le 25/03/2021

L’installation de transats sur une plage excède-t-elle le droit d’usage reconnu à tous sur le domaine public ?

CE, 12 mars 2021, société Hôtelière d’Exploitation de la Presqu’Île, n° 443392

Par une décision rendue le 12 mars 2021, le Conseil d’État précise les contours de la notion d’occupation privative sur le domaine public maritime.

Une société gérant un hôtel à Lecci, en Corse – la société Hôtelière d’Exploitation de la Presqu’Île – proposait à ses clients de bénéficier de transats et de parasols qu’elle installait sur la plage. Toutefois, le préfet de la Corse-du-Sud avait refusé à deux reprises de délivrer à cette société une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime pour l’installation de ces équipements, ainsi que d’un ponton non démontable. Après avoir constaté, et malgré ces refus, que la société occupait tout de même la plage, le préfet a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bastia pour demander, sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, l’expulsion de la société de cette dépendance du domaine public maritime et des équipements qu’elle y avait installés.

Saisi en cassation par la société de l’ordonnance du 4 août 2020 prononçant son expulsion, le Conseil d’État rappelle tout d’abord le principe selon lequel l’occupation privative du domaine public est celle qui excède le droit d’usage reconnu à tous sur le domaine public (en application de l’article L. 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques). En l’appliquant aux faits de l’espèce, il considère que « l’installation et l’utilisation à titre précaire et temporaire d’accessoires de plage par les piétons n’excèdent pas » ce droit d’usage, et ce « quand bien même ce matériel ne serait pas la propriété des usagers concernés et aurait été mis à leur disposition par des tiers dans l’exercice d’une activité commerciale, dès lors qu’il est utilisé sous leur responsabilité, pour la seule durée de leur présence sur la plage et qu’il est retiré par leurs soins après utilisation ».

Dit autrement, l’usage d’équipements de plage, que ceux-ci appartiennent aux personnes qui les utilisent ou à une société qui les aurait disposés sur la plage dans le cadre d’une activité économique, ne constitue pas une occupation privative de cette dépendance et ne nécessite donc pas d’autorisation dès lors que cet usage est personnel.

Toutefois, le Conseil d’État juge, dans le cas présent, que la société avait bien excédé ce droit d’usage, et avait donc utilisé, sans titre l’y autorisant, une dépendance du domaine public de manière privative. Il relève en effet que si « la société SHEP mettait à la disposition exclusive de sa clientèle des chaises longues et des parasols destinés à être installés, pendant la journée, sur la plage à proximité immédiate de l’établissement qu’elle exploite », il n’était pas établi que « ses clients les installeraient eux-mêmes pour la seule durée de leur présence sur la plage et les retiraient après utilisation ».

Le Conseil d’État confirme donc l’ordonnance du juge des référés qui avait retenu, « pour juger que la condition d’utilité à laquelle est subordonnée une mesure d’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public était satisfaite, que l’installation, même à titre temporaire, de ces biens mobiliers sur la plage, eu égard à leurs caractéristiques, était constitutive d’une occupation privative du domaine public maritime par la société, en lien direct avec son activité commerciale ».