Environnement, eau et déchet
le 15/02/2023

Pollution de l’air : pas de recours indemnitaire possible sur le fondement du droit de l’Union européenne

CJUE, 22 décembre 2022, JP c/ Ministre de la Transition écologique, C-61/21

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, dans le cadre de la réponse à une question préjudicielle, sur l’indemnisation des préjudices causés aux particuliers par la pollution de l’air.

Dans cette affaire, un particulier avait notamment sollicité auprès du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l’indemnisation par l’Etat français des divers préjudices qui lui auraient été occasionnés du fait de la pollution atmosphérique de l’agglomération parisienne. Il soutenait en effet que l’Etat avait commis une faute en ne respectant pas les exigences européennes en la matière, découlant de la directive 2008/50, faute qui avait entrainé la détérioration de son état de santé.

Cette indemnisation lui a été refusée par le Tribunal administratif, qui a considéré que la directive 2008/50 ne conférait aucun droit aux particuliers à obtenir l’indemnisation d’un éventuel préjudice subi du fait de la dégradation de la qualité de l’air. Dans le cadre de la procédure d’appel de ce jugement, une question préjudicielle a été transmise à la CJUE afin de déterminer si le droit européen consacre un droit des particuliers à obtenir réparation de leurs préjudices en lien avec la dégradation de la qualité de l’air.

Dans sa décision, la CJUE rappelle les trois conditions devant être réunies pour que la responsabilité de l’État puisse être engagée pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union européenne :

  • la règle du droit de l’Union violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers ;
  • la violation de cette règle est suffisamment caractérisée ;
  • il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par les particuliers.

Pour engager la responsabilité de l’Etat, il est donc nécessaire en premier lieu d’identifier une norme de l’Union européenne conférant des droits aux particuliers.

Or, si la Cour relève que la directive 2008/50 impose « des obligations assez claires et précises quant au résultat que les États membres doivent veiller à assurer » en matière de qualité de l’air, ces obligations poursuivent un objectif général de protection de la santé humaine et de l’environnement dans son ensemble.

La Cour en conclut donc que la directive ne permet pas de considérer que « des particuliers ou des catégories de particuliers se seraient, en l’occurrence, implicitement vu conférer, à raison de ces obligations, des droits individuels dont la violation serait susceptible d’engager la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers ».

La première condition n’est donc pas remplie et les particuliers ne peuvent engager la responsabilité de l’Etat pour manquement au droit de l’Union européenne. Mais les particuliers peuvent toutefois former des recours pour demander l’adoption des mesures requises pour respecter les normes de qualité de l’air, y compris sous astreinte, et peuvent former un recours indemnitaire à l’encontre de l’Etat sur le fondement du droit national.