Vie des acteurs publics
le 16/03/2023

Droit souple : une réponse formulée dans une « foire aux questions » est susceptible de recours pour excès de pouvoir

CE, 3 février 2023, nº 451052

Par un arrêt en date du 3 février 2023, le Conseil d’État juge qu’une prise de position des services du ministre de l’économie, des finances et de la relance dans une « foire aux questions » (FAQ) constitue un acte susceptible de recours.

En l’espèce, dans le cadre de la mise en œuvre pratique du fonds de solidarité institué durant l’épidémie de Covid en faveur des entreprises, le ministère de l’économie a publié sur son site internet une « foires aux questions ».

Plus précisément, au sein de la partie « Puis-je en bénéficier », à la question : « Les loueurs en meublés non professionnels sont-ils éligibles au fonds de solidarité ? », le ministère a apporté une réponse négative pour cette catégorie de loueurs.

Une requérante a alors demandé l’annulation de cette FAQ au motif qu’elle excluait, par principe, les loueurs en meublés non professionnels du bénéfice du fonds précité.

Le Conseil d’Etat a donc eu à s’interroger sur le point de savoir si cette FAQ pouvait être déférée à la censure du juge administratif, en particulier au regard de la jurisprudence qu’il a développé à propos du « droit souple » – laquelle admet qu’un certain nombre d’actes non normatifs (recommandations, communiqués, mises en gardes…) puisse faire l’objet d’un recours en raison des conséquences qu’ils sont susceptibles d’emporter[1].

En l’occurrence, après avoir rappelé sa jurisprudence récente en matière de droit souple (CE Sect., 12 juin 2020, GISTI, n° 418142), la Haute juridiction a considéré que cette FAQ constituait une interprétation de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création du fonds de solidarité et de son décret d’application en date du 8 février 2021.

Par suite, elle a estimé qu’« eu égard à sa teneur, cette interprétation du droit positif, émise par les services chargés d’instruire les demandes d’aides au titre du fonds de solidarité puis de procéder, le cas échéant, au versement de ces aides, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui souhaitent bénéficier de ces mesures de soutien ».

Cette circonstance a conduit le juge administratif à écarter la fin de non-recevoir opposée par le Ministre de l’Economie et à admettre la recevabilité du recours dirigé contre la réponse formulée dans la FAQ.

Au fond, le Conseil d’Etat a annulé cette réponse en jugeant qu’elle méconnaissait la définition du champ des personnes susceptibles de bénéficier du fonds résultant des dispositions de l’ordonnance et du décret précité.

Par cette importante décision, la Haute juridiction confirme sa jurisprudence relative aux actes de droit souple garantissant aux administrés une ouverture de son prétoire par la dissociation entre la normativité de l’acte et la recevabilité du recours dirigé contre lui.

A noter toutefois que le Conseil d’Etat s’était déjà prononcé sur la question des « foires aux questions » en admettant un recours à l’encontre d’une prise de position de la CNIL mise en ligne dans une FAQ (CE, 8 avr. 2022, n° 452668 et 459026, Syndicat national du marketing à la performance et Collectif des acteurs du marketing digital).

 

[1] Cette construction jurisprudentielle a été initiée par les arrêts « Fairvesta » et « Numéricable » de 2016 où le Conseil d’Etat a admis que des recommandations ou « mises en garde » pouvaient faire l’objet d’un recours s’ils étaient « de nature à produire des effets notables » ou avaient « pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent » (CE, Ass., 21 mars 2016, nos 368082, 368083, 368084 et 390023).