Droit du travail et de la sécurité sociale
le 15/06/2023

L’employeur peut obtenir le remboursement d’une prime d’accueil ou d’arrivée (i.e. welcome bonus)

Cass. Civ., 11 mai 2023, n° 21-25.136

Afin d’attirer les talents, certains employeurs prévoient le versement d’une prime d’accueil ou d’arrivée (i.e. welcome bonus) à l’occasion de la prise de fonctions d’un collaborateur nouvellement embauché.

Pour diverses raisons, il arrive, néanmoins, que le salarié, après avoir perçu sa prime, souhaite, parfois, quitter l’entreprise sans que l’employeur n’ait pu suffisamment bénéficier de ses compétences.

En pareille situation, l’employeur se trouve doublement lésé : d’une part en devant engager un nouveau recrutement et travailler à l’intégration d’un nouveau salarié, d’autre part, en n’ayant pas pu bénéficier du retour sur investissement découlant de la prime versée. Aussi, la rédaction de la clause prévoyant un welcome bonus doit être particulièrement soignée et prévoir des conditions équilibrées, afin que chacune des parties s’y retrouvent.

Dans ce contexte, l’employeur peut légitimement s’interroger sur la possibilité et les conditions d’obtention du remboursement du welcome bonus en cas de départ prématuré de sa récente recrue.

C’est précisément ce point que la chambre sociale de la Cour de cassation est venue éclairer par un arrêt du 11 mai 2023 (pourvoi n° 21-25.136). [1]

 

Faits de l’espèce

Dans cette affaire, un salarié, qui avait été engagée en qualité d’opérateur sur les marchés financiers, a donné sa démission 14 mois plus tard.

Son contrat de travail comportait la clause suivante :

« le salarié percevra à titre de prime initiale, la somme brute de 150 000 € dont le paiement interviendra dans les 30 jours de l’entrée en fonction du salarié conformément aux termes du contrat de travail. Dans le cas où le salarié démissionne ou si le salarié est licencié pour faute grave ou lourde à la fin de la troisième année à compter de la date de commencement, le salarié pourra conserver 1/36e de la prime d’arrivée pour chaque mois complet de travail après la date de commencement. Le solde de la prime initiale sera remboursable à la société à la date de la rupture ou au jour où la notification du licenciement est faite, à la plus proche des deux dates ».

À la suite de ce départ, l’employeur a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de remboursement partiel de la somme perçue au titre de cette prime d’arrivée, mais a été débouté par la cour d’appel.

La cour d’appel estimait que si une telle prime pouvait être subordonnée à une condition d’appartenance du salarié à l’entreprise au moment de sa distribution, elle ne pouvait pas être liée à sa présence à une date postérieure à son versement.

La cour expliquait que cela portait atteinte à la liberté du travail et en concluait que le salarié pouvant conserver la prime dans son intégralité.[2]

L’employeur s’est alors pourvu en cassation.

La Cour de cassation a donné raison à l’employeur, en cassant l’arrêt de la cour d’appel sans renvoi, au visa des articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil (ancien désormais 1104 du code civil).

Elle a énoncé, à cet égard :

« Il résulte de ces textes qu’une clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue ».

 

Portée de la solution

Par l’arrêt ci-commenté, la Cour de cassation considère que l’employeur peut formaliser une clause de welcome bonus prévoyant le remboursement de cette prime au prorata du temps de présence dans l’entreprise, en cas de démission du salarié avant l’échéance qu’elle fixe.

Cependant, les faits de l’espèce qui lui ont été soumis n’ont pas permis à la Haute juridiction de se prononcer sur la validité d’une telle clause dans les autres cas de rupture du contrat de travail et notamment le licenciement (qu’il soit disciplinaire, pour inaptitude ou pour motif économique, etc.) et la rupture conventionnelle.

A notre sens, et sous réserve d’une éventuelle décision ultérieure sur ce point, il ne semble pas possible d’obtenir le remboursement de cette prime par l’application d’une telle clause en cas de licenciement pour inaptitude du salarié ou pour motif économique. Ce remboursement ne pourrait pas non plus être obtenu si le licenciement est injustifié.

Néanmoins, le débat reste ouvert et la question du remboursement se pose avec d’autant plus de ferveur en cas de licenciement faute grave ou faute lourde.

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[1] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2023, 21-25.136, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[2] CA Paris, 9 juin 2021 RG n° 19/02239