le 14/05/2020

ESSMS et responsabilité : la question de la valeur des « consignes », « recommandations » et autres « directives » émises par les autorités à destination des ESSMS à l’occasion de la crise sanitaire

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, les organismes gestionnaires d’ESSMS et les établissements eux-mêmes lorsqu’ils sont dotés de la personnalité morale ont vu se multiplier quantité de textes émanant de diverses autorités administratives (Ministère du Travail pour le secteur sanitaire et social, Ministère des Solidarités et de la Santé, ARS, ARS locales, Préfectures, Collectivités locales…).  

Ces textes prennent des formes diverses : « consignes », « recommandations », « lignes directrices », « guides », « informations », « fiches » ou encore « foires aux questions » (FAQ). On citera par exemples les FAQ « Consignes applicables dans les ESSMS PA/PH  – Gestion et Ressources Humaines » du 15 avril 2020 ou ses « lignes directrices relatives à l’organisation générale de l’offre de soins après déconfinement » du 6 mai 2020. 

A leur lecture, ces textes semblent plus avoir pour objet de guider, orienter, recommander les organismes gestionnaires et les établissements, que de leur imposer des directives de manière impérative. Ce sont d’ailleurs des textes rédigés par les services internes des administrations, non habilités à disposer d’un pouvoir normatif. Certains énoncent des indications qui peuvent varier d’une région à une autre. D’autres précisent expressément qu’il s’agit de recommandations qui ont été faites dans « l’état actuel des connaissances » et des « ressources disponibles » et qu’ils seront « susceptibles d’évoluer ». 

L‘enjeu, aujourd’hui, pour les ESSMS est de savoir quelle valeur et quel poids donner à ces textes dans leur organisation quotidienne mais aussi à l’égard d’une éventuelle mise en jeu de leur responsabilité.  

Face ce questionnement, il est possible d’isoler les circulaires et les directives. Si par principe, elles ne sont pas des actes règlementaires et contraignants, le juge administratif a pu considérer qu’une circulaire présentant un caractère impératif et général, et non pas seulement interprétatif, revêtait un caractère réglementaire. De même, les « directives » émanant des autorités peuvent revêtir un caractère règlementaire lorsqu’elles contiennent des dispositions impératives, ce qui n’est pas le cas lorsque la directive ne fait qu’énoncer des orientations.  

S’agissant des textes émis depuis le début de la crise, il faut donc se demander s’ils revêtent de telles caractéristiques et sont dès lors des actes règlementaires contraignants et impératifs et, dans la négative, comment ils doivent être suivis par les organismes gestionnaires et/ou établissement (avec quelle souplesse et quelle marge de manœuvre possibles). 

En l’absence de réponse claire à cette question, il convient dans l’immédiat de se reporter aux décisions rendues par les juridictions administratives et judiciaires des référés depuis le début de la crise. Pour l’heure, ces juridictions n’ont certes pas été amenées à se positionner sur ces questions, toutefois leur analyse permet d’appréhender le travail d’appréciation des juges et de voir comment, à l’occasion de ce travail d’appréciation, ils ont été amenés à tenir compte de ces textes. Dans un second temps, il faudra tenir compte de la position retenue par les juges du fond et aussi du Conseil d’état s’il est saisi de la question normative de ces textes qui, depuis le début de la crise, ont certes accompagné les organismes gestionnaires et les établissements mais ont aussi souvent été source de confusion et de pression.