Santé, action sanitaire et sociale
le 25/05/2023

La France ne respecte pas les droits fondamentaux des personnes en situation de handicap

Comité européen des Droits sociaux, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, Décision publiée le 17 avril 2023, Réclamation n° 168/2018

En 2018, plusieurs associations qui œuvrent en faveur des personnes en situation de handicap[1] ont déposé une réclamation collective auprès du Comité européen des droits sociaux (CEDS) invoquant la violation, par l’État français, des droits fondamentaux des personnes handicapées reconnus par la Charte sociale européenne.

Le CEDS est un organe du Conseil de l’Europe qui a pour mission d’examiner le respect de la Charte sociale européenne par les États parties dont la France. Ce traité garantit les droits sociaux et économiques fondamentaux et, en ce sens, constitue le pendant de la Convention européenne des droits de l’homme qui, elle, porte sur les droits civils et politiques. Cette charte garantit un large éventail de droits liés à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation, à la protection sociale et aux services sociaux.

Par une décision rendue publique le 17 avril 2023 et prise à l’unanimité, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a conclu à la violation, par la France, des droits des personnes en situation de handicap. Il a en effet relevé que la France enfreignait plusieurs articles de la Charte sociale européenne.

Tout d’abord, l’article 15§3 relatif au droit à l’intégration sociale et de la participation à la vie de la communauté de la Charte, « en raison du manquement des autorités à adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable  » en ce qui concerne :

  • l’accès aux services d’aide sociale et aux aides financières ;
  • l’accessibilité des bâtiments, des installations et des transports publics ;
  • le développement et l’adoption d’une politique coordonnée pour l’intégration sociale et la participation à la vie de la communauté des personnes handicapées.

Il a relevé que « […] l’absence d’une politique cohérente et coordonnée en matière de handicap dans ce domaine est révélée par une série de facteurs, notamment : la publication très tardive d’importants décrets relatifs à l’utilisation des « fonds départementaux de compensation » (décret du 25 avril 2022) pour couvrir le reste à charge des aides à la personne et des aides techniques ; l’absence de solutions à des problèmes anciens, tels que l’accueil de jeunes adultes dans les services de l’enfance, faute de solution alternative ; et la poursuite des départs involontaires de personnes handicapées vers des établissements en Belgique en raison des carences des services d’accompagnement social et de l’offre médico-sociale en France » (point 288).

Le Comité a également considéré que la France violait l’article 16 relatif au droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique, du fait des réponses insuffisantes apportées par la France aux besoins des personnes handicapées, à l’origine, pour de nombreuses familles, de conditions précaires de vie, et constitutives d’un manque de protection de la famille.

Enfin, la décision du CEDS a constaté que la France enfreignait deux autres articles de la Charte sociale européenne :

  • Son article 15§1 relatif au droit à une orientation, une éducation et une formation professionnelle, en raison de l’absence de mesures efficaces contre les « problèmes persistants et anciens» liés à l’inclusion des enfants et adolescents handicapés dans les écoles ordinaires ;

Ces constats font écho aux conclusions du rapport récent du Sénat qui a dressé un sévère bilan de la gestion et des conditions de travail des accompagnants des élèves en situation de handicap, métier indispensable à l’école inclusive[2] ;

  • Son article 11§1 relatif au droit à la protection de la santé, considérant que les autorités françaises n’ont pas adopté de mesures adéquates pour remédier aux « problèmes de longue date» liés à l’accès des personnes handicapées aux services de santé (inaccessibilité des lieux de soins, délais d’accès aux soins et à l’information, renoncement aux soins pour des raisons financières, manque de formation spécialisée des professionnels de santé notamment).

Si les décisions du CEDS n’ont pas de caractère contraignant et ne peuvent infliger de sanction aux Etats qui ne respectent pas leurs engagements pris dans le cadre de la ratification de la Charte sociale européenne, il n’en demeure pas moins que ces décisions sont un bon baromètre de la prise en compte par les Etats des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap et constituent, à tout le moins, des condamnations « diplomatiques » des politiques nationales qui ne peuvent rester sans réponse.

 

[1] Le Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe, soutenus par un collectif de cinq associations françaises – APF France handicap, CLAPEAHA, FNATH, Unafam, Unapei.

[2] Modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive, Sénat, Rapport d’information n° 568 (2022-2023), 3 mai 2023