Fonction publique
le 16/03/2023

Peut-on sanctionner un fonctionnaire atteint de troubles psychiques ?

CE, 17 février 2023, n° 450852

CE, 27 mai 2019, n° 426363

Un fonctionnaire a tenu à de nombreuses reprises, sur une période d’avril à septembre 2016, des propos outranciers à caractère sexuel à l’égard d’une collègue, de sa supérieure et d’une élue de sa collectivité employeur, ainsi que des menaces de violences physiques. Par ailleurs, il a exercé un harcèlement à l’encontre de ces mêmes personnes par l’envoi d’un très grand nombre de courriers électroniques comminatoires en donnant des ordres perturbant le bon fonctionnement du service.

L’employeur a prononcé sa révocation en 2017, que l’agent a contesté au motif qu’il était alors atteint de troubles du discernement, les troubles bipolaires dont il souffrait étant connus de son employeur, puisqu’une première révocation avait été rapportée sur ce motif en 2008.

Alors que le Tribunal administratif avait rejeté sa requête, la Cour administrative d’appel de Marseille devait considérer que l’état pathologique dans lequel il se trouvait alors, état attesté par le classement sans suite des plaintes déposées par les agents victimes et par un certificat médical établi en mai 2016 adressé à la maison départementale des personnes handicapées, rendait la sanction de la révocation disproportionnée.

Le seul fait de souffrir d’une pathologie ne saurait évidemment justifier d’une sanction disciplinaire, mais éventuellement d’une inaptitude. En l’espèce, l’agent avait été reconnu apte.

L’état de la jurisprudence administrative est à ce sujet quelque peu byzantin et reprend en réalité la distinction existant dans l’article 122-1 du Code pénal : il y a d’une part l’abolition du discernement, qui empêche tout prononcé d’une sanction (CE, 2 juillet 1980, n° 14018), et d’autre part l’altération du discernement, qui justifie d’une sanction minorée en tant que circonstance atténuante (CE, 12 mars 2010, n° 316969, CE 15 octobre 2020, n° 438488).

Mais en tout état de cause, le Juge administratif vérifie si au moment des faits l’agent était « dansun état psychique tel qu’il ne pouvait être regardé comme responsable de ses actes ».

En l’espèce, la Rapporteure publique, suivi en cela par la formation de jugement, a retenu que l’agent ne démontrait pas que son état de santé mentale, pour la période d’avril à septembre 2016, aurait été aboli ou altéré : aucun certificat médical ne l’établissait.

Or, l’engagement d’une procédure disciplinaire n’est pas, à peine d’irrégularité, subordonné à une formalité préalable destinée à vérifier l’état de santé mentale du fonctionnaire concerné.

Alors, quels enseignements concrets retirer de cette décision ?

D’une part, la maladie psychique d’un agent n’empêche pas de diligenter une procédure disciplinaire.

D’autre part, ce n’est pas à l’employeur de vérifier si le discernement de son agent était aboli ou altéré au moment des faits, mais à ce dernier de l’établir.