Aucune notification de la requête n’étant prévue, la rétractation d’une ordonnance désignant un administrateur provisoire en application de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ne peut être fondée sur l’article 495 du code de procédure civile

En application de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, si l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou s’il est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble, un administrateur provisoire peut être désigné par le président du tribunal judiciaire.

Procéduralement, en application de l’article 62-5 du décret du 17 mars 1965, l’ordonnance de désignation de l’administrateur provisoire est portée à la connaissance des copropriétaires dans le mois de son prononcé, à l’initiative de l’administrateur provisoire, soit par remise contre émargement, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par voie électronique après accord du copropriétaire préalablement informé de cette possibilité. Un administrateur provisoire d’un syndicat des copropriétaires a été désigné pour une durée de dix-mois suivant ordonnance du 21 décembre 2015. La mission de l’administrateur provisoire a été prolongée suivant ordonnance du 15 janvier 2019.

Une SCI copropriétaire a sollicité la rétractation de l’ordonnance prorogeant la mission de l’administrateur provisoire. La SCI demanderesse soutient qu’en application de l’article 495 du Code de procédure civile, copie de la requête aurait dû lui être notifiée avec l’ordonnance prorogeant la mission de l’administrateur.

La Cour d’appel rejette la demande du copropriétaire aux fins de rétractation de l’ordonnance ; ce dernier forme un pourvoi en cassation au moyen que l’exigence de remise simultanée de l’ordonnance et de la requête, permet de rétablir le respect du principe du contradictoire, en portant à la connaissance de celui qui a subi la mesure ordonnée ce qui a déterminé le juge à prendre sa décision.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le copropriétaire, en retenant que l’article 62-5 du décret du 17 mars 1967 prévoyant que l’ordonnance de désignation de l’administrateur provisoire est portée à la connaissance des copropriétaires, n’institue pas de notification de la requête avec l’ordonnance. En conséquence, la rétractation d’une ordonnance désignant un administrateur provisoire ne peut être fondée sur les dispositions de l’article 495 alinéa 3 du Code de procédure civile.

Tout copropriétaire est recevable à contester la régularité du mandat donné en vue d’une assemblée générale

Dans un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, un copropriétaire peut être présent mais également représenté lors de l’assemblée générale.

A ce titre, l’article 22 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat ». Lors de l’assemblée générale, un copropriétaire peut donc être représenté par une personne à qui il a donné mandat.

L’irrégularité d’un pouvoir est susceptible d’entraîner l’irrégularité de l’assemblée générale en vue de laquelle le pouvoir a été donnée.

Ainsi, aux termes de cet arrêt, un copropriétaire a assigné le syndicat des copropriétaires ainsi que le syndic en annulation de l’assemblée générale et de certaines des résolutions, contestant la validité des pouvoirs émis par certains copropriétaires en vue de l’assemblée générale.

Il s’agissait donc de savoir si tous les copropriétaires ou seulement les copropriétaires représentés par ce pouvoir, pouvaient agir le contester et solliciter la nullité de l’assemblée générale sur ce fondement.

La Cour d’appel rejeter la demande d’annulation de l’assemblée générale, considérant que seuls les copropriétaires qui ont émis le pouvoir de se faire représenter à l’assemblée générale, sont recevables à le contester.

Aux termes de son arrêt, la Cour d’appel a ainsi entendu limiter la qualité à agir aux fins de contestation des pouvoirs émis en vue d’une assemblée générale, aux seuls copropriétaires ayant délégué ce pouvoir.

Le copropriétaire débouté forme alors un pourvoi en cassation, considérant que la Cour d’appel a violé l’article 122 du Code civil relatif aux motifs d’irrecevabilité et l’absence de qualité et d’intérêt à agir.

La Cour de cassation accueille le pourvoi au visa de l’article 22 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965, considérant que tout copropriétaire est recevable à contester la régularité du mandat donné en vue d’une assemblée générale.

Il en résulte que tout copropriétaire est recevable à agir en nullité d’une assemblée générale de copropriété, pour irrégularité des pouvoirs donnés, et non pas seuls les copropriétaires ayant donné ces pouvoirs.

Police administrative : l’enlèvement de la statue de la Vierge à l’Ile de Ré procède d’une application plus que centenaire de la loi de 1905

A défaut de laver l’affront que semble avoir subi certains priant sur le miracle juridique, l’ondée vendéenne (plus humide qu’en Bretagne) ne glissera bientôt plus la statue de la Vierge Marie érigée sur la commune de La Flotte, rue Gustave Dechézeaux, sur l’Ile de Ré.

Par un arrêt en date du 12 janvier 2023, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a ainsi confirmé le jugement du Tribunal administratif de Poitiers ayant enjoint au Maire de procéder à l’enlèvement de la statue dans un délai de six mois.

 

1. La loi de 1905

Petit rappel précautionneux : l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat dispose :

« Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ».

Décortiquons :

  • A l’avenir: seuls les emblèmes apposés après 1905 sont concernés, préservant les signes et emblèmes religieux existant à cette date ainsi que la possibilité d’en assurer l’entretien, la restauration ou le remplacement[1] ;
  • Signe ou emblème religieux : incluant statues, crucifix[2], œuvres d’art, crèches de Noël[3], notamment ;
  • Monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit : y compris sur le domaine privé[4], exception faite des cimetières[5], des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

Dans ce cadre, le sort réservé aux statues à caractère religieux érigées après 1905 est invariable, pour ne citer que quelques exemples :

  • La statue de l’archange Saint-Michel aux Sables d’Olonne[6];
  • La statue de la Vierge Marie et de Saint-Maur à Cogolin[7];
  • La croix surmontant la statue de Jean-Paul II, à Poërmel[8].

Leur enlèvement est ordonné par les juridictions dans la mesure où il s’agit d’emblèmes religieux, implanté après 1905, sur l’espace public. Ces dispositions plus que centenaire ont ainsi été revisitées par le Conseil d’Etat pour consacrer rétrospectivement le principe de neutralité de l’espace public[9], et son corollaire, la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes[10].

 

2. La statue de l’Ile de Ré, un cas à part ?

La situation vendéenne tient sa particularité à la double circonstance que la statue était initialement située dans le périmètre d’une propriété privée, d’une part, et d’autre part, qu’elle était pensée par ses commanditaires comme un vœu de Guerre exprimé pendant la Seconde guerre mondiale.

D’abord installée sur un terrain appartenant au diocèse, la commune a décidé de la déplacer sur son emplacement actuel, à la suite de travaux de déviation d’une route, en 1986 et sur un terrain privé. Ce n’est qu’en 2006 que la statue a été cédée à la commune en même temps que la voirie. Endommagée après un accident de la circulation intervenu en 2020, la commune en a fait réaliser une copie qu’elle a réinstallée sur son promontoire, la même année.

Précision doit ici être faite que saisie dans un premier temps dans le cadre d’un sursis à exécution[11], la Cour avait sursis à exécution du jugement en estimant que « le maintien de la statue de la Vierge Marie dont il s’agit à l’emplacement choisi en 1986 ne peut être regardé comme manifestant de la part de la commune une intention de reconnaître un culte ou de marquer une préférence religieuse. »[12]. Statuant à trois juges, La Cour jugeant au fond n’a pas suivi le juge unique chargé d’étudier le sursis.

 En premier lieu, s’agissant du caractère religieux de l’emblème, la Cour souligne qu’« il est indéniable que la figure de la Vierge Marie est un personnage important de la religion chrétienne, en particulier catholique, et présente par elle-même un caractère religieux. Par ailleurs, la statue en cause présente des dimensions importantes, la rendant particulièrement visible, tandis que l’inscription ʺVœux de guerreʺ sur son promontoire a un impact visuel beaucoup moins important ». La fonction supposément commémorative est donc relayée au second plan. La Cour conforte sa motivation sur ce point en précisant plus loin que « contrairement à ce que soutient la commune, ce monument, qui n’est pas dédié à la commémoration des morts, ne peut être regardé comme un monument funéraire »[13].

En second lieu, s’agissant de l’implantation de la statue sur l’espace public, la Cour se fait plus discrète, moins explicite, alors qu’il s’agit probablement du nœud du litige : quel sort réserver à un emblème qu’une personne publique reçoit, malgré elle, par l’effet d’une mutation foncière ? A lire la Cour, elle doit l’enlever puisque « la réinstallation en décembre 2020 d’une copie de la statue de la Vierge Marie sur un emplacement devenu public depuis 2006, autre que ceux prévus par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 précité, méconnaît les dispositions de cet article, alors même que la commune n’avait pas l’intention d’exprimer, par cette réinstallation, une préférence religieuse ». C’est donc à raison de son installation sur une propriété devenue publique en 2006 – et non de sa substitution par une copie en 2020 – que le Maire est tenu de déposer Marie.

Autrement dit, l’exception tirée de la possibilité d’assurer l’entretien, la restauration ou le remplacement de l’emblème ne peut être évoquée ici. De même, l’association intimée pouvait en réalité agir dès 2006. La solution dégagée par la Cour n’est donc pas un cas à part. Plutôt logiquement, elle précise qu’une personne publique est tenue d’enlever un emblème lorsqu’elle en devient propriétaire par l’effet d’une acquisition du fonds qui le supporte. Une application plus que centenaire et littérale de la loi de 1905, en somme, et qui ne saurait souffrir de marge d’interprétation vu la clarté du texte. Rien de plus que ce qui est demandé au juge.

C’était mieux avant ? Les contempteurs trancheront. Ce qui est certain, c’est qu’on rédigeait mieux la loi, avant.

 

Thomas MANHES, Avocat associé – SEBAN ARMORIQUE

 

[1] CE, 10e – 9e ch. réunies, 28 juill. 2017 : n° 408920.

[2] CAA Nantes, 3e ch., 4 févr. 1999 : n° 98NT00207.

[3] CE, ass., 9 nov. 2016 : n° 395223, Lebon.

[4] CE, 8e – 3e réun., 11 mars 2022 : n° 454076.

[5] Voir toutefois la rédaction de l’article L. 2223-19 du Code général des collectivités territoriales laissant à la charge des seuls ayants-droits du défunt le soin d’apporter plaques funéraires emblèmes religieux sur la sépulture.

[6] CAA Nantes, 4e ch., 16 sept. 2022, n° 22NT00333.

[7] CAA Marseille, 5e ch., 18 juill. 2022, n° 21MA03245.

[8] CE, 8ème – 3e ch. réunies, 25 octobre 2017, n°396990.

[9] Ce qui ne saurait empêcher des processions religieuses. Par exemple : TA Montpellier, 3 novembre 2020 : n°1804799, s’agissant des fêtes de Saint Roch, dont une partie des festivités est financée par la commune de Montpellier.

[10] CE, 4e et 1re ch. réunies, 22 févr. 2019, n° 423702.

[11] Art. R.811-15 du Code de justice administrative : « Lorsqu’il est fait appel d’un jugement de tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, la juridiction d’appel peut, à la demande de l’appelant, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l’appelant paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement ».

[12] CAA Bordeaux, 1re ch. (juge unique), 1er juill. 2022, n° 22BX01365.

[13] Pour une belle et littéraire définition de ce que peut être un monument aux morts : Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut, Paris, Albin Michel, 2013, 566 p.

Rejet du recours visant à mettre fin à la consultation publique lancée par la collectivité territoriale de Martinique en vue de l’adoption de son hymne et de son drapeau

En juillet 2022, la collectivité territoriale de Martinique a approuvé par délibération le principe d’une consultation publique afin d’adopter son hymne et son drapeau. Pour ce faire, une commission consultative ad hoc a été missionnée afin d’en déterminer les modalités pratiques.

Par une délibération du 27 octobre 2022 à laquelle était annexé un règlement, la collectivité a approuvé la forme de l’appel à projet proposée par la commission et l’a chargée de créer un comité technique ayant pour mission d’analyser les propositions formées par les candidats.

Par une nouvelle délibération du 22 décembre 2022, le lancement de la consultation a été approuvé selon des modalités décrites dans un règlement annexé, prévoyant un vote en deux tours, par voie électronique ou en présentiel.

Parmi quatorze propositions de drapeaux et quatre propositions d’hymnes soumises à la population martiniquaise, deux œuvres de chaque catégorie ont été retenues pour le second tour. Un référé visant à mettre fin à la consultation a toutefois été formé avant ce second tour, au motif que celle-ci porterait atteinte à la liberté d’expression et de choix de la population.

Dans un premier temps, la requérante soutenait que les différents règlements annexés à la consultation publique étaient entachés d’irrégularités et de contradictions. Ces griefs ont tour à tour été rejetés par le juge des référés, lequel a considéré qu’ils étaient soit non fondés, soit sans incidence sur la régularité de la consultation.

En effet, le tribunal a d’abord considéré que la circonstance que les règlements communiqués aux candidats différaient du règlement initialement adopté par l’assemblée délibérante, en ce qu’ils ne prévoyaient pas la transmission à la commission consultative de la liste des œuvres examinées par le comité technique, n’avait aucune incidence sur le processus de consultation dans la mesure où les propositions du comité technique avaient quoi qu’il en soit été transmises et analysées par la commission.

En outre, n’a pas été jugé fondé le grief tiré de l’absence de mention de la composition de la commission et du comité technique dans les règlements communiqués aux candidats puisque leur composition figurait dans le règlement de l’appel à projet.

Enfin, le tribunal a estimé que les conditions de notification des œuvres non retenues à leurs auteurs, ainsi que les conditions imposées aux candidats sur les droits d’utilisation, d’exploitation et de reproduction des œuvres, et aux poursuites en cas de manquements à ces obligations, critiquées par la requérante, étaient sans incidence sur les conditions d’organisation et le déroulement de la consultation publique elle-même.

Dans un deuxième temps, la requérante se prévalait de failles de sécurité du système informatique ayant eu lieu durant la première phase de la consultation, qui ont amené la collectivité à suspendre le vote le temps de procéder aux correctifs nécessaires. Le juge des référés a néanmoins considéré que la requérante n’apportait pas d’éléments suffisants démontrant que les conditions techniques du déroulement de la consultation par vote électronique auraient rendue impossible la connexion au site de recueil des votes ou auraient à l’inverse permis des votes multiples.

Par conséquent, aucune des irrégularités invoquées n’étant de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression, le recours a été rejeté.

Un nouveau « plan national covoiturage du quotidien » 2023-2027 annoncé par le Gouvernement

Les ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et de la Transition énergétique ont annoncé, le 13 décembre 2022, un plan national inédit pour soutenir le covoiturage du « quotidien ».

Rappelons qu’un premier plan covoiturage 2019-2022 avait été annoncé par Elisabeth Borne, en tant que Ministre de la Transition écologique et solidaire, le 28 novembre 2019, afin de mettre en place des actions permettant de populariser la pratique du covoiturage.

Fort curieusement le covoiturage sur les trajets de courte distance, inférieurs à 80 km, est peu pratiqué par les 337 000 Français inscrits sur les plateformes de covoiturage, alors que plus de 900.000 trajets quotidiens sont aujourd’hui effectués en covoiturage.

C’est la raison pour laquelle le Plan national prévoit un certain nombre de mesures visant à inciter les covoitureurs à recourir de plus en plus à ce type de pratique pour leurs trajets du quotidien.

Quatre mesures phares peuvent retenir notre attention :

  • A partir du 1er janvier 2023, une prime de 100 € pourra être versée aux conducteurs par les plateformes de covoiturage, sous la forme d’un versement différé : une première partie au 1er covoiturage (25 € minimum) et le reste au 10e covoiturage, dans un délai de 3 mois à compter de son premier covoiturage. Le budget alloué à cette mesure sera de 50 millions d’euros ;
  • Le Gouvernement soutiendra également le covoiturage sur le long terme en finançant la moitié des subventions que proposent déjà certaines collectivités aux covoitureurs sur la base du principe 1 € de l’État pour 1 € de la collectivité. Le budget alloué à cette mesure sera également de 50 millions d’euros ;
  • Un site internet gouvernemental dédié « ecologie.gouv.fr» permettra aux usagers de consulter la liste des politiques tarifaires des collectivités et des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui subventionnent le covoiturage pour pouvoir facilement trouver leur ville et leur tarif ;
  • Enfin, le Fonds vert annoncé par la Première ministre, Élisabeth Borne, le 27 août dernier, de 2 milliards d’euros, mobilisera 50 millions d’euros pour soutenir les collectivités dans le développement d’aires facilitant le covoiturage, de lignes de covoiturage et de voies dédiées au covoiturage sur les routes.

Nul doute que le covoiturage courte distance devrait exploser.

Présomption de légalité des actes des collectivités en l’absence de déféré préfectoral

L’article 72 alinéa 6 de la Constitution et l’Acte I de la décentralisation (loi n° 82-213 du 2 mars 1982) organisent une procédure de contrôle a posteriori et juridictionnel des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements.

Plus précisément, il appartient au représentant de l’Etat de s’assurer de leur conformité avec les dispositions législatives et règlementaires en vigueur sans que celui-ci ne juge lui-même et de façon définitive la légalité des actes.

Destinataire de certains actes exécutoires dès leur transmission[1], le préfet doit alors déférer au juge administratif, dans un délai de deux mois à compter de leur réception, ceux qu’il estime contraires à la légalité[2]. Ce recours en annulation ouvert au préfet, couramment appelé « déféré préfectoral », constitue la phase ultime du contrôle administratif dont il a la charge.

Toutefois, il doit être précisé que ce contrôle de légalité ainsi institué ne donne pas systématiquement lieu à la saisine du juge administratif par le préfet.

A cet égard, par une ordonnance de référé en date du 18 novembre 2022, la Cour administrative d’appel de Paris a précisé les conséquences attachées à l’absence de déféré préfectoral. La Cour a considéré que l’abstention délibérée des services de la préfecture de déférer au juge administratif une délibération – en l’occurrence d’un conseil municipal – établissait une « présomption de la légalité du dispositif ».

En l’espèce, le Préfet de la Seine-Saint-Denis sollicitait du juge des référés la suspension de la décision du 25 mai 2022 par laquelle le Maire de la commune de Noisy-le-Sec avait refusé de saisir le conseil municipal aux fins d’abroger la délibération du 30 mai 1985 portant attribution d’une prime au personnel communal et d’enjoindre audit maire de ne pas exécuter ladite délibération.

Or, le juge des référés a relevé que « cette délibération [n’avait] fait l’objet d’aucune objection au titre du contrôle de légalité. Pas plus les délibérations budgétaires ultérieures qui en tiraient les conséquences ». Partant, il en a déduit que « cette abstention, qui doit être regardée comme délibérée, des autorités chargées du contrôle de légalité, si elle ne peut avoir les effets d’un brevet de légalité, peut néanmoins être regardée comme établissant une présomption de la légalité du dispositif adopté par la commune […] ».

En définitive, la demande du Préfet de Seine-Saint-Denis a été rejetée considérant l’absence de moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la délibération du 30 mai 1985 et donc, par voie de conséquence, du refus de l’abroger.

Il convient néanmoins d’attendre le jugement qui sera rendu sur cette affaire par le Tribunal administratif de Montreuil afin d’analyser si l’appréciation des juges du fond sera identique.

 

[1] Article L. 2131-1 du CGCT pour les communes et les EPCI, article L. 3131-2 du CGCT pour les départements, et article L. 4141-2 du CGCT pour les régions.

[2] Article L. 2131-6 du CGCT pour les communes et les EPCI, article L. 3132-1 du CGCT pour les départements, et article L. 4142-1 du CGCT pour les régions.

La généralisation des procédures orales d’instruction devant les juridictions administratives

A la suite d’une expérimentation réalisée de 2020 à 2022, le Gouvernement a décidé, par un décret n° 2023-10 en date du 9 janvier 2023, de pérenniser les procédures orales d’instruction et de les généraliser devant l’ensemble des juridictions administratives. Ce décret contribue à renforcer l’oralité des procédures devant les juridictions administratives.

Pour rappel, le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 avait prévu la possibilité d’organiser devant le Conseil d’Etat, à titre expérimental et pendant dix-huit mois, une instruction orale pour compléter l’instruction écrite. Cette expérimentation avait d’ailleurs été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2022 par un décret n° 2022-387 du 18 mars 2022.

Par ce nouveau décret publié au Journal Officiel le 10 janvier 2023, le Gouvernement a décidé de pérenniser les procédures orales d’instruction et surtout de les étendre à l’ensemble des juridictions administratives.

Plus précisément, ce décret a inséré un chapitre V intitulé « les procédures orales d’instruction » au sein du Code de justice administrative.

Ce nouveau chapitre comporte deux articles :

  • L’article R. 625-1 relatif à la séance orale d’instruction devant la formation de jugement des tribunaux administratifs et cours administratives ou devant la formation chargée de l’instruction au Conseil d’Etat ;
  • L’article R.625-2 relatif à l’audience publique d’instruction devant la formation de jugement.

Qu’il s’agisse d’une séance orale d’instruction ou d’une audience publique d’instruction, la formation « entend les parties sur toute question de fait ou de droit dont l’examen paraît utile » et a le pouvoir de convoquer « toute personne dont l’audition paraît utile ». Dans les deux cas également, le courrier de convocation « fait état des questions susceptibles d’être évoquées » au cours de la séance ou de l’audience.

La différence entre les deux semble résider dans la faculté d’évoquer toute autre question que celles dont il a été fait état par le courrier de convocation. En effet, si l’article R. 625-1 prévoit cette possibilité pour la séance d’instruction, tel n’est pas le cas pour l’audience d’instruction. Néanmoins, aux termes de l’article R. 625-2 du CJA, les parties conservent la faculté de « présenter des observations orales » à l’audience d’instruction.

Cette progression de l’oralité devant le juge administratif, selon l’usage qui sera fait des dispositifs ici présentés, viendra sans doute nuancer le principe fortement ancré selon lequel la procédure administrative contentieuse est « essentiellement » une procédure écrite (CE, 17 mai 1968, Andrei, n° 66522).

En tout état de cause, il importe de relever que ce développement apparaît quelque peu à contrecourant des pratiques qui ont cours devant les juridictions de l’ordre judiciaire on l’on observe une réduction considérable de la place de l’oralité.

Droit à l’oubli : l’obligation de communication à l’ensemble des responsables de traitement en cas de retrait du consentement

Dans une décision en date du 27 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé les obligations des opérateurs en matière de consentement et d’opposition relatifs aux annuaires et services de renseignement.

En l’espèce, un abonné d’un opérateur de téléphonie avait porté plainte auprès de l’autorité belge de protection des données (ADP) pour violation de l’exercice de son droit à l’oubli auprès d’un fournisseur de services d’annuaires, Proximus. L’opérateur de téléphonie transmettait les coordonnées de ses abonnés à des partenaires offrant des services d’annuaires et de renseignements. L’abonné avait formulé une demande d’effacement de ses coordonnées auprès de Proximus qui avait fait suite à cette demande et prévenu certains moteurs de recherche. Toutefois, Proximus n’ayant pas informé l’opérateur de téléphonie de la demande, le retrait du consentement n’était que partiellement effectif et les coordonnées de l’abonné ont été retransmises à Proximus, qui les a republiées dans son annuaire.

À la suite de la plainte de l’abonné, l’ADP a sanctionné Proximus d’une amende et ce dernier a interjeté appel. La cour d’appel de Bruxelles, par voie de questions préjudicielles, s’est tournée vers la CJUE afin d’éclaircir les obligations des fournisseurs d’annuaires pour l’exercice du droit à l’oubli ainsi que l’articulation entre la directive e-Privacy et le RGPD à ce sujet.

En effet, la directive e-Privacy prévoit qu’il suffit qu’un abonné donne une seule fois son consentement en vue de l’utilisation de ses données dans un annuaire téléphonique, pour que d’autres fournisseurs d’annuaires puissent traiter ces mêmes données à cette même fin. Or, cela n’est pas sans soulever de difficultés lorsque l’abonné souhaite retirer son consentement pour faire valoir son droit à l’oubli garanti par le RGPD, notamment :

  • Comment qualifier cette demande de l’abonné ? ;
  • L’abonné doit-il adresser sa demande à son opérateur, au(x) fournisseur(s) d’annuaires ou à chacun d’eux ? ;
  • Le fournisseur est-il tenu de transmettre cette demande de suppression à des tiers (opérateur de l’abonné, autres fournisseurs d’annuaires ou moteurs de recherche) ?

C’est sur ces questions que la CJUE s’est prononcée en jugeant que « lorsque différents responsables du traitement se fondent sur le consentement unique de la personne concernée, il suffit que celle-ci s’adresse à l’un quelconque des responsables pour retirer son consentement ». La CJUE a ainsi estimé :

  • qu’un consentement était requis afin que les données personnelles d’un abonné de services de télécommunications figurent dans des annuaires téléphoniques/services de renseignements téléphoniques accessibles au public ;
  • qu’un abonné demandant la suppression de ses données des annuaires constitue un « droit à l’effacement » au sens du RGPD ;
  • qu’il peut être exigé que le responsable du traitement prenne les mesures techniques et organisationnelles appropriées pour informer les tiers (opérateur de télécommunications de l’abonné et autres fournisseurs d’annuaires auxquels il a transmis les données de l’abonné) du retrait du consentement de l’abonné ;
  • qu’il peut être demandé à un fournisseur d’annuaires de prendre des mesures raisonnables afin d’informer les moteurs de recherche de la demande d’effacement des données de l’abonné.

Ces réponses fournies par la CJUE permettront à la Cour de se prononcer sur l’appel interjeté par Proximus contre la décision de l’APD.

Transfert de données hors UE : les anciennes clauses contractuelles types ne sont plus valables

Depuis le 27 décembre 2022, les exportateurs et importateurs de données ne peuvent plus utiliser les anciennes clauses contractuelles types (CCT) de la Commission européenne, y compris celles signées avant juin 2021, pour encadrer des transferts de données hors UE.

Pour rappel, le RGPD[1] encadre strictement le transfert de données personnelles vers des pays en dehors de l’Espace économique européen.

Ainsi, le RGPD admet la possibilité de réaliser un transfert international de données :

  • soit s’il existe une décision d’adéquation par laquelle l’Union européenne reconnaît qu’un territoire présente un niveau de protection équivalent au sien ;
  • soit lorsque le transfert répond à l’une des dérogations fondées sur le consentement ou la nécessité de certaines opérations limitativement énumérées ;
  • soit lorsque le transfert s’appuie sur des instruments juridiques appropriés.

Parmi les instruments les plus utilisés, on trouve les CCT qui constituent ensemble de clauses modèles pouvant être utilisées par les parties lors d’un transfert de données personnelles vers un pays tiers à l’UE. A l’origine, la Commission européenne avait adopté des CCT sous la forme de deux ensembles : l’un encadrant les transferts entre deux responsables de traitement (décisions du15 juin 2001 et du 24 décembre 2004), et l’autre encadrant les transferts entre un responsable de traitement et un sous-traitant (décision du 5 février 2010).

Cependant, l’actualisation des CCT était devenue nécessaire à un double titre :

  • d’une part, les anciennes CCT se sont trouvées fragilisées du fait de l’arrêt Schrems II[2] du 16 juillet 2020 par lequel la CJUE a non seulement invalidé le Privacy Shield[3], mais a aussi déclaré l’insuffisance des anciennes CCT pour encadrer un transfert de données à caractère personnel depuis l’Europe vers les États-Unis ;
  • d’autre part, tirant les conséquences de cet arrêt, le Comité Européen pour la Protection des données (CEPD) a adopté, le 11 novembre 2020, un certain nombre de recommandations tendant à l’adoption de mesures supplémentaires pour les transferts internationaux de données.

Compte tenu de ces évolutions, la refonte des CCT paraissait indispensable. C’est dans ce cadre qu’est intervenue la décision d’exécution n° 2020/914, adoptée par la Commission européenne le 4 juin 2021 afin de remplacer les anciens modèles.

A cet égard, il est notamment à relever qu’à la différence des anciennes CCT qui ne couvraient que les transferts entre deux responsables de traitement et ceux entre un responsable de traitement et un sous-traitant, les nouvelles CCT couvrent également les transferts de sous-traitant à sous-traitant ainsi que les transferts de sous-traitant à responsable de traitement.

Une période de transition de trois mois à partir de l’entrée en vigueur des nouvelles CCT avait été prévue (jusqu’en septembre 2021) puis prolongée de 15 mois afin de permettre aux exportateurs et importateurs de données de continuer à invoquer les anciennes CCT.

Ce délai transitoire étant arrivé à son terme le 27 décembre 2022, les exportateurs et importateurs de données doivent tous avoir mis à jour leurs CCT ou recourir à un autre outil de transfert, a alerté la CNIL dans un communiqué publié le 21 décembre 2022.

 

[1] Règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016.

[2] CJUE, 16 juill. 2020, Schrems II, aff. C-311/18.

[3] Décision d’adéquation n° 2016/1250 du 12 juillet 2016 valant accord transatlantique conclu entre les États-Unis et l’Union européenne, permettant à tout responsable de traitement de se référer à cet accord, en s’y déclarant conforme, pour transférer des données entre les deux continents.

Logement social : précisions sur les modalités de contrôle d’un arrêté préfectoral de constat de carence

Depuis la loi SRU de 2000[1], la majorité des communes est tenue de réserver une portion de son parc immobilier à la création de logements sociaux. La liste des communes concernées par cet objectif est fixée au début de chaque période triennale, conformément à l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Confronté à une commune qui n’a pas respecté ses objectifs de réalisation de logements sociaux, le préfet peut prononcer la carence et majorer le prélèvement annuel de la commune en application de l’article L. 302-9-1 du CCH.

Par un arrêt en date du 28 octobre 2022, le Conseil d’État a, d’une part, précisé le pouvoir d’appréciation du préfet quant au prononcé de la carence et à la majoration du prélèvement et, d’autre part, explicité le contrôle exercé par le juge sur une telle décision.

En l’espèce, constatant le non-respect de son objectif de construction sur la période triennale 2014-2016, le Préfet du Val d’Oise avait pris un arrêté de carence à l’encontre de la commune d’Auvers-sur-Oise. Il avait fixé à 300 % le taux de majoration du prélèvement prévu par l’article L. 302-7 du CCH sur une durée de trois ans. La commune, qui sollicitait l’annulation de cet arrêté, a vu sa demande rejetée en première instance puis en appel.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État a jugé « qu’il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis requis, d’apprécier si, compte tenu de l’écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l’affirmative, s’il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel, en fixant le montant dans la limite des plafonds fixés ». Ainsi, il revient au préfet de juger de l’opportunité de prononcer la carence et de majorer le prélèvement de la commune.

Par ailleurs, la Haute juridiction précise « qu’il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d’une erreur d’appréciation des circonstances de l’espèce et, dans la négative, d’apprécier si, compte tenu des circonstances de l’espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d’en réformer, le cas échéant, le montant ». En d’autres termes, saisi d’une demande d’annulation d’un arrêté préfectoral de constat de carence infligeant un prélèvement majoré, le juge du plein contentieux exerce un double contrôle sur l’arrêté litigieux.

En l’occurrence, après avoir admis que le prononcé de la carence de la commune ne procédait pas d’une erreur d’appréciation, la Cour administrative d’appel de Versailles, saisie de moyens sur la disproportion du taux de majoration du prélèvement annuel de la commune, aurait dû apprécier si la sanction infligée ne revêtait pas un caractère disproportionné. En conséquence, le Conseil d’Etat censure l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire à la Cour.

Cela étant, il importe de relever que cette décision est antérieure à la loi 3DS du 21 février 2022 qui supprime l’échéance de 2025 et pérennise le dispositif SRU en aménageant un nouveau rythme de rattrapage applicable à compter de la huitième période triennale (2023-2025). La solution reste semble-t-il toutefois transposable.

 

[1] Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

Règles de publicités des emplois vacants sur un espace commun aux trois fonctions publiques, la circulaire du 27 décembre 2022

Aux termes de l’article L. 311-2 du Code général de la fonction publique, les employeurs publics ont l’obligation de publier leurs vacances de postes.

En application de ces dispositions, le décret n° 2018-1351 du 28 décembre 2018, récemment modifié par décret n° 2022-598 du 20 avril 2022[1], définit les règles relatives à cette publication qui doit s’organiser sur l’espace numérique commun à l’ensemble des administrations. Le 27 décembre, le ministère de la transformation et de la fonction publiques a publié une nouvelle circulaire précisant les modalités de mise en œuvre de cette obligation. Elle remplace la circulaire du 3 avril 2019 ayant le même objet.

Pour rappel, les mentions devant figurer obligatoirement sur l’avis de vacance, sont particulièrement nombreuses : le versant de la fonction publique dont relève l’emploi, la création ou la vacance d’emploi, la catégorie statutaire, le ou les corps ou cadres d’emplois et, s’il y a lieu, le grade, attendus pour pouvoir l’emploi, l’autorité de recrutement, l’organisme ou la structure dans laquelle se trouve l’emploi, les références du métier auquel se rattache l’emploi, les missions de l’emploi et le profil attendu du candidat en termes d’expériences ou de compétences, le cas échéant les conditions spécifiques d’exercice liées à l’emploi (habilitations, diplômes et formation requis), l’intitulé du poste, la localisation géographique de l’emploi, la date de vacance de l’emploi, l’autorité à qui adresser les candidatures et le délai de candidature.

Outre que l’espace commun sur lequel doivent être réalisées les publications, connu sous le nom de « Place de l’emploi public » (PEP), évolue pour devenir le site de la marque employeur du service public et s’intitule désormais « Choisir le service public » on peut rappeler et trouver dans la circulaire le détail des points suivants :

  • D’abord, l’obligation de publicité couvre le champ des créations ou vacances d’emplois permanents à temps complet ou non complet, pourvues par des fonctionnaires ou des contractuels de droit public d’une durée indéterminée ou déterminée. Il est à noter que depuis l’entrée en vigueur du décret du 20 avril 2022, les emplois de fonctions supports, i.e. les emplois appartenant aux domaines fonctionnels de l’achat, de la gestion budgétaire et financière, de direction et de pilotage des politiques publiques, de la communication, du numérique et des ressources humaines du répertoire des métiers commun aux trois fonctions publiques, ne bénéficient plus d’une dérogation à l’obligation de publicité ;
  • Ensuite, s’agissant des vacances d’emplois de contractuels, le ministère rappelle que seuls sont soumis à l’obligation de publicité les contrats conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ;
  • Par ailleurs, les créations et vacances d’emploi doivent être publiées sans délai sur le site Choisir le service public. Cela signifie que les employeurs publics ne peuvent plus organiser, dans le cadre de la gestion des mobilités, une première publication en interne pour solliciter exclusivement, dans un premier temps, les candidatures des personnels déjà en poste dans leurs services, pour les emplois qu’elles ont à pourvoir ;
  • Enfin, afin de permettre le recueil des candidatures, les administrations doivent publier, sauf urgence, les avis de vacance pour une durée minimale d’un mois.

 

[1]https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045632236#:~:text=ChronoL%C3%A9gi&text=Publics%20concern%C3%A9s%20%3A%20agents%20publics%20et,le%20lendemain%20de%20sa%20publication

Conditions de retrait d’une décision de réintégration d’un agent public révoqué

Par un arrêt en date du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles une décision de réintégration provisoire, prise en exécution d’une ordonnance de référé portant suspension de la révocation d’un agent, peut être retirée par l’employeur.

Dans cette espèce, le juge des référés avait, par une ordonnance du 8 juillet 2017, suspendu la révocation infligée par le Département de la Seine-Saint-Denis à M. A, adjoint administratif de seconde classe, et enjoint à l’administration de réintégrer provisoirement l’intéressé, ce qu’elle fit par une décision du 8 septembre 2017.

Puis, la sanction de révocation avait été annulée par le juge du fond, qui avait enjoint à l’employeur de réintégrer l’agent définitivement. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Versailles annulait ce jugement le 4 décembre 2019 et un pourvoi était formé contre l’arrêt d’appel.

Bien que le pourvoi soit toujours pendant, le Département tirait les conséquences de l’arrêt d’appel confirmant la légalité de la révocation, et retirait sa décision du 8 septembre 2017, portant réintégration provisoire de l’agent, par une décision du 19 janvier 2021, avec pour conséquence la révocation effective de celui-ci.

C’est dans ces conditions que l’agent a sollicité la suspension de cette décision devant le juge des référés, lequel a accueilli sa demande, et que le Conseil d’Etat, saisi par le Département, a été amené à trancher le litige.

La Haute juridiction administrative a jugé que « en cas d’annulation, par une décision du juge d’appel, du jugement ayant prononcé l’annulation de la décision portant révocation d’un agent public, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de révocation, l’autorité compétente ne peut retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l’administration de la décision rendue en appel. Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l’arrêt ayant confirmé la révocation de l’agent, l’autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l’annulation du premier jugement. Dans tous les cas, elle doit, avant de procéder au retrait, inviter l’agent à présenter ses observations ».

Or, au cas particulier, le retrait de la décision de réintégration provisoire du 13 juillet 2017 était intervenu le 19 janvier 2021, soit bien au-delà du délai de quatre mois dont disposait l’administration à compter de la notification de l’arrêt d’appel du 4 septembre 2019, mais avant que le Conseil d’Etat ne se soit prononcé au fond concernant la révocation de l’agent. Ainsi, le Conseil d’Etat a considéré que « en retenant comme propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué le moyen tiré de ce qu’à la date du 19 janvier 2021 le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement retirer la décision de réintégration prise à la suite de la suspension de la décision du 26 avril 2017 portant révocation de M. A…, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil n’a pas commis d’erreur de droit ».

On relèvera qu’un arrêt similaire avait déjà été rendu par le Conseil d’Etat (CE, 23 mai 2018, n° 416313). Toutefois, sa position est ici affirmée comme solution de principe, le présent arrêt étant classé en catégorie A, ce qui est réservé aux arrêts dont la portée est majeure, là où le précédent arrêt est classé en catégorie B.

Les conclusions du rapporteur public rendues dans cet arrêt, seules à avoir été publiées, permettent de comprendre la logique retenue par le Conseil d’Etat, à savoir qu’en s’abstenant de retirer, dans le délai raisonnable de quatre mois suivant le jugement qui lui donnait raison, les décisions prises à titre provisoire en application de l’ordonnance du premier juge des référés, l’employeur les a laissées continuer à produire leurs effets et devenir définitives.

En conclusion, il convient pour l’administration d’être réactive lorsqu’elle reçoit la notification d’un jugement confirmant la légalité d’une sanction disciplinaire prise à l’encontre d’un agent, en retirant très rapidement toute éventuelle mesure de réintégration provisoire prise en application d’une ordonnance de suspension de la sanction, sous peine de voir une telle mesure devenir définitive.

Sanction disciplinaire et détective privé : Aux grands maux les grands remèdes !

La démonstration par l’administration de la matérialité des faits qu’elle reproche à un agent est absolument essentielle à la réussite de la procédure disciplinaire, mais elle va être plus ou moins aisée, de sorte qu’il est parfois nécessaire de déployer les moyens ad hoc, en mettant en œuvre une enquête administrative ou en faisant appel, selon le dossier, à un détective privé.

Ce point pose alors la question de la loyauté de la preuve, déjà tranché par le Conseil d’Etat en 2014, dans un arrêt de section qui rappelait que la preuve s’administre par tout moyen, avec pour limite cette loyauté, et à moins qu’un intérêt majeur justifier de passer outre.

La haute juridiction avait ainsi validé le fait qu’afin d’établir qu’un agent exerçait sans autorisation, en lien avec son épouse, une activité lucrative privée par l’intermédiaire de deux sociétés, une commune avait confié à une agence de détectives privés le soin de réaliser des investigations dans le but « de mettre en évidence les activités professionnelles du couple et d’en administrer les preuves par des surveillances », en soulignant que cette agence avait réalisé un rapport reposant sur des constatations matérielles dans des lieux ouverts au public, et donc selon des constats qui ne traduisaient pas un manquement à la loyauté (CE, Sect., 16 juillet 2014, n° 355201).

Le Juge administratif a ensuite pu donner d’autres exemples intéressants quant aux preuves admises, en considérant par exemple que :

  • n’a pas méconnu son obligation de loyauté à l’égard d’un de ses enseignants une université se fondant sur des conversations téléphoniques, enregistrées à son insu par une étudiante, pour lui infliger une sanction disciplinaire, dès lors que ces pièces ont été soumises au débat contradictoire (CE, 21 juin 2019, n°424593) ;
  • des images extraites d’un système de vidéo-surveillance disposé sur la voie publique constituent des éléments de preuve qui, n’ayant pas été obtenus par des stratagèmes ou des procédés déloyaux, peuvent légalement être utilisés pour établir la réalité des faits retenus à l’encontre d’un agent dans le cadre d’une procédure disciplinaire (CAA Marseille, 4 mars 2021, n° 19MA04107).

Saisie d’un recours contre une sanction de révocation, la Cour administrative d’appel de Bordeaux vient de donner un nouvel exemple, s’agissant d’une enquête menée dans une déchetterie d’un syndicat mixte intercommunal. Elle d’abord rappelé que le recours du Syndicat à des investigations menées par des enquêteurs privés était justifié en l’espèce dès lors qu’il existait des soupçons portant sur la participation de certains agents à un trafic de métaux, d’appareils électroménagers et de batteries, que l’enquête de la gendarmerie n’avait pu mettre à jour.

Puis elle a relevé que l’agence de recherches privées avait mené ses investigations dans des lieux accessibles au public, durant les heures de service des agents et sans organiser un mode de surveillance intrusif ou encore écouter sciemment ses conversations téléphoniques privées.

En synthèse, sauf peut-être à faire fouiller les poubelles des agents à leur domicile, les employeurs publics ont une latitude certaine dans le recours à des investigations privées dans le but d’établir la réalité et l’ampleur de faits fautifs.

Le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas obstacle à ce qu’une décision de préemption soit prise en vue de permettre la réalisation d’un équipement collectif a vocation cultuelle

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a eu à trancher la question de l’exercice du droit de préemption par une commune en vue de permettre l’agrandissement d’un édifice culturel, dans le respect de la législation propre à la préemption, à savoir classiquement les articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, mais également de la loi du 9 décembre 1905 de séparation de l’Église et de l’Etat.

En effet, par une décision en date du 25 janvier 2017, le Maire de Montreuil a exercé le droit de préemption urbain sur une parcelle afin de permettre la réalisation d’un équipement public collectif d’intérêt général à vocation culturelle consistant en une extension d’un centre socio culturel et ses aires de stationnement, déjà présents sur la parcelle voisine, ainsi que de créer des salles de classe, des salles de conférence et une bibliothèque consacrée à l’enseignement religieux.

Saisi par les propriétaires du terrain préempté, le Tribunal administratif de Montreuil a, par jugement n° 1702610 du 1er février 2018, annulé cette décision. Selon le Tribunal, cette décision de préemption ne répondait pas aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, car l’extension d’un édifice cultuel et de son parking ne constitue pas un équipement collectif :

« la réalisation d’équipements collectifs visés par les dispositions ci-dessus reproduites ne peut concerner que des opérations qui, d’une part, revêtent une certaine ampleur, et, d’autre part, relèvent de la compétence des collectivités publiques et sont mises en œuvre par elles ou sous leur contrôle ; que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une commune exerce ce droit pour rétrocéder à une autre personne le soin de réaliser l’aménagement prévu, cette autre personne doit être une collectivité publique ou être contrôlée par elle ; qu’ainsi, ni l’extension d’un édifice cultuel ni celle du parking réservé aux fidèles, attenant à cet édifice, ne sauraient constituer la réalisation d’un tel équipement collectif ; qu’enfin, il ne ressort d’aucune pièce du dossier, ni du reste n’est soutenu en défense, que les salles de classe et de conférence ainsi que la bibliothèque seront affectées à un établissement d’enseignement supérieur ».

Devant le Tribunal, avait également été soulevé le moyen selon lequel la décision de préemption méconnait la loi du 9 décembre 1905, moyen qui a également été accueilli par le Tribunal qui a considéré que les travaux d’agrandissement du centre culturel et du parking attenant devaient être assimilés, en raison de leur ampleur, en une construction et non en des travaux de réparation, de sorte que la décision de préemption de la Commune, qui engage ses finances, s’apparentait à une contribution indirecte à la construction d’un édifice culturel :

« la décision de préemption attaquée a été prise pour permettre l’extension d’une mosquée et de son parking ainsi que de créer des salles de classe, des salles de conférence et une bibliothèque consacrées à un enseignement religieux ; que les travaux envisagés n’ont pas la nature de travaux de réparation d’un édifice cultuel mais doivent, en raison de leur ampleur, être assimilés à la construction d’un édifice cultuel et de ses dépendances ; qu’en conséquence, une telle décision de préemption, qui engage les finances de la commune, constitue une contribution indirecte à la construction d’un tel édifice ».

Puis, la Commune a interjeté appel de ce jugement, appel qui a été rejeté par la Cour administrative d’appel de Versailles par un arrêt n° 18VE01088 du 1er octobre 2020. Selon la Cour, en décidant de préempter la parcelle à un prix bien inférieur au prix mentionné dans la décision d’intention d’aliéner et à celui émis par l’avis des domaines, en vue de la laisser de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association culturelle, la Commune a décidé une dépense illégale en faveur de l’exercice d’un culte, et partant contraire à la loi de 1905. Aussi, la Cour a confirmé la qualification des faits du Tribunal en refusant de donner la qualification d’équipement collectif, et, consécutivement d’action ou d’opération d’aménagement, à l’équipement projeté :

« en décidant de préempter la parcelle litigieuse en vue de la laisser de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association principalement pour l’exercice d’un culte, d’ailleurs au prix de 450 000 euros très inférieur au montant de 796 000 euros retenu par l’avis du service des domaines et à la somme de 800 000 euros figurant dans la promesse de vente passée avec l’acquéreur évincé, le maire de la commune de Montreuil a, en l’absence de dérogations légales le prévoyant, décidé une dépense illégale en faveur de l’exercice d’un culte, en méconnaissance des dispositions, mentionnées au point 2, de la loi du 9 décembre 1905 susvisée. En outre, la préemption litigieuse a été décidée en vue de réalisation d’un équipement dont l’ampleur insuffisante ne permet pas de le regarder comme un équipement collectif au sens et pour l’application des dispositions combinées, mentionnées au point 4, des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme ».

Il est intéressant de relever que les juges du fond ont considéré que l’ampleur du projet, au sens de la loi de 1905, était suffisamment importante pour assimiler les travaux en une construction même d’un édifice culturel, mais ont, en revanche, considéré que l’ampleur de l’équipement projeté était insuffisante, au sens des dispositions précitées du Code de l’urbanisme, pour le regarder comme un équipement collectif.

Cela étant rappelé, c’est ici bien comprendre que les juges du fond ont, en substance, considéré que la décision de préemption de la commune de Montreuil était illégale, puisqu’elle méconnaissait :

  • d’une part, la loi du 9 décembre 1905 ;
  • d’autre part, les articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme.

Saisi par un pourvoi de la Commune, le Conseil d’Etat a cassé, à deux titres, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles.

D’une part, s’agissant de la loi de 1905, le Conseil d’Etat a combiné les principes de laïcité, de neutralité et d’égalité, et considéré que :

« le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas obstacle à ce qu’une décision de préemption soit prise, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, en vue de permettre la réalisation d’un équipement collectif à vocation culturelle. Une telle décision n’est pas par elle-même constitutive d’une aide à l’exercice d’un culte prohibée par les dispositions de la loi du 9 décembre 1905. En revanche, ces dispositions impliquent, sauf à ce que la collectivité se fonde sur des dispositions législatives dérogeant aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905, que la mise en œuvre d’un tel projet soit effectuée dans des conditions qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide directe ou indirecte à un culte ».

Partant, le Conseil d’Etat a jugé que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant que la décision de préemption en litige était par elle-même constitutive d’une dépense illégale en faveur de l’exercice d’un culte au sens de la loi du 9 décembre 1905. Au contraire, selon le Conseil d’Etat, une décision de préemption prise en vue de permettre la réalisation d’un équipement collectif à vocation culturelle est en principe possible, dès lors que n’en découle aucune libéralité.

D’autre part, s’agissant de la prétendue méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que le projet d’agrandissement de l’édifice cultuel et de son parking, en raison de son ampleur, doit être considéré comme un équipement collectif, et présente ainsi le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement au sens des dispositions précitées du Code de l’urbanisme :

« il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision du 25 janvier 2017 par laquelle le maire de Montreuil a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle appartenant aux consorts A […] est destinée à permettre l’extension du centre socio-cultuel implanté sur le terrain communal mitoyen de la parcelle préemptée, qui a fait l’objet d’un bail emphytéotique administratif passé entre la ville de Montreuil et la fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil afin, d’une part, d’augmenter la capacité d’accueil de la mosquée existante pour répondre aux besoins de la communauté musulmane locale ainsi que celle du parc de stationnement assurant l’accueil des fidèles et, d’autre part, de créer des salles de classe, des salles de conférences et une bibliothèque consacrées à l’enseignement religieux. Eu égard à son objet et à son ampleur, ce projet présente le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement au sens des dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme ».

Ici, le Conseil d’Etat a donc reproché à la Cour une erreur de qualification des faits qui lui étaient soumis car cette dernière avait estimé que le projet était d’une ampleur insuffisante pour pouvoir être regardé comme un équipement collectif au sens des dispositions précitées.

Enfin, l’on rappellera que le Conseil d’Etat a réglé l’affaire au fond et a, concrètement, considéré que la décision de préemption était parfaitement légale, ce qui l’a conduit à annuler l’arrêt de la Cour et le jugement du Tribunal, et de rejeter la requête des requérants, propriétaires de la parcelle préemptée.

L’astreinte administrative peut impliquer la démolition d’un bien

Par une décision en date du 22 décembre dernier publiée au Recueil, le Conseil d’Etat vient de préciser le champ d’application de l’astreinte administrative.

La procédure d’astreinte administrative, créée par la loi du 27 décembre 2019 « engagement et proximité », est venue renforcer les pouvoirs des maires en leur attribuant de nouveaux outils en matière de police administrative. A ce titre, les Communes disposent désormais de la possibilité d’engager une procédure d’astreinte administrative à l’encontre de toute personne ayant entrepris des travaux en méconnaissance de la règlementation d’urbanisme en vigueur.

Cette procédure est encadrée par les dispositions des articles L. 481-1 à L. 481-3 du Code de l’urbanisme et permet, lorsque des travaux soumis à autorisation d’urbanisme ont été réalisés en méconnaissance des dispositions du Code de l’urbanisme, de mettre en demeure l’intéressé de :

  • Procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause ;

ou

  • Déposer une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.

Plusieurs juridictions de première instance avaient considéré que ces dispositions ne permettaient pas de régulièrement mettre en demeure le contrevenant de démolir, la démolition nécessitant l’intervention du juge judiciaire (TA Poitiers, 16 décembre 2021, n° 2001547 ; TA Lyon, 19 juillet 2022, req. n° 2106307). Selon ces juridictions du fond, la procédure d’astreinte administrative ne pouvait être mise en œuvre que pour les infractions les moins graves. C’est cette position qui est ici sanctionnée par le Conseil d’Etat qui considère que :

« 3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique dont elles sont issues, que, dans le but de renforcer le respect des règles d’utilisation des sols et des autorisations d’urbanisme, le législateur a entendu, que, lorsqu’a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d’une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, mettre en demeure l’intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l’irrégularité constatée et les moyens permettant d’y remédier, soit de solliciter l’autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l’aménagement, l’installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l’impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Cette mise en demeure peut être assortie d’une astreinte, prononcée dès l’origine ou à tout moment après l’expiration du délai imparti par la mise en demeure, s’il n’y a pas été satisfait, en ce cas après que l’intéressé a de nouveau été invité à présenter ses observations ».

Autrement dit, la procédure d’astreinte administrative peut être mise en œuvre indépendamment des poursuites pénales et ce, quel que soit le degré de gravité de l’infraction ou l’étendue des mesures à prendre pour régulariser la situation.

Confirmation de la demande de permis de construire après l’annulation du refus : pas de modifications au projet initial pour bénéficier de la cristallisation des règles d’urbanisme

Par une décision en date du 14 décembre 2022, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la portée des articles L. 600-2 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme relatives, d’une part, à la cristallisation de la règle d’urbanisme lorsqu’une décision de refus de permis de construire a été annulée par le juge.

Dans cette affaire la société Eolarmor a déposé une demande de permis de construire valant permis de démolir en vue de la réalisation d’un immeuble collectif sur le territoire de la commune de Trébeurden (Côtes d’Armor). Par un premier arrêté en date du 6 juin 2014, le Maire a refusé la délivrance de ce permis. Saisi par la société pétitionnaire, le Tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 17 mars 2017, annulé cette décision de refus et enjoint au Maire de prendre une nouvelle décision. La Commune a, alors, relevé appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Nantes. Dans le même temps, la société Eolarmor ayant confirmé sa demande, le Maire a, par un arrêté du 9 mai 2017, à nouveau, refusé de délivrer un permis de construire.

Par un arrêt en date du 16 mars 2018, la Cour administrative de Nantes a donné acte du désistement de la commune formé contre le jugement du 17 mars 2017, compte tenu d’un protocole transactionnel établi avec la société Eolarmor. Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 17 mars 2017 annulant le refus de permis de construire initial est par suite devenu définitif. La société Eolarmor a alors confirmé sa demande de permis de construire et le Maire a délivré le permis sollicité par un arrêté du 20 avril 2018.

Un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de ce permis a, alors, été formé par deux associations devant le Tribunal administratif de Rennes, lequel a rejeté la requête par un jugement du 7 octobre 2019. Saisie du litige, la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que le permis de construire du 20 avril 2018, par un arrêt du 20 octobre 2020.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la portée des articles L. 600-2 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme à la cristallisation de la règle d’urbanisme lorsqu’une décision de refus de permis de construire a été annulée par le juge.

Les dispositions de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme prévoient, en effet, que :

« Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire ».

Après avoir rappelé que la cristallisation des règles applicables pour statuer sur la demande de permis de construire dont le refus a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle devenue définitive nécessitait l’intervention d’une confirmation de la demande dans un délai de 6 mois, le Conseil d’Etat a précisé que ces dispositions dérogatoires « sont d’interprétation stricte ».

Plus précisément, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour administrative d’appel de Nantes n’avait pas entaché son arrêt d’erreur de droit en retenant que « la demande présentée par la société Eolarmor ne pouvait être considérée comme une confirmation de sa demande d’autorisation initiale au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme dès lors qu’elle impliquait une modification du projet dépassant de simples ajustements ponctuels, qu’il s’agissait par suite d’une demande portant sur un nouveau projet et qu’elle devait, dans ces conditions, être appréciée non au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision illégale de refus de permis de construire, mais au regard des règles du plan local d’urbanisme adopté en 2017, applicables à la date de cette nouvelle demande ».

Le Conseil d’Etat a, donc, fait le choix d’une application stricte du texte, contrairement à ce que proposait son rapporteur public, Monsieur Nicolas Agnoux. En effet, ce dernier, envisageant les deux solutions, proposait aux magistrats de permettre au pétitionnaire de bénéficier de la cristallisation prévue par les dispositions de l’article L. 600-2, dès lors que les évolutions de la demande initiale n’avaient pas pour effet de créer des non-conformités supplémentaires au regard du document d’urbanisme désormais en vigueur et qu’elles n’entrainaient pas « un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » du projet. Autrement dit, le rapporteur public proposait au Conseil d’Etat de transposer la jurisprudence applicable en matière de permis de construire modificatif.

Tel n’est, toutefois pas la position retenue par le Conseil d’état qui précise que le pétitionnaire ne peut se prévaloir d’aucune cristallisation de la règlementation applicable à la suite de l’annulation d’un refus de permis de construire si le projet ayant fait l’objet d’une confirmation de demande de permis de construire diffère de celui présenté dans la demande initiale.

Ainsi, le pétitionnaire souhaitant bénéficier de la cristallisation des règles prévue par les dispositions de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme ne pourra apporter à son projet que de simples ajustements ponctuels – lesquels restent, toutefois, à définir.

Au surplus, le Conseil d’Etat a également eu l’occasion de rappeler les conditions de mise en œuvre des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme qui permettent aux magistrats de surseoir à statuer sur les conclusions dont ils sont saisis contre une autorisation d’urbanisme lorsque le ou les vices qui affectent sa légalité sont susceptibles d’être régularisés.

A ce titre, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme ne pouvaient être mises en œuvre dès lors que l’un au moins des vices affectant la légalité du permis de construire est insusceptible d’être régularisé.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a considéré que la société Eolarmor n’était pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 20 octobre 2000 et a mis à sa charge sa somme de 3 000 euros à verser aux associations requérantes au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Loi Kouchner : quel bilan après 20 ans ?

En rééquilibrant les relations patients-médecins, la loi sur les droits des malades et la qualité du système de soin, n° 2002-303 en date du 4 mars 2002, dite « Loi Kouchner », a permis de mieux prendre en considération les droits des malades en les replaçant au centre des soins.

Pendant très longtemps, les patients n’avaient guère droit au chapitre lorsqu’ils se trouvaient hospitalisés. Le médecin, maître de son art, était seul à estimer ce qui était bon pour son patient et les soins qu’il convenait de lui prodiguer.

Le droit des patients n’a cessé d’évoluer au fil du 20ème siècle. C’est la jurisprudence qui opéra une première reconnaissance d’un droit pour les patients au travers de l’arrêt rendu le 26 janvier 1942 par la Cour de cassation, dans une affaire Teyssier (DC 1942. 63 ; Gaz. Pal. 1942. 1. 177), qui pose la base du devoir d’information et de recueil du consentement du patient. Le droit au consentement pour les soins courants ne sera instauré que par la loi n° 1988-1138 du 28 décembre 1988 relative à la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales.

Après la Seconde guerre mondiale, les hôpitaux se transforment en lieux de soins pour tous mais il faudra attendre le décret n° 74-27 du 14 janvier 1974, relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux, pour que soit instituée et rendue obligatoire la Charte des personnes hospitalisées qui permet une première reconnaissance des droits et devoirs des malades.

L’apparition du SIDA, aux détours des années 80, va constituer une étape importante dans la revendication des patients à se voir reconnaître davantage de droits. Face à des médecins démunis, à une absence de traitement et une mortalité frisant les 100 %, les patients exigent légitimement de pouvoir être associés et participer aux décisions de soins qui les concernent.

L’affaire du sang contaminé, impliquant le Centre national de transfusion sanguine et l’ensemble du système hospitalier, viendra confirmer de plus fort la nécessité pour les patients de disposer de droits propres, indépendamment du système de santé.

Par la suite, le Conseil constitutionnel viendra consacrer comme principe à valeur constitutionnelle le droit à l’information des patients, par une décision n° 94-344 du 7 juillet 1994. Et, en 1996, les associations de patients accèderont au statut de partenaire institutionnel de l’action sanitaire, inscrit comme tel dans le Code de santé publique.

Les Etats généraux de la santé, organisés par le ministère de la santé de septembre 1998 à juin 1999, dans 80 villes de France, révèlent la totale méconnaissance des usagers du système de santé de ce que sont leurs droits à exprimer leurs volontés et à être entendus, pour toutes les décisions de soins les concernant.

C’est de ces Etats généraux qu’est née la loi n° 2002-303 en date du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi « Kouchner ». Elle va définir ce qu’il conviendra désormais de désigner comme la démocratie sanitaire, c’est-à-dire la reconnaissance du droit dont dispose chacun de connaître, décider et agir pour sa santé. La loi Kouchner va ainsi fixer des droits individuels pour les patients ainsi que des droits collectifs qui deviendront des devoirs et obligations pour les établissements de santé publics et privés.

Au titre des droits individuels, figurent le droit de choisir librement son patient, le droit à l’information du malade qui se traduit par un droit d’accès à son dossier médical mais également par un droit à être dûment informé sur les traitements qui lui sont proposés, leurs risques et leurs frais. Les établissements doivent recevoir expressément le consentement du patient aux soins, y compris pour les personnes ne pouvant exprimer leur volonté comme les mineurs. Les hôpitaux doivent encore mettre en œuvre une égalité d’accès aux soins en veillant à n’être en rien discriminants, ils doivent informer leurs patients qu’ils disposent du droit de choisir et désigner une personne de confiance, qui sera l’interlocutrice du système de santé pour le temps où le patient ne peut plus exercer son discernement. Ils doivent aussi informer les patients sur leur droit à accéder à des soins palliatifs lorsque leur état de santé le justifie.

La loi Kouchner a, également, formalisé quelques droits collectifs pour les patients et usagers du système de santé. Désormais, les représentants des usagers interviennent dans les instances de santé au niveau national, local et territorial. Les associations de patients disposent de sièges dans les organes de gouvernance des hôpitaux.

Enfin, et ce n’est pas mince, la loi nouvelle a défini la notion, jusque-là imprécise, de responsabilité médicale pour faute et créé un droit à réparation de l’aléa thérapeutique afin d’indemniser les patients pour toutes les infections dites nosocomiales, c’est-à-dire contractées à l’hôpital.

Quelques dispositions législatives viendront compléter l’arsenal déjà bien étoffé de la loi Kouchner. Ainsi, la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, va-t-elle créer une Conférence nationale de santé, à laquelle seront associés les usagers pour la fixation des grandes orientations des politiques de santé.

La loi n° 2005-370 du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie, a renforcé le droit de refus du patient d’être soigné et organisé la situation des personnes en fin de vie ainsi que des personnes n’étant plus en état de faire connaître leurs volontés. C’est ce texte qui a, pour la première fois, instauré les directives anticipées.

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, est venue réformer la gouvernance des hôpitaux en incluant la représentation des usagers. Elle a également créé les Agences régionales de santé, dans les instances desquelles viennent également siéger les usagers. Elle a, aussi, garanti un égal accès des patients à des soins sûrs et de qualité, notamment en facilitant le parcours de soins, par la création de passerelles de prise en charge entre la ville et l’hôpital.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, de modernisation de notre système de santé, va renforcer considérablement le rôle des représentants des usagers, notamment au sein des Commissions des usagers, dont les compétences vont être étendues.

Au terme de ce long parcours législatif, les droits des patients ont donc été reconnus puis mis en œuvre afin de faire de chaque citoyen un véritable acteur de sa santé. A ce stade, on peut donc considérer que les relations entre les patients et les médecins ont fondamentalement changé de nature, devenant, au fil du temps et des réformes, plus horizontales. Ce bilan globalement positif doit cependant être tempéré. D’abord, la crise sanitaire de la Covid-19 a montré quelques limites à la démocratie en santé. Ainsi, la Conférence nationale de santé, en sa séance de juin 2021, a regretté que les droits des patients aient été mis entre parenthèse devant l’urgence à régler la crise. Le secret médical n’a pas toujours été scrupuleusement respecté, la déprogrammation intensive d’opérations chirurgicales ne s’est pas toujours faite avec le consentement éclairé des patients. Les retards dans les diagnostics ont entrainé d’importantes pertes de chances pour de nombreux patients. Et ce ne sont là que quelques-uns des griefs relevés par la Conférence.

Enfin, la Conférence de santé, en partenariat avec les associations d’usagers, a noté que d’importants progrès restent à accomplir pour ce qui concerne les représentants des usagers : souvent peu nombreux, souvent peu reconnus ou souvent tenus à l’écart de décisions importantes. Elle propose et préconise notamment la création d’un parlement sanitaire et social dans les régions réunissant tous les acteurs de santé et où la voix des usagers pourrait porter davantage.

Ainsi, la loi Kouchner a fait faire aux droits des patients, et donc aux devoirs des établissements de santé, un important bond en avant. Les patients sont désormais acteurs, tant individuellement pour leur propre santé que collectivement en qualité d’usagers, du fonctionnement de notre système de santé. On peut au moins regretter que les différents dispositifs législatifs n’aient pas créé une obligation d’évaluation qui permettrait d’avoir un suivi précis de la manière dont s’exercent les droits des patients et, notamment, du contentieux né ou à naître de la mise en œuvre de ces droits.

 

Jean-Carles GRELIER – Avocat consultant

Edito : Plus de 20 ans après l’adoption de la loi Kouchner, quel bilan tirer ?

Adoptée consécutivement à la loi en date du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, la loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a fêté ses 20 ans le 4 mars 2022.

Fruit d’une mobilisation intense de la part des associations du secteur et des usagers, cette loi avait vocation à être davantage protectrice des droits des malades et des usagers du système de santé en leur consacrant de nouveaux droits, rééquilibrant ainsi les relations patients-médecins.

Plus largement, en plaçant le malade au cœur des soins, cette loi se destinait à la mise en œuvre d’une véritable démocratie sanitaire, se voulant a fortiori à l’époque comme une loi décisive et en rupture pour l’ensemble du secteur. Bien que certains droits étaient déjà reconnus avant son adoption, tant par la jurisprudence que par les textes règlementaires ou législatifs, cette loi visait à renforcer le secteur sanitaire dans son ensemble.

Engagés aux côtés des acteurs du domaine sanitaire, social et médico-social, en ce début d’année, nous avons souhaité dédier le sujet du mois de notre Lettre d’Actualités Juridiques à la loi Kouchner et aux évolutions juridiques qui lui ont succédé. Un bilan sans doute inachevé et qui appelle de nouvelles réformes.

Ce bilan est abordé ci-après sous deux aspects :

  • Loi Kouchner : quel bilan après 20 ans ?
  • Droits des patients et déontologie – Les refus de soin.

 

Marie-Hélène PACHEN-LEFEVRE, Jean-Carles GRELIER et Caroline LANTERO, Avocats en charge des activités de droit de la santé, avec la participation de Doriane PILARD, alternante en Master II Droit sanitaire et social à Paris I

La CRE publie son analyse des prix de gros de l’électricité pour l’hiver 2022-2023 et l’année 2023

La CRE publie son analyse de l’évolution des prix de gros de l’électricité depuis juillet 2022 ainsi que la synthèse des réponses des acteurs du marché français de gros de l’électricité, interrogés dans le but d’expliquer les niveaux des prix atteints.

La CRE relève la particularité de la situation française dans ce contexte de hausse du prix de l’énergie. L’analyse explique ainsi que « [l]e prix français est sensible au prix des commodités (gaz, charbon, CO2) mais aussi, dans une grande mesure, à la disponibilité prévisionnelle de son parc nucléaire pour l’année à venir et en particulier pour l’hiver, ce qui est particulièrement visible pour l’hiver 2022-2023 ».

La CRE analyse également le comportement des différents acteurs du marché de l’énergie tels que les producteurs et fournisseurs, mais également les acteurs financiers et les intermédiaires de l’énergie (agrégateurs, consommateurs, …) afin d’expliquer les comportements ayant éventuellement contribué à cette situation.

Ainsi, la CRE relève que « [l]es réponses des acteurs montrent que, dans cette situation de très forte incertitude, la couverture individuelle des risques liés aux activités physiques (production, fourniture, consommation, échanges aux frontières) conduit d’un côté à des achats supérieurs à la moyenne des besoins anticipés et de l’autre côté à une réduction des ventes sur les marchés à terme. Cela contribue mécaniquement à une tension sur les marchés à terme encore plus forte que celle de l’équilibre physique global anticipé, de nature à expliquer, au moins en partie, le renchérissement des prix en France ».

Sols pollués : publication de la typologie des usages

Le décret pris en application de l’article 223 de la loi n° 2021-1104 en date du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience, a été publié le 20 décembre 2022 au Journal officiel. Cette loi avait en effet introduit à l’article L. 556-1 A du Code de l’environnement la définition de la notion d’usage dans le cadre de la gestion des sites et sols pollués : « l’usage est défini comme la fonction ou la ou les activités ayant cours ou envisagées pour un terrain ou un ensemble de terrains donnés, le sol de ces terrains ou les constructions et installations qui y sont implantées ». L’article renvoyait toutefois à l’exécutif le soin de définir les différents types d’usage par décret.

1°) Tout d’abord, le décret opère donc un important travail de définition. La typologie des usages suivante figure ainsi désormais à l’article D. 556-1 A du Code de l’environnement ;

« Usage industriel, pouvant comprendre un bâti (y compris des entrepôts), des infrastructures industrielles et, le cas échéant, des aménagements accessoires, tels que des bureaux ou des places de stationnement associés à l’activité industrielle ;

Usage tertiaire, correspondant notamment aux commerces, aux activités de service, aux activités d’artisanat ou aux bureaux ;

Usage résidentiel, comprenant un habitat individuel ou collectif, et, le cas échéant, des jardins pouvant être destinés à la production non commerciale de denrées alimentaires d’origine animale ou végétale ;

Usage récréatif de plein air, correspondant notamment aux parcs, aux aires de jeux, aux zones de pêche récréative ou de baignade ;

Usage agricole, correspondant à la production commerciale (notamment au sein d’exploitations agricoles) et non commerciale (notamment au sein de jardins familiaux ou de jardins partagés) d’aliments d’origine animale ou végétale, à l’exception des activités sans relation directe avec le sol ;

Usage d’accueil de populations sensibles, correspondant aux établissements accueillant des enfants et des adolescents de façon non occasionnelle, aux établissements de santé et établissements et services sociaux et médico-sociaux, et aux éventuels aménagements accessoires, tels que les aires de jeux et espaces verts intégrés dans ces établissements ;

Usage de renaturation, impliquant une désartificialisation ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité des sols, notamment des opérations de désimperméabilisation, à des fins de développement d’habitats pour les écosystèmes ;

Autre usage (à préciser au cas par cas).

II.- Lorsque plusieurs usages sont envisagés sur un même site, un zonage détaille leur répartition géographique ».

Le décret rend par ailleurs applicable cette typologie à la remise en état des sites où était sise une installation classée pour la protection de l’environnement. En effet, les dispositions applicables aux ICPE soumises à autorisation (R. 512-39-2), à enregistrement (R. 512-46-26) et à déclaration (R. 512-66-1) renvoient désormais à ladite typologie dès lors que la portée de la remise en état du site dépend de l’usage considéré. Il est également renvoyé à cette typologie pour la composition du dossier de demande d’autorisation (R. 181-15-2) et d’enregistrement (R. 512-46-4) des ICPE à implanter sur un site nouveau ainsi que pour la remise en état d’un site par un tiers demandeur (R. 512-76).

Le décret apporte également une définition à la notion de « changement d’usage », désormais inscrite à l’article R. 556-1 B du Code de l’environnement :

« Il y a changement d’usage, au sens de l’article L. 556-1 du code de l’environnement, dans l’un des cas suivants :

Le type d’usage projeté est différent du type d’usage antérieur défini au 11° de l’article D. 181-15-2, au 5° de l’article R. 512-46-4, ou aux articles R. 512-39-2, R. 512-46-26, R. 512-66-1 ou R. 512-76 ;

Pour les projets comportant plusieurs usages, l’un au moins des types d’usages projetés est différent du type d’usage antérieur défini au 11° de l’article D. 181-15-2, au 5° de l’article R. 512-46-4, ou aux articles R. 512-39-2, R. 512-46-26, R. 512-66-1 ou R. 512-76 ;

Le type d’usage projeté est identique au type d’usage antérieur mais modifie le schéma, dit conceptuel, prévu au 5° de l’article R. 556-2 par rapport à celui utilisé dans le mémoire prévu aux articles R. 512-39-3, R. 512-46-27, R. 512-78 ou R. 512-79 pour la définition des mesures de gestion ;

L’usage projeté et l’usage antérieur relèvent d’un “autre usage”, au sens du 8° de l’article D. 556-1 A, mais sont différents l’un de l’autre ».

 

2°) Ensuite, le décret instaure de nouvelles obligations pour les maitres d’ouvrage, aux articles R. 556-1 et R. 556-2. En effet, le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage vers un usage « d’accueil de populations sensibles », ou à l’initiative d’un projet de construction ou de lotissement comportant un tel usage, doit transmettre à l’Agence régionale de santé et à l’inspection des installations classées le cas échéant l’attestation des mesures de gestion de la pollution prévue à l’article L. 556-1 ou l’attestation garantissant la réalisation d’une étude des sols et de sa prise en compte dans la conception du projet de construction ou de lotissement, prévue à l’article L. 556-2. Dans tous les cas, l’étude des sols devra être transmise à l’Agence régionale de santé si cette dernière en fait la demande.

Les dispositions de ce décret sont entrées en vigueur au 1er janvier 2023 et sont applicables aux demandes d’autorisation déposées à partir de cette date ainsi qu’aux cessations d’activité notifiées à partir de cette date. Les dispositions relatives plus particulièrement au changement d’usage sont quant à elles applicables aux opérations donnant lieu à des travaux faisant l’objet d’une demande de permis de construire ou d’aménager ou d’une déclaration préalable déposées à compter de cette même date.