Protection des consommateurs face aux prix de l’énergie : plusieurs recommandations du Médiateur National de l’Energie (MNE)

En ce tout début d’année 2023 et en parallèle du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables faisant l’objet d’un focus dans la présente Lettre d’actualités juridiques, plusieurs textes sont en préparation devant le Parlement.

Par quatre recommandations ici commentées, le Médiateur National de l’Energie a apporté des précisions sur l’obligation d’information des fournisseurs à leurs clients sur les évolutions tarifaires induites par l’application de nouveaux prix.

Médiateur National de l’Energie- Recommandation D2022-04051du 23 septembre 2022 (mise en ligne le 23.01.2023)

Dans cette première affaire, le client ayant saisi le Médiateur avait souscrit un contrat dont les prix étaient indexés sur les TRV, avant que le fournisseur ne bascule le contrat vers une offre indexant le tarif sur les prix des marchés de gros de vente d’électricité, ce qui entraîna nécessairement une forte augmentation du montant des factures. Après avoir relevé que si le fournisseur avait informé le client de cette modification du contrat conformément à l’article L. 224-10 du Code de la consommation[1], il n’avait pas livré une information « claire et loyale, transparente et compréhensible » lui permettant d’appréhender les conséquences économiques induites par les nouveaux prix. Le MNE recommande ainsi au fournisseur en cause de porter à la connaissance de ses clients, à chaque changement de prix ou d’offre tarifaire, le pourcentage d’évolution que représente les nouveaux prix par rapport à ceux précédemment appliqués.

Médiateur National de l’Energie – Recommandation N° D2022-04760 du 26 septembre 2022 (mise en ligne le 26.01.2023)

Le MNE a, dans la même veine, considéré que l’information délivrée par un fournisseur à un client n’était pas « loyale complète et sincère » dans le cadre d’un contrat prévoyant la succession de deux modes de détermination du prix, à savoir un prix fixe durant la première année suivi d’un prix entièrement indexé sur un indice correspondant à la moyenne des prix mensuels du marché de gros de l’électricité. Le MNE a en effet estimé que, dans un contexte de très forte hausse des prix de vente, le client n’a pas été informé des conséquences de cette évolution sur ses factures dès lors qu’aucune mention n’était faite sur les risques auxquels exposait cette forte volatilité des prix et, qu’en outre, le prix appliqué par le fournisseur ne pouvait être déterminé avant le terme du mois de consommation. Il recommande ainsi au fournisseur concerné, dans cette deuxième recommandation, de ne pas commercialiser d’offres dont le prix de l’énergie n’est pas déterminé au moment de la consommation.

La même solution avait d’ailleurs été retenue par le MNE aux termes d’une précédente recommandation dans le cadre d’un contrat de fourniture de gaz naturel.

Médiateur National de l’Energie – Recommandation N° D2022-05014 du 7 octobre 2022 (mise en ligne le 30 janvier 2023).

Enfin, saisi par un consommateur dont le contrat de fourniture d’électricité était indexé sur les tarifs réglementés de vente d’électricité pour une durée d’un an, le MNE considère que ce dernier n’a pas été informé par son fournisseur de manière « claire, loyale, transparente et compréhensible » de l’application de nouveaux prix indexés sur les prix de marchés de gros de l’électricité au moment du renouvellement de son contrat. En effet, cette information ayant été, selon le MNE, dissimulée au milieu d’un courriel « dont le contenu est sans rapport avec l’évolution contractuelle proposée » (en l’occurrence, un bilan énergétique), elle n’est pas conforme aux exigences de l’article L. 224-10 du Code de la consommation susvisé. Il recommande ainsi au fournisseur de se conformer à ces dernières en informant des nouvelles conditions contractuelles proposées au moyen d’un courrier ou courriel spécifique, et ce en attirant l’attention sur les risques liés à la nouvelle indexation des prix.

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[1] Cet article disposant que :« Tout projet de modification envisagé par le fournisseur des conditions contractuelles est communiqué au consommateur par voie postale ou, à sa demande, par voie électronique, au moins un mois avant la date d’application envisagée. En matière d’électricité, les projets envisagés de modification des dispositions contractuelles relatives aux modalités de détermination du prix de la fourniture, ainsi que les raisons, les conditions préalables et la portée de cette modification sont communiqués de manière transparente et compréhensible. Cette communication est assortie d’une information précisant au consommateur qu’il peut résilier le contrat sans pénalité, dans un délai maximal de trois mois à compter de sa réception. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux modifications contractuelles imposées par la loi ou le règlement ».

La Commission de Régulation de l’Energie précise le montant de la restitution anticipée par RTE de son excédent exceptionnel

L’envolée des prix de l’électricité sur le marché de gros a occasionné d’importants écarts entre les prévisions de charges et de recettes fixées par la délibération TURPE 6 HTB et les charges et recettes constatées pour l’année 2022 par RTE, le gestionnaire de réseau public de transport.

Ces écarts, qui s’expliquent notamment par la hausse des recettes d’interconnexion du fait d’écarts de prix de gros entre la France et ses pays voisins, ont donné lieu à un fort excédent à verser au compte de régularisation des charges et produits de RTE au titre de l’année 2022.

Par une délibération du 8 décembre 2021[1], la CRE a décidé que RTE devait restituer de manière anticipée cet excédent exceptionnel à ses utilisateurs.

Par un communiqué de presse du 6 février 2023, la CRE a ainsi annoncé que le montant de cette restitution était fixé à 1,939 milliards d’euros au titre de 2022, soit une diminution de 48,2 % des composantes tarifaires appliquées aux clients de RTE en 2022.

Le montant de cette restitution a été acté par la délibération du 31 janvier 2023 portant décision relative à la fixation du montant total du versement anticipé exceptionnel d’une partie du solde du compte de régularisation des charges et produits (CRCP) de RTE.

Le montant global à restituer sera réparti entre les clients de RTE au prorata des montants facturés en 2022, mais la CRE précise qu’Enedis et les entreprises locales de distribution en seront, en volume, les principales bénéficiaires.

Ce versement, prévu avant le 15 mars 2023 prendra la forme d’un versement réparti au prorata des composantes tarifaires, hors composante d’injection, facturées au titre de l’année 2022.

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[1] Délibération n°2022-323 du 8 décembre 2022 portant décision relative à la mise en œuvre d’un versement anticipé exceptionnel d’une partie du solde du compte de régularisation des charges et produits (CRCP) de RTE

TRVE et tarifs de cession des Entreprises Locales de Distribution (ELD) : le Gouvernement ne suit pas les propositions d’évolution formulées par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE)

Tel qu’elle l’a indiqué dans un communiqué de presse publié le 19 janvier 2023, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après « CRE ») a exposé au Gouvernement sa proposition d’évolution des tarifs réglementés de vente d’électricité (ci-après « TRVE ») au 1er février 2023, au sein de sa délibération du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité.

La CRE a proposé une hausse du niveau moyen des TRVE de + 99,2 % TTC par rapport aux TRVE gelés en vigueur depuis le 1er février 2022, soit + 99,36 % HT pour les tarifs bleus résidentiels et + 99,94 % HT pour les tarifs bleus professionnels.

On relèvera que cette proposition tarifaire prend en compte toutes les modifications de la méthode de fixation des TRVE détaillées au sein de la délibération du 12 janvier 2023 de la CRE portant communication sur la méthode de fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité et rendues nécessaires dans le contexte de la hausse des prix de gros sur le marché de l’électricité. Pour rappel, comme nous l’exposions dans une précédente lettre d’actualité, la CRE a préalablement mené une consultation publique du 22 septembre au 17 octobre 2022 sur l’évolution de la méthode de fixation des TRVE à compter de l’année 2023.

Cependant, la loi de finances pour 2023[1] autorise le Gouvernement à s’opposer aux propositions d’évolution des tarifs par la CRE si elles excèdent de 15 % TTC les tarifs applicables au 31 décembre 2022 en territoire métropolitain et dans les zones non interconnectées.

Ainsi, si ces propositions d’évolution vont servir de référence pour le calcul de la compensation par le budget de l’Etat des fournisseurs livrant les clients aux TRVE (EDF et les entreprises locales de distributions sur leur périmètre de desserte historique) et des autres fournisseurs proposant des offres de marchés, les barèmes proposés par la CRE ne seront pas appliqués aux consommateurs.

Et, ceux-ci se verront plutôt appliquer les barèmes de prix gelés fixés par le Gouvernement et précisés au terme des arrêtés suivants :

Par ailleurs, par une délibération de la CRE du 19 janvier 2023, la CRE a également proposé aux Ministres chargés de l’énergie et de l’économie les nouveaux tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution (ci-après « ELD »).

Pour rappel, les tarifs de cession permettent aux ELD de s’approvisionner auprès d’EDF en électricité pour la fourniture de leurs clients aux TRVE et, pour celles desservant moins de 100.000 clients, pour la fourniture de leurs pertes réseau. Les ELD bénéficient donc du mécanisme dérogatoire des « tarifs de cession » lorsqu’elles achètent de l’électricité pour la revendre aux TRVE et pour l’approvisionnement des pertes d’électricité sur leurs réseaux.

La proposition d’évolution des tarifs de cession par la CRE entrainait une augmentation de + 141,73 %/ MWh HT par apport au tarif de cession en vigueur en 2022. Par conséquent, par un arrêté du 30 janvier 2023 relatif aux tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution, le Gouvernement s’est opposé à cette proposition, et y a également substitué les barèmes des tarifs gelés qu’il a renseignés en annexe.

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[1] Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

Le Conseil d’Etat se prononce sur la légalité des mesures d’attribution de volumes additionnels d’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) aux fournisseurs alternatifs

Trois récentes décisions rendues par le Conseil d’Etat sur le mécanisme de l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) sont à relever.

Pour rappel, dans le contexte de crise énergétique et afin de contenir la hausse des prix de vente d’électricité, par un décret[1] et deux arrêtés du 11 mars 2022[2], le Gouvernement a, d’une part, porté le volume global maximal d’ARENH pouvant être cédés par la société EDF aux fournisseurs en faisant la demande à 120 TWh pour l’année 2022 et, d’autre part, fixé le prix de ces volumes additionnels d’ARENH à hauteur de 46,2 euros/MWh.

  1. C’est dans ce contexte, et suite au rejet de leur référé suspension le 5 mai 2022, que la société EDF, des syndicats, des membres du conseil d’administration et des représentants des actionnaires minoritaires du groupe EDF ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler le décret et les arrêtés susvisés.

Par un arrêt du 3 février 2023, le Conseil d’Etat a rejeté les demandes d’annulation présentées par les requérants.

Il a considéré que les actes contestés, qui ne créaient pas un dispositif distinct du mécanisme de l’ARENH, ne prévoyaient pas une mesure excessive pour atteindre, dans un contexte exceptionnel, les objectifs de libre choix du fournisseur et de stabilité des prix fixés par les articles L. 336-1 et L. 336-2 du Code de l’énergie.

Également, le Conseil d’Etat a considéré que cette mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée, au regard des objectifs poursuivis, à la liberté d’entreprendre d’EDF qui dispose du monopole d’exploitation du parc électronucléaire français.

En outre, le Conseil d’Etat a écarté les moyens développés par les requérants sur l’atteinte porté par ces actes au droit de l’Union européenne en estimant que le mécanisme de l’ARENH et son le relèvement ne constituaient pas une aide d’Etat aux fournisseurs alternatifs qui aurait dû être notifiée auprès de la Commission européenne.

  1. Deux fournisseurs alternatifs, la société OHM Energies et la société Sagiterre, ont formé deux référés suspension devant le Conseil d’Etat afin de contester l’ajustement par la CRE des volumes additionnels d’ARENH qui leur ont été attribués.

Ces deux fournisseurs alternatifs s’étaient vu corriger par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) leur demande de volume d’ARENH additionnels dans le cadre de la délibération n° 2022-312 de la CRE du 1er décembre 2021 relative à l’allocation des volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)[3]. La Commission avait considéré que leurs demandes étaient manifestement surévaluées au regard de leur portefeuille de consommateurs.

S’agissant de la société OHM Energies, la CRE a considéré que ses demandes d’ARENH pour les consommateurs « résidentiels » et pour les consommateurs « petits professionnels » dépassaient les seuils d’alerte prévus par la délibération n° 2022-287 du 10 novembre 2022 de la CRE[4], et que les explications du fournisseur, liées notamment au développement de son offre à venir sur le marché des consommateurs « petits professionnels », déjà annoncé antérieurement par la société sans réalisation concrète, ne permettaient pas de justifier ses demandes.

La CRE a également considéré que les demandes présentées par la société Sagiterre pour les clients résidentiels dépassaient les seuils d’alerte susmentionnés. La justification apportée par le fournisseur sur un développement commerciale en 2023 devant porter son nombre de clients résidentiels de 300 à 20.000 n’a pas convaincu la CRE. En outre, la CRE considérait que la demande de cette société avait déjà été surestimée pour l’année 2022.

Les deux fournisseurs ont ainsi, tous deux, demandé au Conseil d’Etat de suspendre l’exécution de la délibération n° 2022-312 de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 1er décembre 2021 relative à l’allocation des volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) dans le cadre du guichet qui s’est clos le 21 novembre 2022, et d’enjoindre la CRE de réexaminer sa demande d’ARENH au plus tard le 31 décembre 2022.

Pourtant, par deux ordonnances du 9 janvier 2023 et du 13 janvier 2023, le Conseil d’Etat a rejeté les demandes de suspension des sociétés OHM Energies et Sagiterre, considérant que les moyens soulevés par les requérantes n’étaient pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

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[1] Décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).

[2] Arrêté du 11 mars 2022 fixant le volume global maximal d’électricité devant être cédé par Electricité de France au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, pris en application de l’article L. 336-2 du code de l’énergie ; Arrêté du 11 mars 2022 pris en application de l’article L. 337-16 du code de l’énergie et fixant le prix des volumes d’électricité additionnels cédés dans le cadre de la période de livraison exceptionnelle instaurée par le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)

[3] Délibération de la CRE du 1er décembre 2022 relative à l’allocation des volumes d’ARENH dans le cadre du guichet s’étant clos le 21 novembre 2022

[4] Délibération de la CRE du 10 novembre 2022 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant communication sur les critères d’évaluation des demandes d’ARENH

Défrichement illégal : les souches d’arbres qui cachent la forêt

Dans un arrêt en date du 4 janvier 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation cassait l’arrêt confirmant l’ordonnance de non-lieu dans une affaire de défrichement illégal de parcelles boisées, estimant que la seule présence de souches d’arbres conférait au site une destination forestière et exigeait dès lors une autorisation préfectorale pour y procéder.

En l’espèce, une association avait porté plainte et s’était constituée partie civile du chef de défrichement sans autorisation de bois ou de forêt – exigée par les dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-3 du Code forestier et réprimée par l’article L. 363-1 du Code forestier – de parcelles forestières alors destinées à la réalisation d’une zone d’activité commerciale.

A l’issue de l’information, le juge d’instruction rendait une ordonnance de non-lieu dont appel était interjeté par l’association plaignante. La Chambre de l’instruction confirmait l’ordonnance de non-lieu estimant que l’absence d’arbres sur la parcelle au moment des faits, en 2014, en raison d’un précédent défrichement via une autorisation préfectorale en 2003, faisait échec à sa dénomination de parcelle boisée et à destination forestière.

Ainsi, selon les juges du fond, le délit de l’article L. 363-1 du Code forestier n’était pas caractérisé, faute d’identification d’une parcelle boisée et à destination forestière à défricher.

L’association formait un pourvoi en cassation « notamment au regard de la circonstance que les souches des chênes, coupés lors d’une intervention en 2003, étaient restées » sur la parcelle, et avaient survécu au précédent défrichement.

Elle invoquait également une décision du Tribunal administratif rendu dans l’affaire en 2006 qui avait annulé l’autorisation préfectorale de 2003 et estimait, à ce titre, qu’une nouvelle autorisation préfectorale était nécessaire afin de procéder au défrichement de la parcelle.

Après avoir rappelé « qu’est punissable le défrichement, effectué sans autorisation, consistant en toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière », la Cour de cassation cassait l’arrêt de la Chambre de l’instruction considérant qu’en dépit de l’intervention de 2003, « les souches de tous les arbres rasés étaient restées, de sorte qu’il n’avait été mis fin ni à l’état boisé ni à la destination forestière des parcelles ».

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient ainsi préciser les contours du délit de défrichement forestier sans autorisation en retenant une définition extensive de la notion d’état boisé et de destination forestière d’une parcelle.

Tarifs réglementés de vente du gaz : actualité de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE)

Au cours du mois de janvier 2023, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a adopté plusieurs dispositifs liés à la situation des Tarifs Réglementés de Vente du Gaz (ci-après, TRVG) dont on rappellera qu’ils prendront fin le 1er juillet 2023.

Ces différents dispositifs ont été présentés dans un communiqué de presse du 31 janvier 2023.

Comme la CRE le rappelle :

  • Sur un total de 11 millions de consommateurs résidentiels, les tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG) concernent 2,4 millions de clients au 30 novembre 2022, dont 93 % chez Engie et environ 7 % chez les entreprises locales de distribution (ELD) ;
  • En outre, 2,4 millions de clients résidentiels ont choisi une offre de marché dont les évolutions sont indexées sur les TRVG.

Pour rappel, les barèmes des TRVG sont calculés tous les mois par la CRE sur la base des prix de marché du gaz.

Depuis le 1e novembre 2021, début du bouclier tarifaire décidé par le Gouvernement, les barèmes des TRVG calculés mensuellement par la CRE ne s’appliquent plus. Ainsi, sur décision gouvernementale, l’augmentation des TRVG a été plafonnée à 15 % TTC le 1er janvier 2023.

La CRE a néanmoins continué de publier mensuellement les barèmes théoriques des TRVG qui s’appliqueraient en l’absence de bouclier tarifaire, barèmes nécessaires au calcul de la compensation des fournisseurs par le budget de l’Etat.

On rappellera en outre que le bouclier tarifaire pourra continuer à s’appliquer après la fin des TRVG conformément à la loi de finances 2023 donnant au Gouvernement le pouvoir de prolonger par décret le bouclier tarifaire après le 30 juin 2023 jusqu’au 31 décembre 2023.

Ceci rappelé, une délibération n° 2023-31 la CRE du 25 janvier 2023 portant proposition de la référence de coût d’approvisionnement du gaz visée à l’article 181 de la loi de finances pour 2023 a pour objet de proposer aux ministres une référence de prix théorique du coût d’approvisionnement en gaz d’un fournisseur de consommateurs résidentiels, qui servira de base pour la compensation des fournisseurs de gaz en cas de prolongation du bouclier tarifaire à partir du 1er juillet 2023.

L’article 181 de la loi de finances pour l’année 2022 a en effet mis en place un dispositif de compensation des pertes de recettes des fournisseurs pour leurs offres aux TRVG et indexées sur les TRVG, qui constituent des charges imputables aux obligations de service public au sens des articles L. 121-35 et L. 121-36 du Code de l’énergie.

On rappellera également que les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel pour leurs offres de marché, pour tout contrat conclu à compter du 1er septembre 2022 et les contrats en vigueur au 31 août 2022 indexés sur les TRVG, sont compensées, dans la limite de leurs coûts d’approvisionnement. Or, ces pertes de recettes sont calculées sur la base du niveau du TRVG qui aurait été appliqué sans gel.

La disparition des TRVG entraîne la disparition de la référence de coût d’approvisionnement utilisée pour calculer les pertes de recettes des fournisseurs de gaz naturel, qui seront compensées. Par conséquent, compte tenu de la fin à venir des TRVG, il était nécessaire de prévoir un nouveau tarif de référence permettant de calculer les pertes de recettes des fournisseurs.

L’article 181 de la loi de finances pour 2023 prévoyait ainsi que la CRE devait proposer aux ministres chargés de l’économie, de l’énergie et du budget, avant le 31 janvier 2023, une référence de prix théorique du coût d’approvisionnement en gaz d’un fournisseur de consommateurs résidentiels, qui servira de base pour la compensation des fournisseurs de gaz en cas de prolongation du bouclier tarifaire à partir du 1er juillet 2023.

La délibération n° 2023-31 du 25 janvier 2023 formule la proposition attendue, après avoir consulté les acteurs sur la construction de la référence de coûts d’approvisionnement, en proposant « une formule indexée à 80 % sur le produit mensuel PEG et 20 % sur le produit trimestriel PEG, lissés sur le mois se terminant un mois avant la période de livraison visée ».

Selon la CRE, « cette formule de coûts indexée sur des produits de court terme sur le PEG répond aux attentes des acteurs (fournisseurs, associations gazières et associations de consommateurs), s’inscrit dans la continuité du TRVG actuel et est aisément réplicable par les fournisseurs ».

La Délibération n° 2023-32 de la CRE du 25 janvier 2023 portant évaluation des pertes des fournisseurs dans le cadre de la définition des acomptes à verser aux fournisseurs en compensation du gel des tarifs réglementés de vente de gaz naturel prise en application de l’article 181 de la loi de finances pour 2023 est venue quant à elle fixer les montants des compensations à verser aux fournisseurs.

L’article 181 de la loi de finances pour 2023 a en effet reconduit le principe de la compensation des pertes de recettes des fournisseurs de gaz dans le cadre des charges imputables aux obligations de service public, et prévu un guichet de déclaration de pertes de recettes prévisionnelles des fournisseurs de gaz couvrant le premier semestre 2023, de façon à pouvoir verser des acomptes aux fournisseurs, en anticipation du calcul de leurs charges de service public.

La délibération fixe ainsi les montants de la compensation des pertes de recettes à verser sous forme d’acomptes au titre du premier semestre de 2023 à chaque fournisseur en ayant fait la demande.

Le montant total des charges évaluées par la CRE sur la période visée s’élève à 1 805,6 M€, dont 281,1 M€ seront versés avant le 28 février 2022. Le détail des charges à compenser et les acomptes à verser en 2023 par opérateur figurent dans l’annexe confidentielle de la délibération.

Enfin, est ouverte jusqu’au 28 février prochain, une consultation publique relative à la définition d’un prix de référence du gaz dans l’optique de la fin des TRVG. Ainsi, la Consultation publique n° 2023-01 du 25 janvier 2023 relative à la définition d’un prix de référence du gaz pour les clients particuliers pour accompagner la fin des tarifs réglementés de vente de gaz naturel a pour objet de recueillir les avis des personnes intéressées sur le dispositif de prix de référence du gaz imaginé par la CRE.

En effet, la loi de finances 2023 prévoit la possibilité pour le Gouvernement de prolonger par décret jusqu’au 31 décembre 2023 le bouclier tarifaire, actuellement en vigueur jusqu’au 30 juin 2023. A partir du 1er juillet 2023, le bouclier s’appliquerait donc aux consommateurs domestiques et aux propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation et syndicats des copropriétaires d’un tel immeuble, sans condition sur le type d’offre souscrite, puisqu’au 30 juin 2023 date de fin des TRVG, les clients encore aux TRVG à cette date seront transférés automatiquement dans une offre de bascule de leur fournisseur historique.

C’est dans ce contexte que la CRE envisage de publier, à compter du 1er juillet 2023 et à un rythme mensuel, « des prix de référence du gaz (HT) s’inscrivant dans la continuité des TRVG historiques et représentatifs des offres que les fournisseurs devraient pouvoir proposer aux consommateurs résidentiels et aux petites copropriétés, compte tenu des conditions de marché et des coûts qu’ils supportent ».

La CRE souligne que ces prix de référence devront respecter un certain nombre de principes :

  • assurer une continuité avec les TRVG et donc être fondés sur des principes de calcul équivalents pour pouvoir jouer le même rôle d’offre de référence que les TRVG ;
  • être construits de façon à être aisément réplicables par les fournisseurs qui le souhaiteraient, tout en reflétant le comportement d’un acteur efficace ;
  • être adaptés à la réalité du marché de détail telle qu’observée dans la durée.

Production d’électricité et de gaz : projet de modification de la partie règlementaire du Code de l’énergie

Par une délibération en date du 26 janvier 2023, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) s’est prononcée sur un projet de décret visant à apporter un certain nombre de modifications au dispositions réglementaires du Code de l’énergie. Ces projets de modifications portent sur les sujets suivants :

  • Clarification des dispositions relatives à la phase de demandes d’informations lors des procédures d’appels d’offres et d’exclusion d’un candidat durant la phase de dialogue concurrentiel. Le projet de décret, d’une part, supprime la compétence de la CRE pour fixer un délai au ministre pour répondre aux questions et, d’autre part, précise que la CRE publie les réponses faites aux demandes d’informations formulées dans le cadre des appels d’offres dans un délai de quinze jours avant la date d’ouverture du dépôt des offres. La CRE ajoute à l’article R. 311-25-11 du Code de l’énergie que lors de la phase de dialogue concurrentiel, un candidat peut être exclu en cas de non-respect d’une prescription du règlement de consultation. Enfin, le projet de décret apporte des précisions relatives aux modifications non-substantielles du cahier des charges susceptibles d’être apportées en fin de procédure ;
  • Permission de procéder à la consignation auprès de la Caisse des dépôts d’une garantie financière constituée dans le cadre des procédures de mise en concurrence ;

Les modèles de cahiers des charges des appels d’offres prévoient fréquemment que les candidats doivent s’engager à constituer une garantie financière. Le projet de décret précise que la garantie financière peut prendre désormais la forme d’une consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations ;

  • Autorisation des cas de changement d’actionnaire pour les installations bénéficiant d’un soutien public : le projet de décret prévoit la modification des articles R. 311-27-5 et R. 314-10 du Code de l’énergie afin d’introduire une disposition relative au changement d’actionnaire après la mise en service complète de l’installation pour celles ayant recours à des procédures de mise en concurrence ou au guichet ouvert ;
  • Facilitation de l’accès de l’Etat et de la CRE aux données relatives aux installations bénéficiant d’un soutien public ;
  • Obligation des gestionnaires de réseaux de transmettre, sur la demande de l’Etat ou de la CRE, les éléments d’identification ou de caractérisation des installations bénéficiant d’un soutien public et les informations relatives à l’avancement des travaux de raccordement afférents. En outre, le projet de décret prévoit d’imposer aux cocontractants des contrats de soutien la transmission au Ministre chargé de l’énergie, à la CRE et au préfet des informations contenues dans les demandes de contrats et contrats d’obligation d’achat ou de complément de rémunération ainsi que des informations relatives à la négociation, la conclusion et l’exécution de ces contrats. Il étend cette obligation de transmission d’informations de manière similaire à la production de gaz renouvelables soutenue par l’Etat ;
  • Dispositions permettant la reprise, par les acheteurs obligés, des contrats d’achat gérés par un organisme agréé en cas de retrait de son agrément ;

Le projet de décret introduit un mécanisme de reprise des contrats par EDF ou les ELD en cas de retrait de l’agrément de l’organisme agréé, ainsi que l’introduction de nouvelles obligations d’information pesant sur l’organisme agréé ;

  • Organisation des échanges entre le Gouvernement et la CRE sur les appels d’offres.

Sous une réserve rédactionnelle et une réserve de fond liée au rôle de la CRE dans le cadre des procédures de dialogue concurrentiel et d’appel d’offres, cette dernière rend un avis favorable sur l’intégralité du projet de décret.

Evaluation environnementale : Parution du nouveau formulaire de demande d’examen au cas par cas

Conformément à l’article R. 122-3-1 du Code de l’environnement, le maître d’ouvrage d’un projet relevant d’un examen au cas par cas dans le cadre de l’évaluation environnementale doit renseigner les informations exigées dans un formulaire, adressé par voie électronique ou par pli recommandé à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Le nouveau modèle du formulaire pour la demande d’examen au cas par cas de l’évaluation environnementale, enregistré sous le numéro CERFA 14734*04, sa notice explicative et le bordereau des pièces à joindre ont été fixés par arrêté du 16 janvier 2023. Les modifications apportées par rapport à l’ancien formulaire portent notamment sur :

  • La mise en place de la « clause-filet » (cf. notre brève sur le sujet) ;
  • L’intégration de la distinction, portée par le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020, entre autorité chargée de l’examen au cas par cas et autorité environnementale ;
  • La prise en compte de l’avis motivé du 15 juillet 2022 de la Commission européenne, qui considère que la circonstance que le formulaire CERFA ne mentionne que la législation de l’Union européenne relative aux sites Natura 2000, et non l’ensemble des évaluations pertinentes des incidences sur l’environnement requises au titre d’autres législations applicables, est non-conforme à la directive 2011/92/UE.

Il est également précisé que le document dans lequel doivent être indiquées les informations nominatives relatives au maître d’ouvrage ou pétitionnaire, annexé au formulaire de demande d’examen au cas par cas devra être joint à la demande et ne sera pas publié sur le site internet de l’autorité environnementale.

L’ensemble de ces documents pourra être obtenu auprès de l’autorité administrative en charge de l’examen ainsi que sur les sites http://vosdroits.service-public.fr et https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/R15289.

Cet arrêté est entré en vigueur le 8 février 2023.

Précisions sur le pouvoir du préfet de déroger à certaines normes réglementaires

Le préfet s’est vu reconnaitre, par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, le droit de déroger aux normes réglementaires dans certains domaines pour prendre des décisions non réglementaires (voir notre brève sur le sujet).

Quatre conditions doivent être réunies afin que le préfet puisse déroger aux normes règlementaires :

  • la dérogation doit être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
  • elle doit avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
  • La dérogation doit par ailleurs être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • Elle ne doit pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

S’agissant de la troisième condition, une réponse ministérielle a précisé que les préfets ne peuvent se fonder sur le décret du 8 avril 2020 pour « déroger à des normes réglementaires ayant pour objet de garantir le respect de principes consacrés par la loi, tel le principe de non-régression, ni à des obligations issues du droit européen ou des conventions internationales ». Ainsi, les préfets ne peuvent déroger à l’obligation de soumettre certains projets à une évaluation environnementale, cette obligation découlant du droit de l’Union européenne et plus précisément de la directive 2011/92/UE.

Pollution de l’air : pas de recours indemnitaire possible sur le fondement du droit de l’Union européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, dans le cadre de la réponse à une question préjudicielle, sur l’indemnisation des préjudices causés aux particuliers par la pollution de l’air.

Dans cette affaire, un particulier avait notamment sollicité auprès du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l’indemnisation par l’Etat français des divers préjudices qui lui auraient été occasionnés du fait de la pollution atmosphérique de l’agglomération parisienne. Il soutenait en effet que l’Etat avait commis une faute en ne respectant pas les exigences européennes en la matière, découlant de la directive 2008/50, faute qui avait entrainé la détérioration de son état de santé.

Cette indemnisation lui a été refusée par le Tribunal administratif, qui a considéré que la directive 2008/50 ne conférait aucun droit aux particuliers à obtenir l’indemnisation d’un éventuel préjudice subi du fait de la dégradation de la qualité de l’air. Dans le cadre de la procédure d’appel de ce jugement, une question préjudicielle a été transmise à la CJUE afin de déterminer si le droit européen consacre un droit des particuliers à obtenir réparation de leurs préjudices en lien avec la dégradation de la qualité de l’air.

Dans sa décision, la CJUE rappelle les trois conditions devant être réunies pour que la responsabilité de l’État puisse être engagée pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union européenne :

  • la règle du droit de l’Union violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers ;
  • la violation de cette règle est suffisamment caractérisée ;
  • il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par les particuliers.

Pour engager la responsabilité de l’Etat, il est donc nécessaire en premier lieu d’identifier une norme de l’Union européenne conférant des droits aux particuliers.

Or, si la Cour relève que la directive 2008/50 impose « des obligations assez claires et précises quant au résultat que les États membres doivent veiller à assurer » en matière de qualité de l’air, ces obligations poursuivent un objectif général de protection de la santé humaine et de l’environnement dans son ensemble.

La Cour en conclut donc que la directive ne permet pas de considérer que « des particuliers ou des catégories de particuliers se seraient, en l’occurrence, implicitement vu conférer, à raison de ces obligations, des droits individuels dont la violation serait susceptible d’engager la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers ».

La première condition n’est donc pas remplie et les particuliers ne peuvent engager la responsabilité de l’Etat pour manquement au droit de l’Union européenne. Mais les particuliers peuvent toutefois former des recours pour demander l’adoption des mesures requises pour respecter les normes de qualité de l’air, y compris sous astreinte, et peuvent former un recours indemnitaire à l’encontre de l’Etat sur le fondement du droit national.

Evaluation environnementale : validation du dispositif de la clause-filet par le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat s’est prononcé dans un arrêt en date du 20 janvier 2023 sur le caractère complet du dispositif dit de la « clause-filet » de l’évaluation environnementale.

En effet, le dispositif de l’évaluation environnementale ayant été jugé incomplet par un arrêt du Conseil d’Etat du 15 avril 2021, le Gouvernement a défini sur injonction du juge et par le décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets une clause-filet visant à ce que, même en-deçà des seuils de la nomenclature de l’évaluation environnementale, un projet ayant des incidences notables sur l’environnement puisse être soumis à cette procédure.

L’article R. 122-2-1 du Code de l’environnement dispose ainsi désormais que « l’autorité compétente soumet à l’examen au cas par cas prévu au IV de l’article L. 122-1 tout projet, y compris de modification ou d’extension, situé en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 et dont elle est la première saisie, que ce soit dans le cadre d’une procédure d’autorisation ou d’une déclaration, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l’annexe de l’article R. 122-3-1 » (voir notre brève sur le sujet).

Ce dispositif a été soumis à l’examen du Conseil d’Etat qui s’est prononcé sur le caractère suffisant ou non de ce texte.

Le juge considère alors que :

  • D’une part ce dispositif n’exclut pas de son champ d’application « les déboisements d’une surface inférieure à 0,5 ha ou, de façon générale, les demandes d’extension ou de modification relatives à un projet donné », contrairement à ce que soutenaient les requérants ;
  • D’autre part, il institue bien une obligation de soumettre les projets ayant des incidences notables sur l’environnement à évaluation environnementale et non une simple possibilité.

Le juge considère alors que les exigences imposées par son arrêt du 15 avril 2021 ont bien été remplies, le dispositif de l’évaluation environnementale étant donc désormais complet.

Projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – Focus sur les principaux apports du texte

La version définitive du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables a été entérinée par la Commission mixte paritaire. Fruit du compromis entre les deux chambres du Parlement, le texte définitif, approuvé le 31 janvier 2023 par l’Assemblée Nationale et le 7 février dernier par le Sénat, réintègre des dispositions qui avaient été supprimées par l’Assemblée nationale, en adaptent d’autres, en supprime certaines (voir nos différents points d’étape sur le projet de loi).

Le texte va cependant, avant d’être promulgué, être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, saisi par des députés contestant la légalité de huit articles du projet de loi. Sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel, la loi d’accélération des énergies renouvelables devrait donc être publiée prochainement.

La particularité de ce texte tient à sa transversalité. Les Codes de l’environnement, de l’urbanisme, des impositions sur les biens et les services, ou encore de l’énergie se trouvent enrichis de nouvelles dispositions. Zones d’accélération des énergies renouvelables, obligation d’installer des dispositifs de production d’énergie renouvelable sur le foncier public ou privé, agrivoltaïsme, autoconsommation, PPA…

Véritable coup d’accélérateur ou complexification malvenue du cadre légal applicable aux énergies renouvelables ?

Nous vous proposons un tour d’horizon non exhaustif des nouvelles dispositions tant sur le plan du droit de l’énergie (I), que sur les sujets liés à l’urbanisme et à l’environnement (II).

 

I. Principaux apports au regard du droit de l’énergie

Si les dispositions du texte touchant au droit de l’énergie sont évidemment nombreuses, certains sujets méritent une attention particulière.

Power Purchase Agreements – PPA

Tout d’abord, le projet de loi crée un cadre juridique applicable aux contrats directs de long terme de vente d’électricité d’origine renouvelable, communément désignés par l’acronyme anglais PPA (pour « Power Purchase Agreement »). La possibilité de recourir à de tels contrats est enfin consacrée, notamment pour les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices.

Si aucune définition de ce type de contrat n’est fournie par le projet de loi, son article 86 I modifie l’article L. 333-1 du Code de l’énergie afin d’intégrer les « producteurs d’électricité concluant un contrat de vente directe d’électricité à des consommateurs finals ou à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes » au nombre des entités devant être titulaires d’une autorisation pour exercer leur activité.

Les producteurs d’électricité seront donc soumis à la même obligation que les fournisseurs, sauf à « désigner un producteur ou un fournisseur tiers, déjà titulaire d’une telle autorisation, afin qu’il assume, par délégation, à l’égard des consommateurs finals, les obligations incombant aux fournisseurs d’électricité ».

L’article 86 I 3 du projet de loi insère en outre un article L. 331-5 dans le Code de l’énergie aux termes duquel : « les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices […] peuvent recourir à des contrats de la commande publique pour répondre à leur besoin en électricité produite à partir de sources renouvelables […]. Dans le cadre d’un contrat de vente directe à long terme d’électricité ».

Est ainsi consacrée, tout à la fois, la possibilité pour les personnes soumises au Code de la commande publique de recourir à ce type de contrat pour satisfaire leurs besoins en électricité, mais également la nécessité pour conclure ces contrats de s’inscrire dans le cadre défini par ledit Code.

Le dernier alinéa du nouvel article L. 331-5 du Code de l’énergie apporte enfin des précisions sur la détermination de la durée de ces contrats. Ainsi, elle doit être définie en tenant compte de la nature des prestations réalisées et de l’amortissement des installations, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’acquiert pas l’installation en fin de contrat.

Les contrats de longue durée sont en principe proscrits s’agissant des marchés publics. Par dérogation donc, le législateur propose de consacrer pour les contrats de vente directe d’électricité la possibilité de recourir à des contrats de longue durée pour la fourniture en électricité.

Un dispositif miroir est prévu pour la fourniture de gaz renouvelable par la codification d’un nouvel article L. 441-6 dans le Code de l’énergie et la modification de l’article L. 443-1 du même Code consacrant les contrats de vente directe à long terme de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas‑carbone.

L’intégration de ces dispositifs dans le droit positif répond à un besoin fort exprimé par les acheteurs publics dans le contexte actuel de crise énergétique et de hausse massive des coûts d’approvisionnement en électricité.

Autoconsommation individuelle et collective

Le projet de loi apporte ensuite diverses précisions concernant le cadre applicable aux opérations d’autoconsommation individuelle et collective menées, notamment, par les personnes publiques.

En premier lieu, la possibilité pour les personnes publiques de recourir à de telles opérations pour satisfaire leurs besoins énergétiques est explicitement consacrée. Aux termes du point 3° de l’article 86 I du projet de loi précité, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices peuvent recourir à un contrat de la commande publique pour répondre à leurs besoins en matière d’électricité produite à partir de sources renouvelables :

« 1° Avec un tiers mentionné à l’article L. 3151 pour la mise en œuvre d’une opération d’autoconsommation individuelle mentionnée au même article L. 3151. Ce contrat peut confier au titulaire l’installation, la gestion, l’entretien et la maintenance de l’installation de production pour autant qu’il demeure soumis aux instructions de l’autoproducteur ;

2° Dans le cadre d’une opération d’autoconsommation collective mentionnée à l’article L. 3152 avec un ou plusieurs producteurs participant à cette opération ».

Néanmoins, comme pour le PPA, le projet de loi confirme que tant la désignation du tiers investisseur d’une opération d’autoconsommation individuelle que la contractualisation avec le producteur d’une opération d’autoconsommation collective s’effectuent au moyen d’« un contrat de la commande publique ». Cette précision ouvre ainsi un vaste champ d’interrogations pour les acheteurs publics s’agissant des modalités d’organisation de cette mise en concurrence, en particulier s’agissant de l’autoconsommation collective.

En deuxième lieu, la participation d’un producteur à une opération d’autoconsommation collective peut désormais constituer son activité professionnelle ou commerciale principale. « Aux termes de l’article 48 du projet de loi portant modification de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie, le producteur n’est plus concerné par l’interdiction d’avoir pour activité professionnelle ou commerciale principale une activité d’autoconsommation collective.

En troisième lieu, on signalera, concernant les organismes d’habitation à loyer modéré mettant en place une opération d’autoconsommation collective, que l’article 49 du projet de loi impose une obligation d’affectation des recettes liées à la vente du surplus de l’électricité produite dans le cadre de l’opération d’autoconsommation à la réduction des coûts engendrés par ladite opération lorsque ces coûts sont imputés par l’organisme d’habitations à loyer modéré sur les charges des parties communes.

Autoconsommation de gaz renouvelable

L’article 100 du projet de loi insère un chapitre VIII dans le titre IV du livre IV de la partie législative du Code de l’énergie, relatif à l’autoconsommation de gaz renouvelable, nommé « autoconsommation collective étendue ». Le régime applicable au gaz renouvelable est en tout point similaire à celui déjà existant en matière d’électricité d’origine renouvelable. Comme pour ce dernier, un décret devra préciser les conditions d’application du chapitre, et notamment le critère de proximité géographique afférant à l’opération d’autoconsommation collective étendue de gaz renouvelable.

Communautés d’énergie  

Par ailleurs, l’article 3 du projet de loi apporte des modifications du régime des communautés d’énergie en modifiant les dispositions existantes et en en intégrant de nouvelles.

Pour mémoire, les communautés d’énergie renouvelable (ci-après, CER) et les communautés énergétiques citoyennes (ci-après, CEC) constituent des outils récemment introduits dans le Code de l’énergie et dont l’objet est de donner un cadre aux initiatives et projets locaux en matière, notamment, de production d’énergie renouvelable. Toutefois, à ce jour, le cadre juridique applicable à ces outils demeure incomplet, faute notamment de dispositions réglementaires. Le projet de loi pallie partiellement ces lacunes.

Concernant la forme que peuvent prendre les communautés d’énergie, l’article crée deux nouvelles dispositions, les articles L. 291-3 et L.292-4 du Code de l’énergie, concernant respectivement les CER et les CEC, dont il résulte que les communautés d’énergie peuvent prendre la forme d’une société anonyme, d’une société par actions simplifiées, d’une société coopérative d’intérêt collectif ou d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901.

Concernant les personnes pouvant prendre part au capital des communautés d’énergie, il convient de distinguer les CER et les CEC.

Aux termes de l’article L. 291-1 modifié du Code de l’énergie, peuvent être membre des CER, en plus des membres auxquels la participation était déjà ouverte (pour rappel, personnes physiques, petites et moyennes entreprises, collectivités territoriales et leurs groupements, associations), les société d’économie mixte locale, les fonds d’entreprenariat social spécialisés dans l’investissement en capital dans les énergies renouvelables, les sociétés ayant pour objet le développement des énergies renouvelables et bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».

Aux termes de l’article L. 292-1 modifié du Code de l’énergie, peuvent être membres des CEC, en plus des membres auxquels la participation était déjà ouverte (pour rappel, personnes physiques, collectivité territoriales et leurs groupements, petites entreprises telles que définies par la directive 2019/944), les sociétés d’économie mixte locales, les fonds d’entreprenariat social spécialisés dans l’investissement en capital exerçant les missions dévolues à la CEC, les sociétés ayant pour objet les missions dévolues à la CEC et bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », les associations dont les membres sont des personnes physiques, des PME, des collectivités territoriales ou leurs groupements ou des sociétés d’économie mixte locales.

Enfin, concernant seulement les CER, le projet de loi instaure un droit de préemption sur les parts de capital vendues par une entreprise membre d’une CER au profit de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales dont la participation est la plus élevée. Il est précisé qu’à défaut de préemption, la société peut céder librement sa participation.

Raccordement au réseau de distribution d’électricité, prise en charge des coûts : suppression de la contribution des collectivités en charge de l’urbanisme

Dans un autre domaine, le projet de loi prévoit la suppression de la contribution due par les communes et établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) en charge de l’urbanisme au financement de l’extension des réseaux publics de distribution d’électricité. En effet, l’article 29, I., 7° du projet de loi prévoit la suppression du deuxième alinéa du 1° de l’article L. 342-11 du Code de l’énergie qui prévoit actuellement : « la part de contribution correspondant à l’extension située hors du terrain d’assiette de l’opération reste due par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d’urbanisme ».

Cette suppression était envisagée dès le texte initial présenté par le Gouvernement, au titre de l’habilitation demandée au Parlement de pouvoir légiférer par voie d’ordonnance (cf. Etude d’impact du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, Point 3.2. Quatrième point). Le principe même de la suppression a été consacré directement dans la loi par le Sénat, puis par la Commission mixte paritaire (Cf. Article 29 du projet de loi).

Il reste que la part des coûts de branchement et d’extension des réseaux non couverts par le TURPE peut toujours faire l’objet de la contribution due par le redevable tel que prévue par les articles L. 342-6 à L. 342-12 du Code de l’énergie.

Et le TURPE ne peut en principe toujours couvrir que 40 % du coût de raccordement. Par exception, il est prévu dans ce texte nouveau que la part prise en charge par le TURPE peut être portée à 60 % (installation de production d’énergie renouvelable d’une puissance inférieure à 500kW) voire 80 % (travaux de remplacement ou d’adaptation d’ouvrages existants ou de création de canalisations parallèles à des canalisations existantes afin d’en éviter le remplacement) (Cf. Article L. 341-2-1 du Code de l’énergie introduit par le projet de loi).

Les modalités concrètes de répartition du coût restant dans le cas d’une demande de raccordement par le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, notamment constituées par l’extension du réseau entre le terrain d’assiette et le réseau public de distribution, ne sont pas encore déterminées.

En principe, le Gouvernement devrait apporter les précisions nécessaires par voie d’ordonnance (voir ci-après). Les nouvelles dispositions concernant la prise en charge du coût du raccordement entre le terrain d’assiette et le réseau public de distribution seront donc connues à l’issue de ce délai. Le coût de raccordement ne sera en revanche plus pris en partie en charge par les collectivités en charge de l’urbanisme dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, une fois celle-ci promulguée.

Habilitation du gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance  

Le Gouvernement est en outre habilité, pour une durée de six mois, à légiférer par voie d’ordonnance pour les sujets liés au raccordement. En effet, aux termes de l’article 26 du projet de loi, le Gouvernement est habilité pour intervenir sur les sujets suivants :

  • Amélioration de la cohérence interne et de la lisibilité des dispositions relatives au raccordement ;
  • Clarification des modalités de prise en charge des coûts de raccordement (contribution et TURPE), dans la continuité de la modification d’ores et déjà apportée sur la contribution des collectivités en charge de l’urbanisme vue supra;
  • Adaptation dans les ZNI des schémas de raccordement des énergies renouvelables et des modalités de réfaction pour les installations de production d’énergie renouvelable ;
  • Modification du périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport ;
  • Prévision des conditions d’évolutions permises par les conventions de raccordement concernant la puissance de raccordement ;
  • Suppression des dispositions et références devenues sans objet ou obsolètes ainsi que des incohérences rédactionnelles.

Adaptation des procédures de mise en concurrence sur le domaine public de l’État, des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre afin d’accélérer le développement de projets de production d’ENR

Pour rappel, l’article 52 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique avait d’ores et déjà complété l’article L. 2122-1-3-1 du Code général des propriétés des personnes publiques afin de permettre à l’autorité compétente, pour le domaine public appartenant à l’État, de renoncer à organiser une procédure de mise en concurrence lorsque le titre d’occupation est destiné à l’installation et à l’exploitation d’une installation de production d’énergies renouvelables bénéficiant d’un soutien public au terme d’une procédure de mise en concurrence.

Il s’agissait plus précisément des installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables bénéficiant d’un soutien public au terme d’une des procédures de mise en concurrence prévues aux articles L. 311-10 ou L. 311-11-1 du Code de l’énergie ; et des installations de production de biogaz mises en place dans le cadre d’une des procédures de mise en concurrence mentionnées aux articles L. 446-5, L. 446-14 ou L. 446-15 du même Code.

Par la suite, l’article 87 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » a étendu cette faculté aux installations de production d’hydrogène renouvelable ou d’hydrogène bas-carbone par électrolyse de l’eau, bénéficiant d’un soutien public au titre de l’article L. 812-2 du Code de l’énergie.

Il convient de préciser que si ces dispositions ont vocation à éviter la mise en place de deux procédures de sélection successives, génératrices de délais, elles n’exonèrent cependant pas l’autorité compétente d’effectuer des mesures de publicité préalable suffisantes pour permettre aux candidats potentiels à l’occupation du domaine public de se manifester.

En effet, l’autorité compétente doit délivrer dans les mêmes conditions, à chaque candidat qui a manifesté son intérêt, un accord de principe à la délivrance du titre d’occupation, conditionné au fait que le projet d’installation soit lauréat d’une des procédures de mise en concurrence prévues par le code de l’énergie et au respect d’un cahier des charges établi par l’autorité compétente. Si plusieurs projets sont lauréats, il est alors prévu que l’autorité compétente délivre le titre d’occupation au lauréat le mieux noté dans la procédure de mise en concurrence précitée.

L’article L. 2122-1-3-1 du Code général des propriétés des personnes publiques issu de la présente loi étend désormais ces dispositions :

  • aux concessionnaires du domaine public de l’État qui détiennent en vertu d’un texte (une loi ou un règlement), ou en vertu de leur propre titre d’occupation, la compétence de délivrer un titre d’occupation du domaine concédé. Ils pourront de la sorte dispenser les projets d’ENR de mise en concurrence pour occuper leur partie du domaine lorsque ces projets auront déjà fait l’objet d’une sélection pour les soutiens publics. Cela concernerait tous les gestionnaires du domaine public (VNF, CNR, EDF, etc.) et non uniquement ceux des concessions autoroutières.
  • aux collectivités territoriales ou aux EPCI à fiscalité propre pour le domaine public leur appartenant, étant précisé qu’en séance publique en première lecture, l’Assemblé nationale avait pourtant adopté l’amendement n° 2787 supprimant cette extension au motif d’une part qu’elle allait favoriser les gros opérateurs au détriment des acteurs citoyens, coopératifs ou des SEM, et d’autre part, qu’elle allait aboutir à la sélection en appel d’offres de projets trop éloignés des contraintes technico-économiques imposées par le foncier mis à disposition.

Toutefois, la possibilité pour leur éventuel gestionnaire de se substituer à eux a été exclue afin qu’ils demeurent pleinement libres d’exercer ou non cette compétence.

Ce nouvel article L. 2122-1-3-1 du Code général des propriétés des personnes publiques impose enfin à l’État de fixer, par décret, pour la période 2023-2027, un objectif de mise à disposition de terrains dans ses domaines public et privé pour le développement des ENR, pour chacun des ministères ou opérateurs gestionnaires du domaine public ou du domaine privé de l’État.

Caractère facultatif d’un budget annexe pour les ouvrages publics de production d’électricité photovoltaïque en cas d’autoconsommation

Par dérogation à l’article L. 1412-1 du Code général des collectivités territoriales, l’article 88 de la loi a supprimé l’obligation de constituer une régie et un budget annexe pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics de coopération intercommunale ou les syndicats mixtes qui exploitent un service de production d’électricité photovoltaïque n’excédant pas un seuil de puissance défini par arrêté conjoint du Ministre chargé de l’énergie et des collectivités territoriales, dans le cadre :

  • d’une opération d’autoconsommation individuelle prévue à l’article L. 315-1 du Code l’énergie ;
  • d’une opération d’autoconsommation collective prévue à l’article L. 315-2 du même Code sous réserve des critères fixés par arrêté du Ministre chargé de l’énergie.

De plus, par dérogation à l’article L. 2224-2 du Code général des collectivités territoriales, les conseils municipaux pourraient ainsi prendre en charge dans leur budget propre, sans avoir à établir un budget annexe, les dépenses afférentes à l’installation et à l’exploitation de panneaux solaires (par exemple, par les contributions des membres du syndicat mixte en vertu de l’article L. 5212-19 du CGCT).

En effet, pour rappel, la doctrine administrative retient, en cohérence avec la jurisprudence, que la production d’électricité de source solaire présente un caractère industriel et commercial dès lors que la collectivité productrice conclut un contrat d’obligation d’achat qui génère des recettes d’exploitation par le prix de vente de l’électricité revendue (Rép. Min. QE n° 56011 en date du 27 mai 2014, JOAN page 4192).

Or, cette qualification de SPIC implique la création d’une régie conformément à l’article L. 1412-1 du Code général des collectivités territoriales, ce qui suppose la création d’un budget annexe qui a pour objet d’individualiser et de retracer les dépenses et recettes inhérentes au fonctionnement du service et à ses investissements en matière de production d’électricité photovoltaïque.

De plus, cette qualification impose d’assurer l’équilibre en recettes et en dépenses du budget du service et interdit toute prise en charge des dépenses du service public industriel et commercial par la collectivité en vertu de l’article L. 2224-2 du Code général des collectivités territoriales. Le conseil municipal ne peut en décider autrement que dans trois cas :

  • lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ;
  • lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ;
  • lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la commune aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs.

La modification introduite par l’article 88 était particulièrement attendue par les collectivités et les groupements de collectivités dont la charge humaine et financière résultant de la création d’une régie, notamment pour assurer le suivi administratif, présente un frein au développement de leurs projets en autoconsommation individuelle ou collective dans le cadre desquels ils/elles souhaitent vendre leur surplus d’électricité compte tenu de la faible puissance de l’installation. En effet, dès lors que ces collectivités enregistreraient plus de dépenses pour définir un budget annexe que de recettes grâce à l’autoconsommation, elles abandonnent leurs projets.

Outre la charge que représente la création d’un budget annexe, cette nouvelle dérogation intéressera les communes qui ne disposent pas toujours des besoins suffisants pour absorber de manière continue la production d’électricité et n’ont, en l’absence d’une revente d’une partie conséquente de cette dernière, aucune incitation à réaliser de telles opérations qui demeurent déficitaires et pour lesquelles il leur est interdit toute prise en charge des dépenses par le budget de la collectivité.

Toutefois, l’impact de ces nouvelles dispositions va dépendre du seuil de puissance retenu par l’arrêté conjoint du Ministre chargé de l’énergie et des collectivités territoriales. En effet, si le seuil retenu est trop bas, nombre de communes continueront d’abandonner des projets en autoconsommation dans la mesure où ils ne répondront pas à la satisfaction de leurs faibles besoins et qu’elles devront créer un budget annexe pour revendre leur surplus.

Perception anticipée de l’intégralité de la redevance d’occupation domaniale pour le financement d’une participation au capital d’une entreprise productrice d’énergie renouvelable

L’article 96 de la loi commentée a ajouté à l’article L. 2125-4 du Code général des propriétés des personnes publiques un alinéa autorisant les collectivités territoriales ou leurs groupements – à l’exclusion  donc de l’Etat et de ses établissements publics – à percevoir par anticipation l’intégralité de la redevance due au titre de l’occupation ou de l’utilisation d’une partie de leur domaine public, dès lors que le produit ainsi perçu sert au financement de la participation au capital d’une société ayant pour objet social la production d’énergie renouvelable.

Cet article établit de la sorte une nouvelle dérogation au principe du paiement annuel et par avance de la redevance d’occupation ou d’utilisation du domaine public, en considération de la poursuite d’un objectif qui peut relever d’un intérêt public.

Par la référence aux articles L. 2253-1, L. 3231-6 et le 14° de l’article L. 4211-1 du CGCT, il n’autorise le recours à une telle dérogation que pour le financement de la participation des communes, des départements et des régions au capital social de sociétés dont l’objet social est la production d’énergie renouvelable ou d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone. Du reste, et par symétrie avec ces dispositions, seules entrent dans le champ du dispositif les sociétés anonymes et les sociétés par actions simplifiées.

Le pouvoir réglementaire est par ailleurs chargé de définir, par décret en Conseil d’État, les modalités d’application du nouvel alinéa, notamment les conditions d’inscription au budget des collectivités ou de leurs groupements.

Cette disposition donne ainsi aux collectivités territoriales un instrument de soutien financier à des entreprises engagées dans le développement des énergies renouvelables sans obérer leurs ressources.

Plan de valorisation du foncier des entreprises pour la production d’énergies renouvelables

Les entreprises publiques et les sociétés dont l’effectif salarié est supérieur à 250 personnes devront établir un plan de valorisation de leur foncier en vue de produire des énergies renouvelables dans un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la loi. Cette obligation devrait concerner près de 6 000 entreprises privées.

Le plan de valorisation du foncier devra être assorti d’objectifs quantitatifs et par typologie de production d’énergie renouvelable au sens de l’article L. 211-2 du Code de l’énergie, à savoir l’énergie éolienne, l’énergie solaire, l’énergie géothermique, l’énergie hydroélectrique, la biomasse et le biogaz.

Cette disposition part du constat qu’il existe du foncier détenu par des entreprises qui n’est pas valorisé pour installer des ENR. L’établissement de tels plans permettra de connaître les réserves foncières disséminées sur le territoire national qui pourraient être utilement mobilisées pour l’implantation d’ENR, ainsi que d’inciter les entreprises à le valoriser.

La valorisation du foncier des entreprises pour l’installation des énergies renouvelables concourt à limiter l’anthropisation de nouvelles zones et à assurer le respect de l’objectif « zéro artificialisation nette » d’ici à 2050, fixé par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

 

II. Principaux apports au regard du droit de l’urbanisme et de l’environnement

Adaptation à la procédure d’autorisation environnementale (article 1ànouvel article 5)

Toute une série de mesures ponctuelles, visant à gagner du temps dans l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale en vue de la réalisation d’installations de production d’énergies renouvelables sont prévues par la loi.

Les activités concernées par ces mesures sont les suivantes ;

  • La production ou le stockage d’électricité, de chaleur, de froid ou de gaz à partir des sources renouvelables ;
  • La fabrication ou l’assemblage de produits ou équipements nécessaires à ces activités ;
  • Les projets de modification d’installations industrielles ayant pour objectif :
    • Le remplacement de combustibles fossiles pour la production d’énergie ;
    • L’amélioration de l’efficacité énergétique ;
    • La diminution significative des émissions de gaz à effet de serre.
  • Les activités ou opérations de préparation de déchets en vue de la réutilisation, de recyclage.

Les mesures en cause sont principalement les suivantes :

  • Suppression de la possibilité pour le porteur de projet de demandes un certificat de projet ;
  • Permettre le rejet d’une demande de mauvaise qualité pendant la phase d’examen et non à l’issue de celle-ci ;
  • Supprimer la possibilité pour l’autorité compétente d’organiser une enquête publique à la place d’une participation du public par voie électronique lorsque l’enquête publique n’est pas automatique.

La mesure envisagée prévoit que l’application sera limitée à une durée de 48 mois à compter de la publication de la loi au JO.

Un décret en Conseil d’Etat devra préciser la liste des installations et opérations concernées.

Extension du régime de la participation du public par voie électronique aux projets soumis à déclaration préalable de travaux (article 2 ànouvel article 13)

L’article L. 123-2 du Code de l’environnement prévoit actuellement que les permis d’aménager et les permis de construire soumis à évaluation environnementale après examen au cas par cas ne sont pas soumis à une enquête publique, mais à une participation du public par voie électronique.

La loi prévoit d’étendre ce point aux déclaration préalable et aux permis de démolir soumis à évaluation environnementale après examen au cas par cas, notamment pour tenir compte du fait que les parcs photovoltaïques au sol de moins de 1 MWc font l’objet d’une évaluation environnementale à la suite d’un examen au cas par cas, et que la loi commentée prévoit que les petits parcs sont désormais soumis à déclaration préalable de travaux et non plus à permis de construire.

 Création de zones d’accélérations des énergies renouvelables (art. 3 et 3 bis à nouveaux article 15 et 17)

Le projet de loi adopté le 7 février 2023 prévoit, dans un nouvel article L. 141-5-3 du Code de l’énergie, la création de zones d’accélération au sein desquelles les installations terrestres de production d’énergies renouvelables et leurs ouvrages connexes auront vocation à être déployées (article 15 du projet de loi du 7 février 2023).

Il s’agit de zones disposant d’un potentiel pour l’accélération de la production des énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 du Code de l’énergie et permettant d’atteindre les objectifs mentionnés à l’article L. 100-4 du même Code. Ces zones sont définies de manière à prévenir et maitriser les dangers ou inconvénients résultant de l’implantation des ouvrages nécessaires à la production d’énergie.

Les lieux d’implantation de ces zones d’accélération seront identifiés par les communes dans le cadre d’une délibération du conseil municipal, après concertation du public selon des modalités qu’elles définissent librement, au regard des informations relatives aux potentiels énergétiques, renouvelables et récupérables mobilisables transmises par l’Etat, dans les conditions prévues aux nouvelles dispositions de l’article L. 141-5-3 du Code de l’énergie. Le choix du lieu d’implantation de ces zones devra tenir compte de l’inventaire relatif aux zones d’activité économique prévu à l’article L. 318‑8‑2 du Code de l’urbanisme, afin de valoriser celles présentant un potentiel pour le développement des énergies renouvelables.

Les zones pourront être identifiées dans les périmètres des aires protégées (article L. 110‑4 du Code de l’environnement) et dans les périmètres des grands sites de France (article L. 341‑15‑1 du même Code), après avoir sollicité l’avis du gestionnaire. Elles pourront également être situées dans le périmètre d’un parc naturel régional après concertation du syndicat mixte gestionnaire. En revanche, sauf cas des procédés en toiture, ces zones ne pourront pas être localisées dans les parcs nationaux et les réserves naturelles ni, lorsqu’elles concernent le déploiement d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent, dans les sites classés dans la catégorie de zone de protection spéciale ou de zone spéciale de conservation des chiroptères au sein du réseau Natura 2000.

Une cartographe des zones d’accélérations, identifiées par les communes, est arrêtée par le référent préfectoral après avis du comité régional de l’énergie ou de l’organe en tenant lieu, dans les conditions fixées par le nouvel article L. 141-5-3 du Code de l’énergie.

  • L’article 15 du projet de loi du 7 février 2023 dote les auteurs des documents de planification et des documents d’urbanisme d’un pouvoir d’identification des zones d’accélération de production d’énergie renouvelable.

Le projet de loi modifie l’article L. 141-10 du Code de l’urbanisme relatif au contenu du Document d’Orientation et d’Objectifs (DOO) du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) et précise que les orientations de ce document contribuent à favoriser « l’accroissement du stockage de carbone dans les sols et les milieux naturels et le développement des énergies renouvelables, au sens de l’article L. 2112 du code de l’énergie ». En l’absence de PLU ou de carte communale, le DOO peut ainsi « délimiter, sur proposition ou avis conforme des communes concernées, des secteurs dans lesquels est soumise à conditions l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant ».

Est également modifié l’article L. 151-7 du Code de l’urbanisme qui permet désormais aux auteurs du Plan Local d’Urbanisme (PLU), lorsque la commune concernée n’est pas régie par un SCOT, d’identifier des zones d’accélération au sein des orientation d’aménagement et de programmation (OAP). Le cas échéant, lorsque la commune n’est régie ni par un SCOT, ni par un PLU, l’identification des zones d’accélération peut être effectuée au sein des cartes communales (article L. 161-4 du Code de l’urbanisme, modifié).

Les documents de planification et d’urbanisme peuvent, également, prévoir des secteurs dans lesquels dans lesquelles les zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables seront interdites.

En effet, le DOO du SCoT et le Règlement du PLU pourront désormais, pour les communes des départements pour lesquels une cartographie des zones d’accélération a été arrêtée et lorsque l’avis du comité régional de l’énergie a estimé que les zones d’accélération identifiées étaient suffisantes pour l’atteinte les objectifs régionaux (tel que prévu à l’article L. 141‑5‑3 du Code de l’énergie), « délimiter des secteurs où est exclue l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant ».

Les cartes communales pourront, quant à elle, délimiter des secteurs dans lesquels l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables est soumise à conditions dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte aux mêmes espaces protégés.

Reconnaissance du caractère de RIIPM à certains projets d’installations d’énergie renouvelable et à certains projets déclarés d’utilité publique (article 4àdevenu 19)

Reconnaître la Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur (RIIPM) pour les projets d’énergies renouvelables

Dans le cadre des procédures de demande de dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, la loi prévoit une reconnaissance automatique de la délicate condition de raison impérative d’intérêt public majeur pour les projets d’énergie renouvelable et les ouvrages permettant le raccordement des installations aux réseaux de transport et de distribution d’énergie respectant certaines conditions techniques.

Un décret en Conseil d’Etat devra préciser les conditions techniques auxquelles doivent répondre les projets d’énergies renouvelables pour être regardés comme constituant des RIIPM, notamment en ce qui concerne leur puissance et le type de source renouvelable.

Prévoir que la DUP puisse valoir reconnaissance du caractère d’opérations répondant à des RIIPM

Les notions d’utilité publique utilisée dans le cadre des DUP et de RIIPM ne se confondent pas.

Il peut donc arriver qu’un projet bénéficiant d’une DUP soit finalement remis en cause plusieurs années plus tard faute pour le projet de caractériser une raison impérative d’intérêt public majeur. C’est pour éviter cette situation que la loi commentée entend permettre, avant la finalisation du dossier d’autorisation et l’engagement de la phase travaux, d’interroger le caractère de RIIPM du projet, dès la phase de DUP.

Ainsi, un nouvel article L. 411-2-2 du Code de l’environnement prévoit que la DUP peut reconnaître, pour l’opération concernée, le caractère de l’opération répondant à une RIIPM au sens de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement.

Modifications apportées à l’office du juge de plein contentieux des autorisations environnementales (article 5ànouvel article 23)

Tout comme cela avait été fait pour les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme s’agissant des autorisations d’urbanisme, la loi prévoit de modifier l’article L. 181-18 du Code de l’environnement qui organise les conditions de régularisation après sursis à statuer et d’annulation partielle des autorisations environnementale, pour préciser que, lorsque les conditions d’un tel sursis à statuer ou annulation partielle sont réunies, alors leur mise en œuvre ne sera plus une possibilité pour le juge, mais bien une obligation.

Cela doit conduire à exiger du juge administratif qu’il fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement.

Obligation d’installer des dispositifs de production d’énergies renouvelables sur les parcs de stationnement de plus de 1.500 m² (article 11 à 40)

  • Le projet de loi adopté le 7 février 2023 impose aux parcs de stationnement de plus de
    500 m² (contre 2.500 m² dans le texte initial), de s’équiper sur au moins la moitié de leur superficie d’ombrières photovoltaïques ou, lorsque les parcs de stationnement sont extérieurs, d’autres procédés de production permettant une production équivalente d’énergie renouvelable. Lorsque plusieurs parcs de stationnement sont adjacents, les procédés pourront être mutualisés.

Cela étant, si la mise en œuvre de cette obligation se heurte à des contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales faisant obstacle à l’installations d’ombrières photovoltaïques, ou si elle ne peut être respectée dans des conditions économiquement acceptables, le gestionnaire du parc de stationnement pourra être exempté de toute obligation. De la même manière, aucune obligation l’installation d’ombrières photovoltaïques ne s’imposera lorsque le parc de stationnement est ombragé par des arbres sur au moins la moitié de sa superficie.

Cette obligation ne trouvera, par ailleurs, pas à s’appliquer lorsque la suppression ou la transformation totale ou partielle du parking est prévue dans le cadre d’une action ou d’une opération d’aménagement (article L. 300-1 du Code de l’urbanisme) pour laquelle une première autorisation est délivrée avant l’expiration des délais par l’article 40 du projet de loi adopté.

  • Pour tous les parcs de stationnement concernés, cette nouvelle obligation s’appliquera, sans préjudice de l’article L. 111‑19‑1 du code de l’urbanisme et de l’article L. 171‑4 du code de la construction et de l’habitation modifiés par l’article 101 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, aux parcs de stationnement extérieurs existant au 1er juillet 2023 et à ceux dont la demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée à compter de la promulgation de la loi. Pour mémoire, l’article 101 a déjà renforcé les obligations de performance énergétique et environnementale de certains bâtiments ou à usage économique et des aires de stationnement associées en imposant sur ces dernières de recourir à « des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols».

Le projet de loi effectue, toutefois, une distinction en fonction du type de gestion des parcs de stationnement.

Ainsi, lorsque le parking est géré en concession ou en délégation de service public, l’obligation doit être remplie à l’occasion de la conclusion d’un nouveau contrat de concession ou de délégation ou de son renouvellement. Si la conclusion ou le renouvellement intervient avant le 1er juillet 2026, l’obligation s’applique à cette date. Si elle est postérieure au 1er juillet 2028, l’obligation entre en vigueur le 1er juillet 2028. En revanche, lorsque le parking n’est pas géré en concession ou en délégation de service public, l’obligation entre en vigueur au 1er juillet 2026 pour les parcs dont la superficie est égale ou supérieure à 10.000 m² et le 1er juillet 2028 pour ceux dont la superficie est comprise entre 10.000 m² et 1.500 m².

Un délai supplémentaire peut toutefois être accordé par le préfet, lorsque le gestionnaire justifie que les diligences nécessaires ont été mises en œuvre pour satisfaire à ses obligations dans les délais impartis et que le retard ne lui est pas imputable.

De même, un report de délai peut être prononcé par le préfet pour les parcs de stationnement dont la suppression ou la transformation totale ou partielle est programmée dans le cadre d’une action ou d’une opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 300‑1 du Code de l’urbanisme faisant l’objet d’un projet partenarial d’aménagement (article L. 312‑1 du même Code), d’une convention d’opération de revitalisation de territoire mentionnée (article L. 303‑2 du Code de la construction et de l’habitation) nécessaire à la réalisation d’une opération d’intérêt national (article L. 102‑12 du Code de l’urbanisme ou s’inscrivant dans une OAP d’un PLU approuvé ou dont l’élaboration ou la révision est arrêtée avant les délais susmentionnés.

En cas de non-respect de ces obligations, les gestionnaires de parcs de stationnement s’exposent à une amende plafonnée à 10.000 ou 20.000 euros en fonction de la superficie du parking. L’infraction est alors constatée par les fonctionnaires et les agents publics visés à l’article L. 142‑21 du Code de l’énergie ainsi que par les officiers ou les agents de police judiciaire et les fonctionnaires et les agents mentionnés par l’article L. 480‑1 du Code de l’urbanisme.

Encadrement de l’agrivoltaïsme (article 11 decies à 54)

Absent du projet de loi initial, l’encadrement de l’agrivoltaïsme a été introduit par le Sénat en première lecture. Le texte approuvé le 7 février 2023 modifie ainsi le Code de l’énergie et de l’urbanisme afin d’y insérer des dispositions spécifiques à la production d’électricité à partir d’installations agrivoltaïques et à leur implantation sur des terrains agricoles, naturels et forestiers.

L’agrivoltaïsme est désormais défini par l’article L. 314-36 du Code de l’énergie aux termes duquel :

 « I. – Une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole.         

« II. – Est considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique gérée par un établissement relevant du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime une production agricole significative et un revenu durable en étant issu :      

1° L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;         

2° L’adaptation au changement climatique ;

3° La protection contre les aléas ;    

4° L’amélioration du bienêtre animal.          

III. – Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porte une atteinte substantielle à l’un des services mentionnés aux 1° à 4° du II ou une atteinte limitée à deux de ces services.        

IV. Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui présente au moins l’une des caractéristiques suivantes :

1° Elle ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ; 

2° Elle n’est pas réversible ».

Cette définition, qui doit être précisée par décret, permet d’encadrer l’installation de dispositifs d’énergie solaire en zone agricole au sein des communes couvertes par un plan local d’urbanisme, une carte communale ou dépourvus de tout document d’urbanisme.

Ainsi, les ouvrages correspondant à la définition précitée sont désormais considérés comme « nécessaire à l’exploitation agricole » ce qui permet leur installation en zone agricole ou, en l’absence de document d’urbanisme, en dehors des parties urbanisées de la commune.

S’agissant de l’installation des serres, des hangars et des ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques, ces équipements doivent correspondre à une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative.

L’installation des autres ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire (qui ne correspondant pas à la définition précitée de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie) est beaucoup plus limitée puisqu’elle ne pourra intervenir en dehors de surfaces identifiées dans un document-cadre établi par arrêté préfectoral après consultation de la de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées et sur proposition de la chambre départementale d’agriculture pour le département concerné. Ces ouvrages devront, par ailleurs, être compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière.

A noter, enfin, que tous les ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire précités implantés sur les sols des espaces naturels, agricoles et forestiers sont autorisés sur avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Cet avis est un avis simple lorsque le projet est implanté dans l’une des zones définies par le document-cadre précité.

Installation d’ouvrages de production d’énergie en secteur inconstructible

Le projet de loi comporte plusieurs dispositions permettant de déroger au principe d’inconstructibilité dans ces certains secteurs. L’on peut notamment citer les suivants :

S’agissant de la protection du littoral, est autorisée sous conditions, la construction de postes électriques dans les espaces dans les espaces identifiés comme remarquables ou caractéristiques et dans les milieux identifiés comme nécessaires au maintien des équilibres biologiques en application de l’article L. 121 23 du Code de l’urbanisme (art. 6 bis, VI nouvel art. 27, V) ou l’installation d’ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur des friches qui ne seraient pas en continuité avec les agglomérations et villages existants (article 9à nouveaux articles 37 à 39).

Dans le même sens, s’agissant des territoires soumis aux risques naturels et concernés par un plan de prévention, il est prévu de définir, dans les zones inconstructibles de ces plans, des exceptions aux interdictions ou aux prescriptions afin de ne pas s’opposer à l’implantation d’installations de production d’énergie solaire dès lors qu’il n’en résulte pas une aggravation des risques (article 11 quater à article 47).

Marianne Hauton, Emmanuel BARON, Yann-Gaël NICOLAS, Manon ROULETTE et Simon OLLIC

Pour aller plus loin : dossier 50 questions – Les collectivités face aux chambres territoriales et régionales des comptes

Conformément au code des juridictions financières, les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) exercent, à
titre principal, une triple compétence sur les collectivités locales et leurs établissements publics: jugement des comptes des comptables publics; contrôle des comptes et de la gestion; contrôle des actes budgétaires.

Elles participent également à l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre localement. Ayant, par conséquent, un rôle indéniable dans le contrôle des gestions publiques locales, il importe que les acteurs publics et parapublics concernés appréhendent au plus juste les fonctions et prérogatives des CRTC, dont le champ exact demeure sujet de polémique à raison de sa frontière poreuse avec le contrôle d’opportunité.

50 questions-réponses dédiées aux collectivités face aux chambres régionales et territoriales des comptes à découvrir ici :

En cas de location d’un logement non décent, le propriétaire exproprié ne peut prétendre à une indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs

Par un arrêt en date du 11 janvier 2023, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation précise, aux visas des articles L. 321-1 du Code de l’expropriation et 1719,1° du Code civil, que lorsque l’expropriation porte sur une habitation principale ne répondant pas aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son preneur, le propriétaire exproprié ne peut se prévaloir d’un droit juridiquement protégé lui ouvrant le bénéfice d’une indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs.

Quelques mesures nouvelles pour le printemps en matière de régulation de certaines activités de santé

Présenté en Conseil des ministres le 23 novembre 2022, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne comporte un volet santé qui, sans en être la part principale, n’en est pas moins conséquent.

Adopté en première lecture par le Sénat le 13 décembre 2022 puis par l’Assemblée nationale le 24 janvier 2023, il n’a pas encore achevé son parcours législatif mais quelques mesures sont d’ores et déjà gravées dans le marbre et figureront avec certitude dans la future loi.

En premier lieu, dans sa rédaction actuelle, l’article L. 6322-1 du Code de la santé publique fait interdiction aux établissements de santé pratiquant la chirurgie esthétique d’utiliser des moyens publicitaires directs ou indirects. La Commission européenne avait adressé à la France une mise en demeure le 24 janvier 2019, considérant que cette interdiction absolue de recourir à la publicité était contraire aux dispositions de l’article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne et à la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.

L’article L. 6322-1 du Code de la santé publique sera donc modifié et l’autorisation de pratiquer la chirurgie esthétique pourra, désormais, être retirée en cas de publicité déloyale ou portant atteinte à la protection de la santé publique.

En second lieu, le règlement n° 609/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 a fixé des exigences en matière de composition et d’information des denrées alimentaires destinées à des groupes spécifiques. Le règlement délégué n° 2016/128 de la Commission du 25 septembre 2015 est venu compléter le règlement n° 609/2013 pour ce qui concerne les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS), ces produits alimentaires spécifiques destinés à des personnes ayant des besoins nutritionnels particuliers.

Le projet de loi prévoit que le ministre chargé de la santé peut soumettre à prescription médicale obligatoire et, si nécessaire, à des conditions particulières de prescription et de délivrance, ces DADFMS. Il prévoit aussi que les DADFMS, dont la consommation peut présenter un risque grave, relèveront du monopole de dispensation des pharmaciens, au sens de l’article L. 4211-1 du Code de la santé publique.

Enfin, en application de l’article 54 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 modifié par la directive 2011/62/CE du 8 juin 2011 et l’article 25 du règlement délégué 2016/161 du 2 octobre 2015, chaque boîte de médicaments délivrés sur prescription doit comporter un numéro d’identification unique pour éviter la fraude et le trafic de médicaments.

A la suite d’une mise en demeure de la Commission européenne, adressée à la France le 10 décembre 2021, le projet de loi instaure une pénalité financière de 2.000 € pour les officines qui viendraient à ne pas respecter cette obligation. Il ressort en effet de l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi qu’au 1er octobre 2022, la moitié seulement des officines françaises respectaient et appliquaient cette prescription européenne.

Au cœur d’un printemps législatif particulièrement chargé, ces mesures risquent de passer inaperçues. La transcription de ces dispositions européennes en droit français ne sera cependant pas sans effets pour les acteurs du monde la santé.

L’exercice d’une activité expressément interdite par le règlement de copropriété constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser

Le règlement de copropriété détermine la destination des parties privatives et communes de l’immeuble, ainsi que les conditions de leur jouissance, en application de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965.

A ce titre, l’alinéa 2 de ce texte dispose que : « le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. ».

En principe, aucune restriction ne peut être apportée par le règlement de copropriété, à la jouissance des parties communes. Cependant, ce principe doit être tempéré par l’exception selon laquelle l’usage des parties privatives peut être restreint en considération de la destination de l’immeuble. A titre d’exemple, dans les immeubles dont la destination est dite « d’habitation bourgeoise », il n’est pas rare que le règlement de copropriété interdise expressément certaines activités, qui seraient de nature à générer des nuisances. Tel est le cas du présent arrêt.

Un syndicat des copropriétaires a assigné des copropriétaires, en condamnation à retirer divers objets déposés sur leur terrain et à cesser une activité de fabrication d’achards (spécialité culinaire créole à base de légumes). La Cour d’appel de Nouméa, statuant en référé, rejette les demandes du syndicat des copropriétaires, en considérant que l’activité exercée ne constitue pas un trouble manifestement illicite au sens de l’ancien article 809 du Code de procédure civile (actuel article 835 du Code de procédure civile), de sorte qu’il appartient au tribunal saisi au fond de se prononcer sur l’arrêt de l’activité, interdite aux termes du règlement de copropriété. La Cour d’appel écarte ainsi les pouvoirs du juge des référés pour statuer sur la cessation d’une activité expressément interdite par le règlement de copropriété.

Pour considérer que l’activité n’est pas constitutive d’un trouble manifestement illicite, la Cour d’appel relève que d’autres copropriétaires exercent dans l’immeuble des activités non autorisées aux termes du règlement de copropriété, de sorte que les copropriétaires « s’accommodent d’une lecture souple de celui-ci ».

Un pourvoi en cassation est formé par le syndicat des copropriétaires. La Cour de cassation accueille le pourvoi et casse l’arrêt d’appel au visa notamment de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 809 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

La Cour de cassation retient, à l’inverse de la Cour d’appel, que l’exercice d’une activité expressément interdite par le règlement de copropriété constitue un trouble manifestement illicite.

La Cour de cassation valide ainsi qu’un règlement de copropriété peut apporter une restriction d’activité au sein de l’immeuble, dans la droite ligne d’une jurisprudence constante. Le magistrat des référés, juge de l’évidence, a le pouvoir de statuer sur la cessation d’une activité interdite aux termes du règlement de copropriété, dès lors que cet exercice est constitutif à lui seul d’un trouble manifestement illicite.

Retour en images sur les récentes précisions de la Cour de justice de l’Union européenne concernant le régime de la quasi-régie conjointe

Par une décision en date du 22 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venue compléter les règles encadrant la quasi-régie, notamment celles applicables au contrôle analogue, en considérant que l’exigence tenant à ce qu’un pouvoir adjudicateur (A) soit représenté au sein des organes décisionnels de la personne morale contrôlée (C) n’est en principe pas réunie du seul fait que siège au conseil d’administration de la personne morale contrôlée le représentant d’un autre pouvoir adjudicateur (B) qui fait également partie du conseil d’administration de ce premier pouvoir adjudicateur (A).

Cet arrêt est l’occasion de revenir en images sur différentes déclinaisons de la quasi-régie évoquées dans l’arrêt, afin de mieux les distinguer du cas soumis à la CJUE auquel elle refuse, donc, le bénéfice du régime de la quasi-régie.

 

I. La quasi-régie conjointe descendante

Rappelée au § 55 de l’arrêt et prévue par l’article 12, § 3 de la directive 2014/24 (et les articles L. 2511-3 et L. 2511-4 du Code de la commande publique, en droit national), qui permet à des pouvoirs adjudicateurs (A et B) d’avoir une relation de quasi-régie avec une entité (C) qu’ils contrôlent conjointement (ils siègent au conseil d’administration, par exemple), et sous certaines conditions supplémentaires (influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée…).

En vert, les relations de quasi-régie : attribution de contrats par A et B au profit de C sans mise en concurrence préalable, chacune de ces entités étant représentée au sein de C.

 

II. La quasi-régie conjointe descendante avec un ou plusieurs représentant(s) commun(s) de plusieurs pouvoirs adjudicateurs

Rappelée au § 56-57 de l’arrêt et prévue par l’article 12, § 3, alinéa 2, point i) de la directive 2014/24 (et l’article L. 2511-4, 1° du Code de la commande publique), cette déclinaison de la quasi-régie conjointe descendante permet à plusieurs pouvoirs adjudicateurs (A, B et C) d’être représentés par une ou plusieurs personne(s) commune(s) dans les organes décisionnels (conseil d’administration par exemple) de l’entité contrôlée (E) et d’entretenir avec elle un lien de quasi-régie (et sous la condition notamment d’exercer une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne contrôlée). Cette faculté est par exemple mise en œuvre dans le cadre de l’assemblée spéciale des SEM et des SPL prévue par l’article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales.

En vert, les relations de quasi-régie : attribution de contrats par A, B, C et D au profit de E sans mise en concurrence préalable, toutes ces entités donneuses d’ordres étant représentées (le cas échéant par un ou des représentants communs) au sein de E.

 

III. La quasi-régie (simple) descendante indirecte ou « en cascade »

Rappelée au § 60 de l’arrêt et prévue par l’article 12, § 2 de la directive 2014/24 (et l’article L. 2511-1, dernier alinéa, du Code de la commande publique), cette variation de la quasi-régie simple descendante permet à un pouvoir adjudicateur (A) d’entretenir une relation de quasi-régie avec une entité (C) par l’intermédiaire d’un pouvoir adjudicateur (B) avec lequel il entretient une relation de quasi-régie.

En vert, les relations de quasi-régie : les relations de quasi-régie A/B et B/C permettent une relation de quasi-régie A/C.

 

IV. La quasi-régie horizontale ou collatérale (ou « entre sœurs »)

Rappelée au § 60 de l’arrêt et prévue par l’article 12, § 2 de la directive 2014/24 (et l’article L. 2511-2, 2° du Code de la commande publique), cette variation de la quasi-régie simple permet à un pouvoir adjudicateur (A) d’entretenir une relation de quasi-régie avec une entité (C) dès lors que ces deux entités sont contrôlées par un même pouvoir adjudicateur (B) avec lequel ils entretiennent une relation de quasi-régie. Notons que cette quasi-régie ne semble pas pouvoir être cumulée avec un contrôle exercé conjointement par B avec d’autres entités sur A et C.

En vert, la relation de quasi-régie entre A et C eu égard au contrôle de B sur ces deux entités.

 

V. Ce que la Cour a jugé : absence de lien de quasi-régie entre A et C

« L’article 12, paragraphe 3, second alinéa, sous i), de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que, afin d’établir qu’un pouvoir adjudicateur exerce, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale adjudicataire analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services, l’exigence visée à cette disposition, tenant à ce qu’un pouvoir adjudicateur soit représenté dans les organes décisionnels de la personne morale contrôlée, n’est pas satisfaite au seul motif que siège au conseil d’administration de cette personne morale le représentant d’un autre pouvoir adjudicateur qui fait également partie du conseil d’administration du premier pouvoir adjudicateur ».

En rouge, l’absence de relation de quasi-régie eu égard à l’absence de représentation de A dans C, qui est une des conditions de la quasi-régie ; la circonstance que B soit représentée (parmi d’autres entités) à la fois dans A et dans C par un même représentant ne permet pas réputer une représentation de A dans C. Il ne s’agit ni d’une quasi-régie conjointe ni d’une quasi-régie simple indirecte, ni d’une quasi-régie horizontale.

Contentieux des clauses réglementaires et non réglementaires d’un avenant à un contrat de concession et de l’acte d’approbation dudit avenant

À l’heure où l’augmentation du tarif des péages autoroutiers a ravivé les débats sur la rentabilité des concessionnaires, un usager a saisi le Conseil d’État pour obtenir l’annulation d’une hausse du tarif des péages sur l’ensemble du réseau concédé à la société Autoroutes du Sud de la France (ci-après, la « société ASF »).

Plus précisément, le Conseil d’État a été saisi d’un recours en excès de pouvoir tendant à l’annulation du décret n° 2022-81 du 28 janvier 2022 approuvant le dix-huitième avenant à la convention passée entre l’État et la société ASF pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes et de l’article 25 modifié du cahier des charges annexé à cette convention. Cet avenant avait pour objet principal de permettre la réalisation d’un nouveau tronçon, d’une longueur de 6,2 km, permettant le contournement par l’ouest de Montpellier et l’article 25 modifié du cahier des charges annexé à cette convention avait pour objet de majorer les tarifs de péages de 0.264 % sur l’ensemble du réseau concédé à la société ASF pour permettre le financement de la construction dudit tronçon.

Cette décision ne ravira pas uniquement les usagers des autoroutes du Sud de la France en raison de l’annulation de la clause actant de cette hausse des tarifs. Les juristes y trouveront également un intérêt puisque le Conseil d’État y aborde toute la panoplie des conditions de recours ouvert aux tiers à l’encontre d’un contrat de la commande publique et de son éventuelle décision d’approbation.

En effet, étaient visés par le recours en excès de pouvoir du requérant, le décret d’approbation du dix-huitième avenant à la convention passée entre l’État et la société ASF, les clauses tarifaires de cet avenant et les clauses relatives à la réalisation du tronçon autoroutier.

Commençant par apprécier les conclusions d’annulation des clauses tarifaires de l’avenant, le Conseil d’État rappelle que ces clauses présentent un caractère réglementaire et qu’elles peuvent donc être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir par les usagers[1]. Cette voie de recours ouverte aux usagers n’a effectivement pas été remise en cause par l’ouverture du recours en contestation de la validité du contrat par l’arrêt « Tarn et Garonne »[2]. En l’espèce, le Conseil d’État constate que le requérant démontrait bien la qualité d’usager du réseau autoroutier concédé à la société ASF et qu’il présentait, de ce fait, une qualité pour agir à l’encontre de ces clauses nonobstant le caractère modéré de l’augmentation tarifaire (laquelle était limitée à 0.264 %).

Appréciant ensuite la légalité de cette clause, le Conseil d’État se réfère à l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière qui encadre les conditions de financement des ouvrages ou des aménagements non prévus au cahier des charges de la concession en prévoyant que ce financement « ne peut être couvert que par une augmentation des tarifs de péages, raisonnable et strictement limitée à ce qui est nécessaire ». Le Conseil d’État interprète cette disposition aux termes de sa jurisprudence[3] selon laquelle au moins deux conditions doivent nécessairement être remplies pour qu’une redevance pour service rendu – le tarif des péages étant qualifiable de redevance pour service rendu – soit légale. D’une part, la redevance doit être la contrepartie d’un service rendu et, d’autre part, il doit exister une proportionnalité entre la redevance et le service étant précisé que le Conseil d’État admet des dérogations à cette dernière condition et n’exige pas une stricte proportionnalité[4].

En l’espèce , suivant les conclusions de son Rapporteur public[5], le Conseil d’État juge qu’en « mettant, par la hausse tarifaire litigieuse, à la charge de l’ensemble des usagers de la totalité des 2 714 km du réseau autoroutier concédé à la société ASF le financement des travaux de réalisation d’un tronçon de 6,2 km destiné au contournement ouest de Montpellier dépourvu de péage, la disposition tarifaire attaquée méconnaît la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu ». La clause tarifaire contestée étant divisible des autres clauses de l’avenant contesté, le Conseil d’État en prononce donc l’annulation.

Le Conseil d’État aborde ensuite les conclusions tendant à l’annulation des clauses non réglementaires de l’avenant contesté.

Ces clauses ne peuvent être contestées que par un recours en contestation de validité du contrat[6], lequel trouve à s’appliquer aux avenants[7] ou précisément aux clauses non réglementaires desdits contrats et avenants. En effet, ainsi que l’énonce le Conseil d’État dans son considérant de principe « indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ».

Or, au cas particulier et sans surprise compte tenu de la difficulté pour les tiers aux contrats à faire valoir un intérêt lésé, le Conseil d’État juge qu’ « en se prévalant de sa seule qualité d’usager des autoroutes concédées à la société ASF, M. A… ne justifie pas être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la décision d’aménagement du contournement ouest de Montpellier ou par les autres stipulations de l’avenant relatives à sa mise en œuvre, lesquelles ne présentent pas de caractère réglementaire ». Partant ses conclusions sont irrecevables et sont rejetées par le Conseil d’État.

Enfin et pour finir, restaient à juger la recevabilité et, le cas échéant, le bien fondé des conclusions dirigées contre le décret d’approbation du 28 janvier 2022.

Le Conseil d’État a maintenu la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre les actes d’approbation des contrats sous réserve qu’ils se bornent effectivement à approuver le contrat et ne participent pas en réalité au processus de sa conclusion[8]. Cependant, dans une décision récente du 2 décembre 2022[9], le Conseil d’État avait semble-t-il drastiquement restreint les conditions de recours pour excès de pouvoir contre les actes d’approbation. En effet, outre la condition précitée, le Conseil d’État jugeait que seuls étaient susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir les actes d’approbation qui émanent d’une autorité distincte des parties contractantes, concernent des contrats déjà signés et sont nécessaires à leur entrée en vigueur.

En l’espèce, le décret d’approbation n’émanant pas d’une autorité distincte des parties à la convention litigieuse puisque l’État est partie à cette dernière, les conditions précitées n’étaient pas, a priori, réunies et le Rapporteur public concluait donc, fort logiquement, à l’irrecevabilité des conclusions du requérant.

Il semble que le Conseil d’État ait potentiellement infléchi sa jurisprudence du 2 décembre 2022 puisqu’il ne reprend pas les conditions restrictives précitées et juge que les tiers à un contrat administratif « sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat, sauf à ce qu’un tel acte intervienne, en réalité, dans le cadre de la conclusion même du contrat ».

Tel était le cas en l’espèce et le Conseil d’État rappelle donc que « dans le cadre d’un tel recours, les tiers ne sauraient utilement faire valoir des moyens relatifs au contrat lui-même, mais ne peuvent soulever que des moyens tirés de vices propres entachant l’acte d’approbation, voire demander l’annulation de cet acte par voie de conséquence de ce qui est jugé sur les recours formés contre le contrat ».

Au cas particulier, les vices propres au décret d’approbation invoqués par le requérant n’était pas fondé et le Conseil d’État rejette donc les conclusions d’annulation à son encontre.

 

[1] CE Ass., 10 juillet 1996, Cayzeele, n° 138536 ; CE, 9 février 2018, Communauté d’agglomération Val d’Europe agglomération, n°404982.

[2] CE Ass, 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne, n° 358994.

[3] CE Ass., 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens, n° 30693 ; CE, 28 novembre 2018, SNCF Réseau, n° 413839.

[4] CE 5 mars 2014, Département du Bas-Rhin, n° 367233 ; CE 26 avril 2017, Commune de Val-de-Reuil, n° 397926.

[5] M. Pichon de Vendeuil, Conclusions sur CE, 27 janvier 2023, M. D. A., n° 462752.

[6] CE Ass, 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne, n° 358994.

[7] CE, 20 novembre 2020, Association Trans’Cub, n° 428156.

[8] CE, 23 décembre 2016, Association Etudes et consommation CFDT du Languedoc-Roussillon 

et Association ATTAC Montpellier, n° 392815.

[9] CE, 2 décembre 2022, M. D., n° 454318.

Un salarié peut être licencié pour avoir menacé de déposer plainte contre son employeur

Par un arrêt en date du 7 décembre 2022[1], la chambre sociale de la Cour de cassation a approuvé les juges du fonds d’avoir pu retenir comme bienfondé le licenciement d’un salarié qui a menacé son employeur de déposer plainte contre lui.

Exposé du contexte

En l’espèce, un conducteur de train a été licencié de son poste de travail, en raison, notamment, de son attitude envers ses supérieurs hiérarchiques et collègues.

A cet égard, la lettre de révocation indiquait, entre autres, en ces termes :

« […] après avoir énoncé sa volonté de vous recevoir dans le cadre d’un entretien disciplinaire, vous tentez de l’intimider [i.e. faisant référence au supérieur hiérarchique] en lui précisant que s’il persiste dans cette idée, vous irez porter plainte contre lui au commissariat de police […] »

L’employeur avait donc, pour prononcer ce licenciement, fait état de menaces du salarié de déposer plainte à son encontre. Le salarié s’est emparé de cet élément pour solliciter la nullité de la rupture de son contrat de travail devant le conseil de prud’hommes, lequel l’a débouté de sa demande.  Insatisfait de ce jugement, le salarié a saisi la Cour d’appel de Paris, en invoquant que l’employeur l’aurait licencié alors qu’il n’aurait fait que d’user de sa liberté fondamentale d’agir en justice.

L’enjeu financier était important pour les parties, dans la mesure où le licenciement intervenu en violation d’une liberté fondamentale est considéré nul en application du Code du travail[2], ce qui fonde le salarié à passer outre le barème Macron et à être indemnisé par le versement d’une somme minimum de 6 mois de salaires bruts. Cependant, le salarié a, derechef, été débouté en appel.

La Cour d’appel justifiait, en substance, sa décision par les énonciations suivantes :

« il résulte des pièces versées aux débats que l’expression par le salarié de son souhait de déposer plainte ne résulte pas d’une authentique volonté d’agir en justice mais est une simple illustration, dans un contexte global de menaces à l’endroit de ses collègues et supérieurs, d’une logique d’intimidation de son interlocuteur […] »

Ce faisant, le salarié fait preuve de mauvaise foi et d’un abus dans l’exercice de son droit d’agir en justice. Le salarié s’est alors pourvu en cassation. Au soutien de son pourvoi, le salarié invoquait, notamment et en substance :

  • Que la Cour d’appel aurait fait dépendre la nullité de son licenciement de l’éventuel bienfondé de l’action en justice envisagée ;
  • Qu’en se prononçant ainsi, elle serait contrevenue au droit fondamental d’agir en justice.

Toutefois, la Cour de cassation n’a pas été convaincue par cette argumentation et elle a énoncé que les juges du fond ont pu valablement retenir que le salarié avait abusé de son droit d’agir en justice :

  • en constatant et en estimant, en substance, que les propos de ce dernier s’inscrivaient dans un contexte global où il avait déjà, dans une logique d’intimidation, usé de menaces de déposer plainte à l’endroit de ses collègues et supérieurs hiérarchiques.

Analyse et portée de l’arrêt

Par l’arrêt ci-commenté, la Cour de cassation a précisé que les juges du fond disposent d’un pouvoir étendu quant à l’appréciation du bon usage du droit d’agir en justice du salarié et de ses conséquences sur un licenciement. Si ce droit est, en effet, un droit fondamental garanti par le bloc de constitutionnalité et dont la répression peut justifier la nullité d’un licenciement, le salarié ne peut le dévoyer à des fins d’intimidation de son employeur. Ainsi, les juges du fond peuvent valablement retenir que lorsque le salarié invoque la nullité de son licenciement en raison d’une prétendue atteinte à son droit d’agir en justice, l’employeur peut contrer cet argument en démontrant que le salarié a abusé de ce droit.

Il convient, toutefois, de préciser que l’arrêt de la Cour de cassation est une décision d’espèce.

En effet, il convient de se garder de toute automaticité dans l’application de cet arrêt, car ce sont les éléments de contexte qui ont permis à la Cour d’appel de valablement motiver sa décision. Plus particulièrement, pour retenir un abus de droit d’agir en justice, la Cour d’appel disposait des éléments nécessaires pour constater que la logique d’intimidation du salarié était établie et récurrente.

En effet, dès 2014, le salarié menaçait déjà, dans les termes suivants, son employeur de déposer plainte pour obtenir le retrait d’une sanction, voire, la rédaction d’un courrier :

« Soit vous me faites le courrier, soit je vais porter plainte pour harcèlement au commissariat ».

[…]

« Si demain vous me présentez une sanction, je me mets en maladie direct, et je vais à la police porter plainte ».

La Cour d’appel constatait encore que le salarié énonçait, en 2016 :

« Si vous maintenez votre CRC, moi je vais aller porter plainte ».

Au cas précis, donc, la logique d’intimidation du salarié était amplement démontrée.  Au reste, si cette logique était démontrée, il semble également que le droit d’agir en justice soit conçu de manière extensive par la Cour d’appel, dans la mesure où celle-ci a retenu que la simple déclaration du salarié de déposer plainte pouvait se rattacher à ce droit.

Pour autant, le salarié n’avait fait qu’exprimer ce « souhait » et ne l’avait pas concrétisé. De plus, cette déclaration ne portait non pas sur la saisine d’une juridiction, mais sur un dépôt de plainte auprès des forces de l’ordre.

 

[1] Cass., soc., 7 décembre 2022, n° 21-19.280 – https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046727303?init=true&page=1&query=21-19.280&searchField=ALL&tab_selection=all

[2] art. L. 1235-3-1 du code du travail

Illégalité du licenciement pour insuffisance professionnelle révélant une discrimination liée au handicap en l’absence d’aménagements adéquats

Les administrations qui envisagent le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent sujet à un handicap doivent être prudentes sur les conditions de travail de leurs agents, et particulièrement à conformité des aménagements mis en place.

Le 16 juillet 2018, Mme A. était recrutée pour assurer le poste d’adjoint d’animation dans un centre de loisirs municipal du 27 août 2018 au 25 août 2019.

Par arrêté en date du 22 janvier 2019, le maire de la commune prononçait son licenciement pour insuffisance professionnelle, fondé d’une part sur son manque de rigueur dans l’exercice de ses missions, compte tenu des erreurs commises lors du comptage des enfants, et d’autre part sur « son manque de sincérité » quant à ses aptitudes et compétences professionnelles.

Mme A. demandait l’annulation de cette décision devant le Tribunal administratif de Marseille en soutenant que son licenciement, formellement prononcé pour insuffisance professionnelle, était en réalité empreint de discrimination liée à son handicap. Elle formulait également une demande d’indemnisation.

Par jugement du 1er mars 2021, le Tribunal administratif de Marseille rejetait l’ensemble de ses demandes.

Saisi de l’appel interjeté contre ce jugement, la Cour administrative de Marseille a donné une issue tout à fait différente au litige.

Pour ce faire, la Cour a d’abord rappelé la prohibition de toute discrimination, directe ou indirecte, en raison du handicap, ainsi que l’office du juge en la matière. La Cour a ensuite énoncé, dans un considérant de principe, que : « doit être regardé comme empreint de discrimination, et à ce titre illégal, le licenciement d’un agent public prononcé en raison de faits directement en rapport avec son état de santé ou son handicap, sans qu’aient été prises les mesures de nature à permettre l’adaptation du poste de cet agent à son état de santé ou à son handicap, compatibles avec les nécessités du fonctionnement du serviceDans l’hypothèse où de telles mesures ne peuvent être mises en œuvre, il revient à l’administration d’engager la procédure de licenciement de l’agent pour inaptitude physique ».

Appliquant cette règle au cas d’espèce, la Cour a d’abord constaté que Mme A. souffrait de troubles sévères de dyslexie et de dyscalculie et qu’elle s’était vue reconnaître, du fait de cet handicap, la qualité de travailleuse handicapée le 4 juillet 2019. La commune avait eu connaissance de ses troubles au plus tôt le 13 décembre 2018.

La Cour s’est donc considérée saisie de faits susceptibles de faire présumer une discrimination à l’encontre de Mme A., cette dernière affirmant en effet que son licenciement avait été prononcé parce qu’elle n’avait pas informé son recruteur de son handicap préalablement à son recrutement.

Remplissant l’office du juge en matière de discrimination, la Cour a dès lors examiné les éléments produits par la commune visant à établir que sa décision n’était pas entachée de discrimination.

Cet examen l’a conduite à considérer, d’une part, que la commune ne pouvait valablement prétendre avoir été informée par Mme A. de ses troubles trop tardivement pour adopter des mesures de nature à en tenir compte et d’autre part, que les erreurs reprochées à Mme A. étaient directement liées à son handicap et qu’elles auraient pu être évitées si des mesures d’adaptation avaient été prises, ce qui n’avait pas été le cas.

Dans ces conditions, la Cour a jugé que la décision de licenciement devait être annulée en ce qu’elle ne pouvait qu’être regardée comme reposant sur des motifs entachés de discrimination liée au handicap de Mme A. Cette illégalité étant fautive, la Cour a indemnisé Mme A. des préjudices subis.

Au-delà du cas d’espèce, cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille donne par l’exemple quelques leçons utile pour ce type de situation :

  • Des précautions particulières lorsqu’il s’agit d’envisager l’insuffisance professionnelle d’une personne atteinte d’un handicap ;
  • Une invitation à prendre rapidement toutes les mesures idoines pour adapter le poste de l’agent à son état de santé ou à son handicap ;
  • Un avertissement contre un détournement de procédure consistant à opter pour un licenciement pour insuffisance professionnelle en lieu et place d’un licenciement pour inaptitude, dans l’hypothèse où les mesures d’adaptation ne pourraient être mises en œuvre.