Santé, action sanitaire et sociale
le 15/06/2023

Intérim médical à l’hôpital : le Conseil d’Etat tranche le débat

CE, 11 mai 2023, n° 472988

La question de l’intérim médical à l’hôpital public est devenue récurrente depuis quelques années, traduction littérale du manque de professionnels médicaux dans la plupart des services de la plupart des établissements publics de santé.

De nombreuses agences spécialisées se sont ainsi créées et proposent, par la voie de l’intérim, des médecins dans toutes les spécialités médicales, recrutés pour boucler les plannings de présence médicale, principalement les fins de semaine et les jours fériés.

Sous la pression de la demande, les tarifs pratiqués par ces agences ou les professionnels recrutés directement ont connu une croissance exponentielle, jusqu’à constituer une charge démesurée pour les budgets des hôpitaux.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé était venue encadrer la rémunération des pratiques intérimaires. Cependant, faute de dispositions contraignantes effectives, les excès et abus ont continué de prospérer. Certains établissements ont ainsi vu leurs dépenses de personnel croître de plus de 20 % par an, sous le seul effet de l’intérim médical.Le législateur est donc venu fixer à la pratique intérimaire un cadre plus drastique au moyen de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.

Pour corriger les dérives de l’intérim médical, la loi Rist a introduit dans le Code de la santé publique des dispositions visant à encadrer le montant des rémunérations des personnels intérimaires. Elle a également confié aux comptables publics le soin d’exercer un contrôle sur ces montants, avec la possibilité d’interdire la mise en paiement des factures dont le montant viendrait à excéder le plafond fixé par décret.

Reportée à cause de la situation sanitaire liée au Covid-19, l’application de cette loi est désormais effective depuis le 3 avril 2023, pour tous les contrats signés à compter de cette même date. De plus, et afin de ne pas mettre à mal cette ressource en personnels pour les hôpitaux, le plafond de rémunération a été revalorisé, pour être porté à la somme de 1.390,00 € bruts pour 24 heures de travail.

C’est dans ces conditions que, par requête enregistrée les 12 avril et 1er mai 2023, le Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH) a saisi le Conseil d’Etat d’une demande de suspension de l’instruction ministérielle n° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 en date du 17 mars 2023, prise en exécution des contrôles créés par la loi Rist.

Le demandeur soulevait, notamment, que l’instruction ministérielle attaquée méconnaissait les dispositions de l’article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’administrations, en ce qu’elle prévoit la possibilité d’annuler le contrat d’exercice des médecins remplaçants et l’écrêtement de leur rémunération, sans procédure contradictoire préalable.

Le Conseil d’Etat, dans sa décision en date du 11 mai 2023 ici commentée, rappelle que lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu’il exerce sur la rémunération du praticien ou sur celle facturée par l’entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières et informe le directeur de l’établissement public de santé, qui procède à la régularisation dans les conditions fixées par la réglementation. En cas de refus du cocontractant de l’établissement de mettre son contrat en conformité avec les plafonds, le comptable public est tenu de saisir le directeur général de l’Agence régionale de santé, qui défère le contrat litigieux devant la juridiction administrative.

Ainsi, contrairement aux arguments soutenus par le SNMRH, le juge des référés écarte le doute sérieux sur la légalité de l’instruction ministérielle, considérant qu’elle ne méconnait pas le principe du respect des contrats en prévoyant une annulation unilatérale, puisque c’est bien à l’initiative du bénéficiaire du contrat ou à celle du juge que les stipulations contractuelles peuvent être modifiées.

Le Conseil d’Etat sera, sans aucun doute, amené à statuer au fond mais il est probable que sa position demeurera la même, la liberté contractuelle n’empêchant pas les contrôles.