La Commission de Régulation de l’Energie se prononce favorablement sur l’évolution du disposition d’interruptibilité garantie pour sauvegarder l’alimentation en gaz naturel des consommateurs protégés

La loi n° 2022-1158 en date du 16 août 2022 portant mesures pour la protection du pouvoir d’achat, commentée dans une précédente LAJEE, a modifié l’article L. 431-6-2 du Code de l’énergie qui pose le principe de l’interruptibilité garantie, c’est-à-dire de l’interruption de la consommation de consommateurs finals agréés raccordés au réseau de transport lorsque le fonctionnement normal des réseaux de transport de gaz naturel est menacé de manière grave et afin de sauvegarder l’alimentation des consommateurs protégés.

La modification apportée permet désormais au gestionnaire du réseau de transport de de gaz naturel de demander au gestionnaire du réseau de distribution alimenté par le réseau de transport de procéder ou faire procédé à cette interruption de consommation.

Cette modification a pour objet de faire face aux déséquilibres de court terme entre l’offre et la demande de gaz.

Un projet d’arrêté qui précise les modalités de signature d’un contrat d’interruptibilité pour les lieux de consommations raccordés à un réseau de distribution, pris pour tenir compte de cette modification de l’article L. 431-6-2 du Code de l’énergie, a ainsi été soumis à la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après « CRE ») pour avis.

Ce futur arrêté entend réviser les modalités opérationnelles de l’interruptibilité garantie pour les aligner avec l’évolution des prix du gaz et les contraintes supportées par les entreprises dans la gestion de leurs activités.

La CRE rend un avis favorable sur ce projet d’arrêté qui, selon elle, devrait faciliter la mise en œuvre du dispositif dès l’hiver prochain et donc protéger les consommateurs d’une mise en œuvre du mécanisme de dernier recours.

Elle indique en outre être favorable à l’augmentation du plafond de rémunération et des volumes appelés qui pourrait conduire les utilisateurs du réseau de transport à supporter jusqu’à 300 millions d’euros par an supplémentaires au titre des tarifs d’utilisation des réseaux de gaz naturel.

La CRE émet toutefois deux réserves sur le projet d’arrêté. Elle indique en effet, d’une part, qu’une amélioration de la répartition des rôles des responsabilités des gestionnaires de réseau de transport et de réseau de distribution de gaz naturel est nécessaire pour assurer l’efficacité de la mise en œuvre de ce dispositif et, d’autre part, que l’interruptibilité garantie doit prévoir une incitation des acteurs à remettre un programme de consommation fiable, à l’instar des dispositifs existant en électricité.

On peut enfin relever que dans cette même délibération, la CRE émet un avis favorable sur un second projet d’arrêté qui fixe le volume de capacités interruptibles à contractualiser par les gestionnaires de réseau de transport de gaz naturel à 150 GWh/j/an pour mieux répondre aux enjeux de l’hiver à venir.

Le droit de propriété à l’épreuve des enjeux climatiques ? L’exercice d’un droit de surplomb sur le fonds voisin

Depuis de nombreuses années les textes de loi se multiplient pour inciter et même imposer aux propriétaires, de prendre des mesures visant à réduire la consommation énergétique de leur immeuble.

Dans cet élan pour le bien commun et devant l’impériosité de lutter contre réchauffement climatique, le législateur a aménagé quelques assouplissements au droit de propriété, droit inviolable et sacré tel que défini à l’article 17 de la Constitution des droits de l’homme et du citoyen.

En effet, la réduction de la consommation énergétique nécessite dans de nombreux cas de rénover l’isolation de l’habitat. Certaines contraintes techniques peuvent imposer d’avoir recours à une isolation par l’extérieure, or dans les zones à forte densité urbaine, ce type d’isolation peut conduire à construire en surplomb sur le fonds voisin. Cet empiétement constitue une atteinte au droit de propriété du propriétaire du fonds surplombé.

Entre le caractère fondamental du droit de propriété et la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique, il fallait donc prendre des mesures pour organiser cette difficulté. C’est dans ce cadre que, la loi n° 2022-1104 en date du 22 août 2021, dite « Climat et résilience » a institué un « droit de surplomb » afin de faciliter la rénovation énergétique des bâtiments grâce à leur isolation thermique par l’extérieur. Ledit droit de surplomb, écarté en 2019, car estimé inconstitutionnel, a finalement fait son entrée en 2021, à l’article L 113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Lequel dispose :

« I.-Le propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l’extérieur bénéficie d’un droit de surplomb du fonds voisin de trente-cinq centimètres au plus lorsqu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs. L’ouvrage d’isolation par l’extérieur ne peut être réalisé qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol, sauf accord des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure.

Une indemnité préalable est due au propriétaire du fonds surplombé.

Ce droit s’éteint par la destruction du bâtiment faisant l’objet de l’ouvrage d’isolation.

Les modalités de mise en œuvre de ce droit sont constatées par acte authentique ou par décision de justice, publié pour l’information des tiers au fichier immobilier.

II.-Le droit de surplomb emporte le droit d’accéder temporairement à l’immeuble voisin et d’y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux.

Une indemnité est due au propriétaire de l’immeuble voisin.

Une convention définit les modalités de mise en œuvre de ce droit.

III.-Avant tout commencement de travaux, le propriétaire du bâtiment à isoler notifie au propriétaire du fonds voisin son intention de réaliser un ouvrage d’isolation en surplomb de son fonds et de bénéficier du droit mentionné au II.

Dans un délai de six mois à compter de cette notification, le propriétaire du fonds voisin peut s’opposer à l’exercice du droit de surplomb de son fonds pour un motif sérieux et légitime tenant à l’usage présent ou futur de sa propriété ou à la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa du I. Dans ce même délai, il ne peut s’opposer au droit d’accès à son fonds et à la mise en place d’installations provisoires que si la destination, la consistance ou la jouissance de ce fonds en seraient affectées de manière durable ou excessive.

Dans le même délai, il peut saisir le juge en fixation du montant de l’indemnité préalable prévue aux I ou II.

IV.-Lorsque le propriétaire du fonds surplombé a obtenu une autorisation administrative de construire en limite séparative ou en usant de ses droits mitoyens et que sa mise en œuvre nécessite la dépose de l’ouvrage d’isolation, les frais de cette dépose incombent au propriétaire du bâtiment isolé. L’indemnité prévue au I demeure acquise.

V.-Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article ».

 

Le décret n° 2022-926 en date du 23 juin 2022 publié au Journal Officiel le 24 juin 2022, entré en vigueur le 25, vient préciser l’exercice de ce droit. Ainsi les articles R.113-19 à R.113-24, constituent la section 5, intitulée « isolation thermique par l’extérieur des bâtiment »au chapitre II du titre 1er livre1er du Code de la construction et de l’habitation .

Il apparaît que ces dispositions sont très protectrices du droit de propriété.

 

1. Les conditions préalables à l’exercice du droit de surplomb.

Le point essentiel réside dans la notification faite par le titulaire du droit au propriétaire du fond surplombé.

Le décret prévoit les conditions de forme et de fond de ladite notification.

  • L’article R.113-19 précise la forme et les nombreuses dispositions obligatoires (sept) qu’elle doit contenir ;
  • L’article R.113-20 concerne la convention qui doit être signée entre les propriétaires des deux fonds ;
  • L’article R.113-22 prévoit le cas particulier du fond surplombé soumis au statut de la copropriété ;
  • L’article R.113-24 indique enfin que le bénéficiaire du droit doit également notifier au propriétaire du fond surplombé les coordonnées de l’entreprise ou de la personne appelée à intervenir pour réaliser les travaux ainsi que les informations relatives à son assurance.

 

 

2. Les conditions préalables au début des travaux

Les travaux ne pourront débuter qu’après accord des parties ou après une décision judiciaire devenue définitive.

  • Article R.113-21, le propriétaire du fonds surplombé dispose d’un délai de six mois à compter de la notification prévue à l’article R.113-19, pour exercer un recours en opposition.

Ce recours peut être exercer soit pour s’opposer à l’exercice du droit, soit pour demander la fixation d’une indemnisation.

La question reste posée de savoir si une notification qui ne répondrait pas aux conditions de forme et de fond posées par l’article R.113-19, ouvrirait néanmoins le délai de recours de 6 mois, ou bien si dans le cas d’une notification irrégulière le propriétaire du futur fonds surplombé bénéficierait-il d’un délai d’action plus étendu ?

  • L’article R.113-23, prévoit que la réalisation des travaux ne peut intervenir qu’après la signature de la convention ou à la suite d’une décision de justice devenue définitive (dans le cas d’un recours ouvert au propriétaire du fonds surplombé).

Enfin, le droit de surplomb, à le supposer acquis, emporte le droit d’accéder temporairement à l’immeuble voisin et d’y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux ( article L.113-5 III du code de la construction et de l’habitation).

Une convention en définira les modalités.

EN CONCLUSION, l’exercice du droit au surplomb, s’il permet de dépasser la première difficulté tenant à l’inviolabilité du droit de propriété, paraît difficile à exercer, tant les exigences de sa mise en œuvre sont grandes. Il ne semble donc pas à première vue, constituer une grande menace pour le droit de propriété. Il y a cependant fort à penser, qu’il fera l’objet de nombreux contentieux.

Loi séparatisme : les associations et fédérations sportives aussi concernées

Mis en valeur en tant qu’outil d’intégration sociale, le sport et les valeurs d’inclusion promues par celui-ci sont pourtant menacés par ce que le rapport de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche[1] qualifie de « dérives communautaristes ». C’est dans ce contexte qu’est intervenu le décret n° 2022-867 en date du 10 juin 2022 pour mettre en œuvre les dispositions de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République[2] dans le domaine du sport associatif (à l’exception des associations sportives scolaires et universitaires).

L’objectif de ce décret est d’étendre aux associations sportives le respect renforcé des valeurs de la République et d’éviter que les pouvoirs publics ne subventionnent des organisations sportives qui favorisent la radicalisation[3], commettent des troubles à l’ordre public et remettent en cause l’égalité femmes-hommes.

Ce décret implique deux conséquences majeures en termes de financement de ces structures, car à défaut d’agrément, d’une part les subventions publiques ne pourront pas être perçues, et d’autre part les associations ne pourront pas dégager de revenus de la vente de boissons du troisième groupe.

L’obtention de l’agrément exige au préalable l’affiliation à une fédération sportive agréée par l’Etat. Si la fédération perd son agrément auprès de l’Etat, elle entraîne la perte des agréments des associations affiliées. La fédération sportive doit informer le préfet du département du siège de l’association de l’affiliation de celle-ci. Une fois l’affiliation établie entre l’association et la fédération sportive agrée par l’Etat, l’association doit disposer de statuts garantissant son fonctionnement démocratique, la transparence de sa gestion et l’égal accès des femmes et des hommes à ses instances dirigeantes. Les associations dont l’objet est la promotion et non la pratique du sport ne sont pas concernées par l’obligation d’affiliation à une fédération sportive agréée.

L’association sportive doit également souscrire à un contrat d’engagement républicain. Ce dernier engage l’association à respecter les symboles de la République, les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, et de dignité de la personne humaine, à ne pas contester le caractère laïque de la République, à ne pas porter atteinte à l’ordre public et enfin à porter une attention particulière à la protection des personnes, surtout mineures, au regard des violences physiques, sexistes et sexuelles.

La demande d’agrément doit être adressée au directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), par le moyen d’un dossier comprenant entre autres les statuts de l’association, une attestation sur l’honneur du président de l’association de respecter le contrat d’engagement républicain et un budget prévisionnel. Une fois l’agrément accordé par arrêté préfectoral, ce dernier est publié au recueil des actes administratifs de la préfecture.

Il faut remarquer que les agréments résultant de l’affiliation à une fédération sportive délivrés avant le 25 août 2021 expirent le 26 août 2024, rendant impérative la signature avant le 25 août 2024 d’un contrat d’engagement républicain.

Le refus d’agrément doit être motivé. En cas de recours contre le refus d’agrément, le juge administratif peut en contrôler la légalité mais ne peut effectuer qu’un contrôle restreint.

L’agrément peut être suspendu pour une durée de six mois à l’issue d’une procédure donnant la possibilité à l’association de présenter ses observations. Le retrait de l’agrément peut être prononcé en cas de violation des dispositions énoncées dans le contrat républicain : non-respect des règles d’hygiène et de sécurité imposées aux associations sportives, atteintes à l’ordre public, emploi de personnes dont la qualification n’est pas adaptée…

 

My-Kim YANG-PAYA et Sofia ECH-CHAHOUBI

 

[1]Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, Les phénomènes de communautarisme au sein des associations sportives et de jeunesse, dans les accueils collectifs de mineurs ou les autres structures d’accueil de jeunes, 2021

[2]Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République

[3]Délibération du Conseil municipal de Montauban, 30 mai 2022, n° 108/05/2022 https://www.montauban.com/fileadmin/ARBORESCENCE/01_Ma_ville/02_Ville/Conseil_municipal/2022/22-05-30/108.pdf

Les actions judiciaires ouvertes à la commune en cas d’appropriation ou d’occupation illicite des chemins communaux par des personnes privées

La Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a été interrogé sur les modalités dont disposait le maire d’une commune aux fins de récupérer un chemin communal en bordure de terrains ruraux, faisant l’objet d’une appropriation ou occupation par des personnes privées, ayant procédé au retrait des haies qui longeaient ce chemin.

Aux termes d’une réponse ministérielle publiée dans le JO du Sénat du 14 avril 2022, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales entend rappeler les procédures judiciaires ouvertes aux communes, en cas de revendication de propriété ou occupation de chemins ruraux par des personnes privées.

La Ministre précise qu’aux termes des dispositions de l’article L.161-1 du Code rural et de la pèche maritime, les chemins ruraux appartiennent aux communes, sont affectés à l’usage du public et font partie du domaine privé de la commune.

La Ministre précise ainsi que dans l’hypothèse dans laquelle une personne privée conteste la qualité de propriétaire de la commune, cette dernière est fondée à engager une action aux fins de revendication de la propriété du chemin communal., Cette action relève de la compétence du juge judiciaire.

Aussi, aux termes de son jugement, le tribunal reconnaîtra le caractère de chemin rural et le droit de propriété de la commune, en condamnant l’occupant à libérer les lieux, éventuellement sous astreinte.

Dans l’hypothèse d’une occupation illicite sans revendication de propriété, la commune peut saisir, en référé, le juge judiciaire, aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue cette occupation sans droit ni titre.

De plus fort, la Ministre entend rappeler qu’il est prohibé, pour un propriétaire privé, de couper une haie appartenant à une commune et située le long d’un chemin rural.

Dans ces conditions, la commune peut engager la responsabilité civile de l’occupant pour obtenir la réparation de son préjudice résultant de la destruction des haies, la réparation pouvant s’effectuer en nature par la condamnation de l’occupant à replanter les haies.

En conclusion, aux termes de cette réponse ministérielle, la Ministre de la cohésion des territoires rappelle les actions ouvertes aux communes aux fins de revendication et d’expulsion des occupants personnes privées des chemins ruraux et relevant de la compétence du juge judiciaire.

L’action des acquéreurs contre les vendeurs fondée sur l’inconstructibilité du terrain à bâtir relève de la garantie des vices cachés et non de l’absence de conformité contractuelle

En vente immobilière et en application de l’article 1604 du Code civil, le vendeur est tenu d’une obligation de délivrance de la chose vendue, conformément aux stipulations contractuelles. A défaut de délivrance conforme de la chose vendue, l’acquéreur peut obtenir la résolution de la vente ou l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement de la non-conformité contractuelle.

Aux termes de cet arrêt, la question était de savoir si le caractère inconstructible d’un terrain à bâtir peut relever de l’obligation de délivrance du vendeur et de la non-conformité de la chose vendue.

En l’espèce, deux époux se sont portés acquéreurs d’un terrain à bâtir et ont obtenu un permis de construire portant sur ce terrain, qui a fait l’objet d’un retrait.

Dans ces conditions, les acquéreurs ont assigné les vendeurs afin d’obtenir une indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l’absence de délivrance conforme de la chose vendue.

La Cour d’appel rejette les demandes des acquéreurs, considérant que l’inconstructibilité d’un terrain ne constitue pas un défaut de conformité.

Les acquéreurs forment un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel en soutenant que la vente d’un terrain comme étant constructible, et qui se révèle ne pas l’être, relève du régime de la non-conformité de la chose vendue et qu’en l’espèce, le caractère du terrain à bâtir des parcelles était expressément inclus dans le cham contractuel fixé par les parties.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en confirmant la position adoptée par la Cour d’appel.

La Cour de cassation retient ainsi que le bien dont les acquéreurs avaient pris possession correspondait à celui figurant dans l’acte de vente, s’agissant tant de sa situation que de sa contenance. Selon la Cour de cassation, la chose vendue est conforme aux stipulations contractuelles de l’acte de vente.

Clarification :

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation précise que l’inconstructibilité d’un terrain constitue non pas un défaut de conformité mais un vice caché de la chose vendue, rendant celle-ci impropre à sa destination.

Il s’agit d’une confirmation de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a d’ores et déjà eu l’occasion de statuer sur cette question et retenir que la garantie des vices cachés constitue l’unique fondement de l’action exercée relativement à la vente d’un terrain à bâtir, révélé inconstructible. (Cass, Civ., 3ème, 20 mai 2014, n° 13-12.685)

Ainsi, il appartient aux acquéreurs d’un terrain à bâtir, qui s’est révélé inconstructible, d’agir à l’encontre des vendeurs sur le fondement de la garantie des vices cachés et non pas sur l’absence de délivrance conforme de la chose vendue.

Cela suppose ainsi que l’action soit intentée dans un bref délai, soit dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, à peine de forclusion de l’action.

Report de la date d’entrée en vigueur de l’obligation de réaliser l’audit énergétique pour les ventes d’immeubles en monopropriété des classes D et G

Arrêté du 9 août 2022 modifiant l’arrêté du 4 mai 2022 définissant le contenu de l’audit énergétique réglementaire prévu par l’article L. 126-28-1 du Code de la construction et de l’habitation et applicable en France métropolitaine

Pour mémoire, l’article L. 126-28-1 du Code de la construction et de l’habitation, crée par la loi du 22 août 2021 dite « Loi Climat et Résilience » rend obligatoire la réalisation d’un audit énergétique lors de la vente des bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation en monopropriété et qui appartiennent aux classes D, E, F ou G.

L’audit énergétique formule notamment des propositions de travaux.

Le décret et l’arrêté en date du 4 mai 2022, pris pour l’application de l’article L. 126-28-1 du Code de la construction et de l’habitation, précisent le calendrier d’application de cette obligation de réalisation de l’audit énergétique.

Initialement, les logements soumis à l’obligation d’établir un audit énergétique sont ceux pour lesquels la promesse de vente ou, à défaut, l’acte de vente, intervient à compter du :

– 1er septembre 2022 pour les logements appartenant aux classes F et G ;

– 1er janvier 2025 pour les logements classés E ;

– 1er janvier 2034 pour ceux relevant de la classe D.

 Clarification :

 D’une part, le décret en date du 9 août 2022 modifiant le décret du 4 mai 2022 relatif à l’audit énergétique et d’autre part, l’arrêté en date du 9 août 2022 modifiant l’arrêté du 4 mai 2022 définissant le contenu de l’audit énergétique, viennent fixer une nouvelle date d’entrée en vigueur de l’obligation de réalisation de l’audit énergétique pour la vente des logements en monopropriété de classes F et G.

Désormais, l’obligation de réaliser un audit énergétique pour la vente de biens en monopropriété pour les classes D et G est reportée du 1er septembre 2022 au 1er avril 2023.

Lutte contre les pratiques commerciales illicites en ligne

L. 132-11 du Code de consommation

L. 521-3-1 du Code de consommation

Face au développement des outils numériques, le législateur a explicité au fur et à mesure de nouvelles pratiques commerciales déloyales, telles que le fait de fournir des résultats de recherche en ligne à un consommateur sans l’informer de manière transparente des publicités payantes et liens sponsorisés, ou encore le fait de recourir à une application logicielle communément appelée « bot » pour acheter des produits en masse, faisant ainsi augmenter le prix de revente.

La nouvelle loi portant sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, adoptée le 16 août dernier participe à nouveau au renforcement de la protection des consommateurs.

Les sanctions des pratiques commerciales déloyales se voient ainsi durcies :

  • En cas de pratiques commerciales trompeuses ou agressives suivies de la conclusion d’un ou plusieurs contrats, la peine d’emprisonnement passe de 2 à 3 ans (articles L. 132-2-1 et L. 132-11-1 du Code de consommation) ;
  • Lorsque ces pratiques sont commises en bande organisée, la peine d’emprisonnement est portée à 7 ans (articles L. 132-2-2 et L. 132-11-2 du Code de consommation).

Par ailleurs, cette loi vient ajouter à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, la DGCCRF, une compétence supplémentaire (article L5. 21-3-1 du Code de consommation).

En cas de manquement en matière de pratiques commerciales, la DGCCRF pouvait avant cette loi ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne d’afficher un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu’ils accèdent au contenu illicite.

Elle peut dorénavant ordonner, lorsque l’infraction constatée est passible d’une peine d’au moins deux ans d’emprisonnement et peut porter une atteinte grave à l’intérêt des consommateurs, aux interfaces en ligne offrant du contenu illicite, de prendre toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement.

Elle peut également « ordonner » et non plus simplement « notifier » aux opérateurs concernés de prendre toute mesure utile destinée à limiter l’accès au contenu illicite.

Loi pouvoir d’achat : les mesures bancaires

La loi n° 2022-1158 en date du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a définitivement été adoptée et les premières mesures ont déjà commencé à être appliquées.

Cette loi, qui vise notamment à soutenir le budget des Français face à l’envolée des prix, comporte trois volets : la protection du niveau de vie des ménages, la protection des consommateurs et la souveraineté énergétique.

Pour protéger les consommateurs, diverses mesures bancaires ont été adoptées afin de protéger les consommateurs.

Ainsi, pour contraindre les banques à rembourser rapidement leurs clients victimes de fraudes, la loi prévoit l’application de pénalités progressives. Pour rappel, en cas de fraude avérée, ces établissements doivent avoir rétabli le compte de leur client dans sa situation antérieure « au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant la fraude ».

Or, dans la pratique, certaines banques agissaient, selon l’association UFC-Que Choisir, dans un délai de 25 jours.

Désormais, les banques se voient appliquer une sanction fixée au taux légal majoré de cinq points, soit actuellement 8,15 %. Après sept jours de retard, la pénalité correspondra à ce même taux d’intérêt légal augmenté de dix points (13,15 % pour le deuxième semestre 2022) avant d’être relevé de quinze points (18,15 %), une fois un délai de 30 jours écoulé.

Concernant les frais d’incident, la loi prévoit la suppression des prélèvements de frais d’incident multiples. Pour une même opération, rejetée plusieurs fois (prélèvement d’une facture répété quelques jours après un premier incident), les banques, qui pratiquent ces frais pour chaque opération, seront dans l’obligation de les rembourser sans démarche particulière de leur client.

Certes, un dispositif permettait au client de réclamer le remboursement des frais indûment perçus mais il était très rarement appliqué.

Les banques auront donc désormais l’obligation de rembourser automatiquement les sommes indûment perçues, sans attendre une démarche proactive de leurs clients.

 

My-Kim YANG-PAYA et Hakim ZIANE

Soutien aux entreprises – mesures pour protéger le pouvoir d’achat des commerçants

La loi n° 2022-1158 en date du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat dite « loi pouvoir d’achat » a instauré des mesures en faveur des locataires dont ceux d’habitation et surtout ceux de baux commerciaux.

La loi prévoit à son article 14 un plafonnement de la hausse de l’indice des loyers commerciaux (ILC) auquel il est fait référence pour la révision des loyers des petites et moyennes entreprises au sens du règlement UE 651/2014 du 17 juin 2014 (entreprises employant moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros) à 3,5 %, et ce pour les 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2022 et 1er trimestre 2023.

Si cette mesure permettra de contenir la hausse des loyers, elle reste toutefois limitée dans son champ d’application puisqu’elle ne concerne que les loyers des petites et moyennes entreprises indexés à l’ILC, à l’exception de ceux indexés à L’ILAT ou encore l’ICC, et dans le temps qu’elle ne s’appliquera – à tout de moins pour l’heure – que sur 4 trimestres.

Déclaration annuelle de performance extra financière – ce qui a changé à compter du 1er juillet 2022 en faveur de la protection du climat

L’article L. 225-102-1 du Code de commerce prévoit, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires et le nombre de salariés dépasse un certain seuil, de joindre à leur rapport de gestion, une Déclaration de Performance Extra Financière (DPEF).

Les entreprises concernées sont celles dont le bilan est de 100 millions d’euros à la clôture, de 100 millions d’euros pour le montant net du chiffre d’affaires avec un seuil moyen de 500 salariés, en application de l’article R. 225-104 du Code de commerce.

La DPEF comprenait déjà des informations relatives aux conséquences de l’activité de la société sur le changement climatique.

Il s’agissait d’engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l’économie circulaire et de la lutte contre le gaspillage alimentaire, contre la précarité alimentaire, le respect du bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable.

La déclaration comprenait également des informations sur l’impact des accords collectifs conclus dans l’entreprise sur la performance économique de l’entreprise, les conditions de travail des salariés, la lutte contre les discriminations, la promotion des activités physiques et sportives et les mesures en faveur des personnes handicapées.

Depuis le 1er juillet 2022, une nouvelle étape est amorcée pour lutter contre le changement climatique.

En plus des informations sus visées, la société déclarante doit à présent fournir des informations relatives à l’impact sur l’environnement, des activités de transport auxquels elle a recours. Elle devra aussi prévoir un plan pour en réduire les effets nocifs.

La DPEF devra donc contenir des informations relatives à l’émission directe et indirecte de gaz à effet de serre liée aux services de transports amont et aval de l’activité de la société déclarante.

Cette dernière devra également prévoir un « plan d’action visant à réduire ces émissions, notamment par le recours aux modes ferroviaire et fluvial ainsi qu’aux biocarburants dont le bilan énergétique et carbone est vertueux et à l’électromobilité ».

La lutte active contre le changement climatique se poursuit par la responsabilisation des entreprises commanditaires de transport de marchandises.

L’obligation nouvelle s’applique aux DPEF pour les exercices comptables ouverts à compter du 1er juillet 2022.

Sur les nouvelles dispositions prévues par la loi n °2022-1158 du 16 aout 2022, dite « loi pouvoir d’achat », pour une protection accrue des consommateurs

Le 17 aout 2022 a été publié au Journal officiel la loi n° 2022-1158 en date du 16 aout 2022, portant mesure d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

L’adoption de ce texte de loi est intervenue à la suite de la Décision n° 2022-843 DC, rendue le 12 aout 2022 par le Conseil Constitutionnel, qui avait été saisi par deux recours, émanant respectivement de plus de 60 députés et de plus de 60 sénateurs.

Le texte définitif comprend ainsi trois volets, à savoir la protection du niveau de vie des ménages, la souveraineté étatique, ainsi que la protection des consommateurs.

S’agissant de ce dernier thème, les articles 15 à 19 de la loi du 16 aout 2022 instituent pour le consommateur une facilité de résiliation de ses abonnements conclus par voie électronique, en mettant à la charge des professionnels l’obligation de prévoir une fonctionnalité gratuite, permettant d’accomplir électroniquement les démarches nécessaires en ce sens.

Les professionnels concernés devront en outre confirmer au consommateur la réception de leur demande, la date à laquelle le contrat prendra fin, et fournir des indications sur les effets de la résiliation.

Sont également concernés les contrats conclus par les consommateurs par un autre moyen (magasins, agences, etc..) mais qui, au jour de leur résiliation, peuvent être conclus par voie électronique.

L’entrée en vigueur de cette obligation mise à la charge des professionnels devra intervenir à la suite d’un décret, pris au plus tard le 1er juin 2023, venant fixer les modalités techniques pour faciliter la résiliation, en prévoyant notamment un « bouton résiliation ».

Ces mesures ont pour objectif de faciliter la possibilité pour le consommateur de contracter avec un autre professionnel lorsqu’il est en présence d’une offre plus avantageuse pour lui, et qu’il est déjà engagé ailleurs.

L’article 16 de la loi n° 2022-1158 introduit en outre un nouvel alinéa à l’article L. 215-1 du Code de la consommation, prévoyant la résiliation gratuite des contrats de fournitures de service de télévision, et des contrats de fourniture de services de médias audiovisuels à la demande, et ce à compter de la première reconduction, dans les cas de changement de domicile ou d’évolution de son foyer fiscal.

Cette possibilité permettra par exemple au consommateur qui se met en ménage de ne bénéficier que d’un seul abonnement audiovisuel dans son nouveau foyer.

Pour finir, la nouvelle loi précitée permet par ailleurs la résiliation anticipée des contrats donnant accès à internet, ou à un service de communications vocales, lorsque le consommateur a formé une demande de traitement de situation de surendettement, jugée recevable selon les termes des articles 711-1 et L.721-1 à L721-7 du Code de la consommation.

Pour ce faire, le consommateur devra dès lors prouver sa situation de surendettement, qui sera caractérisée par son impossibilité manifeste à faire face à l’ensemble de ses dettes.

En conclusion, la loi « pouvoir d’achat » en date du 16 aout 2022, a pour finalité de protéger de façon effective le consommateur, par la mise en place de nouvelles procédures simplifiées lui permettant de résilier certains contrats conclus avec un professionnel.

La mise en conformité de ces dispositions, et notamment du « bouton résiliation », doit faire l’objet d’un décret, qui devra intervenir avant le 1er juin 2023.

Précisions de la Cour de cassation sur la durée d’un bail dérogatoire

Le bail dérogatoire, initialement conçu par le législateur pour être un « bail à l’essai » permet au bailleur mais également au preneur de ne pas s’engager à long terme tout en leur permettant d’apprécier conjointement l’opportunité de conclure un bail commercial dont la durée minimum de neuf années peut se révéler être une contrainte.

Ainsi, et surtout pour éviter les fraudes à la loi, l’article L.145-5 alinéa 1er du Code du commerce enferme la faculté de conclure un bail dérogatoire dans des limites précises. Ce texte prévoit en effet que la durée totale du bail dérogatoire ou des baux successifs ne peut être supérieure à trois ans. Dès lors, le bail dérogatoire est un bail à durée déterminée qui cesse de plein droit à l’arrivée du terme, sans qu’il soit nécessaire de donner congé.

Néanmoins, le même article L.145-5 du Code de commerce prévoit que si le preneur est laissé en possession des lieux un mois après l’expiration du bail dérogatoire, il s’opère un nouveau bail soumis aux dispositions et statut des baux commerciaux. Ce changement de statut a fait l’objet de nombreuses jurisprudences et nourrit régulièrement l’actualité en droit des baux commerciaux. Le preneur étant particulièrement protégé par le statut des baux commerciaux, il peut être tentant pour lui de vouloir se prévaloir de ces dispositions. L’arrêt de la Cour de cassation en date du 11 mai 2022 (pourvoi n° 21-15.389) est venu rappeler les contours de ce bail dérogatoire.

***

En l’espèce, les bailleurs avaient consenti un bail dérogatoire pour une durée d’un an à compter du 1er juillet 2015, renouvelable tacitement pour la même durée dans la limite de trois années au total.

Les bailleurs avaient alors signifié au preneur, le 28 juin 2017, un congé à effet au 30 juin 2017, puis l’ont assigné en libération des lieux et en paiement d’une indemnité d’occupation.

Le preneur quant à lui considérait que le bail dérogatoire ayant été consenti à compter du 1er juillet 2015, son maintien dans les lieux postérieur au 31 juillet 2016, soit un mois après ce qu’il considérait comme le terme du bail dérogatoire conclu à compter du 1er juillet 2015, était depuis lors un bail commercial soumis aux dispositions de l’article L. 145-1 et suivants du Code de commerce.

Par conséquent, le preneur estimait que le congé délivré le 28 juin 2017 par les bailleurs ne respectait pas les conditions de l’article L.145-9 du Code de commerce à savoir la délivrance d’un congé six mois à l’avance. Cette analyse audacieuse de l’article L.145-5 du Code de commerce n’a cependant pas convaincu les juges du fond.

En effet, la Cour d’appel a déclaré le preneur occupant sans droit ni titre depuis le terme du bail à savoir le 30 juin 2017 et a ordonné sous astreinte la libération des locaux occupés au besoin par voie d’expulsion. Le preneur s’est pourvu en cassation.  La Cour de cassation a rejeté le pourvoi faisant fi de l’analyse du preneur. Dans son arrêt publié au Bulletin, les juges ont rappelé qu’un congé, délivré antérieurement au terme du dernier des baux dérogatoires successifs, dont la durée cumulée ne dépasse pas la durée légale et qui manifeste la volonté des bailleurs de ne pas laisser le locataire se maintenir dans les lieux, le prive de tout titre d’occupation à l’échéance de ce bail.

Ainsi, la Cour de cassation valide l’analyse des juges du fond qui ont rappelé qu’il était convenu et accepté que le bail serait renouvelé tacitement à l’issue de la première année et ainsi chaque année, sans dépasser une durée maximum de trois ans.

De plus, aucun délai de prévenance, hormis l’antériorité du congé au regard de la date d’expiration du bail n’était imposé au bailleur. Le preneur ne pouvait ainsi se prévaloir des dispositions relatives aux baux commerciaux dans la mesure où le bail dérogatoire prévoyant la tacite reconduction dans la limite des trois ans légalement prévus, il ne pouvait y avoir place à une interprétation du preneur quant à un éventuel changement de statut du bail.

Cet arrêt permet de rappeler une fois encore que le bail dérogatoire est strictement encadré par les textes et les interprétations partisanes de l’article L.145-5 ne sauraient ainsi être retenues.

Loi « protection du pouvoir d’achat » et loi de finances rectificative du 16 août 2022 : les principales opportunités pour les DRH

Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat

Intéressement et participation : le déblocage exceptionnel des sommes investies avant 2022, Foire aux questions

 

En cette rentrée marquée par les préoccupations sur le pouvoir d’achat des salariés et la conjoncture agitée, les Directions des ressources humaines sont attendues sur ce sujet dans le cadre des négociations à venir (NAO, rémunération variable, primes etc…).

Il convient de rappeler les quatre principales thématiques prévues par les deux lois du 16 août 2022 : loi n° 2022-1158 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et la loi n° 2022-1157 de finances rectificatives pour 2022 avec les dernières précisions du ministère du travail publiées ce 13 septembre 2022 (QR min. trav. du 13 septembre 2022) :

  • La Pérennisation et le renforcement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), transformée en Prime de Partage de la Valeur (1) ;
  • Le développement de l’épargne salariale au sein des entreprises de moins de 50 salariés, ainsi que le déblocage anticipé de l’intéressement et de la participation, assortie d’exonérations sociales et fiscales pour toutes les entreprises (2) ;
  • Les majorations de salaire à travers les dispositions sur le temps de travail comme la monétisation des jours conventionnels de repos ou de RTT et la déduction forfaitaire de cotisations patronales au titre des heures supplémentaires réalisées par leurs salariés à compter du 1er octobre 2022 dans les entités dont l’effectif est compris entre 20 et 250 salariés (3) ;
  • La Revalorisation des plafonds de remboursement des dépenses de nourriture, Titres Restaurants et Frais professionnels (4).

1 – La nouvelle prime exonérée de cotisations sociales : La prime partage de la valeur (PPV)

La Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, appelée prime « Macron » a été pérennisée et renforcée par la loi du 16 août 2022, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er juillet 2022.

La mise en place

Devenue la « Prime de partage de la valeur » (PPV), cette prime peut être versée aux salariés ou agents employés au sein :

  • des entités de droit privé, des mutuelles, des associations ou des fondations, etc.;
  • des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) pour leur personnel titulaire d’un contrat de soutien et d’aide par le travail ;
  • des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ;
  • des établissements publics administratifs (EPA)pour leur personnel de droit privé.

Cette prime est mise en œuvre à travers soit :

  • un accord d’entreprise ou de groupe conclu avec les Organisations Syndicales Représentatives de salariés ;
  • un accord conclu au sein du CSE ;
  • un accord approuvé par référendum à la majorité des 2/3 du personnel ;
  • ou encore par la voie d’une décision unilatérale de l’employeur prise après la consultation préalable du CSE.

Les bénéficiaires

La prime bénéficie aux salariés, aux agents publics relevant d’un établissement EPA ou Epic, et aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise à la date : de versement de la prime, du dépôt de l’accord collectif ou de la signature de la décision unilatérale afférente.

L’entité qui verse la prime doit en informer les entreprises de travail temporaire qui mettent à disposition des intérimaires, car ces derniers doivent bénéficier de la même prime que celle versée aux salariés de l’entité utilisatrice.

Les modalités

Le montant de la prime attribuée à chaque salarié est fixé librement et peut donc être inférieur aux montants exonérés, soit entre 3.000 € et 6.000€ (voir ci-dessous) ou supérieur à ces montants.

Cette prime peut être modulée en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de l’ancienneté dans l’entreprise, de la durée de présence effective sur l’année écoulée ou encore de la durée de travail prévue au contrat de travail.

Le versement de la prime est réalisable en une ou plusieurs fois au cours de l’année civile, dans la limite d’une fois par trimestre.

Il ne peut donc y avoir une prime mensuelle.

Cette prime ne peut se substituer à un élément de rémunération du salarié, qu’il soit prévu par accord, par contrat ou par usage.

Les exonérations de cotisations sociales et d’impôts.

  • Le plafond d’exonération sociale et fiscale est dorénavant fixé à hauteur 3.000 € par salarié et par année civile.

Ce plafond est majoré à 6.000 € par an dans une entité selon l’un des 3 cas suivants :

  • L’entité dispose d’un accord d’intéressement ;
  • L’entité à moins de 50 salariés dispose d’un accord de participation ;
  • L’entité est une association ou une fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général ou encore un ESAT.
  • Pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic soit 60.442,20 euros bruts pour l’année 2022 : la prime est entièrement exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu ;
  • pour les salariés dont la rémunération est supérieure ou égale à 3 SMIC, la prime est:

– exonérée de cotisations de sécurité sociale ;

– soumise à la CSG/CRDS ;

– soumise au forfait social dans les entreprises de 250 salariés et plus ;

– imposable à l’impôt sur le revenu.

Pour les primes versées à compter du 1er janvier 2024, l’exonération se limitera aux cotisations sociales. Elles seront soumises à la CSG/CRDS et imposables à l’impôt sur le revenu.

 2 – Les mesures en faveur du développement de l’épargne salariale

L’un des principaux axes développés par le législateur pour la « protection du pouvoir d’achat » réside dans le développement de l’épargne salariale qu’il s’agisse de la mise en place de l’intéressement au sein des entreprise de moins de 50 salariés ou bien du développement des modalités de déblocage de l’intéressement ou de la participation.

Les mesures pour favoriser la mise en place et le renouvellement des accords d’intéressement

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’accord d’intéressement ou la décision unilatérale sur l’intéressement peut désormais être conclu pour une durée maximale de 5 ans au lieu de 3 ans. Le renouvellement d’un tel accord peut s’effectuer à présent par une simple décision unilatérale, ce qui était interdit jusqu’à cette réforme.

Désormais, et dès lors que l’entité n’est pas couverte pas un accord de branche, l’intéressement peut être mis en place au sein d’entreprises :

  • n’ayant pas de délégué syndical et de comité social et économique (CSE) l’employeur devra alors informer, par tout moyen, les salariés de la mise en place de cet intéressement ;
  • n’ayant pas réussi à conclure un accord d’intéressement avec le délégué syndical ou le CSE. Dans cette hypothèse, un procès-verbal de désaccord devra être formalisé et le CSE devra être consulté sur la décision unilatérale organisant l’intéressement, au moins 15 jours avant son dépôt.

Afin d’assouplir la procédure de contrôle des accords d’intéressement, les accords d’intéressement rédigés conformément à une procédure dématérialisée prévue par décret et déposés à compter du 1er janvier 2023 ne feront plus l’objet d’un contrôle préalable de légalité par la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS),

Quant au délai dans lequel l’Urssaf pourra opérer un contrôle de fond, celui-ci ne pourra excéder trois mois après le dépôt des accords.

Les modalités de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale

L’article 5 de la loi « pouvoir d’achat » du 16 août dernier permet aux salariés un déblocage de l’intéressement et de la participation jusqu’à 10 000 euros, pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services.

Le ministère du travail a publié, ce 13 septembre 2022, sur son site internet, un questions-réponses (QR) détaillant, sur une vingtaine de points, les modalités du dispositif.

L’administration souligne que le législateur destine ce déblocage uniquement au soutien à la consommation des ménages (les frais de scolarité sont acceptés) et non pour favoriser l’épargne en finançant l’acquisition de biens immobiliers locatifs ou de produits de placement ou des valeurs mobilières (livrets, assurance-vie, actions…) ni servir au solde d’un crédit ou à la clôture d’un prêt par anticipation. De même, le paiement des impôts est exclu du champ de la mesure (QR no 11).

Ce déblocage exceptionnel est permis jusqu’au 31 décembre 2022, en une seule fois et dans la limite d’un plafond global de 10.000 € nets de prélèvements sociaux.

Ce dispositif concerne les sommes issues de l’intéressement ou la participation affectées sur un plan d’épargne salariale ou un compte courant bloqué avant le 1er janvier 2022.

Le texte de loi mentionne les « bénéficiaires » de la participation et de l’intéressement comme pouvant demander le déblocage exceptionnel.

Le ministère du travail précise qu’il s’agit des salariés de l’entreprise, mais également des anciens salariés ainsi que des autres bénéficiaires prévus à l’article L 3332-2 du Code du travail à savoir les chefs d’entreprise, les directeurs généraux, les gérants ou les membres du directoire, le conjoint ou le partenaire lié par un Pacs du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé (QR no 3).

Les sommes issues de la participation affectées à un compte courant bloqué (CCB) mis en place au sein d’une Scop sont également concernées par ce déblocage exceptionnel, à condition de disposer d’un accord. Est également concernée la participation bloquée pour 8 ans dans un CCB dans le cadre d’un « régime d’autorité », cette fois sans condition d’un accord dans l’entreprise (QR no 8).

En dehors de ces deux cas, cette faculté de déblocage ne s’applique pas aux droits affectés sur des fonds investis dans des entreprises solidaires ni aux sommes affectées sur un PERCO.

Le QR du ministère précise que les sommes issues de la participation affectées à un compte courant bloqué mis en place par accord avant la loi du 22 mai 2019 (loi Pacte) ne sont pas concernées par le déblocage (QR no 5 et no 8).

Le salarié devra tenir à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant de l’usage des sommes débloquées (QR no 13) pendant 3 ans, correspondants au délai de contrôle de droit commun de l’administration fiscale (QR no 23).

La loi Pouvoir d’achat prévoit que les employeurs doivent informer les bénéficiaires de ce dispositif exceptionnel de déblocage dans un délai de 2 mois après la promulgation de la loi, soit au plus tard le 16 octobre 2022 (Loi 2022-1158 art 5, VI).

Cette information peut être effectuée par tout moyen ; elle doit préciser notamment si le déblocage est soumis au préalable à la conclusion d’un accord et si l’entreprise a l’intention de signer un accord en ce sens, ainsi que le régime fiscal et social des sommes concernées (QR no 16).

3 – Les majorations de salaire à travers les dispositions sur le temps de travail

Le régime temporaire de monétisation des jours de RTT

Pour rappel, avec le dispositif en vigueur avant la Loi 2022-1157 de finances rectificatives de ce 16 août, un salarié pouvait transformer ses jours de repos ou de réduction du temps de travail (RTT) en majoration de salaire dans deux cas prévus par le législateur :

  • les salariés en forfait jours peuvent renoncer, avec l’accord de leur employeur, à leurs jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire (C. trav. art. L 3121-59) ;
  • les salariés disposant d’un compte épargne-temps (CET) peuvent bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congés ou de repos non pris (C. trav. art. L 3151-2).

A travers, l’article 5 de la nouvelle loi de finances rectificatives, les salariés peuvent sur leur demande, quelle que soit la taille de leur entreprise et en accord avec l’employeur,  solliciter la conversion en salaire des journées ou demi-journées de RTT non prises et acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.

Les journées ou demi-journées sont celles acquises en application :

  • d’un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des articles L 3121-41 à L 3121-47 du Code du travail sur une période supérieure à la semaine ;
  • ou de RTT acquises en application d’un accord collectif sur la réduction du temps de travail.

Les journées ou demi-journées ainsi converties sont majorées d’un montant au moins égal au taux de majoration de la première heure supplémentaire dans l’entreprise, soit au minimum 10 % si un accord collectif le prévoit ou 25 % en l’absence d’un tel accord. Elles ne s’imputeront pas sur le contingent d’heures supplémentaires

La rémunération versée aux salariés dans le cadre de cette monétisation ouvre droit aux mêmes réductions de cotisations salariales et de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires détaillées ci-après.

Il est à noter que cette monétisation des jours de RTT est la plus décriée par les Organisations syndicales qui reprochent une atteinte au mouvement général de la réduction du temps de travail car le salarié se retrouve à travailler plus du fait de l’inflation sans véritable augmentation de salaires.

Les nouvelles déductions forfaitaires pour les heures supplémentaires

L’article 2 de la loi relative à la protection du pouvoir d’achat met en place un dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises d’au moins 20 salariés et de moins de 250 salariés.

Le nouveau dispositif reprendra celui qui avait été mise en place pour les employeurs de moins de 20 salariés à compter du 1er octobre 2022 pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés (Loi n° 2022-1158 art 2, I).

Les modalités pratiques de cette déduction doivent être précisées par décret.

En tout état de cause, la déduction s’applique :

  • aux heures supplémentaires « classiques » effectuées au-delà de la durée légale fixée à 35 heures hebdomadaires ;
  • aux heures supplémentaires comprises dans une convention de forfait hebdomadaire ou mensuel et à celles effectuées au-delà de ces forfaits ;
  • aux heures de travail effectuées au-delà de 1 607 heures par an par les salariés relevant d’une convention de forfait annuel en heures ;
  • aux heures supplémentaires effectuées dans le cadre d’un aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine ;

Il est important de noter que la déduction forfaitaire a également vocation à s’appliquer aux jours de repos auxquels renonce un salarié relevant d’une convention de forfait en jours sur l’année au-delà de 218 jours (Loi art. 2, II).

En outre, la loi de finances rectificative augmente de 5.000 € à 7.500 € le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu pour la rémunération des heures supplémentaires effectuées depuis le 1er janvier 2022.

4 – Incitation à la prise en charge des frais de transport et de repas des salariés

Sur les frais de transport

La prise en charge par l’employeur, à hauteur de 50 %, des frais d’abonnements aux transports publics ou aux services publics de location de vélos est exonérée fiscalement) et socialement.

Le législateur offre à présent la possibilité à l’employeur de bénéficier d’une exonération jusqu’à 75 % du prix des titres d’abonnements, au maximum, afin de l’inciter à aller au-delà de la prise en charge obligatoire de 50 %.

Le régime juridique de la prime transport est, de surcroît, aménagé pour les années 2022 et 2023 :

les conditions de versement habituelles (commune non desservie par un service de transport collectif, horaires de travail particuliers, etc.) sont supprimées ;

le cumul entre la prime transport et la prise en charge obligatoire des frais d’abonnements aux transports en commun est à présent autorisé.

  • Les plafonds d’exonérations sociales et fiscales de la prime transport pour les années 2022 et 2023 sont à présent de :

– 400 € (600 € en outre-mer) pour les frais de carburant au lieu de 200 € ;

– 700 € (900 € en outre-mer) par an au lieu de 500 € auparavant dont 400 € maximum par an au titre des frais de carburant pour les frais d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène.

Sur les frais de repas

La limite d’exonération sociale et fiscale de la contribution patronale au financement des titres-restaurant est à présent fixée à 5,92 €, pour les titres émis entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2022 au lieu de 5,69 €.

La réception de l’ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage

Dans le cadre du projet d’extension et de réhabilitation d’un gymnase et de création d’une salle polyvalente, la région Normandie (ci-après, la « Région ») a conclu un contrat de maîtrise d’œuvre avec un groupement d’opérateurs économiques pour assurer la conception de ces ouvrages. Des désordres sont survenus durant l’exécution des travaux et, faute pour les parties de s’entendre sur la personne responsable des désordres, la Région a préfinancé des travaux de reprise.

Postérieurement à la réalisation de ces travaux de reprise la Région a saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Rouen qui a fait droit à sa demande d’expertise par une ordonnance du 29 juillet 2014. Dans le prolongement du rapport d’expertise survenu en février 2018, la Région a saisi le Tribunal administratif de Rouen pour qu’il condamne le groupement d’opérateurs économiques à l’indemniser du montant des travaux de reprise à raison des fautes de conception et de surveillance du chantier que la Région estime que ce groupement a commis. Par un jugement du 28 août 2020, le Tribunal a fait droit à la demande de la Région et le mandataire du groupement d’opérateurs économiques a interjeté appel contre ce jugement.

Soulevant un moyen d’ordre public, la Cour administrative d’appel de Douai commence par rappeler qu’ « indépendamment de la décision du maître d’ouvrage de réceptionner les prestations de maîtrise d’œuvre prévue par les stipulations susvisées du CCAG PI applicable au marché en litige, la réception de l’ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage ».

Le Conseil d’État juge effectivement que la réception est un acte unilatéral unique pour l’ensemble des marchés passés avec les constructeurs (CE Sect., 25 avril 1969, Derobert, n° 70520) qui « met fin aux rapporteurs contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage » (CE Sect., 6 avril 2007, Centre hospitalier de Boulogne-sur-mer, n° 264490). Or, le Conseil d’État juge, à l’instar de la Cour de cassation, que le maître d’œuvre est qualifiable de constructeur (CE, 27 septembre 2006, Société GTM construction, n° 269925) si bien que la « réception de l’ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage » (CE, 2 décembre 2019, Sociétés Guervilly, Puig Pujol Architecture et Bâti Structure Ouest, n° 423544).

Or, en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Douai relève que la réception de l’ouvrage est survenue durant l’année 2013 soit bien antérieurement à la recherche de la responsabilité des maîtres d’œuvre, « de sorte que cette réception fait obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des maîtres d’œuvre soit recherchée à raison des fautes de conception et de surveillance du chantier qu’ils ont éventuellement commises ». Dès lors, elle en déduit logiquement que les conclusions de la région présentées sur ce fondement ne peuvent qu’être rejetées.

La Région a tenté de déporter le débat sur un autre fondement pour obtenir l’indemnisation du montant des travaux de reprise en invoquant les règles particulières d’indemnisation du maître d’ouvrage en cas de faute du maître d’œuvre dans la conception de l’ouvrage conduisant à un coût de travaux supérieur à celui qui aurait dû être celui de l’ouvrage. En effet, cette prestation fait partie de celles qui sont dissociables de la réalisation de l’ouvrage (pour l’essentiel, l’assistance aux opérations de réception et l’établissement des décomptes des marchés de travaux) et il est donc possible d’en faire état au stade de l’établissement du décompte général et définitif, puisque c’est ce dernier et non la réception la réception de l’ouvrage qui règle les droits et obligations des parties (CE Sect., 6 avril 2007, Centre hospitalier de Boulogne-sur-mer, n° 264490). Cependant, la Cour administrative d’appel de Douai rejette ce moyen aux motifs que la Région n’apporte aucun élément de nature à établir le manquement allégué.

Enfin, la Région a tenté de faire valoir la responsabilité délictuelle de la maîtrise d’œuvre mais ce moyen ne pouvait qu’être rejeté en l’absence de nullité du contrat et en raison du fait qu’il était invoqué pour la première fois en appel.

En conséquence, la Cour administrative d’appel de Douai annule le jugement attaqué et rejette les conclusions de la Région.

Droit des agents aux tickets-restaurant dans le cadre du télétravail

Par un arrêt en date du 7 juillet 2022 le Conseil d’Etat a répondu par l’affirmative à la question de savoir si, lorsqu’il est en télétravail, l’agent public est éligible aux tickets restaurants.

Il ne s’agit pas là d’une décision particulièrement surprenante en ce que le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature prévoit au premier alinéa de son article 6 que « Les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agents exerçant sur leur lieu d’affectation. ». En se fondant sur cette disposition, le Conseil d’Etat a donc jugé que :

« pour annuler la décision refusant à M. A… l’attribution de titres-restaurant, le tribunal administratif a jugé que le droit au bénéfice de cet avantage devait, pour les agents exerçant leurs fonctions en télétravail à domicile ou dans des locaux distincts de ceux de leur employeur public, être apprécié en tenant compte de l’éloignement de leur lieu de télétravail avec un dispositif de restauration collective. En statuant ainsi, alors qu’il lui revenait seulement de rechercher si l’intéressé aurait bénéficié de cet avantage s’il avait exercé ses fonctions sur son lieu d’affectation, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ».

La question étant régulièrement posée et ayant donné lieu, notamment en droit du travail, à quelques positions jurisprudentielles divergentes, la réponse au cas des agents publics est désormais posée clairement et simplement.

Circulaire du 4 août 2022 : Rappel sur l’application en deux temps de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN)

L’objectif « zéro artificialisation nette » (dit « ZAN »), introduit par la loi Climat et Résilience, n° 2021-1104, en date du 22 août 2021 a fait l’objet d’une nouvelle circulaire, signée le 4 août dernier par Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, pour rappeler aux préfets le régime de mise en œuvre en deux temps de cet l’objectif.

Cette circulaire s’inscrit dans la continuité des contestations survenues contre les décrets d’application de cette loi, notamment par l’Association des maires de France (AMF). Dans contexte, le Ministre avait annoncé, le 13 juillet dernier, être ouvert à une réécriture desdits décrets.

Pour mémoire, l’objectif ZAN vise, tout d’abord, à réduire de 50 % la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, observés au cours des 10 années précédant la loi, au niveau national (hors Ile-de-France, Corse et outremers), d’ici 2031. Il vise, ensuite, à atteindre le zéro artificialisation nette des sols, avec un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranches de 10 ans, d’ici 2050.

La circulaire ministérielle du 4 août 2022 rappelle, à ce titre, que les mesures de réduction de la consommation des espaces doivent être inscrites dans les documents de planification des régions (SRADDET) avant d’être traduites les documents d’urbanisme locaux des collectivités (SCoT et PLU).

La loi Climat et Résilience fixe les délais impartis pour procéder à l’inscription de l’objectif ZAN dans les différents documents d’urbanisme, à savoir :

  • Jusqu’au 22 octobre 2022 pour la présentation, par les conférences des SCoT, des propositions pour fixer les objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation ;
  • Jusqu’au 22 août 2026 pour l’inscription de l’objectif ZAN dans les SCoT ;
  • Jusqu’au 22 août 2027 pour l’inscription de l’objectif ZAN dans les PLU et PLUi.

Cela étant, dans le cadre de la circulaire du 4 août 2022, le Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a rappelé aux préfets que le législateur a laissé aux collectivités la possibilité de moduler l’application de la règle visant à réduire de 50 % la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2031, en fonction des résultats de la concertation effectuée dans le cadre de la conférence des SCoT au sein de chaque Région (article 194 de la loi Climat et Résilience).

A ce titre, le Ministre a invité les collectivités « à ne pas imposer dès à présent une réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers de manière uniforme dans tous les documents qui entrent actuellement dans des procédures de modification ou de révision afin de ne pas anticiper le résultat du dialogue entre les collectivités et celui du processus de déclinaison de l’objectif à chaque échelle territoriale ».

Pour autant, la circulaire rappelle aux élus qu’ils doivent être « sensibilisés au fait qu’une règle de réduction de la consommation des espaces » à vocation à s’appliquer aux SCoT et PLU, « ce qui implique de ne pas retenir des hypothèses de consommation manifestement incompatibles avec une politique de sobriété foncière et de maîtrise de l’étalement urbain ».

Sur l’appréciation du caractère disproportionné de la démolition d’un immeuble d’habitation collective au sein d’un lotissement en cas de violation du cahier des charges et de ressenti négatif du propriétaire voisin.

Au sein d’un lotissement, le cahier des charges peut fixer certaines règles de construction devant être respectées par les colotis.

Suivant un arrêt en date du 13 juillet 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation entend apprécier la proportionnalité de la sanction tendant à la démolition de l’édifice construit en violation des règles du cahier des charges et l’éventuel préjudice subi par les propriétaires colotis.

Dans cet arrêt, des personnes ont acquis un lot constitué d’une villa au sein d’un lotissement. Quelques années plus tard, une société civile immobilière a acquis un lot voisin au sein de ce lotissement et a obtenu un permis de construire afin d’y réaliser la construction d’un immeuble de six logements avec piscine.

Il s’est avéré que la construction édifiée violait l’article 8 du cahier des charges du lotissement, dès lors qu’elle n’était pas implantée dans un carré de trente mètres sur trente mètres.

Dans ces conditions, les propriétaires voisins ont sollicité, à titre principal, la démolition de l’ouvrage édifié et à titre subsidiaire, l’allocation de dommages et intérêts, se prévalant de la violation du cahier des charges du lotissement.

Bien que la Cour d’appel constate que la construction contrevient au cahier des charges du lotissement, elle rejette la demande principale aux fins de démolition de l’édifice, retenant que la SCI ne leur a causé qu’un préjudice, dont elle leur doit réparation à hauteur de 20.000 euros.

La Cour d’appel retient que le juge peut apprécier si la sanction tendant à la démolition de l’immeuble est adaptée au préjudice allégué par la partie demanderesse.

En l’occurrence, les juges du fond considèrent qu’il existe une disproportion entre la démolition d’un immeuble d’habitation collective et le désagrément subi par le voisinage, dès lors que l’ensemble immobilier avait été construit dans l’esprit du règlement du lotissement et qu’il n’occasionnait aucune perte de vue ou aucun vis-à-vis.

 La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel, qui a « fait ressortir l’existence d’une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers ».

Ainsi, aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation entend valider le raisonnement des juges du fond fondé sur l’appréciation de la proportionnalité entre la sanction tendant à la démolition d’une construction et le préjudice subi par les colotis.

Force est de constater que la Cour de cassation tend à tempérer sa position traditionnelle suivant laquelle elle considérait rigoureusement que toute construction édifiée en violation du cahier des charges devait faire l’objet d’une démolition.

Dès lors, la violation du cahier des charges d’un lotissement pourra être sanctionnée par l’allocation de dommages et intérêts, dans l’hypothèse où la démolition de la construction se révèlera disproportionnée.

L’interdiction pour le responsable de service de demander à son subordonné le motif de son arrêt de travail

Lorsque l’agent bénéfice d’un arrêt de travail, il doit produire à son administration un certificat médical établissant son inaptitude physique d’effectuer son service.

L’agent transmet alors le deuxième feuillet de l’arrêt médical, qui ne comporte aucune information d’ordre médial concernant sa pathologie.

Son employeur n’a en effet pas à connaître le motif de son arrêt de travail, donnée couverte par le secret médical.

La seule voie ouverte à l’administration pour contrôler l’arrêt est celle prévue par la procédure spécifique de contrôle des arrêts de travail. En dehors, elle ne peut demander à son agent d’en justifier le motif.

En l’espèce, lors d’une réunion de service, un responsable de service a demandé à une de ses subordonnées les motifs de son arrêt de travail, sans se contenter de demander s’il était en lien avec ses fonctions.

Compte tenu du positionnement hiérarchique de l’agent et de son expérience de l’encadrement, la Cour considère que la sollicitation de telles informations, qui ne peuvent être obtenues que lors de procédures particulières de contrôle des arrêts de travail établies par des textes réglementaires auxquelles le supérieur hiérarchique des agents n’est pas associé, dans le cadre d’une réunion de service regroupant d’autres agents parmi lesquels un subordonné de la personne en cause et dans un contexte de tensions au sein du service, révèle un manquement fautif de nature à justifier une sanction disciplinaire.

La sanction de blâme infligée par l’autorité territoriale au supérieur hiérarchique a ainsi été reconnue comme proportionnée aux faits qui lui était reprochés.

Fonction publique territoriale : un nouveau décret tend à harmoniser les droits des agents contractuels sur ceux des agents titulaires

Le décret n° 2022-1153 du 12 août 2022, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 15 août dernier, est venu modifier au sein de plusieurs décrets les dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale afin de transposer certaines évolutions issues de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Poursuivant une logique d’harmonisation, ce décret étend et aligne les droits des agents contractuels sur ceux des agents titulaires dans certains domaines, notamment en matière de discipline et de congés.

Le décret du 12 août 2022 présente également le mérite d’actualiser les dispositions générales règlementaires applicables aux agents contractuels, afin de tenir compte de l’entrée en vigueur du Code général de la fonction publique (CGFP) le 1er mars 2022, en introduisant, dans les dispositions règlementaires concernées, les nouveaux renvois aux articles du CGFP en lieu et place des articles issus des lois statutaires.

Le décret du 12 août 2022 modifie le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la FPT sur plusieurs pans, notamment en matière de discipline afin d’harmoniser les règles avec celles applicables aux fonctionnaires.

Parmi les modifications notables figurent l’introduction d’un délai de prescription de l’action disciplinaire de trois ans et l’introduction règlementaire de la suspension de fonctions à titre conservatoire en cas de faute grave. De mémoire auparavant, la suspension conservatoire des agents contractuels, si elle était autorisée en vertu de la jurisprudence, n’était encadrée par aucun texte, contrairement à la situation des fonctionnaires, de sorte que les agents contractuels suspendus ne pouvaient notamment se prévaloir d’aucun droit au maintien de leur rémunération.

Les modifications apportées au décret du 15 février 1988 par le décret du 12 août 2022 en matière disciplinaire portent également sur :

  • La liste des sanctions pouvant être prononcées avec l’ajout de l’exclusion temporaire de fonctions d’une durée maximale de trois jours et l’introduction du sursis partiel ou total ;
  • Les modalités d’inscription et d’effacement des sanctions dans le dossier individuel ;
  • Le champ de compétence de la Commission consultative paritaire ; celle-ci n’ayant plus à être saisie lorsqu’est envisagée la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée comprise entre 1 et 3 jours.

Par ailleurs, prenant en compte la modification du Code du travail, le décret du 12 août 2022 allonge la durée de la période de protection contre le licenciement des agents contractuels ayant accueilli un enfant, en interdisant le prononcé d’un licenciement avant l’expiration d’une période de dix semaines suivant la fin des différents congés en la matière (congé de maternité, congé de naissance, congé d’adoption…).

Notons également le relèvement de l’âge maximal de l’enfant (12 ans) pour bénéficier d’un congé sans rémunération pour élever un enfant, ainsi que l’allongement de la durée du congé sans rémunération pour convenances personnelles en la faisant porter à 5 ans renouvelable.

Toujours en matière de congés, le décret du 12 août 2022 étend les cas de versement de l’indemnité compensatrice de congés annuels en y ajoutant la démission.

En outre, ledit décret modifie les modalités d’octroi et de prise en compte au titre de l’ancienneté et des services effectifs de plusieurs congés (congé parental, congé sans rémunération pour convenances personnelles ou pour élever un enfant, congé sans rémunération pour créer ou reprendre une entreprise…) et élargit les cas de congés à l’issue desquels les agents contractuels peuvent bénéficier d’un réemploi.

Enfin, relevons que le décret du 12 août 2022 procède également à la modification du décret n° 2004-777 du 29 juillet 2004 en allongeant la liste des cas lors desquels les services à temps partiel sont assimilés à des services à temps plein.

Les collectivités territoriales doivent donc être attentives sur les modifications et apports importants de ce décret, tout comme l’Etat et le domaine hospitalier pour lesquels des décrets modifiants celui du 17 janvier 1986 et du 6 février 1991 étaient déjà intervenus en avril et mai dernier.

Distinction des modalités de publicité dans les journaux des avis relatif à l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique et à l’enquête parcellaire

Dans cette affaire, le juge de l’expropriation a refusé de prononcer l’expropriation d’une parcelle au motif que l’arrêté d’ouverture de l’enquête parcellaire avait été publié dans un seul journal diffusé dans le département. Le juge a en effet considéré que l’obligation de publicité n’avait pas été respectée car, selon lui, une annonce légale doit paraitre dans deux périodiques différents.

Au présent cas, deux avis avec quinze jours d’intervalle ont été publiés au sein d’un même journal.

Saisie sur pourvoi, la Cour de cassation a d’abord rappelé dans ses motifs les articles R.131-4 à R. 131-6, R. 131-11, R. 112-14, R. 221-1 et R. 221-5 du Code de l’expropriation.

Précisément, l’article R. 131-5 du Code dispose au sujet de l’avis de l’enquête parcellaire que :

« Un avis portant à la connaissance du public les informations et conditions prévues à l’article R. 131-4 est rendu public par voie d’affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet, dans les conditions prévues à l’article R. 112-16. Cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l’opération doit avoir lieu.

L’accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et doit être certifié par lui.

Le même avis est, en outre, inséré en caractères apparents dans l’un des journaux diffusés dans le département, dans les conditions prévues à l’article R. 112-14 ».

Et l’article R. 112-14 auquel l’article précité renvoie, dispose que :

« Le préfet qui a pris l’arrêté prévu à l’article R. 112-12 fait procéder à la publication, en caractères apparents, d’un avis au public l’informant de l’ouverture de l’enquête dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements concernés. Cet avis est publié huit jours au moins avant le début de l’enquête. Il est ensuite rappelé dans les huit premiers jours suivant le début de celle-ci.

Lorsque l’opération projetée est d’importance nationale, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale huit jours avant le début de l’enquête ».

En l’espèce, la Cour de cassation a relevé que : « Pour refuser de prononcer l’expropriation, après avoir visé les avis parus dans le journal « Tout [Localité 6] essor Rhône » les 5 et 19 septembre 2020, l’ordonnance retient qu’en matière d’expropriation, une annonce légale doit paraître dans deux journaux départementaux différents ».

Or, selon la Cour de cassation, la mise à la connaissance du public de l’avis relatif à l’enquête parcellaire n’est exigée que dans un journal diffusé dans le département, et non dans deux journaux.

Il convient ici de distinguer la publicité donnée à l’avis dans le cadre de l’enquête parcellaire et celui de l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique.

Pour le premier, l’avis doit être publié dans l’un des journaux diffusés dans le département, selon les conditions de l’article R. 112-4 du Code précité, à savoir « publié huit jours au moins avant le début de l’enquête. Il est ensuite rappelé dans les huit premiers jours suivant le début de celle-ci ». Autrement posé, une seule publication suffit.

En revanche, pour le second, l’avis relatif à l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique doit avoir un plus grand écho, et être ainsi publié dans « deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département », en plus de respecter l’obligation de le publier « huit jours au moins avant le début de l’enquête. Il est ensuite rappelé dans les huit premiers jours suivant le début de celle-ci ».

Par conséquent, la Cour a ici considéré que le juge de l’expropriation, en statuant comme il l’a fait, avait violé les articles susvisés. La Cour a donc renvoyé l’affaire et les parties devant le juge de l’expropriation.