes et droits d’accès.

En conséquence, la société cliente a été condamnée au règlement des factures de son prestataire.

 

4. Procès-verbal de recette et recette tacite

CA, Lyon 11 juin 2020, n° 18/03212

CA, Douai 24 septembre, n° 18/06275

Dans la première affaire, une société cliente invoquait diverses non-conformités du site internet commandé pour demander la résolution du contrat de développement. Pour s’opposer à cette demande, le prestataire invoquait notamment un procès-verbal de réception signé par la cliente.

Toutefois, ce procès-verbal était relatif à la réception de l’espace d’hébergement et non à la réception du site internet et ne pouvait donc pas constituer une reconnaissance de la conformité du site internet de la part de la cliente. Ce procès-verbal ne pouvait donc pas être opposé aux demandes de la société cliente, fondées sur la non-conformité du site internet.

La solution est strictement la même dans la seconde affaire qui, au demeurant, mettait en cause le même prestataire.

Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, 16 novembre 2020

Pour retenir la bonne exécution de ses obligations par le prestataire informatique, dans le cadre d’un contrat relatif au développement d’un site de e-commerce, les juges relèvent non seulement que la réalisation de la prestation avait été constatée par procès-verbal, mais également que la cliente n’avait pas mis son prestataire en demeure, « ce qui laisse présager que la livraison a bien été effectuée ».

Le silence de la cliente a donc permis aux juges de constater la bonne recette des livrables, marquant à nouveau l’importance pour les clients de signaler (rapidement) par écrit les éventuels dysfonctionnements postérieurs à un éventuel procès-verbal de réception.

 

5. Méthode Agile : les difficultés font partie de la méthode !

Tribunal de commerce de Paris, 7 octobre 2020 

Cette affaire, déjà évoquée dans la LAJ #114, impliquait une société qui avait sollicité un prestataire informatique pour le développement de deux applications mobiles et un site web pour la gestion de la santé des animaux et leur rencontre, selon les principes de la méthode Agile, c’est-à-dire sans cahier des charges exprimant les besoins du client, cette méthode se caractérisant par un développement construit au fur et à mesure des échanges entre le prestataire et le client.

Reprochant des lenteurs de livraison et de nombreux dysfonctionnements des applications mobiles, la société cliente a décidé de mettre fin à sa relation contractuelle avec son prestataire et a sollicité le remboursement des factures réglées ainsi que l’indemnisation de son préjudice.

Les juges ont refusé de faire droit à sa demande, estimant, au contraire, que le premier prestataire avait correctement exécuté ses obligations, compte tenu du choix de la méthode Agile pour les développements, qui impliquait, par définition, des erreurs, des réponses parfois tardives et des difficultés à s’accorder sur les prestations.

Etant précisé, en outre, que la société cliente avait, en l’espèce, signé un procès-verbal de recette sans réserve et n’avait pas émis d’observations.

 

6. Expertises 

CA, Chambéry, 26 janvier 2021, n° 19/00143

L’expert judiciaire doit accomplir sa mission « avec conscience, objectivité et impartialité » (article 237 du Code de procédure civile). A cet égard, les juges ont rappelé, dans cette affaire, que l’existence d’un conflit d’intérêts constitue un manquement de l’expert à son obligation d’impartialité pouvant justifier une annulation de son rapport.

La Cour a rappelé que le conflit d’intérêt correspond à « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Or, en l’espèce, l’expert judiciaire nommé par la juridiction et l’expert amiable assistant l’une des parties étaient co-actionnaires d’une même société de conseil en informatique. De plus, l’expert judiciaire avait suivi une note technique de son associé sur un sujet déterminant, ce qui rendait légitime à penser que le principe de loyauté entre associés (affectio societatis) pourrait avoir influencé l’expert judiciaire.

Les juges ont, en outre, relevé que la relation d’associés n’avait pas été révélée au début des opérations d’expertise.

En conséquence, l’expertise est annulée sur la partie technique (la partie financière, réalisée sans l’intervention de l’expert privé, ayant été maintenue). La Cour vient toutefois préciser que bien qu’ayant perdu sa valeur expertale, cette partie du rapport peut tout de même être utilisée par le juge comme une pièce, concluant que « les constatations objectives faites par l’expert peuvent ainsi être exploitées, si elles sont corroborées par d’autres pièces ou si elles ne sont pas contredites par des pièces contraires ».

Cass. com., 9 décembre 2020 n° 19-17.291

La Cour de cassation confirme qu’il est possible pour les juges du fond de fonder leur décision sur un rapport d’expertise non contradictoire, dès lors que les juges ne se fondent pas exclusivement sur ce rapport, ce qui était bien le cas en l’espèce.

 

 

Sara BEN ABDELADHIM  et Audrey LEFEVRE

 

Un PSMV ne peut pas interdire de manière générale et absolue les modifications des immeubles situés dans son périmètre

Par une décision en date du 22 juillet dernier, le Conseil d’Etat a apprécié les nouvelles dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme relatif aux plans de sauvegarde et de mise en valeur a jugé illégales les interdictions générales et absolues de modification des immeubles situés dans le périmètre de ces plans.

Dans cette affaire, le Maire de Versailles a refusé de délivrer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé 9, place Hoche à Versailles, dans le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune et identifié par ce plan parmi les immeubles « à conserver », un permis de construire dans la cour de l’immeuble un ascenseur à structure métallique. Le refus de permis de construire était motivé par deux motifs, notamment celui tiré de ce que l’adjonction d’un volume au bâti existant contrevenait à l’objectif de préservation du bâti, dont la modification ou l’altération est interdite selon l’article 3 de ce plan.

En effet, l’article 3 du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune prévoyait que « la conservation de ces immeubles est impérative : par suite, tous travaux effectués sur un immeuble ne peuvent avoir pour but que la restitution de l’immeuble dans son état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec son état primitif ».

Les juridictions de première instance et d’appel ont rejeté la demande du syndicat tenant à l’annulation de l’arrêté attaqué, en jugeant que les dispositions de l’article 3 susmentionnées étaient conformes aux dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme alors en vigueur, aux termes desquelles :

« La révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur a lieu dans les mêmes formes que celles prévues pour son élaboration. 

III. – Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut comporter l’indication des immeubles ou des parties intérieures ou extérieures d’immeubles :

1° Dont la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales ;

2° Dont la démolition ou la modification peut être imposée à l’occasion d’opérations d’aménagement publiques ou privées ».

Telle n’est pas la position retenue par le Conseil d’Etat qui, tout en apportant des précisions sur l’appréciation des dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme, a jugé que le requérant était fondé à soutenir que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a jugé que, si antérieurement à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme prévoyaient que les plans de sauvegarde et de mise en valeur comportaient notamment l’indication des immeubles ou parties d’immeubles « dont la démolition, l’enlèvement, la modification ou l’altération sont interdits », tel n’est plus le cas des dispositions de cet article modifiées par ladite loi.

Le Conseil d’Etat a ainsi considéré, au regard des nouvelles dispositions et des travaux parlementaires, que « si les plans de sauvegarde et de mise en valeur peuvent identifier les immeubles ou parties intérieures ou extérieures d’immeubles dont la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales, ils ne peuvent désormais en interdire toute modification de façon générale et absolue ».

Nouveautés réglementaires en matière d’évaluation environnementale et de participation du public

Le décret d’application de la loi du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 et 2016-1060 du 3 août 2016 relatives, pour la première, à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et, pour la seconde, portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, est paru au journal officiel le 30 juin 2021. Il entraîne diverses évolutions réglementaires relatives à l’évaluation environnementale et à la participation du public. Plusieurs de ces évolutions sont particulièrement notables.

La première d’entre elles est la modification de la nomenclature relative à l’évaluation environnementale (annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement). Sont en effet ajoutées à la rubrique 1° (installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE) s’agissant des projets soumis à évaluation environnementale de manière systématique les nouvelles catégories suivantes :

  1. Usines intégrées de première fusion de la fonte et de l’acier ;
  2. Installations d’élimination des déchets dangereux ;
  3. Installations destinées à l’extraction de l’amiante ainsi qu’au traitement et à la transformation de l’amiante et de produits contenant de l’amiante, à la production d’amiante et à la fabrication de produits à base d’amiante.

Est également modifiée la rubrique 44 d) relative aux équipements sportifs, culturels ou de loisirs, au sein de laquelle sont réintroduits, dans les projets soumis à examen au cas par cas, les équipements culturels (qui n’y apparaissaient plus depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes).

S’agissant également des projets relevant d’un examen au cas par cas, une annexe à l’article R. 122-3-1 du Code de l’environnement est créée, laquelle détaille les critères permettant de déterminer si les incidences d’un projet sur l’environnement ou la santé peuvent être qualifiés de « notables » conduisant ainsi à soumettre le projet à évaluation environnementale à l’issu de cet examen. Il s’agit d’une transposition des critères prévus par la directive européenne 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ; seuls quelques ajouts et précisions non substantiels par rapport à la Directive sont apportés par cette nouvelle annexe.

L’article R. 122-5 du Code de l’environnement relatif au contenu du dossier d’évaluation environnemental fait également l’objet de plusieurs modifications.

Est ainsi désormais précisé au sein de cet article que l’avis délivré, le cas échéant, par l’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation du projet, portant sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans l’étude d’impact, doit nécessairement être pris en compte dans la préparation de ladite étude.

Des précisions ont également été apportées s’agissant de l’obligation pour le pétitionnaire de prendre en compte le cumul des incidences avec d’autres projets existants ou approuvés. Sont ainsi désormais définies les notions de « projet existant » et de « projet approuvé », de la façon suivante :

  • Pour les projets existants, ceux qui « lors du dépôt du dossier de demande comprenant l’étude d’impact, ont été réalisés» ;
  • Pour les projets approuvés, ceux qui « lors du dépôt du dossier de demande comprenant l’étude d’impact, ont fait l’objet d’une décision leur permettant d’être réalisés ».

Est en outre introduite à l’article R. 122-5 une obligation pour le maître d’ouvrage de tenir compte, le cas échéant, « des résultats disponibles d’autres évaluations pertinentes des incidences sur l’environnement requises au titre d’autres législations applicables ».

L’article intègre enfin une modification sémantique, l’ancien « état actuel de l’environnement » dénommé « scénario de référence » étant désormais appelé « état initial de l’environnement ». Cette clarification apparaît bienvenue, la notion de « scenario de référence » ayant été source de confusion pour les maîtres d’ouvrage. 

Une autre évolution sémantique notable est introduite à l’article R. 122-20 du Code de l’environnement relatif au contenu du résumé non technique du rapport environnemental prévu dans le cadre de l’évaluation environnementale. La notion d’« effets » est ainsi remplacée par celle d’« incidences ».

Des précisions et clarifications ont également été apportées aux procédures communes d’évaluation environnementale avec la création de trois nouveaux articles détaillant les conditions dans lesquelles une telle procédure commune peut être mise en œuvre. Les articles R. 122-26 à R. 122-26-2 font ainsi désormais l’objet d’une sous-section dans le Code de l’environnement, visant différentes hypothèses dans lesquelles une procédure commune peut être mise en œuvre (lorsque plusieurs plans, programmes ou projets font l’objet d’une adoption, d’une approbation ou encore d’une autorisation concomitante) et, notamment, les conséquences que cela entraîne en termes d’avis rendus par l’autorité environnementale.

Enfin, diverses précisions relatives à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement sont apportées par le décret. Parmi celles-ci, relevons notamment la modification de l’article R. 123-8 du Code de l’environnement relatif à la composition du dossier d’enquête qui prévoit désormais de faire figurer dans le dossier la mention, le cas échéant, qu’une décision implicite a été prise en matière de décision après examen au cas par cas, là où, auparavant, l’article ne visait que « la décision prise après examen au cas par cas ».

L’ensemble de ces nouvelles dispositions est entré en vigueur le 1er août 2021, et s’appliquent dès lors pour les demandes d’autorisation déposées après cette date. Les anciennes dispositions du Code continuent de s’appliquer pour les demandes déposées avant cette date.

TRVE : publication des barèmes des TRVE applicables aux consommateurs ainsi que des nouveaux tarifs de cession de l’électricité aux ELD

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité Jaunes et Verts applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale

 

Publication des barèmes de tarifs réglementés de vente d’électricité applicables par EDF aux consommateurs :

 

Pour rappel, deux types d’offres d’énergie co-existent : 

  • Les tarifs réglementés de vente (ci-après, les TRV), dont les prix sont fixés par les pouvoirs publics, et que seuls peuvent proposer les fournisseurs historiques (EDF en électricité, Engie en gaz naturel et, sur leur périmètre de desserte historique, les entreprises locales de distribution) ;
  • Les offres de marché, dont les prix sont déterminés dans le contrat, et qui sont proposées par tous les fournisseurs.

Et, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (loi dite « Energie Climat») est venue modifier les catégories de consommateurs résidentiels et professionnels éligibles aux tarifs réglementés de vente en gaz et en électricité, dont le nombre de bénéficiaires ne cesse de se réduire[1].

Ainsi, les tarifs règlement de vente d’électricité (TRVE) ont été supprimés le 1er janvier 2021 pour les entreprises et professionnels ayant une puissance de compteur inférieure ou égale à 36 kVA, à l’exception des microentreprises, ce qui a, selon la CRE, permis de développer la concurrence sur le territoire du fournisseur principal mais pas sur celui des ELD[2].

Dans ce contexte, et conformément à la délibération de la CRE n° 2021-226 du 8 juillet 2021 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité, 4 séries de barèmes des TRVE ont été publiées dans 4 décisions du 29 juillet 2021 parues au JO du 31 juillet 2021 :

  • les barèmes des tarifs règlementés applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale ;
  •  les barèmes des tarifs règlementés applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale ;
  •  les barèmes des tarifs règlementés non interconnectées au réseau métropolitain continental ;
  •  les barèmes des tarifs règlementés jaunes [3] et verts[4] applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale.

A la lecture de ces barèmes, on constate que les TRVE ont augmentés.

Dans sa délibération du 8 juillet 2021 susvisée, la CRE précise par exemple que s’agissant des tarifs réglementés de vente d’électricité en France métropolitaine continentale, est opérée une évolution du niveau moyen des TRVE de +1,05 % HT (soit 1,34 €/MWh ou 0,47 % TTC) et qui se décompose en :

  • + 1,08 % HT soit + 1,37 €/MWh ou + 0,48 % TTC, pour les tarifs bleus résidentiels ;
  • + 0,84 % HT soit + 1,10 €/MWh ou + 0,38 % TTC, pour les tarifs bleus professionnels.

 

Publication des nouveaux tarifs de cession de l’électricité par EDF aux ELD :

 

On rappellera que les tarifs de cession permettent aux ELD de s’approvisionner auprès d’EDF en électricité pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) et, pour celles desservant moins de 100 000 clients, pour la fourniture de leurs pertes réseau. Le législateur a ainsi institué au profit des ELD ce mécanisme préférentiel dérogatoire des « tarifs de cession » applicables exclusivement lorsque celles-ci achètent l’électricité en vue de la revendre aux TRVE mais aussi pour l’approvisionnement des pertes d’électricité sur leurs réseaux[5].

Et, tel que prévoit l’article L. 337-10 du Code de l’énergie, c’est à la CRE qu’il revient de transmettre au ministre de l’Économie ses propositions motivées de tarifs de cession.

C’est ainsi que, par délibération n° 2021-227 du 8 juillet 2021[6], la CRE a formulé sa proposition de tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution, entérinée par la décision ici commentée du 29 juillet 2021.

Cette évolution du tarif de cession occasionne, conformément à la proposition de la CRE et telle que cette dernière le relève dans la délibération précitée, une hausse moyenne de 0,31 €/MWh HT.

 

 

 

[1] Retrouvez notre analyse des conséquences de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat sur les TRV ici : https://www.seban-associes.avocat.fr/loi-energie-climat-regulation-et-tarification-des-secteurs-de-lelectricite-et-du-gaz/?id=98954

[2] Retrouvez ici notre commentaire de la délibération de la CRE du 18 mars 2021, Délibération n° 2021-84 portant communication sur le déroulé des échéances relatives à la fin partielle des tarifs réglementés de vente d’électricité et à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz naturel : https://www.seban-associes.avocat.fr/point-detape-sur-la-fin-partielle-des-tarifs-reglementes-de-vente-delectricite-et-a-la-suppression-des-tarifs-reglementes-de-vente-de-gaz-naturel/

[3] Le « Tarif Jaune » destiné aux consommateurs non résidentiels situés en France métropolitaine tels que définis à l’article L. 337-7 du code de l’énergie, pour leurs sites raccordés en basse tension (tension de raccordement inférieure ou égale à 1 kV), dont la puissance maximale souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA et dont le dispositif de comptage permet les dépassements de puissance, est en extinction.

[4] Le « Tarif Vert » est proposé aux consommateurs tels que définis à l’article L. 337-7 du code de l’énergie pour leurs sites raccordés en haute tension, situés en France métropolitaine continentale, dont la puissance maximale souscrite est inférieure ou égale à 36 kilovoltampères ou 33 kilowatts selon l’unité dans laquelle les puissances sont souscrites.

[5] Retrouvez plus de précisions sur les tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution ici : https://www.seban-associes.avocat.fr/publication-des-nouveaux-tarifs-de-cession-de-lelectricite-par-edf-aux-eld/

[6] Ladite délibération est disponible ici : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043877909

Raccordement au réseau de distribution d’électricité : publication d’un arrêté ainsi que d’une décision en faveur du développement des énergies renouvelables

Décision du 16 juillet 2021 portant sur l’optimisation du dimensionnement des postes de transformation du courant de haute ou très haute tension en moyenne tension pour le raccordement au réseau de distribution des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables

 

Arrêté du 12 juillet 2021 : les producteurs d’énergie renouvelable ont la possibilité de demander une offre alternative de raccordement

 

Pour rappel, l’article D. 342-23 du Code de l’énergie prévoit que le raccordement des installations de production d’énergies renouvelables au réseau de distribution d’électricité se fait selon une solution de raccordement de référence sur le poste le plus proche, proposée par le gestionnaire du réseau.

Désormais, l’arrêté du 12 juillet 2021 prévoit que les producteurs d’énergie renouvelables ou le demandeur du raccordement peuvent solliciter du gestionnaire de réseau une offre alternative de de raccordement à l’offre de référence dont la puissance garantie en injection est inférieure à la puissance de raccordement demandée.

L’instauration de cette offre alternative, qui se veut moins onéreuse et plus rapide d’installation selon le Ministère de la transition écologique[1], a pour but d’encourager le déploiement des installations de production d’énergies renouvelables sur le territoire.

Toutefois, cette possibilité est strictement encadrée.

D’une part, l’injection de l’offre de raccordement alternatif doit respecter les seuils suivants (article 1 de l’arrêté) :

  • La puissance minimale non garantie en injection est inférieure ou égale à 30 % de la puissance de raccordement demandée ;
  • L’énergie écrêtée annuellement ne dépasse pas 5 % de la production annuelle de l’installation raccordée.

D’autre part, pour les réseaux desservant plus de 100 000 clients et dans les zones interconnectées au réseau métropolitain continental, le gestionnaire de réseau ne peut proposer que des offres alternatives pour lesquelles (article 3 de l’arrêté) :

  • Le total de la puissance contractuellement non garantie en injection est inférieur à 1 % de la capacité globale des énergies renouvelables raccordées à son réseau au jour de l’offre de raccordement ;
  • L’énergie maximale contractuellement écrêtable sur un an est inférieure à 0,1 % de la production des énergies renouvelables raccordées à son réseau constatée l’année précédente.

 

Décision du 16 juillet 2021 : possibilité pour les gestionnaires de réseau de proposer des offres de raccordement intégrant l’optimisation des postes de transformation

 

Toujours en matière de raccordement des installations de production d’énergies renouvelables au réseau de distribution électrique, le Ministère de la transition écologique a publié une décision le 16 juillet dernier, permettant elle aussi le développement des énergies renouvelables et des flexibilités.

Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’article 61 de la loi du 8 novembre 2019 (loi « Energie-climat »[2]), laquelle prévoit la possibilité pour l’autorité administrative ou la Commission de régulation de l’énergie (CRE) d’« accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents ».

C’est ainsi que, par dérogation à l’article D. 342-23 précité du Code de l’énergie, la décision ici commentée prévoit qu’Enedis peut, à titre expérimental, proposer des offres de raccordement au réseau intégrant l’optimisation des postes de transformation du courant de haute ou très haute tension en moyenne tension.

Ainsi, ces offres de raccordement intègrent la possibilité que l’injection d’électricité puisse être limitée en raison de cette optimisation.

 

 

[1] Publication du Ministère de la transition écologique sur site relatif à la signature de l’arrêté du 12 juillet 2021 : https://www.ecologie.gouv.fr/energies-renouvelables-barbara-pompili-signe-arrete-faciliter-leur-raccordement-aux-reseaux-publics

[2] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

Loi ASAP : publication du décret d’application en matière d’environnement

La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (dite loi « ASAP ») a été publiée au journal officiel le 8 décembre 2020. Ses décrets d’application sont en cours de publication. Ainsi, le décret n° 2021-1000 du 30 juillet 2021 portant diverses dispositions d’application de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique et de simplification en matière d’environnement est entré en vigueur le 1er août 2021, sous réserve de quelques dispositions transitoires.

Plusieurs dispositions apportent des modifications notables s’agissant de différentes procédures environnementales.

 

1. Parmi ces dernières peuvent notamment être relevées des modifications relatives à la participation et l’information du public dans les procédures environnementales.

 

Ainsi, en matière de saisine obligatoire de la Commission nationale de débat public (CNDP), le décret modifie le tableau de l’article R. 121-2 du Code de l’environnement listant les catégories d’opérations relatives aux projets d’aménagement ou d’équipement dont la CNDP est saisie ou celles qui doivent être rendues publiques (en application des I et II de l’article L. 121-8 du Code de l’environnement relatif au débat public et à la concertation préalable). Les nouvelles dispositions prévoient ainsi une restriction du champ de la saisine obligatoire en rehaussant l’ensemble des seuils financiers prévus.

Une autre restriction est notable s’agissant du champ de l’enquête publique obligatoire par la modification de l’article R. 122-17 du Code de l’environnement relatif au champ d’application de l’évaluation environnementale. Cet article prévoit désormais que les programmes opérationnels de coopération territoriale du Fonds européen de développement régional ne relèvent plus d’une procédure d’évaluation environnementale systématique mais seulement d’une procédure d’examen au cas par cas.

 

Une possibilité de prorogation de la durée de validité de l’enquête publique pour les projets de production d’énergie renouvelable est en outre apportée par l’article R. 424-21 du Code de l’environnement. Ce dernier prévoit en effet, dans sa nouvelle rédaction, que, s’agissant des projets précités, la troisième décision de prorogation d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut prorogation de la durée de validité de l’enquête publique, initialement valable pour cinq années en application des dispositions de l’article R. 123-24 du même Code, pour cinq ans supplémentaires.

 

2. D’autres modifications ont pour effet d’accélérer les procédures environnementales en raccourcissant certains délais.

 

Ainsi, le délai accordé à l’autorité environnementale qui doit rendre un avis, en application de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement, sur le projet d’étude d’impact et la demande d’autorisation environnementale (c’est-à-dire, selon les projets dont il est question, peut être le Ministre chargé de l’environnement, la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable ou bien sa mission régionale d’autorité environnementale – art. R. 122-6 du Code de l’environnement) a été uniformisé en ne retenant plus que le délai le plus court, c’est-à-dire un délai systématique de deux mois (modification de l’article R. 122-7 du Code de l’environnement relatif à l’autorité environnementale).

Dans la même logique d’accélération toujours, l’article D. 181-57 du Code de l’environnement précise le délai annoncé par l’article 56 de la loi ASAP (codifié à l’article L. 181-30 du Code de l’environnement) dans lequel le Préfet doit se prononcer à la suite de la consultation du public pour autoriser l’exécution anticipée de certains travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale. Ce délai est ainsi fixé à quatre jours, ce qui signifie que le Préfet doit observer seulement un délai de quatre jours à compter de la fin de la consultation du public avant de pouvoir prendre une décision spéciale sur la possibilité de commencer les travaux par anticipation.

Un autre exemple de raccourcissement des délais est donné concernant le délai permettant de demander au Préfet de prolonger ou de renouveler une autorisation environnementale. L’article R. 181-49 du Code de l’environnement prévoit en effet désormais que cette demande doit être adressée par le bénéficiaire au Préfet au moins six mois (et non plus deux ans) avant la date d’expiration de l’autorisation.

 

3. D’autres dispositions concernent spécialement la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

 

Le décret prévoit ainsi de supprimer l’avis obligatoire du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) pour les projets soumis à enregistrement pour lesquels le Préfet envisage d’édicter des prescriptions particulières aménageant les prescriptions générales fixées par le Ministre chargé des ICPE (modification des articles R. 512-46-17, R. 512-46-22 et R. 512-46-53 du Code de l’environnement). Le décret laisse toutefois la possibilité au Préfet de saisir le Coderst s’il l’estime nécessaire et lui impose, lorsqu’il ne le saisit pas, de procéder à sa simple information.

Les ICPE soumises à enregistrement voient également leur procédure modifiée avec l’article R. 512-46-4 du Code de l’environnement. En effet, là où auparavant était demandé le renseignement des capacités techniques et financières de l’exploitant est désormais attendue une description de ces capacités ou, « lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’enregistrement, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l’installation », laissant ainsi davantage de temps au pétitionnaire pour apporter la preuve de ses capacités sans ralentir la procédure d’enregistrement.

 

Semblant aller à contre-courant de la simplification, l’article R. 512-59-1 du Code de l’environnement a été modifié et prévoit que l’organisme agréé chargé de réaliser les contrôles périodiques d’une ICPE soumises à déclaration doit désormais, en cas de non-conformité majeure, non seulement en informer le Préfet mais également l’inspection des installations classées.

Enfin, plusieurs articles relatifs aux ICPE susceptibles de donner lieu à des servitudes d’utilité publique ont été modifiés et réinstaurent la possibilité d’imposer de telles servitude autour d’une ICPE soumise à autorisation sans limiter le type d’exploitation concerné. Cela permet dès lors d’inclure désormais les exploitations Seveso seuil haut.

 

4. D’autres modifications interviennent spécifiquement s’agissant des projets d’infrastructures terrestres linéaires relevant notamment de l’Etat.

 

Pour ces projets, il est ainsi prévu que l’autorisation environnementale tienne lieu de dérogation au SDAGE (article R. 181-21 du Code de l’environnement). Il est également prévu que, lorsque l’autorisation tient lieu des autorisations prévues aux articles L. 621-32 et L. 632-1 du Code du patrimoine, c’est-à-dire, respectivement, autorisation pour les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords, d’une part, et l’autorisation pour les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, d’autre part, alors le Préfet doit saisir pour avis l’architecte des Bâtiments de France (article R. 181-23 du Code de l’environnement), et le pétitionnaire doit compléter son dossier de demande par les pièces listées à l’article D. 181-15-1 bis du Code de l’environnement. Enfin, l’article R. 425-29-3 du Code de l’urbanisme précise que ces projets sont dispensés de permis ou de déclaration préalable.

 

5. Enfin, quelques dispositions sont relatives spécifiquement au domaine de l’eau.

 

C’est notamment le cas de l’article R. 214-44 du Code de l’environnement relatif aux travaux d’urgence sur les digues, lequel prévoit désormais que ces travaux doivent être destinés à prévenir un danger non seulement grave mais également, précise le nouvel article, immédiat.

C’est également le cas de l’article R. 334-30 du Code de l’environnement qui, quant à lui, prévoit une nouvelle procédure simplifiée permettant la création d’un parc naturel marin.

GeMAPI : publication d’un nouveau guide du Cerema

Le Cerema a publié en août 2021 un nouveau guide en matière de GeMAPI : Caractérisation de systèmes d’endiguement à l’heure de la GEMAPI. Outils et retours d’expérience.

 

Ce guide dont la validité juridique n’a pas fait l’objet d’examen spécifique de notre part, vise à présenter les différents retours d’expérience sur les problématiques liées à la définition des systèmes d’endiguement et à apporter des réponses pratiques aux questions que peuvent encore se poser les Gemapiens : identification des zones soumises à l’aléa inondation, identification des ouvrages et éléments naturels participant à la protection, définition de l’enveloppe et enjeux de la zone potentiellement protégée etc.

Loi climat et résilience : tour d’horizon des dispositions en matière d’énergies renouvelables et de rénovation des bâtiments

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, dite « loi Climat et Résilience », a été définitivement adoptée en commission mixte paritaire le 20 juillet 2021, puis promulguée le 22 août 2021 et publiée au Journal officiel le 24 août 2021.

La loi Climat et Résilience vient traduire une partie des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat retenues par le Président de la République afin de lutter contre le dérèglement climatique par la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Le texte se décompose en huit titres visant différentes thématiques, telles que « Produire et travailler », « Se nourrir » ou encore « Se loger ».

Le projet de texte a donné lieu à l’un des plus longs débats parlementaires de la Vème République et à l’adoption de nombreux amendements. Le Conseil constitutionnel, saisi par 79 parlementaires, a d’ailleurs rendu une décision de non-conformité partielle le 13 août 2021 en censurant quatorze « cavaliers législatifs » (III.). Il sera en outre complété par un nombre important de décrets d’application.

Le texte, tel que publié au Journal officiel, présente des mesures intéressantes en matière de développement des énergies renouvelables (I.) et de rénovation des bâtiments (II.). C’est l’objet du présent Focus.

La loi Climat et Résilience comporte en outre un important volet dans le domaine de l’environnement qui fera l’objet du Focus de notre prochaine Lettre d’Actualité Juridique Energie Environnement.

 

I. Les dispositions pour le développement des énergies renouvelables

Les dispositions de la loi Climat et Résilience relatives au développement des énergies renouvelables sont présentées tout au long du texte et, plus particulièrement, au sein du Titre I « Consommer », du Titre IV « Se déplacer » et du Chapitre IV « Favoriser les énergies renouvelables » du Titre III « Produire et travailler ».

La loi Climat et Résilience entend renforcer le rôle de l’échelon local dans la lutte contre le dérèglement climatique (1.) et favoriser le développement d’autres sources d’énergie, telles que l’hydroélectricité et le biogaz (2.).

1. Renforcement du rôle de l’échelon local

En premier lieu, dans l’objectif de diminution de l’utilisation des énergies fossiles, le Maire se voit confier de nouvelles compétences liées au contrôle de la publicité.

En effet, la loi prévoit l’encadrement et la régulation de la publicité sur les énergies fossiles.

L’article 7 de la loi porte ainsi, déjà, modification du Code de l’environnement en interdisant la publicité relative à la commercialisation ou faisant la promotion des énergies fossiles, à compter du second semestre 2022, à l’exception des carburants dont le contenu en énergie renouvelable est supérieur ou égal à 50 %.

Également, la publicité relative à la vente ou faisant la promotion de l’achat des voitures neuves les plus polluantes, dont la liste sera dressée par décret en Conseil d’Etat, sera interdite dès 2028.

Enfin, l’irrespect de ces deux interdictions est puni d’une amende d’un montant minimum de 20 000 euros pour les personnes physiques et 100 000 euros pour les personnes morales.

En deuxième lieu, le Chapitre IV du Titre III de la Loi Climat et Résilience « Produire et travailler » prévoit la prise en compte de l’échelon local et de ses potentialités dans la lutte contre le dérèglement climatique.

En complément des programmations pluriannuelles de l’énergie (ci-après, PPE) nationales, l’article 83 de la loi introduit les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables qui doivent être intégrés au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires et, en Ile-de-France, au sein du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et au schéma régional éolien.

Ces objectifs régionaux, établis après concertation avec les conseils régionaux concernés, doivent prendre en compte les potentiels énergétiques, renouvelables et de récupération régionaux qui sont mobilisables tel que l’indique le nouvel article L. 141-5-1 du Code de l’énergie. Cela permet de fixer des objectifs de développement durable en adéquation avec la situation locale.

Par ailleurs, l’article 83 de la loi Climat et Résilience prévoit la création d’un comité régional de l’énergie dans chaque région afin de favoriser la concertation avec les collectivités locales sur les questions relatives à l’énergie au sein de la région.

Enfin, la loi Climat et Résilience vient modifier l’article L. 141-2 du Code de l’énergie relatif au contenu de la PPE, lequel doit désormais contenir une feuille de route pour le développement des communautés d’énergie renouvelable et des communautés énergétiques citoyennes[1].

En troisième lieu, le texte vise à renforcer le rôle des élus locaux dans l’implantation d’éoliennes afin de favoriser l’acceptabilité locale des projets.

La loi Climat et Résilience vient alors préciser les modalités de consultation préalable du Maire sur les projets d’implantation d’éoliennes dont la demande d’autorisation sera déposée à partir de six mois suivant la date de promulgation de la loi, le 22 août 2021.

Ainsi, l’article L. 181-28-2 du Code de l’environnement prévoit désormais que les observations du Maire de la commune soient adressées au porteur du projet dans un délai d’un mois à compter de l’envoi du résumé non technique et après délibération du conseil municipal. Le Maire ne peut plus formuler d’observations passé ce délai.

Le porteur du projet a ensuite la possibilité de répondre sous un mois aux observations du Maire en expliquant comment il compte en prendre compte. Cet apport, qui risque d’allonger le délai d’instruction des projets éoliens, introduit une forme de contradictoire au sein de la procédure de consultation du maire.

En revanche, l’article 82 de la loi Climat et Résilience met fin à une autre forme de consultation en abrogeant l’article L. 515-47 du Code de l’environnement. Désormais, la consultation de l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un conseil municipal compétent en matière de plan local d’urbanisme (ci-après, PLU) sur les projets d’implantation d’éoliennes incompatibles avec le voisinage des zones habitées lorsqu’un projet de PLU a été arrêté ne sera plus nécessaire. Cette consultation permettait d’assurer une cohérence entre le projet éolien et le document d’urbanisme en cours d’élaboration.

La loi Climat et Résilience souhaite donc faire des responsables locaux des acteurs pleinement intégrés dans la transition écologique et la lutte contre le dérèglement climatique.

Ces objectifs sont par ailleurs poursuivis par des dispositions visant à favoriser le recours à d’autres sources d’énergies renouvelables telles que l’hydroélectricité et le biogaz.

2. Favoriser le recours à d’autres sources d’énergie renouvelable

En premier lieu, la loi Climat et Résilience modifie les dispositions du Code de l’énergie sur la vente et la production du biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel.

La vente de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel est facilitée par la loi qui ne la soumet pas à l’obtention d’une autorisation de fourniture lorsque le biogaz est vendu par le producteur à un fournisseur de gaz naturel.

Ensuite, la loi crée un dispositif de soutien à la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel : les certificats de production de biogaz.

Ces certificats peuvent être détenus, acquis ou cédés par les producteurs de biogaz, les fournisseurs de gaz naturel ou tout autre personne morale et sont valables pendant 5 ans suivant leur délivrance.

Les fournisseurs de gaz naturel devront donc obligatoirement restituer à l’Etat des certificats de production de biogaz sauf s’ils produisent directement du biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel ou s’ils acquièrent des certificats auprès de producteurs de biogaz.

En second lieu, en matière d’hydroélectricité, la loi Climat et Résilience fixe de nouveaux objectifs de production et de stockage d’électricité hydraulique à l’horizon 2035.

En outre, il est créé un Médiateur de l’hydroélectricité, à titre expérimental et sur un périmètre géographique pour une durée de 4 ans à compter de la promulgation de la loi. Ce Médiateur doit veiller à la recherche de solutions amiables aux difficultés et désaccords rencontrés dans la mise en œuvre ou l’instruction de projets d’installations hydrauliques relevant du régime de l’autorisation, ou à la demande du porteur de projet, du gestionnaire de l’installation ou de l’Etat[2].

Ce sont là quelques dispositions supplémentaires destinées (modestement) à promouvoir de nouvelles énergies renouvelables.

 

II. Les dispositions concernant la rénovation des bâtiments

Un nombre important d’articles de la loi Climat et Résilience concerne ensuite la rénovation des bâtiments, en particulier au sein du Chapitre 1er « Rénover les bâtiments » du Titre V « Se loger ». Leurs apports sont substantiels, même si la mise en œuvre de certaines des mesures sera éloignée dans le temps.

Le nombre et la nature des mesures adoptées conduit au recensement suivant.

1. Usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone pour les rénovations lourdes et constructions relevant de la commande publique (article 39).

La loi vient compléter l’article L. 228-4 du Code de l’environnement pour imposer, à compter du 1er janvier 2030, l’usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique. Un décret en Conseil d’Etat doit notamment venir préciser la nature des travaux de rénovation lourde concernés et les seuils au-delà desquels l’obligation est applicable aux acheteurs publics.

2. Obligation d’intégrer un procédé de production d’énergies renouvelables ou des toitures végétalisées en cas de rénovation lourde (article 101)

La loi étend l’obligation d’installation de systèmes de production d’énergies renouvelables ou de toitures végétalisées lors de la construction, l’extension ou la rénovation lourde de bâtiments à usage commercial, industriel ou artisanal de plus de 500 m2, et de plus de 1 000 m2 pour les immeubles de bureau (article L. 171-4.-I du Code de la construction et de l’habitation, CCH). Un décret en Conseil d’Etat viendra notamment préciser la nature des travaux de rénovation lourde concernés ainsi que les exonérations prévues à l’article L. 171-4.-IV du CCH.

3. Diagnostic de performance énergétique (articles 148 et 149)

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) constitue un document de référence qui évalue la performance énergétique et en matière d’émissions de gaz à effet de serre d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment (article L. 126-26 du CCH). L’article 148 de la loi vise à donner une assise législative aux différents niveaux du DPE en introduisant au sein du CCH un article L. 173‑1‑1 classant les bâtiments ou parties de bâtiment existants à usage d’habitation de « extrêmement performants » (classe A) à « extrêmement peu performants » (classe G).

L’article 149 de la loi insère par ailleurs un nouvel article L. 126-26-1 au sein de ce Code qui prévoit que le DPE précise la quantité d’énergie issue de sources d’énergies renouvelables utilisée dans le bâtiment ou la partie de bâtiment à usage d’habitation, en distinguant celle produite par des équipements installés à demeure de celle véhiculée par des réseaux de distribution d’électricité, de gaz ou de chaleur.

4. Mise en place d’un système d’aides publiques à la rénovation (articles 151 et 155-II)

Pour mémoire, l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie (relatif aux objectifs de la politique énergétique nationale) prévoit qu’avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Cette loi doit notamment préciser les objectifs de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, pour deux périodes successives de cinq ans.

La loi Climat et Résilience modifie le 5° du I. de cet article pour indiquer que ces objectifs doivent être définis en cohérence avec l’objectif de disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. Mais, surtout, cet article précise désormais que l’atteinte de ces objectifs repose sur une incitation financière accrue aux rénovations énergétiques performantes et globales via la mise en œuvre d’un système stable d’aides accessibles à l’ensemble des ménages et modulées selon leurs ressources. Cette incitation financière vise notamment à créer les conditions d’un reste à charge minimal pour les bénéficiaires les plus modestes, en particulier lorsque les travaux sont accompagnés par un opérateur de l’Etat ou agréé par lui (cf. infra). Chacune de ces lois devra en outre déterminer le rythme des rénovations nécessaires à l’atteinte de la trajectoire de rénovation énergétique du parc de logements, en tenant compte des spécificités territoriales liées notamment aux typologies d’habitation et aux conditions climatiques.

Notons également que l’article 155-II de la loi vient compléter la loi de finances pour 2020 (dernier alinéa du 6° du I. de l’article 179) afin que le rapport sur l’impact environnemental du budget (annexe générale au projet de loi de finances de l’année) présente les moyens mis en œuvre par le gouvernement en faveur de la rénovation énergétique des logements, pour atteindre notamment l’objectif défini au 5° du I. de l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie, en particulier l’incitation financière accrue aux rénovations énergétiques performantes et globales, ainsi que les conditions du reste à charge minimal pour les bénéficiaires les plus modestes.

5. Définition des notions de « rénovation performante » et de « rénovation globale » (article 155)

La loi ajoute au 17° bis de l’article L. 111-1 du CCH une définition de la rénovation performante. La rénovation d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment à usage d’habitation est ainsi par principe dite performante lorsque des travaux, qui veillent à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air, permettent de respecter les conditions suivantes : (i) le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en classe A ou B (au sens de l’article L. 173-1-1 du CCH) ; (ii) l’étude des six postes de travaux de rénovation énergétique suivants : l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées.    

Par exception, une rénovation énergétique est également dite performante : (i) pour les bâtiments qui, en raison de leurs contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien, ne peuvent pas faire l’objet de travaux de rénovation énergétique permettant d’atteindre un niveau de performance au moins égal à celui de la classe B, lorsque les travaux permettent un gain d’au moins deux classes et que les six postes de travaux précités ont été traités ; (ii) pour les bâtiments de classe F ou G avant travaux au sens du même article L. 173-1-1, lorsqu’ils atteignent au moins la classe C après travaux et que les six postes de travaux précités ont été étudiés.

En outre, une rénovation énergétique performante est aussi qualifiée de globale lorsqu’elle est réalisée dans un délai maximal ne pouvant être fixé à moins de dix-huit mois pour les bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation ne comprenant qu’un seul logement ou à moins de vingt-quatre mois pour les autres bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation et lorsque les six postes de travaux précités ont été traités. Un décret en Conseil d’Etat viendra notamment fixer ces délais.

6. Elargissement des missions du service public de la performance énergétique de l’habitat (article 164)

La loi complète les articles L. 232-1 et L. 232-2 du Code de l’énergie concernant le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) qui a désormais aussi pour objet « d’encourager les rénovations performantes et les rénovations globales ». Le SPPEH comporte un réseau de guichets d’information, de conseil et d’accompagnement (sous réserve de l’article L. 232-3, cf. infra) à la rénovation énergétique pour les maîtres d’ouvrage privés (propriétaires, locataires ou syndicats de copropriétaires) visant à les aider à élaborer un projet de rénovation énergétique, à mobiliser les aides financières publiques ou privées ainsi qu’à les orienter vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation ou encore à leur apporter des informations juridiques liées à la performance énergétique de leur logement. Les informations et conseils délivrés sont gratuits et personnalisés. Chaque guichet est prioritairement mis en œuvre à l’échelle de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, l’Etat et l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) étant chargés de l’animation nationale du réseau de guichets.

Elle ajoute surtout un article L. 232-3 qui concerne plus spécifiquement la mission d’accompagnement dont peuvent bénéficier les ménages dans la définition et la réalisation des travaux d’amélioration thermique de leur logement (appui à la réalisation d’un plan de financement et d’études énergétiques, assistance à la prospection et à la sélection des professionnels, évaluation de la qualité des travaux réalisés par ces professionnels). Il est notamment prévu que cette mission soit réalisée par des opérateurs agréés, pour une durée de cinq ans renouvelables par décision expresse, par l’Etat ou l’ANAH. Les collectivités territoriales ou groupements peuvent le cas échéant être ces opérateurs. Notons aussi que la délivrance de la prime de transition énergétique prévue par la loi de finances pour 2020 (article 15-2) et des aides à la rénovation énergétique de l’ANAH sera progressivement conditionnée au recours à un accompagnement pour certaines rénovations énergétiques performantes ou globales ou certains bouquets de travaux énergétiques réalisés par des maîtres d’ouvrage privés. Un décret en Conseil d’Etat doit en tout état de cause intervenir pour préciser les termes de ce nouvel article L. 232-3 du Code de l’énergie. Enfin, l’article 164 de la loi Climat et Résilience complète l’article L. 221-7 du Code de l’énergie de sorte que la contribution à des missions d’accompagnement puisse donner lieu à la délivrance de certificats d’économies d’énergie.

7. Enrichissement du rapport des collectivités sur la situation en matière de développement durable (article 180)

Enfin, l’article 180 de la loi vient modifier les articles L. 2311-1-1 (communes et EPCI à fiscalité propre regroupant plus de 50 000 habitants), L. 3311-2 (départements) et L. 4310-1 (régions) afin que le rapport sur la situation en matière de développement durable (qui doit être présenté préalablement aux débats sur le projet de budget) précise, à partir du 1er janvier 2024, « le programme d’actions mis en place pour assurer la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments ou des parties de bâtiment à usage tertiaire dont la collectivité territoriale est propriétaire, dans un objectif de respect des obligations prévues à l’article L. 174-1 du Code de la construction et de l’habitation » (réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments soumis à l’obligation d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010).

 

III. Les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel

Par une décision rendue le 13 août 2021[3], le Conseil constitutionnel a écarté le recours formé par 79 parlementaires contre la loi Climat et Résilience. Ces parlementaires n’avaient pas demandé la censure de dispositions en particulier mais avaient formulé une critique générale de l’insuffisance de la loi prise dans son ensemble.

Cependant, le Conseil constitutionnel a procédé au contrôle des « cavaliers législatifs » et a censuré 14 articles qui n’avaient, selon lui, aucun lien avec l’objet de la loi Climat et Résilience.

Dans le domaine de l’énergie, ont ainsi été censurés, d’une part, l’article 84 de la loi qui prévoyait la compensation de la gêne résultant de l’implantation d’éoliennes soumises à autorisation environnementale pour le fonctionnement des ouvrages et installations du ministère de la Défense et, d’autre part, l’article 102 autorisant l’installation d’ouvrages photovoltaïques sur certaines friches, en exception aux dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme encadrant l’extension de l’urbanisation dans les communes littorales.

Et dans le domaine de la rénovation énergétique, l’article 168, qui ouvrait la possibilité aux communes de créer, sur tout le territoire, des périmètres de ravalement obligatoire des bâtiments sans arrêté préfectoral préalable, a de même été censuré.

 

Marie-Hélène PACHEN-LEFEVRE, Alexandra OUZAR,

Thomas ROUVEYRAN et Christophe FARINEAU

 

 

 

[1] Il s’agit d’entités juridiques autonomes contrôlées par actionnaires ou membres se trouvant à proximité des projets d’énergie renouvelable souscrits et élaborés. La notion a été introduite par la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et est codifiée aux articles L. 291-1 et L. 291-2 du Code de l’énergie.

[2] Article 89 de la loi Climat et Résilience.

[3] Décision n°2021-825 DC du 13 août 2021

L’obligation pour les restaurateurs d’utiliser des couverts réemployables est conforme aux exigences constitutionnelles

Par un arrêt du 6 août 2021, le Conseil d’Etat a considéré que l’obligation pour les établissements de restauration de servir leurs repas et boissons dans des récipients et couverts réemployables ne méconnaissait pas le devoir de prévention, ni le principe d’égalité, ni la liberté d’entreprendre. Le Juge a ainsi rejeté la demande de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) formulée par les requérantes pour défaut de caractère sérieux de la question.

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, a introduit au 16ème alinéa de l’article L. 541-14-10, III du Code de l’environnement l’obligation pour les restaurateurs d’utiliser des récipients et couverts réemployables à compter du 1er janvier 2023 :

« A compter du 1er janvier 2023, les établissements de restauration sont tenus de servir les repas et boissons consommés dans l’enceinte de l’établissement dans des gobelets, y compris leurs moyens de fermeture et couvercles, des assiettes et des récipients réemployables ainsi qu’avec des couverts réemployables. Les modalités de mise en œuvre du présent alinéa sont précisées par décret ».

A l’appui de leur recours dirigé contre le décret d’application de cette disposition, plusieurs sociétés spécialisées dans les emballages plastiques ont alors formulé une QPC, aux motifs que la disposition précitée méconnaitrait :

  • le devoir de prévention inscrit à l’article 3 de la Charte de l’environnement et aux termes duquel « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » ;
  • le principe d’égalité des personnes devant la loi, protégé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
  • la liberté d’entreprendre, inscrite à l’article 4 de cette Déclaration.

Le Conseil d’Etat devait se prononcer sur le caractère sérieux de cette question afin de déterminer si elle pouvait faire l’objet d’une transmission auprès du Conseil Constitutionnel.

Et, la Haute juridiction administrative a estimé que cette question était dépourvue de caractère sérieux dès lors que :

  • sur le principe de prévention, le Conseil d’Etat relève tout d’abord que l’obligation contestée a pour objectif de mettre en œuvre ce principe et que l’argumentaire des requérantes, selon lequel cette obligation aurait dû, d’une part, être définie au regard d’études précises et, d’autre part, prévoir la possibilité pour les restaurateurs de proposer des solutions alternatives « présentant un meilleur résultat global », ne permet pas de critiquer utilement cette disposition ;
  • sur le principe d’égalité, les requérantes soutenaient que la disposition contestée instaurerait une différence de traitement entre les restaurateurs utilisant déjà des couverts réemployables, ou pour lesquels cette transition serait aisée, et ceux ayant recours à des ustensiles jetables, mais également entre les producteurs français de vaisselle jetable et les producteurs des autres Etats de l’Union européenne. Le Conseil d’Etat relève toutefois que « les dispositions contestées s’appliquent indifféremment à tous les établissements de restauration sur le territoire national et n’interdisent pas en elles-mêmes la vente de vaisselle à usage unique par les producteurs français et européens » ;
  • sur la liberté d’entreprendre, le Conseil d’Etat rappelle qu’il est tout à fait possible d’y apporter des limites si l’atteinte à cette liberté n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Or l’obligation contestée, si elle limite la liberté d’entreprendre, vise à favoriser la réduction des déchets plastiques et s’inscrit ainsi dans l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement. Et cette atteinte n’est pas manifestement disproportionnée dès lors qu’elle n’impose pas aux restaurateurs « un choix particulier de procédé industriel, de distribution, de commercialisation et de consommation, et s’appliquera seulement à partir du 1er janvier 2023 ».

Faute de caractère sérieux, la demande de transmission de QPC est donc rejetée.

Pouvoirs d’enquête de l’administration : constat et préconisations du Conseil d’Etat

En juillet 2021, le Conseil d’Etat a publié une étude en date du 15 avril 2021, réalisée à la demande du premier ministre, sur les pouvoirs d’enquête et de contrôle de l’administration. Cette étude ne porte pas spécifiquement sur les seuls pouvoirs d’enquête et de contrôles en matière environnementale et s’étend bien au-delà, mais les constats et préconisations formulés incluent notamment la protection de l’environnement.

S’agissant donc plus précisément des enquêtes et contrôles en matière de protection de l’environnement, le Conseil d’Etat fait le constat que, malgré un premier travail de réforme qui a défini un socle commun applicable aux 25 polices de l’environnement (réforme portée par l’ordonnance n° 2012‐34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l’environnement), « les polices de l’environnement constituent un ensemble disparate, mis en œuvre par des organisations administratives morcelées, avec des différences culturelles et procédurales mais aussi d’approches sectorielles qui ne facilitent pas la cohérence d’ensemble » (p. 245). A titre d’exemple s’agissant des pouvoirs de police judiciaire définis au sein du Code de l’environnement, les plus intrusifs, tels que les relevés d’identité au titre de l’article L. 172-7 du Code de l’environnement et les perquisitions au titre de l’article L. 172-5 du même Code, relèvent de « 70 catégories d’agents dans 25 polices différentes » (p. 272). Notamment, le recensement précis des autorités de contrôle s’avère parfois impossible, particulièrement s’agissant des polices de l’eau, de la nature et des sites relevant du Préfet de département. En effet, il revient au Préfet d’organiser, au sein de ses services et au titre de son pouvoir d’organisation (CE, 1936, Jamart), la compétence de contrôle et de l’attribuer à ses agents, rendant impossible le recensement précis de l’ensemble des autorités de contrôle sur le territoire national.

Face aux constats de ce rapport, le Conseil d’Etat dresse trois séries de recommandations, trouvant à s’appliquer de manière générale et au-delà de la protection de l’environnement aux activités de contrôle et d’enquête de l’administration :

  1. Harmoniser les pouvoirs d’enquête et de contrôle des administrations. Il s’agirait, face à la disparité des procédures et à l’unicité de chacune d’entre elles, de définir un socle commun qui serait codifié dans le Code des relations entre le public et l’administration et qui fixerait un cadre commun des garanties s’appliquant lors d’un contrôle administratif aux personnes qui en font l’objet (notamment en matière d’information sur les modalités du contrôle, de protection du domicile et d’origine des informations sur laquelle se fonde la décision issue du contrôle). Outre ce cadre commun, il s’agirait également d’harmoniser les pouvoirs les plus coercitifs détenus par l’administration, et qui trouvent notamment à s’appliquer en matière environnementale (perquisitions et relevés d’identité).
  1. Simplifier et rationnaliser les attributions et la répartition des compétences. De manière générale, le Conseil d’Etat préconise de simplifier la rédaction des textes, mais vise en particulier le Code de l’environnement, qui désignent les agents compétents pour rechercher et constater les infractions, en évitant les multiples renvois qui rendent ces textes peu compréhensibles. Le Conseil d’Etat suggère également que, lors de l’attribution d’un pouvoir d’enquête à une catégorie d’agents, une grille d’analyse soit mise en œuvre « prenant en compte l’adéquation de ces pouvoirs à la finalité d’intérêt général qu’ils poursuivent, leur nécessité et leur proportionnalité » (p. 272). Une évaluation de la mise en œuvre de ces pouvoirs et de leur utilité est également recommandée, ce qui permettra d’instaurer « une règle de caducité des pouvoirs inutilisés et des pouvoirs dont l’utilisation n’est pas mesurée lorsque leur pertinence, leur nécessité et leur proportionnalité ne sont pas démontrées » (p. 272).

    S’agissant

    plus spécifiquement de la protection de l’environnement, le Conseil d’Etat préconise une « simplification radicale de la matrice des compétences exercées par 70 catégories d’agents [qui] passe par la réduction du nombre des polices spéciales, de 25 à moins d’une dizaine » (p. 246) et propose un regroupement selon les rubriques suivantes, avec des logiques d’interventions communes :

« 1° (Livre II) Police de l’eau et des milieux aquatiques, relevant des inspecteurs de l’environnement des DDTM et de l’Office français de la biodiversité,

2° (Livre II) Polices des pollutions en mer, relevant du contrôle des affaires maritimes, et de façon incidente des autres capacités maritimes de l’Etat (marine nationale, douanes, Ifremer) et des officiers des ports,

3° (Livre III) Polices des espaces naturels (littoral, parcs nationaux, réserves naturelles, sites, circulation motorisée dans les espaces naturels), exercées par les agents des établissements chargés de leur conservation, par les agents des DREAL et par les agents chargés de la police du domaine public (DDTM),

4° (Livre IV) Protection de la faune et de la flore (accès aux ressources génétiques, espèces protégées, chasse, pêche), exercée par l’Office français de la biodiversité, par les agents des établissements chargés des espaces naturels et de l’ONF, et sur certains enjeux par les agents des douanes, avec les gardes champêtres, les gardes particuliers et les agents de développement des fédérations de chasse et de pêche,

5° (Livre IV, se substituant au Code forestier) Police de la forêt, relevant de l’Office national des forêts, des DDTM et des directions régionales de l’agriculture et de la forêt (DRAAF), les gardes particuliers contribuant à la constatation des infractions,

6° (Livre V) Inspection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), police des produits chimiques et biocides (compétence partagée avec la DGCCRF), contrôle des utilisations confinées d’OGM à des fins de production industrielle, relevant des DREAL et des DDPP,

7° (Livre V) Inspection des installations nucléaires (INB), exercée par l’Autorité de sûreté nucléaire,

8° (Livre V) Polices de proximité, relevant principalement des municipalités : déchets, lutte contre le bruit (avec les ARS), publicité et enseignes (avec les DREAL) ».

Et, tant que la liste des agents compétents pour les contrôles en matière d’environnement n’aura pas été réduite et clarifiée, ni des données récoltées sur l’utilisation des pouvoirs existants, le Conseil d’Etat s’oppose à l’extension de leurs pouvoirs d’enquête.

Mais un élargissement du périmètre des compétences des agents municipaux est également souhaité par le Conseil d’Etat, au regard des faibles effectifs des gardes-champêtres, des inspecteurs de l’OFB et de l’ONF. Le Conseil d’Etat recommande particulièrement en matière environnementale de veiller « à assurer une couverture territoriale de proximité grâce aux agents municipaux » (p. 272).

En outre, afin de clarifier la répartition des compétences de contrôle administratif liées aux polices de l’environnement entre les services déconcentrés de l’Etat et les établissements publics, il est recommandé de présenter cette répartition dans un document public tel qu’une circulaire ou un plan précisant les catégories d’agents compétents pour les diverses interventions et d’adopter un décret en Conseil d’Etat définissant les catégories d’agents compétents pour les contrôles administratifs.

  1. Enfin, il s’agirait de mieux connaître et faire connaître les activités d’enquête et de contrôle. Cette préconisation se traduirait par la définition d’indicateurs de suivi et par la réalisation d’un rapport annuel d’activité au sein duquel les administrations devront rendre compte de l’utilisation de leurs pouvoirs d’enquête et de contrôle.

Annulation du cahier des charges des éco-organismes en cas d’absence de procédure de consultation du public

Par un arrêt du 7 juillet 2021, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la nécessité de mettre en œuvre une procédure de consultation du public pour l’adoption du cahier des charges d’un éco-organisme.

 

Dans ce contentieux, la société requérante sollicitait l’annulation de l’arrêté interministériel du 20 août 2018 fixant la procédure d’agrément et le cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers, s’agissant de certaines catégories de produits chimiques. La requérante invoquait notamment que ce cahier des charges n’a pas fait l’objet d’une procédure de participation du public et plus particulièrement de celle définie à l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement, laquelle s’applique à certaines décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement.

 

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, le cahier des charges ainsi arrêté fixe, d’une part, notamment les orientations générales de gestion des DDS ménagers ainsi que les relations entre les éco-organismes et les autres acteurs de cette gestion et régit, d’autre part, les missions des éco-organismes. En outre, le Juge rappelle que ceux-ci ont notamment pour mission d’assurer, conformément au cahier des charges, financièrement et techniquement la collecte séparée, le transport et le traitement des DDS ménagers. Par ailleurs, le cahier des charges fixe des objectifs chiffrés de collecte de déchets au niveau national, de valorisation énergétique et un taux de recyclage.

 

Le Juge administratif en déduit ainsi que l’arrêté attaqué, et le cahier des charges, produisent des effets directs et significatifs et ont une incidence sur l’environnement. Cet acte aurait donc dû être soumis à la procédure de consultation du public définie à l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement.

 

Une telle procédure de participation du public n’ayant pas été mise en œuvre pour l’adoption du cahier des charges de ces éco-organismes, l’arrêté attaqué est donc annulé par le Conseil d’Etat, qui diffère toutefois l’effet de l’annulation jusqu’au 1er janvier 2022 au regard de l’intérêt général qui s’attache au maintien temporaire des effets du cahier des charges des éco-organismes.

Dispositif du « bac à sable règlementaire » : bilan du premier guichet de ce dispositif et ouverture du second guichet

A l’occasion de l’ouverture du second guichet de candidatures, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) fait un état des lieux et formule des recommandations à la suite du premier guichet du dispositif d’expérimentation réglementaire prévu par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat[1] (ci-après « la loi Energie Climat »).

Ainsi qu’il a été exposé dans notre précédente LAJEE[2], la loi Energie Climat a introduit un dispositif d’expérimentation réglementaire dans le secteur de l’énergie, également appelé « bac à sable réglementaire ».

Aux termes de l’article 61 de cette loi, la CRE et, dans le cadre des échanges transfrontaliers d’électricité, l’autorité administrative compétente, « peuvent, chacune dans leur domaine de compétence, par décision motivée, accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents ».

A l’issue du premier guichet du bac à sable réglementaire, 12 projets ont bénéficié d’une dérogation sur 42 dossiers reçus.

La CRE donne un aperçu des différentes thématiques abordées lors de ce premier guichet :

  • la participation des stockages aux services système ;
  • l’insertion des véhicules électriques dans le système électrique ;
  • l’exploitation des données des compteurs évolués ;
  • l’optimisation des raccordements de parcs EnR aux réseaux ;
  • le développement du power-to-gas, en permettant l’injection du méthane de synthèse dans les réseaux ;
  • l’expérimentation d’un signal économique mobilisant la flexibilité des consommateurs au service des contraintes locales des réseaux de distribution.

 

Face à ce succès, un second guichet de candidatures se déroulera du 15 septembre au 31 décembre 2021 selon les modalités définies par la délibération n° 2020-125 du 4 juin 2020[3].  Dans ce même rapport portant état des lieux et annonçant l’ouverture de ce second guichet de candidatures, la CRE précise qu’une attention particulière sera accordée aux projets liés à la valorisation des données, au développement du stockage et à la mobilité électrique.

A cet égard, la CRE formule plusieurs recommandations destinées aux porteurs de projets : 

  • la CRE insiste sur la nécessité d’identifier précisément les dispositions législatives et réglementaires faisant obstacle à la réalisation des projets.

 

Lors du premier guichet, le défaut de référence aux freins réglementaires a rallongé l’instruction et donc les délais de décision sur l’éligibilité des candidatures. La CRE précise ainsi que « les dossiers [i] n’identifiant pas précisément une ou des disposition(s) législative(s) et/ou réglementaire(s) ou [ii] ne précisant pas les raisons pour lesquelles ces dispositions constituent un obstacle à la réalisation des projets concernés seront jugés incomplets et donc inéligibles ». Les porteurs de projets sont invités à échanger avec la CRE afin de bénéficier de conseils pour compléter leurs dossiers.

 

  • L’éligibilité des dossiers s’appréciera également au regard des dérogations déjà accordées : les projets ne présentant pas de caractère innovant supplémentaire pourront être déclarés inéligibles.

 

  • Chaque projet devra faire l’objet d’un dossier spécifique, même s’ils sont portés par le même demandeur.

 

  • Les candidats sont invités à déposer une première version de leur dossier assez tôt, afin de bénéficier des conseils de la CRE pour compléter les dossiers avant la date de clôture du guichet de candidatures.

 

C’est sur ces bases que les projets pourront être déposés auprès de la CRE.

 

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[1] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi « Energie Climat »

[2] https://www.seban-associes.avocat.fr/la-cre-precise-les-conditions-de-mises-en-oeuvre-du-dispositif-dexperimentation-reglementaire-introduit-par-la-loi-energie-climat-et-ouvre-un-premier-guichet-de-candidature-afin-dy-p/

[3] https://www.cre.fr/content/download/22400/283388

Pass Sanitaire : information et consultation obligatoire du CSE sur les mesures de contrôle en vigueur et à venir

Dans le cadre de l’entrée en vigueur de la loi 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, le Pass sanitaire est désormais exigé depuis ce 10 août jusqu’au 15 novembre 2021 aux publics âgés d’au moins douze ans pour une série d’activités définie à l’article 1er (services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, loisirs transport, foires et salons professionnels ainsi que les séminaires professionnels, restauration commercial).

Depuis le 10 août 2021, les établissements concernés ont dû organiser leur activité pour contrôler leurs usagers et public quant à la détention du « Pass sanitaire ».

A cette première obligation, s’ajoutera à compter du 30 août 2021 pour ces mêmes établissements, celle du contrôle du « Pass sanitaire » « de leur propre personnel en contact avec le public concerné »  (art.1 de la loi du 5 août 2021).

A cela s’ajoute la spécificité des soignants et travailleurs pour le secteur médico-social qui devront présenter un schéma vaccinal complet à compter du 16 octobre 2021.

 

  • Une procédure dérogatoire d’information/consultation du CSE

Conscient que ces obligations de contrôle du Pass sanitaire et de vaccination affectent l’organisation des entreprises et organismes, le Législateur a expressément prévu une procédure d’ information et consultation spécifique des représentants du personnel du comité social et économique (CSE).

Le Parlement a ainsi retenu l’amendement n°959 du gouvernement devenu l’article 15 de loi du 5 août 2021 :

« Par dérogation aux articles L. 2312-8 et L. 2312-14 du Code du travail, dans les entreprises et établissements d’au moins cinquante salariés, l’employeur informe, sans délai et par tout moyen, le comité social et économique des mesures de contrôle résultant de la mise en œuvre des obligations prévues au 2° du A du II de l’article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire et au I de l’article 12 de la présente loi. L’avis du comité social et économique peut intervenir après que l’employeur a mis en œuvre ces mesures, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication par l’employeur des informations sur lesdites mesures ».

Eu égard au bref délai laissé à l’employeur, celui-ci devant procéder à ces contrôles dès le 10 août dernier, les modalités de consultation ont été aménagées pour que l’employeur puisse agir sans tarder et consulter le CSE après la mise en place de ces mesures de contrôle.

Dans le cadre du Q/R du Ministère du Travail sur le Pass Sanitaire publié le 9 août et mis à jour le 18 août 2021, il est indiqué que si les mesures de contrôle ayant été normalement mises en place le 10 août avec une information « sans délai » la consultation devrait être formalisée d’ici le 10 septembre 2021.

 

L’illustration du Q/R confirme l’urgence d’organiser cette consultation dans les meilleurs délais.

  • La nature de l’information consultation du CSE concernant le contrôle du Pass sanitaire

L’information et consultation du CSE sur le contrôle du Pass sanitaire a pour objectif principal de préciser :

  • La détermination des salariés dans l’établissement soumis à l’obligation de disposer d’un « Pass sanitaire » ou d’une vaccination complète pour le secteur médico-social (Q/R p.5 à 8) ;
  • La détermination des salariés qui assureront le contrôle des pièces justificatives (Q/R p.12).

Le protocole sanitaire en entreprise insiste sur le fait que « les employeurs doivent porter une attention particulière aux salariés chargés de vérifier la validité du Passe sanitaire en adaptant en tant que de besoin l’évaluation des risques aux difficultés spécifiques liées à cette activité et en apportant à ces salariés l’accompagnement adapté pour faire face aux difficultés éventuelles. Ces mesures sont prises dans le cadre habituel fixé par l’article L.4121-3 du Code du travail »

Il s’agit donc de prendre en compte les difficultés que peuvent rencontrer ces salariés dans l’exercice de ce contrôle. L’actualité a fait état de plusieurs faits divers sur les réticences, voire l’agressivité à l’encontre du personnel astreint à cette obligation de contrôle.

  • Les modalités des contrôles du public, des usagers et du personnel (Q/R p12 à 14).

Il convient de préciser les outils mis à disposition pour assurer ces contrôles, tel l’usage de smartphone pour la lecture des QR Code (téléphone professionnel / personnel).

Pour le contrôle du personnel, l’employeur ne pouvant pas conserver le QR Code, un dispositif de conservation du résultat de l’opération de vérification doit être mis en place.

Absence de force probante de la simple copie d’un testament olographe

Se prévalant d’un testament olographe établi à son bénéfice portant sur une parcelle sur laquelle était établi un temple, une partie a sollicité l’expulsion de l’association tamoule y exerçant son culte.

L’original du testament n’était pas versé au débat mais sa copie, ainsi qu’une attestation notariée selon laquelle l’acte de disposition à cause de mort était établi.

La Cour d’appel dénie toute force probante à la copie du testament et rejette en conséquence les demandes du prétendu propriétaire.

Ses ayants droit se pourvoient cassation et reprochent à la Cour d’appel de s’être abstenue d’examiner l’attestation notariée et de s’être bornée à faire état de la seule production de copies de ce testament olographe pour le priver de toute force probante.

La Cour de cassation, pour qui les juges du fond n’étaient pas tenus d’examiner l’attestation notariée, rejette le pourvoi en ces termes :

« La Cour d’appel, devant qui [les demanderesses au pourvoi] n’ont pas soutenu que l’original du testament n’aurait pas été conservé, a exactement retenu que cet original était seul de nature à établir l’existence du testament au jour du décès du testateur dès lors que sa copie était contestée ».

En effet, pour la Cour de cassation, la partie qui se prévalait du testament ne précisait pas si l’original existait encore, et ce alors même qu’en vertu de l’article 1379 alinéa 3 du Code civil, « si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée ».

Or, et comme le rappelle la Cour de cassation, celui qui prévaut d’un testament olographe doit nécessairement en produire l’écrit original et qu’à défaut, et de jurisprudence constante en matière de preuve testimoniale (résultant notamment de l’ancien article 1348 du Code civil), la preuve de l’existence d’un tel acte par un autre moyen n’est admise qu’en cas de force majeure ou cas fortuit justifiant que l’original ne peut être produit (Cass. Civ. 12 déc. 1859, DP 1860, I, p. 334 ; Cass,. req., 15 nov. 1926, DH 1926, p.545).

 

Manquement du maître d’œuvre à son devoir de conseil : désordres apparents à la réception

Cette décision vient illustrer l’obligation de conseil du maître d’œuvre vis-à-vis du maître d’ouvrage dans le cadre de l’exécution de sa mission d’assistance lors des opérations de réception, en ce compris la levée des réserves.

Dans cette affaire, la commune de Saint-Avre avait demandé au tribunal administratif de Grenoble : de condamner solidairement sur le fondement de la garantie décennale plusieurs sociétés au versement d’une somme de 239 114,86 euros au titre des travaux de reprise des désordres des bordures de trottoir du lotissement Chanet du Rivet II, et 22 607,76 euros au titre des honoraires du maître d’œuvre y afférents

Par un jugement n° 1605761 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble avait  rejeté sa demande. La commune avait alors interjeté appel de ce jugement.

Selon un principe bien connu, la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre peut être recherchée pour manquement à son devoir de conseil lorsque celui-ci s’est abstenu d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont il pouvait avoir eu connaissance en cours de chantier (Voir par exemple CE, 8 juin 2005, n° 264490 ; CE, 10 décembre 2020, n° 432782 déjà cité dans notre lettre d’actualité juridique de février 2021).

En effet, le maître d’ouvrage peut, en raison de ce manquement, être privé de la possibilité de refuser la réception des ouvrages ou de l’assortir de réserves, et ainsi subir un préjudice.

Pour retenir la responsabilité du maître d’œuvre, la Cour retient que :

« […] En l’espèce, la Selarl Vial, maître d’œuvre, dont la mission AOR impliquait d’assister le maître d’ouvrage lors des opérations de réception, a nécessairement commis un manquement à son devoir de conseil en proposant la levée des réserves alors que les travaux concernant la reprise des joints des bordures et des bordures cassées n’avaient pas été réalisés ».

Ce manquement n’est pas sans conséquence puisque, dès lors que les désordres affectant les trottoirs étaient apparents à la réception, le maître d’ouvrage ne pouvait pas rechercher la responsabilité décennale des constructeurs.

De plus, le maître d’œuvre est ici partiellement exonéré de sa responsabilité contractuelle, à hauteur de 50 %, en raison de la négligence fautive du maître d’ouvrage lors de la levée des réserves, et est condamné à lui verser la somme de 119.557,43 euros (voir par exemple CE, 20 mai 2009, n° 296628 ; CE, 7 mars 2005, n° 200454) :

 

« 9. Eu égard au caractère apparent des désordres dans les conditions décrites au point 3, le maître de l’ouvrage a commis une négligence fautive en acceptant de lever les réserves sans s’assurer que les travaux de reprise des bordures cassées et des joints des bordures avaient bien été réalisés, qui est de nature à exonérer partiellement la Selarl Vial de sa responsabilité […] ».

 

Ainsi, quand bien même le maître d’ouvrage serait assisté d’un maître d’œuvre avec une mission AOR[1], celui-ci ne doit pas négliger les opérations de réception, d’autant plus s’il a eu connaissance en cours de chantier de l’existence de désordres, au risque de se voir imputer une part de responsabilité, parfois non négligeable, dans la survenance de son préjudice.

Ainsi, les appels en garantie ont été rejetés : « […] le préjudice subi par le maître d’ouvrage qui a été privé de la possibilité de refuser la réception des ouvrages ou d’assortir cette réception de réserves, du fait d’un manquement du maître d’œuvre à son obligation de conseil, et dont ce dernier doit réparer les conséquences financières, n’est pas directement imputable aux manquements aux règles de l’art commis par les entreprises en cours de chantier. Il en résulte que dans une telle hypothèse, les appels en garantie formulés par les maîtres d’œuvre à l’encontre des entreprises chargées de la réalisation des travaux ne peuvent être que rejetés ».

 

 

[1] Assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception

Manquements du maître d’œuvre : absence de vérification des projets de décomptes mensuels

Cette décision vient rappeler que la réception sans réserve n’empêche pas le maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité de son maître d’œuvre en cas de manquement à son obligation de vérification des projets de décomptes mensuels par rapport aux prestations réellement exécutées.

En effet, il n’existe qu’une extinction partielle de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre après la réception des travaux, notamment en ce qui concerne le contrôle des situations de travaux et l’établissement des décomptes des intervenants (voir par exemple CE, 1er octobre 1993, n° 60526). 

C’est pourquoi, la Cour écarte logiquement la fin de recevoir soulevée par la maîtrise d’œuvre :

« […]la réception de l’ouvrage ne met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre qu’en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage, au nombre desquelles figurent les missions de conception de cet ouvrage. En l’espèce, les prestations pour lesquelles le département recherche la responsabilité de la maîtrise d’œuvre portent sur le contrôle des factures mensuelles des entreprises en charge des travaux en cours de chantier et non sur la conception de l’ouvrage. Elles sont donc dissociables de la réalisation de l’ouvrage. Cette fin de non-recevoir, réitérée en appel, doit donc être écartée ».

Elle retient également le bien-fondé de l’action en responsabilité dirigée contre le maître d’œuvre, lequel n’a pas, alors même qu’il était chargé d’une mission de direction de l’exécution des travaux, contrôlé les acomptes versés par rapports aux prestations réalisées.

Le trop-perçu n’était pas négligeable : lors de la situation établie en 2014, il a été constaté que l’entreprise de travaux n’avait réalisé que pour 567.453,70 euros TTC de travaux de son marché mais que les acomptes mensuels visés et transmis par le maître d’œuvre au maître d’ouvrage pour paiement s’élevaient à 889.968,40 euros TTC.

Pour autant, une faute exonératoire du maître d’ouvrage à hauteur de 30 % est retenue, peut-être un peu sévèrement par la juridiction :

« Le département avait donc connaissance dès cette date des difficultés de son co-contractant, même s’il ne pouvait en connaître l’ampleur. Il aurait pu s’enquérir dès cette époque de l’exécution du marché et vérifier l’absence de trop-perçu qu’il n’a fait constater que trois mois plus tard. Il sera fait une juste appréciation de cette imprudence du maître d’ouvrage en limitant la responsabilité de la maîtrise d’œuvre à soixante-dix pour cent du montant du préjudice ».

Il est vrai que ce dernier était informé du placement en procédure de redressement judiciaire de l’entreprise de travaux et aurait sans doute pu se montrer plus diligent.