Droit pénal de l’environnement : dissuasion, répression et indemnisation

Article publié dans les cahiers juridiques de La Gazette N° 234 • Février 2021

 

La préoccupation écologique est aujourd’hui centrale dans le débat public et marque donc naturellement de son empreinte, les politiques publiques menées par les Collectivités dans leurs territoires.

Le droit pénal de l’environnement peut constituer dans ce cadre un outil efficace, en appui de la mise en œuvre de leurs pouvoirs de police administrative spéciale en matière environnementale.

L’infraction criminelle d’écocide n’est en l’état pas intégrée dans l’arsenal juridique, mais l’utilisation du droit pénal comme outil de protection de l’environnement est désormais, non seulement admise, mais effective.

Le 29 janvier 2020, la Garde des Sceaux a déposé au Conseil des ministres un projet de loi intitulé « Une justice pour l’environnement », proposant notamment la création de juridictions spécialisées et un accroissement de la réponse pénale par la mise en place d’une convention judiciaire environnementale qui permettrait la mise en œuvre de mécanismes de compensation ou de réparation[1].

Le droit pénal de l’environnement présente ainsi à n’en pas douter un effet répressif et poursuit à ce titre un objectif de prophylaxie, tout autant qu’une logique réparatrice qui est au cœur du mécanisme répressif mis en place.

 

Application des principes directeurs de droit pénal

Principe de légalité – A l’instar de toute action répressive et conformément au principe de légalité, un manquement aux règles environnementales ne peut être poursuivi que si un texte le prévoit expressément[2]. Il n’est toutefois pas rare en la matière que les textes, supports des infractions, définissent les comportements prohibés par renvoi à d’autres dispositions réglementaires (décrets, arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux) ; ce qui sur le plan constitutionnel ne pose pas de difficultés[3]. Cette technique du renvoi rend toutefois plus difficilement prévisible les comportements répréhensifs.

Responsabilité personnelle – « Nul n’est responsable que de son propre fait »[4]. Le Code de l’environnement identifie les auteurs des infractions prévues, selon le domaine régi (ICPE, eau, déchets, etc).

 

Les infractions au droit de l’environnement

 

La nature des infractions

Le Code de l’environnement contient plusieurs dispositions répressives en matière de réglementation notamment sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), la gestion de l’eau, des déchets etc.

Infractions à la réglementation sur les ICPE – Le Code de l’environnement sanctionne l’exercice sans droit d’une activité réglementée, savoir le fait d’exploiter une installation sans l’autorisation ou l’enregistrement requis[5] mais également le fait d’exploiter une installation soumise à autorisation sans satisfaire aux règles générales et prescriptions techniques[6].

En matière de déchets – L’article L. 541-46 I- 4° du Code de l’environnement réprime le fait d’« abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires aux dispositions » législatives et réglementaires « des déchets » ; il peut s’agir de déchets industriels – inertes ou dangereux – mais également d’ordures ménagères entreposées au mépris des règles de collecte fixées sur le territoire d’une Commune.

En matière de gestion de l’eau – L’article L. 216-6 du Code de l’environnement[7] est le fondement légal le plus usité pour les atteintes à l’eau. Cette disposition réprime à la fois le rejet dans l’eau de substances nuisibles, mais aussi l’abandon des déchets dans l’eau. Ont ainsi été reconnus coupables de ce délit l’exploitant d’une station de traitement des eaux pour le rejet de boues noirâtres[8] ou encore le directeur d’une usine pour avoir déversé accidentellement de l’ammoniac en eau douce ayant entrainé une destruction piscicole[9].

Une contravention de portée générale – En sus de ces dispositions spécifiques, le Code pénal contient un article R. 610-5 qui réprime, au titre d’une contravention de 1ère classe, toute « violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police ». Ainsi et en dépit d’exemples illustratifs, il ne peut être exclu que la méconnaissance d’arrêtés relevant des pouvoirs du Maire en matière de salubrité publique puisse relever de ces dispositions[10].

 

La typologie dominante des infractions

Infractions formelles – Si toutes les infractions au Code de l’environnement n’excluent pas l’effectivité d’un dommage écologique, il est à noter que plusieurs dispositions sanctionnent un comportement, indépendamment de toute atteinte effective à l’environnement. A titre d’exemple, l’abandon de déchets sur un terrain[11] est répréhensible, en dehors de tout caractère incommodant qui en résulterait pour autrui.

Infractions non intentionnelles – L’article 121-3 du Code pénal précise qu’ « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». En matière environnementale, toutes les infractions ne sont pas subordonnées à la démonstration d’une volonté de l’auteur des faits de porter atteinte à l’environnement. Tel est le cas notamment du délit de pollution des eaux résultant de l’article L. 216-6 du Code de l’environnement[12] qui requiert une imprudence, susceptible d’être démontrée par le simple fait pour l’auteur d’avoir conscience que son activité pouvait produire le résultat dommageable.

Infractions attitrées – Là encore, si tous les comportements infractionnels ne sont pas concernés, il est à relever qu’une majorité des délits environnementaux ne peuvent être reprochés qu’à des personnes – morales ou physiques – définies par les dispositions législatives et réglementaires. Ainsi, en matière de gestion des déchets, l’article L. 541-48 du Code de l’environnement précise explicitement que ces infractions ne peuvent être reprochées qu’« à tous ceux qui, chargés à un titre quelconque de la direction, de la gestion ou de l’administration de toute entreprise ou établissement, ont sciemment laissé méconnaître par toute personne relevant de leur autorité ou de leur contrôle les dispositions mentionnées audit article ».

 

Les particularismes en matière procédurale

Sur la recherche et la constatation des infractions – Pour chacun des domaines protégés, le Code de l’environnement définit la procédure de constatation et liste les agents compétents pour procéder aux recherches et constatations des infractions. L’article L. 172-1 du Code de l’environnement désigne à ce titre trois catégories de personnes habilitées à chercher et constater des atteintes environnementales : les officiers et agents de police judiciaire, les agents publics spécialement habilités et, à titre principal, les enquêteurs de l’Office français de la Biodiversité[13]. Les agents de cet Office revêtent une double casquette, étant, en sus de l’aspect judiciaire, chargés des opérations administratives de contrôle[14].

Sur la possibilité de transiger – L’article L. 173-12 du Code de l’environnement prévoit la possibilité pour l’autorité administrative – tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement – de transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite des contraventions et délits prévus par le Code de l’environnement. Cette procédure qui est soumise à une homologation du Procureur de la République, a été avalisée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 septembre 2014[15]. Le contenu de cette transaction – qui entraine l’extinction de l’action publique – est déterminé « en fonction des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges »[16]. La Circulaire du 21 avril 2015 relative aux orientations de politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement précise, toutefois, que le recours à la transaction pénale « doit être réservé aux infractions de faible gravité et exclu lorsque les faits […] ont causé des dommages importants à l’environnement ou à des victimes. […]. Il doit être écarté lorsque des victimes ont porté plainte et ont demandé réparation d’un préjudice ».

 

Une action à visée réparatrice

Exclusion de l’aspect indemnitaire en cas de recours à une transaction – Si les victimes des infractions environnementales sont informées, en considération de l’article 40-2 du Code de procédure pénale – du recours à la procédure transactionnelle, elles ne sont toutefois pas admises à y exercer l’action civile. Le Conseil constitutionnel estime toutefois que cette seule information est de nature à préserver leur droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, celles-ci pouvant « agir pour demander la réparation de leur préjudice devant les juridictions civiles ainsi que, dans le délai de la prescription de l’action publique, devant les juridictions répressives »[17].

 

Les titulaires de l’action civile

L’article 2 du Code de procédure pénale permet à « tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction » d’engager l’action civile. La victime d’une infraction environnementale – personne physique ou morale, de droit privé ou public – peut ainsi saisir les juridictions pénales afin d’obtenir la réparation de son dommage, à condition qu’elle puisse invoquer un préjudice direct et personnel et qu’il soit en lien direct avec les faits poursuivis. Des difficultés peuvent toutefois se poser lorsque les intérêts protégés par des personnes morales qui exercent l’action civile se confondent avec l’intérêt collectif défendu par le Parquet de la République. En outre, le lien entre le fait générateur et le dommage causé pouvant être ténu et donc difficile à démontrer, l’article L. 142-3 du Code de l’environnement prévoit la possibilité pour une association agréée de mener une action en représentation conjointe « de personnes physiques ayant subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d’une même personne et qui ont une origine commune ».

Droit dévolu aux associations agréées de protection de l’environnement – La loi habilite certaines associations de protection de l’environnement – notamment celles agréées mentionnées à l’article L.141-1 du Code de l’environnement – à exercer les droits reconnus à la partie civile dès lors que les faits causent « un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre »[18].

Action ouverte aux personnes publiques – Le droit de se constituer partie civile est également reconnu aux personnes morales de droit public aux termes de l’article L. 142-4 du Code de l’environnement qui prévoit que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement ainsi qu’aux textes pris pour leur application ». Ce droit est également dévolu à certaines personnes morales de droit public spécifiques, dès lors qu’elles sont intervenues matériellement ou financièrement dans les incidents causés à l’environnement. L’article L. 211-5 du Code de l’environnement prévoit que « sans préjudice de l’indemnisation des autres dommages subis, les personnes morales de droit public intervenues matériellement ou financièrement ont droit au remboursement, par la ou les personnes à qui incombe la responsabilité de l’incident ou de l’accident, des frais exposés par elles. A ce titre, elles peuvent se constituer partie civile devant les juridictions pénales saisies de poursuites consécutives à l’incident ou à l’accident ». Les Groupements de Collectivités, à l’instar des Syndicats mixtes dotés notamment d’une compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) seraient donc recevables à solliciter une réparation de leur préjudice en cas par exemple de pollution de points d’eaux dont ils ont la gestion. En effet, dans son jugement du 16 janvier 2008 dans l’affaire du naufrage de l’Erika[19], le Tribunal de grande instance de PARIS a considéré que les collectivités locales qui peuvent demander la réparation d’une atteinte à l’environnement sont celles qui reçoivent de la loi une compétence spéciale en matière d’environnement leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion ou la conservation d’un territoire.

 

Les chefs de préjudices susceptibles d’être réparés

L’article 3 du Code de procédure pénale dispose que les parties civiles peuvent solliciter la réparation de « tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite ».

Un préjudice matériel – Une partie civile peut solliciter la réparation d’un préjudice matériel au titre par exemple des frais engagés pour constater ou faire cesser la pollution.

Un préjudice moral – La jurisprudence admet que les personnes morales – dont bien évidemment les Collectivités et les associations agréées – sont recevables à solliciter un préjudice moral[20]. Dans un arrêt du 20 février 2001, la Chambre criminelle a ainsi retenu un préjudice moral lié à l’atteinte aux efforts déployés par des associations de protection des eaux pour faire respecter la réglementation en cours[21].

Un préjudice écologique – Au-delà de l’indemnisation des préjudices classiques (matériel, financier, moral), les victimes d’infractions environnementales peuvent prétendre à la réparation d’un préjudice écologique que la Cour de cassation a défini, dans l’affaire du naufrage de l’Erika comme « l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction »[22].

 

 

[1] http://www.justice.gouv.fr/publications-10047/rapports-thematiques-10049/une-nouvelle-justice-pour-lenvironnement-32905.html ;

[2] Article 111-3 du Code pénal ;

[3] CC 10 nov. 1982, DC n°82-145 ;

[4] Article 121-1 du Code pénal ;

[5] Articles L.173-1 et suivants du Code de l’environnement – A titre d’exemple, Crim. 16 juin 2009, n° 08-87.911 : une société d’exploitation de carrières et son directeur ont été condamnés pour avoir exploité sans autorisation une installation classée pour la protection de l’environnement pour avoir dépassé la production annuelle autorisée par arrêté préfectoral, pour une carrière à ciel ouvert de calcaire ;

[6] Article R.514-4 du Code de l’environnement ;

[7] « le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L.218-73 et L.432-2, ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation en eau ou des limitations d’usage des zones de baignade »;

[8] Crim. 16 janv. 2007, n°03-86.502 ;

[9] CA Toulouse 30 juill. 2008, AZF ;

[10] Crim. 14 mars 1989, n°87-91.686, Bull. crim. n°127 : Ces dispositions ont « pour objet de sanctionner la méconnaissance des décrets et arrêtés légalement faits destinés à assurer le maintien de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon l’origine des pouvoirs de police en vertu desquels ils ont été pris » – Voir aussi Crim. 25 avril 2001, n°00-86.992, Bull. crim. n°102 ;

[11] Article L.546-1 du Code de l’environnement ;

[12] « le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L. 218-73  et L. 432-2 , ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation en eau ou des limitations d’usage des zones de baignade » – A titre d’exemple, Crim. 7 oct. 2008, n° 08-81.176, NP : un propriétaire foncier a été condamné pour avoir réalisé des plans d’eau successifs sur sa parcelle en détournant le cours d’un ruisseau sans demande d’autorisation de travaux ;

[13] Article L.557-59 : les agents des douanes – Article L.596-24 : les inspecteurs de la sureté nucléaire ;

[14] Articles L.171-1 à L.171-5 du Code de l’environnement ;

[15] CC 26 septembre 2014, n°2014-416, QPC ;

[16] Article L.173-12 III du Code de l’environnement ;

[17] CC 26 septembre 2014, n°2014-416, QPC, §10 ;

[18] Article L. 142-2, al. 1 du Code de l’environnement;

[19] TGI Paris 16 janvier 2008, n°9934895010 – CA Paris 30 mars 2010, n°08/02278 ;

[20] Crim. 14 mars 2007, n° 06-81010, NP ;

[21] Crim. 20 février 2001, n°00-82.655, NP ;

[22] Crim. 25 sept. 2012, n°10-82.938, Bull. crim. n°198 ; 

Sortie du statut de déchet : adaptation des instruments règlementaires

Arrêté du 1er avril 2021 modifiant l’arrêté du 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité mentionné à l’article D. 541-12-14 du code de l’environnement

 

Deux instruments règlementaires du 1er avril 2021 ont précisé les nouvelles conditions de sortie du statut de déchet, lesquelles avaient été modifiées par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC.

En effet, initialement, en application de l’article L. 541-4-3 du Code de l’environnement, plusieurs conditions devaient être réunies pour qu’un déchet perde cette qualité et redevienne un produit :

  • il doit avoir été traité par une ICPE ou une IOTA ;
  • il doit avoir subi une opération de valorisation ;
  • il doit répondre à certains critères cumulatifs fixés par le ministre chargé de l’environnement, relatifs notamment à son absence d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine, ou encore au respect par l’objet ou la substance de la législation et des normes applicables aux produits.

L’article 115 de la AGEC a supprimé la condition relative au traitement du déchet par une ICPE ou une IOTA.

Les deux instruments du 1er avril 2021 modifient ainsi la partie règlementaire du Code de l’environnement relative à cette problématique, laquelle figure aux articles D. 541-12-4 et suivants de ce Code, et l’arrêté du 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité mentionné à l’article D. 541-12-14 du code de l’environnement, permettant d’assurer une cohérence avec les dispositions législatives.

Ainsi, le terme d’« exploitant » d’une ICPE ou IOTA est remplacé par la notion de « producteur ou détenteur des déchets ». Désormais, sous réserve de remplir les autres conditions de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, c’est donc tout producteur ou détenteur de déchets qui pourra demander au ministre chargé de l’environnement que soient fixés les critères permettant que les déchets qu’il produit ou détient cessent d’avoir le statut de déchets.

Le décret du 1er avril 2021 précise que ces critères de sortie du statut de déchet seront fixés par le ministre chargé de l’environnement et que ces critères incluront des exigences relatives aux déchets autorisés utilisés en tant qu’intrants pour l’opération de valorisation, aux procédés et techniques de traitement autorisés, aux critères de qualité applicables aux matières issues de l’opération de valorisation, aux exigences pour les systèmes de gestion ainsi qu’à l’exigence d’une attestation de conformité.

Le décret du 1er avril 2021 énonce également que les critères de sortie du statut de déchets peuvent également inclure un contrôle par un tiers, le cas échéant accrédité, et le ministre chargé de l’environnement pourra fixer par arrêté les critères de ce contrôle (relatifs à la fréquence des contrôles, aux procédures, procédés et objets du contrôle ainsi qu’aux modalités d’échantillonnage et de conservation des échantillons).

L’arrêté du 1er avril 2021 fixe quant à lui notamment les modalités du contrôle par un tiers des producteurs ou détenteurs de déchets dangereux, de terres excavées ou de sédiments qui mettent en œuvre une opération de valorisation de ceux-ci.

Cet arrêté définit également le tiers comme, « aux fins du présent arrêté, (…) une personne impartiale et objective dans l’exercice de son activité, indépendante notamment de la personne réalisant l’opération de valorisation du déchet (…) ».

Pesticides : l’application du principe de participation du public à l’élaboration des chartes d’engagement induit une inconstitutionnalité du texte en vigueur

Aux termes de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), des mesures doivent être mises en œuvre pour protéger les riverains lorsque des produits phytopharmaceutiques sont utilisés à proximité des habitations. A cet égard, il est notamment prévu qu’une charte d’engagement à l’échelle départementale devant formaliser les mesures de protection des personnes habitant à proximité des zones d’épandage soit mise en place, les utilisateurs des produits phytopharmaceutiques s’engageant alors à respecter dite charte. L’article L. 253-8 du CRPM énonce que cette charte doit être élaborée « après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique ».

Par une décision QPC du 19 mars 2021, le Conseil constitutionnel a été amené à examiner la constitutionnalité de ce dispositif, et plus particulièrement des termes précités « après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique » avec le principe de participation du public consacré à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Le juge relève tout d’abord que ces chartes doivent être approuvées par l’autorité administrative, ce qui en fait des décisions publiques, et qu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement. Dès lors, ces Chartes doivent respecter les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement en matière de participation du public.

Le Conseil constitutionnel énonce alors que le dispositif de participation du public prévu pour les chartes d’engagement est insuffisamment encadré par le législateur. En effet, celui-ci a seulement prévu que la participation devait se dérouler à l’échelle départementale, « sans définir aucune autre des conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit de participation du public » (§13). En outre, le texte prévoyait la possibilité que les seuls représentants des personnes vivant à proximité des zones d’épandage soient consultés, ce qui « ne satisfait pas les exigences d’une participation de « toute personne » qu’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement » (§13).

Ce dispositif a donc été déclaré contraire aux normes constitutionnelles.

RE2020 : les contours de la future règlementation environnementale des bâtiments neufs

Les projets de décret et d’arrêtés relatifs à la RE2020 ont été publiés et sont soumis à la consultation du public depuis le 23 mars 2021[1].

Leur objet est de définir les exigences en matière de performance énergétique et environnementale qui s’imposeront à la construction de bâtiments d’habitation en France métropolitaine, ainsi que la méthode de calcul permettant de la qualifier. Ils fixent également le cadre des exigences qui seront applicables pour les bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire.

Ce premier corpus de texte devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2022 et remplacera – pour partie dans un premier temps – les dispositions issues de la RT2012 au sein du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Il sera complété par d’autres textes qui fixeront notamment les exigences relatives aux constructions de bâtiments à usage tertiaire.

Un label associé à la RE2020 est également en cours d’élaboration par le Plan Bâtiment Durable.

Il est proposé ci-après un premier aperçu du projet de RE2020.

 

1. Sobriété énergétique et utilisation d’énergies moins carbonées

Pour tendre vers plus de sobriété, le projet de RE2020 entend renforcer, par rapport à la RT2012, l’exigence portant sur le besoin bioclimatique, ou Bbio.

Cet indicateur traduit le besoin en énergie d’un bâtiment (chauffage, éclairage artificiel et refroidissement du bâtiment) pour rester à une température confortable, en fonction de la qualité de son isolation et de sa conception générale.

Il est calculé au niveau du bâtiment sur la base d’un calcul annuel (mode de calcul Th-B) dans lequel les équipements énergétiques sont absents, ceci afin de mesurer l’efficacité énergétique propre du bâti. Seront donc prises en compte la conception architecturale du bâti (implantation, forme, aires et orientation des baies, accès à l’éclairage naturel des locaux…), les caractéristiques de l’enveloppe en termes d’isolation, de transmission solaire, de transmission lumineuse, d’ouverture des baies et d’étanchéité à l’air ainsi que les caractéristiques d’inertie du bâti[2].

À ce titre, le projet prévoit d’abaisser le seuil maximal imposé par la RT2012 en matière de besoin bioclimatique des logements de 30 % en moyenne. Par ailleurs, il prend en compte pour la première fois le besoin de froid, ou Bbio froid, du bâtiment.

Ces nouvelles exigences visent à permettre aux futurs occupants de constructions neuves de bénéficier de bâtiments mieux conçus et mieux isolés. 

En ce qui concerne les énergies fossiles, le projet fixe des seuils maximaux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) des consommations d’énergie.

Ces seuils sont les suivants :

  • pour les maisons individuelles, 4 kgCO2/m2/an en principe dès l’entrée en vigueur de la RE2020 (ce seuil exclura de fait les systèmes utilisant exclusivement du gaz) ;
  • pour les logements collectifs, 14 kgCO2/an/m2 dès l’entrée en vigueur de la RE2020 pour les logements collectifs (laissant la possibilité d’installer du chauffage au gaz à condition que les logements soient très performants énergétiquement) ; puis 6,5 kgCO2/m2/an dès 2025 pour les logements collectifs (excluant de fait le chauffage exclusivement au gaz).

L’objectif poursuivi par l’instauration des seuils précités est de mettre un terme progressif à l’utilisation des énergies fossiles au sein des bâtiments neufs et parallèlement de favoriser les solutions alternatives : pompe à chaleur, réseau de chaleur, biomasse, solaire, thermique.

En outre, et pour empêcher un retour massif du radiateur électrique, le projet de décret prévoit de modifier l’article R. 111-20-3 du CCH afin d’imposer que la consommation d’énergie primaire non renouvelable d’un bâtiment soit inférieure ou égale à une consommation d’énergie primaire non renouvelable maximale fixée par arrêté[3].

 

2. Diminution de l’impact carbone de la construction des bâtiments

Dans le prolongement de l’expérimentation nationale Énergie positive / Réduction carbone, ou E+/C-, menée depuis 2016, le projet intègre un calcul de l’analyse en cycle de vie (ACV) de l’impact carbone de l’ensemble des matériaux et équipements du bâtiment, assorti de seuils maximaux (en kgCO2/m2) à respecter.

Il s’agit là de mesurer l’ensemble des impacts sur l’environnement que les composants du bâtiment sont susceptibles de générer. L’article R. 111-20-3 du CCH tel que modifié par le projet de décret vise en effet l’impact sur le changement climatique lié « aux composants du bâtiment, à leur transport, leur installation et l’ensemble du chantier de construction, leur utilisation à l’exclusion des besoins en énergie et en eau de la phase d’exploitation du bâtiment, leur maintenance, leur réparation, leur remplacement et leur fin de vie ».

L’évaluation en cycle de vie de l’impact de l’acte de construire sur le réchauffement climatique prendra également en compte la phase du chantier de construction (consommations d’énergie des engins de chantier et des bases de vie notamment).

De même, sera prise en compte la propension d’un matériau à stocker durablement le carbone. En effet, l’article R. 111-20-3 du CCH tel que modifié prévoit que l’analyse en cycle de vie du bâtiment « prend en compte le stockage, pendant la vie du bâtiment, de carbone issu de l’atmosphère ainsi que les charges et bénéfices liés à la valorisation des composants en fin de vie ». Cette analyse en cycle de vie est qualifiée de dynamique (ACV dynamique)[4].

Certains matériaux tels que le bois ou d’autres matériaux biosourcés possèdent en effet une importante capacité de stockage du carbone. Ce faisant, les émissions de GES qu’ils émettent le sont plus tardivement et de façon plus inconséquente que d’autres matériaux (béton, acier…).

Outre les matériaux biosourcés, la nouvelle approche en cycle de vie devrait encourager le recours aux matériaux géosourcés (pierre de taille, terre crue…), notamment car ces solutions mobilisent peu d’étapes de transformation émettrices de CO2 et présentent par ailleurs de forts taux de réemploi ou de recyclage.

Elle devrait aussi inciter à plus de mixité dans les constructions et matériaux (constructions mêlant bois et béton par exemple ou matériaux eux-mêmes mixtes comme les bétons végétaux).

Les exigences en matière d’impacts carbone de la construction des bâtiments seront progressives et différenciées selon la typologie de bâtiment (individuel ou collectif), l’enjeu central de la première phase (2022-2025) étant l’appropriation par l’ensemble de la filière constructive de la méthode d’analyse en cycle de vie.

Grâce aux mesures ci-dessus présentées, le Gouvernement entend diminuer les émissions de GES du secteur de la construction d’au moins 30 % d’ici 2031 (les émissions de GES des secteurs tertiaire et résidentiel représentant environ un quart des émissions de GES nationales) en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

 

3. Amélioration du confort d’été

Faisant le constat que nombre de bâtiments construits selon la RT2012 s’avèrent inconfortables en cas de fortes chaleurs et que le réchauffement climatique va intensifier le nombre d’épisodes caniculaires, le Gouvernement a souhaité faire de l’amélioration du confort d’été un élément central de la nouvelle réglementation.

Dans le cadre de la RE2020[5], un nouvel indicateur de confort d’été a donc été introduit. Il s’agit d’un indice exprimé sous forme de degrés-heures, ou DH, correspondant au nombre d’heures dans l’année durant lesquelles le bâtiment dépasserait le seuil de 28°C le jour (26°C la nuit), multiplié par la différence entre la température simulée et l’écart avec ces limites.

Le projet de décret modifie ainsi l’article R. 111-20-3 du CCH pour y ajouter un alinéa prévoyant que « le nombre de degrés-heures d’inconfort estival est inférieur ou égal à un nombre de degrés-heures d’inconfort estival maximal »[6].

Le projet fixe par principe un seuil haut maximal de 1250 DH qu’il sera interdit de dépasser (ce qui correspond à une période de 25 jours durant laquelle le logement serait continument à 30°C le jour et 28°C la nuit), mais également un seuil bas à 350 DH à partir duquel des pénalités forfaitaires s’appliqueront dans le calcul de la performance énergétique.

La réglementation entend globalement encourager l’émergence de solutions de climatisations passives au travers de la forme du bâtiment, de son orientation, de sa protection contre le soleil, de l’installation de brasseurs d’air ou encore de puits climatiques.

Un contrôle systématique par un tiers de la qualité et du bon fonctionnement de la ventilation à la réception des travaux sera par ailleurs instauré afin d’améliorer le traitement de la qualité de l’air intérieur et de la ventilation.

 

Christophe FARINEAU et Marine CORBIERE

 

[1] Lien vers les projets : http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projets-de-decret-et-arretes-relatifs-aux-a2330.html.

[2] Annexe I : Règles générales pour le calcul de la performance énergétique et environnementale, page 89.

[3] Projet de décret relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine, page 4.

[4] L’article R. 111-20-3-7° du CCH prévoit par ailleurs que : « La quantité de carbone issu de l’atmosphère et stocké dans le bâtiment est calculée à titre informatif ».

[5] La RE2020 intégrera par ailleurs le besoin de froid dans le calcul du besoin énergétique du bâtiment (cf. supra).

[6] Projet de décret précité, page 4.

La stratégie pour le développement de l’hydrogène se poursuit à l’échelle nationale et européenne

Plusieurs points méritent d’être observés ce mois-ci dans le sens du développement de l’hydrogène en France et en Europe.

Une première réunion du Conseil National de l’hydrogène :

Comme nous l’indiquions dans notre lettre d’actualité juridique du mois de février, disponible ici[1], plusieurs membres du Gouvernement ont annoncé, le 11 janvier dernier, l’installation d’un Conseil National de l’Hydrogène (CNH) afin d’assurer la mise en œuvre effective de la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarbonné en France[2].

Et, le 25 février dernier, le CNH s’est réuni pour la premier fois à Albi, pour réaliser un premier bilan de la mise en œuvre de la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarbonné et ainsi constater que la France figure parmi les pays les plus en pointe en la matière aux côtés de l’Allemagne, la Chine, la Corée ainsi que le Japon, selon des critères d’évaluation tels que développement de la production de l’hydrogène renouvelable et bas carbone, la définition d’objectifs clairs, les moyens financiers mis en œuvre ou encore les adaptations des réglementations réalisées.

Ainsi, le CNH constate que la France :

  • jouit d’une forte dynamique industrielle, avec d’importants soutiens financiers apportés à de nombreux projets à venir d’intégration de la technologie hydrogène à travers la production d’électrolyseurs, la décarbonation de l’industrie lourde comme la production des équipements pour la mobilité ;
  • maîtrise ou disposera rapidement de toutes les technologies critiques nécessaires à sa souveraineté pour un passage rapide à l’échelle industrielle ;
  • développe des formations au sein de la filière hydrogène ;
  • assure un suivi régulier de la mise en œuvre de la stratégie hydrogène, avec une prochaine réunion du CNH prévue d’ici cet été.

La consultation de la Commission européenne pour intégrer les objectifs européens en matière d’hydrogène dans la directive et le règlement européens relatifs au marché du gaz :

Le 8 juillet 2020 et, dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe[3], la Commission européenne présentait ses stratégies pour le système énergétique de l’avenir et pour l’hydrogène propre ainsi qu’une l’alliance européenne pour l’hydrogène propre[4].

En matière d’hydrogène, cette stratégie, fondée sur une transition progressive vers l’hydrogène renouvelable, est abordée selon les étapes chronologiques suivantes :

  • de 2020 à 2024, soutien de la Commission dans l’installation d’une capacité d’au moins 6 gigawatts d’électrolyseurs pour la production d’hydrogène renouvelable dans l’Union Européenne, avec l’objectif de produire jusqu’à un million de tonnes d’hydrogène renouvelable ;
  • de 2025 à 2030, inscription de l’hydrogène comme partie intégrante de notre système énergétique, avec une capacité d’au moins 40 gigawatts d’électrolyseurs pour la production d’hydrogène renouvelable et une production allant jusqu’à dix millions de tonnes d’hydrogène renouvelable dans l’Union Européenne ;
  • de 2030 à 2050, maturité des technologies utilisant l’hydrogène renouvelable pour être déployées à grande échelle dans tous les secteurs difficiles à décarboner.

Afin de mettre en cohérence ces objectifs, ainsi que plus globalement ceux du Pacte vert européen, et le cadre juridique entourant le marché du gaz, la Commission européenne prépare un réexamen et une révision de la directive[5] ainsi que du règlement[6] du 13 juillet 2009 relatifs au gaz.

Dans ce cadre, la Commission européenne organise, du 26 mars au 18 juin 2021, une consultation afin de recueillir l’avis des parties prenantes sur la manière dont cette directive ainsi que ce règlement devraient être révisés afin de favoriser l’adoption de l’hydrogène et de gaz renouvelables à faibles émissions de carbone, tout en garantissant un marché intérieur du gaz intégré, liquide et interopérable dans l’UE.

 

 

[1] https://www.seban-associes.avocat.fr/installation-dun-conseil-national-de-lhydrogene/

Communiqué de presse : 

[2]La présentation de la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France est disponible sur ce lien

[3] Pour plus d’informations sur le Pacte Vert pour l’Europe : https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr

[4] Pour plus d’information sur les stratégies de la Commission européenne pour le système énergétique de l’avenir et pour l’hydrogène propre ainsi que l’alliance européenne pour l’hydrogène propre: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_1259

[5] Directive 2009/73 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE et modifiée par la directive 2019/692 du Parlement Européen et du conseil du 17 avril 2019.

[6] Règlement (CE) n°715/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) n° 1775/2005

 

Arrêtés modifiant les modalités d’application du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE)

Arrêté du 11 mars 2021 modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie

 

Par deux arrêtés des 11 et 25 mars 2021, les modalités d’application du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) ont été modifiées.

Le premier arrêté, du 11 mars 2021, vient modifier l’arrêté du 29 décembre 2014[1] comme suit :

  •  Il redéfinit, à compter du 1er avril 2021, les seuils de revenus des ménages en situation de précarité énergétique auxquels le dispositif est ouvert : seuls les ménages anciennement considérés en situation de grande précarité énergétique sont désormais bénéficiaires des CEE « précarité énergétique » ;

 

  •  Il crée, à compter du 1er avril 2021, une catégorie de ménages modestes bénéficiant des bonifications des Coups de pouce « Chauffage », « Isolation » et « Rénovation performante d’une maison individuelle » ;

 

  •  Il modifie les critères requis pour la bonification du volume de CEE attribué à l’opération standardisée de rénovation globale d’une maison individuelle en France métropolitaine (BAR-TH-164) dans le cadre du Coup de pouce « Rénovation performante d’une maison individuelle » et à l’opération standardisée de rénovation globale d’un bâtiment résidentiel en France métropolitaine (BAR-TH-145) dans le cadre du Coup de pouce « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif»;

 

  •  Il apporte des précisions, dans les chartes Coup de pouce « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » et « Rénovation performante d’une maison individuelle », s’agissant des conditions de réalisation de la visite du bâtiment pour la réalisation de l’étude énergétique et le contenu des contrôles, et il ajoute une condition visant à assurer l’impartialité des organismes de contrôle. A ce titre, il indique que les contrôles incluent la vérification de l’adéquation du contenu de l’audit énergétique aux dispositions réglementaires applicables et qu’un organisme de contrôle ne peut effectuer le contrôle d’une opération pour laquelle il a, le cas échéant, réalisé l’audit énergétique.

 

Afin de mettre en cohérence les éléments relatifs aux revenus des bénéficiaires avec les modifications concernant les ménages en situation de précarité énergétique et les ménages modestes opérées par cet arrêté du 11 mars 2021, le second arrêté commenté, en date du 25 mars 2021, vient :

  •   Modifier les annexes 5, 7 et 7-1 de l’arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur, pour introduire les modifications concernant les ménages en situation de précarité énergétique et les ménages modestes ;

 

  • -Compléter le III de l’article 3-1 de l’arrêté du 29 décembre 2014 par des dispositions concernant les ménages modestes.

 

[1] Arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie.

Avis favorable de la CRE sur le projet de décret relatif à la réduction du tarif d’utilisation du réseau public de transport d’électricité accordée aux sites fortement consommateurs d’électricité

Pour rappel, l’article L. 341-4-2 du Code de l’énergie prévoit une réduction sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité de tension Haute Tension B (HTB), dits TURPE HTB, pour les sites fortement consommateurs d’électricité qui présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique.

A ce titre, les critères d’éligibilité, tenant notamment au caractère électro-intensif des sites, ainsi que les modalités de calcul de cette réduction, font l’objet de dispositions réglementaires codifiées aux articles D. 341-8-1 à D.341-12-1 du Code de l’énergie.

Toutefois, le ministre de la transition écologique a saisi, le 10 mars 2021, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, la CRE) d’un projet de décret venant modifier le dispositif en vigueur.

Ce projet de décret introduit les modifications suivantes, successivement analysées par la CRE dans la délibération ici commentée : 

  •  la suppression des critères liés au caractère électro-intensif des sites parmi les différents critères d’éligibilité au dispositif : ces critères sont remplacés dans le projet de décret par les catégories « profil stable », « profil anticyclique », « grand consommateur d’électricité » et « sites permettant le stockage de l’énergie », en fonction de l’électricité annuelle soutirée sur le réseau de transport d’électricité et du taux d’utilisation annuelle du réseau en heures creuses ; la CRE voit dans cette évolution une meilleurs lisibilité du dispositif ;

 

  •  la révision des modalités de calcul du taux de réduction du TURPE Transport, qui reposera sur les coûts d’une ligne directe[1] moyennés par catégorie : la CRE estime sur ce point que, comparés aux taux de réduction du dispositif en vigueur, les nouveaux taux de réduction proposés seront mieux justifiés en s’alignant sur des coûts de réseau ;

 

  •  l’introduction d’un plancher de facture : un site éligible ne pourra ainsi bénéficier de la réduction de taux qu’à la condition que le montant résiduel de TURPE Transport à lui appliquer couvre les coûts de réseau qui lui sont directement imputables ; par comparaison avec le dispositif actuellement en vigueur, la CRE voit également dans cette nouvelle condition appliquée site par site une amélioration ;

 

  •  l’introduction d’une possibilité de faire évoluer les taux de réduction à chaque révision quadriennale du TURPE : selon la CRE, l’introduction de cette possibilité améliore le maintien dans la durée de taux de réduction adaptés aux évolutions du système électrique sans pour autant dégrader fortement la prévisibilité du dispositif pour les sites éligibles ;

 

  •  la généralisation à l’ensemble des sites de l’assujettissement à l’élaboration d’un plan de performance énergétique, à l’exception des sites de stockage : la CRE constate avec satisfaction que la généralisation de cette condition a vocation à encourager la participation des sites fortement consommateurs à l’effort de sobriété, qui est une des composantes majeures de la transition énergétique.

 

En somme, la CRE rend un avis favorable sur l’ensemble des modifications apportées par ce projet de décret.

Elle constate toutefois qu’il implique la baisse des taux de réduction pour certains industriels alors- même qu’ils sont fortement soumis à la concurrence internationale.

 

 

[1] La ligne directe ici évoquée est l’ouvrage fictif qui relierait le site de consommation à la production suffisante la plus proche et qui serait dimensionné à une puissance suffisante, en supposant que le réseau public de transport n’existerait pas.

Contrôle de CRE par la Cour des comptes : une fonction de régulation à repenser ?

La réponse apportée par la Commission de régulation de l’énergie en date du 11 février 2021

La réponse apportée par le Premier Ministre au référé de la Cour des comptes

 

Par un référé en date du 15 janvier 2021, et au terme du contrôle des comptes et de la gestion de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, la CRE) pour les exercices 2013 à 2019, le Premier Président de la Cour des comptes a appelé l’attention du Premier Ministre sur trois points qui révéleraient, selon la Cour, « des risques liés à la latitude et à la marge d’interprétation laissées à cette autorité administrative indépendante ».

Dans ce référé, la Cour des comptes pointe notamment du doigt la gestion du dossier dit du « commissionnement », mis en place parallèlement à l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie par la loi n°2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie.

Ce dossier concernait le dispositif du « contrat unique » par lequel le gestionnaire de réseau rémunère le fournisseur d’énergie au titre des frais de gestion de clientèle, gestion assurée pour le compte du fournisseur et qui a donné lieu à de nombreux contentieux. La CRE relève que ce dispositif a été mis en place aux dépens des intérêts du consommateur (qui se voit par ailleurs facturer un tarif d’utilisateur du réseau) à une époque où la loi n’avait pas précisé les conséquences de la mise en place du contrat unique pour les relations, notamment financières, entre le fournisseur et le gestionnaire du réseau de distribution (GRD).

Sur ce point, la Cour des comptes reproche à la CRE d’avoir validé, en sa qualité de régulateur, la rémunération des prestations de gestion clientèle sans transparence et « dans des conditions hasardeuses ».

A l’issue de ce contrôle, la Cour des comptes formule 3 recommandations :

 

I. Tout d’abord, en conséquence de la gestion ci-dessus critiquée, la Cour recommande de préciser dans la loi que les contrats d’accès au réseau conclus selon un modèle approuvé par la CRE régissent exclusivement les relations financières entre les gestionnaires des réseaux de distribution et les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel.

 

Sur ce point, le Président de la CRE a indiqué que cette recommandation n’appelait pas de suites dans la mesure où les dispositions législatives ainsi que les décisions du Conseil d’Etat permettent d’ores et déjà d’y répondre. Le Président de la CRE s’est ainsi montré opposé à toute réforme du mécanisme de rémunération des fournisseurs mis en place depuis 2018 et en particulier à son éventuelle suppression, estimant qu’une telle suppression ouvrirait la voie à de nouveaux contentieux aux enjeux financiers considérables et à d’éventuels effets d’aubaine si des fournisseurs parvenaient à faire invalider le nouveau cadre juridique mis en place.

 

II. Ensuite, après avoir constaté l’« élargissement progressif du champ d’intervention de la CRE au-delà de ses missions prévues par la loi », notamment s’agissant de « l’activité de coopération avec les gouvernements étrangers » et de l’« important effort de prospective allant au-delà de la réflexion stratégique et technique nécessaire pour un régulateur »,la Cour des comptes propose de « nommer un commissaire du Gouvernement auprès de la CRE ou, à défaut, proposer la suppression de l’article L. 133-4 du code de l’énergie »[1].

 

La Cour des comptes suggère ainsi une adaptation de la gouvernance de la CRE pour permettre de mieux garantir le respect par elle de son périmètre de compétences.

La CRE considère ainsi que l’intervention d’un représentant de l’Etat aurait pu éviter que la CRE ne s’engage seule dans le dossier de « commissionnement » précité et, selon la Cour des Comptes, d’une manière inadéquate et au-delà de ses prérogatives.

Pour le Président de la CRE, cette faculté irait à rencontre de l’ensemble des prescriptions européennes en matière d’indépendance des régulateurs. La CRE renvoie sur ce point aux très récentes décisions et prises de position juridictionnelles sur les garanties d’indépendance du régulateur, y compris vis-à-vis de toute entité publique, pour l’exercice des missions qui lui sont confiées, et notamment l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 3 décembre 2020 (affaire 0-767/19) condamnant la Belgique pour non-respect des obligations qui lui incombent en vertu des directives 2009/72/CE et 2009/73/CE, ou encore les conclusions de l’avocat général Monsieur PITRUZELLA dans l’affaire opposant la Commission européenne à la République Fédérale d’Allemagne (affaire c-718/18).

 

III. A défaut de nomination d’un commissaire du gouvernement, la Cour des comptes suggère de renforcer la transparence des débats au sein du collège de la CRE, en autorisant la publication d’opinions dissidentes par les commissaires, annexées aux délibérations du collège de la CRE.

 

Selon le Président de la CRE, cette recommandation méconnaît, quant à elle, des dispositions nationales s’appliquant, bien au-delà de la CRE, à l’ensemble des autorités administratives indépendantes (AAI) et autorités publiques indépendantes (API). Elle irait à rencontre de l’article 9 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des AAI et des API, qui interdit aux membres de ces autorités de prendre, à titre personnel, une position publique qui pourrait être préjudiciable au bon fonctionnement de l’autorité. Elle s’opposerait également au secret des délibérés.

Enfin, selon le Président de la CRE, la mise en œuvre d’une telle recommandation s’accompagnerait de risques contentieux accrus, dès lors qu’elle poserait des difficultés en termes de lisibilité de la norme, en complexifiant des délibérations qui permettent d’ores et déjà, par leur motivation et leur transparence, d’exposer et de prendre en compte l’intégralité des positions exprimées par les acteurs.

Les suites qui seront, ou non, données par la CRE à ce référé de la Cour des Comptes seront intéressantes à observer, tant pour l’heure chacun campe sur ses positions.

 

 

[1] Article L.133-4 du Code de l’énergie : « Un commissaire du Gouvernement auprès de la Commission de régulation de l’énergie, nommé par le ministre chargé de l’énergie, fait connaître les analyses du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne la politique énergétique. Il ne peut être simultanément commissaire du Gouvernement auprès de Engie et des filiales issues de la séparation juridique des activités de GDF-Suez prévue aux articles L. 111-7 et L. 111-57 ni chargé de suivre la gestion d’Electricité de France. Il se retire lors des délibérations de la commission.

Il peut demander l’inscription à l’ordre du jour de la commission toute question intéressant la politique énergétique ou la sécurité et la sûreté des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité ou la sécurité et la sûreté des ouvrages de transport, de distribution ou de stockage de gaz naturel et des installations de gaz naturel liquéfié ».

 

Point d’étape sur la fin partielle des tarifs réglementés de vente d’électricité et à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz naturel

Décret n° 2021-273 du 11 mars 2021 relatif à la fourniture de gaz naturel et d’électricité

 

Par une délibération du 18 mars 2021, la CRE a fait le point sur le déroulé des échéances relatives à la fin partielle des tarifs réglementés de vente d’électricité et à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz naturel.

Il faut rappeler à cet égard que les échéances sont les suivantes pour les tarifs réglementés de vente de gaz naturel :

  • depuis le 1er décembre 2020, ces tarifs sont supprimés pour les consommateurs finals non domestiques, à l’exception des propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation consommant moins de 150 MWh/an et des syndicats des copropriétaires d’un tel immeuble ;
  • ces tarifs sont supprimés pour les consommateurs finals domestiques à partir du 1er juillet 2023.

Et, concernant les tarifs règlement de vente d’électricité (TRVE), ils ont été supprimés le 1er  janvier 2021 pour les entreprises et professionnels ayant une puissance de compteur inférieure ou égale à 36 kVA, à l’exception des microentreprises.

Dans sa délibération, la CRE relève que la suppression partielle des TRVE au 1er janvier 2021 a permis un développement important de la concurrence sur le territoire du principal fournisseur des TRVE, EDF.

Parmi les consommateurs qui ont librement souscrit une offre de marché, les fournisseurs alternatifs ont capté 47 % des sites, soit 308 000 sites. La CRE se félicite ainsi de cette progression de la concurrence, qui montre que le marché de l’électricité français est dynamique et que l’ensemble des consommateurs concernés ont eu accès à un large éventail d’offres.

En revanche, il ressort de l’analyse effectuée par la CRE que sur le territoire des entreprises locales de distribution (ELD), l’échéance du 1er janvier 2021 s’est déroulée en l’absence quasi totale de choix pour les consommateurs. La CRE regrette que cette échéance n’ait pas permis l’émergence de la concurrence sur ces territoires où les consommateurs professionnels concernés ne disposaient pas toujours d’offres des fournisseurs alternatifs
nécessaires pour pouvoir exercer leur liberté de choisir leur offre de fourniture.

La CRE relève que la crise sanitaire a probablement été, et continue d’être, un frein à la proactivité des consommateurs pour souscrire une offre de marché.

Concernant les tarifs réglementés de vente de gaz naturel, la CRE relève que le rythme de sortie actuel de ces tarifs est trop lent et qu’à ce rythme, il resterait 1,9 millions de clients domestiques au 30 juin 2023. La CRE va donc essayer d’identifier les mesures nécessaires pour accélérer ce rythme de façon à atteindre les objectifs fixés par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (loi Energie Climat).

En parallèle de ce point d’étape effectué par la CRE, un décret relatif à la fourniture d’électricité et de gaz naturel est intervenu le 11 mars dernier en application de la loi Energie Climat afin de préciser les modalités de désignation et de recours aux fournisseurs de secours en électricité ainsi qu’en gaz et aux fournisseurs de dernier recours de gaz naturel.

S’agissant de la fourniture de secours d’abord, le décret prévoit une procédure d’appel à candidatures auquel peut recourir le Ministre chargé de l’énergie préalablement à la désignation par le Ministre, par arrêté, d’un fournisseur de secours par zone de desserte et par segment de clientèle.

On retiendra également que le fournisseur de secours (en électricité comme en gaz naturel) est celui qui se substitue au fournisseur défaillant dans ses relations avec les clients de ce dernier et avec les gestionnaires de réseaux, à compter de la date de retrait ou de suspension de l’autorisation du fournisseur défaillant. Il est nommé pour une durée de cinq ans. Il assure la fourniture des clients de tout fournisseur dont l’autorisation a été retirée ou suspendue durant cette période et jusqu’au terme de son contrat.

S’agissant ensuite de la fourniture de dernier recours en gaz naturel, le décret organise également une procédure d’appel à candidatures qui doit aboutir à la désignation d’un fournisseur par zone de desserte pour une durée de cinq ans.

La souscription d’un contrat de fourniture de dernier recours se fait sur simple déclaration sur l’honneur du client, par écrit ou par oral, afin d’attester ne pas être parvenu à souscrire de contrat de fourniture de gaz naturel en offre de marché. Le client pourra résilier son contrat de fourniture de dernier recours sans frais à tout moment, et sans indemnité.

Enfin, le décret ici commenté vient préciser les exigences prévues par la loi dans le cadre des autorisations de fourniture en électricité et en gaz naturel, ainsi que les obligations qui incombent aux fournisseurs, notamment en matière d’information des clients. Il ajuste par ailleurs certaines dispositions relatives aux tarifs réglementés de vente de l’électricité (suppression de l’annualité de l’arrêté pris pour application de l’article R. 337-20-1 du Code de l’énergie), à l’information des clients sur l’origine de l’électricité fournie, à la disponibilité du comparateur du médiateur national de l’énergie. Il précise également le champ de l’évaluation des prix et des marges des fournisseurs, prévue par la loi Energie Climat.

Projet énergétiques innovants : expérimentations autorisées par la Commission de régulation de l’énergie

Créé par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, le dispositif dit « bac à sable règlementaire » autorise la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, la CRE) (ou l’autorité administrative) à accorder, sous certaines conditions, des dérogations aux conditions d’utilisation et d’accès aux réseaux d’électricité et de gaz pour faciliter la réalisation de projets innovants.

Le 15 septembre dernier, la CRE avait clôturé le guichet de candidatures dans le cadre duquel les porteurs de projets avaient déposé leurs demandes de dérogation. 41 dossiers avaient alors été déposés, portant sur des thématiques aussi variées que les gaz renouvelables, le stockage d’électricité, les véhicules électriques, le raccordement aux réseaux ou encore l’autoconsommation (voir notre article dans une précédente LAJEE).

Après analyse de leur éligibilité, 19 dossiers répondaient aux critères d’éligibilité, en raison, notamment, du caractère innovant des projets portés et de l’identification effective de freins réglementaires à leur développement. Ces projets ont ensuite fait l’objet d’une analyse approfondie de la part de la CRE et de la Direction Générale de l’Energie et du Climat (ci-après la DGEC), selon leurs compétences respectives.

C’est à la suite de cette analyse que la CRE a finalement retenu 9 projets énergétiques innovants, deux d’entre eux étant portés par des collectivités locales (la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées et Perpignan Méditerranée Communauté Urbaine).

Les projets sélectionnés concernent, pour 7 d’entre eux, des dispositifs d’expérimentation réglementaire visant à injecter du gaz de synthèse produit dans le réseau public de distribution de gaz naturel.

Dans le cadre de ces 7 projets, la CRE demande à GRDF d’adapter ses contrats de raccordement et d’injection afin de prendre en compte les spécificités du méthane de synthèse (modalités de contrôle de la qualité du gaz, éventuels coûts d’adaptation des réseaux publics liés à la présence d’hydrogène dans le gaz injecté, etc) et de proposer à l’autorité concédante de la zone de desserte concernée d’une évolution du contrat de concession visant à autoriser la société GRDF à raccorder les sites de production de méthane de synthèse aux réseaux publics qu’elle exploite.

Chaque porteur de ces 7 projets devrait transmettre annuellement un bilan d‘avancement de l’expérimentation intégrant des indicateurs de suivi communiqués par la CRE.

Les dérogations ont été accordées par la CRE pour une durée de 4 ans à partir de la date de dépôt de la demande d’étude détaillée auprès de GRDF, ou à défaut au plus tard le 31 décembre 2021

La CRE précise dans sa délibération les dérogations accordées et les conditions dans lesquelles l’expérimentation se déroulera. Lorsque la dérogation à accorder ne relève pas exclusivement de ses compétences (mais par exemple de celle des gestionnaires des réseau publics de distribution d’électricité ou de gaz), la CRE informe ces autres personnes compétentes des dérogations accordées.

Les 2 autres projets  sélectionnés par la CRE concernent celui porté par la société EDF SA d’une part, qui  a pour objet de permettre à un stockage de fournir plusieurs services auprès de différentes agrégateurs, et celui porté par la société Engie d’autre part, qui souhaite pouvoir expérimenter une option tarifaire d’acheminement permettant d’inciter les consommateurs raccordés en basse tension avec une puissance inférieure ou égale à 36 kVa (BT ≤ 36 kVa) à exploiter leur potentiel de flexibilité en réduisant ou en reportant leurs soutirages pendant les jours de pointe sur le réseau avec un délai de prévenance à J-1. Il s’agit ainsi de tester, pour les clients raccordés en BT ≤ 36 kVa une option du TURPE à « pointe mobile », similaire à celle qui existe déjà pour les clients raccordés en moyenne tension (HTA).

Droit à l’injection du biométhane dans les réseaux de gaz naturel : bilan positif de la CRE

Le droit dont bénéficient les producteurs de biogaz d’injecter le biométhane qu’ils produisent dans les réseaux de gaz naturel a été consacré par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi « EGALIM »).

Dans un rapport publié le 30 mars dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, la CRE) dresse un premier bilan positif de ce nouveau dispositif.

Pour mémoire, ce droit à l’injection, consacré pour encourager et faciliter le déploiement de ce nouveau gaz vert (d’origine décarbonée, à la différence du gaz naturel d’origine fossile), met à la charge des gestionnaires de réseaux, et non plus des producteurs, les travaux de renforcements nécessaires à l’injection de biométhane produit localement, sous réserve du respect d’un principe d’efficacité économique.

Le coût des renforcements nécessaires à l’injection de biométhane est mutualisé dans les tarifs d’accès des tiers aux réseaux de distribution et de transport de gaz (ci-après, ATRD et ATRT), sous réserve du respect d’un critère technico-économique, alors qu’initialement les renforcements étaient à la charge des producteurs.

Dans ce contexte, la CRE a notamment pour mission la validation des zonages de raccordement, qui permettent de définir le réseau le plus pertinent pour le raccordement des installations de production de biogaz, ainsi que les conditions de son injection (voir nos commentaires dans les Lettres d’actualités juridiques des mois d’octobre et novembre 2020).

Depuis l’été 2020, la CRE a délibéré à cinq reprises, validant au total 216 zonages qui couvrent 44 % du territoire national. La capacité d’accueil du réseau a ainsi été multipliée par 6 et à terme, plus de 1 000 projets produisant en tout 28 TWh de biométhane pourraient se concrétiser sur ces zones.

La CRE souligne que ce chiffre est supérieur à l’objectif posé par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie qui repose sur une production de biométhane de 14 à 22 TWh à l’horizon 2028.

Le montant prévisionnel des investissements dans les réseaux de transport et de distribution de gaz pour ces 216 zonages s’élève à 440 M€ que la CRE valide au fur et à mesure en fonction du rythme des demandes de raccordement des installations de production de biométhane. Ainsi, elle a déjà validé 132 M€ d’investissements associés au développement du biométhane, dont 96 M€ sur le réseau exploité par GRDF.

Le document publié par la CRE détaille en outre la typologie des projets, leur localisation géographique ou encore la répartition territoriale du potentiel de production de biométhane.

Nouvelles précisions jurisprudentielles sur la légalité des dispositions des règlements de voirie relatives aux conditions d’occupation de la voirie par les ouvrages de réseaux

Dans une décision du 11 mars dernier, la Cour administrative d’appel de Lyon a eu l’occasion d’apporter de nouvelles précisions concernant l’application des dispositions des règlements de voirie aux gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité, notamment.

La société Enedis avait formé un recours, gracieux puis contentieux, à l’encontre de plusieurs dispositions du règlement de voirie approuvé par la commune de Saint Etienne. Le tribunal administratif n’avait accueilli sa demande que s’agissant de l’un des articles dudit règlement. La société Enedis avait interjeté appel de ce jugement.

Après avoir rappelé le principe général selon lequel, d’une part, « le droit d’occupation du domaine public routier reconnu à la société ERDF, devenue société Enedis, en sa qualité de concessionnaire d’un réseau d’électricité ne peut s’exercer que dans les conditions prévues par les règlements de voirie » et, d’autre part, que « les autorités compétentes peuvent, par la voie de ces règlements, subordonner l’exercice de ce droit particulier d’occupation aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elles ont la charge et en garantir un usage adapté à sa destination », la Cour administrative d’appel de Lyon examine les différents moyens soulevés par la société requérante.

Dans sa décision la Cour confirme la légalité de dispositions du règlement de voirie :

  • réglementant le positionnement des réseaux dans le but « de prévenir le décompactage des chaussées », lesquelles dispositions sont justifiées par « la nécessité d’assurer la protection et la conservation du domaine public routier » ;
  • imposant aux opérateurs un délai maximal de dix jours pour procéder à la réfection provisoire des revêtements pour les espaces publics prioritaires, la Cour rappelant que la personne publique peut en outre librement fixer les délais d’intervention des opérations de réfection ;
  • prévoyant, pour des chantiers particuliers, des sujétions techniques adaptées et précisées par le règlement ayant pour finalité unique de garantir l’intégrité et la fonctionnalité du domaine public routier. Ces dispositions n’imposant pas, par elles même, aux occupants du domaine public des sujétions excessives qui ne seraient pas justifiées par la protection de ce domaine.

En revanche, la Cour administrative d’appel de Lyon censure une disposition du règlement de voirie de la commune qui imposait des obligations de nettoyage et d’entretien des « émergences » implantées par l’occupant sur le domaine public routier communal, c’est à dire des armoires, des coffrets ou encore cabines…. La Cour juge en effet que « ces dispositions, qui concernent les ouvrages propres des opérateurs de réseau qui ne sont pas des ouvrages accessoires du domaine public routier, sont étrangères à la préservation du domaine public routier ».

Proposition de loi sur l’hydroélectricité

Plusieurs sénateurs ont déposé le 25 mars dernier une proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique.

Les auteurs de la proposition soulignent en effet que la valorisation de l’hydroélectricité s’avère essentielle dans le but de diversifier le mix énergétique et atteindre l’objectif neutralité carbone à l’horizon 2050. Ils relèvent également que l’hydroélectricité constitue « une source d’énergie modulable et stockable, qui contribue à garantir l’équilibre entre la production et la consommation d’électricité et à renforcer la flexibilité et la sécurité du système électrique ». Ils rappellent enfin que les ouvrages hydroélectriques ne contribuent pas seulement à la production d’électricité, mais également à d’autres usages « tels que l’alimentation en eau potable, l’irrigation des terres agricoles ou la navigation marchande ou récréative ».

 

Cette proposition de loi traite de plusieurs volets concernant l’hydroélectricité. Ainsi, il est notamment proposé par ce projet :

  • de compléter l’objectif de la politique énergétique nationale mentionné à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie s’agissant de l’hydroélectricité, en prévoyant qu’en 2028, les capacités installées de production d’électricité d’origine hydraulique doivent atteindre au moins 27,5 gigawatts, dont un quart serait issu de la petite hydroélectricité, c’est-à-dire les installations dont la puissance est inférieure à 4,5 mégawatts (art. 1er) ;

 

  • de confier au législateur la fixation des objectifs de capacités de production pour les installations hydrauliques concédées et autorisées, ainsi que de stockage par des stations de transfert d’électricité par pompage (art. 2) ;

 

  • de modifier l’article L. 141-2 du Code de l’énergie définissant les différents volets de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie de manière à y mentionner désormais explicitement l’hydroélectricité (art. 3) ;

 

  • de renforcer l’information du Parlement sur la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de l’hydroélectricité (art. 4) ;

 

  • de simplifier un certain nombre de normes applicables à l’hydroélectricité, jugées trop complexes à mettre en œuvre, en :

 

    • facilitant les augmentations de puissance pour les installations hydrauliques autorisées, en leur permettant d’augmenter de 25 % leur puissance maximale brute, y compris au-delà de 4,5 MW, sans pour autant basculer dans le régime de la concession conclue avec l’Etat (art. 6) ;
    • proposant l’édiction par le pouvoir réglementaire d’un modèle national pour les règlements d’eau afférents aux installations hydrauliques autorisées et concédées, afin d’éviter une hétérogénéité des pratiques (art. 7) ;
    • appliquant le principe selon lequel « silence vaut acceptation », au-delà d’un délai de deux mois, à plusieurs procédures liées aux installations hydrauliques (art. 8) ;

 

  • enfin, de renforcer les incitations fiscales en matière d’hydroélectricité (art. 12 à 17).

 

Une première séance de discussion publique est prévue le 13 avril prochain au Sénat.

Protection sociale complémentaire des fonctionnaires : réforme de la participation employeur

Annoncée par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, et notamment son article 40, habilitant le gouvernement à adopter par voie d’ordonnance des mesures visant à redéfinir la participation des employeurs publics au financement des garanties de protection sociale complémentaire de leurs personnels, l’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique a été publiée au Journal officiel le 18 février dernier.

Elle redéfinit la participation des employeurs publics au financement des garanties de protection sociale complémentaire de leurs agents ainsi que les conditions d’adhésion ou de souscription de ces derniers, afin de favoriser leur couverture sociale complémentaire, en introduisant notamment une obligation de participation de l’employeur public au financement de la protection sociale de ses agents, auparavant facultative.

Pour mémoire, la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique avait d’abord crée l’article 22 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui prévoyait que les employeurs mentionnés à l’article 2 de cette loi pouvaient « contribuer au financement des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles les agents […] souscrivent ».

Pour l’application de cet article, le décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents fixait alors notamment le cadre juridique permettant aux collectivités et à leurs établissements publics de financer la protection sociale complémentaire de leurs agents, de deux manières :

  • La convention de participation, par laquelle les employeurs concluent une convention d’une durée de six ans (avec une mutuelle, une assurance ou une institution de prévoyance après mise en concurrence), l’offre retenue étant alors proposée à l’adhésion individuelle et facultative des agents de la collectivité.
  • La labellisation, dispositif par lequel les agents restent libres d’adhérer à une mutuelle, à une assurance ou à une institution de prévoyance de leur choix selon les contrats labellisés auprès de l’autorité de contrôle prudentiel et ouvrant alors droit à la participation financière de l’employeur.

En outre, le texte distinguait deux types de protection sociale complémentaire (PSC), l’une couvrant les risques « santé » et l’autre couvrant les risques « prévoyance ».

Mais il ne s’agissait jusqu’alors que d’une possibilité pour les employeurs publics, de sorte qu’en 2019 seulement 56% des collectivités, et surtout les plus importantes, avaient mis en place un dispositif de participation.

Outre l’obligation de participation désormais contenue dans l’ordonnance du 17 février, voici ce qu’il faut retenir de celle-ci (I). Se pose notamment la question de savoir si le dispositif est aligné à celui du secteur privé (II) et, naturellement, celle des délais d’application (III).

 

I.- Les points à retenir

 

Premièrement, l’apport majeur de cette ordonnance est donc l’introduction d’une obligation de participation des employeurs publics à hauteur d’au moins 50 % du financement nécessaire à la couverture minimale prévue par les dispositions du II. de l’article L. 911-7 du Code de la sécurité sociale, qui concernent :

  • 1° La participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations des organismes de sécurité sociale, prévue au I de l’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires ;
  • 2° Le forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale ;
  • 3° Les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d’orthopédie dentofaciale et pour certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement ».

Il s’agit de la couverture des risques « santé ».

Deuxièmement, l’ordonnance prévoit la possibilité pour les employeurs de participer au financement de la protection sociale complémentaire en matière de « prévoyance », qui concerne les risques d’incapacité de travail, d’invalidité, d’inaptitude ou de décès.

Il ne s’agit pour ce second volet que d’une faculté, comme dans le texte précédent, mais néanmoins l’ordonnance – parue le même jour que celle sur les accords collectifs – prévoit une nouveauté, à savoir justement qu’un accord collectif négocié selon les termes de l’ordonnance n° 2021-174 peut prévoir :

  • Une obligation de participation de l’employeur public au financement de la protection sociale complémentaire « prévoyance » ;
  • Une obligation de souscription des agents publics à tout ou partie des garanties que ce contrat collectif ou à ce règlement collectif comporte.

S’agissant de la participation « prévoyance », celle-ci n’est pas facultative pour les collectivités territoriales, qui devront participer à hauteur de 20 % d’un montant fixé ultérieurement par un décret en Conseil d’Etat, lequel doit par ailleurs définir les garanties minimales de prévoyance assurées.

Cette obligation de participation a été souhaitée par la Coordination des employeurs territoriaux, regroupant les associations d’élus locaux et les institutions de la fonction publique territoriale.

 

Troisièmement, l’ordonnance prévoit l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat qui viendra préciser :

  • les conditions de participation au financement des garanties de protection sociale complémentaire en l’absence d’accord collectif;
  • les modalités de prise en compte des anciens agents non retraités;
  • les cas de dispense, notamment à l’initiative de l’agent, de l’obligation de souscription imposée le cas échéant par un éventuel un accord collectif, particulièrement lorsqu’un agent est déjà couvert par un contrat ou règlement collectif en qualité d’ayant-droit.

 

Quatrièmement, l’article 2 de l’ordonnance, relatif aux dispositions spécifiques à la fonction publique territoriale, élargit la compétence des centres de gestion en matière de négociation des conventions de participation.

Auparavant limitée à leurs propres ressorts territoriaux, les centres de gestion pourront désormais négocier à un échelon régional ou interégional ces conventions au profit des collectivités territoriales, tel que le permet le schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation crée par l’article 50 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

La publication des décrets d’application de l’ordonnance permettra d’y voir plus clair sur le rôle des centres de gestion, dont l’ordonnance en l’état de sa rédaction ne permet pas de déterminer si leur intervention en matière de conclusion des convention de participation reste une possibilité ou une obligation.

Cinquièmement, l’ordonnance prévoit, de façon périodique, la tenue d’un « débat », organisé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dans un délai de six mois suivant leur renouvellement, et portant sur les garanties de protection sociale complémentaire.

 

II.- S’agit il d’un alignement avec le secteur privé ?

 

Dans le secteur privé, l’employeur est tenu de participer à hauteur de 50 % de la protection sociale complémentaire « santé » de ses agents, depuis la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi[1].

L’ordonnance opère donc sur ce point un rapprochement notable avec le secteur privé.

Constitue un second rapprochement le dispositif prévoyant, au termes d’un accord collectif, que l’agent puisse être, lorsqu’il ne bénéficie pas déjà d’une couverture complémentaire, tenu d’adhérer au dispositif proposée par son employeur.

Le rapport remis au Président de la République relatif à cette ordonnance précise en outre que les nouveaux contrats seront éligibles aux mêmes dispositions fiscales et sociales que ceux dont bénéficient les salariés, mais qu’elles ne pouvaient toutefois pas être directement précisées par l’ordonnance, compte tenu du champ de l’habilitation consentie au gouvernement.

 

III.- Les délais prévus pour l’entrée en vigueur du dispositif

 

Si l’ordonnance entre en principe en vigueur le 1er janvier 2022, elle prévoit une mise en place très progressive du dispositif de participation obligatoire.

Pour l’ensemble des employeurs publics, les dispositions de l’ordonnance n’entreront en vigueur qu’à l’expiration de ces conventions de participation déjà conclues, afin de préserver les situations juridiquement constituées.

Pour l’Etat, et dans le cas où les conventions de participation en cours expireront au plus tard le 31 décembre 2021, l’obligation de participation à hauteur d’au moins 50 % de la protection sociale complémentaire « santé » s’imposera à compter du 1er janvier 2024.

Pour la territoriale l’obligation de participation à la protection sociale complémentaire « santé » s’imposera à compter du 1er janvier 2026, tandis que l’obligation de participation pour le volet « prévoyance » entrera en application à compter du 1er janvier 2025, sous réserve de publication du décret en prévoyant les modalités.

Pour la fonction publique hospitalière, l’obligation de paticipation protection sociale complémentaire « santé » s’imposera également à compter du 1er janvier 2026.

 

Enfin, l’ordonnance prévoit pour la fonction publique territoriale, outre la mise en place du débat régulier de l’article 88-4 de loi n°84-53 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et de façon toute aussi lapidaire, un second débat obligatoire, « portant sur les garanties accordées aux agents en matière de protection sociale complémentaire dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente ordonnance », soit d’ici le 17 février 2022, sans apporter de précisions sur la forme que doit prendre ce débat ou sur sa portée, ni sur l’implication dans ce débat des organisations syndicales.

Thibault Cado

 

[1] Article L.911-7 du code de la sécurité sociale

Mise à jour du Protocole sanitaire ce 23 mars 2021 Nouvelles règles pour le télétravail et la restauration collective

Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19, actualisé au 23-3-2021

 

Face à l’augmentation de la circulation du virus, le protocole national sanitaire en entreprise a été renforcé notamment sur le télétravail dans les 16 départements «reconfinés » , ainsi qu’à travers une modification de l’organisation de la restauration collective pour l’ensemble du territoire.

 

La mise en place d’un « plan d’action » par l’employeur sur le télétravail dans 16 départements

L’une des principales nouveautés de cette dernière version du protocole repose sur le renforcement du recours au télétravail pour prévenir le risque de contamination conformément au principe de prévention inscrit l’article L. 4121-2 du Code du travail.

Un plan d’action doit être défini selon la taille de l’entreprise et après un échange « dans le cadre du dialogue social de proximité », c’est à dire en pratique avec les élus du CSE.

L’objectif de ce plan d’action est d’assurer la mise en œuvre du télétravail. Ce plan permettra de renforcer l’efficacité des contrôles de l’inspection du travail car la simple absence d’un tel plan formalisera la défaillance de l’employeur dans la mise en œuvre du protocole sanitaire.

Pour mémoire, la précédente version du protocole et l’instruction du Ministère du Travail du 3 novembre 2020 détaillaient que le temps de travail effectué en télétravail devait être porté à 100 % pour l’ensemble des salariés qui peuvent réaliser l’ensemble de leurs tâches à distance et qu’un un retour en présentiel reste possible un jour par semaine au maximum lorsque des salariés en expriment le besoin, avec l’accord de leur employeur.

Cette instruction incitait les employeur à formaliser une note information auprès du CSE, ou à défaut d’élus du personnel, une note de service justifiant les raisons de la présence des salariés dans l’entreprise qui peuvent assurer leur mission en télétravail.

Cette incitation est à présent imposée par le protocole sanitaire à travers ce plan d’action.

 

Restauration collective : Mise à jour à faire de la DUER

Lorsque le télétravail ne peut être mis en œuvre à 100 %, la vigilance doit être accrue dans les espaces de restauration. Ces derniers sont considérés comme propices aux contaminations.

La nouvelle fiche du Ministère du travail sur les « restaurants d’entreprise » du 23 mars 2021 indique qu’une mise à jour de la DUER doit être effectuée en intégrant les nouvelles recommandations.

Il est précisé que l’utilisation de paniers repas à emporter est à privilégier.

Aussi, l’employeur doit inviter ses salariés à déjeuner seuls, que ce soit dans leur bureau individuel, dans les locaux du restaurant d’entreprise, ou dans ceux aménagés à cet effet dans les locaux de l’entreprise.

Les plages horaires de repas permettant de limiter au maximum le nombre de personnes présentes sur place au même moment doivent continuer à être mise en place et le salarié doit laisser une place vide en face de lui et 2 mètres de distanciation doit être respecté entre chaque personne ce qui implique de respecter une jauge de 8 m2 par personne.

Communication des documents administratif : régime contentieux et qualification d’informations relatives à l’environnement

Par une décision du 1er mars 2021, le Conseil d’État précise le régime contentieux relatif aux demandes de communication de documents administratifs fondées sur les articles L. 311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration et la qualification d’informations en matière environnementale au sens de l’article L. 124-2 du Code de l’environnement.

 

En l’espèce, par une délibération en date du 25 octobre 2013, la communauté urbaine de Strasbourg devenue l’Eurométropole de Strasbourg, a approuvé le dossier de création d’une zone d’aménagement concerté. Dans le prolongement de cette décision, l’Eurométropole de Strasbourg a lancé une consultation pour sélectionner un groupement d’opérateurs économiques en vue de l’aménagement de la zone précitée.

 

Un couple d’administrés a sollicité l’Eurométropole de Strasbourg pour se voir communiquer une série de documents relatifs aux offres déposées par les candidats dans leur réponse à cette consultation. Face au refus de l’Eurométropole de Strasbourg et de la Commission d’accès aux documents administratifs, le Tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d’une demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle l’Eurométropole de Strasbourg a rejeté la demande de communication de ces documents.

 

Par un jugement du 27 mars 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande et le Conseil d’État a été saisi d’un pourvoi en cassation contre ledit jugement.

 

A titre liminaire, on précisera que les requérants avaient sollicité la communication des documents administratifs sur deux fondements distincts. Fort classiquement, la communication de la majorité des documents administratifs était fondée sur les articles L. 311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration. Néanmoins, les requérants, estimant que certains documents comportaient des informations relatives à l’environnement au sens des articles L. 124-1 et suivants du Code de l’environnement, se prévalaient du régime particulier d’accès à ces informations notamment afin d’éviter que puisse leur être opposé le caractère préparatoire des documents relatifs à ces informations.

 

Appréciant tout d’abord les conclusions dirigées contre le refus de la demande tendant à la communication des documents administratifs formulée sur le fondement des articles L. 311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration, le Conseil d’État pose le principe selon lequel il appartient au juge de l’excès de pouvoir doit, par exception, apprécier la légalité du refus de communication au vu des circonstances de droit et de fait à la date de laquelle il statue :

« Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de contrôler la régularité et le bien-fondé d’une décision de refus de communication de documents administratifs sur le fondement des dispositions, citées au point 2, des articles L. 311-1 et L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration. Pour ce faire, par exception au principe selon lequel le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’un acte administratif à la date de son édiction, il appartient au juge, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, de se placer à la date à laquelle il statue ».

 

Le Conseil d’État étend par là même le principe dégagé dans sa décision d’assemblée relative à la consultation des archives publiques (CE Ass., 12 juin 2020, Graner, n° 422327) au contentieux de la communication de documents administratifs sur le fondement des articles L. 311-1 et L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration.

 

Par ailleurs, il constate en l’espèce que l’annulation de l’arrêté du préfet du Bas-Rhin déclarant d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la création de la zone d’aménagement concerté n’a pas eu pour effet de faire perdre le caractère d’acte préparatoire des documents dont la communication était demandée. En effet, validant implicitement au contentieux la doctrine de la Commission d’accès aux documents administratifs selon laquelle les offres déposées dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de la commande publique sont qualifiables de documents préparatoires jusqu’à la signature du contrat ou la décision de l’acheteur de renoncer à mener à bien la procédure. Or, le Conseil d’État juge que l’annulation de l’arrêté précité n’imposait pas à l’Eurométropole d’abandonner son projet si bien que cette annulation était sans effet sur la qualification de documents préparatoires des offres des soumissionnaires.

 

Le Conseil d’État se livre ensuite à l’examen du bien fondé des demandes formulées au titre des articles L. 124-1 et suivants du Code de l’environnement. L’article L. 124-1 du Code de l’environnement consacre « le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l’article L. 124-3 [du code précité] ou pour leur compte » selon un régime spécifique définit pour partie par le code de l’environnement. Et l’article L. 124-2 de ce Code précise les informations qualifiables d’information relative à l’environnement au sens de ces dispositions.

 

En l’espèce, les documents de la consultation lancé par l’Eurométropole de Strasbourg exigeaient des soumissionnaires qu’ils présentent, dès la première phase du processus de sélection des candidatures, une note explicitant leur parti pris environnemental pour la mise en œuvre du projet. Se poser donc la question de savoir si les « documents émanant des candidats qui ont pour objet d’indiquer les moyens mis en œuvre par les futurs aménageurs pour répondre aux objectifs à atteindre en matière environnementale » étaient qualifiables d’information relative à l’environnement.

 

Dans ses conclusions sous l’affaire précitée (conclusions disponibles sur le site Ariane web), le rapporteur public invitait le Conseil d’État à répondre positivement à cette question. Le rapporteur considérait qu’il résultait d’une lecture combinée des 1° et 2° de l’article L. 124-2 du Code de l’environnement que le législateur avait entendu adopter une conception particulièrement extensive de la notion d’ « information relative à l’environnement ». Aux termes du 2° de l’article précité, il suffit en effet que « les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets » soient « susceptibles » d’avoir des incidences sur l’état des éléments de l’environnement pour que l’élément en cause revête la qualification précitée. Ainsi, la circonstance que les documents des offres des candidats relatif à l’environnement ne soient, en cours de procédure, que de simples projets ne suffisaient pas à écarter, selon le rapporteur public, la circonstance qu’ils étaient potentiellement susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement et partant leur qualification d’information relative à l’environnement.

 

Cependant, le Conseil d’État n’a pas souhaité suivre les conclusions du rapporteur public et a consacré une appréciation plus restrictive de la notion d’information relative à l’environnement en jugeant que tant que la « sélection n’a pas conduit à la conclusion d’un contrat avec un aménageur, les informations relatives à l’environnement qu’ils contiennent ne sauraient, à ce stade, être regardées comme ayant pour objet des décisions ou des activités susceptibles d’avoir des incidences sur l’état des éléments de l’environnement, au sens des dispositions citées au point 5 du 2° de l’article L. 124-2 du code de l’environnement ».

 

En conclusion, aucun document dont la communication était demandée n’étant communicable, le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par les requérants.

Le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Le projet de loi confortant le respect des principes de la République, initialement appelé « projet de loi contre les séparatismes », est actuellement en cours d’examen par le Parlement en procédure accélérée. Après avoir été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le projet doit être examiné par le Sénat entre le 30 mars et le 8 avril prochain.

Ce projet de loi, qui a pour objet de lutter contre les associations jugées séparatistes, a des conséquences pour les associations puisqu’il renforce le contrôle de l’administration sur leur financement et leur activité.

Tout d’abord, l’article 6 du projet prévoit que toute association qui souhaite demander une subvention publique devra signer un « contrat d’engagement républicain » par lequel elle s’engagera à respecter les principes de la République (l’égalité femme-homme, la dignité humaine, la fraternité, etc.). En cas de non-respect du contrat, il pourrait lui être demandé de procéder au remboursement des sommes versées. Un décret doit préciser le contenu de ce contrat.

Si cet article a pour objet de renforcer l’encadrement des subventions publiques attribuées aux associations, le gouvernement a pris le soin de préciser dans l’exposé des motifs de son projet de loi que cet article n’avait cependant « ni pour objet ni pour effet d’empêcher les associations d’inspiration confessionnelle d’obtenir et d’utiliser des subventions pour leurs activités d’intérêt général. Le contrat d’engagement républicain, dont le contenu est délimité par la loi, ne saurait étendre l’application du principe de laïcité au‑delà de l’administration et des services publics ».

Il est en outre prévu que l’association qui demande un agrément auprès de l’Etat[1] devra pouvoir justifier du respect du contrat d’engagement républicain (article 7).

L’instauration de principes républicains comme critères permettant l’octroi de subvention et d’agrément, mais aussi leur retrait, interroge les associations dans la mesure où ces principes ne sont pas définis précisément et où l’appréciation de leur respect sera laissée aux mains des agents publics qui, au vu du projet seraient contraints de demander la restitution de la subvention en cas de non-respect.

Ensuite, le projet de loi modifie les critères de dissolution des associations puisque des nouveaux motifs de dissolution sont envisagés venant ainsi compléter le Code de la sécurité intérieure (Article 8). Le projet de loi prévoit notamment la possibilité d’imputer à une association les agissements de ses membres. Ainsi, la dissolution administrative d’une association pourra être décidée lorsque leurs dirigeants se sont abstenus de faire cesser de tels agissements, alors même qu’ils en avaient connaissance et compte tenu des moyens dont ils disposaient.

Enfin, l’article 10 du projet instaure un contrôle du bien-fondé de l’éligibilité au régime du mécénat par l’administration. Cette disposition inquiète les associations car l’article, dans sa rédaction actuelle, ne permet pas de connaître la portée de ce contrôle.

 

[1] Dans le cadre de l’article 52-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Projet de loi « 4D » : l’exécutif remet l’ouvrage sur le métier

Attendu par nombre d’élus locaux, le projet de loi « 4D » allait-il figurer sur la feuille de route gouvernementale aiguillant la fin du quinquennat ? L’interruption de la concertation par la ministre de la Cohésion des territoires à cause de la crise sanitaire et la surcharge de l’agenda parlementaire laissait la question en suspens.

C’est lors de son déplacement à Orléans le 13 février dernier que le Premier Ministre a mis fin au suspense sur le sort de la réforme. « Le projet de loi va être transmis au Conseil d’État dès le début de la semaine prochaine, afin de permettre sa présentation au conseil des ministres au début du printemps prochain « , a divulgué Jean Castex. La réforme « 4D » (différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification) devrait donc bien voir le jour. Un temps présenté comme projet de loi 3D en raison du droit à la différenciation territoriale, le projet de loi est aussi animé par une volonté de simplification (décomplexification dans le texte). Annoncée initialement en conseil des ministres en février 2021, l’échéance est finalement prévue pour fin mars ou début avril. L’avant-projet de loi, présenté donc au Conseil d’État le 18 février dernier et à ce jour, publié par Dalloz, comporte des volets très divers et des mesures nombreuses. 

Dans son volet « Différenciation territoriale et démocratie locale », le projet prévoit notamment d’ancrer le principe de différenciation dans la loi. Il prévoit également de nouveaux pouvoirs règlementaires avec la possibilité pour les délibérations locales, dans certaines matières, de se substituer à des décrets. En matière de participation citoyenne, il est aussi prévu d’abaisser les seuils de nombre de signatures permettant de demander l’organisation d’une consultation ou une délibération sur une affaire de la compétence de la collectivité (1/10e des électeurs d’une commune contre 1/5e actuellement). Enfin, le texte envisage une association des citoyens lors de la création des communes nouvelles par la mise en place d’une possibilité de consultation de la population, en complément des délibérations des conseils municipaux.

Dans son volet « Mobilités, lutte contre le réchauffement climatique, biodiversité », le projet procède à la décentralisation de compétences de gestion des routes nationales non encore transférées aux départements et métropoles volontaires, ainsi qu’aux régions à titre expérimental. Est également prévue la création, au bénéfice des intercommunalités et sans faculté d’opposition des maires, d’un pouvoir de police administrative en matière de zones à faibles émissions mobilité. L’exécutif prévoit aussi une possibilité de transfert de la propriété ou de la gestion des petites lignes ferroviaires et de leurs gares aux régions, sans que l’on comprenne bien l’articulation avec les dispositifs existant déjà en la matière. Enfin, le projet de loi comprend un renforcement des pouvoirs de police du maire dans les espaces naturels protégés.

En matière d’urbanisme et logement, le texte projette notamment l’expérimentation d’une délégation complète de compétences en matière de logement : les EPCI auront la possibilité de se voir déléguer en bloc les aides à la pierre, l’hébergement, le DALO, le contingent préfectoral et la réquisition. De plus, les dispositions prévoient l’accélération de la récupération des biens abandonnés situés en centre-ville avec un abaissement du délai de prise de possession des biens sans maître à 10 ans.

Quant à son aspect « Santé, cohésion sociale et éducation », les dispositions du projet prévoient la possibilité pour les collectivités de financer les établissements de santé mais aussi la faculté pour les communes et les départements de recruter du personnel soignant pour les centres de santé qu’ils gèrent. Figurent également des dispositions prévoyant la décentralisation de la médecine scolaire vers les départements et la clarification des relations entre les collectivités et les gestionnaires de collèges et lycées.

Le projet innove également en matière de déconcentration. Le préfet de région devient le délégué territorial de l’Agence de la transition écologique. Aussi, le pouvoir du préfet sur les décisions des agences de l’eau sera renforcé.

Enfin, sont prévues un certain nombre de dispositions dans un objectif de « simplification » avec notamment la facilitation du partage de données entre administrations publiques mais aussi l’amélioration de la transparence des entreprises publiques locales.

Si, de manière générale, les assouplissements et les transferts de compétences prévus par l’avant-projet de loi ont été accueillis de manière favorable, la reprise des consultations en ce début d’année met au jour plusieurs sujets qui feront probablement débat dans les prochains mois. Au cœur des discussions : la décentralisation envisagée de certaines compétences de l’État (de nouveaux tronçons de routes nationales, médecine scolaire…), la « clarification » voulue dans les relations entre les collectivités et les gestionnaires des collèges et lycées, le renforcement des pouvoirs des préfets ou encore les dispositions du projet relatives à la participation citoyenne.

Sortie de vigueur d’un acte administratif et conséquences sur le recours contentieux en cours

Par Louis-Marie Le Rouzic, Avocat Seban Atlantique

1 Conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative :

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ».

Une fois la juridiction valablement saisie d’un recours contre une décision administrative, il n’est toutefois pas à exclure que l’acte en litige fasse l’objet d’une décision de retrait ou d’abrogation par l’administration.

Dès lors, eu égard aux effets d’une telle décision de retrait ou d’abrogation sur la situation du requérant, la question de son impact sur le litige en cours se pose nécessairement.

Aussi, en présence d’une telle décision et à l’occasion des questions préalables à l’examen du fond du litige, le juge administratif est conduit à s’interroger légitimement sur l’opportunité de prononcer un non-lieu à statuer ; lequel intervient notamment lorsque l’objet du recours a disparu.

 

2 Les effets dans le temps des décisions d’abrogation et de retrait étant différents, leur impact sur le recours contentieux l’est nécessairement aussi.

Pour rappel, l’article L. 240-1 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que :

« Au sens du présent titre, on entend par :

1° Abrogation d’un acte : sa disparition juridique pour l’avenir ;

2° Retrait d’un acte : sa disparition juridique pour l’avenir comme pour le passé ».

Cette distinction a été saisie par la jurisprudence administrative laquelle en apprécie la portée sur l’opportunité de mettre fin à un litige contentieux sans y statuer.

A propos d’une décision de retrait, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger que :

« 2. En premier lieu, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait lieu, pour le juge de la légalité, de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l’acte rapporté aurait reçu exécution » (CE, 9 septembre 2020, n° 425377).

Aux termes de cette décision, le Conseil d’Etat a rapproché les effets d’une demande d’annulation contentieuse de ceux du retrait d’un acte administratif.

En conséquence, sauf à ce que la décision de retrait ait été contestée – ce qui a pour effet de maintenir la pertinence du recours contentieux – aucun obstacle ne s’oppose à ce que le juge administratif mette fin au litige sans y statuer.

La décision de retrait emportant disparition rétroactive de la décision rapportée, tous ses effets sont anéantis de sorte que son exécution le temps de son existence est sans incidence sur le non-lieu à statuer.

Une telle conclusion n’est toutefois pas transposable pour les décisions d’abrogation lesquelles n’ont qu’un effet pour l’avenir.

A l’inverse de la décision de retrait, la circonstance que l’acte abrogé ait reçu exécution peut avoir une influence sur la décision du juge administratif de conclure au non-lieu à statuer.

En effet, à la différence d’une décision de retrait qui produira les mêmes effets qu’une décision d’annulation contentieuse de la décision en litige, le requérant peut avoir un intérêt à voir la juridiction administrative statuer au fond du dossier.

Le risque réside en particulier dans la possible exécution des effets de la décision abrogée le temps de son existence.

Cette abrogation n’ayant d’effets que pour l’avenir, le requérant peut être légitime à voir la décision abrogée être purement et simplement annulée par le juge administratif.

C’est pourquoi, la jurisprudence administrative considère que le non-lieu à statuer sur une décision contestée par un requérant puis abrogée par l’administration n’est possible qu’à une double condition :

  • Que l’acte contesté n’ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur ;
  • Que la décision procédant à l’abrogation de l’acte contesté soit devenue définitive.

 

En ce sens, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que :

« 2. L’abrogation en cours d’instance de l’acte attaqué est une cause de non-lieu à la double condition que cet acte n’ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive » (CAA Marseille, 12 juillet 2019, n° 17MA03709).

 

 

3 Le 11 février 2021, la Cour administrative d’appel de Lyon est venue confirmer cette position ainsi que la jurisprudence établie en la matière en prenant soin de distinguer, dans le même considérant, les décisions portant retrait et celles portant abrogation d’un acte administratif.

Elle a ainsi jugé que :

« 2. En premier lieu, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait plus lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Dans le cas où l’administration se borne à procéder à l’abrogation de l’acte attaqué, cette circonstance prive d’objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n’ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive » (CAA Lyon, 11 février 2021, n° 19LY01009).

L’installation de transats sur une plage excède-t-elle le droit d’usage reconnu à tous sur le domaine public ?

Par une décision rendue le 12 mars 2021, le Conseil d’État précise les contours de la notion d’occupation privative sur le domaine public maritime.

Une société gérant un hôtel à Lecci, en Corse – la société Hôtelière d’Exploitation de la Presqu’Île – proposait à ses clients de bénéficier de transats et de parasols qu’elle installait sur la plage. Toutefois, le préfet de la Corse-du-Sud avait refusé à deux reprises de délivrer à cette société une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime pour l’installation de ces équipements, ainsi que d’un ponton non démontable. Après avoir constaté, et malgré ces refus, que la société occupait tout de même la plage, le préfet a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bastia pour demander, sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, l’expulsion de la société de cette dépendance du domaine public maritime et des équipements qu’elle y avait installés.

Saisi en cassation par la société de l’ordonnance du 4 août 2020 prononçant son expulsion, le Conseil d’État rappelle tout d’abord le principe selon lequel l’occupation privative du domaine public est celle qui excède le droit d’usage reconnu à tous sur le domaine public (en application de l’article L. 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques). En l’appliquant aux faits de l’espèce, il considère que « l’installation et l’utilisation à titre précaire et temporaire d’accessoires de plage par les piétons n’excèdent pas » ce droit d’usage, et ce « quand bien même ce matériel ne serait pas la propriété des usagers concernés et aurait été mis à leur disposition par des tiers dans l’exercice d’une activité commerciale, dès lors qu’il est utilisé sous leur responsabilité, pour la seule durée de leur présence sur la plage et qu’il est retiré par leurs soins après utilisation ».

Dit autrement, l’usage d’équipements de plage, que ceux-ci appartiennent aux personnes qui les utilisent ou à une société qui les aurait disposés sur la plage dans le cadre d’une activité économique, ne constitue pas une occupation privative de cette dépendance et ne nécessite donc pas d’autorisation dès lors que cet usage est personnel.

Toutefois, le Conseil d’État juge, dans le cas présent, que la société avait bien excédé ce droit d’usage, et avait donc utilisé, sans titre l’y autorisant, une dépendance du domaine public de manière privative. Il relève en effet que si « la société SHEP mettait à la disposition exclusive de sa clientèle des chaises longues et des parasols destinés à être installés, pendant la journée, sur la plage à proximité immédiate de l’établissement qu’elle exploite », il n’était pas établi que « ses clients les installeraient eux-mêmes pour la seule durée de leur présence sur la plage et les retiraient après utilisation ».

Le Conseil d’État confirme donc l’ordonnance du juge des référés qui avait retenu, « pour juger que la condition d’utilité à laquelle est subordonnée une mesure d’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public était satisfaite, que l’installation, même à titre temporaire, de ces biens mobiliers sur la plage, eu égard à leurs caractéristiques, était constitutive d’une occupation privative du domaine public maritime par la société, en lien direct avec son activité commerciale ».