le 28/05/2020

Conseil d’Etat : rejet pour défaut d’urgence des demandes de suspension de mesures fixant les distances minimales d’épandage de pesticides à proximité des habitations

CE, 15 mai 2020, Collectif des maires antipesticides, n° 440346

CE, 15 mai 2020, Association Générations futures et a., n° 440211 

 

Le 15 mai 2020, le Conseil d’État a rendu deux ordonnances portant sur les référés-suspension introduits, d’une part, par le Collectif des maires anti-pesticides et, d’autre part, par diverses associations de protection de l’environnement et des consommateurs. Par ces ordonnances, le Conseil d’État a rejeté les demandes formulées par les requérantes, qui sollicitaient la suspension du décret du 27 décembre 2019 et de l’arrêté du même jour fixant les distances minimales d’épandage à proximité des habitations (I) et de divers instruments permettant de procéder à un épandage selon des distances minimales réduites avant que le projet de charte d’engagement ne soit approuvé par le Préfet (II).  

  

Pour mémoire, en application du décret du 27 décembre 2019, les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques élaborent des chartes d’engagement définissant notamment des mesures de protection des personnes résidant à proximité des zones d’épandage de ces produits. Les projets de charte sont soumis à une procédure de concertation publique et à l’approbation du Préfet.    

  

I – Demande de suspension du décret et de l’arrêté du 27 décembre 2019 fixant les distances minimales de sécurité pour l’épandage de pesticides à proximité des habitations  
 

Le collectif des maires anti-pesticides sollicitait à nouveau la suspension du décret du 27 décembre 2019 et de l’arrêté du même jour fixant les distances minimales de sécurité pour les épandages réalisés à proximité des habitations. C’est en effet la seconde fois que ce collectif formule cette demande auprès du Conseil d’État, qui avait rejeté leur recours par une ordonnance du 14 février 2020 pour défaut d’urgence.   

Dans cette affaire, la requérante soutenait que l’urgence à agir était désormais caractérisée, notamment en raison des mesures adoptées lors de la crise sanitaire du covid-19 contraignant les personnes à rester chez elles durant les périodes d’épandage des pesticides et alors que la pollution de l’air liée à ces épandages s’est révélée être un facteur aggravant les effets du covid-19. Selon la requérante, ces risques sont d’autant plus accentués que le Ministère de l’agriculture a, par une annonce commentée infra, autorisé des réductions des distances minimales de sécurité alors même que les chartes d’engagement des utilisateurs n’auraient pas été approuvées par le Préfet et que les concertations avec le public n’auraient pas encore eu lieu.   

Le Conseil d’État a cependant jugé que les nouvelles études produites par la requérante « ne portent pas sur la question spécifique des effets à court et moyen termes de l’épandage de pesticides à des fins agricoles sur la santé des habitants des zones situées à proximité ». Par suite, selon la juridiction, elles ne remettent pas en cause l’avis rendu le 4 juin 2019 par l’ANSES, lequel préconisait les distances minimales de sécurité finalement retenues par les décisions contestées. Le Conseil d’État considère ainsi que la condition d’urgence n’est toujours pas caractérisée et rejette le recours du Collectif.  

  

II – Demande de suspension des mesures permettant de procéder à un épandage selon des distances minimales réduites avant l’approbation du projet de charte d’engagement par le préfet 

 

Plusieurs associations de protection de l’environnement et des consommateurs ont demandé au Conseil d’État la suspension de divers instruments, présentés ci-après, qui prévoient la possibilité d’appliquer les distances minimales de sécurité réduites pour les épandages de pesticides à proximité des habitations avant que les chartes d’engagement prévues par le décret du 27 décembre 2019 et énonçant ces mesures ne soient approuvées par le Préfet. Il s’agit :   

  • De l’instruction technique DGAL/SDQSPV/2020-87 du 3 février 2020, laquelle prévoit que, sous certaines conditions et jusqu’au 30 juin 2020, les utilisateurs puissent appliquer les distances minimales réduites sans attendre l’approbation de la charte par le préfet dès lors que ce projet est soumis à une procédure de;concertation publique ;   
     
  • Du communiqué de presse « Distances de sécurité pour les traitements phytopharmaceutiques à proximité des habitations », publié le 30 mars 2020 et de la note « Eléments de mise en œuvre », dans sa version du 30 mars 2020. Ces deux instruments du Ministère de l’agriculture autorisent l’application des distances minimales réduites sans attendre l’approbation de la charte par le Préfet ni la soumission à la procédure de concertation publique.   
     

Les associations requérantes soutiennent que, en raison notamment des effets aggravants de la crise sanitaire actuelle tels qu’exposés ci-dessus, l’urgence à suspendre ces mesures est caractérisée.   

Concernant la demande de suspension de l’instruction technique, le Conseil d’État relève que les distances minimales en cause sont conformes à l’avis de l’ANSES susmentionné. Il considère en outre que, dès lors que le projet de charte est effectivement soumis à la procédure de concertation publique, l’application de la charte avant approbation du préfet « n’a ni pour objet ni pour effet de priver les populations concernées de l’information à laquelle elles ont droit sur l’existence et le contenu d’un projet de charte ni du bénéfice d’une concertation effective avant l’approbation du projet de charte par le préfet ». Cette mesure ne serait également pas de nature à présenter un risque imminent pour la santé. La condition d’urgence n’est dès lors pas remplie selon le Conseil d’État.   

S’agissant de la demande de suspension du communiqué de presse et de la note du Ministère de l’agriculture, le Conseil d’État relève que, selon une « foire aux questions » publiée sur le site du Ministère, les procédures de concertation publique peuvent reprendre dès la levée du confinement le 11 mai 2020. La dérogation introduite par ces instruments n’est donc plus applicable et le Conseil d’État considère qu’il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande de suspension.