le 25/03/2021

Protection sociale complémentaire des fonctionnaires : réforme de la participation employeur

Ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique

Annoncée par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, et notamment son article 40, habilitant le gouvernement à adopter par voie d’ordonnance des mesures visant à redéfinir la participation des employeurs publics au financement des garanties de protection sociale complémentaire de leurs personnels, l’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique a été publiée au Journal officiel le 18 février dernier.

Elle redéfinit la participation des employeurs publics au financement des garanties de protection sociale complémentaire de leurs agents ainsi que les conditions d’adhésion ou de souscription de ces derniers, afin de favoriser leur couverture sociale complémentaire, en introduisant notamment une obligation de participation de l’employeur public au financement de la protection sociale de ses agents, auparavant facultative.

Pour mémoire, la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique avait d’abord crée l’article 22 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui prévoyait que les employeurs mentionnés à l’article 2 de cette loi pouvaient « contribuer au financement des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles les agents […] souscrivent ».

Pour l’application de cet article, le décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents fixait alors notamment le cadre juridique permettant aux collectivités et à leurs établissements publics de financer la protection sociale complémentaire de leurs agents, de deux manières :

  • La convention de participation, par laquelle les employeurs concluent une convention d’une durée de six ans (avec une mutuelle, une assurance ou une institution de prévoyance après mise en concurrence), l’offre retenue étant alors proposée à l’adhésion individuelle et facultative des agents de la collectivité.
  • La labellisation, dispositif par lequel les agents restent libres d’adhérer à une mutuelle, à une assurance ou à une institution de prévoyance de leur choix selon les contrats labellisés auprès de l’autorité de contrôle prudentiel et ouvrant alors droit à la participation financière de l’employeur.

En outre, le texte distinguait deux types de protection sociale complémentaire (PSC), l’une couvrant les risques « santé » et l’autre couvrant les risques « prévoyance ».

Mais il ne s’agissait jusqu’alors que d’une possibilité pour les employeurs publics, de sorte qu’en 2019 seulement 56% des collectivités, et surtout les plus importantes, avaient mis en place un dispositif de participation.

Outre l’obligation de participation désormais contenue dans l’ordonnance du 17 février, voici ce qu’il faut retenir de celle-ci (I). Se pose notamment la question de savoir si le dispositif est aligné à celui du secteur privé (II) et, naturellement, celle des délais d’application (III).

 

I.- Les points à retenir

 

Premièrement, l’apport majeur de cette ordonnance est donc l’introduction d’une obligation de participation des employeurs publics à hauteur d’au moins 50 % du financement nécessaire à la couverture minimale prévue par les dispositions du II. de l’article L. 911-7 du Code de la sécurité sociale, qui concernent :

  • 1° La participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations des organismes de sécurité sociale, prévue au I de l’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires ;
  • 2° Le forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale ;
  • 3° Les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d’orthopédie dentofaciale et pour certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement ».

Il s’agit de la couverture des risques « santé ».

Deuxièmement, l’ordonnance prévoit la possibilité pour les employeurs de participer au financement de la protection sociale complémentaire en matière de « prévoyance », qui concerne les risques d’incapacité de travail, d’invalidité, d’inaptitude ou de décès.

Il ne s’agit pour ce second volet que d’une faculté, comme dans le texte précédent, mais néanmoins l’ordonnance – parue le même jour que celle sur les accords collectifs – prévoit une nouveauté, à savoir justement qu’un accord collectif négocié selon les termes de l’ordonnance n° 2021-174 peut prévoir :

  • Une obligation de participation de l’employeur public au financement de la protection sociale complémentaire « prévoyance » ;
  • Une obligation de souscription des agents publics à tout ou partie des garanties que ce contrat collectif ou à ce règlement collectif comporte.

S’agissant de la participation « prévoyance », celle-ci n’est pas facultative pour les collectivités territoriales, qui devront participer à hauteur de 20 % d’un montant fixé ultérieurement par un décret en Conseil d’Etat, lequel doit par ailleurs définir les garanties minimales de prévoyance assurées.

Cette obligation de participation a été souhaitée par la Coordination des employeurs territoriaux, regroupant les associations d’élus locaux et les institutions de la fonction publique territoriale.

 

Troisièmement, l’ordonnance prévoit l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat qui viendra préciser :

  • les conditions de participation au financement des garanties de protection sociale complémentaire en l’absence d’accord collectif;
  • les modalités de prise en compte des anciens agents non retraités;
  • les cas de dispense, notamment à l’initiative de l’agent, de l’obligation de souscription imposée le cas échéant par un éventuel un accord collectif, particulièrement lorsqu’un agent est déjà couvert par un contrat ou règlement collectif en qualité d’ayant-droit.

 

Quatrièmement, l’article 2 de l’ordonnance, relatif aux dispositions spécifiques à la fonction publique territoriale, élargit la compétence des centres de gestion en matière de négociation des conventions de participation.

Auparavant limitée à leurs propres ressorts territoriaux, les centres de gestion pourront désormais négocier à un échelon régional ou interégional ces conventions au profit des collectivités territoriales, tel que le permet le schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation crée par l’article 50 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

La publication des décrets d’application de l’ordonnance permettra d’y voir plus clair sur le rôle des centres de gestion, dont l’ordonnance en l’état de sa rédaction ne permet pas de déterminer si leur intervention en matière de conclusion des convention de participation reste une possibilité ou une obligation.

Cinquièmement, l’ordonnance prévoit, de façon périodique, la tenue d’un « débat », organisé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dans un délai de six mois suivant leur renouvellement, et portant sur les garanties de protection sociale complémentaire.

 

II.- S’agit il d’un alignement avec le secteur privé ?

 

Dans le secteur privé, l’employeur est tenu de participer à hauteur de 50 % de la protection sociale complémentaire « santé » de ses agents, depuis la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi[1].

L’ordonnance opère donc sur ce point un rapprochement notable avec le secteur privé.

Constitue un second rapprochement le dispositif prévoyant, au termes d’un accord collectif, que l’agent puisse être, lorsqu’il ne bénéficie pas déjà d’une couverture complémentaire, tenu d’adhérer au dispositif proposée par son employeur.

Le rapport remis au Président de la République relatif à cette ordonnance précise en outre que les nouveaux contrats seront éligibles aux mêmes dispositions fiscales et sociales que ceux dont bénéficient les salariés, mais qu’elles ne pouvaient toutefois pas être directement précisées par l’ordonnance, compte tenu du champ de l’habilitation consentie au gouvernement.

 

III.- Les délais prévus pour l’entrée en vigueur du dispositif

 

Si l’ordonnance entre en principe en vigueur le 1er janvier 2022, elle prévoit une mise en place très progressive du dispositif de participation obligatoire.

Pour l’ensemble des employeurs publics, les dispositions de l’ordonnance n’entreront en vigueur qu’à l’expiration de ces conventions de participation déjà conclues, afin de préserver les situations juridiquement constituées.

Pour l’Etat, et dans le cas où les conventions de participation en cours expireront au plus tard le 31 décembre 2021, l’obligation de participation à hauteur d’au moins 50 % de la protection sociale complémentaire « santé » s’imposera à compter du 1er janvier 2024.

Pour la territoriale l’obligation de participation à la protection sociale complémentaire « santé » s’imposera à compter du 1er janvier 2026, tandis que l’obligation de participation pour le volet « prévoyance » entrera en application à compter du 1er janvier 2025, sous réserve de publication du décret en prévoyant les modalités.

Pour la fonction publique hospitalière, l’obligation de paticipation protection sociale complémentaire « santé » s’imposera également à compter du 1er janvier 2026.

 

Enfin, l’ordonnance prévoit pour la fonction publique territoriale, outre la mise en place du débat régulier de l’article 88-4 de loi n°84-53 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et de façon toute aussi lapidaire, un second débat obligatoire, « portant sur les garanties accordées aux agents en matière de protection sociale complémentaire dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente ordonnance », soit d’ici le 17 février 2022, sans apporter de précisions sur la forme que doit prendre ce débat ou sur sa portée, ni sur l’implication dans ce débat des organisations syndicales.

Thibault Cado

 

[1] Article L.911-7 du code de la sécurité sociale