Sur la preuve de la minorité d’un ressortissant étranger non accompagné

Dans son arrêt en date du 15 mars 2023, la Cour de cassation est venue préciser les conditions tenant à la force probante d’un acte d’état civil étranger.

En l’espèce, un jeune individu d’origine afghane, qui prétendait être né en 2004, s’est présenté le 17 avril 2020 auprès d’un dispositif d’évaluation des mineurs étrangers isolés. Par ordonnance du 22 avril 2020 du Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, ce dernier a été confié provisoirement à la direction de l’enfance et de la famille du Maine-et-Loire.

Le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire d’Angers a par la suite saisi un juge des tutelles d’une demande d’ouverture d’une mesure de tutelle déférée à l’Etat. Le jeune ressortissant afghan bénéficiait en outre d’une protection subsidiaire de l’OFPRA dès le 25 juin 2021, et se voyait ainsi délivrer par l’organisme un certificat de naissance tenant lieu d’acte d’état civil le 11 octobre 2021.  Le certificat de naissance mentionnait que ce dernier était né en 2005.

Le Conseil Départemental du Maine-et-Loire interjetait appel de la décision ordonnant une mesure de tutelle au profit du jeune ressortissant étranger, au motif que sa minorité n’était en l’espèce pas établie. Par un arrêt du 7 février 2022, la Cour d’appel d’Angers a estimé que la mesure de tutelle sollicitée n’était pas justifiée, dans la mesure où ce dernier ne rapportait pas la preuve de sa minorité. La Cour de cassation est venue confirmer l’analyse des juges du fond.

En effet, conformément à l’article 16, II, alinéa 1er de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicable au litige, « sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France, doit être légalisé pour y produire effet. »

Sont en revanche dispensés de toute légalisation ou de toute formalité équivalente « les documents concernant l’identité et l’état civil produits par les réfugiés et émanant de leurs autorités d’origine ».

Or, il ressort des faits de l’espèce que le demandeur au pourvoi ne bénéficiait pas d’un tel statut, dans la mesure où ce dernier a été placé sous la protection subsidiaire de l’OFPRA.

Ce statut est en effet accordé à toute personne ne répondant pas au statut de réfugié, mais qui prouve qu’il est exposé dans son pays à des risques limitativement énumérés. Dans ces conditions, la Cour d’appel a justement écarté, faute de légalisation, la force probante de l’acte d’état civil afghan produit par l’intéressé.

Dans un second temps, le demandeur soutenait qu’en remettant en cause sa minorité pour lui refuser une demande de tutelle, et ce alors qu’il bénéficiait d’un acte d’état civil délivré par l’OFPRA, la Cour d’appel avait l’article ancien L. 721-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, applicable au litige. Sur ce point, au visa de l’article 1371 alinéa 1 du Code civil, la Cour de cassation est de nouveau venu confirmer l’arrêt rendu le 7 février 2022, au motif que les « énonciations ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l’officier public font foi jusqu’à la preuve contraire. »

Or, en l’espèce, la date de naissance indiquée sur l’acte de naissance délivrée par l’OFPRA ne relevait que des propres déclarations de l’intéressé. Dès lors, la Cour d’appel a pu relever que la minorité de l’intéressé n’était pas établie, dans la mesure où la preuve contraire avait pu être rapportée par le Conseil Départemental.

Sursis à statuer à fin de régularisation : sans autorisation modificative, la seule modification des règles d’urbanisme n’est pas de nature à régulariser le permis de construire initial

Par une décision en date du 4 mai 2023, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur l’application des dispositions de l’article R. 600-5-1 du Code de l’urbanisme et considéré qu’en l’absence d’autorisation modificative, la seule circonstance que la règle d’urbanisme ayant justifié le sursis à statuer ne soit plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau ne suffit pas à régulariser le permis initial.

Dans cette affaire, par un arrêté du 21 décembre 2018, modifié par arrêté du 28 juillet 2020, le Maire de la commune de Cépet (31620) a délivré à la société Octogone un permis de construire pour la création d’un bâtiment à usage de logement et de commerce. Saisi par l’association Cœur de Cépet, le Tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 16 février 2021, sursis à statuer sur la demande d’annulation de ce permis, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement, afin de permettre au pétitionnaire de régulariser le projet au regard de la règle de hauteur dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses. Par un second jugement en date du 8 avril 2022, le Tribunal, jugeant que cette régularisation n’était pas intervenue, a annulé les décisions contestées.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur les conséquences de la disparition de la règle d’urbanisme ayant justifié qu’il soit opposé un sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, lequel prévoit que :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

Le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé que lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des règles d’urbanisme en vigueur ou sans que les formes ou formalités préalables soient respectées, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond et répond aux exigences de forme ou de procédures omises.

Il a, ensuite, rappelé que l’irrégularité peut également être couverte si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a entretemps été modifiée, si cette règle n’est plus méconnue compte tenu d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce ou si le bénéficiaire de l’autorisation notifie au juge une décision de l’autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d’un jugement prononçant le sursis à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

En revanche, dans sa décision en date du 4 mai 2023, le Conseil d’Etat a précisé que « la seule circonstance que le vice dont est affectée l’autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme qui n’est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d’annulation, après l’expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d’entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande ».

Au cas présent, la société Octogone a fait valoir, à l’issue du délai qui lui était imparti par le Tribunal pour procéder à la régularisation du permis de construire initial au regard de la règle des hauteurs, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, que les dispositions méconnues avaient été modifiées de sorte que le projet respectait les règles de hauteur désormais applicables.

Le Conseil d’Etat a, toutefois, considéré que cette seule circonstance ne permettait pas de régulariser les permis de construire litigieux, dès lors que la régularisation implique, nécessairement, l’intervention d’une décision individuelle de régularisation prise par la Commune après la modification du plan local d’urbanisme.

Condamnation record de Meta à une amende de 1,2 milliard d’euros pour le transfert de données à caractère personnel de l’Union européenne vers les États-Unis

La question de la compatibilité entre la protection offerte par le droit américain en matière de données à caractère personnel et les exigences du règlement général de protection des données (RGPD) s’est posée avec une acuité particulière ce 12 mai 2023.

La Data Protection Commission (DPC), régulateur irlandais pendant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) française, a en effet été saisi d’une enquête relative au transfert par Meta (maison mère de Facebook) de données à caractère personnel depuis l’Union européenne vers les États-Unis.

En la matière, l’article 46 § 1 du RGPD prévoit qu’en l’absence d’acte d’exécution par lequel la Commission européenne estime qu’un pays tiers assure une protection adéquate à celle offerte par le droit de l’Union, le responsable du traitement ou le sous-traitant ne peut transférer des données à caractère personnel vers un tel pays que s’il a prévu des garanties appropriées et à la condition que les personnes concernées disposent de droits opposables et de voies de droit effectives.

Pour assurer la conformité du transfert au niveau de protection requis par le RGPD, des « clauses contractuelles types » (CCT) peuvent être établies entre les deux parties au transfert (responsables de traitement exportateur et importateur).

Sans censurer cette pratique, la CJUE avait toutefois relevé, trois ans plus tôt, que dans la mesure où les autorités du pays destinataire des données ne sont pas parties à ce contrat, celui-ci ne leur est pas opposable[1]. Elle avait ainsi jugé que les CCT ne pouvaient suffire à assurer la conformité du transfert au RGPD, des garanties supplémentaires devant nécessairement être prévues en sus de ces clauses.

Or, en l’occurrence, bien que Meta ait réalisé les transferts de données sur la base d’un modèle de CCT adopté par la Commission européenne[2] en conjonction avec des mesures supplémentaires, la DPC a considéré que les dispositions ainsi prévues ne suffisaient pas à écarter tout risque pour les libertés et droits fondamentaux des personnes concernées par le transfert.

En conséquence, le régulateur irlandais a ordonné à Meta de suspendre tout transfert futur de données personnelles vers les États-Unis d’ici le 12 octobre 2023[3]. Il lui a également ordonné de mettre ses opérations de traitement en conformité avec le RGPD, en cessant le traitement illégal, y compris le stockage, aux États-Unis des données personnelles transférés en violation du RGPD d’ici le 12 novembre 2023[4]. Enfin, Meta devra s’acquitter d’une amende administrative d’un montant de 1,2 milliard d’euros[5].

L’entreprise entend cependant interjeter appel de cette décision, dans l’attente de l’adoption – potentiellement prochaine – d’un accord encadrant le transfert de données personnelles entre l’Union européenne et les États-Unis, fondé sur le nouveau cadre juridique adopté transatlantique, l’Executive Order, après l’échec du Safe Harbor[6] et du Privacy Shield[7].

 

[1] CJUE, gde ch. 16 juill. 2020, aff. C-311/18, Data Protection Commissioner contre Facebook Ireland Ltd et Maximillian Schrems.

[2] Décision de la Commission du 5 février 2010 relative aux clauses contractuelles types pour le transfert de données à caractère personnel vers des sous-traitants établis dans des pays tiers en vertu de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil.

[3] Sur le fondement de l’article 58, § 2, point j), du RGPD.

[4] Sur le fondement de l’article 58, § 2, point d), du RGPD.

[5] Infligée sur le fondement de l’article 58, § 2, point i), du RGPD.

[6] Invalidé par la CJUE : CJUE, 6 oct. 2015, aff. C-362/14, Schrems c/ Data Protection Commissioner.

[7] Invalidé par la CJUE : CJUE, gde ch. 16 juill. 2020, Op. cit.

Fin de l’improvisation juridique : les concerts de casseroles ne constituent pas une menace terroriste

L’instauration d’un périmètre de protection en application de l’article L. 226-1 du Code de la sécurité intérieure (CSI) n’est légale qu’en cas de menace terroriste. Or, le risque de voir des manifestants tapant sur des casseroles conspuer le Président de la République et les membres du Gouvernement ne constitue pas une telle menace. Tel est le sens de l’ordonnance du Juge du référé-liberté du Tribunal administratif d’Orléans qui a suspendu, le 25 avril dernier, l’arrêté du Préfet du Loir-et-Cher instaurant un périmètre de protection dans la commune de Vendôme à l’occasion d’une visite d’Emmanuel Macron.

Pour tenter de mettre un terme à l’accompagnement orchestral qui accompagnait les déplacements des membres de l’exécutif, les préfets se sont efforcés de tenir à distance ces manifestants musiciens en prenant des arrêtés énonçant plusieurs types d’interdictions. En ce sens, un premier arrêté a été pris par le Préfet de l’Hérault le 19 avril 2023, instaurant un « périmètre de protection » dans le département à l’occasion de la visite officielle du Président de la République, le 20 avril, dans la commune de Ganges.

Un second arrêté signé du Préfet du Loir et Cher a été édicté le 25 avril 2023 pour empêcher ces manifestations bruyantes lors de la visite du Président à Vendôme le même jour. Il a immédiatement été suspendu par une ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif d’Orléans. Ce même 25 avril, le Préfet du Doubs a pris un troisième arrêté créant un « périmètre de sécurité » dans la zone de La-Cluse-et-Mijoux, région qui accueillait le Président le 27 avril. Ce nouvel arrêté a aussi fait l’objet d’un recours devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Besançon. Toutefois, le Préfet du Doubs a finalement choisi de prudemment retirer son texte au vu du risque de suspension particulièrement important.

En édictant ces mesures de police, les préfets se sont d’abord heurtés à la difficulté de définir juridiquement une casserole ou tout autre article de cuisine susceptible de faire du bruit – étant précisé qu’un contrôle était prévu à l’entrée du périmètre de sécurité afin d’empêcher les casseroles d’y pénétrer.

L’arrêté du Préfet de l’Hérault interdisait donc les « objets susceptibles de constituer une arme (par destination) ou pouvant servir de projectile présentant un danger, ainsi que l’usage de dispositifs sonores portatifs ». A cet égard, sera soulignée la généralité de cette définition, au fond susceptible de s’appliquer à de nombreux autres objets régulièrement utilisés ou présents lors des manifestations.

L’arrêté du Préfet du Loir-et-Cher visait quant à lui tout « dispositif sonore amplificateur de son », la cohérence de cette qualification n’étant guère plus pertinente que la première au vu de son caractère abstrait et globalisant. Cela étant, le Juge des référés du Tribunal administratif d’Orléans n’a pas eu besoin de se livrer à l’exercice périlleux consistant à définir juridiquement un ustensile de cuisine pour censurer l’arrêté litigieux. En effet, pour adopter de tels arrêtés, les préfets se sont fondés sur l’article L. 226-1 du CSI, issu de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (dite loi SILT).

Pour rappel, ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution dans la mesure où un périmètre de protection ne peut être institué « qu’aux fins d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation » (CC, 29 mars 2018, QPC n° 2017-695). En l’occurrence, très concrètement, par l’édiction des arrêtés ci-dessus évoqués, les préfets invoquaient l’existence d’une menace terroriste pour justifier l’interdiction des casseroles. Or, la procédure ci-dessus exposée n’étant applicable qu’à la seule hypothèse d’une menace terroriste réelle, il est patent que cette condition n’était, en l’espèce, pas remplie en présence de quelques dizaines de personnes armées de casseroles.

C’est pour ce motif que le Juge des référés du Tribunal administratif d’Orléans a suspendu l’arrêté du Préfet du Loir-et-Cher. C’est aussi pour cette raison que l’arrêté du Préfet du Doubs a été retiré, car il reposait sur le même fondement. Aux termes de son ordonnance, le Juge des référés du Tribunal administratif d’Orléans relève qu’il « résulte des termes mêmes de l’article L. 226-1 du [CSI] qu’un périmètre de protection ne peut être institué par le préfet en application de ces dispositions qu’aux fins d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation ». Et, en « l’absence de circonstances particulières, un déplacement du Président de la République ne saurait être regardé comme justifiant à lui seul, par sa nature, l’instauration d’un périmètre de sécurité ».

Ni le niveau du plan Vigipirate ni le climat social actuel « et en particulier la mobilisation liée à la contestation de la réforme des retraites ne suffisent pas, alors même que plusieurs manifestations ont donné lieu à des violences et dégradations de la part de casseurs, à caractériser en l’espèce l’existence d’un risque d’actes de terrorisme au sens de l’article L. 226-1 du [CSI] ».

Enfin, si la solution n’a rien de surprenant en droit, elle témoigne de la rapidité des associations requérantes. En effet, depuis la promulgation de la réforme des retraites, les préfets avaient pris l’habitude d’instaurer systématiquement des périmètres de protection pour toute visite du Président de la République ; mais aussi de publier tardivement leurs arrêtés, compliquant tout recours avant que l’arrêté ait cessé de produire ses effets, entraînant ainsi un non-lieu à statuer.

Du bien-fondé de la réduction de moitié de l’indemnité de licenciement du Directeur d’une chambre de commerce et d’industrie

L’article D. 711-70-1 du Code de commerce fixe les conditions de cessation de fonctions du Directeur de la chambre de commerce et d’industrie (CCI), parmi lesquelles figure le licenciement, sur proposition du président de la chambre. Les motifs prévus par le texte comme non exhaustifs, sont les suivants :

  • une divergence de vue faisant obstacle au bon fonctionnement de la chambre ;
  • une insuffisance professionnelle ;
  • un comportement faisant obstacle au bon accomplissement de sa tâche.

Dans ces deux derniers cas, le texte prévoit que l’indemnité peut être réduite « d’un montant qui ne dépasse pas la moitié de celui résultant de l’application de l’article 35-2 du statut ».

C’est dans ce cadre que le directeur de la CCI territoriale de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, d’abord révoqué pour des motifs disciplinaires a, au terme d’un premier feuilleton contentieux, finalement été licencié au motif d’un comportement faisant obstacle au bon accomplissement de sa tâche. A cet égard, son indemnité de licenciement a été réduite de moitié, ce qui a donné lieu à un nouveau contentieux, en contestation cette fois du solde de tout compte liquidant l’indemnité. L’intéressé demandait ainsi au Tribunal une injonction à la CCI de recalculer son indemnité, à hauteur de la coquette somme de 227.710 euros.

Par un jugement rendu le mois dernier par le Tribunal administratif de Montpellier, le Juge administratif, compétent eu égard au statut de droit public du Directeur de la CCI, a retenu le bien -fondé de la décision de la CCI. Il faut dire que, dans cette affaire, ressortaient des pièces du dossier quantité d’éléments illustrant ce qui relève de l’atteinte au bon fonctionnement du service :

  • à plusieurs reprises, le refus de suivre la stratégie décidée et arrêtée par la CCI, conduisant à un blocage d’une centaine de contrats de vacation ;
  • la réalisation de nombreuses démarches administratives et financières avec retard ;
  • l’instauration d’un climat social tendu, notamment illustré par des plaintes émanant du personnel et faisant état de propos discourtois, de gestes violents et d’une ambiance de travail ;
  • des relations difficiles avec les élus de la chambre ou encore avec des partenaires institutionnels.

C’est ainsi qu’après avoir précisé qu’eu égard aux fonctions de direction qui lui étaient confiées, ces dysfonctionnements et difficultés étaient de nature à porter atteinte au bon fonctionnement de la chambre territoriale, le Tribunal a rejeté la demande de revalorisation par l’intéressé de son indemnité de licenciement et fourni un exemple de mise en œuvre de la possibilité de réduction de l’indemnité.

Des faits commis avant l’entrée en service peuvent faire l’objet d’une révocation s’ils révèlent une incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans la fonction publique

Par un arrêt en date du 3 mai 2023, qui paraîtra au recueil Lebon, le Conseil d’État a redéfini les conséquences que l’administration peut donner aux faits commis, par les fonctionnaires, en dehors de leurs fonctions.

Jusqu’alors, la jurisprudence était clairsemée. On savait que des faits commis en dehors du service pouvaient être sanctionnés disciplinairement (CE, 27 juillet 2006, n° 288911). On savait également que la mention d’une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire n’autorisait pas l’administration à prononcer une radiation des cadres pure et simple, mais lui imposait d’infliger, à l’issue d’une procédure disciplinaire, une révocation prononcée en considération de l’incompatibilité des faits commis avec les fonctions de l’agent, ou l’exercice d’une fonction publique d’une façon générale (CE, 5 décembre 2016, n° 380763).

Mais cette jurisprudence restait encore floue sur de nombreux points, et notamment sur ce qui pouvait être sanctionné, comment et dans quelle proportion, et quelles étaient les conséquences à donner à l’existence de condamnations pénales, leur inscription au casier judiciaire, ou à l’inverse au fait que leur mention en ait été retirée.

Toutes ces questions se posaient en l’espèce, dans l’affaire jugée par le Conseil d’État le 3 mai 2023 : les faits avaient été pénalement condamnés, mais avaient été commis avant l’entrée dans la fonction publique de l’agent, et la condamnation avait été retirée du bulletin n° 2 du casier judiciaire, de sorte que le lien entre le service et les faits commis était particulièrement ténu.

Le Conseil d’État apporte une réponse complète sur la question, y compris au-delà du seul cas des condamnations pénales : des faits, commis antérieurement à la nomination d’une fonctionnaire, mais portés ultérieurement à la connaissance de l’administration peuvent faire l’objet d’une révocation s’ils révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans le service.

Selon le Conseil d’État, l’administration ne peut en revanche se borner à constater l’existence d’une condamnation pénale pour déclarer une incompatibilité et prononcer une révocation : elle doit examiner si les faits sont effectivement incompatibles avec les fonctions de l’agent. Cette incompatibilité doit être appréciée en fonction de la nature des faits, leur gravité, et surtout leur ancienneté.  Elle ne justifiera de révocation que s’il en résulte qu’ils « affectent le bon fonctionnement ou la réputation du service dans des conditions justifiant la révocation ».

En définitive, cette jurisprudence simplifie la question : l’administration ne doit pas se poser la question du caractère pénalement répréhensible des faits, de leur inscription formelle sur le casier judiciaire, ni même de leur antériorité à l’entrée dans la fonction publique. Elle doit s’en tenir aux faits eux-mêmes : révèlent-ils, ou non, compte tenu de leur nature et de leur conséquence, une incompatibilité avec les fonctions de l’agent ? Pour le savoir, l’administration devra examiner tous les aspects qui peuvent révéler une telle incompatibilité. Cette incompatibilité pourra résulter de ce qu’elle dit de l’agent lui-même sur sa probité, sur sa capacité à exercer ses fonctions, mais également des conséquences que la condamnation entraine pour le service, y compris quant à l’image qu’elle impute à l’administration qui l’emploie, sous réserve que leur ancienneté n’ait pas pour conséquence de retirer, aux faits considérés, la signification qu’ils peuvent avoir sur l’agent et son service.

Précisions sur la communication parcellaire du rapport d’enquête administrative et des procès-verbaux d’audition à l’agent ayant fait l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne

Dans une décision en date du 28 avril 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours de l’exception au principe de communication préalable, et intégrale, du rapport d’enquête et des procès-verbaux d’audition à l’agent ayant fait l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne.

En l’espèce, un fonctionnaire d’Etat avait vu son détachement dans l’emploi de directeur académique des services déconcentré de l’éducation nationale du département des Deux-Sèvres, prendre fin dans l’intérêt du service à la suite de la remise d’un rapport d’enquête administrative mettant en lumière des dysfonctionnements au sein de ladite direction. Le fonctionnaire éconduit se prévalait notamment de la méconnaissance des dispositions de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, en vertu desquelles, un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier.

Sur ce moyen, la Haute juridiction rappelle tout d’abord que « lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné ».

A ce considérant désormais classique (issu d’une décision CE, 5 février 2020, n° 433130, et repris ensuite : CE, 19 mai 2022, n° 448273), le Conseil d’Etat apporte par la décision commentée une précision utile en ajoutant que « dans ce cas, l’administration doit informer l’agent public, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur, de telle sorte qu’il puisse se défendre utilement ».

Or au cas d’espèce, si le fonctionnaire d’Etat avait effectivement reçu communication du rapport d’enquête administrative préalablement à la décision attaquée, le rapport « lui a été transmis dans une version dans laquelle, d’une part, plusieurs parties avaient été intégralement occultées, y compris s’agissant de leur intitulé, et remplacées par les mentions ʺpartie non communicable (art[icle] L. 311-6 CRPA)ʺ, d’autre part, les parties non totalement occultées comportaient certaines mentions dissimulées selon le même procédé ».

Par ailleurs, alors que l’agent avait bien, sollicité la communication des procès-verbaux d’auditions en sus du rapport d’enquête (conformément à la règle fixée par le Conseil d’Etat depuis une décision du 21 octobre 2022, n° 456254), la Haute juridiction constate que l’agent n’a été destinataire que d’une partie des comptes-rendus d’audition annexés au rapport.

Ainsi, non seulement l’agent ne s’était pas vu remettre, malgré une demande en ce sens, l’intégralité des procès-verbaux des agents ayant été auditionnés, mais encore certaines parties du rapport communiqué à l’agent avaient été occultées.

Le Conseil d’Etat en déduit que « dans ces conditions, et alors qu’il n’est pas allégué que cette communication parcellaire avait pour objet de protéger les personnes qui avaient témoigné sur la situation en cause », l’agent « n’a pas reçu communication de l’ensemble des pièces qu’il était en droit d’obtenir en vertu de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, afin de préparer utilement sa défense » de sorte que la procédure préalable à l’édiction de la décision litigieuse a été regardée comme irrégulière.

Si dans le cadre de cette décision, le Conseil d’Etat confirme donc la possibilité d’anonymiser un rapport d’enquête administrative et plus encore d’occulter partiellement ledit rapport et les procès-verbaux d’auditions, ce n’est que sous réserve que l’agent mis en cause soit informé de leur teneur de façon suffisamment circonstanciée, pour lui permettre d’assurer utilement sa défense, et que cette communication parcellaire soit intervenue dans le but de protéger les personnes ayant témoigné.

Les aléas d’application au cas par cas de cette jurisprudence n’échapperont pas au lecteur, de même que les risques qui en découlent, de sorte qu’il doit être veillé à faire usage de l’anonymisation avec la plus grande parcimonie.

Encadrement du blocage de l’accès à son compte Twitter par une personne publique (CAA Paris, 27 mars 2023, n° 21PA00815).

Par un arrêt rendu en date du 27 mars 2023, la Cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur la décision par laquelle le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, (OFII) a bloqué l’accès d’un abonné à son compte Twitter. Elle a jugé qu’une telle décision méconnaissait en l’espèce, les libertés d’expression et d’accès à l’information de la personne bloquée et le principe d’égalité devant le service public.

Plus précisément, la Cour a posé la solution de principe suivante :

« […] lorsqu’une personne morale de droit public agissant dans le cadre de sa mission de service public décide, sans y être tenue, de participer au débat public dans les conditions résultant du fonctionnement d’un réseau social, non seulement en y publiant des informations mais aussi en réagissant aux commentaires des autres utilisateurs, elle ne peut, sans méconnaître la liberté d’expression et d’accès à l’information et le principe d’égalité devant le service public, interdire ou limiter l’accès de tiers à ses propres publications et leur possibilité de les commenter ou de les réutiliser que par l’adoption de mesures nécessaires, adaptées et proportionnées aux objectifs de protection de l’ordre public ou de la réputation d’autrui, en ce compris la protection des agents publics contre les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages, ainsi qu’aux obligations découlant de sa qualité de responsable des contenus publiés telles qu’elles résultent notamment des règles de droit pénal en vigueur ».

Au cas d’espèce, la Cour a relevé que l’établissement public menait « une active politique de communication sur le réseau social ». En effet, il ne se bornait pas uniquement à publier sur son compte Twitter des informations sur son activité (lesquelles étaient d’ailleurs relayées avec une plus grande fréquence sur le réseau social que sur le site internet de l’établissement), mais répondait également aux questions et commentaires des utilisateurs du réseau social.

Dans ces conditions, il a été considéré que le compte Twitter de l’établissement public révélait « une volonté de participation au débat public [excédant] la simple délivrance d’informations aux usagers du service public dans le cadre de la neutralité attendue d’un tel service », si bien que l’OFII s’est mis dans l’obligation de respecter, dans la gestion de son compte Twitter, les règles et principes qui protègent la liberté d’expression et la liberté de communication par voie électronique. En somme, il ne peut interdire ou limiter l’accès de tiers à ses propres publications et leur possibilité de les commenter ou de les réutiliser que lorsque de telles mesures sont nécessaires, adaptées et proportionnées aux objectifs de protection de l’ordre public ou de la réputation d’autrui.

Dans le présent cas d’espèce, l’OFII avait considéré qu’un commentaire d’un abonné critiquant l’efficacité du service rendu par l’établissement portait atteinte aux agents de l’établissement et justifiait ainsi le blocage du compte personnel Twitter de l’intéressé.

Or la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que, dans la mesure où cette simple critique était dénuée de caractère diffamatoire ou injurieux et n’excédait aucunement les limites du droit à la libre critique de l’action de la puissance publique dans une société démocratique, la décision de l’OFII bloquant l’accès d’un abonné à son compte twitter présentait un caractère disproportionné et, partant, était entachée d’illégalité.

Droit de dérogation des Directeurs généraux des ARS

A l’instar du droit de dérogation dont bénéficient depuis plusieurs années les préfets de région et de département, le décret n° 2023-260 du 7 avril 2023 vient créer un droit de nature similaire au bénéfice des directeurs généraux des Agences Régionales de Santé (ARS), par création des articles R. 1435-40 à R. 1435-43 du Code de la santé publique.

Ce droit de dérogation pourra être exercé dans la plupart des matières qui relèvent de la compétence des ARS. Ainsi, outre le champ de l’épidémiologie et celui du financement des actions de prévention et d’éducation à la santé, ce droit de dérogation concernera :

  • les autorisations en matière de création et d’activités des établissements de santé ;
  • la répartition territoriale de l’offre de prévention, de promotion de la santé, de soins et médico-sociale ;
  • l’accès à la prévention, à la promotion de la santé, aux soins de santé et aux services psychosociaux des personnes en situation de précarité ou d’exclusion ;
  • la mise en œuvre d’un service unique d’aide à l’installation des professionnels de santé.

L’exercice de ce droit de dérogation devra répondre aux quatre conditions cumulatives suivantes :

  • être justifié par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
  • avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
  • être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • ne pas porter atteinte à la qualité et à la sécurité des prises en charge, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Le Directeur général de l’ARS rendra compte de l’usage qu’il aura fait de son droit de dérogation, tous les trimestres, à la Conférence régionale de santé et de l’autonomie ainsi qu’à son Conseil d’administration.

Les ARS vont ainsi pouvoir prendre en compte la diversité des réalités territoriales dont chacun sait qu’elles peuvent être très différentes d’un département ou d’une région à l’autre.

Départ d’une commune d’un syndicat : calcul de sa participation au budget

La Cour administrative d’appel de Toulouse s’est interrogée sur la combinaison des L. 5212-19, selon lequel « les recettes du budget du syndicat comprennent : 1° La contribution des communes associées […] » et L. 5212-20 aux termes duquel « la contribution des communes associées mentionnée au 1° de l’article L. 5212-19 est obligatoire pour ces communes pendant la durée du syndicat et dans la limite des nécessités du service telle que les décisions du syndicat l’ont déterminée […] » lors du retrait d’un membre d’un syndicat de communes intercommunal à vocation multiple.

En l’espèce, conformément à la participation prévisionnelle qui lui avait été réclamée, une commune avait versé la somme de 54 302 euros au titre de sa contribution au budget 2016 d’un syndicat dont elle était alors membre. Sa contribution réelle avait été établie pour cette même année à 43 990 euros, laissant apparaître un trop-versé de 10 312 euros. Cette somme a ensuite été déduite de la contribution prévisionnelle de la commune au budget 2017 du syndicat qui a été ramenée de 45 440 euros à 35 128 euros.

La commune qui quittait le syndicat le 31 décembre 2017, s’est vue réclamer, par ce dernier, la somme de 8 227 euros au titre de la régularisation de sa contribution au budget 2017 du syndicat. Le syndicat considérait que cette somme correspondait à la différence entre la contribution réelle calculée par le syndicat pour l’année 2016 et le montant effectivement acquitté par la commune en 2017.

C’est cette décision qui a été contestée par la commune devant le juge administratif, qui dans un arrêt du 16 mars 2023 a jugé que le syndicat ne pouvait pas exiger le versement de cette somme à la commune requérante. En effet, afin de fixer le montant de la régularisation due au titre de l’année 2017, le syndicat, en raison du retrait de la commune, ne pouvait procéder à aucune répercussion sur la participation de l’année suivante. A ce titre, le juge considère qu’il devait nécessairement déduire de la participation réelle de la commune, établie à 43 355 euros pour 2017, la somme de 35 128 euros déjà acquittée, ainsi que le trop-versé de 10 312 euros lequel n’avait été pris en compte que pour calculer le montant de la participation prévisionnelle à verser.

Au regard de ces éléments, la Cour administrative d’appel de Toulouse a également considéré que la commune était fondée à demander la condamnation du syndicat à lui verser la somme de 2 085 euros, correspondant à la différence entre le trop-versé de 10 312 euros et la somme de 8 227 euros qui restait due au titre de la participation de l’année 2017.

Prise en compte des charges exceptionnelles de fonctionnement dans le calcul du taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

Par une décision en date du 14 avril 2023, le Conseil d’Etat confirme l’inflexion de sa jurisprudence en matière de TEOM.

Pour rappel, le Conseil d’Etat juge de manière constante que la TEOM n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la collectivité pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales. Il en résulte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés au montant des dépenses exposées par la collectivité pour l’exécution du service et non couvertes par des recettes non fiscales, tel qu’estimé à la date de la délibération fixant ce taux.

Dans le cadre d’une précédente décision, le Conseil d’Etat avait admis la prise en compte, pour l’appréciation de la légalité du taux de TEOM, d’une fraction des dépenses des services transversaux (dépenses de l’administration générale de la collectivité exposée réellement pour l’exécution du service (frais de personnels, part des moyens techniques et administratifs généraux affectés au service public, coût ventilé des bâtiments et charges générales…) calculée au moyen d’une comptabilité analytique, pour autant qu’elle permette d’identifier avec suffisamment de précision les dépenses directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets (CE, 22 octobre 2021, Canol, n° 434900).

Dans le présent litige, le Conseil d’Etat admet que les charges exceptionnelles de fonctionnement, lorsqu’elles n’ont pas le caractère de dépenses d’ordre, puissent également être prises en compte.

Il considère également que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé à tort que « la prise en compte des coûts transversaux du service de collecte et de traitement des déchets, issus de la comptabilité analytique, permettait de réduire les aléas de gestion ». Il considère, en effet, que ces coûts demeurent des dépenses prévisionnelles qu’il n’y a pas de raison d’exclure du calcul du taux de la TEOM.

Il en déduit finalement, après avoir relevé que le produit attendu de la TEOM « excédait seulement de 13,84 % en 2019 et de 11,35 % en 2020 le montant des dépenses que cette taxe a vocation à couvrir », que les taux fixés par les délibérations contestées ne pouvaient pas être regardés comme « manifestement disproportionnés ».

L’avertissement pénal probatoire

L’article 14 de la loi n° 2021-1729 en date du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a modifié l’article 41-1 du Code de procédure pénale consacré aux alternatives aux poursuites pénales. Cet article ainsi a instauré l’avertissement pénal probatoire, supprimant par la même occasion le traditionnel rappel à la loi.

Le nouveau texte, entré en vigueur au 1er janvier 2023, donne ainsi au procureur la faculté de :

« 1° Adresser à l’auteur de l’infraction qui a reconnu sa culpabilité un avertissement pénal probatoire lui rappelant les obligations résultant de la loi ou du règlement ainsi que les peines encourues et lui indiquant que cette décision est revue en cas de commission d’une nouvelle infraction dans un délai de deux ans ; ce délai est fixé à un an en matière contraventionnelle. Cet avertissement ne peut être adressé que par le procureur de la République ou son délégué ; il ne peut intervenir à l’égard d’une personne qui a déjà été condamnée ou à la suite d’un délit de violences contre les personnes ou d’un délit commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou investie d’un mandat électif public. Lorsque l’infraction a causé un préjudice à une personne physique ou morale, l’avertissement ne peut intervenir que si le préjudice a déjà été réparé ou s’il est également fait application de la mesure prévue au 4°».

En pratique, l’avertissement pénal probatoire prévoit un rappel des obligations résultant de la loi et du règlement ainsi que les peines encourues, à l’instar de l’ancien rappel à la loi. Toutefois son application est soumise à plusieurs conditions :

  • Concernant le mis en cause: il doit avoir reconnu les faits qui lui sont reprochés et ne doit jamais avoir fait l’objet d’une condamnation. De plus, cette alternative est applicable aux mineurs, l’article L. 422-1 du Code de la justice pénale des mineurs renvoyant à l’article 41-1 du Code pénal dans le cadre des alternatives aux poursuites ;
  • Concernant la nature des faits : le nouvel article prévoit un certain nombre d’infractions en dehors du champ d’application de l’avertissement pénal probatoire. Sont ainsi exclues : les violences contre les personnes et les délits commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou investie d’un mandat électif public;
  • Concernant la victime : si la victime des faits est clairement identifiée et a subi un préjudice, cette alternative aux poursuites ne peut intervenir qu’après réparation totale dudit préjudice causé par l’auteur.

L’avertissement pénal probatoire est adressé par le procureur de la République, ou son délégué, au mis en cause qui peut être assisté d’un avocat.

Lors du rappel des obligations résultant de la loi et du règlement ainsi que des peines encourues, le mis en cause est également informé que cette alternative peut être revue en cas de commission d’une infraction dans un délai de deux ans pour les délits, et un an pour les contraventions.

Ainsi, contrairement au rappel à la loi, cette alternative ouvre une période probatoire pour l’auteur d’une infraction, qui ne fait cependant pas obstacle au classement sans suites de la procédure objet de l’avertissement.

Annulation d’un marché de fourniture d’un produit ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché

Pour rappel, un tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Il s’agit d’un recours dit « Tarn-et-Garonne », en référence à la décision du Conseil d’Etat ayant défini ses modalités (CE, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994).

En présence d’un vice entachant la validité du contrat, le juge doit, en fonction de la nature dudit vice, décider :

  • soit que la poursuite de l’exécution du contrat est possible ;
  • soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ;
  • soit, dans le cas où le vice n’est pas régularisable, prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général :
    • soit la résiliation du contrat ;
    • soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci.

Quelle décision le juge saisi d’un recours « Tarn-et-Garonne » doit-il prendre en présence d’un vice tenant au fait que le produit dont la fourniture faisait l’objet du marché ne bénéficiait pas d’une autorisation de mise sur le marché ?

C’est à cette question que le Conseil d’Etat apporte une réponse par sa décision Commune de Hyères du 5 avril 2023, publiée au Recueil Lebon.

Cette décision intervient dans le cadre d’un recours dirigé contre un marché de fourniture d’un produit larvicide destiné à la lutte contre les moustiques, attribué par la Commune de Hyères à la Société CERA, qui proposait le produit « Aquabac XT ». Le recours a été introduit par un candidat évincé, la Société Sumitomo Chemical Agro Europe, qui demandait l’annulation ou, à tout le moins, la résiliation du marché. Si sa demande a été rejetée en première instance, elle a en revanche été satisfaite par la Cour administrative d’appel de Marseille, qui a prononcé l’annulation du contrat par un arrêt du 25 octobre 2021.

Saisi par la Commune et l’attributaire d’un pourvoi contre cet arrêt, le Conseil d’Etat commence par confirmer que le produit « Aquabac XT » ne disposait pas d’une autorisation de mise sur le marché prévue par le règlement (UE) 528/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, et qu’il ne pouvait bénéficier d’un des régimes transitoires prévus par ce règlement pour les demandes d’autorisation déposées avant le 1er septembre 2013, dès lors qu’il ressortait de l’instruction que la demande d’autorisation n’avait, en l’occurrence, été déposée par la Société CERA que le 6 septembre 2013. La Commune et la Société CERA ne pouvaient davantage se prévaloir de ce que la substance active constituant le produit était inscrite par l’Agence européenne des produits chimiques sur une liste prévue par le règlement du 22 mai 2012 et que la Société CERA avait fourni à l’appui de son offre une justification de dépôt de demande d’autorisation de mise sur le marché de ce produit effectuée le 6 septembre 2013 et une attestation sur l’honneur d’enregistrement et d’autorisation du produit « Aquabac XT », dès lors que de telles circonstances ne pouvaient valoir autorisation de mise sur le marché.

Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle sa décision Cerba par laquelle il avait donné une définition restrictive de la notion de contenu illicite du contrat susceptible d’entrainer l’annulation du contrat, de sorte à réserver cette solution radicale aux irrégularités les plus graves (CE, 9 novembre 2018, req. n° 420654-420663) :

« […] le contenu d’un contrat ne présente un caractère illicite que si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement ».

Puis, après avoir constaté qu’en l’espèce, la fourniture du produit « Aquabac XT » constituait l’objet même du contrat litigieux, il conclut que le défaut d’autorisation de mise sur le marché entachait d’illicéité le contenu de ce contrat, ce qui était de nature à justifier l’annulation de celui-ci. Il juge donc que la Cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit en statuant en ce sens et, en conséquence, rejette le pourvoi.

Pour autant, il ressort des conclusions du Rapporteur public, Nicolas Labrune, que l’annulation totale du contrat n’était pas inévitable et qu’il aurait pu y avoir une régularisation partielle du contrat pour la période postérieure à l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché, qui est finalement intervenue le 19 août 2019. Encore aurait-il fallu que les parties soulevassent ce moyen, ce qu’elles n’ont pas fait, ce qui pouvait s’expliquer au demeurant par le fait qu’une telle mesure de régularisation n’aurait, en tout état de cause, pu porter que sur les derniers mois du marché, sans pouvoir éviter l’annulation pour les deux ans et demi qui avaient précédé.

Mécanisme de la cristallisation des moyens : application au contentieux initié par un concurrent sur le volet commercial du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale

Par une décision n° 460754 en date du 4 avril 2023, le Conseil d’Etat est venu étendre l’application de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme aux recours intentés par des commerçants concurrents contre une autorisation d’exploitation commerciale.

Selon l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme :

« Par dérogation à l’article R. 611-7-1 du Code de justice administrative, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d’une requête relative à une décision d’occupation ou d’utilisation du sol régie par le présent code, ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du Code de justice administrative.

Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation est contesté dans les conditions prévues à l’article L. 600-5-2, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à son encontre passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant.
Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie.

Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ».

Il s’évince de cet article que, dans le cadre d’un contentieux à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme, les parties ne peuvent en principe plus invoquer de moyens nouveaux au-delà du délai de deux mois à compter de la production du premier mémoire en défense, lequel peut être produit tant par le pétitionnaire que par l’autorité ayant délivré l’autorisation d’urbanisme attaquée.

Ainsi, il peut être stratégique pour les défendeurs de produire rapidement un premier mémoire en défense afin que le pétitionnaire ne dispose pas d’un temps long pour pouvoir rechercher et soulever des moyens nouveaux.

Aussi, ce mécanisme de la cristallisation des moyens par le juge administratif, propre à l’urbanisme, a pour finalité de réduire les délais contentieux en matière d’urbanisme, afin de tenter de cadencer l’instruction en cours.

Cela étant posé, par sa décision du 4 avril 2023 ici commentée, le Conseil d’Etat est venu préciser que le mécanisme de la cristallisation des moyens s’appliquait au contentieux initié à l’encontre des autorisations d’urbanisme valant autorisation commerciale sur son volet commercial. Il était bien évidemment admis que cet article s’appliquait au volet urbanistique d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commercial.

Pour mémoire, en substance, lorsqu’un projet nécessite à la fois un permis de construire et une autorisation d’exploitation commerciale, le porteur du projet devra solliciter auprès de l’administration une autorisation unique : le permis de construire valant autorisation commerciale.

S’il sera tout de même nécessaire d’élaborer deux dossiers de demande distincts, l’administration délivrera en revanche une autorisation unique (article L.425-4 du Code de l’urbanisme).

Ces deux autorisations, bien que comprises dans un acte unique, devront faire l’objet de recours distincts devant le juge administratif.

Autre subtilité : les cours administratives d’appel sont compétentes en premier et dernier ressort pour connaitre des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale (article L. 600-10 du Code de l’urbanisme).

Concrètement, un tel recours contentieux à l’encontre du volet commercial de cette autorisation unique est intenté par des concurrents situés à proximité de la future localisation du commerçant ayant obtenu l’autorisation d’exploiter. A distinguer donc de la qualité de voisin – éventuellement immédiat – du projet qui doit être démontrée pour contester une autorisation unique sur son volet urbanisme devant le juge administratif.

Dans cette affaire donc, la Cour administrative d’appel de Marseille avait appliqué le mécanisme de la cristallisation des moyens de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme dans le cadre d’un contentieux initié par un commerçant concurrent – et donc propre au volet commercial de l’autorisation administrative -, et rejeté la requête de ce concurrent. Ce dernier s’est pourvu en cassation afin de solliciter l’annulation de l’arrêt de la Cour. Le requérant reprochait aux premiers juges d’avoir mis en œuvre la cristallisation des moyens en application de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme.

Or, le Conseil d’Etat a ici confirmé l’arrêt de la Cour en jugeant qu’« il résulte de ces dispositions que la cristallisation des moyens prévue par les dispositions de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme s’applique au recours formé contre un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale par une personne mentionnée à l’article L. 752-17 du Code de commerce ».

Focus sur la procédure d’abattage des arbres d’alignement à l’occasion de la parution du décret n° 2023-384 du 19 mai 2023

Le patrimoine arboré que constituent les arbres d’alignement le long des voies de circulation joue un rôle majeur en matière de régulation climatique, de réduction du carbone, de prévention des risques d’inondation, etc.

En vue d’instaurer une protection de ce patrimoine, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a consacré à l’article L. 350-3 du Code de l’environnement, un principe de protection des allées et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication.

Est à cet égard interdit l’abattage d’un ou de plusieurs arbres composant ces allées ou alignements, sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures. Cet article autorise également l’autorité compétente à y déroger dans le cadre de projets d’aménagements. Il instaure la nécessité d’une compensation en nature et financière en cas de coupe, même autorisée.

La publication très récente du décret n° 2023-384 en date du 19 mai 2023 relatif au régime de protection des allées d’arbres et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique, est l’occasion de faire un point sur les procédures préalables à l’abattage des arbres longeant les voies publiques, et sur les précisions supplémentaires apportées par le décret du 19 mai dernier.

A cet égard, il faut constater que la question de l’abattage des arbres d’alignement est souvent sous-estimée par les porteurs de projet qui n’ont pas toujours en tête l’obligation d’obtenir une telle autorisation et de soumettre une telle déclaration. Le décret est l’occasion de faire un point sur cette procédure qui a connu de notables modifications ces deux dernières années.

1/ La question de la personne compétente pour autoriser l’abattage des arbres d’alignement

Au regard de la rédaction de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement, qui visait jusqu’à récemment « l’autorité administrative compétente » se posait la question de la personne compétente pour délivrer une telle autorisation d’abattage d’arbres.

Interrogé sur la mise en œuvre de ces dispositions, le Conseil d’État a opté dans un avis de 2021 (CE, avis, 21 juin 2021, n° 446662) pour l’intégration, au sein de la formalité d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou déclaration préalable) de la dérogation requise : le permis de construire qui autorise un projet de construction impliquant l’atteinte ou l’abattage d’un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d’une voie de communication vaut octroi de la dérogation prévue par le Code de l’environnement :

« Lorsqu’un permis de construire ou d’aménager ou une décision de non-opposition à déclaration préalable porte sur un projet de construction impliquant l’atteinte ou l’abattage d’un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d’une voie de communication, il résulte des dispositions combinées des articles L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27 du Code de l’urbanisme et de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement que l’autorisation d’urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut octroi de la dérogation prévue par le troisième alinéa de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement. Il appartient à l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme ou statuer sur la déclaration préalable de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la nécessité de l’abattage ou de l’atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction ainsi que de l’existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d’ouvrage ».

Partant, il ressort de cet avis que, lorsque le projet de construire qui implique l’abattage d’arbres, nécessite une autorisation d’urbanisme, celle-ci vaut autorisation d’abattage d’arbre, et est donc accordé par l’autorité qui délivre le permis ou la déclaration, à savoir le plus souvent le maire.

Mais en l’absence de précision, se posait la question de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’abattage en l’absence d’autorisation d’urbanisme.

A défaut de décret d’application de cet article L. 350-3, la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la Nature a précisé que l’autorité administrative compétente pour accorder la dérogation était le gestionnaire de la voie de communication concernée (DGALN, Fiche technique « la protection des allées et alignements d’arbres », nov. 2017[1]).

Ainsi, après l’avis du Conseil d’Etat du 21 juin 2021, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’abattage pouvait être :

  • Soit l’autorité qui délivre les autorisations d’urbanisme, le plus souvent le maire, lorsqu’une telle autorisation était nécessaire et délivrée ;
  • Soit l’autorité gestionnaire de la voie longée par les arbres à abattre lorsque les travaux entrepris ne nécessitent pas d’autorisation d’urbanisme.

Or, cet ordre établi n’est pas resté en place plus d’un an.

En effet, la loi du 22 février 2022 n° 2022-217 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, est venue réécrire les dispositions de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement, emportant notamment des implications quant à la personne compétente pour délivrer l’autorisation d’abattage d’arbre.

En effet, s’agissant de la personne compétente pour délivrer l’autorisation, il convient de relever que, dans sa version antérieure à la loi 3DS, l’article L. 350-3 du Code de l’environnement prévoyait que :

« Des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction ».

C’est sur la base de ces dispositions que le Conseil d’Etat avait réparti entre l’autorité instructrice de l’autorisation d’urbanisme, et le gestionnaire de la voie, la compétence pour délivrer ces autorisations.

Or, le nouvel article L. 350-3 n’est plus rédigé comme cela. Désormais il prévoit que :

« Par ailleurs, le représentant de l’Etat dans le département peut autoriser lesdites opérations lorsque cela est nécessaire pour les besoins de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements. Le représentant de l’Etat dans le département informe sans délai le maire de la commune où se situe l’alignement d’arbres concerné du dépôt d’une demande d’autorisation. Il l’informe également sans délai de ses conclusions ».

Ainsi, une autorité est désormais clairement désignée : le préfet de département. La loi 3DS n’a donc pas souhaité reprendre la répartition dessinée par le Conseil d’Etat et a clairement tranché en faveur du préfet de département, qui est compétent pour délivrer toutes les autorisations d’abattage d’arbre sollicitées à compte du 1er avril 2022, qu’elles prennent ou non part à une opération nécessitant l’obtention d’une autorisation d’urbanisme.

Désormais, les règles sont les suivantes :

  • Si l’abattage d’arbre est rendu nécessaire par un motif sanitaire ou de sécurité, la personne qui souhaite procéder à des abattages doit déposer une déclaration auprès du préfet de département ;
  • Si l’abattage d’arbre est rendu nécessaire pour une opération de construction, d’aménagement, alors le préfet de département devra cette fois-ci délivrer une autorisation.

La volonté de clarifier et harmoniser l’autorité compétente ressort des travaux parlementaires de la loi 3DS :

« La version actuelle de l’article cet 350-3 souffre d’un certain nombre d’imprécisions qui ont pu générer des contentieux. L’article 62 vise à clarifier la question de la personne en charge de délivrer les autorisations et définit une procédure bien plus précise. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. […]

L’ambiguïté porte sur qui prend la décision. La notion d’autorité compétente n’est pas connue : ce peut être le préfet, le conseil départemental ou la commune, comme nous le savons par expérience ».

Ce faisant, le rapport sur cet article précise que :

« L’article 62 modifie l’article L. 3503 du Code de l’environnement qui définit le régime des alignements d’arbres. Il tend d’une part à préciser que la protection des alignements d’arbres est assurée sur toutes les voies ouvertes à la circulation publique, à l’exclusion des voies privées, et d’autre part désigne le préfet de département comme autorité responsable pour délivrer une autorisation ou être le récepteur d’une déclaration préalable permettant de porter atteinte à un alignement d’arbres. Un régime spécifique est prévu en cas de danger imminent. […]

L’article 62 indique qu’il revient non plus à ʺ l’autorité administrative compétente ʺ mais au préfet de département d’accorder une autorisation de porter atteinte à un alignement d’arbres, tant pour des motifs tenant à l’état sanitaire d’un ou plusieurs arbres ou aux dangers que ces derniers peuvent causer aux biens ou personnes, que pour les besoins d’opérations de travaux et d’aménagements ou lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée ».

2/ La possibilité d’inclure l’autorisation de porter atteinte aux allées et alignements d’arbres à l’autorisation environnementale

Lorsque le projet qui implique l’abattage des arbres, implique également la délivrance d’une autorisation environnementale, alors la première sera sollicitée dans le cadre de la seconde.

En effet, la loi 3DS a modifié l’article L. 181-2 du Code de l’environnement pour inscrire parmi les autorisations qui doivent être intégrées dans l’autorisation environnementale, l’autorisation d’abattre les arbres d’alignement.

Il faut noter que lorsque l’opération de travaux requiert bien une autorisation environnementale, le fait d’inclure l’autorisation d’abattage d’arbres d’alignement n’est pas une option mais bien une obligation.

3/ Les précisions apportées par le décret du 19 mai 2023

  • Le décret précise les pièces à joindre au dossier d’autorisation, ou de déclaration. Il précise en outre les modalités de dépôt et d’instruction de ces demandes et déclarations.

S’agissant de la déclaration par exemple, le décret précise que le préfet de département dispose d’un mois pour s’opposer à ces abattages. Et le pétitionnaire ne peut donc pas commencer les opérations d’abattage avant l’écoulement d’un délai d’un mois à compter du dépôt de la déclaration complète et en l’absence d’opposition.

Pour les autorisations, ce délai est porté à deux mois à compter de la réception d’une demande complète. Si le préfet ne répond pas, le pétitionnaire dispose alors d’une autorisation tacite après l’écoulement de ce délai de deux mois.

  • Le décret apporte également quelques précisions de pièces lorsque l’autorisation est intégrée à la procédure d’autorisation environnementale prévue par les articles L. 181-1 et suivants du Code de l’environnement.
  • Mais surtout, le décret précise les sanctions de l’abattage d’arbres d’alignement sans la déclaration ou bien l’autorisation requise (R. 350-31-I Code de l’environnement).

Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait d’abattre, de porter atteinte à un arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée d’arbres ou d’un alignement d’arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique sans déclaration ou sans autorisation. Les mêmes sanctions sont encourues en cas d’absence de mise en œuvre des mesures de compensation.

4/ La question de l’articulation entre l’autorisation au titre du Code de l’environnement et l’éventuelle autorisation au titre du Code de l’urbanisme préalable à l’abattage d’arbre d’alignement

Dans certaines situations, une autorisation et/ou déclaration peuvent être requises en application du Code de l’environnement, mais également au titre du Code de l’urbanisme.

En effet, il est constant que les plans locaux d’urbanisme prévoient de plus en plus régulièrement une protection particulière des arbres d’alignement. Souvent au titre de l’article L. 151-23 du Code de l’urbanisme.

Or, l’article R. 421-23 du Code de l’urbanisme prévoit que :

« Doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : […]

1.h) Les travaux ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu a identifié, en application de l’article 151-19 ou de l’article L. 151-23, comme présentant un intérêt d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique  ».

Ainsi, dans cette hypothèse, l’abattage des arbres doit être précédé également d’une déclaration préalable déposée auprès du maire, et non plus du préfet.

Le constat de la nécessité d’obtenir une autorisation ou une déclaration préalable d’abattage d’arbre auprès du préfet, mais également de celui de l’obtention d’une déclaration préalable auprès du maire conduisent nécessairement à s’interroger sur l’articulation entre ces différentes procédures : dans quel ordre les solliciter ? Si la DP Code de l’urbanisme est obtenue, pourra-t-il tout de même être mis en œuvre dans l’attente de l’autorisation du préfet de département ?

Il existe une difficulté pour répondre à cette question. On pouvait espérer que le décret du 19 mai dernier précise cette articulation, mais ce n’est pas le cas.

En l’état du droit, et même si cela peut paraître redondant, l’abattage de ces arbres est soumis à deux procédures préalables distinctes, une au titre du Code de l’urbanisme, et l’autre au titre du Code de l’environnement, qui devront toutes deux être obtenues avant de procéder effectivement au retrait de ces arbres d’alignement.

Emmanuelle Baron

 

[1] http://www.arbres-caue77.org/medias/files/201711-fic-fichetechniquedgaln-alignementsarbres-artl350-3ce.pdf

Une évolution du barème des prestations annexes des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité en perspective

La Commission de régulation de l’énergie (ci-après, la CRE) envisage de faire évoluer les prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité (ci-après, les GRD) dans leur méthode de calcul en application de l’article L 341-3 du Code de l’énergie, et ce, en vue d’une entrée en vigueur de ces nouvelles prestations annexes à partir du 1er août 2023, à l’exception des prestations à destination des responsables d’équilibre prévues à compter du 1er juillet 2023.

Ainsi que le rappelle la CRE, ces prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD – c’est-à-dire au titre de leur monopole légal – sont, soit rémunérées via le Tarif d’Utilisation des Réseaux (le TURPE), soit facturées en sus au demandeur et font l’objet de la tarification prévue pour ces prestations sous contrôle de la CRE. Et ces prestations se distinguent de celles que le GRD peut délivrer aux usagers dans le champ concurrentiel, hors tarif régulé, dans le respect toutefois du droit de la concurrence.

Dans la perspective de l’adoption d’une nouvelle délibération portant évolution des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD, la CRE soumet son projet de délibération à la consultation publique objet de la présente brève et attend des réponses des personnes intéressées au plus tard le 19 mai 2023.

Ainsi qu’elle le précise dans sa note technique, les principales évolutions envisagées par la CRE se distinguent selon les usagers de ces prestations annexes.

1. Ces évolutions ont pour point commun, pour l’essentiel, d’entendre tirer les conséquences du déploiement du compteur Linky, à la faveur d’une baisse des prix des prestations concernées.

  • Pour les consommateurs BT ≤ 36 kVA, les modifications prévues s’entendent de :
    • la baisse des tarifs des prestations relatives à la mise en service sur raccordement existant et nouveau ainsi qu’au relevé spécial, afin de répercuter directement des gains liés à la téléopération sur les compteurs Linky;
    • la suppression, au périmètre d’Enedis, des prestations devenues obsolètes depuis l’achèvement de la phase de déploiement massif Linky.
  • Pour les producteurs BT ≤ 36 kVA, les modifications concernent la baisse des tarifs de certaines prestations qui leur sont fournies afin de tenir compte des gains liés à la téléopération pour les prestations suivantes :
    • la résiliation sans suppression de raccordement ;
    • lorsqu’elles concernent des producteurs injectant la totalité de leur production sur le réseau :
      • la mise en service d’une installation de production sur raccordement existant ;
      • les interventions pour impayés ou autres manquements contractuels (suspension et rétablissement).

La tarification de ces prestations annexes a vocation à se distinguer selon que le demandeur est ou non équipé d’un compteur Linky, avec des amplitudes tarifaires qui ne manqueront sans doute pas d’interroger.

2. On signalera également les réflexions conduites, dans cette consultation publique, sur la prestation de décompte, prestation annexe pouvant être réalisée à titre exclusif par la GRD et qui constitue une solution (parmi d’autres qui ne relèvent pas du monopole du GRD) qui « permet de traiter certaines configurations d’alimentation en électricité pour lesquelles l’utilisateur ne peut être raccordé directement au réseau public de distribution».

Ce raccordement indirect en décompte peut notamment concerner les infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE).

C’est sur ce sujet précisément que la CRE interroge les acteurs du marché sur les évolutions qu’il y aurait lieu le cas échéant d’apporter à la prestation annuelle de décompte afin notamment de s’adapter au déploiement des IRVE.

3. D’autres modifications sont encore envisagées s’agissant de prestations délivrées plus spécifiquement aux responsables d’équilibre, dont l’introduction d’une prestation relative à l’accès à la plateforme Services aux Responsables d’Equilibre.

4. Enfin, au terme de la consultation, la CRE évoque, mais sans solliciter d’avis spécifique des acteurs intéressés par la consultation, une demande de nouvelle prestation annexe à délivrer à titre exclusif par les GRD à titre expérimental. Cette nouvelle prestation a été formulée par Enedis, qui l’aurait (à lire la CRE) d’ores et déjà déployée sans cadre juridique.

Il s’agit d’une « nouvelle offre à destination des collectivités locales et des professionnels consistant à installer et à exploiter une borne fixe et escamotable, raccordée au réseau public de distribution et permettant aux acteurs de l’événementiel de bénéficier d’un raccordement en lieu et place d’un branchement provisoire. Enedis considère que cette offre constitue une alternative au recours aux branchements provisoires ou aux groupes électrogènes pour alimenter des grands événements éphémères. Le client souhaitant se raccorder à cette borne choisirait ensuite son fournisseur qui demanderait à Enedis une mise en service sur le point de livraison de la borne ».

Selon le projet d’Enedis, l’infrastructure de borne escamotable serait définitive (permanente) et – on comprend – constituerait en conséquence un ouvrage de raccordement dont la facturation en tant que prestation annexe méritera toute l’attention.

La CRE ajoute qu’à la date de la consultation publique ici commentée, « Enedis n’a pas été en capacité de fournir une description précise des coûts associés à cette prestation, ni une analyse juridique démontrant que cette prestation constitue effectivement une prestation annexe réalisée à titre exclusif », de sorte que la CRE indique « poursuivr[e] l’instruction de ce dossier à l’issue de la consultation publique ».

Une consultation publique sur ce sujet, une fois celui-ci affiné, devrait donc suivre.

Approbation du nouveau barème de raccordement d’Enedis

Par une délibération en date du 20 avril 2023, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a approuvé le nouveau barème de raccordement des utilisateurs aux réseaux publics de distribution d’électricité d’Enedis à la suite de la demande présentée par le Gestionnaire de Réseau public de Distribution (GRD) d’électricité en mars 2023.

On rappellera en effet que si une part du coût des raccordements est couverte par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE), la partie non couverte peut faire l’objet d’une contribution au profit du maître d’ouvrage des travaux (le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité ou l’autorité organisatrice de la distribution d’électricité selon les hypothèses) due par le redevable prévu par les articles L. 342-6 à L. 342-12 du Code de l’énergie.

Et, aux termes de l’article L. 342-8 du Code de l’énergie, les principes généraux de calcul de la contribution due au GRD sont arrêtés par l’autorité administrative sur proposition de la CRE et les méthodes de calcul des coûts de la contribution sont soumises à l’approbation de la CRE.

Parmi les évolutions entérinées par le nouveau barème (« V7 ») approuvé par la CRE, on peut mentionner les éléments suivants :

  • l’actualisation des niveaux des formules de coûts simplifiées (FCS) et la mise en place d’une indexation annuelle des prix des FCS en suivant l’indice INSEE IPC hors tabac ;
  • un recours, pour une durée limitée, à la facturation au devis sur la base du canevas technique pour les extensions en (HTA) d’une longueur supérieure à 400 mètres dans les communes de plus de 100 000 habitants ;
  • la mise en place d’une indexation annuelle des prix des FCS en suivant l’indice INSEE IPC hors tabac ;
  • l’ajout d’une FCS pour une nouvelle prestation d’étude d’impact d’un projet sur le réseau (IPR) en amont de la demande de raccordement ;
  • l’ajout d’une FCS pour l’ajout d’une dérivation individuelle sur une colonne horizontale existante, auparavant facturée au devis ;
  • une hausse moyenne de 92 % pour les branchements provisoires, cette hausse qualifiée d’ « exceptionnelle » par la CRE étant en très grande partie liée à une correction d’erreur dans les FCS actuellement en vigueur.

Au terme de son analyse, la CRE relève que « le projet de barème soumis par Enedis va dans le sens d’une meilleure lisibilité pour les utilisateurs de réseaux, en particulier via l’ajout de nouvelles formules de coûts simplifiées » et « encourage donc Enedis à poursuivre ce travail sur les opérations de raccordement qui pourraient faire l’objet d’une forfaitisation des coûts », ce qui «  permet d’améliorer la transparence des coûts de raccordements pour les utilisateurs et de simplifier le processus de raccordement ».

De manière générale, la CRE approuve donc le projet de barème proposé qui, selon elle, « reflète correctement les coûts supportés par le gestionnaire de réseau et améliore la transparence des prix de raccordement pour les utilisateurs ».

La CRE relève néanmoins que dans le cadre de la concertation menée par Enedis en vue de l’établissement de ce nouveau projet de barème, aucun représentant des consommateurs n’a été sollicité. La CRE demande donc à Enedis « de mettre en œuvre des modalités de concertation qui incluent les consommateurs d’électricité ou leurs représentants pour l’élaboration des prochains barèmes de raccordements ».

La CRE demande également à Enedis de lui soumettre, au plus tard d’ici 6 mois à compter de la publication de la délibération, un rapport détaillant les nouvelles fonctionnalités de son outil informatique en cours de développement et son impact sur le suivi technique et financier des raccordements et l’élaboration des formules de coûts simplifiées.

La CRE formule enfin les demandes suivantes à destination d’ Enedis en vue de l’approbation du prochain barème :

  • étudier la pertinence de réintroduire des formules de coûts simplifiées pour les opérations d’extension en haute tension d’une longueur supérieure à 400 mètres, dans les communes de plus de 100 000 habitants ;
  • réaliser un retour d’expérience, au plus tard d’ici un an après l’entrée en vigueur du barème de raccordement, de la prestation IPR (prestation d’étude d’impact d’un projet sur le réseau) nouvellement introduite, afin de confirmer la cohérence des forfaits du barème aux coûts réellement constatés et de les adapter le cas échéant ;
  • mettre à jour ses méthodes de calcul des coefficients d’environnement et de stockage des matériels, permettant de passer des coûts directs aux coûts complets ;
  • ajouter un chapitre sur la facturation des raccordements de colonnes horizontales dans le cadre du dispositif de préfinancement par le TURPE prévu à l’article L. 353-12 du Code de l’énergie ;
  • ajouter un forfait pour les demandes anticipées de raccordement de consommateurs et producteurs d’une puissance inférieure ou égale à 36 kVA conformément à la décision de la CRE encadrant la procédure de raccordement.

Sobriété énergétique : un décret permet aux employeurs de supprimer temporairement l’eau chaude sur certains lieux de travail

Le 24 avril 2023, la Première ministre a publié un décret modifiant temporairement les dispositions du Code du travail relatives à l’utilisation d’eau chaude sanitaire des lavabos qui permet aux employeurs publics et privés, aux travailleurs, fonctionnaires, agents publics, et certains militaires de supprimer, jusqu’au 30 juin 2024, l’eau chaude sanitaire dans les bâtiments à usage professionnel.

Cette mesure, qui poursuit l’atteinte des objectifs de sobriété énergétique, sera toutefois applicable sous réserve du résultat de l’évaluation des risques mené par l’employeur sur la santé et la sécurité des travailleurs, dans les conditions précisées par l’article L. 4121-3 du Code du travail, et après l’avis du comité social et économique s’il en existe un.

Par ailleurs, cette dérogation temporaire ne s’applique pas aux lavabos à eau potable et douches utilisés par les travailleurs hébergés ni à l’eau distribuée dans les locaux d’allaitement, de restauration au sein desquels l’eau est à température réglable.

La Commission de Régulation de l’Energie publie son rapport sur l’avenir des infrastructures gazières dans le mix énergétique français

Le 4 avril dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a publié son rapport sur l’avenir des infrastructures gazières suite à la sollicitation de la Direction Générale de l’Energie et du Climat (ci-après, DGEC). Celui-ci s’inscrit dans le cadre des travaux préparatoire de la prochaine Programmation Pluriannuelle de l’Energie (ci-après, PPE).

Dans le contexte du développement nécessaire, selon la CRE, d’un nouveau parc de production électrique et gazier pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050, la Commission a analysé trois scénarios de production et de consommation de gaz aux horizons 2030 et 2050. Il s’agit de deux scénarios présentés par l’Agence de la transition écologique (ci-après, ADEME) et d’un présenté par des gestionnaires du réseau de gaz.

De son analyse, portant principalement sur le méthane, la CRE tire neufs enseignements sur la place du gaz dans le mix énergétique et sur le développement des infrastructures de gaz à retenir dans la future PPE.

On y retrouve :

  • La nécessité de prévoir des investissements compris entre 6 et 9,7 milliards d’euros d’ici 2050 afin d’adapter les réseaux pour accueillir la production de gaz décarboné ;
  • Le constat que le réseau de transport de gaz actuel reste en très grande partie nécessaire même si la consommation de gaz venait à baisser considérablement ;
  • La place centrale que continuera à jouer la France dans le système gazier européen compte tenu des pays avec lesquels elle est interconnectée et de leurs plans énergie climat ;
  • Un changement à venir du profil d’utilisation des stockages au regard d’une plus faible flexibilité de production de gaz vert. La CRE considère que l’intégralité du parc actuel de stockage ne sera pas nécessaire mais qu’il faudra conserver un « volume utile suffisant» en cas d’aléas pluriannuels ;
  • La nécessité de convertir les salins à l’hydrogène en priorité pour répondre aux besoins de stockage de l’hydrogène sans devoir réaliser des investissements non efficaces pour les collectivités. La CRE déconseille toutefois toute conversion avant 2030 ;
  • L’abandon, dans une proportion et dans certaines zones, de certains actifs du réseau de distribution de gaz. Il s’agit notamment de zones connaissant un développement de réseaux de chaleur ou de zones avec un très faible potentiel de production ;
  • La nécessité de mener dès à présent un exercice de coordination locale, notamment dans les zones avec des projets de développement de réseaux de chaleur et de sortir, à long terme, de l’usage de gaz à la maille locale en fonction de la baisse effective des consommations et dans une logique d’optimisation du réseau ;
  • L’importance de prendre en compte des différents réseaux énergétiques dans l’analyse menée sur le réseau gazier ;
  • Le maintien nécessaire des grands terminaux méthaniers pour garantir une sécurité d’approvisionnement et une solidarité européenne à moyen et long terme.

La Commission indique poursuivre ses travaux pour analyser les conséquences économiques, pour les opérateurs et les consommateurs, des scénarios envisagés et faire évoluer le cadre de régulation tarifaire des infrastructures de gaz en ce sens.

Bilan du second guichet de déclaration des charges du service public au titre des dispositifs du « bouclier tarifaire » et de « l’amortisseur électricité »

Faisant suite à ses délibérations n° 2023-61 et 2023-69 des 16 et 23 février 2023 relatives à l’évaluation des acomptes versés aux fournisseurs d’électricité pour la compensation des pertes de recettes déclarées dans le cadre du premier guichet et portant décision sur l’organisation du guichet de déclaration de charges de service public par les fournisseurs d’électricité au titre des dispositifs de boucliers et d’amortisseurs de mars 2023, commenté lors d’une précédente lettre d’actualité juridique, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, la CRE) a publié le 13 avril dernier une nouvelle délibération relative cette fois-ci à l’évaluation des acomptes versés aux fournisseurs d’électricité dans le cadre du second guichet simplifié pour la compensation des pertes de recettes des fournisseurs.

Pour rappel, la loi n° 2022-1726 en date du 30 décembre 2023 de finances pour 2023 (ci-après, « Loi de finances pour 2023 ») prévoit, parmi les dispositifs de protection des consommateurs finals pour faire face à la hausse des prix de l’électricité, celui du bouclier tarifaire applicable aux consommateurs non domestiques et celui de l’amortisseur électricité destiné à plusieurs catégories de consommateurs professionnels éligibles.

La mise en œuvre de ces mesures a entraîné des pertes de recettes pour les fournisseurs d’électricité qui constituent des charges de service public de l’énergie pouvant bénéficier d’une compensation. L’article 181 X de loi de finances pour 2023 a ainsi prévu deux guichets de déclaration par les fournisseurs d’électricité auprès de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, « CRE ») de leurs pertes de recettes prévisionnelles.

Cette délibération intervient après le second guichet d’évaluation des pertes de recettes supportées par les fournisseurs d’électricité qui a été ouvert jusqu’au 15 mars 2023. Elle a pour objet de réévaluer le montant des acomptes qui leur ont déjà été versés au regard de leurs nouvelles déclarations réactualisées.

La Commission évalue ainsi le montant des charges supportées par les fournisseurs à 3 755 420 d’euros contre 4 163 220 d’euros pour le premier même guichet pour un montant global d’évaluation des acomptes sur compensation. Le montant des acomptes à verser est donc diminué, passant de 27 196 00 millions d’euros à 27 604 00 millions d’euros.

Selon la CRE, cette réduction « s’explique notamment par des hypothèses de moindre collecte des attestations d’éligibilité des clients professionnels au bouclier tarifaire et aux amortisseurs par certains fournisseurs ».