le 28/03/2019

Loi ELAN et lutte contre l’habitat indigne

La loi ELAN contient d’importantes dispositions ayant pour objectif de lutter contre l’habitat indigne et contre les propriétaires qui ne respectent pas les obligations de décence qu’il est courant d’appeler « les marchands de sommeil ».

1- Mise en place de sanctions fiscales

Cette lutte passe notamment par le renforcement des sanctions fiscales et financières susceptibles d’être appliquées. En effet, l’article 186 de la loi ELAN (art 1649 quater -0 Bis du Code général des impôts) instaure, comme en matière notamment de trafic de stupéfiants, une présomption de revenus tirés de la location de logements indignes. Le propriétaire « marchand de sommeil » pourra être taxé sur un revenu imposable égal à la valeur vénale du bien dans lequel les personnes sont hébergées ou égal au montant des sommes provenant de l’infraction, à savoir les loyers.

2- Renforcement des pouvoirs de police du maire

L’article 186 de la loi ELAN (article L. 111-6-1-4 du Code de la construction et de l’habitation) renforce les pouvoirs du maire. En effet, si l’article L. 111-6-1-3 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH) permet à une commune ou à une intercommunalité d’instaurer un « permis de diviser » dans les zones présentant une proportion importante d’habitats dégradés ou dans lesquelles l’habitat dégradé est susceptible de se développer, il s’avère que ce « permis de diviser » n’est en pratique quasiment jamais sollicité, ce qui permet aux « marchands de sommeil » de diviser tous types d’immeuble et de les louer dans des conditions indignes. Désormais, le maire informé de ces divisions peut, sur le fondement des pouvoirs de police spéciale dont il dispose au titre des articles L. 129-1 à L. 129-7 du CCH, enjoindre le propriétaire d’avoir à effectuer, sous astreinte, des travaux dans un délai fixe et, à défaut, les faire exécuter d’office, les frais avancés par la commune étant susceptibles d’être recouvrés directement auprès du propriétaire.

3- Devoir d’information au profit du maire

L’article L. 551-1 du CCH oblige le notaire chargé de régulariser un acte authentique de vente à vérifier que l’acquéreur n’a pas fait l’objet d’une condamnation à une peine d’interdiction d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation ou un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement prévue au 5° bis de l’article 225-19 du Code pénal, au 3° du IV de l’article L. 1337-4 du Code de la santé publique, au 3° du VII de l’article L. 123-3 et au 3° du III de l’article L. 511-6 du CCH.

L’article 189 de la loi ELAN vient compléter cet article et oblige désormais le notaire à informer le maire de cette tentative d’acquisition d’un bien sur le territoire de sa commune malgré la peine d’interdiction d’acquérir prononcée.

4- Peines complémentaires

L’article 190 (article 225-19 et 225-26 du Code pénal ; L. 1337-4 du Code de la santé publique ; L. 123-3, L. 521-4 et L. 551-1 du CCH) crée des peines complémentaires au délit d’hébergement contraire à la dignité humaine. Ces peines sont la confiscation de tout ou partie des biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis ainsi que l’interdiction d’acheter un bien immobilier pendant dix ans ou plus. Par ailleurs, le montant de l’amende pénale est désormais égal au montant de l’indemnité d’expropriation pour cause d’utilité publique que le propriétaire aurait perçu.

L’article 191 (article 322-7 du Code des procédures civiles d’exécution) interdit à toutes personnes condamnées à ces peines complémentaires d’exercer une activité immobilière pendant toute la durée de leur peine, y compris l’acquisition de biens aux enchères, sauf s’il s’agit d’une acquisition « pour une occupation à titre personnel ».

5- Obligation renforcée pesant sur les syndics de copropriétés

L’article 193 (article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965) oblige désormais les syndics professionnels à signaler au procureur les suspicions d’activité de « marchand de sommeil » au sein des copropriétés dont ils ont la gestion.

 

Par Cyril Croix,
Avocat directeur du pôle Construction et Assurances, Seban & Associés