Projets immobiliers publics privés
le 07/10/2022

Le droit de propriété à l’épreuve des enjeux climatiques ? L’exercice d’un droit de surplomb sur le fonds voisin

Décret n° 2022-926 du 23 juin 2022 relatif au droit de surplomb pour l'isolation thermique par l'extérieur d'un bâtiment

Depuis de nombreuses années les textes de loi se multiplient pour inciter et même imposer aux propriétaires, de prendre des mesures visant à réduire la consommation énergétique de leur immeuble.

Dans cet élan pour le bien commun et devant l’impériosité de lutter contre réchauffement climatique, le législateur a aménagé quelques assouplissements au droit de propriété, droit inviolable et sacré tel que défini à l’article 17 de la Constitution des droits de l’homme et du citoyen.

En effet, la réduction de la consommation énergétique nécessite dans de nombreux cas de rénover l’isolation de l’habitat. Certaines contraintes techniques peuvent imposer d’avoir recours à une isolation par l’extérieure, or dans les zones à forte densité urbaine, ce type d’isolation peut conduire à construire en surplomb sur le fonds voisin. Cet empiétement constitue une atteinte au droit de propriété du propriétaire du fonds surplombé.

Entre le caractère fondamental du droit de propriété et la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique, il fallait donc prendre des mesures pour organiser cette difficulté. C’est dans ce cadre que, la loi n° 2022-1104 en date du 22 août 2021, dite « Climat et résilience » a institué un « droit de surplomb » afin de faciliter la rénovation énergétique des bâtiments grâce à leur isolation thermique par l’extérieur. Ledit droit de surplomb, écarté en 2019, car estimé inconstitutionnel, a finalement fait son entrée en 2021, à l’article L 113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Lequel dispose :

« I.-Le propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l’extérieur bénéficie d’un droit de surplomb du fonds voisin de trente-cinq centimètres au plus lorsqu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs. L’ouvrage d’isolation par l’extérieur ne peut être réalisé qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol, sauf accord des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure.

Une indemnité préalable est due au propriétaire du fonds surplombé.

Ce droit s’éteint par la destruction du bâtiment faisant l’objet de l’ouvrage d’isolation.

Les modalités de mise en œuvre de ce droit sont constatées par acte authentique ou par décision de justice, publié pour l’information des tiers au fichier immobilier.

II.-Le droit de surplomb emporte le droit d’accéder temporairement à l’immeuble voisin et d’y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux.

Une indemnité est due au propriétaire de l’immeuble voisin.

Une convention définit les modalités de mise en œuvre de ce droit.

III.-Avant tout commencement de travaux, le propriétaire du bâtiment à isoler notifie au propriétaire du fonds voisin son intention de réaliser un ouvrage d’isolation en surplomb de son fonds et de bénéficier du droit mentionné au II.

Dans un délai de six mois à compter de cette notification, le propriétaire du fonds voisin peut s’opposer à l’exercice du droit de surplomb de son fonds pour un motif sérieux et légitime tenant à l’usage présent ou futur de sa propriété ou à la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa du I. Dans ce même délai, il ne peut s’opposer au droit d’accès à son fonds et à la mise en place d’installations provisoires que si la destination, la consistance ou la jouissance de ce fonds en seraient affectées de manière durable ou excessive.

Dans le même délai, il peut saisir le juge en fixation du montant de l’indemnité préalable prévue aux I ou II.

IV.-Lorsque le propriétaire du fonds surplombé a obtenu une autorisation administrative de construire en limite séparative ou en usant de ses droits mitoyens et que sa mise en œuvre nécessite la dépose de l’ouvrage d’isolation, les frais de cette dépose incombent au propriétaire du bâtiment isolé. L’indemnité prévue au I demeure acquise.

V.-Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article ».

 

Le décret n° 2022-926 en date du 23 juin 2022 publié au Journal Officiel le 24 juin 2022, entré en vigueur le 25, vient préciser l’exercice de ce droit. Ainsi les articles R.113-19 à R.113-24, constituent la section 5, intitulée « isolation thermique par l’extérieur des bâtiment »au chapitre II du titre 1er livre1er du Code de la construction et de l’habitation .

Il apparaît que ces dispositions sont très protectrices du droit de propriété.

 

1. Les conditions préalables à l’exercice du droit de surplomb.

Le point essentiel réside dans la notification faite par le titulaire du droit au propriétaire du fond surplombé.

Le décret prévoit les conditions de forme et de fond de ladite notification.

  • L’article R.113-19 précise la forme et les nombreuses dispositions obligatoires (sept) qu’elle doit contenir ;
  • L’article R.113-20 concerne la convention qui doit être signée entre les propriétaires des deux fonds ;
  • L’article R.113-22 prévoit le cas particulier du fond surplombé soumis au statut de la copropriété ;
  • L’article R.113-24 indique enfin que le bénéficiaire du droit doit également notifier au propriétaire du fond surplombé les coordonnées de l’entreprise ou de la personne appelée à intervenir pour réaliser les travaux ainsi que les informations relatives à son assurance.

 

 

2. Les conditions préalables au début des travaux

Les travaux ne pourront débuter qu’après accord des parties ou après une décision judiciaire devenue définitive.

  • Article R.113-21, le propriétaire du fonds surplombé dispose d’un délai de six mois à compter de la notification prévue à l’article R.113-19, pour exercer un recours en opposition.

Ce recours peut être exercer soit pour s’opposer à l’exercice du droit, soit pour demander la fixation d’une indemnisation.

La question reste posée de savoir si une notification qui ne répondrait pas aux conditions de forme et de fond posées par l’article R.113-19, ouvrirait néanmoins le délai de recours de 6 mois, ou bien si dans le cas d’une notification irrégulière le propriétaire du futur fonds surplombé bénéficierait-il d’un délai d’action plus étendu ?

  • L’article R.113-23, prévoit que la réalisation des travaux ne peut intervenir qu’après la signature de la convention ou à la suite d’une décision de justice devenue définitive (dans le cas d’un recours ouvert au propriétaire du fonds surplombé).

Enfin, le droit de surplomb, à le supposer acquis, emporte le droit d’accéder temporairement à l’immeuble voisin et d’y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux ( article L.113-5 III du code de la construction et de l’habitation).

Une convention en définira les modalités.

EN CONCLUSION, l’exercice du droit au surplomb, s’il permet de dépasser la première difficulté tenant à l’inviolabilité du droit de propriété, paraît difficile à exercer, tant les exigences de sa mise en œuvre sont grandes. Il ne semble donc pas à première vue, constituer une grande menace pour le droit de propriété. Il y a cependant fort à penser, qu’il fera l’objet de nombreux contentieux.