Suspension de travaux pour mauvaise appréciation de leurs impacts sur la qualité de l’air et méconnaissance du droit d’accès à l’information

Par une ordonnance de référé du 5 mai 2020, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a suspendu l’exécution d’un arrêté déclarant l’intérêt général de travaux d’aménagement d’un système d’échangeurs autoroutiers en raison notamment des impacts négatifs sur la qualité de l’air que ce projet pourrait avoir.   

La question de la compétence de la CAA de Paris a tout d’abord été soulevée. En effet, aux termes de l’article R. 311-2 5° du Code de justice administrative, cette juridiction est compétente en premier ressort pour connaitre des litiges relatifs aux aménagements et infrastructures nécessaires, même en partie, à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Or, en l’espèce, il ne ressortait pas de l’arrêté contesté que le projet en cause entretiendrait un lien avec cet évènement. La Cour livre toutefois une interprétation plus étendue de sa compétence et considère que, eu égard à son objet, à sa portée et à ses effets, l’arrêté contesté porte sur des opérations en lien avec les Jeux de 2024.  

Ensuite, la Cour se penche sur les conditions du référé-suspension et relève, d’une part, que la condition d’urgence est remplie dès lors que, sur le fondement de l’arrêté préfectoral attaqué, des travaux présentant « un caractère difficilement réversible » pourraient être engagés avant qu’elle ne puisse statuer sur la requête au fond. D’autre part, le juge retient que deux moyens sont de nature à faire naitre un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. En effet, en application de l’article L. 122-1 III du Code de l’environnement, un projet constitué de plusieurs travaux doit être appréhendé dans son ensemble. Or, en l’espèce, la Cour considère que « la cohérence d’ensemble des différents projets d’aménagement en cours sur le territoire et les liens fonctionnels entre les opérations de travaux n’ont pas été pris en compte », et donc que le droit du public d’accéder à des informations suffisantes et pertinentes lors de la procédure de concertation a été méconnu. En outre, la Cour considère que les conséquences sanitaires négatives du projet d’échangeurs autoroutiers auraient été mal appréciées, s’agissant plus spécifiquement de l’impact de ce projet sur la dégradation de la qualité de l’air au niveau des sites sensibles.   

En conséquence, la Cour prononce la suspension de l’arrêté contesté. 

Règlementation des épandages de boues d’épuration durant la période de crise sanitaire liée au Covid-19

Le 5 mai 2020, un arrêté réglementant les épandages de boues d’épuration durant la période du covid-19 a été publié au Journal officiel. Les restrictions et mesures imposées par cet arrêté entrent en vigueur à compter de la date de publication de l’arrêté, sans qu’une date de fin ne soit cependant précisée, et visent les boues d’épuration et les boues « produites par des stations d’épuration d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation recevant des eaux résiduaires domestiques dans une proportion supérieure à 1 % » (article 1er).  
 

L’arrêté commenté pose des restrictions à l’épandage de ces boues en raison de la crise sanitaire liée au covid-19. En effet, le 27 mars 2020, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a rendu un avis sur les risques éventuels liés à l’épandage de boues d’épuration urbaines dans un contexte de leur contamination possible par le SARS-CoV-2, l’agent de la maladie covid-19. L’ANSES considère que la contamination par le SARS-CoV-2 serait faible à négligeable pour les boues ayant subi un traitement hygiénisant. Toutefois, l’agence estime que pour les « boues n’ayant pas subi de traitement considéré comme hygiénisant […] et produites à partir d’effluents collectés en situation épidémique, une contamination par le SARS-CoV-2 ne peut être exclue selon les données actuellement disponibles ». 

Ainsi, en application de l’arrêté commenté, seules les boues extraites avant le début d’exposition à risques pour le covid-19, ou celles extraites après si elles répondent à certains critères d’hygiénisation, peuvent être épandues sur les sols agricoles, en forêt ou à des fins de végétalisation ou de reconstitution de sols. La date d’exposition à risques est définie en Annexe de l’arrêté et varie selon les départements. En outre, les boues extraites après le début d’exposition à risques pour le covid-19 sont soumises à des mesures de surveillance complémentaires, tel qu’un enregistrement du suivi des températures, de la durée de compostage et du nombre de retournements. Le producteur de ces boues doit également tenir les résultats d’analyse garantissant le respect des critères d’hygiénisation à disposition du Préfet. 

Adoption du décret fixant les modalités de versement de la TGAP et les caractéristiques et usages de sa composante « matériaux d’extraction »

Le décret n° 2020-442 du 16 avril 2020 relatif aux composantes de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), publié au Journal officiel le 18 avril 2020, porte sur la composante de la TGAP relative aux matériaux d’extraction et en précise les produits et usages taxables. Ce décret indique également les modalités d’acquittement de l’acompte pour l’ensemble des composantes de la taxe, lesquelles sont énumérées à l’article 266 sexies du Code des douanes.  
 

S’agissant de la composante matériaux de la TGAP, l’article I 6. a) 266 sexies du Code des douanes dispose en effet que cette taxe est due par « Toute personne qui, pour les besoins de son activité économique, livre pour la première fois en France […] des matériaux d’extraction de toutes origines se présentant naturellement sous la forme de grains ou obtenus à partir de roches concassées ou fractionnées, dont la plus grande dimension est inférieure ou égale à 125 millimètres et dont les caractéristiques et usages sont fixés par décret ». Le décret commenté précise donc les caractéristiques et usages de ces matériaux ; il s’agit de certains sables naturels, cailloux, graviers et pierres concassées, granulés, éclats et poudre de diverses pierres devant être utilisés pour la fabrication de certaines couches d’assises et de surface ou pour la fabrication de béton, à l’exclusion de la fabrication du liant. Le décret indique que lorsque les matériaux feront l’objet d’un autre usage ou lorsque celui-ci n’est pas déterminé avec certitude au moment de la livraison ou que plusieurs usages sont envisagés, la condition d’usage n’est pas remplie et la taxe ne sera donc pas due.

Le destinataire de la livraison de ces matériaux doit fournir une attestation au vendeur dans laquelle il déclare s’il est ou non redevable de la TGAP.  

S’agissant du versement de l’acompte de la taxe, l’article II 266 undecies du Code des douanes dispose que « La taxe est acquittée, dans les conditions définies par voie réglementaire, au moyen d’acomptes dont le nombre ne peut excéder trois ainsi que, le cas échéant, d’une régularisation intervenant au plus tard lors de la déclaration prévue au I ». Le décret prévoit ainsi que, à compter du 1er janvier 2020, un seul acompte sera dû par les redevables de la taxe, dont les modalités de calcul du montant sont précisées à l’article 6 du décret. Son article 7 précise quant à lui les modalités de son versement. Les acomptes acquittés en 2019 devront être régularisés selon les règles prévues à l’article 11.  

 En outre, le décret indique que l’acompte qui devra être versé ne devra pas comprendre la composante huiles et préparations lubrifiantes, celle-ci ayant été supprimée par la loi économie circulaire.  

Dispositions réglementaires venant limiter les périodes de dépassement des normes de qualité de l’air prévues par les plans de protection de l’atmosphère

Le décret n° 2020-483 du 27 avril 2020 vise à ajuster les dispositions réglementaires applicables aux plans de protection de l’atmosphère, pour les rendre conformes à l’article 23 de la Directive 2008/50/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe. Celui-ci prévoit que « les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible » [1].  

Le décret tire les conséquences de cet article et modifie les articles R. 222-14 et R. 222-16 du Code de l’environnement afin que les objectifs que des plans de protection de l’atmosphère se réalisent dans le temps le plus court possible.   

Ainsi, l’article R. 222-14 du Code de l’environnement prévoit que les plans de protection de l’atmosphère « recensent et définissent les actions prévues localement pour se conformer aux normes de la qualité de l’air dans le périmètre du plan », le décret du 27 avril venant préciser que ces actions visent à ce que « la période de dépassement soit la plus courte possible ».   

De la même manière, l’article R. 222-16 du Code de l’environnement énonce que les plans de protection de l’atmosphère doivent définir les objectifs nécessaires pour réduire les niveaux globaux des polluants définis à l’article R. 221-1 à un niveau conforme aux valeurs limites il est complété pour ajouter que le délai associé à chacun de ces objectifs doit être « le plus court possible ».  

[1] Directive 2008/50/CE Du Parlement Européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, article 23.

Dispositions réglementaires fixant la procédure d’enquête publique simplifiée applicable aux modifications mineures des périmètres de protection des captages d’eau destinée à la consommation humaine

Le décret n° 2020-296 du 23 mars 2020 porte sur la procédure d’enquête publique prévue à l’article L. 1321-2-2 du Code de la santé publique, relatif aux modifications des périmètres de protection immédiate des points de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines mentionnés à l’article L. 1321-2 du même Code.   

En effet, l’article 1321-2-2 prévoit que toute « modification mineure » d’un périmètre de protection est soumise à enquête publique conduite selon une procédure simplifiée, que le décret ici commenté vient définir. À cette fin, le décret n° 2020-296 du 23 mars 2020 insère un nouvel article R. 1321-13-5 au Code de la santé publique.    

En premier lieu, le décret définit trois différents cas de modifications mineures des périmètres de protection justifiant le recours à la procédure simplifiée :   

  • La suppression de servitudes devenues sans objet ou reconnues inutiles ou inapplicables par l’administration ;  
     
  • Le retrait ou l’ajout d’une ou de plusieurs parcelles du périmètre de protection rapprochée ou du périmètre de protection éloignée, à la condition que la superficie concernée ne dépasse pas 10 % de la superficie totale initiale du périmètre de protection concerné ;  
     
  • Le retrait d’une ou de plusieurs parcelles du périmètre de protection immédiate, à la condition que la superficie concernée ne dépasse pas 10 % de la superficie totale initiale du périmètre de protection immédiate.   
     

Le décret précise ensuite le déroulement de l’enquête publique simplifiée. Elle est ouverte et organisée par arrêté du préfet du département concerné. L’arrêté d’ouverture doit contenir certaines mentions précisées par l’article R. 3121-13-5 précité. Le dossier soumis à enquête publique doit contenir a minima, certains documents comme une notice explicative, un plan de situation et les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants. L’enquête publique se déroule soit à la préfecture du département, soit à la ou les mairies des communes concernées par le projet de modification, pour une durée d’au moins quinze jours.    

Le décret pose également certains délais, concernant notamment la durée de l’enquête publique, qui ne peut être inférieure à quinze jours ou encore s’agissant de l’information du public par le préfet de l’enquête, qui doit également avoir lieu au moins quinze jours avant l’ouverture de celle-ci.   

À l’expiration du délai d’enquête, le commissaire enquêteur voit le registre d’enquête mis à sa disposition. Il dispose d’un mois pour transmettre le dossier de l’enquête, avec son rapport, au préfet.   

Conseil d’Etat : rejet pour défaut d’urgence des demandes de suspension de mesures fixant les distances minimales d’épandage de pesticides à proximité des habitations

CE, 15 mai 2020, Association Générations futures et a., n° 440211 

 

Le 15 mai 2020, le Conseil d’État a rendu deux ordonnances portant sur les référés-suspension introduits, d’une part, par le Collectif des maires anti-pesticides et, d’autre part, par diverses associations de protection de l’environnement et des consommateurs. Par ces ordonnances, le Conseil d’État a rejeté les demandes formulées par les requérantes, qui sollicitaient la suspension du décret du 27 décembre 2019 et de l’arrêté du même jour fixant les distances minimales d’épandage à proximité des habitations (I) et de divers instruments permettant de procéder à un épandage selon des distances minimales réduites avant que le projet de charte d’engagement ne soit approuvé par le Préfet (II).  

  

Pour mémoire, en application du décret du 27 décembre 2019, les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques élaborent des chartes d’engagement définissant notamment des mesures de protection des personnes résidant à proximité des zones d’épandage de ces produits. Les projets de charte sont soumis à une procédure de concertation publique et à l’approbation du Préfet.    

  

I – Demande de suspension du décret et de l’arrêté du 27 décembre 2019 fixant les distances minimales de sécurité pour l’épandage de pesticides à proximité des habitations  
 

Le collectif des maires anti-pesticides sollicitait à nouveau la suspension du décret du 27 décembre 2019 et de l’arrêté du même jour fixant les distances minimales de sécurité pour les épandages réalisés à proximité des habitations. C’est en effet la seconde fois que ce collectif formule cette demande auprès du Conseil d’État, qui avait rejeté leur recours par une ordonnance du 14 février 2020 pour défaut d’urgence.   

Dans cette affaire, la requérante soutenait que l’urgence à agir était désormais caractérisée, notamment en raison des mesures adoptées lors de la crise sanitaire du covid-19 contraignant les personnes à rester chez elles durant les périodes d’épandage des pesticides et alors que la pollution de l’air liée à ces épandages s’est révélée être un facteur aggravant les effets du covid-19. Selon la requérante, ces risques sont d’autant plus accentués que le Ministère de l’agriculture a, par une annonce commentée infra, autorisé des réductions des distances minimales de sécurité alors même que les chartes d’engagement des utilisateurs n’auraient pas été approuvées par le Préfet et que les concertations avec le public n’auraient pas encore eu lieu.   

Le Conseil d’État a cependant jugé que les nouvelles études produites par la requérante « ne portent pas sur la question spécifique des effets à court et moyen termes de l’épandage de pesticides à des fins agricoles sur la santé des habitants des zones situées à proximité ». Par suite, selon la juridiction, elles ne remettent pas en cause l’avis rendu le 4 juin 2019 par l’ANSES, lequel préconisait les distances minimales de sécurité finalement retenues par les décisions contestées. Le Conseil d’État considère ainsi que la condition d’urgence n’est toujours pas caractérisée et rejette le recours du Collectif.  

  

II – Demande de suspension des mesures permettant de procéder à un épandage selon des distances minimales réduites avant l’approbation du projet de charte d’engagement par le préfet 

 

Plusieurs associations de protection de l’environnement et des consommateurs ont demandé au Conseil d’État la suspension de divers instruments, présentés ci-après, qui prévoient la possibilité d’appliquer les distances minimales de sécurité réduites pour les épandages de pesticides à proximité des habitations avant que les chartes d’engagement prévues par le décret du 27 décembre 2019 et énonçant ces mesures ne soient approuvées par le Préfet. Il s’agit :   

  • De l’instruction technique DGAL/SDQSPV/2020-87 du 3 février 2020, laquelle prévoit que, sous certaines conditions et jusqu’au 30 juin 2020, les utilisateurs puissent appliquer les distances minimales réduites sans attendre l’approbation de la charte par le préfet dès lors que ce projet est soumis à une procédure de;concertation publique ;   
     
  • Du communiqué de presse « Distances de sécurité pour les traitements phytopharmaceutiques à proximité des habitations », publié le 30 mars 2020 et de la note « Eléments de mise en œuvre », dans sa version du 30 mars 2020. Ces deux instruments du Ministère de l’agriculture autorisent l’application des distances minimales réduites sans attendre l’approbation de la charte par le Préfet ni la soumission à la procédure de concertation publique.   
     

Les associations requérantes soutiennent que, en raison notamment des effets aggravants de la crise sanitaire actuelle tels qu’exposés ci-dessus, l’urgence à suspendre ces mesures est caractérisée.   

Concernant la demande de suspension de l’instruction technique, le Conseil d’État relève que les distances minimales en cause sont conformes à l’avis de l’ANSES susmentionné. Il considère en outre que, dès lors que le projet de charte est effectivement soumis à la procédure de concertation publique, l’application de la charte avant approbation du préfet « n’a ni pour objet ni pour effet de priver les populations concernées de l’information à laquelle elles ont droit sur l’existence et le contenu d’un projet de charte ni du bénéfice d’une concertation effective avant l’approbation du projet de charte par le préfet ». Cette mesure ne serait également pas de nature à présenter un risque imminent pour la santé. La condition d’urgence n’est dès lors pas remplie selon le Conseil d’État.   

S’agissant de la demande de suspension du communiqué de presse et de la note du Ministère de l’agriculture, le Conseil d’État relève que, selon une « foire aux questions » publiée sur le site du Ministère, les procédures de concertation publique peuvent reprendre dès la levée du confinement le 11 mai 2020. La dérogation introduite par ces instruments n’est donc plus applicable et le Conseil d’État considère qu’il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande de suspension. 

Le Conseil d’Etat se prononce en faveur de l’utilisation du vélo pendant la période d’urgence sanitaire

Par une ordonnance de référé du 30 avril 2020, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’utilisation du vélo durant la période de l’état d’urgence sanitaire, alors que des mesures de restriction des déplacements sont en vigueur.   

En effet, la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) demandait au Conseil d’État d’enjoindre au gouvernement de faire cesser des contradictions liées à l’utilisation du vélo, certaines autorités ministérielles, préfectorales ou d’administration centrale l’ayant interdit tandis que d’autres l’autorisaient pendant la période de restriction des déplacements. La FUB soutenait que ces restrictions imposées par l’état d’urgence sanitaire n’interdisaient pas l’utilisation du vélo. Plusieurs utilisateurs de ce mode de transport ayant en outre été verbalisés pour ce motif, la requérante demandait également l’annulation de ces amendes. Par ailleurs, elle souhaitait qu’il soit enjoint aux Préfets de rouvrir les voies cyclables fermées.   

Le Conseil d’État a fait droit à la première demande de la FUB, jugeant que l’interdiction des déplacements à bicyclette portait une atteinte grave et manifeste à la liberté fondamentale que constitue « la faculté de se déplacer en utilisant un moyen de locomotion dont l’usage est autorisé ». Le Conseil d’État consacre ainsi un nouvel aspect de la liberté d’aller et venir et de la liberté personnelle au rang de liberté fondamentale. Le juge enjoint alors au Premier ministre de « rendre publique, sous vingt-quatre heures, par un moyen de communication à large diffusion », sa position sur l’utilisation du vélo, afin de mettre fin aux contradictions relevées.   

Le Conseil d’Etat rejette les autres demandes de l’association requérante, en estimant, d’une part, qu’il ne ressort pas de sa compétence en premier ressort d’enjoindre la réouverture des voies cyclables et, d’autre part, qu’il ne lui appartient pas d’enjoindre aux autorités judiciaires d’annuler les amendes prononcées par celles-ci.  

Pollution aquatique – Absence de lien entre la caractérisation d’une infraction pénale et la mise en place de mesures conservatoires

Dans une affaire de pollution d’un cours d’eau révélée par des taux de concentration anormaux en nitrites, phosphates et ions ammonium à hauteur d’une station de traitement et d’épuration, propriété d’un Syndicat mixte et exploitée par une société, le Juge des Libertés et de la détention – saisi par le Procureur de la République, sur requête d’une Fédération départementale, sur le fondement de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement – avait ordonné, sous astreinte la cessation de tout rejet dépassant les seuils réglementaires dans le milieu aquatique.      

Saisie sur appel des structures propriétaire et gestionnaire de la station d’épuration, la Chambre de l’instruction a infirmé ladite ordonnance, estimant que l’intervention du Juge des libertés et de la détention était nécessairement subordonnée au constat d’une infraction à la réglementation en matière environnementale.  

Sur pourvoi de la Fédération départementale, la Chambre criminelle a, par arrêt du 28 janvier 2020, tranché en faveur d’une lecture plus littérale des dispositions de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, en cassant l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point.   

La Cour de cassation a, en effet, considéré que l’article L. 216-13 du Code de l’environnement ne subordonne pas à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale, le prononcé par le Juge des libertés et de la détention, lors d’une enquête pénale, de mesures conservatoires destinées à mettre un terme à une pollution ou à en limiter les effets dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire.  

Cette lecture apparait cohérente avec la nature des mesures conservatoires qui ont vocation, non à sanctionner une faute, mais à préserver l’environnement et qui de plus sont ordonnées au stade de l’enquête, donc avant toute décision sur les éventuelles responsabilités. 

Autorisation d’exploitation d’un parc éolien – rappel des critères d’autonomie de l’autorité environnementale

Par une décision en date du 3 avril 2020, le Conseil d’Etat rappelle que lorsqu’un projet a été autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu par l’autorité environnementale doit être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle, à la condition cependant que le projet n’ait pas été instruit, pour le compte du préfet de département, par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).   

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait, dans une décision en date du 6 décembre 2017 « France Nature Environnement », censuré les dispositions du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale en tant qu’elles maintenaient la désignation du préfet de région en qualité d’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement sans prévoir de garantie d’autonomie dans l’hypothèse où le préfet serait également compétent pour autoriser le projet ou dans le cas où il serait en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local (CE, 6 décembre 2017, n° 400559). La haute juridiction administrative a récemment rendu plusieurs décisions afin de préciser les conséquences de cette censure.     

Dans cette affaire, le préfet de la Haute-Saône avait délivré à la société « Parc éolien des Ecoulottes » une autorisation d’exploiter sept éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Vars. Des requérants avaient demandé au Tribunal administratif de Besançon d’annuler cet arrêté et avaient été déboutés, en première instance puis en appel.      

Ils soulevaient notamment, à l’appui de leur demande, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 du fait de l’absence d’autonomie de l’autorité environnementale qui s’était prononcée sur le projet.    

Dans sa décision, le Conseil d’Etat rappelle d’abord la jurisprudence « France Nature Environnement » précitée,  selon laquelle il résulte des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que si ces dispositions « ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné ».   

Le Conseil d’Etat précise qu’il en résulte que, lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle répondant aux exigences de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011.   

Cependant, cette présomption d’autonomie est renversée lorsque c’est le même service qui a instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale. C’est le cas lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la DREAL et que l’avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par cette même direction, sauf si l’avis a été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l’article R. 122-21 du Code de l’environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.   

Dès lors, le Conseil d’Etat conclut que la Cour administrative d’appel de Nancy a commis une erreur de droit en jugeant que, par principe, il avait été répondu aux exigences de la directive précitée alors même que le projet avait été instruit, en l’espèce, pour le compte du préfet de département, par la DREAL de Franche-Comté, qui avait ainsi à la fois instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale.   

A noter qu’une telle solution avait déjà été retenue dans une décision récente du Conseil d’Etat du 5 février 2020 (CE, 5 février 2020, n° 425451, Mentionné dans les tables du recueil Lebon).   

Sur ce point également, il faut relever qu’un projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale a été soumis à consultation du public en février dernier. Ce projet de décret prévoit de confier aux missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) la compétence en matière d’avis environnementaux sur les projets locaux, le préfet de région demeurant compétent pour se prononcer sur les projets relevant de la procédure d’examen au cas par cas. 

Publication d’un document de travail commun à plusieurs autorités administratives et publiques indépendantes sur leurs moyens d’action face au changement climatique

Huit Autorités Administratives Indépendantes (ci-après, AAI) et Autorités Publiques Indépendantes (API)1 ont publié un document de travail relatif à leur rôle et leurs moyens d’action face au changement climatique.  

Cette étude s’inscrit dans le prolongement de l’Accord de Paris, signé en décembre 2015 par 195 pays, et constituant une étape politique internationale majeure actant de l’objectif de contenir le réchauffement de la planète en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Les huit autorités sont en effet réunies depuis 2017 au sein d’un groupe de travail informel publiant régulièrement des réflexions sur l’urgence climatique et sur les enjeux de régulation que celle-ci représente.  

Dans le document de travail commun publié en mai 2020 et ici commenté, les huit autorités signataires rappellent que l’atteinte des objectifs de l’Accord implique notamment des « transformations profondes et irréversibles des activités et modèles économiques, avec de fortes implications sociales et sociétales » et que « toutes les activités sont concernées par ces transformations, […] y compris celles soumises en France à la supervision ou à la régulation des autorités administratives ou publiques indépendantes ».   

L’étude expose ainsi l’impact climatique des secteurs entrant dans le champ des missions des différentes autorités. Ainsi, l’utilisation d’énergie constitue la principale source d’émission de gaz à effet de serre (78 % en 2017). Et, les utilisations d’énergie les plus émettrices sont l’industrie de l’énergie (27,3%) et les transports (21,9%). Si le secteur numérique représente actuellement une part faible des émissions de gaz à effet de serre (environ 3% des émissions mondiales), l’augmentation croissante de cette part nécessite une attention particulière.  

Dans ce cadre, les huit autorités soulignent la nécessité d’articuler leurs différentes interventions dans le but d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.   

Si le cadre juridique applicable à certaines autorités inclut d’ores et déjà une mission en matière de préservation du climat, tel n’est pas le cas, par exemple, de l’Autorité de la concurrence, du CSA ou de la CNIL dont les missions n’intègrent pas encore véritablement de dimension climatique.    

L’étude souligne néanmoins la possibilité pour l’ensemble de ces autorités d’exercer à l’égard des pouvoirs publics un rôle d’alerte à propos des enjeux climatiques liés à leur mission de régulation, y compris s’agissant des autorités dont les missions n’intègrent pas véritablement de dimension climatique.  

L’étude expose en outre les leviers d’intervention dont disposent les autorités afin de faire face à des problématiques communes, à savoir :  

  • La définition de règles incitatives, de recommandations ou de bonnes pratiques ;
  • Le suivi et le contrôle, comme celui exercé, par exemple, par l’AMF sur l’information des sociétés cotées et des gérants d’actifs en matière de gestion du risque climatique 
  • Les décisions ou avis, à l’image de ceux rendus par la CRE ou l’Autorité de la concurrence, pouvant contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique ou à faire émerger des comportements d’entreprises permettant de répondre aux enjeux climatiques ; 
  • La fourniture de données sur le risque climatique et les impacts des activités sur le climat, dans le cadre d’une « régulation par la donnée » (telle que décrite dans la précédente publication des AAI/API de juillet 2019), pour encourager les entreprises et aider à la prise de décisions ; 
  • Le renforcement de l’information du public et de la pédagogie s’agissant des enjeux climatiques, 
  • Le renforcement de l’expertise des autorités de régulation s’agissant de l’impact sur le climat des activités régulées.  
     

Enfin, les huit autorités identifient les prochaines étapes et actions qu’elles entendent engager en lien avec les enjeux climatiques.   

A titre d’exemple, s’agissant de la CRE, celle-ci a élaboré dix fiches thématiques pour contribuer à la réflexion sur les évolutions législatives à venir pour mener au mieux la transition vers une Europe à zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2050 (« Pacte vert européen » de la Commission européenne). À l’échelon national, la CRE a également initié une collaboration avec le Haut conseil pour le climat (organisme indépendant placé auprès du Premier ministre). Le Comité de prospective de la CRE travaillera en 2020 sur les énergies marines, la mobilité électrique et le biométhane. 

Fin des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz naturel : publication d’un guide à destination des consommateurs professionnels

Depuis le 1er juillet 2007, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz naturel, tous les consommateurs ont la possibilité de choisir librement leur fournisseur d’énergie.  

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, la CRE) et le Médiateur National de l’Energie (ci-après, le MNE) ont publié un guide relatif au passage en offres de marché pour les consommateurs d’énergie professionnels (également appelés consommateurs non résidentiels ou non domestiques) : entreprises, collectivités, association ou administrations (ci-après, le Guide de la CRE et du MNE).   

Pour rappel, deux types d’offres co-existent :  

  • Les tarifs réglementés de vente (ci-après, les TRV), dont les prix sont fixés par les pouvoirs publics, et que seuls peuvent proposer les fournisseurs historiques (EDF en électricité, Engie en gaz naturel et, sur leur périmètre de desserte historique, les entreprises locales de distribution).
  • Les offres de marché, dont les prix sont déterminés dans le contrat, et qui sont proposées par tous les fournisseurs.

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (retrouvez notre focus ici) est venue modifier les catégories de consommateurs résidentiels et professionnels éligibles aux tarifs réglementés de vente en gaz et en électricité, dont le nombre de bénéficiaires ne cesse de se réduire.  

S’agissant du gaz naturel, les consommateurs non domestiques consommant moins de 30 MWh/an ont l’obligation de choisir une offre de marché d’ici le 1er décembre 2020. Les consommateurs domestiques consommant moins de 30 MWh/an, les propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation consommant moins de 150 MWh/an et les syndicats des copropriétaires d’un tel immeuble devront pour leur part souscrire un nouveau contrat avant le 1er juillet 2023.  

S’agissant des tarifs réglementés de vente d’électricité (ci-après, les TRVE), les consommateurs non domestiques qui emploient plus de dix personnes ou dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le bilan annuel excède deux millions d’euros, ne pourront plus bénéficier des TRVE au 31 décembre 2020.  

Concernant les démarches pour changer d’offre d’électricité et de gaz naturel, le Guide de la CRE et du MNE propose des critères de comparaison des offres (notamment l’inclusion ou non, dans l’offre, de l’acheminement de l’électricité et du gaz par le réseau, les conditions d’évolution des prix, l’existence de pénalités éventuelles en cas de résiliation anticipée) et renvoie vers le site officiel du MNE pour comparer les offres existantes :  https://comparateur.energie-info.fr  

Programmation pluriannuelle de l’énergie

Pris en application de l’article L. 141-1 du Code de l’énergie, le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (ci-après, le « Décret PPE ») fixe la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui définit les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental pour la période 2019-2028 afin d’atteindre les objectifs définis aux articles L. 100-1L. 100-2 et L. 100-4 du Code précité.  

En particulier, s’agissant de la réduction de la consommation d’énergie primaire fossile par rapport à 2012, le Décret PPE fixe les objectifs suivants  :  

  • pour le gaz naturel : – 10 % en 2023 et – 22 % en 2028 ;  
  • pour le pétrole : – 19 % en 2023 et – 34 % en 2028 ;  
  • pour le charbon : – 66 % en 2023 et – 80 % en 2028.  

L’objectif de réduction de la consommation finale d’énergie par rapport à 2012 est, quant à lui, fixé à – 7,5 % en 2023 et à – 16,5 % en 2028.  

S’agissant de la production d’électricité d’origine renouvelable en France métropolitaine continentale, les objectifs de développement retenus sont les suivants :   

  • énergie éolienne terrestre : 24,1 GW en 2023, et entre 33,2 GW (option basse) et 34,7 GW (option haute) en 2028 ;  
  • énergie radiative du soleil : 20,1 GW en 2023, et entre 35,1 GW (option basse) et 44,0 GW (option haute) en 2028 ;  
  • hydroélectricité (dont énergie marémotrice) : 25,7 GW en 2023, et entre 26,4 GW (option basse) et 26,7 GW (option haute) en 2028 ;  
  • éolien en mer : 2,4 GW en 2023, et entre 5,2 GW (option basse) et 6,2 GW (option haute) en 2028 ;  
  • méthanisation : 0,27 GW en 2023, et entre 0,34 GW (option basse) et 0,41 GW (option haute) en 2028.  

Sur la question de la mobilité propre, les objectifs de développement sont les suivants :   

  • véhicules électriques  : 660 000 au 31 décembre 2023, et 3 000 000 au 31 décembre 2028  ;  
  • véhicules particuliers hydrides rechargeables  : 500 000 au 31 décembre 2023, et 1 800 000 au 31 décembre 2028  ;  
  • véhicules utilitaires légers électriques ou hybrides rechargeables  : 170 000 au 31 décembre 2023, et 500 000 au 31 décembre 2028  ;  
  • véhicules lourds à faibles émissions  : 21 000 au 31 décembre 2023, et 65 000 au 31 décembre 2028.  

Ce sont là des objectifs multiples de nature à lancer nombre d’actions publiques et à participer à l’effort de relance économique nécessaire à la sortie de la crise sanitaire actuelle.  

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 14 mai 2020 portant orientations sur les conditions de sortie des offres transitoires de fourniture de gaz naturel et d’électricité mises en œuvre lors des réductions du périmètre des tarifs réglementés de vente intervenues en 2015 et 2016

Dans un contexte de fin des tarifs réglementés de vente (ci-après, les « TRV ») d’électricité et de gaz, en application de l’ordonnance n°  2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité (ci-après, « l’Ordonnance du 10 février 2016 »), la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, la « CRE ») a lancé en mars 2016 un appel d’offres portant sur la désignation des fournisseurs devant assurer la fourniture des sites n’ayant pas souscrit de contrats de fourniture au 1er juillet 2016, à l’expiration des offres transitoires qui ont suivi la fin des TRV d’électricité et de gaz naturel. La CRE a désigné les fournisseurs attributaires des lots le 4 mai 2016.   

A l’heure actuelle, ce sont environ 3 500 clients qui continuent de bénéficier des conditions contractuelles transitoires mises en place dans ce cadre et, parmi ceux-ci, 1 614 qui sont encore en offres dites « post offre transitoire », soit les offres proposées par les fournisseurs à l’issue de l’appel d’offres de 2016.    

Depuis lors, le nombre de clients éligibles aux TRV d’électricité et de gaz a encore été réduit par l’effet de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (ci-après, la « Loi énergie climat ») (voir notre Lettre d’actualité juridique Energie Environnement de décembre 2019).    

L’article 67 III de la Loi énergie climat impose par ailleurs aux fournisseurs d’électricité et de gaz naturel de communiquer aux clients concernés les nouvelles conditions contractuelles, définies après avis conforme de la CRE, et ce au plus tard le 1er  août  2020.   

La Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 14 mai 2020 portant orientations sur les conditions de sortie des offres transitoires de fourniture de gaz naturel et d’électricité mises en œuvre lors des réductions du périmètre des tarifs réglementés de vente intervenues en 2015 et 2016 vient ainsi donner des orientations quant au contenu de ces conditions contractuelles de fourniture d’électricité et de gaz naturel qui seront soumises à la CRE avant leur communication aux clients concernés.   

En particulier, afin que la concurrence puisse s’exercer librement, trois clauses doivent figurer dans les conditions contractuelles :   

  • le contrat ne doit pas avoir une durée excessive ;  
  • les modalités pour résilier le contrat ne doivent pas être contraignantes : le client doit avoir la possibilité de mettre un terme à un contrat à durée indéterminée à tout moment et sans pénalité ;  
  • les modalités d’évolution des conditions contractuelles doivent être précisées.   

La CRE recommande par ailleurs aux fournisseurs d’informer les consommateurs concernés de la disponibilité des offres de marché et de l’existence du comparateur d’offres que vise l’article L. 122-3 du Code de l’énergie, ainsi que des modalités de résiliation du contrat à l’initiative du client, deux mois avant chaque date de renouvellement tacite du contrat dans le cas des contrats à durée déterminée et au moins une fois par an, s’agissant des contrats à durée indéterminée.  

Enfin, la délibération de la CRE commentée précise que les fournisseurs de ces offres transitoires ont jusqu’au 15  juin 2020 pour transmettre à la CRE les conditions contractuelles définies, à charge pour cette autorité de rendre un avis conforme dans un délai d’un mois à compter de leur réception. 

Fourniture d’électricité : Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) et crise sanitaire

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 7 mai 2020 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant orientations sur les principes retenus pour le calcul du complément de prix 

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 26 mars 2020 portant communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d’électricité et de gaz naturel 

 

Depuis la libéralisation du marché de l’électricité, les fournisseurs alternatifs (Engie, Total, Eni…) peuvent acheter à l’avance et à prix fixe une certaine quantité d’électricité nucléaire produite par EDF, dans le cadre du mécanisme de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH). 

En vertu de ce mécanisme, EDF peut céder jusqu’à 100 TWh/an (et, si le gouvernement en décide par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, ainsi que l’y a autorisé le législateur [1], jusqu’à 150 TWh/an depuis le 1er janvier 2020) de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix fixe (pour l’heure) de 42 euros/MWh. Dans le cadre de ce dispositif, chaque fournisseur est lié à EDF par un accord-cadre dont le modèle est fixé par arrêté ministériel [2] . L’article 19 de cet accord-cadre désigne le tribunal de commerce de Paris comme l’unique juridiction compétente pour régler tout différend lié à son interprétation ou à son exécution. 

Si, depuis sa création, le mécanisme a fonctionné sans heurts, depuis quelques temps celui-ci est mis à rude épreuve.  

 

I – En fin d’année 2018 tout d’abord, il faut rappeler que le dispositif de l’ARENH a connu une situation inédite puisque pour la première fois, la demande des fournisseurs pour l’année 2019, a excédé le plafond légalement prévu. Cette situation a conduit au relèvement du plafond légal par la Loi Energie Climat précitée.  

 

Afin d‘anticiper une telle situation, la Commission de Régulation de l’énergie (CRE) a, dans une délibération du 7 mai dernier, ici commenté, défini les règles de répartition des volumes applicables en cas de dépassement du plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) pour le guichet à venir de mai 2020.  

Les principes et les règles demeurent inchangés par rapport à ceux définis à l’occasion du précédent guichet de novembre. La CRE a ainsi reconduit l’obligation générale pour les fournisseurs de communiquer la meilleure prévision de consommation de leur portefeuille de clients. 

De plus, la délibération indique que « Tout fournisseur ne demandant pas d’ARENH lors du guichet de mai 2020 pour livraison à compter du 1 er juillet 2020 conservera l’intégralité des quantités d’ARENH qu’il a obtenues au guichet de novembre 2019 ».   

L’écrêtement ne s’appliquera qu’aux nouvelles demandes d’ARENH formulées. Les fournisseurs ayant déjà formulé une demande au guichet de novembre 2019 sont ainsi incités à ne pas formuler de demandes au guichet de mai 2020. En outre, les filiales contrôlées par EDF seront écrêtées intégralement pour les seuls volumes conduisant à un dépassement du plafond.  

Enfin, en cas de demandes excessives, si la CRE a supprimé, dès le 26 mars, les compléments de prix CP2 (pénalité) en raison de la pandémie du COVID-19. Elle a en revanche indiqué, dans cette délibération du 7 mai 2020, qu’elle se réservait le droit d’écrêter intégralement les quantités qui seraient demandées en cas de dépassement du plafond, autrement dit de ne livrer aucun volume d’ARENH. 

 

II – Récemment, ensuite, c’est une autre situation inédite que le dispositif vient de connaître. En effet, la pandémie du COVID-19 qui survenue en mars dernier est venue bouleverser les comportements des consommateurs d’énergie. En particulier, le confinement sanitaire imposé depuis le 17 mars 2020 a provoqué la chute de l’activité économique, faisant ainsi baisser la production industrielle et donc la consommation d’énergie des entreprises.  

 

Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité a ainsi indiqué que les chiffres de consommation journalière d’électricité avaient révélé une forte baisse de la demande, de l’ordre de 15 % à 20 % en moyenne les deux premières semaines du confinement par rapport à un mois de mars « classique » [3].  

Cette baisse générale de la consommation d’électricité en France s’est alors accompagnée d’une forte baisse des prix de l’électricité sur les marchés de gros (le prix du produit base pour le 2ème trimestre de 2020 étant, fin mars 2020, de 21 euros par MWh). 

C’est donc l’équilibre du marché de l’énergie qui a été remis en cause par la pandémie du COVID-19. 

De ce fait, les fournisseurs d’énergie alternatifs se sont pour la plupart tous retrouvés dans la situation de devoir revendre les quantités d’électricité nécessaires à l’approvisionnement de leurs clients qu’ils avaient acheté à un prix convenu à l’avance.

Dans ce contexte, plusieurs fournisseurs ont demandé l’activation de la clause de force majeure prévue dans l’accord-cadre ARENH précité, ainsi rédigée :  

« 10. Force majeure 

La force majeure désigne un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l’exécution des obligations des Parties dans des conditions économiques raisonnables. 
La Partie souhaitant invoquer le bénéfice de la force majeure devra, dès connaissance de la survenance de l’événement de force majeure, informer l’autre Partie, la CDC [la Caisse des Dépôts] et la CRE, par lettre recommandée avec accusé de réception, de l’apparition de cet événement et, dans la mesure du possible, leur faire part d’une estimation, à titre indicatif, de l’étendue et de la durée probable de cet événement. 

La Partie souhaitant se prévaloir d’un événement de force majeure s’efforcera, dans des limites économiques raisonnables, de limiter les conséquences de l’événement de force majeure et devra, pendant toute la durée de cet événement, tenir régulièrement l’autre Partie informée de l’étendue et de la durée probable de cet événement. 

Les obligations des Parties sont suspendues pendant la durée de l’événement de Force majeure ». 

En actionnant cette clause, les fournisseurs ont souhaité suspendre l’exécution de leur contrat ARENH, mettre fin ensuite aux livraisons des volumes d’ARENH pendant la durée de la force majeure et enfin, s’approvisionner sur le marché à un prix beaucoup plus bas pour la totalité de leurs volumes.  

Toutefois, EDF a fait part à ces fournisseurs de son opposition au déclenchement de cette clause, considérant que les conditions prévues dans le contrat ARENH n’étaient pas réunies.  

De son côté, la CRE s’est bornée, dans une délibération du 26 mars 2020, à prendre acte du désaccord entre les parties sur l’invocation de la clause de force majeure des accords-cadres. 

Malgré tout, par cette délibération la CRE a refusé de transmettre à RTE l’évolution des volumes d’ARENH à livrer par EDF aux fournisseurs concernés liée à une demande d’activation de la clause de force majeure. Or, il s’agissait d’une étape indispensable pour que ces fournisseurs puissent suspendre toute ou partie de leurs obligations d’achat d’électricité nucléaire. 

C’est dans ce contexte que l’ANODE et l’AFIEG, représentants de fournisseurs alternatifs, ont déposé devant le Conseil d’Etat un recours en annulation à l’encontre de cette délibération de la CRE, ainsi qu’une requête en référé afin d’en faire suspendre l’application.  

Aux termes de l’ordonnance ici commentée, le juge des référés du Conseil d’Etat s’est prononcé le 17 avril 2020 – sans audience en raison de l’état d’urgence sanitaire – sur cette demande, en la rejetant pour défaut d’urgence. 

Tout d’abord, le juge des référés a estimé que l’interprétation des dispositions de l’article 10 de l’accord-cadre précité revenait au juge compétent, à savoir le Tribunal de commerce de Paris, qui avait d’ailleurs déjà été saisi par les associations requérantes. 

Au-delà de son incompétence pour trancher le litige sur la clause de force majeure, le juge des référés a ensuite estimé qu’il n’y avait pas d’urgence à suspendre la délibération attaquée dans la mesure où il n’était pas établi que les pertes subies par les fournisseurs auraient un tel effet dans le délai nécessaire au juge compétent pour statuer sur les demandes dont il a été saisi. En outre le juge a appelé les parties à négocier des « modalités dérogatoires de mise en œuvre des obligations des parties tenant compte des circonstances particulières liées à la crise sanitaire », observant que la CRE a, « dans sa délibération, invité EDF à prendre en compte la situation individuelle des fournisseurs, en particulier ceux qui sont de petite taille et en situation de fragilité ». 

Par cette motivation, le juge de référés du Conseil d’Etat semble considérer que les arbitrages économiques des fournisseurs ne peuvent uniquement dépendre de la conjoncture, même durement touchée par la crise du COVID 19, tout en invitant cependant EDF à entamer une négociation avec eux 

Au-delà de cette ordonnance, il est intéressant de relever que l’assimilation de la crise sanitaire actuelle à un cas de force majeure n’est pas systématique, si ce n’est évident, en particulier pour emporter des conséquences qui seraient évaluées à trop court terme. C’est sans doute l’équilibre général des contrats qu’il y a lieu d’observer.  

La messe n’est toutefois pas définitivement dite. 

Il y a quelques jours, le Tribunal de commerce de Paris a, en référé donné raison à Total Direct Energie en reconnaissant que la pandémie de COVID-19 constituait, selon lui, un cas de force majeure justifiant la suspension des livraisons d’électricité nucléaire vendue par EDF dans les contrats ARENH. EDF a annoncé souhaiter faire appel de cette décision dont les conséquences financières sont substantielles pour le producteur nucléaire. D’autres fournisseurs ont également engagé une procédure devant le tribunal de commerce de Paris, de sorte que d’autres décisions devraient prochainement intervenir. 

De ces combats, on retiendra que la question de l’ARENH n’a pas fini de faire couler de l’encre, aux confins des débats de l’accès à une électricité nucléaire historique à un prix garanti, de la compétitivité de ce prix régulé et de la libéralisation du marché de la fourniture d’électricité, sans oublier la défense des intérêts des consommateurs. Des débats avec en toile de fond la réforme (toujours d’actualité ?) du groupe EDF.

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre et Aurélie Cros

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[1] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

[2] Arrêté du 12 mars 2019 portant modification de l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité

[3] Source : RTE (2020), « L’impact de la crise sanitaire (Covid-19) sur le fonctionnement du système électrique », 8 avril 

Rétrogradation refusée : quelle procédure suivre ?

Dans un arrêt publié au bulletin en date du 25 mars 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation précise la procédure à suivre en cas de refus par le salarié d’une rétrogradation disciplinaire.  

Tout d’abord, rappelons que lorsque l’employeur envisage de sanctionner un salarié, il est tenu de le convoquer à un entretien préalable dès lors que la sanction envisagée a une incidence sur sa présence dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.  

Aussi, la Cour de cassation considère de manière constante que la modification du contrat de travail prononcée à titre de sanction disciplinaire à l’encontre d’un salarié (mutation, rétrogradation) ne peut lui être imposée (Cass. soc., 16 juin 1998, n° 95-45.033 P + B + R ; Cass. soc., 17 juin 2009, n° 07-44.570, FS – P + B).  

En cas de refus du salarié, l’employeur peut décider de prononcer une autre sanction appelée sanction de substitution (Cass. soc. 16 juin 1998 no 95-45.033 PBR  ; Cass. soc. 7 juillet 2004 no 02-44.476 FS-PB). 

Pour ce faire, l’employeur doit-il reconvoquer le salarié à un entretien préalable ?  

Telle était la question posée à la Cour de cassation à la suite de la contestation d’un salarié de sa mise à pied disciplinaire prononcée après son refus de subir une rétrogradation disciplinaire notifiée après entretien préalable. Selon le salarié la sanction de substitution devait être précédée d’un nouvel entretien préalable en application de l’article L 1332-2 du Code du travail.  

La Cour répond par la négative considérant que « lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l’employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu’un licenciement, n’est pas tenu de convoquer l’intéressé à un nouvel entretien préalable ».  

Dès lors deux situations doivent être distinguées lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail notifiée après un entretien préalable :  

  • si l’employeur envisage une sanction autre que le licenciement : aucun nouvel entretien préalable n’est nécessaire ;  
  • si l’employeur envisage un licenciement : il doit convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable. 

Deux décrets des 11 et 12 mai pour fixer les dispositions réglementaires « post-confinement »

Le 11 mai, a été publié un premier décret n° 2020-545 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, décrivant les règles de vie à mettre en œuvre « post-confinement ». 

Ce décret de « tuilage », qui n’avait vocation à demeurer en vigueur que les 11 et 12 mai, comportait un certain nombre de mesures, à l’exception de celles pourtant annoncées par le gouvernement, relatives au déplacement dans un rayon de 100 km et de la possibilité de demander aux usagers des transports publics de justifier de leur déplacement, qui devaient faire l’objet d’une habilitation législative. 

Ainsi, à la suite de l’adoption de ses dispositions est paru le décret n° 2020-548 reprenant les mesures du décret précédent et les complétant des précisions relatives aux deux mesures validées par la loi. 

Ce décret rappelle d’abord la nécessité de respecter « en tout lieu et en toute circonstance » les mesures d’hygiène et de distanciation physique (mesures barrières) et expose les modalités de découpage du territoire en zones « vertes » et « rouges » (articles 1 et 2). 

Sont adoptées, plus spécifiquement, des dispositions notamment relatives : 

  • A l’interdiction de tout déplacement de personne conduisant à la fois à sortir d’un périmètre défini par un rayon de 100 kilomètres de son lieu de résidence et à sortir du département dans lequel ce dernier est situé est interdit à l’exception des déplacements pour motifs impérieux, étant précisé que le préfet de département peut adopter des conditions plus restrictives à l’intérieur d’un département si les circonstances locales l’exigent (article 3) ; 
  • Au transport maritime, fluvial et aérien (articles 4 et 5) avec, à titre d’exemples : le port du masque obligatoire ou encore la possibilité de demander au passager une déclaration sur l’honneur attestant qu’il ne présente pas de symptôme d’infection au covid-19 ; 
  • Aux transports publics de voyageurs, pour lesquels, notamment, le port du masque est également rendu obligatoire ; est par ailleurs notamment précisée la possibilité pour le préfet de département ou, pour l’Ile-de-France, le préfet de la région Ile-de-France, de réserver, à certaines heures, eu égard aux conditions d’affluence constatées ou prévisibles, l’accès aux transports publics aux seules personnes effectuant d’un déplacement pour un motif impérieux (article 6) ; 
  • Aux rassemblements, réunions ou activités, qui posent le principe de l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes sous réserve de ceux « indispensables à la continuité de la vie de la Nation » qui peuvent être maintenues par le préfet de département en l’absence de circonstances locales s’y opposant (article 7 – l’on pensera par exemple aux opérations de don du sang) ; 
  • A l’interdiction des évènements de plus de 5.000 personnes sur le territoire française jusqu’au 31 août 2020 (article 8) ; 
  • A l’accès aux parcs, jardins et espaces verts, autorisé dans les seules zones « vertes » (article 9) ; 
  • A l’accès aux plages, plans d’eau et lacs, également interdits d’accès, sauf autorisation du préfet de département sur proposition du maire, dans la mesure où peuvent être respectées les règles relatives aux mesures barrières et aux rassemblements (article 9) ; 
  • Aux marchés couverts pour lesquels prévaut l’ouverture, sauf décision du préfet dès lors que la distanciation sociale ne peut y être respectée (article 9) ; 
  • Aux établissements recevant du public, pour lesquels est mise à jour la nomenclature des établissements autorisés à accueillir du public (article 10), avec une spécificité pour les examens et concours et la possibilité pour le préfet, sous réserve du respect des mesures barrières, d’autoriser l’ouverture de certains établissements dont les musées « dont la fréquentation habituelle est essentiellement locale et dont la réouverture n’est pas susceptible de provoquer des déplacements significatifs de population » ; sont également précisées les règles d’accueil des jeunes enfants et usagers des établissements d’éducation (articles 11 et 12) ; 
  • Au contrôle des prix du gel hydro alcoolique et des masques à usage unique (articles 16 et 17) ; 
  • Au pouvoir de réquisition du préfet de département notamment pour faire face à l’afflux de patients, garantir l’acheminement de produits de santé ou la bonne exécution des opérations funéraires (article 18) ; 
  • A la mise à disposition de médicaments (articles 19 à 24) ; 
  • A l’organisation des opérations funéraires (article 25) ; 
  • A la possibilité pour le préfet de prévoir un « reconfinement », lorsque l’évolution de la situation sanitaire le justifie (article 27). 

Audiences dans les Tribunaux parisiens : une reprise très progressive

Par le biais de deux ordonnances en date du 23 et 27 avril 2020, prises respectivement par le premier président de la Cour d’appel de Paris et par le président du Tribunal judiciaire de Paris, la reprise des audiences parisiennes a été fortement encadrée pour assurer la sécurité des auxiliaires de justice mais aussi des justiciables.  

 

1 – La reprise des audiences devant le Tribunal judiciaire de Paris 

 

Tous les dossiers de fond relevant des chambres civiles avec représentation obligatoire, des procédures écrites et du départage prud’homal, dont l’audience de plaidoirie est fixée entre le 16 mars et 24 juin 2020, seront traitées selon une procédure sans audience. Il est à noter que les avocats des parties ont disposé d’un délai de 15 jours pour s’opposer aux procédures sans audience, soit jusqu’au lundi 11 mai 2020. Si les parties ont exprimé leur accord, le dépôt des dossiers de plaidoirie ne fait l’objet d’aucun délai et la date de mise à disposition du jugement sera communiquée à réception de la totalité des parties. Il sera ainsi pertinent d’analyser la part des avocats ayant refusé, au nom de leur client, la procédure sans audience pour mesurer l’efficacité de cette mesure.  

 

2 – La reprise des audiences devant la Cour d’appel de Paris 

 

Devant la Cour d’appel de Paris, les dossiers avec ou sans représentation obligatoire, mais dans lesquels les parties sont représentées par un avocat, dont l’audience de plaidoirie est fixée entre le 16 mars et le 24 mai 2020, seront traités selon la procédure sans audience. Les dossiers sans représentation obligatoire dans lesquels les parties ne sont pas représentées par un avocat et dont les audiences sont fixées entre le 16 mars et le 24 mai 2020 sont renvoyés à partir du 28 septembre 2020. Comme les procédures sans audience menées par le Tribunal judiciaire de Paris, la tenue des procédures sans audience devant la Cour d’appel de Paris nécessite l’accord des parties qui devra être envoyé par tout moyen au président de la formation de jugement, à défaut de quoi le dossier sera renvoyé pour fixation : ainsi, la procédure sans audience ne pourra pas être mise en œuvre si au moins l’une des parties s’y oppose ou garde le silence.  

Concernant les dossiers dont les audiences de plaidoirie sont fixées à compter du 11 mai 2020, les avocats disposent d’un délai de 15 jours à compter de la réception de l’avis du président de la formation de jugement pour s’y opposer de manière expresse : dans ce cas, l’affaire sera renvoyée pour fixation. Si les avocats donnent leur accord, la date de mise à disposition de l’arrêt leur sera communiqué à réception de l’ensemble des dossiers de plaidoirie. En cas de silence des avocats, le dossier pourra être mis en délibéré sur la base de leurs dernières écritures au dossier.  

Néanmoins, si le délai de 15 jours n’expire pas avant la date de l’audience initialement fixée, les avocats peuvent donner leur accord exprès ou s’y opposer au plus tard à la date d’audience initialement fixée : en cas d’opposition, l’affaire sera renvoyée pour fixation. En cas de silence des avocats à la date de l’audience initialement prévue, le dossier sera renvoyé à une date postérieure à l’expiration du délai de 15 jours à compter de la réception de l’avis du Président de la formation de jugement. Si les avocats se maintiennent dans le silence jusqu’à l’expiration du délai de 15 jours suivant cet avis, le dossier sera susceptible d’être mis en délibéré sur la base des dernières écritures du dossier. 

Les modalités de la quarantaine et de l’isolement, validées avec réserve par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a considéré que les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement « constituent une privation de liberté » dès lors qu’elles prévoient une interdiction de toute sortie (§ 33). 

Cette privation de liberté est mise en balance avec « l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé », poursuivi dans le cas présent, puisque le but des mesures est « de prévenir la propagation de la maladie à l’origine de la catastrophe sanitaire » (§ 34). 

Il revient donc au législateur de veiller au bon équilibre entre la privation de liberté et la protection de la santé, en garantissant, notamment la parfaite proportionnalité des mesures. 

    

1 – Celles-ci sont garanties par le fait que les mesures ne peuvent être prononcées et mises en œuvre que dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 

Elles ne peuvent au surplus viser que les personnes ayant séjourné dans les zones de circulation de l’infection prédéfinies.  

Elles sont également prononcées par décision individuelle motivée du préfet sur proposition du DG de l’ARS. 

Les personnes concernées peuvent choisir le lieu pour effectuer leur quarantaine ou isolement. 

Il résulte de tout ce qui précède que « le législateur a fixé des conditions propres à assurer que ces mesures ne soient mises en œuvre que dans les cas où elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état des personnes affectées ou susceptibles d’être affectées par la maladie à l’origine de la catastrophe sanitaire » (§ 40).   

2 – Le Conseil a cependant introduit une réserve d’interprétation concernant le contrôle juridictionnel de ces mesures, considérant que l’intervention du juge judiciaire, circonscrite à celle du JLD qui peut contrôler la décision de poursuite de la quarantaine au-delà de quatorze jours sur saisine du préfet, est trop limitée.  

Partant, le juge constitutionnel a validé les nouvelles dispositions du cinquième alinéa du paragraphe II de l’article L. 3131-17 du Code de la santé publique, sous réserve que le prolongement de la quarantaine imposant à l’intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d’hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour ne peut intervenir sans l’autorisation du juge judiciaire. 

3 – C’est notamment parce qu’il n’est pas assorti d’un certain nombre de mesures rappelées ci-dessus, que le Conseil constitutionnel a sanctionné l’article 13 de la loi, qui proroge jusqu’au 1er juin le régime juridique actuel concernant les mises en quarantaine et le placement et maintien à l’isolement.  

Il considère notamment que ces dispositions, ne sont plus strictement proportionnées aux risques sanitaires et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Rappelons que le législateur n’avait assorti ces mesures d’aucune garanties relatives aux obligations pouvant être imposées aux personnes y étant soumises, à leur durée maximale et au contrôle de ces mesures par le juge judiciaire dans l’hypothèse où elles seraient privatives de liberté. 

Conditions sanitaires pour la réunion d’installation des conseils municipaux et des EPCI

L’avis du conseil scientifique sur la réunion d’installation des conseils municipaux et des EPCI mentionné par les dispositions de l’article 19, II, de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été transmis aux autorités nationales le 8 mai 2020 à 20H. Celui-ci indique les conditions sanitaires requises pour les conseils d’installation municipaux et les réunions des conseils communautaires, et ne concerne donc que la première réunion des conseils municipaux devant se tenir en présentiel en vue de l’élection des maires et des adjoints, ainsi que la première réunion des EPCI. 

Pour la réunion d’installation du conseil municipal élu au 1er tour au complet, qui se tient nécessairement en présentiel, le Conseil scientifique a identifié, pour ce qui le concerne, trois éléments du droit commun électoral susceptibles d’être adaptés : 

  • cette première réunion pourrait être organisée dans un autre lieu que la salle dédiée de la mairie si celle-ci est trop petite, par dérogation à l’article L. 2121-7 du Ccode général de collectivités territoriales (CGCT) ; 
  • pour limiter le nombre de personnes présentes au cours de la réunion, pourront être envisagés la possibilité du huis clos, la réévaluation du quorum nécessaire à la tenue d’une élection valable, l’extension de l’usage de la procuration et le temps de présence et de contact au cours de la réunion par une limitation de l’ordre du jour à la seule installation des Conseils municipaux ; 
  • le respect des règles sanitaires et des mesures barrières notamment lors du vote et du dépouillement. 

Pour la réunion d’installation de l’EPCI dont au moins une commune a été élue au 1er tour (quand bien même le droit applicable aux EPCI à fiscalité propre est celui du maintien en fonction du Président et des vice-présidents non réélus, de sorte qu’ils n’auraient pas à être réélus à cette occasion), les mêmes règles que celles qui seront prescrites pour les conseils municipaux devraient selon le conseil scientifique être transposées.  

Il a été tenu compte pour partie de ces recommandations dans une ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 visant à adapter le fonctionnement des institutions locales et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire dans le cadre de l’épidémie de covid-19 ; les dispositions à venir sur l’entrée en fonction des conseillers élus et leur installation pourraient prendre en compte d’autres de ces adaptations. 

Conformément aux dispositions du III de l’article 19 de la loi précitée, les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, « aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité de scientifiques. » Cet avis scientifique permet donc au Gouvernement de prendre, dès la mi-mai, le décret requis pour l’installation des conseils municipaux ; avant examen du sujet en conseil des ministres le 13 mai le 1er ministre a annoncé à l’occasion de la séance de questions au gouvernement de l’Assemblée nationale que le décret, qui serait publié le 15 mai, prévoira une entrée en fonction au 18 mai prochain. 

Pour rappel, selon les dispositions de l’article 19 de la loi précitée : 

  • « La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction » (article 19, III), soit une première réunion qui interviendrait entre le 23 et le 28 mai prochain ; 
  • pour les EPCI à fiscalité propre dont toutes les communes membres ont été élues au 1er tour (ce qui concernerait 153 intercommunalités[1]), « l’organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III » (article 19, VI). 

Pour les autres EPCI à fiscalité propre (et les EPT de la métropole du Grand Paris), c’est une période intermédiaire pendant laquelle siégera un conseil communautaire (ou de territoire) hybride (avec des  conseillers  élus  en  mars  2014  et  d’autres  en  mars 2020) qui s’ouvrira à compter du 18 mai, et ce jusqu’à « la première réunion de l’organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires, qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour » : la remise de l’avis scientifique est donc, à l’égard de ces derniers, significatif de la constitution prochaine d’un conseil hybride où siégeront les conseillers élus en 2020 entrés en fonction et ceux élus en 2014 et dont le mandat est maintenu jusqu’à la proclamation des résultats du second tour des élections, situation tout à fait inédite et qui soulève nombre de questions dans sa mise en œuvre. 

Dans les autres structures de coopération, en particulier les syndicats de communes et les syndicats mixtes, les représentants des communes et des EPCI élus au premier tour pourraient le cas échéant être désignés à l’occasion de cette séance d’installation. Cette entrée en fonction est susceptible d’entraîner des complexités dans l’organisation du syndicat, tant au regard de la composition du comité syndical que de son exécutif. Si l’article 19, X de loi précitée prévoit un maintien en fonction des membres des comités syndicaux jusqu’à la désignation de leurs remplaçants par l’organe délibérant des membres du syndicat, la question qui se pose est celle du moment où cette nouvelle désignation peut et doit avoir lieu : post second tour pour tout le monde ou impérativement post entrée en fonction des élus du premier tour ? Cette seconde hypothèse et les difficultés d’organisation qu’elle induit (en particulier en cas de perte de mandat de l’exécutif), pourraient être contournées pour partie si le deuxième tour avait bien lieu avant fin juin, compte tenu de la courte période d’applicabilité de ces règles ; mais elle serait plus problématique si le deuxième tour devait survenir dans plusieurs mois, étendant d’autant la période intermédiaire où siégeront des organes délibérants « hybrides ».  

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[1]http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/lois/MI_Covid19/Mission_suivi_urgence_Covid-19_Deuxieme_rapport_etape.pdf page 111 

ESSMS et responsabilité : la question de la valeur des « consignes », « recommandations » et autres « directives » émises par les autorités à destination des ESSMS à l’occasion de la crise sanitaire

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, les organismes gestionnaires d’ESSMS et les établissements eux-mêmes lorsqu’ils sont dotés de la personnalité morale ont vu se multiplier quantité de textes émanant de diverses autorités administratives (Ministère du Travail pour le secteur sanitaire et social, Ministère des Solidarités et de la Santé, ARS, ARS locales, Préfectures, Collectivités locales…).  

Ces textes prennent des formes diverses : « consignes », « recommandations », « lignes directrices », « guides », « informations », « fiches » ou encore « foires aux questions » (FAQ). On citera par exemples les FAQ « Consignes applicables dans les ESSMS PA/PH  – Gestion et Ressources Humaines » du 15 avril 2020 ou ses « lignes directrices relatives à l’organisation générale de l’offre de soins après déconfinement » du 6 mai 2020. 

A leur lecture, ces textes semblent plus avoir pour objet de guider, orienter, recommander les organismes gestionnaires et les établissements, que de leur imposer des directives de manière impérative. Ce sont d’ailleurs des textes rédigés par les services internes des administrations, non habilités à disposer d’un pouvoir normatif. Certains énoncent des indications qui peuvent varier d’une région à une autre. D’autres précisent expressément qu’il s’agit de recommandations qui ont été faites dans « l’état actuel des connaissances » et des « ressources disponibles » et qu’ils seront « susceptibles d’évoluer ». 

L‘enjeu, aujourd’hui, pour les ESSMS est de savoir quelle valeur et quel poids donner à ces textes dans leur organisation quotidienne mais aussi à l’égard d’une éventuelle mise en jeu de leur responsabilité.  

Face ce questionnement, il est possible d’isoler les circulaires et les directives. Si par principe, elles ne sont pas des actes règlementaires et contraignants, le juge administratif a pu considérer qu’une circulaire présentant un caractère impératif et général, et non pas seulement interprétatif, revêtait un caractère réglementaire. De même, les « directives » émanant des autorités peuvent revêtir un caractère règlementaire lorsqu’elles contiennent des dispositions impératives, ce qui n’est pas le cas lorsque la directive ne fait qu’énoncer des orientations.  

S’agissant des textes émis depuis le début de la crise, il faut donc se demander s’ils revêtent de telles caractéristiques et sont dès lors des actes règlementaires contraignants et impératifs et, dans la négative, comment ils doivent être suivis par les organismes gestionnaires et/ou établissement (avec quelle souplesse et quelle marge de manœuvre possibles). 

En l’absence de réponse claire à cette question, il convient dans l’immédiat de se reporter aux décisions rendues par les juridictions administratives et judiciaires des référés depuis le début de la crise. Pour l’heure, ces juridictions n’ont certes pas été amenées à se positionner sur ces questions, toutefois leur analyse permet d’appréhender le travail d’appréciation des juges et de voir comment, à l’occasion de ce travail d’appréciation, ils ont été amenés à tenir compte de ces textes. Dans un second temps, il faudra tenir compte de la position retenue par les juges du fond et aussi du Conseil d’état s’il est saisi de la question normative de ces textes qui, depuis le début de la crise, ont certes accompagné les organismes gestionnaires et les établissements mais ont aussi souvent été source de confusion et de pression.