Conséquences de la notification du décompte général

Le Conseil d’Etat rappelle une nouvelle fois les conséquences de la notification, par le maître de l’ouvrage, du décompte général au titulaire. Cette notification entraine la fin des relations contractuelles entre ces deux parties et empêche le maître d’ouvrage de rechercher, postérieurement à cette signature, la responsabilité contractuelle du titulaire.

La Haute juridiction rappelle en effet « qu’il appartient au maître de l’ouvrage, lorsqu’il lui apparaît que la responsabilité de l’un des participants à l’opération de construction est susceptible d’être engagée à raison de fautes commises dans l’exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l’établissement du décompte jusqu’à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d’assortir le décompte de réserves ; qu’à défaut, si le maître d’ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir l’indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l’établissement du décompte ; qu’il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat ». 

Il est donc possible pour le maître d’ouvrage d’émettre des réserves ou de retarder la notification du décompte à la condition sans toutefois que cette suspension n’ait en réalité pour objet de retarder le paiement du solde du marché. En outre, et comme le rappelle le Conseil d’Etat seule la responsabilité contractuelle n’est plus mobilisable après la notification du décompte. En revanche, demeurent les garanties légales des constructeurs à savoir les garanties biennales et décennales issues des articles 1792 et suivant du Code civil (CE 19 novembre 2018 Conseil d’État n° 408203). Il appartient donc au maître de l’ouvrage d’analyser avant la signature du décompte quelles en sont les conséquences notamment lorsque les travaux ne sont pas pleinement satisfaisants.

La pratique du prix cible ne constitue pas un manquement aux obligations de transparence et d’égalité de traitement des candidats

Dans un jugement du 26 octobre 2018, le Tribunal administratif de Nice confirme que la pratique du « prix cible » ne constitue pas un manquement aux obligations de transparence et d’égalité de traitement des candidats.

La pratique du prix cible consiste pour les acheteurs publics à définir préalablement un prix cible de la fourniture ou du service compte tenu du cahier des charges et à partir d’une étude du marché afin d’utiliser ce prix cible comme étalon des offres financières des candidats.

En l’espèce, le groupement hospitalier de territoire des Alpes-Maritimes (ci-après, le « Groupement hospitalier ») avait engagé un appel d’offres pour la passation d’un marché de prestations de transports non médicalisés de patients par ambulance, véhicule sanitaire léger et/ou taxi, alloti en quatorze lots géographiques pour chacun desquels la société Ambulances AMS avait déposé une offre.

Afin d’évaluer les propositions financières des candidats, le Groupement hospitalier s’était référé à un « tarif conventionné à partir duquel les soumissionnaires étaient invités à proposer une remise pour la durée du marché ». La société Ambulances AMS ayant vu son offre rejetée a introduit un référé précontractuel, sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative, devant le juge des référés du Tribunal administratif de Nice.

La société Ambulances AMS soutenait que cette pratique du prix cible constituait une atteinte au principe de libre concurrence. Sans examiner si cette allégation était fondée, le juge des référés écarte le moyen au motif que la société requérante « ne démontre pas que cette atteinte constitue un manquement aux obligations de transparence et d’égalité de traitement des candidats, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir que celle-ci aurait été susceptible de l’avoir lésée ».

Il ressort de ce jugement que la pratique du prix cible ne constitue pas un manquement aux obligations de transparence et d’égalité de traitement des candidats et que, du strict point de vue du droit de la commande publique, cette pratique apparaît licite.

Accélération de la mise en œuvre de la convergence tarifaire des forfaits soins pour la tarification des EHPAD

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a réduit de sept ans à cinq ans le rythme de convergence tarifaire des forfaits soins des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Ainsi c’est d’ici 2021 et non plus 2023 que tous les établissements bénéficieront de la totalité du forfait global de soins cible par financements supplémentaires ou seront ramenés au niveau de celui-ci.

Rappelons que la loi n° 2015-1776 d’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 a modifié les modalités de fixation des tarifs soins et dépendance des EHPAD à partir d’une équation tarifaire. L’article 58 de cette loi prévoyait une convergence linéaire des EHPAD vers le forfait global de soins issu de cette équation tarifaire sur une période transitoire de sept ans s’étalant de 2017 à 2023. La convergence permet de réduire l’écart, par paliers, entre les produits de la tarification reconductibles N-1, c’est-à-dire en 2016, et le résultat de l’équation tarifaire qui est la cible à atteindre. Au terme de cette période, tous les établissements devraient bénéficier de la totalité du forfait, sous réserve des éventuelles modulations liées à l’activité.

Le rythme de convergence prévu initialement vers le forfait cible devait être une réduction d’1/7ème en 2017, d’1/6ème en 2018, d’1/5ème en 2019, d’un quart en 2020, d’un tiers en 2021, de moitié en 2022 et une résorption totale en 2023.

Mais ce rythme a été accéléré de deux ans par l’article 64 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, ce qui risque d’être contraignant pour les EHPAD qui ne se voient pas attribuer de financements supplémentaires mais qui, au contraire, voient leur forfait soins ramenés à celui du forfait cible. Ces derniers devront ainsi en 2019 résorber la différence d’1/3, d’1/2 en 2020 et le reste en 2021. Précisions que cette accélération de la résorption de l’écart concerne uniquement le forfait soins et non le forfait dépendance, pour lequel les règles de résorption de l’écart ne changent pas.

Précisions sur le régime de caducité des autorisations sociales et médico-sociales

La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) est venue clarifier les règles de caducité des autorisations délivrées aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

Elle a en effet publié une instruction le 14 novembre 2018 qui vient faire le point sur les règles en matière de caducité des autorisations sociales et médico-sociales puisqu’elle retrace les évolutions normatives et les simplifications administratives induites par la réforme des règles en la matière (notamment v. les décrets n° 2017-1620 du 28 novembre 2017 et n° 2018-552 du 29 juin 2018 relatifs à la caducité de l’autorisation des établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 313-1 du Code de l’action sociale et des familles). 

L’instruction évoque par exemple le nouveau critère d’ « ouverture au public » pour définir la caducité, introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 précisant qu’il doit  « permettre aux autorités compétentes de remettre en jeu les places autorisées qui n’ont pas été mises en service ou de redéployer ces places vers les territoires déficitaires pour répondre aux besoins prioritaires identifiés dans les schémas de planification ». Jusqu’ici l’autorisation de fonctionnement des ESSMS était caduque dès lors qu’elle n’avait pas reçu un « commencement d’exécution » à l’issue d’un délai de trois ans. Cette notion était considérée comme trop floue et dissuadait ainsi les autorités compétentes de prononcer des déclarations de caducité. Le critère de « l’ouverture au public » de tout ou partie de l’activité de l’établissement ou du service est, d’après l’instruction de la DGCS, un critère plus facile à objectiver.

Outre ces précisions sur la réforme des règles en matière de caducité des autorisations sociales et médico-sociales, le texte permet également d’apporter plusieurs précisions relatives aux modalités pratiques de la mise en œuvre de cette réforme notamment concernant le délai de caducité et les différents cas de sa prorogation, le constat de caducité partielle ou la réduction de capacité.

Concernant le nouveau délai de caducité, il est fixé à quatre ans pour les opérations dites   « lourdes ». Il peut cependant être inférieur lorsque « le projet ne nécessite pas la construction d’un immeuble bâti ou des travaux sur des constructions existantes soumis à permis de construire ». De même, l’acte d’autorisation peut fixer lui-même un délai d’installation pour le projet d’un établissement ou d’un service dans deux hypothèses : « lorsque, dans le cadre d’une procédure d’appel à projet (AAP) le candidat s’est engagé, dans sa réponse, à respecter un délai de mise en œuvre ou, le cas échéant, à se conformer au délai fixé par le cahier des charges de l’AAP ; ou, pour les projets ne relevant pas d’un AAP, lorsque les opérateurs s’engagent dans leur dossier à mettre en œuvre le projet dans un délai fixé conjointement avec la ou les autorités compétentes ».

Le délai de caducité peut être prorogé pour une durée maximale de trois ans dans le cas où l’organisme gestionnaire serait confronté à des aléas indépendants de sa volonté ou pour une durée maximale d’un an si l’ouverture effective de l’ESSMS peut être achevée dans ce délai.

L’instruction détaille également la notion de caducité partielle, automatique en cas de sites d’implantation distincts ou de capacités distinctes pour plusieurs types de prestations ou de modes d’accueil et d’accompagnement. Il existe aussi une forme particulière de caducité partielle qui est celle de la réduction de la capacité initialement accordée et qui permet d’ajuster la capacité de l’établissement à condition que cet ajustement soit jugé pertinent par l’autorité par l’autorité compétente.

La DGCS a mis à disposition des fiches thématiques afin d’aider les agences régionales de santé et les services déconcentrés de l’Etat dans la mise en œuvre de la procédure d’appel à projet et d’autorisation des ESSMS.

Vers une évolution du régime de la protection juridique des majeurs vulnérables

Le régime juridique de la protection juridique des majeurs en vigueur actuellement découle de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Si cette législation a été en son temps bienvenue et innovante, les voix s’élèvent aujourd’hui pour une modernisation du système en place.

Madame Nicole BELLOUBET, Garde des sceaux, s’est vue remettre le 25 septembre 2018 un rapport, fruit d’une importante réflexion, portant sur « L’évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables » par Madame Anne Caron DEGLISE, avocate générale à la Cour de cassation.

Ce rapport intervient dans un contexte où l’ensemble des acteurs dans ce domaine dénonce des pratiques peu respectueuses de la personne protégée. A ce titre on peut citer le rapport du Défenseur des droits « Protection juridique des majeurs vulnérables », ou encore celui de la Cour des comptes, « La protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante ».

L’objectif principal du rapport déposé par Madame DEGLISE vise, en outre, à répondre aux exigences de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH, 12-12-2006) qui préconise en son article 12 de préserver la capacité juridique des personnes vulnérables. Pour ce faire il est nécessaire d’aboutir à une meilleure prise en compte de la volonté du majeur protégé dans le cadre de l’exercice de la mesure, tant sur le plan personnel que patrimonial.

Le rapport remis au Garde des sceaux traduit, par lui-même, l’importance accorder au besoin de modernisation et d’adaptation du régime juridique de protection des personnes vulnérables.

En effet, ce rapport de plus de 500 pages expose pas moins de 104 propositions.

Le rapport est construit en cinq axes en la matière :

– La création d’une politique publique de soutien et de suivi des personnes les plus vulnérables qui s’appuit sur les droits fondamentaux. Il est notamment prévu le passage symbolique de la dénomination de « juge de tutelle » à « juge des libertés civiles et de la protection ». Une politique publique qui sera renforcée par la création d’un délégué interministériel chargé de la structuration d’une politique publique de la protection juridique des majeurs et d’un Conseil national de la protection juridique des majeurs

– La modernisation et l’adaptation de l’entrée en mesure de protection. Ce rapport préconise de revoir les critères d’entrée de la personne vulnérable dans la mesure de protection par l’amélioration de l’évaluation de sa perte d’autonomie. Concrètement il est revendiqué la mise en place d’une évaluation préalable plus individualisé et le renforcement du contenu du rapport médical circonstancié

– Le développement des dispositifs alternatifs de protection prenant en compte les choix de la personne elle-même et la déjudiciarisation (autant que faire se peut) de la protection de la personne vulnérable.

Cette ambition, qui s’inscrit dans la continuité de l’adoption de plus en plus fréquentes de nouvelles règles visant à déjudiciariser nombre de situations, vise à permettre d’anticiper toute mesure de protection par la mise en place d’outils de nature à préserver l’autonomie de la personne vulnérable en protégeant en amont son patrimoine tels que le mandat de protection future, la fiducie gestion ou encore la désignation anticipée du tuteur ou curateur.

– L’amélioration de la réponse judiciaire dont le caractère subsidiaire est par ailleurs réaffirmé en passant par une meilleure individualisation des mesures. Le rapport prévoit notamment l’instauration d’une requête unique et la création de passerelles entre les procédures de mise sous protection judiciaire, d’habilitation familiale et d’accompagnement judiciaire. En outre, et là se trouve la proposition phare du rapport, il est préconisé d’abroger la traditionnelle triptyque des mesures de protection judiciaire (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice) au profit de la mise en place d’une mesure unique de protection, dite « mesure de sauvegarde des droits ».

– La sécurisation des contrôles et le renforcement de la professionnalisation des mandataires professionnels. Cela passe notamment par une consolidation des outils de contrôle en revenant notamment sur le contenu et le délai de l’inventaire qui serait porté à six mois pour les biens autres que les meubles meublants, une meilleure coordination des contrôles d’ordre judiciaire et d’ordre administratif et la nécessité d’élaborer un véritable statut du métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs

La loi de finances n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 pour l’année 2019 modifie le régime du mécénat au profit des petites entreprises

Avant la l’adoption de la loi de finance 2019, les entreprises pouvaient bénéficier d’une réduction d’impôt sur les bénéfices égale à 60 % des dons, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires de l’entreprise, versés aux œuvres ou organismes d’intérêt général (CGI art. 238 bis).

Or, ce plafond de 5 pour mille s’applique de manière uniforme à toutes les entreprises, sans tenir compte de la taille de ces entreprises.

Le régime s’appliquait uniformément aux grandes comme aux petites entreprises .

Aussi, les petites entreprises atteignaient plus rapidement ce plafond que les autres.

Afin de lever cet obstacle au développement du mécénat, la loi de finances pour 2019 instaure un plafond alternatif de 10.000 €.

Désormais, l’article 148 de la loi n° 2018-1317 crée un plafond alternatif de 10.000 € qui s’applique pour les versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2019.

Les entreprises ont désormais le choix entre appliquer le plafond de 10.000 € ou celui de 5 pour mille du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé.

Tous les dons sont concernés, qu’il s’agisse de dons en numéraire ou en nature en faveur, notamment, d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

Également, l’article 149 de de la loi instaure, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, une obligation de déclaration des versements ouvrant droit à la réduction d’impôt.

Désormais, les entreprises qui effectueront, lors d’un exercice, plus de 10.000 € de dons et versements ouvrant droit à la réduction d’impôt devront déclarer à l’administration   fiscale :

  • Le montant et la date de ces dons et versements ;
  • L’identité des bénéficiaires ;
  • Le cas échéant, la valeur des biens et services reçus, directement ou indirectement, en contrepartie.

Le régime fiscal actuellement applicable aux indemnités des élus locaux

Jusqu’à fin 2016, le régime fiscal de droit commun des élus locaux au titre de l’indemnité de fonction leur étant versée, était la retenue à la source, dispositif particulier où l’indemnité était imposée isolément des autres revenus (article 204-0 bis du Code général des impôts).

Ce système permettait d’exonérer totalement d’impôt sur le revenu, les indemnités d’élus locaux inférieures à 1.460 euros ou 1.795 euros pour deux ou plusieurs mandats.

Avec la loi de finances pour 2017, qui a préparé le terrain pour la mise en place du prélèvement à la source, la retenue à la source a été supprimée et l’article 10 de la loi de finances pour 2017 a aligné les modalités de recouvrement de l’impôt sur les indemnités de fonction des élus locaux sur le doit commun.

Seul l’abattement annuel de 7.986 euros a survécu (1° de l’article 81 du CGI)

L’intégration des indemnités de fonction des élus locaux dans les traitements et salaires, a placé certains revenus dans des tranches d’imposition d’un taux plus élevé, et les montants des impôts de 2018, ont été sensiblement augmentés, en particulier chez les maires de petites communes.

Les sénateurs ont voulu rétablir, au cours de l’examen du Projet de loi de finances 2019, les effets du précédent dispositif pour les maires ruraux, notamment ceux des communes entre 500 et 2.000 habitants, communes ne disposant pas de services publics organisés.

Au terme d’un affrontement avec le gouvernement, et d’une interruption des travaux du Sénat un accord a, en définitive, été trouvé entre le Sénat et le Gouvernement.

A compter de 2019, les indemnités entrent bien dans le champ d’application du prélèvement à la source et l’assiette de la retenue à la source sur les indemnités de fonction des élus sera égale au montant net imposable de ces indemnités (déduction faite de la fraction représentative de frais d’emploi).

Mais la différence principale concerne les abattements prévus, à ce stade.

a) pour les élus exerçant un mandat dans une commune de moins de 3.500 habitants

L’abattement fiscal sur le montant d’une ou plusieurs indemnités est augmenté. Unique et forfaitaire, il a été fixé à un montant de 1.507 euros/mois, quel que soit le nombre de mandats et les 1.507 euros doivent être proratisés en cas de pluralité de mandats. C’est-à-dire que les élus doivent informer chaque collectivité ou structure leur versant une indemnité, des indemnités versées par les autres, afin que le total versé ne dépasse pas 1.507 euros, par mois.

Le bénéfice de cet abattement est conditionné, en outre, par le renoncement au remboursement des frais de transport et de séjour prévus à l’article L. 2123-4 du Code général des collectivités territoriales.

Concrètement, les élus de communes de moins de 3.500 habitants pourront, avec ce dispositif, quel que soit le nombre de mandats, déduire de l’assiette de l’impôt sur le revenu, 1,25 fois le montant de l’indemnité versée aux maires de communes de moins de 1.000 habitants, soit 1.499,87 euros.

b) Pour les élus n’exerçant pas un mandat au moins dans une commune de moins de 3.500 habitants

Le montant de l’abattement fiscal reste celui existant : 661 euros mensuel pour un mandat et 991 euro en cas de pluralité de mandats (661 euros x 1,5). L’obligation de proratisation s’applique également.

Comment apprécier la destination d’une construction dont l’usage a cessé depuis longtemps ?

Dans cette affaire, le requérant est propriétaire, sur le territoire de la commune d’Hyères, d’un terrain sur lequel est implantée une ancienne bergerie en pierres. Il a déposé une demande de permis de construire portant sur la réhabilitation de ce bâtiment à des fins d’habitation.

Cette demande lui a été refusée au motif que le plan d’occupation des sols de la commune d’Hyères ne permettait, pour les constructions existantes à usage agricole, que les constructions nouvelles à caractère précaire et démontable.

La décision de refus de permis de construire a été confirmée par le Tribunal administratif de Toulon et la Cour administrative d’appel de Marseille qui ont considéré qu’il convenait de retenir, pour l’ancienne bergerie, une destination « agricole ».

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat censure cette interprétation en considérant que :

« 3.        Si l’usage d’une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu’une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage initial de la construction ; il lui incombe d’examiner si, compte tenu de l’usage qu’impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d’urbanisme applicables ».

Ainsi, lorsqu’une construction a été édifiée sans permis de construire en raison de son ancienneté et que son usage initial a cessé depuis longtemps en raison de son abandon, l’ancienne destination de la construction n’a pas à être prise en compte lors de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme portant sur celle-ci.

Il restera, toutefois, aux juges du fond de définir ce qu’il faut entendre à travers la notion de construction dont l’ « usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon »…

Refus du transfert de bail en cas d’inadaptation du logement à la taille du ménage

Une société d’HLM avait donné à bail un logement de 6 pièces à un locataire, bail poursuivi par sa veuve à son décès. Au décès de la veuve, son fils a sollicité le transfert de bail à son profit, sur le fondement de l’article 14 de la loi n° 89-462 de la loi du 6 juillet 1989.

Le bailleur refuse au motif que le logement de 6 pièces était inadapté à la taille du ménage de l’héritier.

Ce dernier invoque alors l’article L. 442-3-1 du Code de la construction et de la construction en vertu duquel le bailleur est tenu, en cas de sous-occupation du logement (qui s’entend d’un logement inadapté en nombre de pièces habitables à la taille du ménage) de proposer un logement plus petit.

La Cour d’appel donne raison au bailleur pour qui l’héritier n’était pas titulaire du bail et ne pouvait donc bénéficier des dispositions invoquées.

L’héritier se pourvoit alors en cassation.

La juridiction judiciaire suprême rejette le pourvoi au motif, d’une part, que le logement n’étant pas adapté à la situation du ménage de l’héritier, ce dernier ne pouvait prétendre au transfert du bail à son profit.

Surtout, la Cour de cassation considère que l’article L. 442-3-1 du Code de la construction et de l’habitation ne s’applique qu’aux rapports entre l’organisme d’HLM et le locataire, qualité que n’avait pas l’héritier.

Le droit du fonctionnaire territorial à travailler à temps complet en lieu et place du contractuel

Monsieur A., professeur territorial d’enseignement artistique à temps non complet avait sollicité de son employeur le bénéfice d’un emploi à temps complet dès le mois de septembre 2010, ce qui lui avait été refusé.

Pourtant, la Communauté d’agglomération qui l’employait était également l’employeur d’un autre professeur d’enseignement artistique, contractuel, à temps non complet.

Rappelant que les dispositions de l’article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur (ndlr : il s’agit aujourd’hui des articles 3-1 à 3-3) qui régissent le recours aux agents contractuels par les collectivités territoriales – et en font une exception au recrutement de fonctionnaires – sont applicables aux emplois permanents de professeur d’enseignement artistique, même à temps non complet, le Conseil d’Etat a jugé que la collectivité ne pouvait dès lors légalement refuser la demande de Monsieur A.

Il a ainsi rappelé cette priorité donnée aux fonctionnaires et relevé ensuite que le recrutement d’un contractuel plutôt que d’un titulaire ne se justifiait pas, au vu des enseignements concernés, qui pouvaient parfaitement être assumés en partie par le requérant et, de ce fait, permettre son emploi à temps complet.

Enfin, sur le fondement de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat a enjoint à la Communauté d’agglomération, en l’absence de changement dans les circonstances de droit et de fait depuis la demande de l’agent, de le titulariser en qualité de professeur d’enseignement artistique à temps complet, et ce à compter du mois de septembre 2010.

Précisions sur la notion de « supérieur hiérarchique direct » ayant qualité pour mener un entretien d’évaluation

Venant remplacer la notation, l’entretien professionnel permet d’évaluer annuellement la valeur professionnelle de l’agent. Pour les fonctionnaires territoriaux, l’article 2 du décret n° 2014-1526 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux, indique que cet entretien est mené par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire, sans autre précision. Telle est aussi la formulation de l’article 2 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’Etat.

S’agissant de la notation, le Conseil d’Etat a pu juger par le passé que la conduite de l’entretien par une autre personne que le supérieur hiérarchique direct entache d’irrégularité la procédure (CE, 6 décembre 2006, n° 287453).

Par un arrêt M. B. c/ Ministre de l’intérieur en date du 3 décembre 2018 (req. 16LY00043), la Cour administrative d’appel de Lyon a elle précisé quelles étaient les prérogatives exercées par le supérieur hiérarchique direct, qui permettaient de le caractériser comme tel.

En l’espèce, M. B., fonctionnaire de la Police nationale au grade de gardien de la paix affecté à la direction départementale de la sécurité publique du Rhône, a été chargé, au sein d’une unité de garde en brigade de nuit, dépendant de la compagnie de garde et de surveillance (CGS) du service d’ordre public et de sécurité routière (SOPSR), de la garde d’un bâtiment de la préfecture du Rhône puis, après le déménagement des services installés jusqu’alors dans ce bâtiment, à compter du 14 septembre 2011, a exercé ses fonctions au sein d’une unité de surveillance de l’hôtel de police (USHP), de nuit.

C’est dans le cadre de l’exercice desdites fonctions que M. B. a contesté son entretien pour les années 2012, 2013 et 2014 devant le Tribunal administratif de Lyon, au motif qu’ils n’avaient pas été conduits par les personnes ad hoc, au vu du décret de 2010 précité.

Saisie du rejet des requêtes par le Tribunal, la Cour administrative d’appel de Lyon, en confirmant les évaluations, a jugé que le supérieur hiérarchique direct s’entend comme la personne disposant « de l’ensemble des prérogatives lui permettant à la fois d’organiser le travail […] d’adresser des instructions, de contrôler [l’] activité et de modifier, retirer ou valider ses actes ».

L’administration peut refuser un congé de maladie à un agent faisant l’objet d’une exclusion temporaire de fonctions

Madame G, fonctionnaire d’un Office public de l’habitat, a fait l’objet d’une première sanction en date du 22 octobre 2015 par laquelle elle était exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de 18 mois, dont 12 mois avec sursis. Pour mémoire, cette sanction a pour effet de suspendre tout versement de rémunération, sans permettre la perception d’une allocation chômage.

Le 16 mai 2017, Madame G devait se voir infliger une seconde exclusion temporaire de fonctions (ETF) d’une durée d’un mois à compter du 20 mai suivant qui, de fait, révoquait le sursis de la précédente : elle était dès lors exclue de ses fonctions 13 mois, du 20 mai 2017 au 19 juin 2018.

Le 20 juin 2017, elle faisait parvenir à l’Office un arrêt maladie au terme duquel elle était arrêtée jusqu’au 31 juillet suivant.

La Directrice générale de l’OPH, autorité territoriale, a refusé l’arrêt maladie qui couvrait en réalité une partie de la période durant laquelle elle était exclue de ses fonctions.

Le Tribunal, pour rejeter la requête de la fonctionnaire, a considéré que cette dernière ne remplissait pas les « conditions légales » pour être placée en congé de maladie puisque la cause de l’impossibilité d’exercer ses fonctions reposait non sur cet arrêt maladie, mais sur la sanction disciplinaire qui lui était préalable.

Les conditions légales en question résultent en l’espèce de l’article 57 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, aux termes duquel :

« Le fonctionnaire en activité a droit : (…) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. »

L’arrêt maladie est par définition la conséquence de l’inaptitude à exercer ses fonctions, or l’agent frappé d’une ETF n’exerce aucune fonction, justement.

En d’autres termes : n’exerçant aucune fonction, il ne peut être inapte à en exercer.

Ce faisant, le Tribunal a raisonné par analogie avec la situation du fonctionnaire en congé annuel qui tombe malade :

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire ne dispose d’un droit à congé de maladie que lorsque la maladie l’empêche d’exercer ses fonctions ; que si la maladie survient alors que l’intéressé exerce ses droits à congé annuel, et n’exerce donc pas ses fonctions, il appartient à l’autorité hiérarchique saisie d’une demande de congé maladie d’apprécier si l’intérêt du service, en raison des conséquences du report du congé annuel en cours, ne s’oppose pas à son octroi » (Conseil d’Etat, 29 décembre 2004, req. 262006).

Cette décision, pour logique qu’elle soit, rend d’autant plus critiquable la décision du Conseil d’Etat relative à la suspension conservatoire des fonctions fondée sur l’article 30 de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires, selon laquelle le fonctionnaire suspendu étant toujours en position d’activité, il peut être placé en congé de maladie :

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire qui fait l’objet d’une mesure de suspension est maintenu en position d’activité, et dispose dans cette position du droit à congé de maladie en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l’impossibilité d’exercer les fonctions qu’il exercerait s’il n’était pas suspendu ; qu’ainsi le droit au congé de maladie ne peut être légalement refusé à un fonctionnaire au seul motif qu’à la date de sa demande il fait l’objet d’une mesure de suspension » (Conseil d’Etat, 22 février 2006, req. 279756).

En effet, le fonctionnaire exclu de ses fonctions est également toujours en position d’activité, et, pas plus que le fonctionnaire suspendu, il n’exerce ses fonctions…

Le titulaire exploitant d’une autorisation temporaire est indemnisé par le juge de l’expropriation

Dans cette affaire, une société occupant une copropriété a bénéficié d’une autorisation temporaire, à titre précaire et gratuit, octroyée par le syndicat des copropriétaires pour la réalisation et la jouissance d’une véranda aux droits du bar-tabac-restaurant qu’elle exploite. 

La question s’est donc posée de savoir si la perte de la possibilité d’exploiter cette véranda, ayant pour origine une autorisation temporaire consentie à titre précaire et gratuit, était en lien avec l’expropriation et pouvait donc être indemnisée.

Cette problématique a été l’occasion pour la 3ème chambre civile de la Cour de cassation de rappeler les grands principes qui commandent l’indemnisation en matière d’expropriation. En effet, en application des dispositions de l’article L. 321-1 du Code de l’expropriation : « Les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ».

Ainsi, la Cour de cassation a jugé, que nonobstant la circonstance que l’autorisation temporaire ait été octroyée à titre précaire et gratuit, dès lors que cette autorisation était toujours en vigueur au moment de la procédure d’expropriation, le préjudice de la société bénéficiant de cette autorisation est en lien avec l’expropriation et ouvre donc droit à indemnisation.

Précisions quant à la compétence du juge administratif en cas de litige entre participants à l’exécution de travaux publics membres d’un même groupement

Le Tribunal des conflits a, en décembre dernier, eu à déterminer une nouvelle fois l’ordre juridictionnel compétent pour connaître des actions en garantie engagées les uns envers les autres par des constructeurs membres d’un même groupement en vue d’exécuter un marché de travaux publics.

Pour rappel, le Tribunal des conflits avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question dans sa décision Société Ace European Group (TC, 9 février 2015, n°3983), où il avait alors adopté une position innovante par rapport à la jurisprudence De Castro, jusque-là bien établie (TC, 24 novembre 1997, n°03060).

Aussi, la position du Tribunal des conflits en la matière est a priori simple : tout litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. Le principe d’attractivité des travaux publics emporte donc dans ce domaine le contentieux relatif à l’exécution des contrats, sauf à les qualifier juridiquement comme étant de droit privé.

L’apport de la Société Ace European Group se cristallise d’ailleurs sur ce point. En effet, le Tribunal des conflits a considéré en 2015 que le juge administratif demeurait compétent dès lors que le litige l’amenait à connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres :

  • lorsque le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement
  • ou, si tel n’est pas le cas, lorsque le contrat de droit privé liant les membres du groupement ne soulève pas de difficultés sérieuses quant à sa validité ou son interprétation.

Aux termes de cette décision, le juge administratif se trouve donc compétent pour connaître dans cette circonstance de contrats de droit privé.

La décision SARL Egis Bâtiments Centre Ouest ici commentée est, partant, la première application de cette « exception ». Elle en clarifie d’ailleurs nettement le domaine d’intervention.

En effet, le Tribunal des conflits commence par reprendre successivement – ce qu’il n’avait pas fait dans la décision de 2015 – les considérants de principe des décisions De Castro et Société Ace European Group, ci-dessus rappelés. Il applique ensuite communément sa solution à l’espèce, en constatant que si le litige oppose effectivement deux sociétés membres du même groupement de maîtrise d’œuvre liées entre elles par un contrat de droit privé, ce litige n’est pas né de l’exécution d’un marché public de travaux ayant, qui plus est, opposé à l’origine le maître de l’ouvrage à un ou plusieurs des constructeurs.

En d’autres termes, le Tribunal des conflits conclut qu’il n’est tout simplement pas question dans cette affaire d’un appel à garantie. Le litige est apparu en effet seulement entre les membres du groupement, puisque l’un d’entre eux a estimé, au regard du décompte du marché, que le mandataire avait commis une faute en signant le décompte malgré des impayés. Il en résulte que la naissance du litige ne correspond donc pas au cadre dorénavant strict de la jurisprudence Société Ace European Group, et reste ainsi dans le giron de la jurisprudence De Castro ou – plus traditionnellement – de celle désignant le juge judiciaire pour connaître de contrats passés entre deux personnes privées (TC, 3 mars 1969, Société Interlait, n° 01926 – TC, 8 juillet 2013, Société d’exploitation des énergies photovoltaïques c/ Électricité Réseau Distribution France, n°C3906).

Précisions sur la passation de marchés publics sans publicité ni mise en concurrence pour des raisons tenant à la protection de droits d’exclusivité

Ainsi que l’illustre cet arrêt, le Juge interprète de façon restrictive les dispositions permettant aux acheteurs de passer des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence préalables au motif qu’ils ne peuvent être confiés qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons tenant à la protection de droits d’exclusivité.

A l’origine, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a attribué un marché à bons de commandes à la société GETTINGE FRANCE, ayant pour objet le renouvellement des prestations de maintenance et de fourniture de pièces détachées des laveurs désinfecteurs d’instruments de chirurgie ou de verrerie de laboratoire, de marques Getinge, Maquet et Lancer, comportant également de la télémaintenance, sur le fondement de la procédure négociée, sans publicité préalable ni mise en concurrence, instituée par l’article 35-II-8° du Code des marchés publics en vigueur à l’époque. La Société STEAM FRANCE, estimant qu’elle aurait pu candidater pour l’attribution de ce marché s’il avait été précédé d’une mise en concurrence, a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler le marché. Par un jugement en date du 9 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Saisi par la Société d’une requête en appel, la Cour administrative d’appel de Paris statue par un arrêt en date du 11 décembre 2018.

Tout d’abord, la Cour précise que, pour recevoir légalement application, les dispositions de l’article 35-II-8° du Code des marchés publics permettant au pouvoir adjudicateur de passer des marchés publics négociés sans publicité et sans mise en concurrence préalables exigent non seulement des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, mais, en outre, « que celles-ci rendent indispensable l’attribution du marché à un prestataire déterminé ». A charge pour l’acheteur de prouver l’existence de « circonstances exceptionnelles » justifiant une dérogation aux règles visant à garantir l’effectivité du principe de libre concurrence, conformément à la jurisprudence de l’Union Européenne (CJUE, 14 septembre 2004, Commission contre République italienne, aff. C-385/02).

Ensuite, la Cour applique ces principes au cas d’espèce et conclut que « l’AP-HP ne peut être regardée comme établissant qu’à la date à laquelle elle a attribué le marché en litige à la société Getinge, cette dernière aurait disposé de droits d’exclusivité qui rendaient indispensable l’attribution du marché à cette société sans mise en concurrence ». En effet, des prestations similaires avaient fait l’objet, antérieurement comme postérieurement à l’attribution du marché litigieux, d’une mise en concurrence de la part de plusieurs établissements hospitaliers – dont l’AP-HP elle-même – et cette mise en concurrence avait pu aboutir à l’attribution du marché à la Société STEAM FRANCE, sans que les droits exclusifs dont se prévaut la société GETINGE aient alors été invoqués. Par ailleurs, le « certificat d’exclusivité » versé au dossier par l’AP-HP se bornait à énumérer de manière succincte et générique une liste de matériels et prestations pour lesquels la société GETINGE disposerait d’une exclusivité, sans référence à la télémaintenance. Ce certificat ne permettait pas de déterminer la période au cours de laquelle cette exclusivité se serait appliquée, ni s’il avait été communiqué à l’AP-HP au moment de la détermination du mode de passation du marché litigieux. Par suite, la Cour annule le jugement et le marché attaqués.

Quelques actualités en matière de mobilité

Il s’agit actuellement d’un sujet central, parce que le Gouvernement en a fait un sujet primordial du quinquennat mais également parce qu’il s’agit de l’une des revendications originelles du mouvement des « gilets jaunes » : la mobilité est sans conteste au cœur des débats actuels.

Dans la lettre adressée par le Président de la République aux français pour lancer le « Grand débat national », la mobilité n’est pas identifiée comme une thématique à part entière, mais les déplacements apparaissent bien comme un enjeu de la transition écologique. Et il ne fait par ailleurs pas de doute que, comme préoccupation sociétale récurrente, ce sujet devrait faire l’objet de remarques et doléances des citoyens, le Président de la République ayant apporté la garantie qu’ils pourraient « évoquer n’importe quel sujet concret » susceptible d’ « améliorer [votre] [leur] existence au quotidien ».

Le thème de la mobilité durable et inclusive pour tous les territoires de la République constitue d’ailleurs une revendication centrale de l’Association des petites villes de France (APVF). A ce propos, l’APVF a formulé plusieurs propositions, telles que la création d’une prime mobilité pour les habitants des territoires ruraux qui n’ont d’autre choix que d’emprunter leur voiture individuelle pour se rendre sur leur lieu de travail ou jusqu’à une gare ou, encore, la mise en œuvre d’un dispositif de péréquation territoriale pour le financement des mobilités en zone périurbaine et rurale.

C’est pour tenir compte des conclusions de ce Grand débat que l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) au Sénat a été repoussé, visiblement à la semaine du 11 mars prochain. L’objectif est que le texte puisse être déposé à l’Assemblée nationale au mois de juin, voire au mois de mai, afin que le texte soit définitivement adopté avant la trève estivale (la procédure accélérée a été retenue pour ce texte).

Sans attendre les conclusions du Grand débat et pour parer au plus vite aux revendications actuelles, la Ministre des Transports, Elisabeth Borne, après avoir discuté avec les sociétés autoroutières le 17 janvier dernier, a annoncé une réduction du coût des péages de 30% pour les automobilistes effectuant au moins dix allers-retours par mois sur un même trajet, à partir du 1er février prochain. Parallèlement, à cette même date, les tarifs des péages devraient augmenter en moyenne de 1,8%.

Par ailleurs, la Présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté a annoncé, le 14 janvier, la mise en place d’un « ticket mobilité » de 400 euros par an, aide qui sera notamment soumise à un plafond de salaire individuel et à des conditions géographiques particulières (habiter à 25 kilomètres au moins de son lieu de travail dans une zone non desservie par les transports publics).

A cet égard, notons que le « forfait mobilités durables » prévu par la LOM (article 26) – lequel prévoit la faculté de prise en charge, par les employeurs, des frais de covoiturage ou d’une indemnité kilométrique vélo pour la réalisation du trajet domicile-travail de leurs salariés – pourrait être rendu obligatoire.

Précisions sur le point de départ du délai de recours contentieux ouvert à l’encontre d’un acte règlementaire pris par une collectivité locale

Qu’il s’agisse des communes, des départements, des régions et des EPCI (voir respectivement les articles L. 2131-1, L. 3131-1, L. 4141-1 et L. 5211-3 du Code général des collectivités territoriales), il est prévu que leurs actes réglementaires « sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ».

Ils doivent par ailleurs faire l’objet d’une publication au recueil des actes administratifs (les textes visant de manière générale les actes réglementaires pour les départements et régions et, pour les communes de 3.500 habitants et plus, le dispositif des délibérations à caractère réglementaire ainsi que les arrêtés municipaux à caractère réglementaire).

Il résulte de ces dispositions que le caractère exécutoire d’un acte réglementaire d’une collectivité locale est alternativement subordonné à sa publication ou à son affichage. Le simple affichage d’un acte réglementaire est donc de nature à permettre son entrée en vigueur, le Conseil d’Etat ayant indiqué que les dispositions relatives à l’obligation de publication au recueil des actes administratifs ne déroge pas au principe selon lequel « la formalité de publicité qui conditionne l’entrée en vigueur des actes réglementaires du maire peut être l’affichage » (CE, 25 juillet 2008, Société Francelot, n° 295799).

Par une décision du 3 décembre 2018, le Conseil d’Etat vient néanmoins indiquer que les formalités permettant l’opposabilité aux tiers des actes réglementaires, faisant courir le délai de recours contentieux de deux mois prévu par l’article R. 421-1 du Code de justice administrative, ne correspondent pas à celles de leur l’entrée en vigueur.

Le Conseil d’Etat a en effet jugé que l’affichage d’un acte réglementaire (à l’Hôtel du Département, en l’occurrence) ne suffit pas à faire courir le délai de recours contentieux contre cet acte. Il précise que sont de nature à faire courir ce délai :

  • soit la publication de l’acte au recueil des actes administratifs de la collectivité, dans les conditions prévues par le Code général des collectivités territoriales;
  • soit sa publication dans son intégralité sous forme électronique sur le site internet de la collectivité, dans des conditions garantissant sa fiabilité et sa date de publication, en complément de son affichage.

Il annule ainsi en partie l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel, laquelle avait rejeté le recours de la Ligue des droits de l’homme pour tardiveté, en prenant en compte la date d’affichage à l’Hôtel de ville de l’arrêté contesté.

Au regard de la rédaction des dispositions précitées du Code général des collectivités territoriales, on peut pour le moins considérer qu’une telle solution n’allait pas de soi. D’ailleurs, quelques jours après cette décision, la Cour administrative d’appel de Lyon a, quant à elle, retenu la date d’affichage d’un arrêté municipal pour calculer le délai de recours contentieux et considérer que la requête soumise à son examen était tardive (CAA Lyon, 6 décembre 2018, Fédération départementale des randonneurs équestres de Haute-Savoie, n° 16LY04103). Mais les juridictions du fond devraient vraisemblablement appliquer prochainement cette nouvelle ligne jurisprudentielle, définie dans une décision rendue en section par la Haute juridiction administrative.

Les collectivités territoriales devront donc redoubler de prudence dans l’accomplissement de leurs formalités de publication si elles souhaitent que le délai de contestation de leurs actes réglementaires soit rapidement purgé.

La CNIL sanctionne toujours plus fort les violations de sécurité

Délibération de la formation restreinte n° SAN-2018-011 du 19 décembre 2018 prononçant une sanction pécuniaire à l’encontre de la société UBER FRANCE SAS

 

Dans deux délibérations rendues successivement, la formation restreinte de la CNIL a prononcé deux amendes administratives de respectivement 400.000 euros pour Uber France et 250 000 pour Bouygues Télécom en raison de problèmes relatifs à la sécurité des données collectées.

Ces deux décisions montrent de nouveau que la CNIL est particulièrement vigilante sur ce qui touche à la sécurité des systèmes d’information et n’hésite pas à sanctionner les faits même plusieurs années après la connaissance et la matérialisation de la violation de données personnelles.

Dans le cas de Bouygues Télécom, une vulnérabilité liée à un défaut de sécurité permettait d’accéder à des contrats et factures de deux millions de clients B&You pendant plus de deux ans. L’entreprise, après en avoir été informée, a corrigé la faille de sécurité mais la formation restreinte de la Commission a considéré que la société avait manqué à son obligation d’assurer la sécurité des données personnelles et ce d’autant plus que le défaut de sécurité avait pour origine un oubli au sein de la société de réactiver la fonction d’authentification sur l’espace client (désactivée pour une phase de test).

Dans le cas d’Uber, la société a révélé dans la presse avoir été victime en 2016 d’une violation de sécurité avec le vol de données personnelles de près de 57 millions d’utilisateurs, dont 1,4 millions de Français. Comme dans la situation de Bouygues Télécom, la formation restreinte de la CNIL a estimé que cette attaque n’aurait pu aboutir si des mesures élémentaires de sécurité avaient été mises en place comme imposer une authentification forte pour ses ingénieurs sur la plateforme de développement « Github » ou encore en stockant de manière chiffrée les informations présentes au sein du code source de la plateforme « Github ».

Ces deux décisions montrent bien que la CNIL sanctionne toujours les violations de sécurité et de manière toujours plus dissuasive. L’ensemble des acteurs traitant des données ne pourra plus arguer d’un défaut de connaissance de la loi informatique et liberté ou du RGPD pour justifier de tels manquements.

 

La CNIL prononce une sanction record pour Google LLC

Dans une décision rendue le 15 janvier et publiée le 21, la CNIL a prononcé une amende record de 50 millions d’euros contre Google LLC sur le fondement du RGPD.

Il s’agit de la première sanction sur un tel fondement.

La formation restreinte de la CNIL a relevé deux séries de manquements au RGPD.

Dans un premier temps, la formation a estimé qu’il y avait une violation continue des obligations de transparence et d’information (article 12 du RGPD) lors de la collecte des données personnelles (article 13 et 14 du RGPD) et que les droits des personnes n’était pas assez clair (article 15 à 22 du RGPD).

En effet, la formation relève que des informations essentielles (finalité, durée de conservation ou catégories de données) étaient anormalement disséminées dans de multiples espaces où il était nécessaire d’activer des boutons ou onglets pour prendre connaissance des informations complémentaires. De plus, la CNIL a remarqué que les informations fournies n’étaient pas suffisamment claires ou compréhensibles par rapport aux aspects massifs et intrusifs des différents traitements réalisés par l’entreprise et que les finalités étaient trop génériques et vagues.

Dans un second temps, la formation restreinte de la CNIL est venue sanctionner l’absence de base légale pour les traitements de personnalisation de la publicité. La société américaine indiquait se fonder sur le contentement des utilisateurs, or les agents de la Commission ont estimé que celui-ci n’était pas éclairé, spécifié et univoque. En effet, dans le prolongement de ce qui a été exposé précédemment, les informations permettant de justifier du consentement ont été réparties sur plusieurs espaces et documents en plus de présenter des cases précochées au moment de la collecte.

Enfin, cette décision est intéressante en ce que la sanction administrative a été prononcée sans mise en demeure préalable du responsable de traitement. Ce changement dans les pratiques de la CNIL semble indiquer des choix plus répressifs avec moins d’accompagnement des différents acteurs de la donnée.

Précisions sur la notion d’établissement distinct

La mise en place du comité social et économique dans les entreprises (ci-après « CSE ») à sites multiples nécessite préalablement de déterminer si les différents sites constituent des établissements distincts.

Un accord d’entreprise conclu dans les conditions de l’article L. 2232-12 du Code du travail, avec les délégués syndicaux détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

A défaut de délégués syndicaux dans l’entreprise, un accord sur ce sujet pourra être conclu avec le CSE (article L. 2313-3 du Code du travail).

L’article L. 2313-4 du Code du travail précise qu’en l’absence d’accord avec un délégué syndical ou avec le CSE, l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

Cette définition de la notion d’établissement distinct donnée par les textes en l’absence d’accord d’entreprise ou d’accord avec le CSE est repris par la Cour de cassation qui vient pour la première fois préciser dans l’arrêt commenté que « caractérise […] un établissement distinct l’établissement qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service ».

Ainsi, dans le cadre de la mise en place des CSE, le nombre et le périmètre des établissements distincts doit être fixé compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel au regard du critère dégagé par la Cour de cassation.

Une analyse in concreto devra donc être menée au regard de ce critère.