Autorisation d’augmentation de puissance : le vent souffle sur les éoliennes bénéficiant du complément de rémunération

Les éoliennes bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération conclu en application de l’arrêté du 6 mai 2017 peuvent augmenter leur puissance d’1 MW.

Le complément de rémunération est un dispositif de soutien public permettant aux producteurs d’électricité d’origine renouvelable d’obtenir une rémunération supplémentaire pour l’électricité produite par leur installation. Plusieurs types d’installations sont éligibles au complément de rémunération. Aux termes du 7° de l’article D. 314-23 du Code de l’énergie, les installations utilisant l’énergie mécanique du vent disposant d’un maximum de six aérogénérateurs dont la puissance unitaire doit être inférieure ou égale à 3MW peuvent bénéficier de ce dispositif. Les conditions d’éligibilité au complément de rémunération sont précisées par l’arrêté du 6 mai 2017. Il rappelle encore la limite de 3MW de puissance nominale pour chaque aérogénérateur.

L’arrêté en date du 3 avril 2023 prévoit la possibilité d’augmenter au-delà du maximum de 3MW la puissance nominale pour les installations bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération conclu dans le cadre de l’arrêté du 6 mai 2017 susvisé et dont le raccordement a été effectué avant le 1er octobre 2022. L’arrêté pose toutefois certaines conditions. D’une part, l’augmentation de puissance est limitée à 1MW, d’autre part, l’augmentation de puissance ne doit pas nécessiter le remplacement des aérogénérateurs. L’augmentation de puissance est autorisée jusqu’au 31 décembre 2023, les conditions d’achat au titre de l’arrêté du 6 mai 2017 sont maintenues pendant cette période.

Le producteur souhaitant bénéficier des dispositions du nouvel arrêté du 3 avril 2023 doit demander une modification de son contrat de complément de rémunération auprès de son cocontractant, au plus tard le 31 octobre 2023 et au moins un mois avant l’augmentation de puissance. Enfin, le producteur peut également solliciter une modification de son contrat de raccordement au réseau public de distribution d’électricité par un avenant, dans les conditions de l’article 5 de l’arrêté.

Répartition annuelle des montants d’aides du Fonds d’Amortissement des Charges d’Electrification accordées aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité

Les montants des aides allouées au titre du programme principal et du programme spécial aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité (ci-après, AODE) ont été publiés.

Aux termes de l’article L. 322-6 du Code de l’énergie, les AODE ont la faculté de faire exécuter en tout ou partie à leur charge, les travaux de premier établissement, d’extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution.

Le financement de ces travaux peut être assuré par le versement d’aides, dans le cadre du Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (ci-après, le FACé).

L’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales prévoit que ces aides peuvent être perçues pour deux séries d’actions. D’une part, pour le financement de travaux sur les ouvrages ruraux du réseau public de distribution d’électricité (programme principal selon le décret n° 2020-1561 du 10 décembre 2020 relatif aux aides pour l’électrification rurale, que nous avions déjà commenté). D’autre part pour la réalisation, dans les communes rurales, d’opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables et d’autres actions concourant à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique (programme spécial selon le décret précité).

L’arrêté en date du 4 avril 2023 ici commenté précise le montant des aides attribuées pour le programme principal et le programme spécial, et le détail de la répartition au sein des programmes. Il fixe ainsi respectivement le montant des aides pour chacun de ces programmes à 361,6 millions d’euros et 14,4 millions d’euros.

Le détail de la répartition est fixé comme suit :

Programme principal :

  • 179,1 M€ pour le sous-programme « renforcement des réseaux » ;
  • 33 M€ pour le sous-programme « extension des réseaux » ;
  • 41 M€ pour le sous-programme « enfouissement ou pose en façade, pour des raisons d’ordre esthétique » ;
  • 96 M€ pour le sous-programme « sécurisation des fils nus » ;
  • 6 M€ pour le sous-programme « intempéries » ;
  • 0,5 M€ pour le fonctionnement du compte d’affectation spéciale (CAS).

Programme spécial :

  • 1 M€ pour le sous-programme « sites isolés » ;
  • 5,5 M€ pour le sous-programme « installations de proximité en zone non interconnectée » ;
  • 0,5 M€ pour le sous-programme « maîtrise de la demande de l’énergie » ;
  • 7,4 M€ pour le sous-programme « transition énergétique ».

Allongement des délais de production des attestations pour le bouclier tarifaire, le bouclier collectif et l’amortisseur électricité

Décret n° 2023-250 du 3 avril 2023 relatif aux aides en faveur de l’habitat collectif résidentiel et de la mobilité électrique face à l’augmentation du prix de l’électricité et du gaz naturel au second semestre 2022 et en 2023

Deux textes modifient les délais de transmission de plusieurs documents ou informations permettant le versement des aides financières accordées en vertu du bouclier tarifaire, du bouclier collectif et de l’amortisseur électricité.

  • Décret n° 2023-290 du 20 avril 2023 modifiant le décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022 modifié pris en application des VIII et IX de l’article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

L’article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 prévoit deux aides financières pour les clients finals non domestiques d’électricité : le bouclier tarifaire et l’amortisseur électricité.

Les modalités d’application de ces dispositifs sont organisées par le décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022.

Ce décret organise la transmission d’informations entre les différents acteurs concernés. Ainsi, les clients finals transmettent à leur fournisseur une attestation sur l’honneur de leur éligibilité à l’un des dispositifs d’aide, et par suite, le fournisseur transmet les données d’identification de leurs clients à la Commission de régulation de l’énergie.

Ces transmissions d’information doivent avoir lieu avant des dates fixées par le décret précité. Ces dates ont été repoussées par le décret n° 2023-290 du 20 avril 2023 ici commenté.

Ainsi, d’une part, l’attestation sur l’honneur peut désormais être transmise jusqu’au 30 juin 2023 (au lieu du 31 mars 2023) et d’autre part, les données d’identification peuvent être transmises jusqu’au 31 juillet 2023 (au lieu du 30 avril 2023).

  • Décret n° 2023-250 du 3 avril 2023 relatif aux aides en faveur de l’habitat collectif résidentiel et de la mobilité électrique face à l’augmentation du prix de l’électricité et du gaz naturel au second semestre 2022 et en 2023

Afin d’étendre la protection aux consommateurs finals non concernés par les aides attribuées en vertu du bouclier tarifaire et de l’amortisseur électricité, l’Etat a mis en place le dispositif d’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel dit du bouclier collectif.

Ce mécanisme, prévu par les décrets n° 2022-514 du 9 avril 2022, n° 2022-1762 du 30 décembre 2022, n° 2022-1763 du 30 décembre 2022 et n° 2022-1764 du 30 décembre 2022, concerne tant les consommateurs de gaz que les consommateurs d’électricité.

Le décret n° 2023-250 du 3 avril 2023 ici commenté apporte des précisions à ces décrets pour le second semestre 2022 et pour 2023.

En premier lieu, les fournisseurs d’électricité et de gaz sont chargés de déposer un dossier de demande d’aide à l’agence des services des paiements au nom des consommateurs finals qu’ils desservent afin que l’aide financière leur soit versée.

Ce dossier doit notamment comprendre une certification par un commissaire aux comptes du montant de l’aide demandée pour la période concernée. Le décret du 3 avril 2023 permet de transmettre les attestations des commissaires aux comptes postérieurement au dépôt du dossier de demande d’aide. Par ailleurs, une attestation du directeur financier, ou équivalent, du fournisseur s’y substituera provisoirement.

Concernant le bouclier collectif gaz, la certification peut être transmise jusqu’au 1er juillet 2023.

Concernant le bouclier collectif électricité, la certification peut être transmise jusqu’au 1er juillet 2023 pour le second semestre 2022 et jusqu’au 1er juin 2024 pour 2023.

En second lieu, le décret n° 2023-1763 relatif au bouclier collectif électricité pour 2023 a été modifié par le décret n° 2023-62 du 3 février 2023 de sorte que les aménageurs d’infrastructures de recharge électrique y soient également éligibles.

Le décret n° 2023-250 du 3 avril 2023 impose aux aménageurs d’infrastructures de recharge électrique bénéficiant du bouclier collectif de répercuter l’aide de l’Etat dont ils bénéficient à leurs clients et de les en informer.

Fonds Barnier : modification des modalités de financement

Un décret en date du 4 mai 2023 a augmenté les plafonds de certains financements pouvant être apportés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM).

Le FPRNM, également appelé fonds « Barnier » car créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite loi « Barnier », vise à soutenir des mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés aux risques naturels. Il contribue ainsi au financement de diverses mesures selon les modalités définies aux articles R. 561-11 et suivants du Code de l’environnement.

Outre des modifications rédactionnelles, le décret du 4 mai 2023 a apporté les modifications suivantes :

  • S’agissant des opérations de reconnaissance et travaux de comblement des cavités souterraines menaçant gravement les vies humaines, le décret réhausse le plafond de contribution du Fonds de 36 000 à 72 000 euros. La contribution ne pourra toutefois toujours pas excéder 80 % du montant des opérations ni 50 % de la valeur vénale du bien ;
  • S’agissant de la prise en charge des études et travaux de prévention rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles et portant sur des biens utilisés dans le cadre d’activités professionnelles, le plafond de la contribution du Fonds passe de 20 à 40 %, dans la limite de 10 % de la valeur vénale ou estimée de chaque bien.

Algues vertes : modification du régime des programmes d’actions régionaux

Publié au Journal officiel du 1er avril 2023, le décret n° 2023-241 du 31 mars 2023 a modifié le régime des programmes d’actions régionaux (PAR) définis aux articles R. 211-80 et suivants du Code de l’environnement et visant à assurer la maîtrise des fertilisants azotés et la gestion adaptée des terres agricoles afin de limiter les fuites de nitrates pouvant affecter la qualité des eaux.

Ce décret :

  • Prévoit que les PAR pourront délimiter des zones correspondant aux zones de captage dont la teneur en nitrates est comprise entre 40 et 50 mg/L, seules les zones où cette teneur est supérieure à 50 mg/L étant auparavant visées par les textes ;
  • Enonce que, lorsque l’obligation d’une couverture végétale des sols n’est pas prévue, trois mesures de renforcement devront au minimum être définies au sein de ces zones (au lieu d’une mesure précédemment) ;
  • Définit une mesure de renforcement supplémentaire, consistant en « l’obligation de respecter un seuil de quantité d’azote restant dans les sols à la fin de la période de culture ou en entrée de l’hiver» ;
  • Précise la délimitation des zones de captage de l’eau visées par les PAR et leur définition ;
  • Indique que les pouvoirs de dérogation du préfet aux mesures prévues par le PAR dans des situations exceptionnelles, définis à l’article R. 211-81-5 du Code de l’environnement, sont également étendus à l’obligation de traiter ou d’exporter l’azote issu des animaux d’élevage.

Qualité de l’air : la composante « air » de la taxe générale sur les activités polluantes est conforme aux normes constitutionnelles

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), régie par les articles 266 sexies et suivants du Code des douanes et qui vise à mettre en œuvre le principe pollueur-payeur, est due par les personnes physiques ou morales exerçant une activité polluante ou utilisant des substances polluantes. Celle-ci comprend plusieurs composantes, dont notamment une composante déchets.

C’est toutefois la composante « air » de la TGAP qui a fait l’objet de discussions devant le Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé le 13 avril 2023 sur une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation dans le cadre d’un litige par lequel une société contestait son assujettissement à cette composante de la TGAP.

Le fait générateur de la TGAP sur ce volet est en effet « l’émission dans l’atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l’article 266 sexies, d’oxydes de soufre et autres composés soufrés, d’oxydes d’azote et autres composés oxygénés de l’azote, d’acide chlorhydrique, d’hydrocarbures non méthaniques, solvants, de benzène et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et autres composés organiques volatils, d’arsenic, de mercure, de sélénium ainsi que de poussières totales en suspension » (article 266 septies du Code des douanes). Le poids de ces poussières sert en outre d’assiette à la TGAP.

Or la société requérante alléguait que la notion de « poussières totales en suspension » n’était pas suffisamment définie et que cela caractérisait une méconnaissance par le législateur de sa propre compétence dans des conditions affectant le droit de propriété, le droit à un recours juridictionnel effectif et le principe d’égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel rejette toutefois l’argument de la requérante au motif que la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence dans la détermination de l’assiette ou du taux d’une imposition n’affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, et n’entre donc pas dans le champ de la QPC (reprenant ainsi la solution déjà dégagée dans la décision n° 2014-419 QPC du 8 octobre 2014, Société Praxair). Le juge ajoute également, de manière laconique, que la disposition contestée ne méconnait aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

Pesticides : conformité partielle des restrictions sur la publicité et les pratiques commerciales sur les produits biocides

Les restrictions de la publicité et des pratiques commerciales sur les produits biocides définies par le droit français sont-elles conformes aux exigences européennes ? C’est la question qu’a dû trancher le Conseil d’Etat dans un arrêt en date du 21 avril 2023, rendu après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que le Conseil d’Etat avait saisi d’une question préjudicielle sur cette affaire.

Les articles L. 522-18 et L. 522-5-3 du Code de l’environnement, issus de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dite loi EGALIM, ont en effet instauré un régime d’interdiction et restrictions des pratiques commerciales et de la publicité sur les produits biocides. Ces restrictions ont été détaillées par deux décrets du 26 juin 2019[1], créant les articles R. 522-16-1 et R. 522-16-2 du Code de l’environnement.

Plusieurs requérants avaient contesté cette règlementation, arguant notamment d’une non-conformité avec le règlement du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides dès lors que la législation nationale allait au-delà des restrictions sur la publicité et les pratiques commerciales y étant définies en son article 72, mais également d’une méconnaissance des articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdisant les restrictions injustifiées au commerce intra-UE.

Saisie d’une question préjudicielle sur cette question, la CJUE avait précisé que la règlementation européenne « s’oppose à une réglementation nationale qui exige l’apposition d’une mention, en plus de celle prévue à [l’article 72], sur la publicité à destination des professionnels en faveur des produits biocides […] » mais qu’elle « ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui interdit la publicité à destination du grand public en faveur des produits […] ». De même les articles 34 et 36 du TFUE ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui interdit la publicité à destination du grand public ou certaines pratiques commerciales telles que des remises, des rabais, des ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente, la remise d’unités gratuites ou toutes pratiques équivalentes, portant sur les produits biocides, dès lors que cette réglementation est justifiée par des objectifs de protection de la santé et de la vie des personnes ainsi que de l’environnement, qu’elle est propre à garantir la réalisation de ces objectifs et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (CJUE, 19 janvier 2023, C-147/21).

Appliquant ces principes, le Conseil d’Etat indique que l’article R. 522-16-2, II du Code de l’environnement, en ce qu’il prévoit des mentions obligatoires supplémentaires sur la publicité pour les produits biocides, méconnait le droit de l’Union européenne et est donc annulé. S’agissant toutefois du reste de la règlementation nationale, le Conseil d’Etat considère que dans la mesure où les interdictions qu’elle pose sont applicables à tous les produits quel que soit leur pays de provenance et qu’elles n’affectent pas davantage les produits provenant d’autres États membres que les produits nationaux, celle-ci est conforme au droit de l’Union européenne.

 

[1] Décret du 26 juin 2019 relatif aux pratiques commerciales prohibées pour certaines catégories de produits biocides et décret du 26 juin 2019 relatif à la publicité commerciale pour certaines catégories de produits biocides

La nécessaire identification de l’organe ou du représentant d’un délit environnemental imputé à une personne morale

En l’espèce, le co-gérant d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) avait dénoncé un acte de malveillance après le déversement du contenu de sa cuve à lisier dans un cours d’eau jouxtant son exploitation.

A la suite d’une enquête, il était cité devant le Tribunal correctionnel à deux titres – en son nom personnel ainsi qu’en qualité de représentant légal du GAEC – pour y répondre de l’infraction de déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer, prévue par les dispositions de l’article L. 216-6 du Code de l’environnement. Le Tribunal déclarait le co-gérant ainsi que le GAEC coupable de l’infraction et les condamnait respectivement à six mois d’emprisonnement avec sursis et 20.000 euros d’amende ; un appel était interjeté par les personnes condamnées.

La Cour d’appel infirmait le jugement et relaxait le co-gérant estimant ne pas disposer d’éléments suffisants permettant d’identifier le réel responsable du déversement. La personne morale – le GAEC – était toutefois condamnée du chef de ce délit mais formait un pourvoi en cassation au motif d’une part, que l’organe ou le représentant qui aurait commis le comportement infractionnel en son nom et pour son compte n’avait pas été clairement identifié et, d’autre part, que la relaxe du co-gérant – faute de pouvoir identifier clairement le responsable du déversement – entrainait celle du GAEC.

La Cour de cassation cassait alors l’arrêt. Elle rappelait « qu’en se déterminant ainsi par des motifs contradictoires, dès lors que, saisie à l’encontre de ce représentant du même délit prévu à l’article L. 216-6 du Code de l’environnement, […] elle avait au préalable écarté sa responsabilité pénale, la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

Par cette récente décision en date du 7 mars dernier, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé la nécessité, pour engager la responsabilité pénale d’une personne morale, d’identifier l’organe ou le représentant de celle-ci qui a, par son comportement, commis une infraction pour son compte – appliquant ainsi aux délits environnementaux, sa jurisprudence classique et établie sur l’interprétation de l’article 121-2 du Code pénal.

Infrastructure de Recharge de Véhicule Électrique (IRVE) : La CRE publie sa proposition quant à l’encadrement de la contribution due par les utilisateurs au titre l’infrastructure collective installée par le Gestionnaire de Réseau de Distribution dans les immeubles collectifs

L’article 111 de la loi climat et résilience a introduit, à l’article L. 353-12 du Code de l’énergie, un mécanisme de préfinancement par le Tarif d’utilisation du réseau public de distribution d’électricité (TURPE) des coûts d’infrastructures collectives permettant l’installation ultérieure de points de recharge pour véhicules électriques ou hybrides rechargeables sollicités par les propriétaires ou syndicats de copropriétaires auprès du gestionnaire de réseau de distribution d’électricité (GRD).

Ce mécanisme permet le report de la facturation de la contribution normalement due par la copropriété au titre de l’ouvrage collectif sur les seuls utilisateurs demandant leur raccordement à cet ouvrage collectif par un branchement individuel via une quote-part de la contribution totale. Entre temps, le préfinancement est ainsi supporté par la communauté des usagers, via le TURPE.

Afin de permettre ce préfinancement, le propriétaire (ou syndicat de copropriétaires) doit cependant justifier de la demande d’au moins un devis pour l’installation d’une infrastructure collective de recharge auprès d’un opérateur mentionné à l’article L. 353-13 du Code de l’énergie, c’est-à-dire acceptant lui-même un tel préfinancement sans frais pour le propriétaire. Une convention sera conclue à ce titre avec ce dernier selon des modalités commentées dans une précédente LAJEE.

L’utilisateur sollicitant la création d’un tel ouvrage de branchement individuel alimenté par cette infrastructure collective sera ensuite redevable :

  • D’une contribution au titre des ouvrages de branchements individuels ;
  • D’une quote-part de la contribution au titre de l’infrastructure collective.

Et, ainsi que le prévoit l’article D.353-12-2 du Code de l’énergie, issu du décret du 21 septembre 2022 (sur lequel la CRE avait émis un avis, également commenté dans une de nos LAJEE), les montants minimum et maximum de cette quote-part de contribution due au titre de l’infrastructure collective sont proposés par la CRE.

C’est ainsi qu’à l’issue d’une consultation publique portant notamment sur l’encadrement de ladite contribution qui s’est tenue du 10 février au 3 mars 2023, la CRE a, par une délibération du 12 avril 2023, formulé sa proposition au Ministre chargée de l’énergie quant aux montants minimum et maximum de cette quote-part de contribution au titre de l’infrastructure collective de recharge relevant du réseau public de distribution dans les immeubles collectifs due par chaque utilisateur.

Ainsi, après la réfaction effectuée via le TURPE (réfaction de la part de ce préfinancement couvert par le TURPE), les seuils de la quote-part de contribution due au titre de l’infrastructure collective de recharge par chaque utilisateur proposés par la CRE sont les suivants :

  • Plancher HT après réfaction : 410 € HT ;
  • Plafond HT hors amiante après réfaction : 2 038 € HT ;
  • Plafond HT y compris amiante après réfaction : 4 038 € HT.

Fin des Tarifs Réglementés de Vente de Gaz (TRVG) : actualités relatives au coût d’approvisionnement des fournisseurs ainsi qu’à méthodologie de construction du prix de référence du gaz

Publication de la référence de coût d’approvisionnement pour mai 2023

Délibération de la CRE du 12 avril 2023 portant décision sur la méthodologie de construction d’une référence de prix du gaz pour les consommateurs résidentiels

Le mois d’avril est marqué par plusieurs actualités en matière de prix du gaz à l’approche de la disparition des tarifs réglementés de vente de gaz (ci-après, TRVG) fixée, pour rappel, au 30 juin 2023 par l’article 63 de la loi n° 2019-1147 en date du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (dite loi Energie et Climat).

Ces actualités concernent deux dispositifs, précédemment exposés par la CRE dans son communiqué de presse du 31 janvier 2023, qui ont pour vocation « d’assurer la continuité des boucliers [tarifaires] pour faire face à la crise énergétique actuelle ».

  • Publication de la référence du coût d’approvisionnement en gaz pour le calcul de la compensation des fournisseurs de gaz

Ainsi que nous le soulevions dans notre précédente LAJEE, la fin des TRVG au 30 juin prochain entraîne la disparition de la référence du coût d’approvisionnement qui permet de calculer la limite dans laquelle sont compensées les pertes de recettes des fournisseurs de gaz pour leurs offres TRVG en cas de prolongation du bouclier tarifaire à partir du 1er juillet 2023.

Afin de prévoir un nouveau tarif de référence permettant de calculer ces pertes, et donc leur compensation pour les fournisseurs concernés, l’article 181 de la loi de finance pour 2023 prévoyait que la CRE devait proposer, avant le 31 janvier 2023, une référence de prix théorique du coût d’approvisionnement en gaz d’un fournisseur de consommateurs résidentiels.

C’est ainsi que la CRE a, par délibération n° 2023-31 du 25 janvier 2023 et après consultation publique, proposé sa formule de coûts permettant de calculer la référence de coût d’approvisionnement du gaz. En parallèle, par délibération n° 2023-32 du même jour, le régulateur est venu fixer les montants des compensations à verser aux fournisseurs.

Dans ce prolongement, les modalités de calcul de cette référence du coût d’approvisionnement ont été arrêtés par l’arrêté du 18 avril 2023 commenté.

Il est ainsi indexé, tel que la CRE le prévoyait dans sa délibération susvisée, « à 80 % sur le produit mensuel PEG et 20 % sur le produit trimestriel PEG, lissés sur le mois se terminant un mois avant la période de livraison visée ».

Et pour le mois de mai, ainsi qu’elle l’a publié le 2 mai dernier sur son site, la CRE indique que la référence de coût d’approvisionnement est fixée par la CRE à 44,93 €/MWh.

  • Méthodologie de construction du prix de référence du gaz pouvant être proposé au consommateur final

En parallèle, afin de prolonger le rôle protecteur des TRVG pour les consommateurs résidentiels après leur disparition le 30 juin prochain (et donc transférés vers une offre de bascule de leur fournisseur historique) et toujours dans le cadre de la prolongation du bouclier tarifaire, la CRE avait décidé de publier tous les mois, à compter du 1er juillet 2023, des prix de référence du gaz.

En s’inscrivant dans la continuité des TRVG historiques, la CRE indiquait le 25 janvier dernier que ces prix de référence ont pour ambition d’être « représentatifs des offres que les fournisseurs devraient pouvoir proposer aux consommateurs résidentiels et aux petites copropriétés, compte tenu des conditions de marché et des coûts qu’ils supportent ».

La CRE avait ainsi lancé, du 25 janvier au 28 février 2023, une consultation publique invitant les parties intéressées à participer aux modalités de construction de ce prix de référence du gaz.

Dans ce prolongement, la Commission a, par délibération du 12 avril 2023, défini la méthodologie de construction du prix de référence qu’elle publiera ainsi mensuellement. Elle revient ainsi notamment sur la prise en compte des disparités géographique dans la définition de ce prix sur les zones de desserte exclusive de GRDF et des entreprises locales de distribution (ELD).

Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : bien se préparer aux échéances légales et rendre le projet acceptable par le public

Du 17 avril au 15 mai, une consultation est organisée par la mission d’information sur l’acceptabilité des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), constituée au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, pour mieux identifier les difficultés rencontrées par les riverains et les professionnels, mais aussi les bonnes pratiques face aux enjeux que représentent ces ZFE-m.

Les ZFE-m sont définies à l’article L. 2213-4-1 du Code général des collectivités territoriales. Issues de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TCEV n° 2015-992 du 17 août 2015) et renforcée par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Loi dite « climat et résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021), ces zones ont vocation à lutter contre la pollution atmosphérique par l’instauration de restrictions de circulation. Or, si la nécessité d’adopter des mesures pour réduire les émissions de carbone est reconnue par tous, les moyens d’y parvenir, par la mise en place de mesures de restriction de circulation, sont parfois mal acceptés.

La Convention citoyenne réunie sur le sujet entendait plutôt réduire la pollution par l’adoption de mesures incitatives telles que le développement de prêt de vélo par les collectivités ou la réforme du système d’indemnité kilométrique. Mais la réponse donnée par le législateur est bien différente et c’est ainsi que la mission précitée relève le manque de communication et de pédagogie sur la mesure, l’insuffisance de l’offre alternative aux véhicules thermiques, le risque de creusement des inégalités sociales voire de fractures territoriales et l’absence de moyens de contrôle, justifiant ainsi la consultation en cours.

Or, on le rappelle, la loi a prévu diverses échéances qui imposent aux collectivités concernées de se doter de ZFE-m, même si, pour certaines, cela reste une simple possibilité. Il semble dès lors utile de rappeler dans un premier temps les échéances qui s’imposent (I) puis de préciser les mesures de consultation du public qui doivent ou peuvent être mises en œuvre par les collectivités (II).

I. A qui les ZFE-m s’imposent-elles et dans quels délais ?

L’article L. 2213-4-1 du CGCT pose tout d’abord le principe d’une simple possibilité de définir les ZFE-m par les communes ou EPCI dotés d’un plan de protection de l’atmosphère (PPA) ou si un PPA est en cours d’élaboration ou de révision sur leur territoire.

Mais rapidement, cette possibilité devient une obligation.  En effet, l’article prévoit trois types de collectivités soumis à l’obligation de définir des ZFE-m sur leur territoire :

  • Les communes et EPCI pour qui les normes de qualité de l’air mentionnées à l’article 221-1 du Code de l’environnement ne sont pas respectées de manière régulière (c’est-à-dire au moins trois années sur les cinq dernières) au regard des critères définis à l’article D. 2213-1-0-2 du CGCT. Pour ces collectivités, l’échéance expirait au 31 décembre 2020 ;
  • Les communes et EPCI qui dépassaient également les seuils précités et dont les transports terrestres sont à l’origine d’une part prépondérante des dépassements (dans les conditions énoncées à l’article D. 2213-1-0-3 du CGCT). Pour ces collectivités, l’échéance était fixée au 1er janvier 2023 ;
  • Toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants qui doivent définir les ZFE-m de leur territoire avant le 1er janvier 2025.

En octobre 2022, on comptait donc 11 métropoles à s’être dotées de ZFE-m : Grand Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Étienne. Le 1er janvier 2025, pas moins de 43 agglomérations devront s’y conformer en Métropole. Quatre agglomérations sont également identifiée en Outre-Mer.

Un grand nombre d’agglomérations doit donc encore se pencher sur la réalisation de ces ZFE-m dans un délai finalement assez contraint car il nécessite un travail de préparation en amont important.

En effet, le dossier d’instauration des ZFE-m passe d’abord par la définition d’une étude présentant l’objet des mesures de restriction, justifiant leur nécessité et exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus de leur mise en œuvre, notamment en termes d’amélioration de la qualité de l’air et de diminution de l’exposition de la population à la pollution atmosphérique, ainsi que les impacts socio-économiques attendus à l’échelle de la zone urbaine (art. L. 2213-4-1 du CGCT). Cette étude doit notamment présenter un résumé non technique, une description de l’état initial de la qualité de l’air sur la zone concernée ainsi qu’une évaluation (art. R. 2213-1-0-1 du CGCT) :

  • de la population concernée par les dépassements ou le risque de dépassement des normes de qualité de l’air ;
  • des émissions de polluants atmosphériques dues au transport routier sur la zone concernée ;
  • de la proportion de véhicules concernés par les restrictions et, le cas échéant, les dérogations prévues ;
  • des réductions des émissions de polluants atmosphériques attendues par la création de la zone à circulation restreinte.

Un autre travail en amont, et qui nécessité donc une certaine anticipation, est celui de la bonne information du public qui doit, on l’a vu, être assurée de manière à rendre le projet de ZFE-m acceptable par la majorité.

Il est donc pertinent d’examiner la procédure de consultation du public telle qu’elle semble devoir être menée.

II. Comment assurer l’acceptabilité du projet par une consultation suffisante ?

A. La consultation non-obligatoire visant à faire participer le public à la définition de la ZFE-m

L’instauration par certaines collectivités de ZFE-m sur leur territoire permet d’avoir un certain retour d’expérience sur la consultation à mener et on s’aperçoit que beaucoup d’entre elles ont choisi d’intégrer le public lors de la phase d’élaboration de l’étude. Une telle consultation préalable, si elle reste volontaire, est préconisée par les services de l’Etat qui y voient une « phase de préfiguration et de consultation afin de bien dimensionner la zone à faibles émissions mobilité aux enjeux locaux de la qualité de l’air » (Guide d’interprétation juridique et pratique des ZFE-m, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, janvier 2023). Une telle consultation non obligatoire n’est encadrée par aucune procédure légalement définie. Les collectivités sont donc libres de leur donner la forme ainsi que l’intensité qu’elles souhaitent. Elle peut se traduire de différentes manières :

  • l’organisation de réunions publiques dans les communes concernées, comme ce fut par exemple le cas sur le territoire de la Métropole de Bordeaux ;
  • la tenue, sur la Métropole de Grenoble, de rencontres dans l’espace public pour informer les usagers et recueillir leurs observations, d’ateliers d’intelligence collective pour réfléchir aux modalités concrètes de mise en œuvre et d’ateliers relatifs à l’accompagnement des habitants vers le changement des modes de déplacement ;
  • La mise en place, en plus des réunions publiques, d’un questionnaire en ligne par la Métropole de Lyon ainsi que d’une plateforme permettant de questionner le maître d’ouvrage sur le projet ou encore de proposer des solutions, mais également la mise en place d’un panel citoyen composé d’une vingtaine de personnes et invité à émettre un avis éclairé pour répondre à la question suivante : Comment mettre en place une ZFE écologiquement efficace et socialement juste ?

Ces consultations, qui ont précédé la procédure de consultation réglementaire ont ainsi permis non seulement de garantir une meilleure information du public, mais également d’assurer une meilleure acceptabilité du projet. Les différents sites consultés font ainsi apparaître plusieurs centaines de participations lors de ces consultations non obligatoires. Au regard de la sensibilité du projet et des écueils relevés par la mission d’information du Sénat ainsi que la mission flash d’octobre 2022 relative aux mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des ZFE-m élaborée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, la mise en place d’une consultation préalable non obligatoire semble donc recommandée. Elle sera par ailleurs suivi de la procédure de consultation réglementaire.

B. Le respect de la consultation réglementaire en amont de l’adoption de la décision

Aux termes de l’article L. 2213-4-1 du CGCT, doivent être soumis au public le projet d’arrêté qui fixe les mesures de restriction de circulation applicables, détermine les catégories de véhicules concernés et précise les motifs légitimes pour lesquels des dérogations individuelles peuvent être accordées ainsi que l’étude présentant l’objet des mesures de restriction, précitée. Le Guide d’interprétation juridique et pratique des ZFE-m élaboré par l’Etat donne un certain nombre de précisions sur le contenu de cette étude.

Le dossier est alors soumis à la consultation du public dans le respect de la procédure énoncée à l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement, procédure de droit commun applicable aux décisions, autres qu’individuelles, ayant une incidence sur l’environnement. Aux termes de cette procédure, la consultation doit se faire par voie électronique sauf si le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par ce biais. Dans cette hypothèse, la note de présentation précise les lieux et horaires où l’intégralité du projet peut être consultée.

Cette consultation électronique peut être complétée d’une consultation sur support papier au siège de l’autorité compétente pour prendre la décision lorsqu’une demande en ce sens est formulée dans les conditions prévues à l’article D. 123-46-2 du Code de l’environnement. Au plus tard à la date de la mise à disposition du dossier de consultation, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues. La consultation ne doit pas être inférieure à 21 jours.

Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation.

Le projet d’arrêté et sa note d’accompagnement sont ensuite soumis pour avis aux autorités organisatrices de la mobilité dans les zones et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu’aux chambres consulaires concernées. L’autorité compétente doit leur transmettre, lorsqu’elle saisit ces autorités, la synthèse des observations et propositions du public dont ils doivent prendre connaissance avant d’émettre leur avis.

Enfin, lors de l’adoption de la décision et pendant un délai de trois mois minimum, l’autorité compétente publie la synthèse des observations et propositions du public indiquant celles dont il a été tenu compte, ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. Les communes de moins de 10 000 habitants (art. L. 123-19-1 point III) et une autre encore pour celle comptant moins de 2 000 habitants (art. L. 123-19-1 point IV) sont, en revanche, soumis à des procédures qui leur sont propres.

Enfin, il convient de noter que l’information du public est également assurée après que la décision a été adoptée.

C. Les mesure d’information du public après l’adoption de la décision

L’article L. 2213-4-1 du CGCT impose à l’autorité qui adopte l’arrêté de ZFE-m d’assurer l’information de la population sur les nouvelles mesures qui s’imposent. Elle doit ainsi accompagner la création de la ZFE-m d’une campagne d’information d’une durée minimale de trois mois qui porte sur les points suivants :

  • le périmètre contrôlé ;
  • les restrictions de circulation mises en œuvre ;
  • les alternatives à l’usage individuel de la voiture au sein du périmètre contrôlé, notamment l’offre de transport public, dont le transport à la demande.

Le Guide d’interprétation précise que le lancement de cette campagne peut s’établir par la diffusion d’un communiqué de presse et des démarches d’affichage. Il indique par ailleurs qu’il est préférable de débuter la campagne avant la mise en œuvre de la ZFE-m afin de respecter l’esprit pédagogique de cette disposition législative.

 

Consultation en ligne – La mise en place des zones à faibles émissions-m (ZFE-m)

Guide d’interprétation juridique et pratique des ZFE-m, janvier 2023

RGPD : la CNIL a publié un référentiel les modalités de transfert de fichiers de donateurs entre associations ou fondations

La CNIL a précisé, en juin 2022, les modalités de transmission de fichiers de donateurs ou de contacts entre associations et fondations. Nous vous en parlions dans notre Lettre d’Actualités juridiques #135 d’août 2022.

Cette publication rejoint le guide déjà publié en novembre 2021 par la CNIL à destination des associations et qui était l’occasion de rappeler que les associations, comme toute entreprise, sont soumises aux dispositions obligatoires du RGPD, quelles que soient leur activité.

Outre ces guides généralistes, on notera la publication de référentiels sectoriels, qui peuvent également concerner les associations, et tout particulièrement les référentiels pour la prise en charge médico-sociale des personnes âgées, en situation de handicap ou en difficulté (publié le 24 mars 2021) et pour la protection de l’enfance et des majeurs de moins de 21 ans (publié le 17 février 2022).

 

Financements des associations

1. Financements publics

Nous n’avions pas fait mention, dans notre précédente LAJ consacrée à l’ESS, de ce dispositif de financement européen. Nous rattrapons cet oubli, ce dispositif représentant une réelle opportunité pour les l’ensemble des structures de l’ESS.

Les entreprises de l’ESS étant fondées sur le principe de la recherche d’une utilité sociale et d’une solidarité, celles-ci se trouvent tout à fait alignées avec les priorités de la programmation 2021-2027 du Fonds social européen plus (FSE+), qui intègre en un seul instrument l’ancien Fonds social européen, l’Initiative pour l’emploi des jeunes, le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et le Programme de l’UE pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI).

Ainsi, le programme national FSE+ piloté par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) soutenu par les régions et l’Etat constituera un appui essentiel aux structures de l’ESS tant au niveau régional que national (grâce à la complémentarité de l’action des régions et de l’Etat).

De plus, et bien entendu, le FSE+ a vocation à soutenir les porteurs de projets sur l’ensemble des thématiques intéressant l’ESS (inclusion professionnelle et sociale, insertion des jeunes, renforcement des compétences, aide matérielle, etc.).

2. Mécénat et secret des affaires

Publication du Baromètre du mécénat d’entreprise en France, Admical, 2022

CADA, avis n° 20216119, 16 déc. 2021

TA Paris, 22 avr. 2022, n° 2019033/6-1

Depuis 2010, les chiffres du mécénat d’entreprise ne cessent de monter, passant de 984 millions € en 2010 à 2 298 millions €. Parallèlement, le nombre d’entreprises a été multiplié par 3,8 depuis 2010.

On comprend de ces chiffres, publiés par l’Admical, que la stratégie de mécénat des entreprises entre désormais de plus en plus dans la stratégie globale de développement des entreprises.

Pour autant, tant la CADA que le juge administratif ont estimé récemment que les conventions de mécénat ne sont pas qualifiables de secret des affaires et constituent en conséquence des documents administratifs communicables au sens des articles L. 300-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

En effet, les documents détenus par les personnes soumises à l’obligation de communication des documents administratifs ont la possibilité de refuser cette communication s’agissant des documents revêtant des informations révélant des secrets d’affaires.

En l’espèce, dans l’affaire portée devant le Tribunal administratif de Paris, la fondation de coopération scientifique Paris Sciences et Lettres avait été confrontée à cette question face à une demande de communication d’une convention de mécénat conclue avec la société Foncia Groupe. Estimant que la convention comme relevant du secret des affaires, elle l’avait communiquée en occultant les informations relatives au montant total du don de Foncia Groupe et à sa répartition annuelle entre 2019 et 2023.

Les juges ont censuré cette décision, considérant que de telles informations ne pouvaient relever du régime du secret des affaires, en raison de l’absence de toute valeur commerciale, condition de qualification du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du Code de commerce.

La CADA n’avait pas dit autre chose, en 2021, lorsqu’elle a relevé que « si les opérations de mécénat peuvent constituer, pour le mécène, un élément de communication et contribuer à sa stratégie de notoriété, elles consistent en premier lieu à faire un don, en numéraire ou en nature, sans attendre en retour de contrepartie équivalente. Régies par une ʺintention libéraleʺ, elles ne revêtent donc pas le caractère d’une opération commerciale et ne peuvent être regardées comme participant d’une telle stratégie. La commission note également que le montant des dons opérés ne relève pas du secret des informations économiques et financières, lequel couvre les renseignements relatifs à la situation économique d’une société, à sa santé financière et à l’état de son crédit, ce qui inclut l’ensemble des informations de nature à révéler le niveau d’activité ».

Ces deux décisions sont ainsi l’occasion pour la CADA et le juge administratif de rappeler que le mécénat est et doit rester un soutien apporté à une œuvre ou un organisme d’intérêt général, sans contrepartie, ce qui l’exclut de facto de la stratégie commerciale des entreprises.

3. Levée de fonds citoyenne

Afin d’illustrer ce moyen de financement, nous évoquerons ici l’initiative lancée par le réseau de coopératives Les Licoornes.

Ce réseau rassemble 9 SCIC qui se sont rassemblées en 2021 afin de renforcer la coopération entre ces acteurs majeurs de l’Economie Sociale et Solidaire pour la transition vers un modèle économique alternatif. Cette alliance a pris la forme d’une association nommée « Les Licoornes », en opposition aux « licornes », ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars et symboles d’un capitalisme à la forte croissance économique.

Les Licoornes se proposent ainsi en tant qu’alternative avec l’objectif commun de construire un nouveau modèle économique, en proposant des solutions soutenables, durables, démocratiques et ouvertes. Les 9 SCIC membres des Licoornes sont :

  • La Nef, une banque pour financer exclusivement des projets ayant une utilité sociale, écologique et/ou culturelle ;
  • Enercoop, un fournisseur d’électricité verte, locale et citoyenne avec une logique de circuit-court ;
  • Mobicoop, une plateforme de covoiturage pour une mobilité partagée, plus solidaire et écologique ;
  • Label Emmaus, un site d’e-commerce exclusivement alimenté par les acteurs du Mouvement Emmaüs et ses partenaires de l’économie sociale et solidaire ;
  • Railcoop, un opérateur ferroviaire de passagers et de marchandises ;
  • Telecoop, un opérateur télécom engagé dans la transition écologique et solidaire ;
  • Coopcircuits, une plateforme pour vendre et acheter en circuit court des produits locaux, artisanaux, direct producteur, biologiques, éthiques ;
  • Commown, un fournisseur d’appareils électroniques éco-conçus, et de services pour lutter contre l’obsolescence programmée ;
  • Citiz, un réseau d’autopartage de véhicules.

Ce rapprochement a notamment vocation à donner de la visibilité à ces 9 SCIC, et à populariser le principe de la coopérative.

En juin 2022, les Licoornes ont lancé une levée de fonds citoyenne en proposant de souscrire à des parts sociales pour devenir sociétaire de leurs coopérative, ces parts sociales étant non cotées en bourse. Contrairement au modèle traditionnel de l’actionnariat, la coopérative permet à chaque personne de d’obtenir une voix dans la prise de décision en assemblée générale selon le principe « une personne, une voix ». Au total, plus de 460.000 euros ont été collectés, ventilés entre les neuf SCIC[7].

En se développant grâce à ces nouveaux sociétaires, les Licoornes incarnent la possibilité d’une autre économie entend proposer un modèle de société écologique, solidaire et démocratique.

Alors que les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC)[8] ont vu, de manière spectaculaire, leur nombre doubler ces 5 dernières années, nul doute que cette initiative pourra inspirer d’autres acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire à développer des projets similaires qui permettent aux citoyens de contribuer directement à la transition vers un modèle économique plus vertueux.

 

[7]Source :https://fr.lita.co/fr/partenaires/licoornes?utm_source=licoornes&utm_medium=entrepreneurship&utm_campaign=20220404_licoornes_entrepreneurship_fundraising-2022-q2

[8] Ces organisations hybrides ont pour but d’organiser la coopération entre des acteurs privés et publics aux registres d’action souvent différents (salariés, clients, fournisseurs, collectivités, entreprises privées, associations…), autour d’un projet c

Vie des associations

1. Garanties procédurales entourant l’exclusion d’un membre d’une association

La Cour de cassation a très récemment, dans un arrêt rendu le 11 janvier 2023, rappelé que les procédures d’exclusion au sein d’associations ne sont pas exemptes de toutes garanties. En effet, tant le principe du contradictoire que le principe d’impartialité trouve à s’appliquer.

En revanche, il est, dans cette affaire, fait une application très modérée du principe d’impartialité puisque les juges ont retenu que « ne caractérise pas un manquement à l’exigence d’impartialité le seul fait, pour les membres de la formation disciplinaire d’une association, de s’être préalablement prononcés sur le bien-fondé des grief reprochés à l’adhérent poursuivi en décidant à son encontre une mesure de suspension provisoire pour ces mêmes griefs ». En effet, on sait que dans le cadre d’une procédure judiciaire, la simple apparence d’une potentielle partialité suffirait à vicier la procédure. A l’inverse, dans le cadre d’une procédure disciplinaire associative, le fait que la même personne se prononce sur une mesure provisoire puis sur une mesure d’exclusion pour les mêmes griefs ne suffit pas à entacher la procédure.

Il est intéressant de noter que la nature essentiellement contractuelle de l’association ne permettrait pas, par le truchement de stipulations statutaires, de déroger à ces garanties procédurales.

2. Responsabilité des dirigeants associatifs

CA Nancy, 1ère, 21 novembre 2022, n° 22/00537

Sur le volet de la responsabilité des dirigeants associatifs, on notera cette sanction anecdotique d’un trésorier démissionnaire récalcitrant, condamné à restituer l’ensemble des éléments de comptabilité de l’association conservés en sa possession, et ce sous une astreinte symbolique de 50 euros par jour de retard.

Concurrence déloyale et parasitisme entre associations : retour sur l’arrêt « SPA contre Manif pour Tous »

Les associations sont de plus en plus confrontées au droit de la concurrence déloyale, généralement définie comme un abus des pratiques commerciales d’un opérateur économique envers ses concurrents, contraire aux usages loyaux du commerce.

Dans la majorité des cas, le litige oppose l’association à une société commerciale, en tant qu’auteur ou victime de la concurrence déloyale. Mais il se peut parfois que la situation de concurrence déloyale ou de parasitisme oppose deux associations entre elles[6].

En 2022, la Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur de telles pratiques, alors même que les deux associations en cause ne poursuivaient aucune finalité économique et défendaient des intérêts différents.

Dans cet arrêt en date du 16 février 2022, la Cour de cassation a rappelé que « l’action en parasitisme, fondée sur l’article 1382, devenu 1240, du code civil, qui implique l’existence d’une faute commise par une personne au préjudice d’une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l’activité des parties, dès lors que l’auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements ».

L’affaire opposait l’association Société protectrice des animaux (SPA), association reconnue d’utilité publique dont l’objet social est la protection des animaux, à l’association La Manif pour tous (LMPT) qui a pour objet la coordination d’actions de promotion du mariage homme-femme, de la famille, de la parenté et de l’adoption, et à une fondation agissant au profit des personnes atteintes de maladies génétiques.

La SPA était à l’origine d’une campagne nationale pour dénoncer la torture faite aux animaux dans le cadre de l’abattage, de l’expérimentation animale et de la corrida. L’association LMPT avait diffusé sur son site internet des « visuels » reprenant les codes et certains éléments de cette campagne, pour dénoncer la procréation médicalement assistée (PMA) sans père et la gestation pour autrui (GPA). La fondation avait également repris des éléments de cette campagne nationale sur son site internet, pour dénoncer l’avortement « tardif » et l’euthanasie.

Considérant que ces faits étaient constitutifs de parasitisme, qui est l’une des formes de la concurrence déloyale avec le dénigrement et la désorganisation, la SPA avait assigné les deux autres sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240, du Code civil, aux fins d’indemnisation du préjudice en résultant. Après une condamnation en première instance et en appel, l’association LMPT et la fondation ont formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation a d’abord constaté que la SPA « dont la notoriété est établie auprès du public français qui la place en troisième position des associations caritatives les plus connues », avait justifié d’investissements publicitaires pour une opération de communication dénonçant la maltraitance animale, qui a été relayée dans les médias nationaux, tandis que l’association LMPT et la fondation avaient détourné ces affiches sur leurs sites internet respectifs, pour traiter des causes qui leurs sont propres, quelques jours seulement après le lancement de la campagne nationale de la SPA.

La Cour a considéré que ces détournements caractérisaient des actes de parasitisme, peu important que les campagnes menées par chacune des associations poursuivaient des finalités politiques et militantes différentes – protection des animaux pour l’une, opposition à la PMA et à la GPA pour l’autre.

L’arrêt relève par ailleurs que le détournement des affiches, par lequel « l’association LMPT affirmait que ce qui touche la personne humaine est plus grave et plus important que la maltraitance animale », faisait perdre en clarté et en efficacité la campagne de la SPA, « qui a été en partie brouillée en ce qu’elle s’est trouvée associée à des organisations et à des causes qui lui sont étrangères voire antagonistes, et qu’elle a été aussi affaiblie en ce que sa cause est présentée comme moins importante ».

La Cour de cassation a ainsi donné raison à la SPA, en considérant que se rend coupable de concurrence déloyale quiconque « se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements ». La Cour en profite pour rappeler ici que l’action en parasitisme « peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique où l’activité des parties », incluant ainsi les organismes à but non lucratif telles que les associations ou les fondations.

Cet arrêt illustre bien le fait que les juges français apprécient la concurrence déloyale et le parasitisme indépendamment de toute finalité économique ou de toute situation de concurrence entre les parties, la poursuite d’une activité politique ou militante nécessitant aussi des investissements économiques, ce que nous relevions déjà dans une précédente brève.

Les associations devront donc être particulièrement vigilantes à ne pas se retrouver dans une situation où elles profiteraient indûment des efforts, du savoir-faire, de la notoriété ou des investissements d’une autre association, quand bien même leurs objets et leurs finalités respectives seraient radicalement différentes.

 

[6] Voir par exemple : CA Paris, 30 mars 2018, n° 17/07421. Dans cet arrêt (qui mettait déjà en cause la SPA), la Cour d’appel de Paris avait condamné pour concurrence déloyale et parasitisme l’association Défense de l’animal qui avait repris de manière systématique le sigle « SPA de France », entretenant une confusion dans l’esprit du public avec l’association Société Protectrice des Animaux (SPA).

Loi Séparatisme, l’heure du bilan : le renforcement croissant du contrôle des associations

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « Séparatisme » a considérablement renforcé le contrôle des associations et des fondations avec l’instauration du contrat d’engagement républicain (« CER ») (1.1) et l’évolution des motifs pouvant justifier la dissolution d’une association (1.2).

1.1. Mise en œuvre du contrat d’engagement républicain

Plus d’un an après l’entrée en vigueur de la loi Séparatisme[1], un premier bilan de la mise en œuvre du contrat d’engagement républicain (« CER ») que doivent signer les associations et les fondations pour bénéficier d’une subvention peut être effectué.

Le contrôle des associations s’en est trouvé considérablement renforcé, tant au niveau de leurs actions que de leurs financements. Au point de susciter des craintes grandissantes parmi les acteurs du monde associatif. Annoncé comme un outil de lutte contre le séparatisme (rappelons que le but du CER tel qu’énoncé dans l’exposé des motifs de la loi était de combler l’insuffisance de l’arsenal juridique « face à l’islamisme radical, face à tous les séparatismes »), il fait l’objet de vives critiques, les acteurs du monde associatif voyant surtout dans ce dispositif un outil permettant aux pouvoirs publics de limiter la liberté d’expression et d’interpellation d’associations et leur capacité à faire vivre le débat, bien au-delà du seul sujet du communautarisme. Le contenu de ce « contrat » (précisé par le décret d’application n° 2021-1947 du 31 décembre 2021) est par ailleurs remis en cause dans sa rédaction sujette à interprétations, et donc source d’une insécurité juridique et financière forte pour les associations et pour leurs partenaires, à commencer par les collectivités[2].

Aux termes de ce « contrat », les associations et les fondations doivent notamment s’engager à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République, et à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. Le décret d’application susvisé est par ailleurs venu préciser les sept engagements du CER :

  • le respect des lois de la République ;
  • la liberté de conscience ;
  • la liberté des membres de l’association ;
  • l’égalité et la non-discrimination ;
  • la fraternité et la prévention de la violence ;
  • le respect de la dignité de la personne humaine ;
  • le respect des symboles de la République.

Si l’autorité qui subventionne considère que l’un de ces principes et/ou engagements n’a pas été respecté, elle peut retirer la subvention de l’association ou de la fondation et lui demander le remboursement des sommes déjà versées.

L’article 5 du décret d’application a par ailleurs prévu des dispositions au sujet de la responsabilité des associations et des fondations en cas de non-respect du CER, l’association ou la fondation ayant l’obligation de veiller à ce que ses dirigeants, ses salariés, ses membres et ses bénévoles respectent le CER souscrit. Aux termes de cette loi, l’association ou la fondation est responsable des manquements au CER commis par les différentes catégories de personnes susvisées. Sur cette question de la responsabilité, nous avons déjà eu l’occasion de faire part de nos interrogations quant au régime de responsabilité applicable en cas de non-respect d’un des « engagements » susvisés (Cf. notre brève « L’ESS à l’épreuve du contrat d’engagement républicain : la question de la responsabilité des associations et des fondations » dans la LAJ#128 du 20 janvier 2022).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, plusieurs associations ont déjà été sanctionnées pour non-respect de leur CER par les autorités subventionneuses. Peu de décisions ont en revanche été rendues par les juges pour l’instant.

Le Tribunal administratif de Dijon (TA Dijon, ord. réf., 4 mars 2022, n° 2200610), suivi du Conseil d’Etat (CE, 10 mars 2022, req. n° 462140) ont été amenés, pour la première fois (et unique fois à notre connaissance) à statuer sur l’interprétation des termes du CER par une autorité subventionneuse au sujet du respect du caractère laïque de la République et du principe d’égalité par l’Association Planning familial de Saône-et-Loire.

Absence de manquement au contrat d’engagement républicain par l’association Planning familial de Saône-et-Loire.

Dans cette affaire, le Planning familial de Saône-et-Loire avait été autorisé par le Maire de la ville de Chalon-sur-Saône à installer un stand sur la place de l’hôtel de ville dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes afin d’informer et sensibiliser le public sur le thème de l’égalité femmes-hommes. Dans ce cadre, la Ville avait mis gratuitement à disposition de l’association du matériel, ce qui constitue une subvention en nature.

L’affiche (ou visuel) établie par l’association et utilisée pour annoncer la manifestation faisait apparaitre six femmes dessinées, dont l’une d’elles portait un voile.

Le Maire de Chalon-sur-Saône a retiré son autorisation au motif que l’association aurait méconnu le CER. Le Maire considérait en effet que « la ville de Chalon-sur-Saône n’a pas vocation, conformément au contrat d’engagement républicain qui régit désormais les relations avec les associations, de donner de quelconques moyens de propager une idéologie contrevenant [aux] principes [républicains] » accusant l’association de prosélytisme et de promouvoir le communautarisme.

Le Planning familial a alors saisi le juge administratif d’un référé-liberté. Le juge, après avoir analysé l’affiche, a suspendu la décision de retrait et ordonné au Maire d’assurer l’exécution de sa décision initiale.

Les juges des référés du Conseil d’Etat, en appel, ont confirmé la décision du Tribunal administratif de Dijon considérant que le Planning familial n’avait pas manqué au CER. Selon les juges, « la seule circonstance que l’une de ces silhouettes, qui n’apparaît pas particulièrement visible parmi les autres, porte un voile, lui-même discret au sein du visuel et ne recouvrant pas le visage, une autre des silhouettes portant un turban africain ou d’autres ne portant pas de couvre-chef, ne saurait à l’évidence, compte tenu de la composition du visuel et de l’objectif d’universalisme qu’elle affiche ainsi clairement, être regardée comme traduisant une quelconque forme de prosélytisme religieux, de promotion, ou même d’approbation du port d’un tel voile ».

Ils ont ainsi considéré que la Ville n’était pas fondée à soutenir que l’association aurait porté une quelconque atteinte au principe de la laïcité et d’égalité de tous devant la loi par l’utilisation de cette affiche, reflétant au contraire selon eux la volonté de l’association de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes indifféremment auprès de l’ensemble des femmes, y compris celles portant le voile et nonobstant donc les convictions que ce port, qui par ailleurs n’est pas prohibé dans l’espace public, peut révéler.

Cette décision a ainsi permis de rappeler que les engagements souscrits au titre du CER ne devaient pas faire obstacle à l’exercice, par les associations et les fondations, de la liberté d’expression et de communication qui leur est garantie par la Constitution.

Cette affaire a exacerbé la crainte exprimée par les acteurs du monde associatif que le CER puisse être détourné de sa finalité première, laissant finalement entre les mains des juges, lorsqu’ils sont saisis (et toutes les associations n’ont pas les moyens de se lancer dans une telle procédure), le rôle fondamental de garantir le respect des libertés fondamentales.

Les juges administratifs vont prochainement devoir se prononcer dans une autre affaire, l’affaire « Alternatiba », dont l’issue est elle aussi très attendue.

L’affaire « Alternatiba » : un cas emblématique de la liberté d’association à l’épreuve du contrat d’engagement républicain

Alternatiba Poitiers est une association qui œuvre pour le climat et la justice sociale, cherchant notamment à sensibiliser le public sur le dérèglement climatique en cours au moyen d’actions citoyennes sur l’ensemble du territoire.

Pour soutenir ses actions, l’association a bénéficié de subventions de la part de la mairie de Poitiers (10.000 €) et de la communauté urbaine du Grand Poitiers (5.000 €) affectées à l’organisation de l’événement « Le Village des alternatives » prévu les 17 et 18 septembre 2022. Au cours de cet événement était prévu un atelier intitulé « formation à la désobéissance civile ».

Le Préfet du département de la Vienne a estimé que cet atelier portait atteinte au CER signé par l’association. Il a alors demandé à la mairie de Poitiers et à la communauté urbaine du Grand Poitiers le retrait des subventions versées.

Refusant de faire droit à la demande du Préfet de la Vienne, la mairie de Poitiers et la communauté urbaine du Grand Poitiers ont renouvelé leur soutien financier à l’association. Le Préfet s’est alors tourné vers la justice administrative.

Par deux déférés préfectoraux en date du 28 octobre 2022, le Préfet de la Vienne a demandé au Tribunal administratif de Poitiers d’annuler les décisions de la commune et de la communauté d’agglomération et de prononcer le retrait de la subvention accordée à l’association Alternatiba Poitiers.

La notion de désobéissance n’apparait pas dans le cadre du CER prévu par la loi Séparatisme et son décret d’application. C’est donc par une interprétation des engagements figurant au sein du CER que le Préfet de la Vienne a pu considérer que la désobéissance civile porterait atteinte aux valeurs et principes de la République.

Si le Tribunal administratif de Poitiers ne s’est pas encore prononcé, sa décision pourrait entraîner des conséquences importantes pour les associations, notamment celle de devoir éventuellement choisir entre subvention et désobéissance civile.

Ces dispositions, qui accroissent le contrôle de l’activité et du financement des associations et fondations par les pouvoirs publics financeurs suscitent de vives inquiétudes dans le monde associatif et plus largement chez tous les acteurs du secteur non lucratif, dans un contexte particulièrement tendu où des associations pourtant historiquement reconnues, telle la Ligue des Droits de l’Homme, voient le maintien de leur subvention menacé (s’agissant de la LDH, du fait de la présence d’observateurs pour documenter le maintien de l’ordre lors des manifestations de Sainte-Soline du 25 mars dernier contre les mégabassines). Cet épisode récent fait écho à une tendance plus générale nécessitant une vigilance accrue afin de veiller au fragile « équilibre entre préservation des libertés associatives et nécessité de régulation et de transparence »[3].

1.2. Les cas de dissolution d’une association ou d’un groupement de fait

La loi Séparatisme a modifié les motifs pouvant justifier la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait prévus à l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure.

Le Gouvernement peut désormais dissoudre une association ou un groupement de fait en cas d’incitation « […] à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens » (1°). Cette rédaction est plus large que la rédaction antérieure du 1° qui prévoyait qu’une association ou un groupement de fait est dissout s’ils « provoquent à des manifestations armées dans la rue ».

Ce sont ces dispositions dont se saisira sans doute le conseil des ministres pour concrétiser l’annonce de la décision du Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, au sujet de la dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre, dans le cadre des manifestations de Sainte-Soline du 25 mars dernier. Cette décision, qui doit faire l’objet d’un décret en conseil des ministres, était attendue le 12 avril (à l’heure où nous publions cet article nous n’avons eu information de l’adoption de ce décret) ou mercredi prochain (le 19 avril).

Par une ordonnance en date du 16 mai 2022[4], le Conseil d’Etat a été amené à préciser la portée de ces nouvelles dispositions sur le fondement desquelles le groupement d’extrême gauche lyonnais « Groupe Antifasciste Lyon et Environs » a été dissout par un décret du Ministre de l’Intérieur. Des appels à la violence ainsi que des débordements lors de manifestations lui étaient reprochés.

Le Conseil d’Etat a suspendu la dissolution de ce groupement, considérant que « les éléments retenus contre le groupement, pris tant isolément que dans leur ensemble, ne justifient pas sa dissolution au regard du code de la sécurité intérieure ». Les juges ont estimé qu’il n’était pas « démontré que les actions violentes » commises lors de manifestations « soient liées aux activités » du groupe. Ils ont par ailleurs observé « que les publications du groupement sur ses réseaux sociaux ne peuvent être regardées à elles seules comme une légitimation du recours à la violence » et en a déduit qu’il ne pouvait être, s’agissant de ce groupement de fait, considéré « que le groupement ait appelé à commettre des actions violentes » (Cf. à ce sujet notre brève « Associations et Loi Séparatisme : suspension de la dissolution du Groupe Antifasciste Lyon et Environs » dans la LAJ# 133 de juin 2022).

La loi Séparatisme a également modifié le motif visé au 3° de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure relatif aux atteintes à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement avec des dispositions qui désormais ne concernent pas uniquement l’objet de l’association ou du groupement de fait mais également son action.

A noter que la loi permet par ailleurs la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait lorsque ses membres « provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée » (6° de l’article susvisé).

C’est ainsi qu’un décret pris le 1er février 2023[5] est venu illustrer un nouveau cas de dissolution d’association au visa de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, plus précisément des nouveaux 1° et 6° dudit article ainsi que de son 7° relatif aux agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. Il s’agissait d’une association qui relayait des messages antirépublicains et radicaux invitant à la révolte et qui propageait une idéologie antisémite et homophobe mais également des discours d’apologie du terrorisme. Le décret s’est fondé sur l’ensemble des publications internet de l’association et a procédé à une analyse de chacune de ses déclarations pour considérer qu’il y avait lieu de prononcer sa dissolution.

 

 

[1] La Loi Séparatisme est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

[2] Voir en ce sens le Communiqué de presse du Mouvement associatif du 23 janvier 2023 https://lemouvementassociatif.org/wp-content/uploads/2023/01/LMA_CP_23012023_pointpresse_1anCER.pdf

[3] « De la liberté au contrôle », Madame Frédérique Pfrunder, Déléguée générale du Mouvement associatif, Jurisassociations 2022, n°667, page 16

[4] CE, 16 mai 2022, req n° 462954

[5] Décret du 1er février 2023, JO du 2, texte 10

Le premier vice-président de la Commission européenne annonce l’adoption prochaine d’une Déclaration européenne pour le vélo

Lors du sommet européen de l’industrie du vélo du 9 mars 2023, le Vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a affirmé la volonté européenne d’œuvrer pour la promotion du vélo.

Cette annonce intervient peu de temps après l’adoption par le Parlement européen, le 16 février dernier, d’une Résolution sur le développement d’une stratégie européenne pour le vélo et invitant la Commission à agir en ce sens[1].

Le rôle de l’Union en la matière est donc amené à évoluer, que ce soit par la mobilisation d’instruments financiers européens au soutien des infrastructures cyclables, mais aussi par l’intervention de l’Union dans le secteur stratégique du vélo électrique, actuellement en pleine croissance.

À plus court terme, un processus interinstitutionnel est déjà en projet. En effet, une Déclaration européenne sur le vélo proposée par la Commission et signée par le Parlement et le Conseil devrait voir le jour d’ici l’été 2023.

Il s’agirait, selon le Vice-président Timmermans, d’une « boussole stratégique » devant guider les futures politiques européennes.

***

Cette déclaration devrait alors prévoir un certain nombre de principes visant à promouvoir l’usage du vélo. Par exemple, la construction d’un parking pour vélos électriques pourrait être imposée lors de chaque rénovation énergétique d’un bâtiment public.

 

[1] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0058_FR.pdf

Le Ministère de la Transition écologique précise le calendrier d’obtention de l’agrément « Mon Accompagnateur Rénov’ »

Introduit par la loi Climat et Résilience en date du 22 août 2021[1], le dispositif « Mon Accompagnateur Rénov’ » vise à accompagner les ménages souhaitant procéder à la rénovation énergétique de leur logement par le biais de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Cet accompagnement est d’ailleurs obligatoire pour les ménages souhaitant bénéficier de certaines aides de l’Etat[2], à savoir :

  • A compter du 1er janvier 2023, pour les travaux de rénovation énergétique bénéficiant des aides à la rénovation énergétique de l’ANAH conditionnées à une amélioration de la performance énergétique globale du logement, et pour lesquels la demande d’aide est déposée à compter du 1er janvier 2023 et dont le coût est supérieur à 5 000 euros TTC ;
  • A compter du 1er septembre 2023, pour les travaux de deux gestes ou plus dont la liste figure aux 1 à 14 de l’annexe 1 du décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique, dont le coût est supérieur à 5 000 euros TTC et qui font l’objet d’une demande d’aide dont le montant est supérieur à 10 000 euros, ainsi que les travaux qui font l’objet de demandes d’aides distinctes dépassant ces seuils et intervenant dans un délai de 3 ans à compter de la première demande d’aide formulée.

L’Accompagnateur Rénov’ est alors un interlocuteur chargé d’assister les ménages, en leur fournissant « un appui à la réalisation d’un plan de financement et d’études énergétiques ainsi qu’une assistance à la prospection et à la sélection des professionnels »[3].

Ce dispositif est précisé et encadré par le décret n° 2022-1035 du 22 juillet 2022 et l’arrêté du 21 décembre 2022, qui prévoient une procédure d’agrément pour les opérateurs souhaitant réaliser cette mission.

Sur ce point, s’il reposait initialement sur des acteurs historiques (Espace Conseil France Rénov’, opérateurs de l’ANAH, structures chargées d’une opération programmée), Mon Accompagnateur Rénov s’ouvre en 2023 à de nouveaux acteurs publics et privés afin d’accompagner davantage de ménages.

Dans un communiqué du 3 avril 2023, le ministère de la Transition écologique a en effet indiqué que la plateforme d’agrément ouvrira dès le 30 avril 2023. Les dossiers pourront être déposés :

  • à partir du 2 mai 2023 et au plus tôt pour les acteurs historiques qui réalisent déjà des missions d’accompagnement afin d’obtenir leur agrément avant le 1er septembre 2023 ;
  • à partir du 1er juillet 2023 pour les nouveaux acteurs.

Une période transitoire est toutefois prévue entre le 1er janvier et le 1er septembre 2023, durant laquelle les acteurs historiques sont réputés agréés afin de poursuivre leurs missions d’accompagnement.

 

[1] Art. 164.

[2] Art. R. 232-8 du Code de l’énergie.

[3] Art. L. 232-3 du Code énergie.

L’article 15, III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 : une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur ?

Dans un arrêt en date du 30 mars 2023 (Cass. Civ., 3e, 30 mars 2023, n° 22-21.763), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 15, III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Pour rappel, ledit article impose au bailleur qui justifie d’un motif légitime de reprendre son bien pour l’habiter, de proposer à son locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés, un logement correspondant à ses besoins dans des limites géographiques déterminées, sauf si le bailleur est une personne physique âgée de plus de 65 ans ou si ses ressources sont en dessus de ce seuil.

En l’espèce, des propriétaires d’un logement donné à bail en 2012 ont délivré le 20 décembre 2017 un congé aux fins de reprise pour habiter à des locataires sans leur proposer un logement correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités dans les limites géographiques déterminées à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 auquel l’article 15 précité renvoie. Cet article prévoit en effet que le logement doit être situé :

«  […]. Dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l’arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ;

Dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ;

Dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d’une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km ».

N’ayant dès lors pas obtenu une décision favorable par la Cour d’appel de Paris dans le cadre de leur action en validité de congé et d’expulsion, les propriétaires se sont pourvus en cassation et, ont soutenu, par mémoire distinct, la question prioritaire de constitutionnalité suivante : l’article 15,III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, «  porte-t-il au droit de propriété consacré à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, compte tenu de l’impossibilité pour le bailleur, lorsque le bail est ancien et que le logement se situe dans une zone où les loyers sont excessivement élevés, de proposer un tel logement, faute qu’il s’en trouve sur le marché locatif privé » ?

Les requérants estiment en effet qu’il leur était impossible au regard de l’offre locative déjà extrêmement réduite de trouver une proposition de relogement qui satisfît aux conditions posées par l’article 15, III de la loi du 6 juillet 1989. Dans cet arrêt en date du 30 mars 2023, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a renvoyé la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel en indiquant d’une part que l’obligation qui s’impose au bailleur de proposer au locataire âgé et dont les ressources sont faibles un relogement correspondant à ses besoins et possibilités notamment géographiques porte atteinte aux conditions d’exercice de son droit de propriété.

La Cour de cassation indique d’autre part que cette atteinte pourrait être considérée comme disproportionnée « dès lors que l’état du marché locatif dans le secteur concerné est susceptible de rendre impossible la soumission par le bailleur, personne privée, d’une offre de relogement correspondant aux possibilités de locataires […] ».

La décision du Conseil constitutionnel sera donc particulièrement attendue en ce qu’elle peut avoir un impact considérable sur la situation de nombreux propriétaires et locataires, soumis (ou protégés) par les dispositions de l’article 15, III de la loi du 6 juillet 1989.

La simple dissociation du texte de la musique d’une chanson ne porte pas atteinte au droit moral de l’auteur

Le label titulaire des droits d’exploitation sur les œuvres du célèbre auteur Jean Ferrat et son exécuteur-testamentaire, ont assigné les éditions FAYARD en contrefaçon par violation du droit moral de l’auteur et des droits patrimoniaux à la suite de la publication, quelques mois après la mort de l’auteur en 2010, d’un ouvrage intitulé « Jean Ferrat, je ne chante pas pour passer le temps ».

L’action en contrefaçon porte sur la reproduction sans accord de 131 extraits de chansons de Jean Ferrat, et repose sur l’Article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose :

« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

L’éditeur invoque l’exception de courte citation mentionnée à l’article L. 122-5 3 du même Code, ce que retient la Cour d’appel de Paris dans son arrêt en date du 12 janvier 2021. Selon cette exception, l’auteur ne peut interdire les courtes citations si elles sont justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source.

La Cour de cassation a confirmé le raisonnement de la Cour selon lequel le texte et la musique d’une chanson relèvent de genres différents et sont dissociables, et le seul fait que le texte ait été séparé de la musique ne porte pas nécessairement atteinte au droit moral de l’auteur.

Elle a enfin confirmé l’application de l’exception de citations en l’espèce, puisqu’elles étaient justifiées par le caractère pédagogiques et d’information de l’ouvrage, retraçant la vie et l’engagement de l’artiste.