Projets immobiliers publics privés
le 08/06/2023
Anna MARIEAnna MARIE

La pollution du sol par la présence d’hydrocarbures rendant l’immeuble impropre à sa destination et ignorée par l’acquéreur constitue un vice caché : application d’une jurisprudence constante

CA Colmar, 2e ch, 12 Avril 2023, n° 21/02693

En application de l’article 1641 du Code civil :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Ainsi, lorsque la chose vendue est affectée d’un défaut rédhibitoire, l’acquéreur peut agir contre son vendeur, sur le fondement de la garantie des vices cachés dans un délai de deux ans à compter de la date de connaissance du vice, et obtenir notamment, l’allocation de dommages et intérêts. S’agissant plus particulièrement de la pollution du sol affectant l’immeuble et ignorée par l’acquéreur lors de la vente, la Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter des précisions sur l’application de la garantie des vices cachés. En effet, la Cour de cassation a considéré que la présence d’hydrocarbures ayant pour effet de rendre un terrain inconstructible constitue un vice caché. (Cass. Civ., 3ème, 30 septembre 2021, n° 20-15.354, 20-16.156). Dès lors, les juges du fond œuvrent afin d’appliquer cette jurisprudence. Tel est notamment le cas de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar le 12 avril 2023, s’agissant d’une pollution par présence d’hydrocarbure au sein de l’immeuble vendu.

En l’espèce, une société a vendu à une autre un terrain de construction de 2,46 hares, avec le bénéfice d’un permis de construire, en vue de la construction de logement collectifs. Aux termes de l’acte authentique de vente et s’agissant de la clause relative à la protection de l’environnement, le vendeur déclarait, qu’à sa connaissance, le bien n’était frappé d’aucune pollution susceptible de résulter notamment de l’exploitation passée d’une installation soumise à autorisation.

Pour autant et lors de la réalisation des travaux de construction, l’acquéreur a découvert la présence d’une pollution aux hydrocarbures, provenant vraisemblablement d’un ancien garage et station-service bâtie sur le fond voisin, et s’est vu contraint d’évacuer les terres polluées afin de ne pas retarder le chantier. C’est dans ces conditions que l’acquéreur a assigné son vendeur devant le tribunal afin d’obtenir réparation de son préjudice. Le tribunal ayant débouté l’acquéreur de sa demande, il a interjeté appel devant la Cour d’appel de Colmar.

L’acquéreur maintien sa demande tendant à l’indemnisation de son préjudice résultant des vices affectant le terrain et fonde son action, à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés et à titre subsidiaire, sur le fondement de la délivrance conforme et à titre infiniment subsidiaire sur la responsabilité contractuelle.

Aux termes de son arrêt, la Cour d’appel de Colmar infirme le jugement rendu et condamne le vendeur à l’allocation de dommages et intérêts, sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les juges du fond retiennent que le bien vendu comportait des hydrocarbures et que cette pollution rend le terrain acquis impropre à l’usage auquel il est destiné, au sens de la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code civil. Au surplus, le vendeur qui avait envisagé de réaliser un projet de promotion immobilière doit être considéré comme un professionnel de l’immobilier ne pouvant échapper à sa responsabilité.

Ainsi et dans la droite ligne de la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation, la présence d’hydrocarbure constituant une pollution du bien vendu et ignorée par l’acquéreur lors de la vente, de nature à rendre l’immeuble impropre à sa destination constitue un vice caché, ouvrant droit à l’indemnisation du préjudice subi par l’acquéreur.