Projets immobiliers publics privés
le 15/06/2023

Quel délai de prescription applicable en cas d’appropriation de parties communes à jouissance privative sans autorisation

Cass. Civ., 3ème, 20 avril 2023, n° 21-16.733

En droit de la copropriété, l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixe le délai de prescription applicable en matière d’action personnelle et dispose que : « les dispositions de l’article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat ».

Sur ce point, il sera précisé que dans sa version antérieure à la Loi ELAN du 25 novembre 2018, il était prévu que les actions personnelles se prescrivaient par un délai de dix ans. Le délai de prescription applicable en matière personnelle doit être distingué du délai de prescription en matière réelle. L’article 2227 du Code civil dispose, à cet égard, que : « le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Ainsi, lorsqu’un copropriétaire réalise des travaux qui affectent les parties communes, sans autorisation de l’assemblée générale, il s’expose à une action aux fins de remise en état et éventuellement à une demande de dommages et intérêts, pouvant être introduite soit par le syndicat des copropriétaires, soit par un copropriétaire pris individuellement.

Sur ce point, une difficulté peut résulter notamment de la détermination du point de départ et du délai de prescription applicable en matière de travaux sans autorisation sur des parties communes. L’arrêt rendu par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation le 20 avril 2023 tend à apporter des éclairages sur cette problématique.Deux propriétaires d’une villa dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, ont obtenu en assemblée général des copropriétaires, l’autorisation de créer une chambre supplémentaire. Toutefois, et sans aucune autorisation, ils ont édifié une terrasse dans le prolongement d’une coursive sur une partie commune, dont ils avaient la jouissance privative.

Près de onze ans plus tard, ils ont été assignés par d’autres copropriétaires, aux fins notamment d’indemnisation de leur préjudice et démolition de la terrasse édifiée sans autorisation. Les juges du fond rejettent les demandes des copropriétaires considérant que leurs prétentions se heurtent à la prescription décennale. Un pourvoi en cassation est donc formé par les copropriétaires demandeurs.

S’agissant du point de départ de l’action des copropriétaires, la Cour de cassation rejette le pourvoi approuvant ainsi la position de la Cour d’appel et considérant que l’action court à compter de la connaissance du fait litigieux. En l’espèce, les copropriétaires avaient pu mesurer l’incidence des travaux et étaient en mesure d’engager toute action qui serait utile pour la préservation de leurs droits et d’éventuelles réparations indemnitaires.

Toutefois, s’agissant du délai de prescription applicable, la Cour de cassation censure l’analyse de la Cour d’appel, au visa de l’article 2227 du Code civil et de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à la Loi ELAN. Selon la Cour de cassation :

« 17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, nonobstant le droit de jouissance privative dont M. et Mme [Z] bénéficiaient, la terrasse litigieuse ne constituait pas une appropriation de parties communes dont la cessation ouvre droit à une action réelle qui se prescrit par trente ans, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

 

A la lecture de cet arrêt, il convient de distinguer les simples travaux sans autorisation affectant les parties communes, des véritables appropriations de parties communes, faites par un copropriétaire. L’annexion et l’appropriation d’une partie commune par un copropriétaire ouvre une action réelle au syndicat des copropriétaires ou aux autres copropriétaires, soumise à la prescription trentenaire.En effet, cette action réelle immobilière tend à protéger le droit de propriété du syndicat des copropriétaires.

 

Cet arrêt rendu par la Cour de cassation présente un intérêt particulier, dans la mesure où il s’agissait de parties communes à jouissance exclusive. Les copropriétaires disposaient ainsi d’un droit réel leur permettant de jouir de cette partie commune. Toutefois, la jouissance privative d’une partie commune n’est pas de nature à permettre au copropriétaire de l’approprier, l’immeuble demeurant une partie commune.