L’aide au recrutement d’apprentis dans la fonction publique hospitalière

Le décret n° 2021-1169 du 9 septembre 2021 portant création d’une aide au recrutement d’apprentis dans la fonction publique hospitalière prévoit que les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 perçoivent une aide exceptionnelle forfaitaire de 3 000 € versée en une seule fois pour chaque contrat d’apprentissage conclu à compter du 1er juillet 2021. En effet, selon l’article L. 6227-1 du Code du travail, les personnes publiques dont le personnel ne relèvent pas du droit privé peuvent conclure de tels contrats, avec des jeunes de 16 à 30 ans.

Le décret transpose ainsi quelque peu tardivement un dispositif déjà existant dans la fonction publique territoriale, ceci en posant une limite plafond à cette aide exceptionnelle, « de mille contrats au niveau national ».

Un nouvel obstacle à la reconnaissance de l’insuffisance professionnelle

Les avocats que nous sommes savent depuis longtemps qu’il faut éviter de conseiller à nos clients d’engager des procédures de licenciement fondées sur l’insuffisance professionnelle, car l’expérience démontre que le risque contentieux est particulièrement élevé : entre le conseil de discipline qui rend quasiment systématiquement un avis défavorable au motif qu’il aurait fallût faire de la discipline, et le Juge administratif qui reconnaît l’insuffisance une fois sur mille, les chances sont minces d’aboutir.

Cette décision ne fait malheureusement que confirmer le bien-fondé de cette préconisation.

Soit une agente recrutée en qualité d’éducatrice de jeunes enfants contractuelle, nommée directrice d’un service multi-accueil puis titularisée dans le grade quelques années plus tard. Entre temps, par le jeu de l’intercommunalité, elle passe d’une communauté de communes à un syndicat intercommunal à une autre communauté de communes, toujours sur ce même poste.

Or, un an après sa titularisation, l’autorité territoriale saisissait un cabinet d’audit privé qui rendait un rapport d’analyse des risques psychosociaux concluant à son insuffisance professionnelle dans la gestion et le management du personnel, laquelle insuffisance était d’une part confirmée par une enquête interne, d’autre part étayée par l’alerte donnée par les représentants du personnel au sein du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et enfin illustrée par de nombreux agents de la structure qui s’étaient plaints des méthodes de management de l’agente.

Forte de ce dossier solide, l’autorité territoriale licenciait l’agente au motif de son insuffisance managériale, fondée sur son incapacité à développer des relations de travail adéquates avec ses équipes, précisant que cette insuffisance était susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service public, reprenant ainsi les termes mêmes de la décision du Conseil d’Etat « Communauté urbaine de Strasbourg » du 20 mai 2016, rendue relativement au Directeur de la culture dont le licenciement avait été reconnu régulier.

Le Conseil d’Etat, confirmant en cela la Cour administrative d’appel, a annulé cette décision en considérant en substance que l’insuffisance de l’agente sur une compétence mineure (« carence ponctuelle ») dans son grade ne pouvait entraîner son insuffisance sur la totalité de ses missions.

Concrètement, il semblerait que les missions d’encadrement non seulement étaient mineures (surprenant pour des fonctions de directrice d’un multi-accueil), mais que surtout les missions du grade alors en vigueur ne comprenaient pas d’encadrement.

L’ironie veut que trois ans après, à l’occasion de la refonte de la filière, le grade d’éducateur de jeunes enfants soit devenu un grade de catégorie A avec des missions d’encadrement. La consécration de la pratique, en quelque sorte.

Concrètement, le Conseil d’Etat en déduit qu’il convenait de retirer à l’agent les missions d’encadrement, la Rapporteure publique, dans ses conclusions, évoquant la possibilité de muter l’agent sur un autre poste dans l’intérêt du service.

Mais ainsi qu’elle le souligne, si à l’Etat le nombre de postes permet d’envisager une mutation, c’est évidemment beaucoup plus difficile dans une collectivité. En l’espèce, cela aurait obligé la collectivité à créer un nouveau poste et à recruter un agent de catégorie A, uniquement pour ces missions quasi marginales d’encadrement, autant dire que c’était impossible.

Au-delà du cas d’espèce, il faut donc retenir que l’insuffisance managériale ne peut être utilisée que lorsque l’agent d’une part relève d’un grade dont l’encadrement est une mission, et d’autre part qu’il s’agisse, dans sa fiche de poste, d’une mission principale. En revanche, un fonctionnaire dont le comportement perturberait le service alors qu’il ne serait pas en situation d’encadrement ne relèvera que de la discipline…

En conclusion, décidément, l’insuffisance professionnelle se réduit à peau de chagrin.

L’impossibilité pour l’autorité territoriale d’exiger la présentation du passe sanitaire à ses agents dont l’activité n’est pas énumérée par la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire

Comme on le sait, la loi du 31 mai 2021 impose depuis le 9 août la présentation d’un passe sanitaire pour le public fréquentant les activités de loisirs, les bars et restaurants, les foires, séminaires et salons professionnels, les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux et, sauf en cas d’urgence, les services et établissements de santé sociaux et médico-sociaux.

Depuis le 30 août 2021 et jusqu’au 15 novembre 2021, le passe sanitaire est également obligatoire pour les agents publics mais uniquement lorsqu’ils interviennent dans ces lieux, établissements, services ou événements et dès lors que leur activité se déroule dans les espaces et aux heures où ils sont accessibles au public.

Lorsque l’agent public refuse de présenter de tels justificatifs, il peut être suspendu de ses fonctions.

Dans cette affaire, le Maire de la Commune de Saint-Laurent d’Aigouze avait le 31 août, édicté une note de service dans laquelle il exigeait de l’ensemble des agents de la Commune et du CCAS la présentation un passe sanitaire pour accéder à l’ensemble des bâtiments, sous peine de suspension de fonctions à défaut de régularisation de leur situation.

Le Juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes saisi d’un référé liberté par un syndicat relève, d’une part, que la note de service demandait la présentation d’informations des agents concernant leur éventuelle vaccination ou relatif à leur contamination par la Covid 19 mais sous une forme ne permettant pas « d’en connaître la nature », comme l’exige la loi du 31 mai 2021.

D’autre part et surtout, le Juge des référés souligne que les locaux municipaux ne sont pas aux nombres de ceux où sont exercées les activités visées par le législateur dans la loi du 31 mai 2021.

Or, le Maire agissant hors du cadre de la loi du 31 mai 2021, ne pouvait ni en sa qualité de responsable des services ou d’autorité de police administrative, ni en raison de circonstance locales particulières, exiger la présentation d’un passe sanitaire à l’ensemble de ses agents.

Autrement posé, le Maire n’a pas compétence pour étendre l’obligation de présentation du passe sanitaire des agents publics exerçant leurs fonctions dans le cadre d’activités non prévues par la loi du 31 mai 2021.

Le Juge des référés en conclut que le Maire a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit des intéressés, au respect de leur vie et à leur droit au travail.

La condition d’urgence étant également satisfaite, la mise en œuvre de la note de service a donc été suspendue.

Portée des lignes directrices de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse

Par une décision du 30 juillet 2020, le Conseil d’État développe sa jurisprudence sur le « droit souple » et précise la portée des lignes directrices édictées par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ci-après, l’ « ARCEP ») sur le fondement du VI de l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales.

Était en cause un différend entre un opérateur de communications électroniques, la société Coriolis Télécom, et la société THD Bretagne, exploitant d’un réseau d’initiative publique (ci-après, « RIP »).

La société Coriolis Télécom avait saisi l’ARCEP d’une demande tendant à ce que la société THD Bretagne fasse droit à sa demande d’accès au RIP. Par une décision n° 2018-1560-RDPI du 11 décembre 2018, l’ARCEP, réglant ce différend sur le fondement de l’article L. 36-8 du Code des postes et communications électroniques, avait enjoint à la société THD Bretagne de proposer à la société Coriolis Télécom une offre d’accès de gros précisant les conditions techniques et tarifaires de cet accès.

La société THD Bretagne a alors proposé une offre d’accès de gros à la société Coriolis Télécom. Cependant son offre tarifaire s’écartait du cadre des lignes directrices relatives à la tarification de l’accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique déployés par l’initiative publique telles qu’édictées par l’ARCEP en décembre 2015 au titre du VI de l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales.

La société Coriolis Télécom a alors «  demandé, le 20 juin 2019, à l’ARCEP de mettre en demeure et de sanctionner la société THD Bretagne pour non-respect de la décision du 11 décembre 2018, sur le fondement de l’article L. 36-11 du Code des postes et des communications électroniques, au motif allégué que la décision du 11 décembre 2018 imposait implicitement mais nécessairement à la société THD Bretagne de proposer des conditions tarifaires conformes aux « lignes directrices relatives à la tarification de l’accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique déployés par l’initiative publique » ».

L’ARCEP a opposé un rejet implicite à cette demande et la société Coriolis Télécom a exercé un recours contre ce dernier. Au titre de ce recours, la société requérante faisait grief à l’ARCEP de méconnaître la portée contraignante de ses propres lignes directrices. Dans ses conclusions sur la décision commentée, le rapporteur public résumait comme suit la thèse de la société Coriolis Télécom : « pour la société requérante, en chargeant l’ARCEP d’adopter des lignes directrices sur les tarifs d’accès aux RIP, le législateur l’a investie d’un “véritable pouvoir normatif, assimilable à un pouvoir réglementaire” »[1].

La société Coriolis Télécom en déduisait que les lignes directrices édictées par l’ARCEP présentent un caractère obligatoire et que la décision par laquelle l’ARCEP avait imposé à la société THD Bretagne de lui proposer une offre devait nécessairement s’interpréter comme imposant à la société THD Bretagne de respecter les lignes directrices sur les tarifs d’accès aux RIP. Au terme de ce raisonnement, la méconnaissance de ces lignes directrices par les conditions tarifaires proposées par la société THD Bretagne emportait donc l’irrégularité de son offre.

Le Conseil d’État rejette cette analyse de la portée des lignes directrices en jugeant que « les  » lignes directrices relatives à la tarification de l’accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique déployés par l’initiative publique « , édictées par l’ARCEP en décembre 2015 au titre du VI de l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales, ont pour seul objet de guider l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements en exposant une méthode d’élaboration des niveaux tarifaires pouvant être proposés aux opérateurs commerciaux et ne fixent pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, de norme à caractère général s’imposant aux collectivités territoriales ».

Le Conseil d’État juge qu’en conséquence la Société Coriolis n’était pas fondée à soutenir « que la décision de règlement de différend du 11 décembre 2018 aurait eu pour effet, implicitement mais nécessairement, d’imposer à la société THD Bretagne de lui proposer un niveau déterminé de conditions tarifaires conformes à ces lignes directrices ». Le Conseil d’État écarte donc le moyen selon lequel l’ARCEP aurait été tenue de mettre en demeure et de sanctionner la société THD Bretagne pour ne pas avoir respecté la décision n° 2018-1560-RDPI du 11 décembre 2018 et rejette la requête de la société Coriolis.

Ainsi, il découle de cette décision que les lignes directrices relatives à la tarification de l’accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique déployés par l’initiative publique, édictées par l’ARCEP au titre du VI de l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales n’ont pas la valeur d’une norme à caractère général s’imposant aux collectivités territoriales mais constituent un simple référentiel auquel les collectivités peuvent recourir pour fixer les conditions tarifaires d’accès à leur réseau. Notons, toutefois, comme le Rapporteur public, qu’il appartiendra, le cas échéant, aux opérateurs de se fonder sur le non-respect des lignes directrices pour justifier d’une nouvelle demande de règlement de différend.

Sur un plan plus général, cette décision rappelle utilement qu’il convient de ne pas s’en tenir à la dénomination législative des prérogatives confiées aux autorités administratives indépendantes pour identifier la portée des actes de droit souple qu’elles sont susceptibles d’adopter mais d’examiner attentivement les textes fondant les pouvoirs sur lesquelles elles adoptent leurs actes pour apprécier tant leur justiciabilité[2] que leur portée contraignante.

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[1] P. Ranquet, Conclusions sous CE, 30 juillet 2021, Société Coriolis Télécom, n° 437847.

[2] CE Sect., 12 juin 2020, GISTI, n° 418142.

En expropriation, la réparation en nature du préjudice implique nécessairement l’accord commun de l’expropriant et l’exproprié

Par un arrêt en date du 24 juin 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler un principe constant du droit de l’expropriation.

En effet, en vertu des dispositions de l’article L. 322-12 du Code de l’expropriation, les indemnités d’expropriation sont fixées en euros.

Le principe est donc la réparation indemnitaire en espèce. La réparation en nature n’est possible que lorsqu’il existe un commun accord entre l’expropriant et l’exproprié que le Juge de l’expropriation sera tenu de constater.[1]

Au cas présent, l’exproprié reprochait à l’arrêt attaqué d’avoir constaté la réparation en nature tenant à la reconstitution d’un accès agricole par la commune au motif qu’un expert avait considéré qu’un tel accès ne pouvait être réalisé par ledit exproprié puisqu’il devait nécessairement se faire sur un terrain communal.

Dans son considérant n°10, la Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi, alors que l’exproprié s’opposait à la réparation en nature de son accès agricole, la chambre des expropriations de la Cour d’appel avait violé les dispositions de l’article L. 322-12 du Code précité.

En conséquence, même lorsque l’exproprié ne peut matériellement pas réparer son préjudice, on ne peut lui imposer – contre son gré – une réparation en nature.

 

 

[1] Cass. Civ., 3e, 31 mai 2000, n° 99-70.155

Un nouveau référentiel d’autoévaluation de maturité en gestion des données mis en ligne par la CNIL

La CNIL a mis en ligne, ce 9 septembre 2021, un modèle de formulaire d’autoévaluation en matière de gestion des données à caractère personnel.

Cet outil utilisable par tout type d’organisme, de droit privé comme de droit public, permet de déterminer le niveau de maturité atteint en matière de gestion des données à caractère personnel.

Il constitue également un document utile à l’établissement d’un plan d’action pour améliorer les conditions de traitement des données à caractère personnel.

La grille d’évaluation repose sur 5 niveaux de maturité (Pratique informelle, Pratique répétable et suivie, Processus défini, Processus contrôlé, Processus continuellement optimisé) appliqués à huit activités types telles que « Recenser et tenir à jour la liste des traitements », « Gérer les risques de sécurité » ou encore « Former et sensibiliser ».

Particulièrement synthétique et opérationnel, cet outil nous semble opportunément à utiliser par les acteurs publics et parapublics.

Prévention des risques naturels prévisibles : l’autorité administrative n’est pas tenue d’exproprier

Par un arrêt en date du 4 août 2021, le Conseil d’État tranche le point de savoir s’il existe un droit à être exproprié, à défaut de cession amiable, pour le propriétaire de parcelles concernées par un risque naturel entrant dans le champ de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement.

Et pour cause, si l’autorité administrative ne peut être tenue de poursuivre la procédure d’expropriation pour les expropriations dites « classiques »[1], la réponse pourrait être différente s’agissant d’une situation tendant à prévenir la survenance de risques naturels prévisibles, à savoir une expropriation pour « cause naturelle ».

Dans l’affaire en question, la société Le Cro-Magnon est propriétaire d’un terrain de camping qu’elle exploite à Allas-les-Mines situé à proximité d’une carrière dont l’effondrement et l’affaissement progressif est avéré.

Cette société était encline à penser que l’autorité administrative allait acquérir son terrain au regard du contexte préexistant.

En effet, dans le cadre de l’élaboration du plan de prévention des risques de mouvements de terrain de la commune d’Allas-les-Mines, le sous-préfet avait informé la société Le Cro-Magnon de la possible acquisition amiable de son terrain et avait même sollicité l’avis de France Domaines.

Puis, par arrêté du 7 juillet 2014, le Maire d’Allas-les-Mines a fermé le camping Le Cro-Magnon du 7 juillet au 30 septembre 2014.

C’est dans ces conditions que la société le Cro-Magnon a demandé au Préfet de la Dordogne de procéder à l’acquisition amiable de son terrain et, à défaut, d’engager la procédure d’expropriation pour risque naturel majeur prévue à l’article L. 561-1 du Code de l’environnement et d’autre part d’enjoindre au Préfet de mettre en œuvre la procédure de rachat du bien soit à l’amiable, soit par voie d’expropriation. 

Faute de réponse du Préfet, la société Le Cro-Magnon a attaqué la décision implicite de rejet du 26 juillet 2015.

Aux visas, d’une part, de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement autorisant la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation en cas de risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines et, d’autre part, des articles L. 2212-2, L. 2212-4 et L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales organisant les pouvoirs de police générale pouvant être mis en œuvre pour permettre de protéger la population ou éviter son exposition au risque, le Juge administratif pose que « même en présence d’un des risques prévisibles énumérés aux articles L. 561-1 et L. 561-3 du Code de l’environnement et menaçant gravement des vies humaines, l’autorité administrative n’est pas tenue de mettre en œuvre les procédures d’expropriation ou d’acquisition amiable prévues par ces articles, notamment lorsqu’une mesure de police administrative est suffisante pour permettre de protéger la population ou éviter son exposition au risque ».

La juridiction ajoute que la mesure de police administrative prise à l’encontre d’un exploitant dont la fermeture de l’installation est ordonnée peut donner lieu à l’indemnisation du dommage en résultant lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial.

En conséquence, par cet arrêt, le Conseil d’État indique que le refus d’engager une procédure d’expropriation n’est pas illégal dès lors que le risque naturel menaçant gravement les vies humaines pouvait être évité par des mesures de police de fermeture temporaire ou définitive.

 

 

[1] CE, 7 mars 1979 Commune de Vestric et Candiac rec p. 102 et CE 20 mars 1991 Commune du  Port n° 98963

Exclusion de séance d’un élu : distinction entre mesure de police de l’assemblée et sanction

Dans un jugement publié dans sa Lettre de jurisprudence du mois de juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a qualifié l’exclusion temporaire de séance du conseil régional prononcée à l’encontre d’un conseiller de sanction, et non de mesure de police de l’assemblée, au regard de la chronologie des faits et de la finalité punitive de la mesure.

En effet, dans cette affaire, et ainsi que l’indique le jugement, des débats houleux avaient animé le conseil régional d’Ile-de-France, au cours desquels un élu, M. S, et d’autres élus s’étaient levés et étaient descendus bruyamment des travées jusqu’à la tribune de la présidence de séance où le Président de séance avait manqué d’être atteint par des parapheurs que M. S avait, « dans l’énervement, sinon projetés, du moins bousculés ».

Ces incidents ont immédiatement entraîné une suspension de séance. A la reprise, l’examen des points inscrits à l’ordre du jour a repris normalement.

Environ une heure plus tard, le Président a souhaité faire une « communication » aux membres de l’assemblée au sujet du comportement de M. S et a proposé à l’assemblée de prononcer une exclusion temporaire de séance jusqu’à la fin de la séance, sur le fondement du règlement intérieur de la collectivité. Cette mesure a ensuite été adoptée et a fait l’objet d’un recours de M. S.

En défense, la Région soutenait qu’il s’agissait d’une mesure de police destinée à prévenir les troubles au sein de l’assemblée délibérante. Le Tribunal a néanmoins jugé qu’il s’agissait d’une sanction, dès lors que, avant son prononcé, l’examen des points inscrits à l’ordre du jour avait repris normalement, et que la mesure avait pour objet de sanctionner l’élu.

Il en a conclu que la mesure était illégale, faute pour l’intéressé d’avoir été informé de la sanction envisagée et mis en mesure de présenter ses observations préalablement au vote.

Il s’agit ici de la distinction classique entre mesure de police – de nature préventive – et sanction, qui a des conséquences sur le régime juridique applicable.

Il convient de relever que, si la décision contestée avait été qualifiée de mesure de police, la compétence du conseil régional aurait pu être utilement discutée, dès lors que c’est l’élu qui assure la présidence de la séance qui dispose du pouvoir de police correspondant.

RGPD & CNIL

CNIL – Autoévaluation de maturité en gestion de la protection des données (9 septembre 2021) : Le projet de « modèle de maturité gestion de la protection des données » transpose les niveaux de maturité définis dans les normes internationales à la gestion de la protection des données. L’objectif poursuivi est de permettre aux organismes publics de s’autoévaluer s’agissant de leur conformité au RGPD. Des exemples d’actions ou productions illustrent chaque niveau de maturité pour chaque activité type sous forme de tableau.

CNIL – Délibération n° 2021-070 du 27 mai 2021 portant adoption d’une recommandation relative à l’exercice des droits par l’intermédiaire d’un mandataire (27 mai 2021) : La recommandation présente les différentes étapes d’une demande d’exercice de droits par le biais d’un mandataire et aborde notamment les questions suivantes :

  • la forme du mandat et son contenu ;
  • les demandes de droit automatisées ;
  • les situations dans lesquelles un responsable de traitement peut considérer une demande d’exercice de droits par un mandataire comme étant complexe, manifestement infondée ou excessive ;
  • les normes de sécurité qu’il conviendrait de mettre en œuvre et les formats de transmission des données ;
  • les conditions dans lesquelles un mandataire peut réutiliser les données ayant fait l’objet de l’exercice du droit, pour son propre compte et sous sa responsabilité.

CNIL – Référentiel relatif aux traitements de données personnelles mis en oeuvre dans le cadre de la gestion locative (27 mai 2021) : Ce référentiel a été mis en place pour les organismes publics ou privés dans le cadre des traitements de données relatifs à la gestion locative en respectant les principes relatifs à la protection des données ainsi que les droits des personnes. Le référentiel a vocation à encadrer l’ensemble des traitements mis en œuvre pendant toute la durée d’un contrat de bail.

La CNIL précise sur son site que ce référentiel cible ainsi de nombreuses finalités (objectifs) qui peuvent être regroupées en quatre thématiques distinctes :

  • la proposition de biens à louer (analyse des critères de potentiels futurs locataires, envoi de propositions de location) ;
  • la pré-contractualisation et la conclusion du contrat de bail (organisation des visites du logement, appréciation de la solvabilité des candidats à la location, etc.) ;
  • le déroulement du contrat de bail (suivi du paiement des loyers, vérification de la souscription d’une assurance, etc.) ;
  • la fin du contrat (résiliation du contrat, fin de solidarité des locataires pour le paiement des loyers).

Chiffrage par le maître d’œuvre des désordres survenus en cours de chantier au stade du décompte général

Malgré leur apparente évidence, les modalités précises de certaines opérations méritent d’être évoquées. A ce titre, l’élaboration du décompte général et définitif est la dernière occasion pour faire valoir des sommes liées aux désordres ayant affecté le maître d’ouvrage, même si ces désordres (tels les retards) n’ont pas affecté directement l’ouvrage construit, le maître d’œuvre devant chiffrer ces sommes ou attirer l’attention du maître d’ouvrage sur celles-ci s’il ne peut les chiffrer avec certitude.

Rappelons que la fin d’un marché public de travaux est marquée par l’élaboration d’un décompte qui suit le cheminement suivant (voir articles 13.3 et suivants du CCAG travaux version 2009 et 12.3 du CCAG version 2021) : projet de décompte final (établi par le titulaire) ; décompte final (projet accepté ou rectifié par le maître d’œuvre) ; projet de décompte général (établi par le maître d’œuvre) ; décompte général (projet signé par le pouvoir adjudicateur) ; décompte général et définitif (décompte général signé sans réserve par le titulaire).

Le document qui récapitule le premier l’ensemble de la situation financière résultant du contrat est le projet de décompte général établi par le maître d’œuvre. Il comprend le décompte final, l’état du solde établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, et la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Et le CCAG travaux (version 2009 et 2021) prévoit bien que le montant du projet de décompte général est égal au résultat de cette récapitulation.

Dans le cadre de ce décompte, dont les contours semblent figés, le maître d’œuvre doit-il intégrer les sommes liées à des désordres qui ont affecté le maître d’ouvrage sans affecter directement l’ouvrage objet des travaux (location de bâtiments modulaires par suite de retards et constats d’huissier, par exemple) ? En répondant par la positive, la Cour administrative d’appel de Lyon a précisé que :

« Lorsqu’il a connaissance de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l’état de l’ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l’ouvrage, il appartient au maître d’œuvre chargé d’établir le décompte général du marché, soit d’inclure dans ce décompte, au passif de l’entreprise responsable de ces désordres, les sommes correspondant aux conséquences de ces derniers, soit, s’il n’est pas alors en mesure de chiffrer lesdites conséquences avec certitude, d’attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder ses droits, d’assortir la signature du décompte général de réserves relatives à ces conséquences ».

De manière générale, l’établissement du décompte constitue la dernière occasion pour les parties au contrat de réclamer des sommes liées aux droits et obligations nés de l’exécution du contrat. En effet, afin de conférer une portée utile au principe d’unicité, lorsque le décompte général devient définitif, il devient par la même occasion intangible et irrévocable : il n’est plus possible pour les parties d’en contester le contenu et de réclamer des sommes à une autre partie (sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde).

Les maîtres d’œuvre devront donc être attentifs au sort des désordres ayant affecté, au cours d’un chantier, les maîtres d’ouvrage et chiffrer ces désordres ou attirer l’attention des maîtres d’ouvrage en cas de difficulté de chiffrage, afin de leur permettre d’assortir la signature du décompte général de réserves.

Parution du décret « communications éléctroniques »

Pris pour l’application de l’ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021 portant transposition de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le Code des communications électroniques européen et relative aux mesures d’adaptation des pouvoirs de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), le décret du 31 août 2021 publié au Journal officiel du 2 septembre 2021 poursuit ainsi l’œuvre de transposition des règles issues du nouveau Code européen des communications électroniques.

LA PRISE EN COMPTE DU CHANGEMENT DE DENOMINATION POUR L’ARCEP

Au titre des principaux changements prévus par le décret du 31 août 2021, figure notamment la prise en compte de la modification de la dénomination de l’ARCEP qui est désormais baptisée « Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ».

PRECISION DES MODALITES DE SUBSTITUTION DE NOUVEAUX RESEAUX AU RESEAU CUIVRE 

Le décret du 31 août 2021 vient également préciser les modalités de la procédure de déclassement ou de remplacement par une infrastructure nouvelle de certaines parties du réseau.  Il est ainsi prévu qu’avant de mettre en œuvre une procédure de déclassement ou de remplacement, l’opérateur doit notifier son projet au préalable et en temps utile à l’ARCEP, et ce, au plus tard, six mois avant le lancement de la procédure (art. L. 38-2-3 et R. 9-6-1 du Code des postes et des communications électroniques – ci-après « CPCE »). Après évaluation des effets potentiels d’une telle procédure et la satisfaction d’autres conditions, l’ARCEP peut supprimer les obligations d’opérateur fixées conformément à l’article L. 37-2 du CPCE.

La définition des modalités de procédure devrait ainsi faciliter le remplacement du réseau cuivre de l’opérateur historique par les réseaux en fibre optique.

INTRODUCTION D’UN DELAI DE REPONSE PROPRE AUX GESTIONNAIRES D’INFRASTRUCTURES D’ACCUEIL

Ensuite, le décret introduit un délai maximal de réponse de deux mois au cours duquel les gestionnaires d’infrastructures d’accueil se prononcent sur les demandes d’accès à leurs infrastructures faites par les opérateurs en vue d’y installer des points d’accès sans fil à portée limitée, et dont le silence équivaut à une décision de rejet de la demande d’accès. On rappellera toutefois qu’aux termes de l’article L. 34-8-2-3 du CPCE, un refus opposé à une telle demande doit en principe être fondé sur des critères objectifs, transparents et proportionnés à l’instar de la capacité technique des infrastructures, la sécurité des personnes ou encore des obligations issues des règlementions particulières.

FIXATION DES MODALITES D’APPLICATION RELATIVE AU SERVICE UNIVERSEL DES COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES

Sur son site internet l’ARCEP définit le service universel des communications électroniques comme « un service public français » se matérialisant par le fait que « toute personne peut en faire la demande et bénéficier d’un raccordement fixe à un réseau ouvert au public, et la fourniture d’un service téléphonique de qualité, à un tarif abordable ». Pour concrétiser la mise en œuvre de ce service public, le décret 31 août 2021 vient fixer les modalités d’application des dispositions relatives au service universel des communications électroniques prévues par les articles L. 35-1 à L. 35-7 du CPCE. En effet, les articles R. 20-30-1 et R. 20-31 du CPCE viennent définir d’une part, les catégories de personnes éligibles au service universel (concernent en particulier les personnes à faible ressources financières bénéficiaires de prestations sociales) ainsi que les services de base qui devront être accessibles par ces utilisateurs finals au titre du service d’accès adéquat à internet à haut débit, comme par exemple l’accès à la messagerie électronique, aux moteurs de recherche permettant de chercher et de trouver tout type d’information, aux outils en ligne de base destinés à la formation et à l’éducation, aux journaux ou sites d’information en ligne…

PRECISIONS SUR LES DELAIS APPLICABLES EN MATIERE D’AUTORISATIONS D’UTILISATION DE FREQUENCES                 

Concernant les autorisations d’utilisation des fréquences attribuées par l’ARCEP, le décret vient modifier l’article R. 20-44-9 du CPCE en précisant que cette dernière dispose en principe d’un délai d’instruction maximal de six semaines entre le dépôt d’un dossier complet et la date de notification de la décision relative aux autorisations d’utilisation de fréquence, sauf si la décision intervient à l’issue d’une procédure d’attribution auquel cas ce délai est porté à huit mois.

Quant au délai de notification de la décision de prorogation d’autorisation d’utilisation de fréquences, il est précisé qu’elle ne peut être ne peut être inférieur à deux ans avant l’expiration de la durée initiale des droits.

Enfin, s’agissant du délai minimal de notification des conditions de renouvellement ou des motifs de refus de renouvellement des autorisations d’utilisation de fréquences, il ne peut être inférieur à un an.

Expropriation : le Conseil d’Etat vient trancher une question importante sur les conditions pour exciper l’illégalité d’une DUP

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt très attendu par les spécialistes de droit de l’expropriation, tranchant le point de savoir si, à l’appui d’un recours en annulation contre un arrêté de cessibilité, un requérant pouvait soulever certains moyens de légalité externe tiré de l’exception d’illégalité de l’arrêté prononçant la déclaration d’utilité publique d’un projet d’aménagement ou de construction.

Pour revenir sur la genèse de la problématique, par un arrêt d’Assemblée rendu le 18 mai 2018, le Conseil d’Etat avait jugé qu’à l’appui d’un recours contre un acte administratif s’appuyant sur un acte règlementaire antérieur formant avec lui une opération complexe, « si […] la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux » (CE, 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, n° 414583).

Cette jurisprudence récente du Conseil d’Etat est venue désormais empêcher la contestation perpétuelle de vices de procédure ou de forme dont seraient entachés des actes règlementaires par le recours à la technique de l’exception d’illégalité.

Toute la question était alors de savoir si cette jurisprudence était applicable au cas dans lequel des vices de forme ou de procédure entachant un arrêté de DUP pouvaient être soulevés, par voie d’exception, à l’appui d’un recours contre l’arrêté de cessibilité.

La Cour administrative d’appel de Nancy avait tranché cette question en indiquant que la jurisprudence du Conseil d’Etat « Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT » s’appliquait, ce qui impliquait que des moyens de légalité externe contre la DUP ne pouvaient être soulevés à l’appui d’un recours contre l’arrêté de cessibilité (CAA Nancy, 27 décembre 2019, n° 18NC03397). D’autres juridictions sont allées dans le même sens (voir notamment : TA Châlons-en-Champagne, 5 juillet 2018, n° 1700746).

A l’inverse, d’autres juridictions du fond ont pu considérer que les moyens de légalité externe contre la DUP peuvent être soulevés dans le cadre d’un recours contre l’arrêté de cessibilité (TA Poitiers, 14 mars 2019, n° 1702490).

C’est donc cette dernière position que retient le Conseil d’Etat, en formation de chambres réunies. Précisons que la Haute juridiction administrative était saisie dans ce contentieux en premier et dernier ressort.

Si l’arrêt ne contient pas de considérant de principe sur le sujet de l’exception d’illégalité, le Conseil d’Etat accepte toutefois de trancher les moyens de légalité externe soulevés par voie d’exception contre l’arrêté de DUP, en l’occurrence les moyens tirés de l’insuffisance de l’étude d’impact et de la nécessité de conduire une nouvelle enquête publique compte tenu de l’augmentation du coût du projet depuis 2008.

La procédure de modification simplifiée d’un PLU ne peut avoir pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec une zone ou un secteur du PLU

Par une décision en date du 21 juillet dernier, le Conseil d’Etat a considéré que, si la procédure de modification simplifiée d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) peut légalement être utilisée pour rectifier une erreur matérielle, elle ne peut en revanche pas avoir pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec une zone ou un secteur défini par ce PLU.

 

Dans cette affaire, la commune de Plouézec avait approuvé la modification simplifiée de son PLU selon laquelle les aménagements et installations liés à l’exercice des sports mécaniques sont interdits en zone N « à l’exception de la zone Ny ». Le Maire a, ensuite, délivré à la Commune un permis d’aménager portant sur la réalisation d’un site multisport situé en zone Ny. Le requérant contestait l’utilisation de la procédure de modification simplifiée pour l’évolution réglementaire envisagée.

La procédure de modification simplifiée du PLU est régie par les articles L. 153-45 à L. 153-48 du Code de l’urbanisme, antérieurement codifiés à l’article L. 123-13-3 du même Code, qui prévoyait, dans sa version applicable aux faits, que :

« I. En dehors des cas mentionnés à l’article L. 123-13-2, et dans le cas des majorations des possibilités de construire prévues au deuxième alinéa de l’article L. 123-1-11 ainsi qu’aux articles L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2, le projet de modification peut, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-6, du maire, être adopté selon une procédure simplifiée. Il en est de même lorsque le projet de modification a uniquement pour objet la rectification d’une erreur matérielle ».

Par une précédente décision du 31 janvier 2020, Commune de Thorame-Haute (CE, 31 janvier 2020, n° 416364), le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de préciser le champ d’application de la modification simplifiée au regard des dispositions précitées :

« 3. Il résulte de ces dispositions que le recours à la procédure de modification simplifiée pour la correction d’une erreur matérielle est légalement possible en cas de malfaçon rédactionnelle ou cartographique portant sur l’intitulé, la délimitation ou la règlementation d’une parcelle, d’un secteur ou d’une zone ou le choix d’un zonage, dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du plan local d’urbanisme, telles qu’elles ressortent des différents documents constitutifs du plan local d’urbanisme, comme le rapport de présentation, les orientations d’aménagement ou le projet d’aménagement et de développement durable ».

Dans sa décision du 21 juillet 2021, n° 434130, le Conseil d’Etat a, après avoir rappelé le considérant de principe susvisé, précisé que la modification simplifiée ne saurait, en revanche, avoir pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec la vocation d’une zone ou d’un secteur défini par le plan local d’urbanisme.

Il a ainsi décidé que la Cour administrative d’appel de Nantes avait inexactement qualifié les faits de l’espèce en considérant que la modification, par la délibération litigieuse, du règlement de la zone Ny pour y autoriser les aménagements et installations liés à l’exercice des sports mécaniques, pouvait être regardée comme la rectification d’une erreur matérielle, et a annulé l’arrêt attaqué.

Actualités IT et nouvelles technologies : Bilan annuel des dernières décisions rendues en droit des contrats et marchés informatiques

Dans la lignée de la LAJ #112 de septembre 2020 et de la LAJ #101 d’octobre 2019, voici le nouveau bilan des décisions rendues en droit des contrats et marchés informatiques au cours de l’année passée marquée par l’adaptation du nouveau CCAG-TIC.

1.    Marchés publics informatiques

1.1.   Actualisation du CCAG-TIC

Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de techniques de l’information et de la communication

Le nouveau CCAG-TIC a fait l’objet d’une refonte, tout comme les autres CCAG, afin de prendre en compte l’évolution du droit positif et plus particulièrement du Code de la commande publique (CCP) qui, entre autres évolutions, n’impose plus de fixer la hiérarchie des pièces contractuelles, prévoit la dématérialisation des factures, inclut l’engagement de l’acheteur de prendre en compte les objectifs de développement durable, etc.

S’agissant plus spécifiquement des aspects de droit de l’informatique, le nouveau CCAG-TIC a eu pour objet de :

    • mieux définir les obligations du titulaire ;
    • réformer le régime de propriété intellectuelle applicable aux résultats ;
    • protéger la confidentialité ;
    • renforcer la sécurité des systèmes d’information.
  • Redéfinition des obligations du titulaire de marché

L’un des objectifs du législateur, avec cette réforme, a été de mieux adapter le CCAG-TIC aux marchés relatifs aux logiciels.

En premier lieu, un devoir de conseil et de mise en garde a été introduit à l’article 3.9 à la charge du titulaire comme une obligation permanente pour les matériels, logiciels et prestations fournies à l’acheteur. Il est à cet égard précisé que, dans le cadre de cette obligation, « le titulaire communique notamment à l’acheteur toute information permettant d’améliorer le niveau de sécurité du système d’information et signale les difficultés et risques que certains choix peuvent entraîner dès lors que cette information relève des prestations objet du marché ».

En deuxième lieu, l’article 22 indique une liste très complète de ce que doit inclure la documentation livrée avec le logiciel, alors que l’ancienne version du CCAG-TIC se contentait de viser la composition et les caractéristiques du matériel ou du logiciel, et leurs procédures courantes d’utilisation.

Enfin, l’article 38.3 vient préciser un peu plus les modalités de mise en œuvre des opérations de réversibilité révélant ainsi une prise de conscience quant au caractère crucial de cette étape du contrat informatique, souvent négligée par le passé.

  • Réforme du régime de propriété intellectuelle applicable aux résultats

L’une des évolutions les plus frappantes de ce CCAG (et des autres CCAG également) consiste en la suppression des anciennes options « A » et « B » et leur remplacement par une clause de propriété intellectuelle unique.

En effet, la pratique a révélé que le système des options A (concession d’une licence non exclusive sur les résultats) et B (cession exclusive des droits sur les résultats) présentait de nombreux inconvénients, le premier étant qu’il obligeait l’acheteur à faire un choix entre les deux options (l’absence de choix conduisait à l’application de l’option A), ce qui pouvait conduire l’acheteur à choisir l’option la plus protectrice à ses yeux, i.e. la cession exclusive de tous les droits, pour le monde entier. Or une telle option, au vu de l’objet du marché concerné, était parfois excessive et inadaptée. A l’inverse, de nombreux acheteurs ne faisaient simplement pas de choix et se voyaient appliquer, par défaut, une licence non exclusive à leur désavantage et sans que cela soit justifié, par exemple sur des logiciels spécifiques (pour lesquels il est généralement prévu une cession par définition définitive). 

Désormais, l’article 46.2.1 limite aux seuls résultats pour lesquels une exclusivité est nécessaire pour l’acheteur et prévoit trois cas :

    • les résultats ayant pour objet de distinguer l’identité propre de l’acheteur et/ou de ses services ou produits par rapport aux autres entités, services ou produits (tels que marques, dénominations, logos, slogans, chartes graphiques) ;
    • les résultats ayant pour objet de promouvoir l’acheteur, ses produits et services, et plus généralement ses missions de service public (telles que campagnes de promotion, ou de communication) ;
    • les résultats qualifiés de confidentiels.

Ainsi, la seule qualification de « confidentielle » d’un résultat (par exemple un logiciel spécifique) suffira à conférer à l’acheteur une exclusivité sur ledit résultat.

Cette actualisation facilitera probablement la tâche des acheteurs dans la rédaction des marchés, étant précisé qu’il leur sera toujours possible de prévoir une clause de propriété intellectuelle différente de celle du CCAG, mieux adaptée à leurs besoins.

  • Protéger la confidentialité

Il est introduit une nouvelle définition de « information confidentielle » à l’article 5.1.2, très large puisqu’elle couvre toute information communiquée sous quelque forme que ce soit par l’acheteur au titulaire. Cette définition, qui n’est plus réciproque puisque les informations communiquées par le titulaire ne sont plus visées, couvre donc désormais également les informations non spécialement signalées comme « confidentielles ».

Il est en outre précisé, à l’article 5.2.3, que lorsque le titulaire met en œuvre un traitement de données à caractère personnel pour le compte de l’acheteur (qui en sera donc le responsable de traitement), les documents du marché devront mentionner l’ensemble des informations requises pour la rédaction d’une clause de sous-traitance (article 28 du RGPD) et préciser également les pénalités applicables au titulaire en cas de méconnaissance de la réglementation.

Bien que cet article ne soit que la reprise de la règlementation applicable en la matière, une telle précision ne peut être que bienvenue dans ce document cadre.

  • Renforcement de la sécurité des systèmes d’information

La réforme du CCAG-TIC introduit plusieurs mesures de natures à renforcer la sécurité des systèmes d’information.

L’article 5.4 introduit une obligation d’information propre aux vulnérabilités et incidents de sécurité détectés sur le système d’information du titulaire. Pour cela, le titulaire doit mettre à la disposition de l’acheteur « un dispositif d’information dédié à la sécurité informatique (notamment flux RSS/ATOM, liste de diffusion par courriel ou autre) » qui vise à tenir l’acheteur informé de tout événement susceptible d’impacter la sécurité du système (par exemple annonce de correctif, attaque en cours, violation de données à caractère personnel).

A l’article 14.3, il est introduit une pénalité spécifique pour violation des obligations de sécurité ou de confidentialité selon laquelle : (i) en cas de non-respect des règles de sécurité et de protection des informations confidentielles n’impliquant pas des données à caractère personnel, il est appliqué une pénalité égale à 0,5 % du montant exécuté du marché public à la date de constatation du fait générateur ; (ii) en cas de non-respect des règles de sécurité et de protection des informations confidentielles impliquant des données à caractère personnel, il est appliqué une pénalité égale à 2 % du montant exécuté du marché public à la date de constatation du fait générateur.

L’article 24 prévoit la possibilité de conduire un audit de sécurité auprès du titulaire ou des sous-traitants de celui-ci afin de s’assurer du respect du niveau de sécurité requis par l’acheteur au sein des documents du marché, d’où l’importance de soigner la rédaction de ces documents.

Enfin, il est ajouté, à l’article 40, une clause sur les obligations relatives à la « maintenance en condition de sécurité », comprenant (i) le traitement des obsolescences et (ii) les obligations relatives à la livraison des correctifs de sécurité.

 

1.2. Interprétation restrictive de l’intérêt à agir d’un tiers au contrat dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne » portant sur la contestation de la validité d’un marché de maintenance de logiciel pour une association de promotion du logiciel libre

Tribunal administratif de Melun, 20 avr. 2021, n° 1804171

Le recours « Tarn-et-Garonne » ouvre à tout tiers à un contrat administratif un recours en contestation de la validité dudit contrat signé dès lors que ce tiers est susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou les clauses du contrat (Dpt Tarn-et-Garonne, n° 358994).

Dans la présente affaire, l’association « Free software foundation Europe » (ONG à but non lucratif militant pour le logiciel libre en Europe et aux Nations unies) contestait, dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne », la validité d’un marché conclu par le ministère des Armées portant sur le maintien des systèmes informatiques exploitant des produits de la société Microsoft.

Le contrat dont la validité était contestée ayant pour effet de limiter la diffusion du logiciel libre, cette association soutenait que son intérêt à agir résultait de son activité de défense du logiciel libre dans la mesure où son objet social est la promotion et la diffusion des logiciels libres afin de soutenir le libre-échange de savoirs et l’égalité des chances dans l’accès aux logiciels et à l’éducation populaire.

Par cette décision le Tribunal fait une interprétation restrictive de l’intérêt à agir en retenant que le contrat ne pouvait avoir pour effet de limiter la diffusion du logiciel libre alors que l’Administration était déjà utilisatrice des logiciels en question, sous la licence en cause.

 

2. Propriété intellectuelle afférente aux logiciels

2.1.    La protection des APIs par le copyright

Arrêt de la Cour suprême des États-Unis du 5 avril 2021 (n°18-956), Google LLC v. Oracle America Inc.

Le 5 avril dernier, la Cour suprême des Etats-Unis a rendu un arrêt d’ores et déjà devenu incontournable, après onze ans d’une saga judiciaire opposant Oracle à Google. Il était reproché à cette dernière l’utilisation, dans son système Android, de lignes de code de l’« interface de programmation applicative » (ou « API ») du logiciel Java Standard Edition d’Oracle.

Au soutien de sa demande d’indemnisation, qui s’élevait à plusieurs milliards de dollars, Oracle avait invoqué notamment le fait que cette API était protégée par le droit d’auteur.

Dans cette affaire, la question était donc celle de savoir si un code API était susceptible d’être protégé par le copyright (droit d’auteur américain). Etant précisé que le droit américain, comme le droit français, protège les logiciels par le système du copyright (équivalent du droit d’auteur en droit français) mais refuse cette protection aux idées, méthodes et découvertes.

Le code API est un ensemble de définitions et de protocoles qui facilite la création et l’intégration de logiciels en permettant la communication et l’échange de données entre plusieurs applications. Les API sont aujourd’hui devenues incontournables tant elles permettent l’interopérabilité entre systèmes d’information.

Oracle estimait ainsi que le code de l’API de Java était protégé par le copyright et, en conséquence, que son autorisation était requise pour le reproduire en tout ou partie au sein du système Android.

Sans totalement répondre à la question relative à la protection du code API par le copyright, la Cour suprême a rejeté les demandes d’Oracle, considérant que l’utilisation d’une partie du code API de Java par Google relevait de l’exception du fair use (« usage légitime ») dans la mesure où la reproduction en question n’intégrait que les lignes de code nécessaires.

Bien que cet arrêt ne tranche pas définitivement la question de savoir si le code API doit bénéficier de la protection au titre du coypright, il dessine un régime juridique relativement libéral, en laissant une certaine liberté de réutilisation aux acteurs du secteur, en vue d’assurer l’interfaçage de leurs applications.

 

2.2. Nature du régime de responsabilité applicable en cas de non-respect d’une licence de logiciel (responsabilité délictuelle ou contractuelle)

CA, Paris 19 mars 2021, n° 19/17493

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 18 décembre 2019 dans l’affaire IT Development SAS c. Free Mobile SAS, saisie d’une question préjudicielle posée par la Cour d’appel de Paris en 2018 dans une affaire similaire, et se prononce sur la nature de l’action en responsabilité en cas de non-respect d’une licence de logiciel.

Pour rappel, la décision de la CJUE avait considéré que, dans le cadre d’une action en responsabilité pour violation d’une licence d’utilisation d’un logiciel, le régime de responsabilité délictuelle ou contractuelle importait peu du moment que les garanties prévues par la directive 2004/48 étaient respectées. La Cour de justice laissait ainsi toute liberté aux législateurs nationaux sur le choix du régime de responsabilité applicable.

Dans la présente affaire, la société Entr’Ouvert invoquait le non-respect d’un contrat de licence à l’encontre de la société du fait de la mise à disposition à un de ses clients d’une bibliothèque logicielle éditée par la société Entr’ouvert sous licence libre GNU GPL (Version 2). Estimant que les termes de cette licence avaient été violés, la société Entr’Ouvert a agi en responsabilité contre la société Orange, en fondant l’ensemble de ses demandes sur la responsabilité délictuelle au titre d’actes de contrefaçon, sans mettre en jeu la responsabilité contractuelle de la société Orange, et se prévalait pour cela, devant la Cour d’appel, de l’arrêt de la CJUE du 18 décembre 2019.

Logiquement, la société Orange a, de son côté, opposé l’irrecevabilité des demandes fondées sur la contrefaçon en application du principe de non-cumul des responsabilités délictuelle (contrefaçon) et contractuelle.

Dans cette même affaire, le TGI de Paris avait, en 2019, tranché en faveur de l’application du principe du non-cumul, considérant que les demandes fondées sur la contrefaçon étaient irrecevables. Cette décision s’est ainsi inscrite dans la droite ligne de la position qui était déjà celle de la Cour d’appel de Paris en 2016 dans une autre affaire (arrêt du 10 mai 2016, n° 14/25055). 

Saisie en appel de cette décision, la Cour d’appel de Paris a fourni son analyse de la portée à donner à cette décision de la CJUE. Elle a considéré que la décision de la CJUE « ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et la conséquence qui en découle de l’exclusion de la responsabilité délictuelle au profit de la responsabilité contractuelle dès lors que les parties sont liées par un contrat et qu’il est reproché la violation des obligations de celui-ci ».

Par conséquent, elle considère que « lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, alors seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités ».

Dès lors, la demande de la société Entr’Ouvert, qui était fondée sur la seule responsabilité délictuelle, a été déclarée irrecevable dans la mesure où elle avait été fondée sur un contrat de licence et qu’elle s’était prévalue de la violation des clauses de ce contrat.

Il en résulte que toute action en responsabilité fondée sur le non-respect d’un contrat de licence ne peut être formée que sur le fondement d’une responsabilité contractuelle.

 

3. Contrats informatiques

3.1.   Vices du consentement

CA, Nancy 7 avril 2021, n° 19/02615

Dans cette affaire, une société cliente a conclu avec un prestataire informatique un contrat de licence et de maintenance d’un logiciel de gestion.

Constant que ce logiciel ne lui permettait pas d’exploiter les fichiers clients présents dans son ancien logiciel, cette société a agi en nullité du contrat sur le fondement de son erreur (article 1110 du Code civil), invoquant le fait qu’en cas d’acquisition d’un nouveau logiciel informatique, la reprise des données de l’ancien logiciel constituait un élément essentiel du contrat pour l’acquéreur.

In fine, elle reprochait à son prestataire informatique de ne pas l’avoir avertie de l’impossibilité du transfert des fichiers présents dans son ancien logiciel sur le nouveau logiciel préalablement à la conclusion du contrat.

La Cour d’appel de Nancy a confirmé ici la position du Tribunal de commerce de Nancy et a rejeté cette demande, constatant que :

    • Les devis transmis par le prestataire n’incluaient pas de prestation quant au transfert des fichiers ;
    • Le catalogue commercial du prestataire mentionnait expressément que cette prestation était optionnelle ;
    • La société cliente ne rapportait pas la preuve que ce transfert constituait une condition déterminante de son consentement, ce sujet n’ayant jamais été évoqué dans les échanges entre les parties avant l’acceptation des devis ;
    • Le logiciel fourni n’était pas pour autant inutilisable dans ses fonctionnalités.

La Cour en a déduit qu’il n’y avait pas eu, en l’espèce, d’erreur sur les qualités essentielles du logiciel.

 

3.2.   L’obligation de délivrance conforme

  • Obligation de délivrance d’un logiciel conforme à la règlementation

Cass. com., 9 décembre 2020, n° 19-10.119

La Cour de cassation rappelle ici que le manquement du fournisseur de logiciel à son obligation de délivrance conforme peut résulter d’une non-conformité dudit logiciel à la réglementation.

En l’occurrence, il est légalement requis des offices d’huissiers de justice d’utiliser un logiciel de comptabilité dont la conformité aux prescriptions d’un arrêté du 31 mai 2011 et de ses annexes a été attestée.

Ainsi, l’absence de conformité d’un logiciel de comptabilité à cet arrêté rend le logiciel non conforme à l’usage auquel il est destiné, peu important le fait que le client n’ait pas semblé gêné par l’absence d’homologation de ce logiciel lorsqu’il a signé le contrat.

  • Obligation de délivrance conforme : obligation de résultat ou de moyens ?

CA, Caen 22 avril 2021, n° 19/00629

La Cour d’appel de Caen rappelle dans cet arrêt que l’obligation de délivrance conforme, s’agissant d’un logiciel, en tant que produit complexe, « s’entend de l’installation et du paramétrage du logiciel conformément aux besoins de l’acheteur tels qu’ils résultent des spécifications contractuelles ». La Cour ajoute, en outre, que « le prestataire informatique est tenu d’une obligation de résultat portant sur la livraison d’un logiciel conforme aux prévisions contractuelles ».

En l’espèce, il s’agissait d’un contrat de prestation informatique ayant pour objet le remplacement d’un progiciel par une version plus récente. Or, le fonctionnement du nouveau logiciel supposait la récupération des données de la version précédente. Cette prestation avait été confiée à un tiers par le client.

Ainsi, le fonctionnement du logiciel selon la spécification contractuelle dépendait en grande partie d’une opération menée en collaboration entre le prestataire informatique, le client et le prestataire tiers chargé de la récupération des données.

Considérant que le succès de l’installation dépendait donc de la collaboration active du client et du prestataire tiers, avec le prestataire informatique, les juges en ont déduit que ce dernier ne pouvait pas être tenu d’une obligation de résultat.

Il appartenait alors au client de prouver que les dysfonctionnements dont il faisait état étaient en réalité imputables à une défaillance du logiciel vendu, et non à la carence du prestataire tiers chargé de la récupération des données, ce qui n’a pas été établi en l’espèce.

CA, Paris, 3 juillet 2020, n° 18/09507

A propos d’un contrat relatif à l’amélioration du référencement en ligne et sur les réseaux sociaux du client, la Cour d’appel de Paris précise qu’à défaut de quantification des objectifs à atteindre, le prestataire n’a souscrit qu’une simple obligation de moyens.

Dès lors, le client ne pouvait invoquer l’insatisfaction quant au résultat des actions accomplies ou le retard dans les livraisons pour se soustraire à son obligation de payer les honoraires stipulés forfaitairement et qui n’étaient pas contractuellement assujettis aux résultats effectivement obtenus.

Tribunal de commerce de Vienne, 21 janvier 2021

L’affaire portée devant le Tribunal de commerce de Vienne était relative à l’exécution d’un contrat de fourniture d’un logiciel spécifique afin d’automatiser certaines tâches et optimiser la gestion opérationnelle sociale et comptable de la société cliente.

La société cliente avait établi un cahier des charges détaillant ses besoins spécifiques, sur la base duquel le prestataire informatique avait construit sa proposition commerciale, puis développé le logiciel commandé.

Face aux dysfonctionnements et incohérences de fonctionnement invoqués par la cliente et constatant la méfiance qui s’était installée entre les cocontractants, le prestataire a mis fin à leur collaboration en invitant la cliente à finaliser les développements complémentaires de l’application avec un autre développeur plus adapté.

La cliente a alors agi en responsabilité contractuelle de son prestataire, sur le fondement d’un manquement à son obligation de délivrance, demandant également la résolution du contrat ainsi que le versement de dommages-intérêts.

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, qu’en matière de logiciel spécifique, le prestataire est tenu d’une obligation de résultat de délivrer un produit conforme aux spécifications détaillées dans le cahier des charges et constate, en l’espèce, que le prestataire avait ici manqué à son obligation de délivrance conforme, d’autant plus que la recette de l’application n’avait jamais été acquise.

Toutefois, ces manquements n’étaient pas, pour les juges, d’une gravité suffisante pour emporter la résolution du contrat.

Seuls des dommages-intérêts à hauteur de 8.000 euros ont donc été alloués au titre des manquements constatés.

  • L’obligation de délivrance conforme : la fourniture d’un logiciel standard ne comprend pas toujours son installation sur l’ordinateur du client

Cass. com.,6 janvier 2021 n° 19-17.413

Se plaignant de dysfonctionnements affectant les deux logiciels standards commandés, concernant le paramétrage et la saisie, la société cliente a assigné son prestataire en responsabilité. La Cour de cassation, confirmant la Cour d’appel de Caen, rejette cette demande, estimant que l’obligation de délivrance conforme avait été exécutée par le prestataire.

La Cour de cassation estime que, s’agissant de logiciels standards, l’installation et le paramétrage des logiciels, non visés dans le devis ou la facture, n’entraient pas dans le champ contractuel. De sorte que l’obligation du prestataire ne couvrait finalement que la livraison des logiciels.

En ce sens, la présente décision tranche avec l’arrêt de la Cour d’appel de Caen en avril 2021 (cf. ci-avant) qui a, quant à lui, retenu que l’obligation de délivrance conforme d’un logiciel s’entendait de l’installation et du paramétrage conformément aux besoins de l’acheteur tels qu’ils résultaient des spécifications contractuelles, dès lors que le logiciel est un produit complexe.

Il est donc permis de déduire que la présente espèce s’applique aux logiciels standards, autrement dénommés « progiciels » qui, contrairement aux logiciels développement spécifiquement pour un client, ne constituent pas des produits complexes.

  • Indemnisation du client

CA, Paris 26 juin 2020, n° 17/20843

Pour la réparation de la mauvaise exécution de son obligation de délivrance conforme par un prestataire informatique, la Cour d’appel de Paris retient les préjudices suivants :

    • Le remboursement de l’ensemble des factures réglées par la cliente audit prestataire sans réelle contrepartie ;
    • Le remboursement des coûts externes inutilement engagés après la conclusion du contrat auprès de tiers pour l’assistance, la gestion de projet, le développement et le paramétrage ;
    • Le remboursement des coûts internes liés aux salaires des employés dans le projet ;
    • Le remboursement du manque à gagner, dans la mesure où le projet devait générer des économies de coût substantielles et assurer le développement de son activité, soit une année de retour sur investissement.

Au total, l’indemnisation de la société cliente s’élève ainsi à 1.948.074 euros (complétée de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile).

En revanche, le préjudice moral invoqué par la cliente en raison de la large communication sur le projet auprès de ses clients et fournisseurs est écarté à défaut d’éléments probants sur ce point.

 

3.3. L’obligation de conseil du prestataire informatique

CA, Lyon 24 septembre 2020, n° 18/00258

La Cour d’appel de Lyon constate le manquement du prestataire informatique à son obligation de conseil dès lors qu’il ne s’était pas suffisamment renseigné sur l’ensemble des besoins effectifs de son futur client afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation du progiciel standard et des modules à l’utilisation qui en était prévue.

En effet, si une documentation avait bien été fournie au client, celle-ci se limitait à une présentation fonctionnelle détaillée destinée à l’ensemble des potentiels clients et ne prenait donc pas en compte les besoins spécifiques de son client.

En tout état de cause, les juges ont relevé que le prestataire reprochait à son client de ne pas avoir exprimé ses besoins spécifiques préalablement et de ne l’avoir fait qu’après l’installation du logiciel, ce qui ne pouvait que confirmer que le prestataire ne s’était lui-même pas renseigné préalablement au contrat. 

CA, Nancy 26 février 2021, n° 18/09828

La Cour d’appel condamne ici un prestataire informatique au titre d’un manquement grave à ses obligations contractuelles dans le cadre d’un ensemble de trois contrats par lequel la société cliente lui avait confié la gestion et la maintenance de son réseau informatique.

Parmi les inexécutions imputables au prestataire, les juges constatent un manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde dès lors que ce dernier n’avait pas alerté sa cliente sur la vétusté de son matériel de nature à compromettre la bonne exécution des prestations de maintenance.

Il est intéressant de noter que pour l’indemnisation de la société cliente, les juges ont tenu compte de son préjudice moral. En effet, les inexécutions du prestataire ont affaibli le crédit de la société cliente auprès de sa clientèle, la rigueur attendue dans l’exécution des prestations d’expertise comptable au regard des obligations déclaratives en matière fiscale et sociale notamment étant incompatible avec un réseau informatique non sécurisé, des données non sauvegardées et un système d’exploitation obsolète.

L’affaiblissement de la confiance de la clientèle était, en l’espèce, attestée par des témoins, dont certains avaient eu à subir une exposition à des pénalités liées au retard dans les obligations déclaratives sociales et fiscales confiées à leur expert-comptable.

Ce préjudice moral a été évalué à 5.000 euros.

 

3.4.   L’obligation de collaboration du client

CA, Paris 19 mars 2021, n° 17/20062

Une société souhaitait confier à un prestataire informatique le maintien et l’évolution de son ERP ainsi que la mise en place de futures évolutions mineures et majeures. Préalablement à l’établissement de sa proposition commerciale, le prestataire a réalisé un audit mettant en évidence plusieurs risques et préconisant notamment le maintien et l’évolution de l’ERP tout en assurant la mise en place de futures évolutions, afin d’assurer une migration progressive.

La proposition commerciale ayant été acceptée, cette solution a été contractualisée.

Or, cette solution nécessitait que la société cliente fournisse la base historique du support réalisé par le précédent prestataire, mais également mette en œuvre la charge en personnel et prévoie un budget nécessaire à l’adaptation, ce qu’elle n’a pas fait.

A défaut d’avoir exécuté ses obligations, les juges ont constaté que la cliente n’avait pas fourni à son prestataire les moyens d’exécuter sa mission. De sorte que la rupture des relations contractuelles n’étaient pas imputables au prestataire.

CA, Rennes 23 mars 2021, n° 19/00243

Dans le cadre d’un contrat de développement spécifique, la société cliente était tenue d’une obligation de collaboration afin de permettre au prestataire informatique d’ajuster au fur et à mesure ses produits.

La Cour d’appel ne manque pas de rappeler, toutefois, que « seul le prestataire est à même de comprendre si les informations qui lui sont fournies sont suffisantes pour lui permettre de poursuivre sa mission ou si au contraire, la collaboration de son client est inadaptée et insuffisante ».

En conséquence, il lui appartient, « s’il estime que les renseignements fournis par son client sont contradictoires, confus, ou incomplets, de l’en avertir dans les plus brefs délais en lui expliquant précisément ce qu’il attend de lui et en lui demandant de corriger ses méthodes ».

En l’espèce, le prestataire n’était pas en mesure de rapporter la preuve du caractère insuffisant, confus ou inefficace des informations fournies par la société cliente.

De sorte que le prestataire ne pouvait s’exonérer de ses manquements résultant du non-respect du calendrier, qui avait été contractuellement rendu impératif afin de permettre l’exploitation de l’application (dans sa version prototype) pour la saison estivale.

N’ayant pu exploiter l’application durant la période estivale, la société cliente réclamait la réparation, à hauteur de 100.000 euros, de son préjudice lié à la perte de chance de lever des fonds pour développer la version définitive de l’application.

La Cour d’appel de Rennes relève, cependant, que la perte de chance était, en l’espèce, « très hypothétique compte tenu de l’incertitude tenant tout à la fois aux réactions du public concerné qu’à celles des investisseurs ». Elle accorde donc une indemnisation de 5.000 euros au titre de la perte de chance.

Il est intéressant de noter, par ailleurs, que la Cour a refusé de tenir compte d’un rapport d’expertise unilatéral, estimant que « le prendre en considération reviendrait à s’appuyer uniquement sur lui pour l’aspect technique du dossier, ce qui violerait le principe du contradictoire ».

 

3.5.   Poursuite forcée du contrat

CA, Paris 31 mars 2021, n° 21/02172

Dans cette affaire, les parties étaient liées par des contrats de licence successifs (les contrats étaient à durée déterminée), depuis 22 ans, portant sur des logiciels mainframe.

Invoquant des retards successifs et répétés, et face au refus de sa cliente d’accepter de nouvelles conditions de paiement, le fournisseur des logiciels décide de résilier de manière anticipée le contrat de licence à durée déterminée, prévoyant un préavis de 6 mois. Ce délai a ensuite été prolongé pour une nouvelle durée additionnelle de six mois (jusqu’au 30 juin 2021), dans le cadre de pourparlers.

La cliente a saisi le juge des référés, sur le fondement du dommage imminent, estimant que le délai de préavis était insuffisant.

La Cour d’appel a ordonné la poursuite du contrat pour une année supplémentaire (jusqu’au 30 juin 2022), compte-tenu de la spécificité des logiciels mainframe du prestataire et de leur grande interdépendance avec les applications de la cliente rendant complexe, long et coûteux leur remplacement, et au regard de la dépendance croissante de la cliente à l’égard des logiciels de son fournisseur depuis 22 ans.

 

3.6. Responsabilité contractuelle du prestataire : les reproches formulés tardivement par le client ne sont pas pris en compte

CA, Grenoble 29 avril 2021, n° 19/01179

Une société cliente s’opposait au règlement des factures émises par son prestataire informatique en exécution d’un contrat de licence et d’un contrat de maintenance de logiciel. La cliente invoquait pour cela des dysfonctionnements du logiciel rendant impossible l’utilisation du logiciel.

Toutefois, la Cour relève que ces dysfonctionnements n’avaient pas été soulevés par la cliente en cours d’exécution du contrat, ni au moment de son renouvellement, alors que, de son côté, le prestataire justifiait être intervenu en mettant à jour le logiciel, et en vérifiant les codes et droits d’accès.

En conséquence, la société cliente a été condamnée au règlement des factures de son prestataire.

 

4. Procès-verbal de recette et recette tacite

CA, Lyon 11 juin 2020, n° 18/03212

CA, Douai 24 septembre, n° 18/06275

Dans la première affaire, une société cliente invoquait diverses non-conformités du site internet commandé pour demander la résolution du contrat de développement. Pour s’opposer à cette demande, le prestataire invoquait notamment un procès-verbal de réception signé par la cliente.

Toutefois, ce procès-verbal était relatif à la réception de l’espace d’hébergement et non à la réception du site internet et ne pouvait donc pas constituer une reconnaissance de la conformité du site internet de la part de la cliente. Ce procès-verbal ne pouvait donc pas être opposé aux demandes de la société cliente, fondées sur la non-conformité du site internet.

La solution est strictement la même dans la seconde affaire qui, au demeurant, mettait en cause le même prestataire.

Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, 16 novembre 2020

Pour retenir la bonne exécution de ses obligations par le prestataire informatique, dans le cadre d’un contrat relatif au développement d’un site de e-commerce, les juges relèvent non seulement que la réalisation de la prestation avait été constatée par procès-verbal, mais également que la cliente n’avait pas mis son prestataire en demeure, « ce qui laisse présager que la livraison a bien été effectuée ».

Le silence de la cliente a donc permis aux juges de constater la bonne recette des livrables, marquant à nouveau l’importance pour les clients de signaler (rapidement) par écrit les éventuels dysfonctionnements postérieurs à un éventuel procès-verbal de réception.

 

5. Méthode Agile : les difficultés font partie de la méthode !

Tribunal de commerce de Paris, 7 octobre 2020 

Cette affaire, déjà évoquée dans la LAJ #114, impliquait une société qui avait sollicité un prestataire informatique pour le développement de deux applications mobiles et un site web pour la gestion de la santé des animaux et leur rencontre, selon les principes de la méthode Agile, c’est-à-dire sans cahier des charges exprimant les besoins du client, cette méthode se caractérisant par un développement construit au fur et à mesure des échanges entre le prestataire et le client.

Reprochant des lenteurs de livraison et de nombreux dysfonctionnements des applications mobiles, la société cliente a décidé de mettre fin à sa relation contractuelle avec son prestataire et a sollicité le remboursement des factures réglées ainsi que l’indemnisation de son préjudice.

Les juges ont refusé de faire droit à sa demande, estimant, au contraire, que le premier prestataire avait correctement exécuté ses obligations, compte tenu du choix de la méthode Agile pour les développements, qui impliquait, par définition, des erreurs, des réponses parfois tardives et des difficultés à s’accorder sur les prestations.

Etant précisé, en outre, que la société cliente avait, en l’espèce, signé un procès-verbal de recette sans réserve et n’avait pas émis d’observations.

 

6. Expertises 

CA, Chambéry, 26 janvier 2021, n° 19/00143

L’expert judiciaire doit accomplir sa mission « avec conscience, objectivité et impartialité » (article 237 du Code de procédure civile). A cet égard, les juges ont rappelé, dans cette affaire, que l’existence d’un conflit d’intérêts constitue un manquement de l’expert à son obligation d’impartialité pouvant justifier une annulation de son rapport.

La Cour a rappelé que le conflit d’intérêt correspond à « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Or, en l’espèce, l’expert judiciaire nommé par la juridiction et l’expert amiable assistant l’une des parties étaient co-actionnaires d’une même société de conseil en informatique. De plus, l’expert judiciaire avait suivi une note technique de son associé sur un sujet déterminant, ce qui rendait légitime à penser que le principe de loyauté entre associés (affectio societatis) pourrait avoir influencé l’expert judiciaire.

Les juges ont, en outre, relevé que la relation d’associés n’avait pas été révélée au début des opérations d’expertise.

En conséquence, l’expertise est annulée sur la partie technique (la partie financière, réalisée sans l’intervention de l’expert privé, ayant été maintenue). La Cour vient toutefois préciser que bien qu’ayant perdu sa valeur expertale, cette partie du rapport peut tout de même être utilisée par le juge comme une pièce, concluant que « les constatations objectives faites par l’expert peuvent ainsi être exploitées, si elles sont corroborées par d’autres pièces ou si elles ne sont pas contredites par des pièces contraires ».

Cass. com., 9 décembre 2020 n° 19-17.291

La Cour de cassation confirme qu’il est possible pour les juges du fond de fonder leur décision sur un rapport d’expertise non contradictoire, dès lors que les juges ne se fondent pas exclusivement sur ce rapport, ce qui était bien le cas en l’espèce.

 

 

Sara BEN ABDELADHIM  et Audrey LEFEVRE

 

Un PSMV ne peut pas interdire de manière générale et absolue les modifications des immeubles situés dans son périmètre

Par une décision en date du 22 juillet dernier, le Conseil d’Etat a apprécié les nouvelles dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme relatif aux plans de sauvegarde et de mise en valeur a jugé illégales les interdictions générales et absolues de modification des immeubles situés dans le périmètre de ces plans.

Dans cette affaire, le Maire de Versailles a refusé de délivrer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé 9, place Hoche à Versailles, dans le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune et identifié par ce plan parmi les immeubles « à conserver », un permis de construire dans la cour de l’immeuble un ascenseur à structure métallique. Le refus de permis de construire était motivé par deux motifs, notamment celui tiré de ce que l’adjonction d’un volume au bâti existant contrevenait à l’objectif de préservation du bâti, dont la modification ou l’altération est interdite selon l’article 3 de ce plan.

En effet, l’article 3 du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune prévoyait que « la conservation de ces immeubles est impérative : par suite, tous travaux effectués sur un immeuble ne peuvent avoir pour but que la restitution de l’immeuble dans son état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec son état primitif ».

Les juridictions de première instance et d’appel ont rejeté la demande du syndicat tenant à l’annulation de l’arrêté attaqué, en jugeant que les dispositions de l’article 3 susmentionnées étaient conformes aux dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme alors en vigueur, aux termes desquelles :

« La révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur a lieu dans les mêmes formes que celles prévues pour son élaboration. 

III. – Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut comporter l’indication des immeubles ou des parties intérieures ou extérieures d’immeubles :

1° Dont la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales ;

2° Dont la démolition ou la modification peut être imposée à l’occasion d’opérations d’aménagement publiques ou privées ».

Telle n’est pas la position retenue par le Conseil d’Etat qui, tout en apportant des précisions sur l’appréciation des dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme, a jugé que le requérant était fondé à soutenir que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a jugé que, si antérieurement à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les dispositions de l’article L. 313-1 du Code de l’urbanisme prévoyaient que les plans de sauvegarde et de mise en valeur comportaient notamment l’indication des immeubles ou parties d’immeubles « dont la démolition, l’enlèvement, la modification ou l’altération sont interdits », tel n’est plus le cas des dispositions de cet article modifiées par ladite loi.

Le Conseil d’Etat a ainsi considéré, au regard des nouvelles dispositions et des travaux parlementaires, que « si les plans de sauvegarde et de mise en valeur peuvent identifier les immeubles ou parties intérieures ou extérieures d’immeubles dont la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales, ils ne peuvent désormais en interdire toute modification de façon générale et absolue ».

Nouveautés réglementaires en matière d’évaluation environnementale et de participation du public

Le décret d’application de la loi du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 et 2016-1060 du 3 août 2016 relatives, pour la première, à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et, pour la seconde, portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, est paru au journal officiel le 30 juin 2021. Il entraîne diverses évolutions réglementaires relatives à l’évaluation environnementale et à la participation du public. Plusieurs de ces évolutions sont particulièrement notables.

La première d’entre elles est la modification de la nomenclature relative à l’évaluation environnementale (annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement). Sont en effet ajoutées à la rubrique 1° (installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE) s’agissant des projets soumis à évaluation environnementale de manière systématique les nouvelles catégories suivantes :

  1. Usines intégrées de première fusion de la fonte et de l’acier ;
  2. Installations d’élimination des déchets dangereux ;
  3. Installations destinées à l’extraction de l’amiante ainsi qu’au traitement et à la transformation de l’amiante et de produits contenant de l’amiante, à la production d’amiante et à la fabrication de produits à base d’amiante.

Est également modifiée la rubrique 44 d) relative aux équipements sportifs, culturels ou de loisirs, au sein de laquelle sont réintroduits, dans les projets soumis à examen au cas par cas, les équipements culturels (qui n’y apparaissaient plus depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes).

S’agissant également des projets relevant d’un examen au cas par cas, une annexe à l’article R. 122-3-1 du Code de l’environnement est créée, laquelle détaille les critères permettant de déterminer si les incidences d’un projet sur l’environnement ou la santé peuvent être qualifiés de « notables » conduisant ainsi à soumettre le projet à évaluation environnementale à l’issu de cet examen. Il s’agit d’une transposition des critères prévus par la directive européenne 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ; seuls quelques ajouts et précisions non substantiels par rapport à la Directive sont apportés par cette nouvelle annexe.

L’article R. 122-5 du Code de l’environnement relatif au contenu du dossier d’évaluation environnemental fait également l’objet de plusieurs modifications.

Est ainsi désormais précisé au sein de cet article que l’avis délivré, le cas échéant, par l’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation du projet, portant sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans l’étude d’impact, doit nécessairement être pris en compte dans la préparation de ladite étude.

Des précisions ont également été apportées s’agissant de l’obligation pour le pétitionnaire de prendre en compte le cumul des incidences avec d’autres projets existants ou approuvés. Sont ainsi désormais définies les notions de « projet existant » et de « projet approuvé », de la façon suivante :

  • Pour les projets existants, ceux qui « lors du dépôt du dossier de demande comprenant l’étude d’impact, ont été réalisés» ;
  • Pour les projets approuvés, ceux qui « lors du dépôt du dossier de demande comprenant l’étude d’impact, ont fait l’objet d’une décision leur permettant d’être réalisés ».

Est en outre introduite à l’article R. 122-5 une obligation pour le maître d’ouvrage de tenir compte, le cas échéant, « des résultats disponibles d’autres évaluations pertinentes des incidences sur l’environnement requises au titre d’autres législations applicables ».

L’article intègre enfin une modification sémantique, l’ancien « état actuel de l’environnement » dénommé « scénario de référence » étant désormais appelé « état initial de l’environnement ». Cette clarification apparaît bienvenue, la notion de « scenario de référence » ayant été source de confusion pour les maîtres d’ouvrage. 

Une autre évolution sémantique notable est introduite à l’article R. 122-20 du Code de l’environnement relatif au contenu du résumé non technique du rapport environnemental prévu dans le cadre de l’évaluation environnementale. La notion d’« effets » est ainsi remplacée par celle d’« incidences ».

Des précisions et clarifications ont également été apportées aux procédures communes d’évaluation environnementale avec la création de trois nouveaux articles détaillant les conditions dans lesquelles une telle procédure commune peut être mise en œuvre. Les articles R. 122-26 à R. 122-26-2 font ainsi désormais l’objet d’une sous-section dans le Code de l’environnement, visant différentes hypothèses dans lesquelles une procédure commune peut être mise en œuvre (lorsque plusieurs plans, programmes ou projets font l’objet d’une adoption, d’une approbation ou encore d’une autorisation concomitante) et, notamment, les conséquences que cela entraîne en termes d’avis rendus par l’autorité environnementale.

Enfin, diverses précisions relatives à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement sont apportées par le décret. Parmi celles-ci, relevons notamment la modification de l’article R. 123-8 du Code de l’environnement relatif à la composition du dossier d’enquête qui prévoit désormais de faire figurer dans le dossier la mention, le cas échéant, qu’une décision implicite a été prise en matière de décision après examen au cas par cas, là où, auparavant, l’article ne visait que « la décision prise après examen au cas par cas ».

L’ensemble de ces nouvelles dispositions est entré en vigueur le 1er août 2021, et s’appliquent dès lors pour les demandes d’autorisation déposées après cette date. Les anciennes dispositions du Code continuent de s’appliquer pour les demandes déposées avant cette date.

TRVE : publication des barèmes des TRVE applicables aux consommateurs ainsi que des nouveaux tarifs de cession de l’électricité aux ELD

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental

Décision du 29 juillet 2021 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité Jaunes et Verts applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale

 

Publication des barèmes de tarifs réglementés de vente d’électricité applicables par EDF aux consommateurs :

 

Pour rappel, deux types d’offres d’énergie co-existent : 

  • Les tarifs réglementés de vente (ci-après, les TRV), dont les prix sont fixés par les pouvoirs publics, et que seuls peuvent proposer les fournisseurs historiques (EDF en électricité, Engie en gaz naturel et, sur leur périmètre de desserte historique, les entreprises locales de distribution) ;
  • Les offres de marché, dont les prix sont déterminés dans le contrat, et qui sont proposées par tous les fournisseurs.

Et, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (loi dite « Energie Climat») est venue modifier les catégories de consommateurs résidentiels et professionnels éligibles aux tarifs réglementés de vente en gaz et en électricité, dont le nombre de bénéficiaires ne cesse de se réduire[1].

Ainsi, les tarifs règlement de vente d’électricité (TRVE) ont été supprimés le 1er janvier 2021 pour les entreprises et professionnels ayant une puissance de compteur inférieure ou égale à 36 kVA, à l’exception des microentreprises, ce qui a, selon la CRE, permis de développer la concurrence sur le territoire du fournisseur principal mais pas sur celui des ELD[2].

Dans ce contexte, et conformément à la délibération de la CRE n° 2021-226 du 8 juillet 2021 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité, 4 séries de barèmes des TRVE ont été publiées dans 4 décisions du 29 juillet 2021 parues au JO du 31 juillet 2021 :

  • les barèmes des tarifs règlementés applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale ;
  •  les barèmes des tarifs règlementés applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale ;
  •  les barèmes des tarifs règlementés non interconnectées au réseau métropolitain continental ;
  •  les barèmes des tarifs règlementés jaunes [3] et verts[4] applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale.

A la lecture de ces barèmes, on constate que les TRVE ont augmentés.

Dans sa délibération du 8 juillet 2021 susvisée, la CRE précise par exemple que s’agissant des tarifs réglementés de vente d’électricité en France métropolitaine continentale, est opérée une évolution du niveau moyen des TRVE de +1,05 % HT (soit 1,34 €/MWh ou 0,47 % TTC) et qui se décompose en :

  • + 1,08 % HT soit + 1,37 €/MWh ou + 0,48 % TTC, pour les tarifs bleus résidentiels ;
  • + 0,84 % HT soit + 1,10 €/MWh ou + 0,38 % TTC, pour les tarifs bleus professionnels.

 

Publication des nouveaux tarifs de cession de l’électricité par EDF aux ELD :

 

On rappellera que les tarifs de cession permettent aux ELD de s’approvisionner auprès d’EDF en électricité pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) et, pour celles desservant moins de 100 000 clients, pour la fourniture de leurs pertes réseau. Le législateur a ainsi institué au profit des ELD ce mécanisme préférentiel dérogatoire des « tarifs de cession » applicables exclusivement lorsque celles-ci achètent l’électricité en vue de la revendre aux TRVE mais aussi pour l’approvisionnement des pertes d’électricité sur leurs réseaux[5].

Et, tel que prévoit l’article L. 337-10 du Code de l’énergie, c’est à la CRE qu’il revient de transmettre au ministre de l’Économie ses propositions motivées de tarifs de cession.

C’est ainsi que, par délibération n° 2021-227 du 8 juillet 2021[6], la CRE a formulé sa proposition de tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution, entérinée par la décision ici commentée du 29 juillet 2021.

Cette évolution du tarif de cession occasionne, conformément à la proposition de la CRE et telle que cette dernière le relève dans la délibération précitée, une hausse moyenne de 0,31 €/MWh HT.

 

 

 

[1] Retrouvez notre analyse des conséquences de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat sur les TRV ici : https://www.seban-associes.avocat.fr/loi-energie-climat-regulation-et-tarification-des-secteurs-de-lelectricite-et-du-gaz/?id=98954

[2] Retrouvez ici notre commentaire de la délibération de la CRE du 18 mars 2021, Délibération n° 2021-84 portant communication sur le déroulé des échéances relatives à la fin partielle des tarifs réglementés de vente d’électricité et à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz naturel : https://www.seban-associes.avocat.fr/point-detape-sur-la-fin-partielle-des-tarifs-reglementes-de-vente-delectricite-et-a-la-suppression-des-tarifs-reglementes-de-vente-de-gaz-naturel/

[3] Le « Tarif Jaune » destiné aux consommateurs non résidentiels situés en France métropolitaine tels que définis à l’article L. 337-7 du code de l’énergie, pour leurs sites raccordés en basse tension (tension de raccordement inférieure ou égale à 1 kV), dont la puissance maximale souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA et dont le dispositif de comptage permet les dépassements de puissance, est en extinction.

[4] Le « Tarif Vert » est proposé aux consommateurs tels que définis à l’article L. 337-7 du code de l’énergie pour leurs sites raccordés en haute tension, situés en France métropolitaine continentale, dont la puissance maximale souscrite est inférieure ou égale à 36 kilovoltampères ou 33 kilowatts selon l’unité dans laquelle les puissances sont souscrites.

[5] Retrouvez plus de précisions sur les tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution ici : https://www.seban-associes.avocat.fr/publication-des-nouveaux-tarifs-de-cession-de-lelectricite-par-edf-aux-eld/

[6] Ladite délibération est disponible ici : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043877909

Raccordement au réseau de distribution d’électricité : publication d’un arrêté ainsi que d’une décision en faveur du développement des énergies renouvelables

Décision du 16 juillet 2021 portant sur l’optimisation du dimensionnement des postes de transformation du courant de haute ou très haute tension en moyenne tension pour le raccordement au réseau de distribution des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables

 

Arrêté du 12 juillet 2021 : les producteurs d’énergie renouvelable ont la possibilité de demander une offre alternative de raccordement

 

Pour rappel, l’article D. 342-23 du Code de l’énergie prévoit que le raccordement des installations de production d’énergies renouvelables au réseau de distribution d’électricité se fait selon une solution de raccordement de référence sur le poste le plus proche, proposée par le gestionnaire du réseau.

Désormais, l’arrêté du 12 juillet 2021 prévoit que les producteurs d’énergie renouvelables ou le demandeur du raccordement peuvent solliciter du gestionnaire de réseau une offre alternative de de raccordement à l’offre de référence dont la puissance garantie en injection est inférieure à la puissance de raccordement demandée.

L’instauration de cette offre alternative, qui se veut moins onéreuse et plus rapide d’installation selon le Ministère de la transition écologique[1], a pour but d’encourager le déploiement des installations de production d’énergies renouvelables sur le territoire.

Toutefois, cette possibilité est strictement encadrée.

D’une part, l’injection de l’offre de raccordement alternatif doit respecter les seuils suivants (article 1 de l’arrêté) :

  • La puissance minimale non garantie en injection est inférieure ou égale à 30 % de la puissance de raccordement demandée ;
  • L’énergie écrêtée annuellement ne dépasse pas 5 % de la production annuelle de l’installation raccordée.

D’autre part, pour les réseaux desservant plus de 100 000 clients et dans les zones interconnectées au réseau métropolitain continental, le gestionnaire de réseau ne peut proposer que des offres alternatives pour lesquelles (article 3 de l’arrêté) :

  • Le total de la puissance contractuellement non garantie en injection est inférieur à 1 % de la capacité globale des énergies renouvelables raccordées à son réseau au jour de l’offre de raccordement ;
  • L’énergie maximale contractuellement écrêtable sur un an est inférieure à 0,1 % de la production des énergies renouvelables raccordées à son réseau constatée l’année précédente.

 

Décision du 16 juillet 2021 : possibilité pour les gestionnaires de réseau de proposer des offres de raccordement intégrant l’optimisation des postes de transformation

 

Toujours en matière de raccordement des installations de production d’énergies renouvelables au réseau de distribution électrique, le Ministère de la transition écologique a publié une décision le 16 juillet dernier, permettant elle aussi le développement des énergies renouvelables et des flexibilités.

Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’article 61 de la loi du 8 novembre 2019 (loi « Energie-climat »[2]), laquelle prévoit la possibilité pour l’autorité administrative ou la Commission de régulation de l’énergie (CRE) d’« accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents ».

C’est ainsi que, par dérogation à l’article D. 342-23 précité du Code de l’énergie, la décision ici commentée prévoit qu’Enedis peut, à titre expérimental, proposer des offres de raccordement au réseau intégrant l’optimisation des postes de transformation du courant de haute ou très haute tension en moyenne tension.

Ainsi, ces offres de raccordement intègrent la possibilité que l’injection d’électricité puisse être limitée en raison de cette optimisation.

 

 

[1] Publication du Ministère de la transition écologique sur site relatif à la signature de l’arrêté du 12 juillet 2021 : https://www.ecologie.gouv.fr/energies-renouvelables-barbara-pompili-signe-arrete-faciliter-leur-raccordement-aux-reseaux-publics

[2] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

Loi ASAP : publication du décret d’application en matière d’environnement

La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (dite loi « ASAP ») a été publiée au journal officiel le 8 décembre 2020. Ses décrets d’application sont en cours de publication. Ainsi, le décret n° 2021-1000 du 30 juillet 2021 portant diverses dispositions d’application de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique et de simplification en matière d’environnement est entré en vigueur le 1er août 2021, sous réserve de quelques dispositions transitoires.

Plusieurs dispositions apportent des modifications notables s’agissant de différentes procédures environnementales.

 

1. Parmi ces dernières peuvent notamment être relevées des modifications relatives à la participation et l’information du public dans les procédures environnementales.

 

Ainsi, en matière de saisine obligatoire de la Commission nationale de débat public (CNDP), le décret modifie le tableau de l’article R. 121-2 du Code de l’environnement listant les catégories d’opérations relatives aux projets d’aménagement ou d’équipement dont la CNDP est saisie ou celles qui doivent être rendues publiques (en application des I et II de l’article L. 121-8 du Code de l’environnement relatif au débat public et à la concertation préalable). Les nouvelles dispositions prévoient ainsi une restriction du champ de la saisine obligatoire en rehaussant l’ensemble des seuils financiers prévus.

Une autre restriction est notable s’agissant du champ de l’enquête publique obligatoire par la modification de l’article R. 122-17 du Code de l’environnement relatif au champ d’application de l’évaluation environnementale. Cet article prévoit désormais que les programmes opérationnels de coopération territoriale du Fonds européen de développement régional ne relèvent plus d’une procédure d’évaluation environnementale systématique mais seulement d’une procédure d’examen au cas par cas.

 

Une possibilité de prorogation de la durée de validité de l’enquête publique pour les projets de production d’énergie renouvelable est en outre apportée par l’article R. 424-21 du Code de l’environnement. Ce dernier prévoit en effet, dans sa nouvelle rédaction, que, s’agissant des projets précités, la troisième décision de prorogation d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut prorogation de la durée de validité de l’enquête publique, initialement valable pour cinq années en application des dispositions de l’article R. 123-24 du même Code, pour cinq ans supplémentaires.

 

2. D’autres modifications ont pour effet d’accélérer les procédures environnementales en raccourcissant certains délais.

 

Ainsi, le délai accordé à l’autorité environnementale qui doit rendre un avis, en application de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement, sur le projet d’étude d’impact et la demande d’autorisation environnementale (c’est-à-dire, selon les projets dont il est question, peut être le Ministre chargé de l’environnement, la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable ou bien sa mission régionale d’autorité environnementale – art. R. 122-6 du Code de l’environnement) a été uniformisé en ne retenant plus que le délai le plus court, c’est-à-dire un délai systématique de deux mois (modification de l’article R. 122-7 du Code de l’environnement relatif à l’autorité environnementale).

Dans la même logique d’accélération toujours, l’article D. 181-57 du Code de l’environnement précise le délai annoncé par l’article 56 de la loi ASAP (codifié à l’article L. 181-30 du Code de l’environnement) dans lequel le Préfet doit se prononcer à la suite de la consultation du public pour autoriser l’exécution anticipée de certains travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale. Ce délai est ainsi fixé à quatre jours, ce qui signifie que le Préfet doit observer seulement un délai de quatre jours à compter de la fin de la consultation du public avant de pouvoir prendre une décision spéciale sur la possibilité de commencer les travaux par anticipation.

Un autre exemple de raccourcissement des délais est donné concernant le délai permettant de demander au Préfet de prolonger ou de renouveler une autorisation environnementale. L’article R. 181-49 du Code de l’environnement prévoit en effet désormais que cette demande doit être adressée par le bénéficiaire au Préfet au moins six mois (et non plus deux ans) avant la date d’expiration de l’autorisation.

 

3. D’autres dispositions concernent spécialement la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

 

Le décret prévoit ainsi de supprimer l’avis obligatoire du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) pour les projets soumis à enregistrement pour lesquels le Préfet envisage d’édicter des prescriptions particulières aménageant les prescriptions générales fixées par le Ministre chargé des ICPE (modification des articles R. 512-46-17, R. 512-46-22 et R. 512-46-53 du Code de l’environnement). Le décret laisse toutefois la possibilité au Préfet de saisir le Coderst s’il l’estime nécessaire et lui impose, lorsqu’il ne le saisit pas, de procéder à sa simple information.

Les ICPE soumises à enregistrement voient également leur procédure modifiée avec l’article R. 512-46-4 du Code de l’environnement. En effet, là où auparavant était demandé le renseignement des capacités techniques et financières de l’exploitant est désormais attendue une description de ces capacités ou, « lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’enregistrement, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l’installation », laissant ainsi davantage de temps au pétitionnaire pour apporter la preuve de ses capacités sans ralentir la procédure d’enregistrement.

 

Semblant aller à contre-courant de la simplification, l’article R. 512-59-1 du Code de l’environnement a été modifié et prévoit que l’organisme agréé chargé de réaliser les contrôles périodiques d’une ICPE soumises à déclaration doit désormais, en cas de non-conformité majeure, non seulement en informer le Préfet mais également l’inspection des installations classées.

Enfin, plusieurs articles relatifs aux ICPE susceptibles de donner lieu à des servitudes d’utilité publique ont été modifiés et réinstaurent la possibilité d’imposer de telles servitude autour d’une ICPE soumise à autorisation sans limiter le type d’exploitation concerné. Cela permet dès lors d’inclure désormais les exploitations Seveso seuil haut.

 

4. D’autres modifications interviennent spécifiquement s’agissant des projets d’infrastructures terrestres linéaires relevant notamment de l’Etat.

 

Pour ces projets, il est ainsi prévu que l’autorisation environnementale tienne lieu de dérogation au SDAGE (article R. 181-21 du Code de l’environnement). Il est également prévu que, lorsque l’autorisation tient lieu des autorisations prévues aux articles L. 621-32 et L. 632-1 du Code du patrimoine, c’est-à-dire, respectivement, autorisation pour les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords, d’une part, et l’autorisation pour les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, d’autre part, alors le Préfet doit saisir pour avis l’architecte des Bâtiments de France (article R. 181-23 du Code de l’environnement), et le pétitionnaire doit compléter son dossier de demande par les pièces listées à l’article D. 181-15-1 bis du Code de l’environnement. Enfin, l’article R. 425-29-3 du Code de l’urbanisme précise que ces projets sont dispensés de permis ou de déclaration préalable.

 

5. Enfin, quelques dispositions sont relatives spécifiquement au domaine de l’eau.

 

C’est notamment le cas de l’article R. 214-44 du Code de l’environnement relatif aux travaux d’urgence sur les digues, lequel prévoit désormais que ces travaux doivent être destinés à prévenir un danger non seulement grave mais également, précise le nouvel article, immédiat.

C’est également le cas de l’article R. 334-30 du Code de l’environnement qui, quant à lui, prévoit une nouvelle procédure simplifiée permettant la création d’un parc naturel marin.

GeMAPI : publication d’un nouveau guide du Cerema

Le Cerema a publié en août 2021 un nouveau guide en matière de GeMAPI : Caractérisation de systèmes d’endiguement à l’heure de la GEMAPI. Outils et retours d’expérience.

 

Ce guide dont la validité juridique n’a pas fait l’objet d’examen spécifique de notre part, vise à présenter les différents retours d’expérience sur les problématiques liées à la définition des systèmes d’endiguement et à apporter des réponses pratiques aux questions que peuvent encore se poser les Gemapiens : identification des zones soumises à l’aléa inondation, identification des ouvrages et éléments naturels participant à la protection, définition de l’enveloppe et enjeux de la zone potentiellement protégée etc.