La CNIL précise les modalités de transfert de fichiers de donateurs entre associations ou fondations

La recherche de financement est un enjeu majeur de la pérennité des activités des associations et fondations qui ne produisent, en général, pas assez de revenus par elles-mêmes pour financer leurs œuvres caritatives.

La source principale de revenus de certains de ces organismes est parfois constituée de dons manuels reçus du public. La recherche de donateur est alors cruciale pour ces associations et fondations qui ont donc pour habitude de procéder à de la prospection caritative grâce à des listes de donateurs potentiels (prospects).

Ces listes de donateurs potentiels sont généralement obtenues auprès d’autres organismes ayant une activité caritative ou auprès de sociétés commerciales qui cèdent ou louent des fichiers de prospects à des associations ou fondations caritatives. Or, dès lors que ces listes font apparaître les données personnelles des prospects (a minima nom, prénom et coordonnées), les règles relatives à la protection des données à caractère personnel (et en particulier le RGPD) s’appliquent.

C’est pour cette raison que la CNIL a récemment rappelé les modalités de transfert de tels fichiers pour s’assurer de la conformité de ces transferts avec les règles de la protection des données personnelles, principalement au regard des règles relatives à l’information des personnes concernées (les donateurs).

Il est ainsi rappelé que les destinataires et futurs utilisateurs de telles listes doivent s’assurer, au moment de la transmission du fichier, que les personnes figurant sur la liste ont bien été :

  • informées de l’utilisation des données collectées à des fins de prospection caritative ;
  • informées de leur possible transmission à des partenaires du secteur caritatif à des fins de prospection caritative ;
  • mises en mesure de s’opposer préalablement à chacune de ces utilisations, de manière simple et gratuite, au moment de la collecte puis lors de chaque communication (concrètement il s’agit d’un lien de désinscription intégré dans l’email lorsque la communication est faite par email).

Ensuite, et dès la première communication de l’association ou de la fondation destinataire, elle doit informer la personne concernée sur le traitement qu’elle entend réaliser avec ses données personnelles et de la source par laquelle elle a obtenu lesdites données (conformément à l’article 14 du RGPD).

La personne concernée doit toujours être mise en mesure de s’opposer à ce traitement de manière simple et gratuite à chaque nouvelle sollicitation et donc notamment à cette occasion-là.

Ainsi, si les règles de protection des données n’empêchent pas les transferts de listes de donateurs, elles obligent à prendre certaines précautions de la part des associations et fondations qui entendent utiliser de telles listes obtenues auprès de tiers. Ces précautions conduiront par exemple à inclure une clause de garantie au sein du contrat de transfert de données par laquelle l’organisme tiers qui transfère le fichier déclare avoir dûment informé les personnes concernées et être autorisé, par ces dernières, à transférer les données.

En effet, en recevant un fichier contenant de telles données, l’association ou la fondation en devient responsable de traitement. Elle devient donc responsable de la licéité du traitement qu’elle réalise, ce qui l’oblige à s’assurer que les données ont été collectées et lui ont été transférées de manière licite.

A travers ces règles, l’objectif n’est donc pas d’interdire les collectes et transferts de listes de donateurs mais bien de permettre aux personnes concernées d’être informées de la trajectoire prévisible de leurs données personnelles et de disposer d’un certain niveau de maitrise sur cette trajectoire en leur permettant de s’opposer au traitement.

Le Conseil d’Etat réaffirme le caractère obligatoire d’un règlement de consultation dans toutes ses mentions

CE, 20 juillet 2022, Commune du Lavandou, n° 458427

A l’occasion d’une procédure de passation d’un contrat de la commande publique, une offre doit-elle être considérée comme incomplète et, par voie de conséquence, rejetée comme irrégulière, au seul motif qu’elle méconnaitrait l’une des mentions du règlement de la consultation ?

A cette question, la jurisprudence répond de longue date par l’affirmative en matière de référé précontractuel, tout en prévoyant néanmoins une tolérance lorsque l’exigence méconnue se révèle manifestement inutile pour l’examen des candidatures ou des offres, ainsi qu’a jugé en 2019 le Conseil d’Etat dans un considérant de principe rédigé dans les termes suivants :

« […] le règlement de la consultation prévu par une autorité concédante pour la passation d’un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions. L’autorité concédante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres » (CE, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, req. n° 426763).

Par deux décisions récentes, le Conseil d’Etat vient compléter et préciser l’application de ce principe, dans le cadre de recours au fond introduits par des candidats évincés.

La conséquence d’un vice substantiel tenant au fait que le contrat a été attribué à une entreprise dont l’offre était irrégulière en raison d’une lettre de candidature incomplète et non signée : la résiliation du contrat

La première décision a été rendue le 28 mars 2022 à l’occasion d’un litige portant sur un traité de sous-concession du service public balnéaire conclu par la Commune de Ramatuelle en application d’une concession de plage accordée par le Préfet du Var. Ce traité de sous-concession a été résilié par le Tribunal administratif de Toulon en date du 19 octobre 2018 et même si son jugement a été annulé par la Cour administrative d’appel de Marseille, celle-ci a confirmé la résiliation du contrat par un arrêt du 28 juin 2021, au motif que l’offre retenue était irrégulière du fait que la lettre de candidature suivant le formulaire DC1 n’avait été que partiellement renseignée et n’était pas signée, alors que le règlement de consultation exigeait des candidats la production d’un imprimé DC1 dûment complété et signé.

Saisi par la Commune et la société attributaire de pourvois contre cet arrêt, le Conseil d’Etat commence par en prononcer l’annulation, au motif que le juge d’appel avait prononcé la résiliation du contrat sans vérifier si, dans les circonstances de l’espèce, le vice résultant de l’irrégularité de la candidature permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l’exécution du contrat.

Puis, statuant au fond, il confirme tout d’abord que le candidat évincé justifie d’un intérêt lésé en rapport avec le moyen tiré de ce que la candidature de la société attributaire aurait dû être écartée, dans la mesure où il n’a pas été invité à participer à la négociation après que son offre a été classée en quatrième position.

Ensuite, il considère que la stipulation du règlement de consultation exigeant un DC1 complété et signé n’était pas manifestement inutile et qu’en remettant un DC1 incomplet et non signé, l’attributaire avait remis une offre incomplète qui aurait donc dû être écartée, quand bien même d’autres documents eussent comporté les informations requises.

Enfin, même si le vice consistant à l’incomplétude de l’offre retenue ne s’oppose pas nécessairement à la poursuite de l’exécution du contrat (en ce sens, CE, 21 octobre 2016, Commune de Chaumont, req. n° 416616 ; CE, 28 juin 2019, Société Plastic Omnium systèmes urbains, req. n° 420776), le Conseil d’Etat constate qu’en l’espèce, l’essentiel du DC1 n’était pas rempli, y compris l’attestation sur l’honneur de ne pas se trouver dans un cas d’exclusion, et qu’aucun autre document du dossier de candidature n’attestait que l’attributaire ne se trouvait pas dans un cas d’exclusion. Il en résulte un manquement d’une portée telle qu’il fait obstacle à la poursuite de l’exécution du contrat.

Le Conseil d’Etat prononce donc, dans cette affaire, la résiliation du contrat, et ce à effet immédiat après avoir vérifié que les conséquences de sa décision ne portaient pas, en l’espèce, une atteinte excessive à l’intérêt général.

Pour autant, il ne faudrait pas en déduire que le Conseil d’Etat retient, par cette décision, une approche systématique consistant à ériger toute méconnaissance d’une mention d’un règlement de consultation en motif de résiliation.

Au contraire, il ressort des conclusions de la Rapporteure publique Mireille Le Corre que le Conseil d’Etat retient une approche mesurée consistant à ne prononcer la résiliation du contrat qu’en cas de vice substantiel, c’est-à-dire portant atteinte à l’égalité de traitement des candidats, ce qui est caractérisé lorsque l’offre ne respecte pas une prescription technique importante du règlement de la consultation ou lorsque l’incomplétude d’une offre ne permet pas d’apprécier également les capacités du candidat.

Un acheteur ne peut attribuer un contrat à un candidat ne respectant pas l’une des exigences imposées par le règlement de consultation, sauf s’il s’agit d’une erreur purement matérielle

Par sa décision en date du 20 juillet 2022, le Conseil d’Etat a complété sa jurisprudence relative au caractère obligatoire du règlement de la consultation, en ajoutant une seconde exception au principe selon lequel une candidature ou une offre méconnaissant l’une des mentions de ce règlement doit être considérée comme irrégulière, en sus la première exception qui est déjà reconnue lorsque la non-conformité tient à la méconnaissance d’une mention manifestement dépourvue d’utilité pour l’analyse de la candidature ou de l’offre.

Ainsi, le Conseil d’Etat a précisé que l’acheteur ne peut attribuer le contrat à un candidat qui ne respecte pas l’une des exigences imposées par le règlement de la consultation, sauf « si la méconnaissance de cette exigence résulte d’une erreur purement matérielle d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue ».

Ce complément a été effectué à l’occasion d’un litige portant, là encore, sur un traité de sous-concession du service public balnéaire, conclu par la Commune du Lavandou en application d’une concession de plage accordée par le Préfet du Var. Toutefois, le recours était introduit cette fois-ci par le candidat évincé dont l’offre avait été écartée comme incomplète et tendait à contester la régularité du traité non par voie d’action, mais par voie d’exception, à l’appui d’une demande indemnitaire tendant à réparer le préjudice qu’il aurait subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation.

Par un jugement du 26 octobre 2018, le Tribunal administratif de Toulon a fait droit à cette demande indemnitaire, considérant que la Commune avait indûment écarté l’offre comme incomplète. Puis, saisi d’un appel par la Commune, la Cour administrative d’appel a, par un arrêt du 13 septembre 2021, confirmé cette analyse, en relevant que, si le projet de sous-traité soumis à la Commune par le requérant ne comportait pas le nom du candidat ni le montant de la redevance proposée, comme exigé par le règlement de la consultation, l’identité du candidat ressortait de la lettre de présentation de la candidature, tandis que le montant de la redevance était énoncé dans une fiche distincte ; par suite, la Cour a décidé avant-dire droit une expertise avec mission pour l’expert de déterminer le montant du préjudice correspondant au bénéfice manqué.

Saisi par la Commune d’un pourvoi contre cet arrêt, le Conseil d’Etat commence par l’annuler, au motif que la Cour avait jugé que les omissions précitées ne rendaient pas la candidature irrégulière au motif que les informations manquantes pouvaient être déduites d’autres pièces produites par le candidat, sans rechercher si ces exigences étaient manifestement dépourvues de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres ou si leur méconnaissance résultait d’une erreur purement matérielle.

Ensuite, statuant au fond, le Conseil d’Etat considère que l’obligation pour les candidats de compléter le projet de contrat en indiquant leur nom et des informations permettant de les identifier étaient nécessaires à l’acheteur pour s’assurer de l’identité de la personne avec laquelle elle contracterait, et ne pouvaient, dès lors, être regardées comme ayant été manifestement inutiles. En outre, le Conseil d’Etat considère qu’il ne s’agit pas là d’une erreur purement matérielle, dans la mesure où aucune des informations relatives à l’identité du titulaire de la concession n’avait été renseignée dans le projet de contrat. Enfin, il précise que le requérant ne peut se prévaloir du fait que la Commune ne l’a pas incité à régulariser son offre, dès que celle-ci n’y était pas tenue.

Par suite, le Conseil d’Etat conclut à l’absence de droit à indemnisation au profit du requérant.

Le refus d’autoriser des jours flottants de télétravail n’est pas contestable

Par un jugement du 19 juillet 2022, le Tribunal administratif de Nantes a fait une nouvelle application du principe « de minimis non curat praetor »[1] en considérant qu’un refus d’accorder à un agent l’autorisation d’être en télétravail sur des jours non fixés constitue une mesure d’organisation du service, insusceptible de recours.

Ce faisant, il rejette le recours de l’agent.

En l’espèce, un fonctionnaire avait demandé – antérieurement au confinement, mais les textes applicables sont les mêmes – l’autorisation de télétravailler un jour par semaine mais non fixé à l’avance. Son supérieur hiérarchique a rejeté sa demande.

Saisi de la contestation du refus, le Tribunal administratif de Nantes a jugé que « si les dispositions de l’article 133 de la loi du 12 mars 2012 et des articles 2 et 3 du décret du 11 février 2016 instituent, pour les agents publics, la possibilité d’exercer leurs fonctions pour partie en télétravail, le choix par l’administration de ne pas accorder à un agent des jours mensualisés, donc flottants, de télétravail au lieu de jours fixes, ne porte pas atteinte aux droits que tient cet agent de son statut ou aux prérogatives attachées à ses fonctions, et est par suite constitutif d’une mesure d’organisation du service, insusceptible de recours contentieux ».

Pour être tout à fait clair : le Tribunal ne se prononce pas sur la légalité du refus. Il considère simplement que la décision prise est mineure et qu’elle se rattache à la seule organisation du service, ce qui est tout à fait compréhensible.

Il n’est en effet pas question d’un refus opposé à une demande de télétravail, ce qui ne serait pas alors qualifiable de mesure d’ordre intérieur, mais bien d’acte susceptible de recours contentieux, mais du seul refus des modalités sollicitées, à savoir des jours non définis.

On rappellera d’ailleurs qu’en application de la loi Transformation de la Fonction Publique du 6 août 2019, les décrets d’application ont conservé aux commissions administratives paritaires la compétence pour, à la demande de l’agent, rendre un avis en cas de refus opposé à sa demande initiale ou de renouvellement de télétravail pour l’exercice d’activités éligibles, ou en cas d’interruption du télétravail à l’initiative de l’autorité territoriale[2].

Ainsi, même les CAP n’ont pas compétence pour rendre un avis sur le refus opposé à une modalité de télétravail. On pourrait y voir une zone de non droit, ou bien une sujétion nécessaire à la bonne organisation du service, en fonction du prisme employeur ou agent retenu.

[1] Le Juge ne s’occupe pas des litiges mineurs.

[2] article L. 430-1 du Code général de la fonction publique,  article 10 décret n° 2016-151 du 11 février 2016, et article 37-1 décret n° 89-229 du 17 avril 1989.

Décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d’assistance aux déplacements

Le décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 détermine les modalités d’application de l’article L.1115-8-1 du Code des transports, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience.

Ce décret évoque les services numériques qui visent à faciliter les déplacements monomodaux ou multimodaux au moyen de services de transport, de véhicules, de cycles, d’engins personnels de déplacement ou à pied. Plus exactement, il expose la façon dont les impacts environnementaux des déplacements des usagers doivent être mentionnés dans les services numériques d’assistance au déplacement.

Le décret est entré en vigueur le 4 août 2022, à l’exception des dispositions relatives aux services numériques d’assistance spécifiques aux poids lourds concernant les informations relatives aux restrictions et les recherches d’itinéraires qui n’entreront en vigueur que le 1er mars 2023.

Ce décret vise notamment à accompagner la transition des usages vers une mobilité décarbonée, pour cela les services numériques d’assistance au déplacement devront, lorsqu’ils ne favorisent pas l’utilisation du véhicule individuel, rendre accessible un message de sensibilisation concernant les alternatives à l’utilisation d’un véhicule individuel et intégrer l’ensemble des données relatives aux services de transports réguliers et de mobilité partagée mises à disposition sur le point d’accès national, selon les dates limites fixées.

Il détermine aussi les informations devant être portées à l’attention des utilisateurs de ces services concernant les zones à faibles émissions, les impacts environnementaux et les restrictions de circulation des poids lourds. Les services numériques d’assistance aux déplacements fournissent au minimum à leurs utilisateurs une information relative aux quantités de gaz à effet de serre et aux polluants de l’air émis par le ou les modes de transports utilisés pour chaque suggestion d’itinéraire.

Ce décret définit par ailleurs des obligations progressives visant à encourager le transfert d’une partie du flux associé à un mode de transport vers une autre catégorie de transport au travers des services numériques d’assistance aux déplacements.

Enfin, le décret dispose d’un cadre de fourniture de données relatives à la hiérarchie des tronçons routiers, que les services numériques sont tenus de considérer dans leurs calculs, afin de proposer à leurs utilisateurs des itinéraires en adéquation avec les politiques locales d’organisation du trafic routier.

L’alliance des mobilités publie un guide des nouvelles mobilités

L’alliance des mobilités, qui rassemble les entreprises des services de la mobilité, a publié un guide pratique des nouvelles mobilités dénommé « le manuel pratique pour déployer les nouvelles mobilités sur votre territoire ».

Ce guide, à l’attention des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), répertorie les différents modes de mobilités actives et d’usages partagés de véhicules terrestres à moteur en évoquant les retours d’expérience des collectivités territoriales avec lesquelles les entreprises de mobilité collaborent. Ce guide a pour objet de développer les outils mis à la disposition des AOM pour favoriser le déploiement des mobilités actives.

Le covoiturage, l’autopartage, le libre-service et le stationnement intelligent font partis des services évoqués dans le guide.

Si ce guide présente principalement les avantages, au détriment des inconvénients et des coûts, de l’organisation de services de mobilités actives et d’usages partagés de véhicules terrestres à moteur pour les AOM, il a le mérite de présenter aux collectivités les leviers qui s’offrent à elles pour mener une politique de mobilité susceptible de répondre à leurs besoins.

Le transfert anticipé de la compétence GeMAPI ne peut être décidé unilatéralement

La Cour administrative d’appel de Toulouse s’est récemment prononcée sur la procédure de transfert anticipé d’une compétence figurant parmi les compétences exercées à titre obligatoire par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP).

Dans cette espèce, le conseil métropolitain de Toulouse Métropole avait décidé, unilatéralement, sans consultation de ses communes membres, d’exercer la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GeMAPI) à compter du 1er janvier 2017.

La loi n° 2014-58 en date du 27 janvier 2014, dite loi MAPTAM, avait en effet identifié au sein de l’article L. 5217-2 du CGCT cette compétence comme une compétence obligatoire des Métropoles de droit commun. La loi du 7 août 2015 n° 2015-991, dite loi NOTRe, avait précisé que ce transfert serait opéré de plein droit à compter du 1er janvier 2018 mais que les communes et leurs EPCI-FP pouvaient, à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi NOTRe, mettre en œuvre ce transfert par anticipation. La loi NOTRe, en fixant ce délai, renvoyait toutefois au seul article 56 de la loi MAPTAM visant les compétences des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines, à l’exclusion des Métropoles dont les compétences étaient énoncées à l’article 43. La Métropole soutenait ainsi que dès lors que le renvoi ne concernait pas les dispositions relatives à ses compétences « la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » appartenait à Toulouse Métropole depuis sa création le 1er janvier 2015, en application des dispositions de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales et des statuts de la métropole et que cette dernière pouvait seule  » activer  » cette compétence […] ».

A la suite de sa prise anticipée de la compétence GeMAPI, Toulouse Métropole, et la Commune de Toulouse, avaient alors demandé au préfet de tirer les conséquences de ce transfert de compétence à l’échelon intercommunal, et donc de prononcer la dissolution de certains syndicats ou le retrait des communes membres d’autres structures. C’est le refus du préfet de faire droit à ces demandes qui est contesté par Toulouse Métropole et la Commune de Toulouse.

La Cour administrative d’appel rejette l’argumentation de la Métropole et de la commune, en faisant valoir qu’il ressort de l’intention du législateur que celui-ci a souhaité privilégier une « initiative conjointe des communes et de leurs groupements » pour le transfert anticipé de la compétence GeMAPI. Il ne s’agissait dès lors pas de permettre aux EPCI de décider unilatéralement et « indépendamment de toute intervention des communes », peu important à cet égard que la GeMAPI soit inscrite parmi les compétences obligatoires des métropoles depuis la loi MAPTAM.

La seule délibération de Toulouse Métropole ne lui permettait donc pas d’exercer de manière anticipée la compétence GeMAPI, et il aurait été nécessaire pour cela que ses communes membres délibèrent également.

Alignement du champ du permis de construire modificatif sur celui du permis de régularisation

Dans le cadre de cette affaire, était soulevé devant le Conseil d’Etat le moyen selon lequel le tribunal aurait dénaturé les pièces du dossier en estimant que les modifications apportées au projet pouvaient régulièrement prendre la forme d’un permis de construire modificatif. Autrement posé, il aurait été nécessaire, selon le requérant, de solliciter un nouveau permis de construire.

Pour mémoire, un permis de construire modificatif peut être délivré au titulaire d’un permis de construire, toujours en cours de validité, et dont la construction qu’il autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications projetées par rapport au projet initial objet du permis de construire, ne remettent pas en cause, par leur nature ou leur ampleur, la conception générale du projet initial.

En l’espèce, le pétitionnaire avait finalement prévu la jonction des deux bâtiments initiaux en une seule construction, un escalier couvert commun, la surélévation d’une partie de la construction en rez-de-chaussée, l’adjonction d’une terrasse d’une surface de plancher de 4 m², ainsi que le remplacement d’un mur et de deux pare-vues en bois, deux murs en briques. Et la maire lui a accordé un permis de construire modificatif.

Le Conseil d’Etat a ici posé le nouveau principe selon lequel « l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».

Ce n’est donc plus la condition tenant à la remise en cause de la conception générale du projet initial qui doit être vérifiée, mais celle relative à un « bouleversement » qui serait « tel qu’il changerait la nature même » du projet initial. En d’autres termes, tant que la nouvelle version du projet de construction ne bouleverse pas le projet initial au point d’en changer la nature même, il n’y a pas lieu de solliciter un nouveau permis de construire, car un permis de construire modificatif suffit.

Ainsi, en l’espèce, le Conseil d’Etat a estimé que le Tribunal avait porté sur ces faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation en jugeant que le maire pouvait bien délivrer un permis de construire modificatif. Un nouveau permis de construire n’était donc pas nécessaire.

Cette décision du Conseil d’Etat a enfin pour intérêt d’aligner le régime du permis construire modificatif sur celui du permis de régularisation. Pour rappel, par son avis de Section du 2 octobre 2020 n° 438318, le Conseil d’Etat a admis qu’un vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d’urbanisme puisse être régularisé en application des articles L. 600-5 et L.600-5-1 du Code de l’urbanisme, et ce, « même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».

Régularisation d’une DUP à la suite d’un jugement avant dire droit : le Conseil d’Etat délimite le champ du recours contre une mesure de régularisation

Cette récente décision du Conseil d’Etat intervient à la suite d’une précédente décision du 9 juillet 2021.

Pour mémoire, dans sa décision de 2021, le Conseil d’Etat a admis que l’autorité expropriante puisse requérir la possibilité de régulariser le dossier d’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique. A ce jour, cette possibilité n’est pas codifiée.

Un dispositif analogue se retrouvait déjà dans les contentieux en matière d’urbanisme (autorisation d’urbanisme, documents d’urbanisme, autorisations environnementales, etc).

Concrètement, désormais, le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d’utilité publique une opération, peut estimer, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée. Il pourra alors, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour cette régularisation. A l’issue de ce délai, le juge statuera sur la régularisation.

Dans cette nouvelle décision du 21 juillet 2022, le Conseil d’Etat s’est donc prononcé, environ un an après sa première décision, sur les modalités de régularisation mises en œuvre pendant le délai de son sursis à statuer.

Ainsi, durant la période de sursis à statuer, l’administration a pu saisir la mission régionale de l’autorité environnementale du conseil général de l’environnement et du développement durable territorialement compétent, laquelle a rendu son avis. Aussi, le public a été consulté par voie électronique.

La dernière décision du Conseil d’Etat a donc pour intérêt de préciser les moyens susceptibles d’être invoqués à l’issue d’une régularisation, à savoir, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation :

« A compter de la décision par laquelle le juge administratif sursoit à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour régulariser un arrêté déclarant d’utilité publique et urgents des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l’appui de la contestation de la mesure de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu’elle n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation ».

Par conséquent, au présent cas, le Conseil d’Etat a estimé que le vice de légalité de l’arrêté préfectoral attaqué avait bien été régularisé, de sorte que les conclusions tendant à son annulation pour excès de pouvoir devaient être rejetées.

Association non déclarée : attention aux risques encourus par les dirigeants

Cass. Civ., 2eme, 17 mars 2022, n° 20-13.506 

La création d’une association s’accompagne d’un certain nombre de démarches administratives. L’association doit être déclarée auprès de la préfecture ou de la sous-préfecture du lieu où elle a son siège social, afin de lui donner un statut juridique et de disposer de la personnalité morale.

Une association non déclarée (ou association de fait) est formée par un groupement de personnes qui n’a pas accompli les formalités de déclaration préalable. De ce fait, la structure ne bénéficie pas de la capacité juridique de la personne morale (art. 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association). Tous les actes effectués sont réputés faits par ses membres.

Dans ces conditions, certaines obligations vont peser directement sur les dirigeants de l’association, par exemple l’obligation de payer les dettes ou d’assumer la responsabilité des accidents en lien avec les activités de l’organisme, dont il est le représentant.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a précisé ce principe en retenant que « toute faute commise par les dirigeants d’une collectivité, dépourvue de personnalité juridique, constitue une faute personnelle de nature à engager leur responsabilité à l’égard de la victime, peu important que la faute soit ou non détachable de l’exercice de leurs fonctions ».

Dans cet arrêt, les dirigeants d’une association de fidèles, non déclarée en préfecture, avaient refusé d’affilier les membres de la communauté au régime obligatoire d’assurance vieillesse des cultes, auquel ces dirigeants étaient personnellement opposés pour des motifs liés à leur engagement religieux. Les dirigeants considéraient que l’affiliation des membres au régime obligatoire de l’assurance vieillesse incombait à la fédération à laquelle était rattachée cette communauté. Ils n’avaient donc jamais versé les cotisations dues.

L’un des membres de l’association a mis en jeu la responsabilité des dirigeants afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de ce défaut d’affiliation.

Les juges du fond ont fait droit à sa demande, considérant que les dirigeants assuraient la direction matérielle et morale de la structure et étaient seuls gestionnaires des finances. Il en découle qu’il leur incombait de gérer les finances de la communauté, dans le respect de leurs obligations légales et notamment celle prévoyant l’affiliation des membres au régime de protection sociale. Les dirigeants ont ainsi été condamnés en appel, in solidum avec la fédération à laquelle est affiliée leur association.

Les dirigeants se sont pourvus en cassation. Selon eux, à supposer même qu’une association de fait puisse être assimilée à une association dotée de la personnalité juridique, ses dirigeants, comme ceux d’une association ayant la personnalité juridique, ne sauraient être tenus responsables des conséquences dommageables des fautes imputables au groupement de fait, à moins d’avoir commis une faute séparable de leurs fonctions.

La Cour de cassation a rejeté ce pourvoi au motif que « toute faute commise par les dirigeants d’une collectivité, dépourvue de personnalité juridique, constitue une faute personnelle de nature à engager leur responsabilité à l’égard de la victime, peu important que la faute soit ou non détachable de l’exercice de leurs fonctions ».

Dans cette décision, la Cour de cassation transpose ainsi au dirigeant d’association une solution admise de longue date à propos du dirigeant de société.

Cette solution doit donc conduire à beaucoup de prudence de la part des dirigeants d’une association non déclarée. Si les tribunaux accordent généralement plus de faveurs aux dirigeants d’associations qu’aux dirigeants de sociétés, il se dégage une tendance à traiter l’association et ses dirigeants de la même manière que n’importe quelle personne physique ou morale, civilement et pénalement, bien que ses dirigeants soient souvent bénévoles.

Si le choix de l’association de fait peut sembler plus simple à mettre en place pour un collectif de personnes souhaitant développer un projet à but non lucratif, celui-ci s’accompagne donc de risques pour ses dirigeants (à titre d’exemple, si une association non déclarée organise un évènement et que l’un des participants subit un dommage, c’est la personne qui est considérée comme l’organisateur de la manifestation – par exemple, celui qui a demandé l’autorisation à la commune pour pouvoir l’organiser – qui sera considérée comme personnellement responsable). Par ailleurs, l’association de fait présente d’autres inconvénients par rapport à l’association déclarée : la structure ne peut pas ouvrir de compte bancaire à son nom, ni conclure de contrat de bail d’un local, ou encore percevoir de subvention publique.

Le choix de l’association de fait ou non déclarée peut donc être davantage adapté pour un groupement dont l’objet ou la mise en œuvre du projet ne nécessitent pas de relations avec des tiers. Cette structure pourra ensuite, si besoin, se transformer en association déclarée.

Précisions sur le champ d’application de l’avis du préfet sur un permis de construire un établissement cultuel

L’article 7 de la loi n° 2021-1109 en date du 24 août 2021 confortant les principes de la République a inséré dans le Code de l’urbanisme un nouvel article L. 422-5-1 aux termes duquel « lorsque le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l’avis du représentant de l’Etat dans le département si le projet porte sur des constructions et installations destinées à l’exercice d’un culte ».

Dans une décision du 25 juillet 2022, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser le champ d’application de cette saisine pour avis simple du préfet dans le cadre de l’instruction des autorisations d’urbanisme.

Dans cette affaire, la Maire de Bagneux a, par un arrêté du 3 août 2018, accordé à l’association de Bienfaisance de la mosquée Omar du sud des Hauts-de-Seine un permis de construire un centre culturel et cultuel musulman et, par un arrêté du 11 octobre 2021, elle a accordé à cette même association un permis de construire modificatif, se rapportant au même projet.

Le préfet a contesté, au fond et en référé, le permis de construire modificatif en considérant qu’il aurait dû être saisi pour avis en application des dispositions précitées. Sa demande a été rejetée en référé par une ordonnance du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; ordonnance ensuite annulée par la Cour administrative d’appel de Versailles qui a fait droit à la demande de suspension. La commune s’est pourvue en cassation contre cette ordonnance.

Cette affaire a ainsi été l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser le champ d’application des récentes dispositions de l’article L. 442-5-1 :

« 10. En second lieu, il résulte toutefois de ces mêmes dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 24 août 2021 dont elles sont issues, que la consultation qu’elles prévoient n’est requise que lorsque la demande dont le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est saisi porte sur un projet ayant pour effet de créer ou d’étendre significativement une construction ou une installation destinée à l’exercice d’un culte ».

Ainsi, seule la création ou l’extension significative d’une construction ou d’une installation destinée à l’exercice d’un culte est soumise pour avis simple au préfet.

En l’espèce, tel n’était pas le cas dans la mesure où le permis de construire modificatif n’emportait que la réduction des salles de prière pour les femmes et pour les hommes situés au rez-de-chaussée respectivement de 24 et 8 m², la création au rez-de-jardin d’une salle de prière de 134 m² pour les femmes et la réduction corrélative de 171 m² de la taille de la salle de prière réservée aux hommes et la création au rez-de-chaussée d’un espace commercial de 105 m².

Le Conseil d’Etat a donc annulé l’ordonnance rendue par la Cour administrative d’appel de Versailles et rejeté la requête du Préfet des Hauts-de-Seine.

A noter également que le Commune soulevait une question prioritaire de constitutionnalité des dispositions de l’article L. 442-5-1 précité (méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales, de la liberté de culte, de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et du droit de propriété) pour laquelle le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’y avait pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Changement d’usage d’un site pollué et action en délivrance conforme et garantie des vices cachés contre les sociétés venderesses

La société SH2 HEM, propriétaire d’un groupe d’immeubles, a vendu le fonds de commerce de fabrication de peintures et de savons industriels qu’elle exploitait sur le site, l’activité, qui relevait de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, étant transférée dans l’usine de l’acquéreur située sur un autre site.

Elle a ensuite chargé la société Socotec environnement (la société Socotec) d’effectuer une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) qui lui a été remise en 2010.

Le 28 février 2011, la société SH2 HEM a vendu les immeubles aux sociétés JML, Matt et Lorel.

Postérieurement à l’adoption d’un nouveau plan d’urbanisme rendant possible l’usage exclusif de la zone en logements, ces sociétés, par acte authentique du 4 août 2011, ont revendu les biens à une société civile immobilière.

La SCI a assigné les sociétés venderesses sur les fondements de l’obligation de délivrance conforme et de la garantie des vices cachés, considérant que la dépollution du site n’avait pas été effectuée.

S’agissant de l’obligation de délivrance conforme, la Cour de cassation a considéré que le dernier exploitant avait rempli l’obligation de remise en état qui lui incombait au regard de l’usage déterminé avec le maire de la commune, et que le coût de dépollution supplémentaire résultant d’un changement d’usage par l’acquéreur était à la charge de ce dernier.

S’agissant de la garantie des vices cachés, la Cour de cassation a retenu que le diagnostic approfondi de pollution, établi le 31 mai 2011, avant la vente, avait révélé l’ampleur de la pollution au regard du nouvel usage que le candidat acquéreur voulait donner au lieu, et qu’il avait été corroboré par un rapport du 12 septembre 2011 de la société HPC Envirotec.

Dans ces conditions, la Cour de cassation a jugé que les vices invoqués par la SCI étant connus d’elle dès ces rapports, l’action engagée le 22 septembre 2014 contre les venderesses était irrecevable.

Résiliation d’un bail portant sur un logement social sous-loué en Airbnb

Un bailleur social assigne son locataire en résiliation de bail pour sous-location non autorisée d’une partie de son logement conventionné sur le site Airbnb et réclame le remboursement des fruits civils perçus par son locataire.

La Cour d’appel déboute le bailleur au motif que le manquement litigieux est insuffisamment grave pour justifier la résiliation du bail, la moyenne mensuelle des locations de 3,5 jours n’étant pas considérable, étant partielle et le locataire n’ayant pas été mis en demeure de cesser son infraction contractuelle.

La Cour d’appel limite par ailleurs les condamnations pécuniaires du locataire à la plus-value réalisée par celui-ci.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt en toutes ses dispositions en considérant d’une part, au visa des articles 1728 et 1729 du Code civil et R. 153-15 du Code de la construction et de l’habitation que la Cour d’appel n’a pas examiné la gravité de la faute du preneur au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de l’interdiction légale de sous-location et d’un changement de destination des locaux susceptible d’être caractérisé par l’utilisation répétée et lucrative d’une partie du logement conventionné.

D’autre part, la Cour de cassation considère, au visa des articles 548 et 549 du Code civil, que le preneur n’étant pas possesseur de bonne foi, il ne pouvait être condamné à déduire des sommes à restituer au bailleur les loyers perçus par ce dernier en exécution du bail.

Cet arrêt, qui tient compte du caractère social du logement objet de la sous-location non autorisée, dissuadera sans doute les locataires à les proposer sur les plateformes de location de type Airbnb.

La CNIL et le site Cybermalveillance.gouv.fr publient un guide à destination des collectivités territoriales en matière de cybersécurité

Constatant la recrudescence des cyberattaques à l’encontre des collectivités territoriales et la méconnaissance du cadre juridique en vigueur par la majorité des communes, la CNIL et le site Cybermalveillance.gouv.fr ont publié un guide visant à accompagner les collectivités territoriales dans leur mise en œuvre d’une plus grande cybersécurité.

Ce guide revient, d’abord, sur les obligations des collectivités territoriales (et leurs établissement publics) en matière de cybersécurité et en particulier sur les obligations liées à la protection des données à caractère personnel, à la mise en œuvre des téléservices et à l’hébergement de données de santé.

Il est, ensuite, exposé les différents régimes de responsabilité pouvant s’appliquer aux collectivités. Le régime de responsabilité applicable à la collectivité est celui de la responsabilité administrative alors que les élus et agents publics encourent, pour leur part, une responsabilité civile ou pénale.

Il ressort ainsi de ce guide, et de la pratique de la matière, que l’obligation principale des collectivités relève de la prévention du risque, en mettant en place les mesures adéquates et en faisant appel à des prestataires de confiance, afin de diminuer la probabilité de survenance d’un risque ou sa fréquence.

Par ailleurs, nous noterons qu’il n’existe pas d’obligation générale pour les collectivités territoriales ou les syndicats mixtes, pas plus que pour les personnes publiques en général, de s’assurer contre le cyber-risque. Seules certaines polices d’assurance sont obligatoires à raison de certaines activités jugées particulièrement risquées (les établissements de santé ont par exemple l’obligation de s’assurer en application des articles L. 251-1 du Code des assurances et L. 1142-2 du Code de la santé publique, qui visent tout professionnel de santé).

Cela étant dit, même en l’absence d’une telle obligation, la souscription à une assurance contre le cyber-risque peut apparaître pertinente au regard du préjudice pouvant être subi par la collectivité, qui pourrait être regardée comme responsable en cas d’insuffisance ou de non-respect des mesures de sécurité mises en place au sein de ses services.

Contrat d’engagement jeune : un nouvel outil d’insertion pour les missions locales et pour les associations d’insertion et de lutte contre la pauvreté

Lancé le 1er mars 2022 dans la continuité du plan « 1 jeune, 1 solution », le contrat d’engagement jeune (CEJ) est un dispositif d’insertion à destination des jeunes précaires qui souhaitent s’engager activement dans un parcours vers l’emploi durable[1]. Ce dispositif remplace la Garantie jeune mise en place en 2017.

Afin de venir en aide aux jeunes les plus en difficulté, un volet spécifique pour les « jeunes en rupture » sera déployé en complément, soutenu par les associations d’insertion et de lutte contre la pauvreté. Une circulaire interministérielle du 22 avril 2022 est venue en préciser les modalités.

 

1. Modalités du contrat d’engagement jeune

Le CEJ est réservé aux jeunes de 16 à 25 ans (ou jusqu’à 29 ans pour les jeunes bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé). Ce contrat est ouvert aux jeunes qui ne sont ni étudiants, ni en formation, et qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi durable.

L’accompagnement proposé au jeune est adapté à sa situation et prend la forme d’un parcours personnalisé et soutenu, du premier au dernier jour du contrat, jusqu’à l’accès à un emploi durable. Appliqué notamment par les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes[2] et par Pôle emploi, le CEJ peut également « être mis en œuvre par tout organisme public ou privé fournissant des services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation, à l’accompagnement et au maintien dans l’emploi des personnes en recherche d’emploi »[3], dont les associations.

Le rôle des associations consiste, en premier lieu, à repérer ces jeunes. Leur mission sera alors, et si besoin pendant plusieurs semaines, d’établir et de stabiliser un premier lien de confiance afin de conduire à la signature d’un CEJ. Dès cette étape, les associations pourront décider d’interventions conjointes avec les missions locales.

Le CEJ emporte l’engagement de trois parties : l’organisme porteur du projet, la mission locale et le jeune, dans un objectif commun d’insertion dans l’emploi. Le parcours peut durer de 6 à 12 mois en fonction du profil, et exceptionnellement jusqu’à 18 mois au regard des besoins du jeune. Lorsque le jeune signe son contrat, il bénéficie :

  • d’un accompagnement personnalisé avec un conseiller dédié qui le suit tout au long de son parcours et jusqu’à ce qu’il trouve un emploi durable ;
  • d’un programme intensif de 15 à 20 heures par semaine composé de différents types d’activités (formation qualifiante ou pré-qualifiante, mission d’utilité sociale, stage, immersion en entreprise, appui à des phases de recherche active d’emploi, préparation à l’apprentissage, etc.) ;
  • d’une allocation pouvant aller jusqu’à 500 € par mois en fonction de l’âge, des ressources, du statut fiscal (autonome ou rattaché fiscalement à un foyer aux revenus modestes) et à condition que le jeune respecte ses engagements.

En cas de besoin, l’accompagnement du jeune pourra également se poursuivre à l’issue du CEJ lorsqu’il accède à l’emploi afin de sécuriser son insertion professionnelle. Un délai de carence de six mois devra être respecté entre deux CEJ, sauf difficultés spécifiques.

 

2. Spécificités relatives au volet « jeunes en rupture »

Le volet « jeunes en rupture » s’adresse aux jeunes sans revenus et éloignés du service public de l’emploi, c’est-à-dire inactif depuis au moins cinq mois.

Une circulaire en date du 22 avril 2022 a fourni aux opérateurs qui mettent en œuvre le dispositif un faisceau d’indices pour faciliter l’identification des personnes concernées : absence de logement stable, jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance, anciennement suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, sortants de prison, mineurs étrangers non accompagnés, jeunes en situation de décrochage scolaire, ayant des problèmes d’addiction, etc.

Le CEJ destiné aux jeunes en rupture reprend l’ensemble des objectifs et des caractéristiques du dispositif initial, en introduisant toutefois la mobilisation d’autres offres de service sur les plans de la santé, de la mobilité et du logement. Des moyens spécifiques nouveaux sont ainsi dédiés afin d’apporter une réponse globale aux besoins du jeune, sans laquelle son insertion sociale et professionnelle sera limité.

La mise en place de ces parcours spécifiques s’appuiera sur :

  • La prolongation des parcours de repérage et de remobilisation portés par les associations dans le cadre de l’appel à projets « 100 % inclusion », en visant prioritairement l’accompagnement de jeunes éloignés de l’emploi ;
  • La publication d’appels à projet régionaux visant à sélectionner des associations, qui accompagneront localement des jeunes en rupture et qui seront prêtes à proposer le CEJ, en collaboration avec les missions locales ;
  • Le lancement d’un marché national visant à pérenniser les expérimentations lancées par plusieurs associations dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences. Il concernera prioritairement les jeunes qui ne sont pas en contact avec le service public de l’emploi. Les associations sélectionnées seront ainsi en mesure de porter le CEJ à destination de ces jeunes.

Le CEJ « Jeunes en rupture » a ainsi vocation à répondre à l’ensemble des freins que rencontrent ces jeunes, en leur proposant des politiques adaptées. Pour y arriver, le service public de l’emploi devra s’appuyer sur des associations déjà en contact avec une partie de ces jeunes, en leur proposant un accompagnement et des solutions sur mesure. Si des premiers accompagnements sont déjà financés, de nouveaux projets régionaux doivent être sélectionnés cet été pour un démarrage en octobre 2022.

Est éligible une association pouvant justifier de deux ans d’existence minimum, en bonne santé financière, et ayant la capacité d’aller vers les jeunes dits « en rupture » et de proposer des actions complémentaires à l’offre de service des missions locales. Il est possible de candidater conjointement avec d’autres porteurs de projets (par exemple, des bailleurs sociaux, pour proposer une offre d’accompagnement vers l’emploi et d’accès au logement). Les porteurs de projets peuvent également s’appuyer sur d’autres acteurs dans des secteurs spécialisés (par exemple, les acteurs sanitaires de proximité ou les structures sociales et médico-sociales).

L’objectif de ces projets est de permettre la création d’un écosystème d’acteurs cohérent pour favoriser l’accompagnement des jeunes vers l’autonomie et l’insertion dans l’emploi durable.

 

[1] Le contrat d’engagement jeune a été instauré par l’article 208 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 qui modifie l’article L. 5131-6 du Code du travail et précisé par le décret n° 2022-199 du 18 février 2022 relatif au contrat d’engagement jeune et portant diverses mesures d’application de l’article 208 de la loi n º20211900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (entré en vigueur le 1er mars 2022).

[2] Article L 5314-1 du Code du travail.

[3] Article L 5131-6 du Code du travail.

Ouverture à la concurrence des services TER : la Cour d’appel de Paris vient apporter de nouveaux éclairages sur l’obligation de transmission des données par SNCF voyageurs à l’autorité organisatrice des transports

Décision n° 2020-044 du 30 juillet 2020 portant règlement du différend entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs concernant la transmission d’informations relatives à l’organisation ou à l’exécution des services publics de transport ferroviaire de voyageurs et aux missions faisant l’objet du contrat de service public conclu entre la région et SNCF Voyageurs

Décision n° 2022-001 du 4 janvier 2022 portant mise en demeure de SNCF Voyageurs pour non-respect de la décision n° 2020-044 du 30 juillet 2020 portant règlement du différend entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs concernant la transmission d’informations relatives à l’organisation ou à l’exécution de services publics de transport ferroviaire de voyageurs et aux missions faisant l’objet du contrat de service public conclu entre la région et SNCF Voyageurs

CA Paris Ordonnance, 18 novembre 2020, n° 20/121577

CA Paris, 23 juin 2022, n°20/121577

 

La communication des informations par le titulaire sortant constitue toujours l’un des sujets les plus sensibles pour les autorités en charge du service public. Il appartient en effet à ces dernières de continuer à maitriser le fonctionnement du service public dont elles ont la charge. C’est encore plus vrai lors du renouvellement du contrat portant gestion du service public et, particulièrement, lorsque l’opérateur en place est en situation monopolistique. Et, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des services TER, cela devient l’élément central permettant d’assurer une parfaite mise en concurrence.

Or, si l’article L. 2121-19 du Code des transports et le décret du 20 août 2019 fixent le cadre légal et règlementaire de la transmission des données détenues par SNCF Voyageurs (notamment) aux AO ferroviaires, un certain nombre de précisions doivent encore être apportée.

Et l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 23 juin 2022 opposant SNCF Voyageurs à l’Autorité de Régulation des Transports, d’une part, et à la Région des Hauts de France, d’autres part ; vient apporter d’utiles éclairages.

L’Autorité de Régulation des Transports (ART) a, par une décision du 30 juillet 2020 sur saisine de ladite Région, enjoint à SNCF Voyageurs de communiquer à cette dernière certaines informations relatives au service public de transport ferroviaire régional de voyageurs, conformément à l’article L. 2121-19 du Code des transports.

Cette première décision de l’ART du 30 juillet 2020, a fait l’objet d’un recours en annulation et en réformation devant la Cour d’appel de Paris ainsi que d’une requête en référé aux fins de sursis à exécution par SNCF Voyageurs.

S’agissant de l’instance en référé, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande de sursis à exécution de la décision attaquée, par une ordonnance du 18 novembre 2020.

Malgré cette ordonnance de rejet et faute, pour SNCF Voyageurs, de se conformer pleinement à la décision, l’ART a édicté une nouvelle décision le 4 janvier 2022[1], par laquelle, cette fois-ci, elle met en demeure SNCF Voyageurs de communiquer, dans un délai d’un mois, certaines informations à la Région.

Quelques mois plus tard, le 23 juin 2022, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur le recours en annulation de la première décision de l’ART en date du 30 juillet 2020, introduit par SNCF voyageurs.

Cet arrêt apporte de nombreux enseignements sur l’office de l’ART – et du juge – s’agissant du contrôle opéré en matière de communications de données. Il permet d’appréhender la méthode utilisée par la Cour pour apprécier le caractère communicable ou non des informations. Dans le cadre de la présente brève, nous présenterons les apports les plus structurants :

 

  • Sur le lien entre les informations communicables et les procédures de mise en concurrence :

SNCF Voyageurs soutenait que seules les informations « nécessaires » à l’organisation des futurs appels d’offres devaient être communiquées aux AOT. Et elle soutenait également que la liste des informations figurant en annexe 1 du décret du 20 août 2019 constituerait la liste des documents faisant l’objet d’une présomption d’utilité pour la mise en concurrence.

La Cour rejette cette interprétation et rappelle que SNCF Voyageurs doit communiquer à l’AOT compétente toutes les informations relatives à l’organisation et l’exécution des services concernés et des missions de service public, sans que les conditions de mise en concurrence n’entrent en ligne de compte (aucune autre interprétation n’est possible selon la Cour, les travaux parlementaires confortent cette position). Et la Cour souligne que la liste des informations figurant en annexe du décret du 20 août 2019 constitue une liste de catégories d’informations faisant partie, de manière irréfragable, de celles qui doivent être transmises à l’autorité organisatrice en application de ce principe, sans que le fournisseur d’informations puisse invoquer le secret des affaires pour faire obstacle à leur transmission (point 190).

 

  • Sur la limite temporelle des informations transmises :

Rappelons que l’article 2,II, du décret du 20 aout 2019, prévoit que seules les informations antérieures de moins de trois ans à la date de la demande ou, si elle est plus ancienne, à la date du début d’exécution du contrat de service public en cours peuvent être demandées.

Les Parties étaient en désaccord sur les conditions d’application de cette disposition aux informations relatives à l’historique de la maintenance des matériels roulants.

SNCF Voyageurs considérait que cette disposition trouvait strictement à s’appliquer à ces informations.

La Région des Hauts de France et l’ART considéraient, elles, qu’en application du paragraphe 7 du Règlement (UE) 2019/779, SNCF Voyageurs devait produire toutes les versions successives du dossier d’entretien du matériel roulant, sans limite de durée.

Sur ce point, la Cour constate qu’il n’y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de faire application du règlement. Par conséquent, la limite temporelle visée à l’article 2 II du décret du 20 aout 2019 trouve à s’appliquer.

 

  • Sur la communication d’informations prévisionnelles :

La Région avait demandé à SNCF Voyageurs la communication d’informations prévisionnelles au titre des années ultérieures. SNCF Voyageurs contestait devoir ces informations en considérant qu’elles étaient postérieures à la demande. L’ART avait rejeté cet argument en considérant qu’il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’informations postérieures puisqu’elles avaient été établies durant l’année précédant la demande en intégrant des projections pour les années suivantes.

La Cour valide la position de l’ART. Elle juge que la transmission d’informations prévisionnelles afin d’anticiper les besoins du service dans la durée et de définir des critères d’attribution sur la base d’informations les plus pertinentes possibles est indispensable pour permettre aux AOT de disposer d’une vision globale des coûts de service public et que tel est notamment le cas des données financières dans la vision prévisionnelle. Elle note également que ces informations ont été générées antérieurement à la demande. Elle rejette donc le moyen soulevé par SNCF Voyageurs.

 

[1] Dans le cadre d’une procédure en manquement pour méconnaissance de la décision de l’Autorité du 30 juillet 2020

Le monopole des géomètres-experts aux fins de dresser les plans de division des biens fonciers dans le cadre d’une copropriété horizontale

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeuble bâti dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes.

On parle de copropriété verticale lorsque l’immeuble représente un bâtiment d’un seul tenant et de copropriété horizontale lorsqu’on retrouve plusieurs bâtiments (par exemple des maisons individuelles) sur un terrain commun.

La copropriété horizontale suppose ains l’établissement de plans, avec des divisions foncières entre chacune des parties privatives constituant les maisons individuelles, ainsi que des définitions de parties communes (jardins, voiries, espaces communs).

A ce titre, l’article 1, 1° de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l’Ordre des géomètres experts prévoit que le géomètre-expert est un technicien qui : « réalise les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d’échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ».

Aux termes d’un arrêt en date du 29 juin 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation vient ainsi rappeler le monopole du géomètre-expert dans le cadre de l’établissement de plans de divisions foncières.

En l’espèce, une société civile immobilière a requis un notaire aux fins d’établissement d’un règlement de copropriété et d’un état descriptif de division d’une copropriété, constituée de deux lots, correspondant à deux superficies matérialisées dans un plan annexé aux actes. Chaque lot comprenait un chalet, un jardin privatif ainsi qu’un accès commun à la voie publique qui constituant une partie commune. Les plans annexés aux actes avaient été dressés par la SCI elle-même, sans intervention d’un géomètre-expert.

Les lots de copropriété supportant chacun un chalet ont fait l’objet de cessions successives. L’un des acquéreurs soutenant que l’accès à la voie publique n’avait pas été réalisé à l’emplacement matérialisé sur le plan annexé à l’état descriptif de division correspondant à la partie commune et considérant qu’il empiétait sur son jardin privatif a assigné le Syndicat des copropriétaires, ses vendeurs, l’ancien gérant de la SCI ainsi que le notaire aux fins de voir substituer au régime de la copropriété, le régime de la pleine propriété, en interdiction des autres copropriétaires d’accéder à son lot et en indemnisation de ses préjudices.

La Cour d’appel a rejeté les demandes du copropriétaire aux fins de voir annuler le plan de division et tendant à voir constater l’inexistence de la copropriété.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt, au visa des articles 1, 1° et 2 de la loi du 7 mai 1946 instituant l’Ordre des géomètres-experts, considérant que seuls les géomètres-experts inscrits à leur ordre peuvent réaliser les études et travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers.

Il en résulte que, les plans annexés aux actes de propriété ainsi qu’à l’état descriptif de division-règlement de copropriété, venant délimiter les droits fonciers des copropriétaires sont irréguliers dès lors qu’ils n’ont pas été réalisés par un géomètre-expert.

Le géomètre-expert dispose ainsi d’un monopole incontestable pour dresser les plans et documents relatifs aux limites des biens fonciers.

Dans le cadre d’une copropriété horizontale, supposant des divisions foncières entre des terrains, il s’avère donc obligatoire de recourir à un géomètre-expert, sous peine d’irrégularité des documents dressés.

Rappel des conditions d’indemnisation du titulaire d’un marché public de travaux conclu à prix forfaitaire sur le fondement de la théorie des sujétions imprévues et des travaux supplémentaires réalisés

La société Voirie Assainissement Travaux Publics (ci-après, le « Titulaire ») a été désignée attributaire, par le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois (ci-après, le « Syndicat »), de deux lots d’un marché public de travaux (ci-après, le « Marché ») conclus à prix forfaitaire.

Le Titulaire a saisi la juridiction administrative d’une demande tendant notamment à obtenir la rémunération de travaux supplémentaires réalisés ainsi que la prise en charge des incidences financières des aléas et sujétions qu’il estimait avoir subis lors de l’exécution de ce marché. La Cour administrative d’appel de Douai ayant rejeté les demandes précitées, le Titulaire a introduit un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour. Le Conseil d’État a ainsi eu l’occasion de revenir sur les conditions aux termes desquelles un entrepreneur peut prétendre à une rémunération complémentaire sur le fondement de la théorie des sujétions imprévues et la réalisation de travaux supplémentaires non prévues par les stipulations contractuelles.

Le Conseil d’État commence par rappeler les conditions de mise en œuvre de la théorie des sujétions imprévues en énonçant que « même si un marché public a été conclu à prix forfaitaire, son titulaire a droit à être indemnisé des dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c’est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l’économie générale du marché ».

L’indemnisation de l’entrepreneur pour sujétions imprévues n’étant possible que si l’ensemble des conditions précitées sont cumulativement réunies, l’absence de l’une seulement d’entre elles suffit à rendre inapplicable la théorie des sujétions imprévues[1], le Conseil d’État approuve la Cour administrative d’appel de Douai d’avoir rejeté les conclusions indemnitaires de la société aux motifs que « les écritures [du Titulaire] n’établissaient pas que les surcoûts des travaux dont elle demandait l’indemnisation au titre des sujétions imprévues avaient eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat ».

On rappellera utilement que s’agissant des marchés publics conclus à titre forfaitaire, la théorie des sujétions imprévues n’a pas vocation à indemniser les simples surcoûts mais uniquement les surcoûts résultant des sujétions imprévues qui ont pour effet de bouleverser l’économie générale du marché. Un tel bouleversement de l’économie générale du marché n’est réputé survenir que lorsque les surcoûts excèdent un certain pourcentage du montant total du marché. Le Conseil d’État n’a jamais fixé de seuil et la jurisprudence administrative rendue en la matière est extrêmement casuistique ce qui rend délicat l’appréciation d’un tel bouleversement. On peut toutefois retenir que le montant des surcoûts minimum dont le titulaire d’un marché public doit faire état pour justifier d’un bouleversement de l’équilibre économique semble osciller entre 7 % et 10 % du montant global du marché[2].

 Le Conseil d’État procède dans un second temps à l’analyse des demandes indemnitaires au titre des travaux supplémentaires réalisés par le Titulaire. Il énonce dans un considérant de principe les deux fondements juridiques qui permettent au titulaire d’un marché public conclu à prix forfaitaire d’obtenir le paiement de tels travaux en jugeant que « le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l’entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art. Dans ce cadre, l’entreprise peut également solliciter l’indemnisation des travaux supplémentaires utiles à la personne publique contractante lorsqu’ils sont réalisés à sa demande ».

Le Conseil d’État distingue ici les deux hypothèses où un cocontractant peut être amené à réaliser des travaux supplémentaires non prévues par les documents contractuels et précise les fondements contractuels au titre desquels il peut prétendre à en être indemnisé.

Selon une première hypothèse, le cocontractant de l’administration peut réaliser des prestations supplémentaires non prévues par les stipulations contractuelles mais en raison d’une demande de l’administration sous la forme d’un ordre de service irrégulier en la forme, généralement sur ordre verbal[3] mais également sous la forme d’une acceptation tacite[4].

Le cocontractant de l’administration peut alors formuler sa demande indemnitaire sur deux fondements juridiques distincts. Sur un fondement contractuel, d’une part, il doit alors démontrer que la réalisation des prestations supplémentaires non prévues par les stipulations contractuelles était indispensable à la réalisation de l’ouvrage suivant les règles de l’art[5]. Sur un fondement quasi contractuel, d’autre part, il suffira alors au cocontractant de l’administration de démontrer que les conditions de la théorie de l’enrichissement sans cause sont réunies soit en pratique que les dépenses ont été utiles à l’administration. La démonstration de l’utilité de la prestation pour l’administration est beaucoup plus aisée à rapporter que celle du caractère indispensable de cette dernière à la réalisation de l’ouvrage suivant les règles de l’art. Cependant, le choix du fondement quasi contractuel se révèle moins favorable pour le cocontractant de l’administration puisqu’il ne sera indemnisé que des dépenses utiles pour l’administration, déduction faite de son bénéfice[6].

Selon une seconde hypothèse, les travaux supplémentaires sont réalisés par le cocontractant sans qu’une telle demande n’ait été formulée par l’administration. Le cas échéant, le cocontractant de l’administration peut uniquement formuler une demande indemnitaire sur un fondement contractuel en démontrant que la réalisation de ces travaux était indispensable à la réalisation de l’ouvrage suivant les règles de l’art.

En l’espèce, le Conseil d’État relève notamment que la Cour administrative d’appel a rejeté une partie des conclusions du Titulaire tendant à l’indemnisation de travaux supplémentaires aux motifs que la totalité de ces travaux n’étaient pas indispensables. Or, la Haute juridiction constate qu’il ressortait « des pièces du dossier soumis au juges du fond, notamment des observations du maître d’œuvre, agissant pour le compte du maître de l’ouvrage, sur le projet de décompte final établi par le [Titulaire], que ces travaux ont été réalisés à la demande du maître de l’ouvrage ». Le Conseil d’État juge donc que la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit puisqu’elle ne pouvait rejeter la demande indemnitaire du Titulaire sur ce seul fondement et il lui appartenait de rechercher si les dépenses engagées n’avaient pas été utiles au Syndicat. Il casse donc l’arrêt litigieux en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire tendant au paiement des travaux supplémentaires précités.

 

[1] CE, 27 septembre 2006, Société GTM Construction, n° 269925.

[2] CAA Marseille, 17 janvier 2008, Société ALTAGNA, n° 05MA00492. CAA Bordeaux, 26 avril 2018, Société Eiffage TP SO, n° 15BX02295. CAA Marseille, 31 décembre 2015, M. B. A., n° 13VE03894.

[3] CE, 27 septembre 2006, Société GTM Construction, n° 269925.

[4] CE, 18 novembre 2011, Communauté de communes de Verdun, n° 342642.

[5] CE, 15 février 1984, Commune d’Alsting, RDP, 1985, p. 224.

[6] CE, 27 septembre 2006, Société GTM Construction, n° 269925.

Lotissements : précisions sur la procédure de modification et sur l’articulation entre la division, la cession et le permis de construire

CE, 13 juin 2022, n° 452457

Par deux décisions récentes, respectivement en date du 1er et du 13 juin 2022, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur les règles applicables en matière de divisions foncières, en se prononçant, d’une part, sur la mise en œuvre de la procédure de modification des lotissements comprenant à la fois de maisons individuelles et de constructions détenues en copropriété et, d’autre part, sur la date à compter de laquelle les propriétaires peuvent se prévaloir des dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme, relatives à la cristallisation des règles d’urbanisme applicables aux permis de construire sollicités dans les cinq ans suivant une autorisation de lotir.

 En premier lieu, par un arrêt en date du 1er juin 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la mise en œuvre de la procédure de modification des lotissements prévue par l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme.

Dans cette affaire, par un arrêté du 15 décembre 2015, le Maire des Allues (Savoie) a modifié l’article 1er du cahier des charges d’un lotissement situé dans la station de Méribel. Par un jugement en date du 18 décembre 2018, le Tribunal administratif de Grenoble, saisi par l’une des colotis – la SCI Le Flocon – a annulé cet arrêté. La SARL Gambetta Diffusion et la SCCV Merifraisse, bénéficiaires d’un permis de construire pour la création d’un logement collectif sur un terrain situé au sein du lotissement ont fait appel de ce jugement. Par un arrêt du 7 juillet 2020, la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance. La SCI Le Flocon s’est alors pourvue en cassation contre cet arrêt.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat a rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme, dans leur version applicable au litige :

« Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d’urbanisme applicable ».

Pour l’application de ces dispositions, le Conseil d’Etat a, alors, précisé que :

« 7. Pour l’application de ces dispositions, dans un cas où le lotissement se compose à la fois de maisons individuelles et de constructions détenues en copropriété, et comporte des lots affectés à d’autres usages que l’habitation, il y a lieu, d’une part, de compter pour une unité l’avis exprimé par chaque propriétaire individuel, quel que soit le nombre des lots qu’il possède, et par chaque copropriété, regardée comme un seul propriétaire, et d’autre part, de ne retenir pour le calcul des superficies du lotissement détenues par ces propriétaires, que celles des lots destinés à la construction, qu’il s’agisse ou non de lots destinés à la construction d’habitations, à l’exclusion des surfaces des lots affectés à d’autres usages ».

Ainsi, dans un cas où le lotissement se compose à la fois de maisons individuelles et de constructions détenues en copropriété, et comporte des lots affectés à d’autres usages que l’habitation, il convient :

  • pour une unité, de compter l’avis exprimé par chaque propriétaire individuel – indépendamment du nombre des lots qu’il possède, et par chaque copropriété regardée comme un seul propriétaire ;
  • pour le calcul des superficies du lotissement détenues par ces propriétaires, de ne retenir que celles des lots destinés à la construction, qu’ils soient ou non destinés à la construction d’habitations, à l’exclusion des surfaces des lots affectés à d’autres usages.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a, tout d’abord, constaté que la Cour avait relevé, au terme d’une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la demande de modification du cahier des charges avait recueilli l’accord des propriétaires de treize lots du lotissement ainsi que de deux lots affectés à la construction, qu’il s’agisse de constructions d’habitations ou d’autres constructions. Ainsi, la Cour n’a pas commis d’erreur de droit en retenant ces lots pour le calcul de la superficie détenue par les propriétaires du lotissement ayant approuvé la modification de son cahier des charges.

Il a ensuite considéré que la Cour s’est livrée à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, exempte de dénaturation et n’a ni commis d’erreur de droit ni méconnu son office, en jugeant que la majorité requise pour la modification du cahier des charges était acquise.

Par suite, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de la SCI Le Flocon.

 

En second lieu, par un arrêt du 13 juin 2022, le Conseil d’Etat a précisé la date à compter de laquelle les propriétaires peuvent se prévaloir des dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme, relatives à la cristallisation des règles d’urbanisme applicables aux permis de construire sollicités dans les cinq ans suivant une autorisation de lotir.

Dans le cadre de cette seconde affaire, par un arrêté du 17 décembre 2015, rectifié le 2 mars 2016, le aire de la commune de Bormes-les-Mimosas (Var) a délivré un la société La Garriguette un permis de construire portant sur la démolition d’un studio et la réalisation d’une habitation avec piscine. Le Maire a, ensuite, délivré un nouveau permis de construire par arrêté du 12 janvier 2017, portant sur le même projet, ainsi qu’un permis modificatif délivré le 25 avril 2017. Monsieur et Madame B., voisins immédiats, ont introduit un recours pour excès de pouvoir et sollicité l’annulation de ces permis.

Par un jugement du 18 décembre 2018, le Tribunal administratif de Toulon a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation des arrêtés des 17 décembre 2015 et 2 mars 2016 et rejeté le surplus des conclusions des demandes. Par un arrêt du 11 mars 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille a, sur l’appel de Monsieur et Madame B., annulé le permis de construire délivré le 12 janvier 2017 et le permis modificatif délivré le 25 avril 2017 en tant que le projet est affecté de trois vices relatifs à la toiture, à l’implantation et aux places de stationnement, annulé le permis de construire délivré le 17 décembre 2015 et rectifié le 2 mars 2016 en tant que le projet est affecté des deux premiers de ces vices. La Cour a imparti un délai de trois mois à la société La Garriguette pour demander la régularisation de ces différents vices, réformé le jugement en ce qu’il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions des requérants. Ceux-ci se sont donc pourvus en cassation contre cet arrêt en tant qu’il n’a pas entièrement fait droit à leurs conclusions.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat a, tout d’abord, constaté que la société pétitionnaire était fondée à soutenir que les conclusions du pourvoi dirigées contre l’arrêt du 11 mars 2021 de la Cour avaient perdu leur objet en tant que l’arrêt porte sur le permis modificatif délivré le 25 avril 2017, dès lors que le Maire avait retiré ce permis par un arrêté du 8 février 2022, devenu définitif. Il a, toutefois, indiqué que les conclusions du pourvoi relatives à l’arrêté du 12 janvier 2017, auquel l’arrêté du 25 avril 2017 ne s’était pas substitué et qui n’a pas été retiré, n’étaient pas dépourvues d’objet.

Le Conseil d’Etat s’est alors prononcé sur l’application des dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme aux termes desquels :

« Le permis de construire ne peut être refusé ou assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant : / 1° la date de non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l’objet d’une déclaration préalable […] ».

Pour l’application de ces dispositions, le Conseil d’Etat a précisé que lorsque la cession du terrain d’assiette, emportant division foncière, n’était pas intervenue à la date du permis de construire, les pétitionnaires ne pouvaient se prévaloir des droits attachés à ladite cession, en vertu de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme :

« 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société La Garriguette a adressé au maire de Bormes-les-Mimosas une déclaration préalable de division de la parcelle cadastrée section AD n° 133 en deux lots, en vue de construire sur l’un d’eux, l’autre supportant une villa. Par un arrêté du 28 avril 2015, le maire de cette commune ne s’est pas opposé à cette déclaration préalable. Toutefois, ainsi que l’a relevé la cour, la société La Garriguette, qui entendait conserver la propriété de l’ensemble de la parcelle dont elle avait préalablement déclaré la division et sollicitait le permis litigieux pour son propre compte, en vue de la location saisonnière de la construction projetée, n’avait, à la date du permis de construire, pas procédé à la cession dont aurait résulté la division. Dès lors, en l’absence de tout transfert de propriété ou de jouissance, elle ne pouvait se prévaloir, à l’occasion de cette demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme cité ci-dessus, au lotissement autorisé, dont le projet de construction ne pouvait relever. Par suite, en jugeant que la règle posée à l’article L. 442-14 s’appliquait à l’arrêté litigieux, pour en déduire que sa légalité devait être appréciée au regard des règles du plan local d’urbanisme approuvé le 28 mars 2011 et non de celles du plan approuvé le 17 décembre 2015, la cour a commis une erreur de droit ».

Autrement dit, pour qu’il y ait lotissement, il faut qu’il y ait transfert de propriété ou de jouissance et ce, avant la délivrance du permis de construire ; ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque la société Guarriguette conservait l’intégralité du terrain d’origine.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a retenu qu’en jugeant que la règle posée à l’article L. 442-14 s’appliquait à l’arrêté litigieux, pour en déduire que sa légalité devait être appréciée au regard des règles du plan local d’urbanisme en vigueur au jour de la décision de non-opposition à déclaration préalable, la Cour avait commis une erreur de droit.

Il a donc annulé l’arrêt du 11 mars 2021 de la Cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il rejette partiellement les conclusions de Monsieur et Madame B. dirigées contre le permis de construire délivré le 12 janvier 2017.

Vente immobilière : la prescription de l’action en résolution de vente immobilière

L’action en résolution d’une vente immobilière est une action mixte. Elle est de nature personnelle car elle a pour objet la résolution du contrat de vente mais elle se traduit par la restitution de l’immeuble c’est donc aussi en cela une action réelle. Dès lors se pose la question de la prescription de l’action :

Faut-il appliquer la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil relatif aux actions personnelles mobilières ou la prescription trentenaire des actions réelles immobilières en application de l’article 2227 du Code civil ?

Par son arrêt en date du 2 mars 2022, la Cour de cassation nous apporte une réponse très claire (Cass. Civ.,3ème, 2 mars 2022 n° 20-23.602).

Dans le cadre du règlement d’une succession, l’administrateur provisoire de la succession avait procédé à la vente sur licitation d’une parcelle de terrain faisant partie d’un actif successoral.

Ladite parcelle a été adjugée. Cependant différentes péripéties judiciaires se sont succédées : substitution d’adjudicataire, remplacement d’administrateur provisoire, c’est ainsi que plus de huit ans après la vente sur licitation, le mandataire successoral a assigné l’adjudicataire en résolution de la vente pour absence de paiement du prix.

Par arrêt en date du 20 octobre 2020, la Cour d’Appel de BASSE-TERRE a prononcé la résolution de la vente au motif que l’action en résolution de la vente aux enchères était destinée à protéger la propriété et qu’elle se trouvait dès lors soumise à la prescription trentenaire de l’article 2227 du Code civil.

Saisi du pourvoi de l’adjudicataire, la Cour de cassation a jugé au contraire que l’action en résolution de vente immobilière par licitation est soumise à la prescription quinquennale des actions personnelles mobilières :

Vu l’article 2224 du Code civil:

« Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le point de départ du délai à l’expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance.

L’action en résolution de la vente engagée par l’administrateur de la succession tend à sanctionner le défaut d’exécution de l’obligation de payer le prix pesant sur l’adjudicataire, laquelle est de nature personnelle, de sorte que cette action est soumise à la prescription de l’article 2224 du code civil.

Pour déclarer l’action recevable, l’arrêt retient que l’imprescriptibilité du droit de propriété emporte celle de l’action en revendication et que la résolution judiciaire de la vente aux enchères du 2 octobre 2007 pour défaut de paiement du prix d’adjudication ne constitue pas une demande en paiement du prix, mais est destinée à protéger la propriété et se trouve soumise à la prescription trentenaire.

En statuant ainsi, après avoir constaté qu’un arrêt irrévocable du 22 septembre 2008 avait jugé que le droit de substitution avait été valablement exercé par M (D) (S) et l’avait déclaré adjudicataire de la parcelle litigieuse et alors que le point de départ du délai de prescription de l’action en résolution de la vente pour défaut de paiement du prix est l’expiration du délai dont disposait l’adjudicataire pour s’acquitter du prix de vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

 

En conséquence, on retiendra que la Cour de cassation a soumis cette action mixte à la prescription quinquennale applicable aux actions personnelles mobilières, privilégiant ainsi le fondement personnel à l’effet réel produit par la résolution de vente.

Une personne publique peut résilier un contrat mais pas l’annuler

Par sa décision Centre hospitalier d’Ajaccio du 13 juin 2022, le Conseil d’Etat réaffirme le principe selon lequel une personne publique ne peut, d’elle-même et sans recourir au juge administratif, prononcer l’annulation avec effet rétroactif d’un contrat, quand bien même celui-ci fût illicite.

Cette décision a été rendue dans le cadre d’un contentieux opposant le centre hospitalier d’Ajaccio à un médecin exerçant en son sein, dans le cadre d’une convention conclue le 28 décembre 2009, une activité libérale en son sein, en contrepartie du versement d’une redevance correspondant à 16 % de ses honoraires.

Le 20 septembre 2017, le centre hospitalier a mis en demeure le médecin de cesser toute activité libérale au sein de l’établissement et l’a informé de ce que la clause de la convention fixant la redevance à un taux de 16 % devait être regardée comme « nulle et non écrite », dès lors que les textes fixaient cette redevances à 30 % des honoraires. Le centre hospitalier a ensuite émis un titre de recettes à l’encontre du médecin afin de recouvrer la somme correspondant à la différence du montant de redevance due au taux de 30 % et celui versé au taux de 16 % au titre de l’activité libérale au cours de la période 2013-2016.

Par un jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal administratif de Bastia a annulé ce titre de recettes et déchargé le médecin de l’obligation de payer la somme en faisant l’objet ; par ailleurs, il a rejeté les conclusions indemnitaires du médecin tendant à la réparation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait de la cessation de son activité libérale et de la rupture de son contrat de praticien attaché.

Saisie par le centre hospitalier ainsi que par le médecin, la Cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt du 15 avril 2021,  rejeté l’appel, en considérant que le titre exécutoire litigieux était tout d’abord entaché d’une erreur de droit en ce que le montant de la créance y était déterminé par référence aux dispositions de l’article D. 6154-10-3 du Code de la santé publique, qui n’étaient applicables qu’aux praticiens hospitaliers exerçant à temps plein, ce qui n’était pas le cas du médecin en l’espèce. La Cour a relevé que ce titre aurait également pu être émis sur le fondement des dispositions de l’article L. 6146-2 du Code de la santé publique, mais que, les praticiens autorisés à exercer une activité libérale sur ce fondement étant placés, vis-à-vis de l’administration, dans une situation réglementaire et non contractuelle, la décision individuelle du centre hospitalier de laisser exercer le médecin en contrepartie d’une redevance d’un montant de 16 % de ses honoraires aurait dû, dans ces conditions, être retirée dans les quatre mois suivant son adoption et qu’à défaut, le médecin bénéficiait d’un droit acquis sur son fondement.

Saisi d’un pourvoi par le centre hospitalier, le Conseil d’Etat annule tout d’abord l’arrêt pour erreur de droit, considérant que, contrairement à ce qu’a jugé la Cour administrative d’appel, une convention conclue sur le fondement de l’article L. 6146-2 du Code de la santé publique, qui fixe les conditions et modalités dans lesquelles un professionnel de santé exerçant à titre libéral participe aux missions d’un établissement de santé, revêt, eu égard à la nature des liens qu’elle établit entre les parties, une nature contractuelle.

Ensuite, statuant sur le fond, le Conseil d’Etat juge que la décision du centre hospitalier de dénoncer la clause de la convention fixant la redevance à un taux de 16 % comme nulle et non écrite ne pouvait s’appliquer que pour l’avenir et ne pouvait entrainer la disparition de la clause de la convention conclue entre les parties.

Le Conseil d’Etat fonde cette décision sur le principe selon lequel une personne publique partie à un contrat administratif ne peut d’elle-même qu’en prononcer la résiliation et doit saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat pour en demander le cas échéant l’annulation. Par suite, il considère que le médecin était fondé, pour la période antérieure à la décision de dénonciation du 20 décembre 2017, fondé à se prévaloir des stipulations de la convention qu’il avait conclue et, partant, à être déchargé de l’obligation de rembourser la différence du montant de redevance due au taux de 30 % et celui versé au taux de 16 %.

En refusant ainsi de reconnaitre à la personne publique un pouvoir d’annulation rétroactive du contrat, la décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle ancienne (CE 2 avril 1971, Tlatli Salah Eddine, T. p. 923) récemment réaffirmée par la décision Commune de Béziers I (CE, 27 décembre 2009, req. n° 304802), selon laquelle la nullité n’est pas un état qui se constate mais une sanction qui ne peut être prononcée que par le Juge, ainsi que l’a souligné le Rapporteur public Arnaud Skzryerbak dans ses conclusions.