Une différence de traitement peut être justifiée sous certaines conditions

Par un arrêt en date du 14 septembre 2016, la Cour de cassation énonce « qu’une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d’établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le Juge doit contrôler la réalité et la pertinence ».

Au cas d’espèce, une société appliquait dans ses établissements situés en Ile-de-France des barèmes de rémunération supérieurs à ceux qu’elle appliquait au sein de son établissement de Douai.

Pour justifier la différence de traitement qu’il avait mise en place entre les salariés d’un établissement situé en Ile-de-France et ceux d’un établissement de Douai, l’employeur invoquait la disparité du coût de la vie entre ces deux régions.

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a eu à se demander si une telle différence de traitement portait atteinte au principe de l’égalité de traitement.

La Haute juridiction répond par la négative et rappelle qu’une différence de traitement peut se justifier « si elle repose sur des raisons objectives, dont le Juge doit contrôler la réalité et la pertinence ».

La TVA grevant les dépenses de fonctionnement d’un Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EPHAD) est intégralement déductible

Dans un arrêt en date du 5 octobre 2016 (CE, 5 octobre 2016, n° 390874) le Conseil d’Etat a estimé que les dépenses de fonctionnement qu’un Ehpad est tenu, en vertu du Code de l’action sociale et des familles, de répercuter dans le prix de ses opérations taxées sont intégralement détaxables, bien que ces dépenses soient également utilisées pour la réalisation de ses prestations de soins exonérées.

Le Conseil d’Etat, se fondant sur l’arrêt AB SKF de la CJUE du 29 octobre 2009 (aff. 29/08), a ainsi jugé que les dépenses d’administration générale et de fonctionnement ainsi que les dépenses d’entretien général des bâtiments qu’un Ehpad est tenu de répercuter dans le prix de ses seules opérations taxées (hébergement, restauration et assistance à la dépendance) ouvrent intégralement droit à déduction de la TVA les ayant grevées, bien que ces dépenses soient également utilisées pour la réalisation de ses prestations de soins exonérées.

La portée de cet arrêt au regard des principes généraux régissant la déductibilité de la TVA  et notamment de l’application du coefficient de déduction aux dépenses concourant à la fois à la réalisation d’opérations imposables et d’opérations exonérées de TVA reste à déterminer.

En effet, cet arrêt ne tranche pas expressément la question de la déduction de la TVA grevant des dépenses à usage mixte dont le coût est intégralement répercuté dans le prix des opérations taxées, il ne précise également pas si ce principe de déduction intégrale doit être réservé aux seuls cas où la répercussion des dépenses mixtes est prévue par la loi ou le règlement.

Parution du décret dit « Justice administrative de demain » portant modification du Code de justice administrative

Face à l’augmentation soutenue et continue du contentieux administratif dans un contexte budgétaire de plus en plus restreint, le Conseil d’Etat a confié à la Présidente de la Mission d’inspection des juridictions administratives la mission de proposer des pistes d’évolution et de modernisation du rôle et des pouvoirs du Juge administratif. Paru un an après la remise du rapport sur la justice administrative de demain en résultant et entrant en vigueur le 1er janvier 2017, le décret « JADE » a pour objet de retranscrire une partie de ses propositions. Selon les termes du Conseil d’Etat, il vise ainsi à « accélérer le traitement de certaines requêtes, à renforcer les conditions d’accès au juge, à dynamiser l’instruction et à adapter l’organisation et le fonctionnement des juridictions administratives à de nouveaux défis ».

S’agissant de l’ « accélération du traitement de certaines requêtes », le recours aux ordonnances est étendu en ce que (voir article 3 du décret modifiant l’article R. 222-1 du Code de justice administrative) :

  • le pouvoir de statuer par ordonnance, aujourd’hui réservé aux Présidents de juridiction et de formation de jugement, pourra être délégué aux premiers conseillers ayant au moins deux ans d’ancienneté ;
  • des ordonnances de séries pourront être prises sur les requêtes qui présentent à juger en droit des questions identiques à celles tranchées ensemble par un même arrêt devenu irrévocable de la Cour administrative d’appel dont il relève, et non plus seulement sur une de ses propres décisions ou sur un arrêt du Conseil d’Etat ;
  • les requêtes d’appel et les pourvois en cassation manifestement mal fondés pourront être rejetés par ordonnance dans tous les contentieux, et non plus seulement en matière d’obligations de quitter le territoire français.

S’agissant du « renforcement des conditions d’accès au Juge », le décret a pour objet d’accentuer l’obligation de liaison préalable du contentieux, en réduisant les cas de dispense d’avocat et en augmentant le montant des amendes pour recours abusifs.

En premier lieu, l’obligation de liaison préalable du contentieux est étendue dès lors que (voir article 10 du décret modifiant l’article R. 421-1 du Code de justice administrative) :

  • d’une part, la dispense de liaison du contentieux en matière de travaux publics est supprimée ; et
  • d’autre part, la latitude accordée par la jurisprudence en matière indemnitaire permettant au requérant de régulariser en cours d’instance l’absence de demande indemnitaire est également supprimée (CE, 11 avril 2008, Etablissement français du sang, n° 281374).

En deuxième lieu, les cas de dispense d’avocat sont rationnalisés en ce que la dispense est supprimée pour les litiges de travaux publics et d’occupation domaniale et, en appel, pour les contentieux d’excès de pouvoir de la fonction publique (voir article 11 du décret modifiant l’article R. 431-3 du Code de justice administrative et article 30 du décret modifiant l’article R. 811-7 du même Code).

En troisième lieu, le montant maximal de l’amende pour recours abusif est fixé à 10.000 euros, alors qu’il était, depuis 1990, fixé à 3.000 euros (voir article 24 du décret modifiant l’article R. 741-12 du Code de justice administrative).

S’agissant du « renforcement du dynamisme de l’instruction », les pouvoirs du Juge administratif sont considérablement renforcés :

  • à la suite de l’expérimentation menée depuis 2013 en matière d’urbanisme, il peut d’office fixer une date à partir de laquelle les moyens sont cristallisés(voir article 16 du décret modifiant l’article R. 611-7 du Code de justice administrative) ;
  • il peut sanctionner par un désistement d’office l’absence de production d’un mémoire récapitulatif dans le délai imparti, étant précisé que la possibilité de demander aux parties de récapituler leurs conclusions existait d’ores et déjà, sans être toutefois accompagnée de sanction (voir article 17 du décret modifiant l’article R. 611-8 du Code de justice administrative) ;
  • il peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions, et à défaut de réponse dans le délai imparti prononcer un désistement d’office, lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur (voir article 20 introduisant l’article R. 612-5 du code de justice administrative) ; et
  • à l’instar de ce que prévoit déjà l’article R. 611-7 du Code de justice administrative en cas d’information sur un moyen d’ordre public, il peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l’instruction, postérieurement à la clôture de l’instruction et sans que cette demande ait pour effet de rouvrir l’instruction. De même, désormais, les mémoires produits après la clôture de l’instruction peuvent, en cas de réouverture de l’instruction, donner lieu à communication (voir article 21 du décret introduisant l’article R. 613-1-1 et du Code de justice administrative et article 22 du décret modifiant l’article R. 613-3 du même Code).

Le décret JADE semble ainsi répondre à l’accroissement du contentieux en cherchant, dans une mesure qui reste à déterminer, à décourager certaines requêtes en renforçant l’obligation de lier le contentieux, en élargissant le ministère d’avocat obligatoire ou encore en étendant les possibilités de rejet par ordonnance.   

 

 

Copropriétés en difficulté et lutte contre l’habitat indigne : le Ministère du logement entend renforcer la lutte contre l’habitat indigne dans le parc privé

C’est à l’occasion d’une communication en Conseil des Ministres que celui du logement et de l’habitat durable, Madame Emmanuelle COSSE, a exprimé le 26 octobre dernier sa volonté de renforcer la lutte contre l’habitat indigne affectant le parc privé.

Bien qu’ayant enregistré une diminution de l’ordre de 15 % ces dix dernières années, les logements du parc privé potentiellement dangereux pour la sécurité et la santé de leurs occupants représentent encore près d’un demi-million d’unités.

Pour accentuer la réduction du volume de ces logements sur les territoires, quatre nouvelles mesures ont été dévoilées par la Ministre :

1) Mise en place de nouvelles opérations de requalification de copropriété dégradées (ORCOD) au 1er semestre 2017 : ce dispositif, originellement conçu pour les copropriétés de très grandes tailles en très grande difficulté de Clichy-sous-Bois et de Grigny, permettra de favoriser le redressement des copropriétés en difficulté notamment par l’emploi de nouveaux outils à disposition de l’administrateur provisoire (cf. décret n° 2015-999 du 17 août 2015 relatif aux procédures judiciaires applicables aux copropriétés en difficulté) : procédure formalisée d’apurement des dettes et procédure d’administration renforcée.

Des copropriétés en difficulté des Yvelines, du Val d’Oise ou encore de Marseille sont d’ores et déjà pressenties pour faire l’objet de ces nouvelles ORCOD.

2) Nomination d’un Sous-préfet en charge de la lutte contre l’habitat indigne dans chaque département: chargé de piloter le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne, il aura non seulement pour mission de renforcer l’interaction entres les services de l’Etat et les acteurs locaux, mais également de veiller à ce que les actes délictueux soient poursuivis.

3) Elaboration d’une circulaire interministérielle : elle aura pour objet de promouvoir la mise en œuvre des astreintes administratives dirigées à l’encontre des propriétaires ne réalisant pas les travaux ordonnés par la voie judiciaire

4) Création d’une société publique avec l’EPF ILE-DE-FRANCE et ACTION LOGEMENT au 1er janvier 2017 : laquelle aura pour objet de lutter en Ile-de-France contre le développement des divisions abusives de maisons individuelles opérant une sur-densification des logements et suscitant des conditions de vie indignes pour leurs occupants.

Ces nouveaux outils de lutte contre la dégradation de l’habitat s’inscrivent dans le déploiement de ceux récemment mis en œuvre, telle que l’immatriculation obligatoire des copropriétés au sein d’un registre national désormais accessible en ligne depuis le 1er novembre. D’après le Ministère, ces mesures devraient être prochainement complétées par d’autres outils, notamment en direction des syndics de copropriété.

La confirmation tacite d’un acte de vente nul, déduite de l’exécution volontaire de l’acte par le débiteur, n’est admise que s’il est rapporté la preuve préalable de la connaissance par ce dernier du caractère vicié de l’acte

Les propriétaires d’un immeuble mandatent un cabinet à la recherche d’un acquéreur, puis vendent finalement leur bien à une société civile immobilière, dont le capital est détenu par le gérant de ce cabinet.

Les vendeurs ont poursuivi l’annulation de la vente pour violation de l’article 1596 du Code civil, lequel dispose qu’un mandataire ne peut se porter acquéreur, directement ou par personne interposée, du bien que son mandant l’a chargé de vendre, sauf à rendre l’acte nul en raison du conflit d’intérêts qui résulterait d’une telle situation. Cette nullité relative étant destinée à protéger le vendeur, ce dernier a la faculté d’agir en annulation du contrat de vente, ou bien au contraire de renoncer à cette action en confirmant l’acte nul à certaines conditions, postérieurement à la conclusion définitive du contrat.

La Cour de cassation rappelle que pour se prévaloir de la confirmation d’un acte nul, même tacite, ou d’une renonciation à agir, il faut que le créancier prouve que le débiteur avait bien conscience du vice qui affectait l’acte, lorsqu’il a commencé à l’exécuter, et rejette en conséquence le pourvoi :

« Mais attendu qu’ayant relevé que les consorts X… n’avaient pas conscience de la nullité édictée par l’article 1596 du Code civil, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu’ils n’avaient pas renoncé à invoquer la nullité de la vente ni n’avaient confirmé l’acte argué de nullité et a légalement justifié sa décision de ce chef ».

Cette condition est néanmoins difficile à caractériser en matière de confirmation tacite, en ce qu’elle constitue d’une part un élément intentionnel impossible à déduire de la seule exécution de l’acte par le débiteur et, d’autre part, en ce qu’elle implique de démontrer la connaissance par ce dernier de la règle juridique conduisant à la nullité.

Parution du « guide méthodologique » relatif aux aux agents contractuels de l’Etat : éclarcissements sur la question de la réévaluation de la rémunération

Le 20 octobre 2016, le Ministère de la fonction publique a publié une circulaire dite  « guide méthodologique » relatif aux dispositions applicables aux agents contractuels de l’Etat », qui a pour objet de clarifier le régime juridique applicable aux agents contractuels de l’Etat en explicitant les modifications récentes apportées au décret n° 86-83 du 17 janvier 1986.

Les dispositions applicables aux agents contractuels de l’Etat avaient en effet fait l’objet d’une réforme en 2014 tendant à améliorer les conditions d’emploi des agents contractuels.

Cette réforme a été suivie, en 2015, d’une réforme propre aux agents contractuels des collectivités territoriales, fortement inspirée de celle précédemment adoptée pour les agents de l’Etat (cf. décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale).

Entre autres nouveautés, l’obligation de « rééxamen » de la rémunération prévue à l’article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 s’est vue substituer une obligation de « réévaluation », et il en est de même dans la nouvelle version du décret n° 88-145 du 15 février 1988 afférent aux contractuels des collectivités.

La question se pose cependant du sens à donner à cette substitution de vocabulaire, et en particulier, de l’éventuelle obligation d’augmentation de la rémunération que le terme de « réévaluation » pourrait impliquer.

La circulaire rappelle ainsi que les employeurs publics ne peuvent prévoir de règles d’avancement que si elles « n’impliquent aucun automatisme ni ne présument le sens de l’évaluation de la rémunération ». Elle rappelle également que le Conseil d’Etat a jugé illégale une délibération organisant des perspectives automatiques d’avancement dans une grille de rémunération, dès lors qu’elle  contrevenait à la volonté du législateur de n’autoriser qu’à titre dérogatoire le recrutement d’agents contractuels (CE, 30 juin 1993, Préfet de la Martinique, n° 120658, 129984 et 129985).

La circulaire précise également que sur le fondement de cette règle, un avis du Conseil d’Etat du 30 septembre 2014 avait précisé que l’obligation de réévaluation prévue à l’article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 n’impliquait pas systématiquement une augmentation de la rémunération perçue par l’intéressé.

Elle vient ainsi conclure que le dispositif de réévaluation doit donc simplement offrir le cadre d’une « discussion entre l’employeur et l’agent au moins tous les trois ans ».

Le passage d’une obligation de réexamen à celle de réévaluation apparaît sans effet automatique sur la rémunération des agents contractuels.

Pour la majoration des redevances, les dispositions du CG3P ne sont pas applicables aux logements de fonction attribués aux fonctionnaires territoriaux

Dans cette affaire, la requérante, une ancienne gardienne, bénéficiait d’un logement de fonctions pour nécessité absolue de service. Cependant, après sa mise à la retraite, elle devait refuser de quitter son logement, si bien que la Ville de Paris, propriétaire des lieux, l’avait assujettie au versement d’une redevance mensuelle en se fondant sur les dispositions de l’article R. 2124-74 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).

Pour mémoire, cet article dispose en effet que : « […] pour toute la période pendant laquelle il occupe les locaux sans titre, notamment dans le cas où son titre est venu à expiration, [L’occupant qui ne peut justifier d’un titre] est astreint au paiement d’une redevance fixée par le directeur départemental des finances publiques, égale à la valeur locative réelle des locaux occupés. Cette redevance est majorée de 50 % pour les six premiers mois, de 100 % au-delà ».

Cependant, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris qui avait rejeté la requête de cet agent tendant à l’annulation de la redevance pour occupation d’un logement de fonction au motif que « si la ville de Paris soutient avoir appliqué ces pénalités sur le fondement de l’article R. 102 du Code du domaine de l’Etat, cet article, abrogé par le décret n° 2011-1612 du 22 novembre 2011 et repris à l’article R. 2124-74 du Code général de la propriété des personnes publiques, […], n’est applicable qu’aux concessions de logement dans les immeubles appartenant à l’Etat et non aux agents territoriaux bénéficiant d’un logement dans un immeuble appartenant à une collectivité territoriale ; que cet article ne pouvait donc fonder la majoration appliquée ».

Il semble que les collectivités locales ne pourraient donc plus se fonder, en l’absence de titre d’occupation, sur l’article R. 2124-74 du CG3P, étant cependant entendu que la Cour a précisé qu’une commune reste « fondée à réclamer à l’occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période ».

La portée de cet arrêt est cependant à relativiser au regard de ce qu’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat précise que les collectivités ne peuvent attribuer à leurs agents des prestations venant en supplément de leur rémunération qui excéderaient celles auxquelles peuvent prétendre des agents de l’Etat occupant des emplois équivalents (CE, 2 décembre 1994, Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, n° 147962 et CE, 25 septembre 2009, Union fédérale des cadres des fonctions publiques – CFE-CGC, n° 318505). Cela est d’autant plus important qu’il ne ressort pas de l’arrêt que la Ville de Paris aurait opposé ce moyen en défense.

C’est ainsi que, pour l’heure, la prudence permet de considérer les dispositions du CG3P applicables au moins aux agents territoriaux en fonctions, et ce malgré le champ d’application du CG3P.

Une insuffisance professionnelle « managériale » peut justifier suspension conservatoire et licenciement de l’agent contractuel

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat était saisi de la situation du Directeur de la culture de la Communauté urbaine de Strasbourg, lequel tenait régulièrement en présence de ses subordonnés des propos grossiers, déplacés et dévalorisants, de nature à heurter gravement certains collaborateurs.

L’autorité territoriale l’avait ainsi suspendu de ses fonctions « dans l’intérêt du service », puis licencié pour insuffisance professionnelle.

Au terme d’une procédure contentieuse défavorable à l’établissement, le Conseil d’Etat a finalement validé ces deux décisions, en jugeant qu’en l’espèce le fait de tenir des propos vexatoires et des réflexions à connotation sexiste présentait un caractère de gravité portant atteinte au bon fonctionnement du service. Ainsi, après avoir rappelé que « la suspension d’un agent, lorsqu’elle est prononcée aux fins de préserver l’intérêt du service, est une mesure à caractère conservatoire qui peut être prise lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité », il a validé la première des deux décisions en cause.

Le Juge administratif semble donc estimer que – même sans texte – l’intérêt du service seul peut motiver, sous réserve de la gravité des faits, la suspension de l’agent contractuel, quel que soit le fondement de la procédure par la suite engagée, disciplinaire ou en lien avec une insuffisance professionnelle.

Le second intérêt de l’arrêt est que c’est une insuffisance dite « managériale » qui a justifié le licenciement pour insuffisance professionnelle de l’agent, et ce malgré les connaissances techniques  de ce dernier, dès lors que : « la fonction de directeur de la culture exercée par M. A, de nature essentiellement managériale, ainsi que la mission de réorganisation et de rationalisation du service culturel qui lui était également confiée exigeaient des qualités professionnelles de gestion, de communication, de dialogue et de conduite du changement [] ».

 

Responsabilité civile : prédisposition de la victime

Cass. civ., 2ème, 19 mai 2016, n° 15-18.784

Cass. civ., 2ème, 14 avril 2016, n° 14-27.980

Les 14 avril et 19 mai derniers, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation se sont prononcées sur la question de la prédisposition de la victime dans la survenance de son dommage corporel.

Dans la 1ère espèce – du 14 avril 2016 –, un chauffeur routier avait eu un accident de la circulation ayant entraîné des séquelles qui avaient eu des répercussions professionnelles.

La Cour d’appel de Grenoble avait alors considéré que la perte de gains professionnels futurs n’était pas exclusivement imputable à l’accident mais lié à une hernie discale, limitant dès lors le montant à allouer à la victime au titre de son préjudice.

Dans la 2ème affaire – du 19 mai 2016 –, la Cour d’appel de Poitiers avait eu le même raisonnement que la Cour d’appel de Grenoble, considérant que l’existence d’un état psychique fragile du requérant antérieur à l’accident de la circulation justifiait de limiter le montant qui devait lui être alloué au titre de sa perte de gains professionnels futurs.

Dans les deux affaires, la Cour de cassation a cassé les décisions des Juges du fond, rappelant, au visa de l’article 1382 du Code civil et selon la même formule consacrée, que le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est l’issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

La Cour de cassation rappelle ainsi fermement que la victime peut prétendre à une réparation intégrale sans perte ni profit dès lors que ses prédispositions ne s’étaient pas manifestées avant l’accident.

Projet de loi SAPIN II : il est adopté !

Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – dite loi Sapin II – a été adopté en lecture définitive par l’Assemblée Nationale le 8 novembre 2016.

L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux concessions ont été ratifiées.

Dans le cadre de cette ratification, l’Ordonnance relative aux marchés publics est modifiée à plusieurs égards :

  • l’article 32 régissant l’allotissement est modifié : il n’est plus possible de présenter des offres variables et lorsque l’acheteur décide de ne pas allotir, il doit désormais énoncer « les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision » ;
  • l’article 45 régissant les interdictions de soumissionner obligatoires et générales prévoit désormais qu’une simple déclaration sur l’honneur devient une preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas placé dans une situation d’interdiction de soumissionner ;
  • l’article 52 régissant les critères d’attribution est complété de la façon suivante : « l’attribution sur la base d’un critère unique est possible dans des conditions fixées par voie réglementaire ». Le décret est en attente de publication ;
  • l’article 53 régissant les offres anormalement basses est modifié, dans l’objectif de renforcer l’obligation de détecter les offres anormalement basses selon les modalités suivantes : « l’acheteur met en œuvre tous moyens pour détecter les offres anormalement basses lui permettant de les écarter » ;
  • l’article 69 impose désormais à l’acheteur l’obligation suivante dans le cadre des marchés de partenariat : « lorsque l’acheteur confie tout ou partie de la conception des ouvrages au titulaire, les conditions d’exécution du marché doivent comprendre l’obligation d’identifier une équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception des ouvrages et du suivi de leur réalisation » ;
  • l’article 74 régissant l’évaluation et étude préalables précise les exigences auxquelles doit satisfaire l’évaluation préalable ;
  • l’article 89 relatif à l’exécution des marchés de partenariat encadre les conditions d’indemnisation « en cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le Juge, faisant suite au recours d’un tiers ».

En plus de modifier l’Ordonnance relative aux marchés publics, la loi Sapin II modifie également le Code général des collectivités territoriales (CGCT).  Ainsi, les articles L. 1414-2 et 3 du CGCT ont évolué sur un point : les commissions d’appels d’offres (CAO) des Offices publics de l’Habitat (OPH) ne relèvent plus du CGCT, mais d’un décret en Conseil d’Etat qui a vocation  à intervenir.

Une consultation a été lancée par la Direction des affaires juridiques de Bercy sur ledit projet de décret ; les remarques susceptibles d’être présentées sur ce projet de décret peuvent être envoyées à l’adresse suivante : concertation2.daj@finances.gouv.fr, jusqu’au 24 novembre 2016 inclus.

Généralisation de la saisine par voie électronique de l’administration – Entrée en vigueur du décret n° 2016-1411 du 20 octobre 2016

Le décret n° 2016-1411 du 20 octobre 2016, entré en vigueur le 7 novembre 2016, généralise le droit pour toute personne (particuliers, entreprises, associations) de saisir les administrations de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs ainsi que les organismes et personnes chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale, par voie électronique. Il abroge le décret n° 2015-1404 du 5 novembre 2015 qui réservait jusque là cette possibilité aux services de l’Etat et à ses établissements publics administratifs.

Par cette seule voie, l’usager pourra adresser une demande, une déclaration, un document ou une information ou une réponse à l’administration, dès lors qu’il aura préalablement procédé à son identification. L’identification de l’usager en ligne peut notamment prévoir l’utilisation d’un identifiant ou d’autres moyens d’identification électronique.

Pour que ce droit soit rendu pleinement effectif, il est prévu que l’administration informe le public des téléservices qu’elle crée, notamment en donnant accès aux modalités d’utilisation. Les téléservices peuvent prendre la forme d’une téléprocédure ou d’une procédure de saisine par voie électronique (formulaire de contact, adresse électronique dédiée à recevoir les envois du public). A défaut, le public peut la saisir par tout type d’envoi.

Le décret précise également les modalités selon lesquelles il est accusé réception des saisines adressées par voie électronique : soit un accusé de réception électronique (AR) est délivré instantanément, soit, à défaut (l’accusé de réception peut en effet être délivré au plus tard dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception de l’envoi de la demande), l’usager reçoit un accusé d’enregistrement électronique.

En matière de demande adressée à l’administration, l’AR doit indiquer si une décision implicite d’acceptation ou de rejet est susceptible de naître ainsi que la date d’intervention de cette décision.

S’il s’agit d’une décision implicite de rejet, les voies et délais de recours ouverts à l’encontre de la décision devront être mentionnés dans l’AR pour être opposables au demandeur.

Rappelons que ces dispositions ne sont pas applicables aux relations entre l’administration et ses agents.

Signature du contrat et recevabilité du référé contractuel

La solution retenue par l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 octobre 2016 doit attirer l’attention des acheteurs publics, et ce en particulier dans le contexte de l’entrée en vigueur du décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016 relatif à l’usage des téléprocédures devant les juridictions administratives.

Dans cette affaire, en effet, une société évincée d’un marché de collecte et d’élimination des déchets avait formé un référé précontractuel, dont elle s’était désistée lorsqu’elle avait appris la signature du marché par l’acheteur public. Elle avait toutefois, dans la foulée, exercé un référé contractuel au motif que l’acheteur public avait signé le marché alors même qu’il avait connaissance de l’exercice d’un référé précontractuel et qu’il aurait donc dû s’abstenir de le signer.

L’acheteur public soutenait au contraire qu’il avait signé le marché parce qu’il était dans l’ignorance de l’introduction d’un référé précontractuel : la société évincée ne l’avait pas informé de l’introduction du référé ; et s’il est vrai que le greffe du Tribunal administratif avait mis la requête à sa disposition sur l’application Télérecours, il ne l’avait toutefois pas consulté au moment où il avait signé le marché.

S’agissant de la date à laquelle les parties sont réputées avoir eu connaissance d’un recours, le Code de justice administrative prévoit deux corps de règles :

– en principe, les parties sont réputées avoir eu connaissance d’une requête ou d’un mémoire à la date de la première consultation du document, certifiée par un accusé de lecture ;

– toutefois, lorsque le juge est tenu de juger dans un délai inférieur ou égal à un mois à compter de l’introduction d’une requête, les parties sont réputées avoir eu connaissance d’une requête ou d’un mémoire dès leur mise à disposition dans l’application Télérecours (article R. 611-8-2 du Code de justice administrative).

Faisant application de cette règle, le Conseil d’Etat a logiquement considéré qu’un référé contractuel est recevable lorsqu’un acheteur public signe un marché alors que le greffe avait mis à sa disposition, sur l’application Télérecours, une requête en référé précontractuel, requête qu’il n’avait toutefois pas consultée :

« Considérant qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée, non contestées sur ce point, que le greffe du tribunal administratif de Rennes a mis à la disposition du ministre de la défense le 26 avril 2016 à 12h17 le référé précontractuel déposé par la société Tribord, en utilisant l’application informatique « Télérecours » à laquelle est inscrite son administration ; que le ministre a signé le contrat correspondant au lot n° 2 du marché en litige le 26 avril 2016 à 17h07 ; qu’en jugeant qu’il résulte des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 611-8-2 du code de justice administrative, applicables à la procédure de référé précontractuel dès lors que le juge est tenu de statuer dans un délai inférieur à un mois, que la communication de ce référé doit être réputée avoir été reçue par le ministre dès sa mise à disposition dans l’application « Télérecours » et en en déduisant que le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions de l’article L. 551-4 du code de justice administrative en signant le contrat postérieurement à la réception du référé précontractuel et que, de ce fait, la voie du référé contractuel était ouverte à la société Tribord, le juge des référés n’a pas entaché son ordonnance d’erreur de droit ».

En pratique, la portée de la solution retenue par le Conseil d’Etat est très importante, et cela d’autant qu’à compter du 1er janvier 2017, l’utilisation de l’application Télérecours par les acheteurs publics (à l’exception des communes de moins de 3.500 habitants) deviendra en principe obligatoire : il convient désormais de conseiller aux acheteurs publics de se connecter systématiquement sur l’application Télérecours avant de signer un contrat de la commande publique, afin de vérifier qu’aucun référé précontractuel n’a été mis à disposition par le greffe du Tribunal administratif.

Lien hypertexte et infraction de diffamation : attention à la prescription

Un article était publié en 2010 par une personne sur son site personnel mettant en cause un Inspecteur des Finances, personne recevant la qualité de fonctionnaire public.

L’auteur publiait un nouvel article en 2011 accompagné d’un lien hypertexte renvoyant à son précédent article datant de 2010.

L’Inspecteur des Finances s’estimant diffamé engageait des poursuites du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire devant le Tribunal correctionnel de Paris, contre la publication de 2011 comportant un lien hypertexte vers la publication de 2010.

Les Juges de première instance avaient considéré que le lien hypertexte inséré dans le nouvel article public sur le site internet en cause constituait un nouvel acte de publication, de sorte que cette insertion faisait courir un nouveau délai de prescription trimestrielle ; ils avaient en conséquence condamné l’auteur.

La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 22 octobre 2015 avait infirmé ce jugement de première instance en estimant que l’action était prescrite, le lien hypertexte ne constituant pas selon elle une nouvelle publication.

Dans sa décision du 2 novembre dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation vient casser et annuler la décision de la juridiction d’appel en apportant une précision utile à la question des liens hypertextes en matière de droit de la presse.

Au visa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, la Cour de cassation, après avoir rappelé qu’en matière de presse le point de départ de la prescription est le jour de la publication de l’écrit incriminé, précise : « que toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié, est constitutive d’une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ; que l’insertion, sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement audit écrit, précédemment publié, caractérise une telle reproduction ».

L’intérêt de cet arrêt réside dans la possibilité pour des personnes victimes de propos diffamatoires ou injurieux, réitérés par le biais de liens hypertextes, d’engager des poursuites pénales sans se voir opposer la prescription de trois mois applicable au texte original.

Par cette décision, la Cour de cassation vient permettre de facto, l’allongement du délai de prescription en posant tout de même certaines conditions notamment tenant à l’identité de l’auteur et à une volonté de publication nouvelle de celui-ci.

Quelques semaines après le vif débat autour de la réforme de la loi de 1881 par le Sénat et à quelques mois d’élections politiques importantes, cette jurisprudence de la Cour de cassation devra être rappelée, notamment s’agissant de publications sur des blogs politiques qui n’échapperont pas à ce nouveau principe jurisprudentiel.

 

Taux effectif global (TEG) : rupture d’égalité au détriment des collectivités

Le Tribunal de  grande instance de Nanterre avait à plusieurs reprises condamné une banque (DEXIA) pour avoir omis de faire figurer le taux de période, comme le TEG,  sur les prêts qu’elle avait consentis à des personnes publiques (TGI Nanterre 6ème ch, 7 mars 2014 n° 12/06737, Cne de Saint-Maur des Fossés ; TGI Nanterre 6ème ch, 4 juillet 2014 n° 11/10608, Cne d’Angoulême).

Il avait même, auparavant, condamné à trois reprises, DEXIA pour avoir omis de mentionner le TEG lui-même sur un document contractuel que la banque avait signé (TGI de Nanterre 8 juin 2013 n° 11/03778).

La loi de 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, loi rétroactive, avait, il est vrai, effacé les conséquences pour les banques, de ces condamnations, qui consistaient en la substitution au taux conventionnel du taux d’intérêt légal.

L’examen de la jurisprudence récente relative aux crédits aux particuliers montre que les tribunaux font preuve d’exigence à l’égard des banques.

C’est ainsi que dans un arrêt du 1er juin 2016, la Cour de cassation impose la mention du taux de période pour les crédits et l’assortit de la sanction appliquée en cas de TEG erroné (Cass., 1ère civ. 1er juin 2016 n° 15-15813, Sté Clos Sorel c/ BNP Paribas).

Aux termes de l’arrêt, en définitive, la mention du taux de période est une exigence générale, applicable à tous les crédits, au profit de tous les emprunteurs. Cela ne vient-il pas souligner, en définitive, la rupture d’égalité instituée à l’occasion de la loi de 2014 de sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public ?

On ne voit guère ce qui justifie, en effet, que ces dernières soient seules à ne pouvoir bénéficier de la protection de dispositions concernant le TEG jugées manifestement importantes par la Cour de cassation.

Le pouvoir du Juge administratif en matière de communication de documents

Dans le prolongement de la décision rendue récemment et commentée dans la précédente lettre d’actualité juridique, (CE, 28 septembre 2016, société Armor Développement et autres, n° 390760), le Conseil d’Etat vient apporter des précisions sur les conditions de communication des documents administratifs dans le cadre de contentieux relatifs aux contrats publics.

Ainsi, dans la décision précitée, le Conseil d’Etat avait confirmé que, saisi par un candidat d’un recours contre un refus de communication de documents administratifs, il appartient au Juge d’ordonner que les documents lui soient transmis afin d’établir leur caractère communicable ou non.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du 17 octobre dernier, un candidat évincé à une procédure de délégation de service public portant sur l’exploitation de bains de mer soutenait que l’attributaire ne disposait pas des garanties professionnelles et financières suffisantes et que sa candidature aurait dû être rejetée. Dans le cadre du contentieux, le pouvoir adjudicateur avait transmis le rapport d’analyse des candidatures biffé afin de préserver le secret commercial et industriel. En première instance, le Tribunal administratif avait annulé la procédure au motif qu’en transmettant un document tronqué, le pouvoir adjudicateur ne démontrait pas que l’attributaire disposait effectivement des garanties professionnelles et financières. Le Conseil d’Etat sanctionne cette décision en considérant que, dans une telle situation, il appartient au Juge d’inviter la partie qui s’en prévaut à lui procurer tous les éclaircissements nécessaires sur la nature des pièces écartées et sur les raisons de leur exclusion. Et, si ce secret lui est opposé à tort, il appartient au Juge administratif d’enjoindre à la collectivité de produire les pièces en cause et de tirer les conséquences, le cas échéant, de son abstention  En l’espèce, après avoir obtenu la communication du document biffé, le Conseil d’Etat a constaté que l’attributaire présentait bien toutes les garanties des garanties professionnelles et financières.

Proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement

Issue d’un long travail engagé par le Sénat en début d’année, et de réflexions auxquelles Didier SEBAN avait été associé, la proposition de loi proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement, a été adoptée en 1e lecture au Sénat le 2 novembre dernier.

Organisée autour de cinq chapitres, elle prévoit des mesures pour :

  • moderniser le contentieux de l’urbanisme, en accélérant les procédures d’instruction et de jugement, mais également en facilitant l’octroi de dommages intérêts en cas de recours abusif ;
  • assouplir l’articulation des documents d’urbanisme, en simplifiant la procédure de mise en compatibilité des PLU ;
  • faciliter les opérations d’aménagement, en les sécurisant en cas d’annulation du PLU en vigueur, ou encore en simplifiant les ZAC ;
  • renforcer le dialogue entre les collectivités territoriales et l’Etat ;
  • pour améliorer la protection du patrimoine.

Cette proposition de loi ne manquera pas, lorsqu’elle sera définitivement approuvée, de faire l’objet de commentaires plus développés, s’agissant d’évolutions non négligeables du droit de l’urbanisme.

Notion d’élu intéressé à l’élaboration d’un PLU : nouvelles précisions

Le Conseil d’Etat a rendu, le 12 octobre dernier, une décision intéressante sur le caractère d’élu intéressé à l’élaboration d’un Plan local d’urbanisme (PLU).

Dans cette décision, le Conseil d’Etat précise l’un des critères utilisés pour reconnaître ce caractère. Il souligne ainsi que, pour être reconnu, il doit ressortir des pièces du dossier que la délibération prend en compte l’intérêt personnel de l’élu, du fait de l’influence que ce dernier a exercé pendant les discussions.

Dans la décision commentée, la conseillère municipale prétendument intéressée était l’épouse du gérant d’un supermarché de la commune dont le PLU approuvé par la délibération litigieuse rendrait possibles le déplacement et l’extension.

Or, le Conseil d’Etat considère que la seule participation au vote de cette conseillère prétendument intéressée ne suffit pas pour lui reconnaitre le caractère d’élue intéressée dès lors que la délibération ne pouvait pas être regardée comme ayant pris en compte, du fait de l’influence qu’elle aurait exercée, son intérêt personnel.

En d’autres termes, le Juge administratif ne peut pas reconnaître le caractère intéressé si l’élu n’a pas pris part activement aux débats pour convaincre spécifiquement des modifications à apporter au document en sa faveur.

 

Précisions sur l’ensemble immobilier unique

Le Conseil d’Etat a récemment apporté de nouvelles précisions sur la question de l’ensemble immobilier unique.

Dans cette décision, il rappelle d’abord le principe constant selon lequel une construction constituée de plusieurs éléments formant un ensemble immobilier unique doit faire l’objet d’un permis de construire unique.

Le point intéressant de la décision est ici que le Conseil d’Etat précise ensuite que, lorsque deux constructions sont distinctes, « la seule circonstance que l’une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l’autre, au regard de considérations d’ordre technique ou économique et non au regard des règles d’urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique ».

Le Conseil d’Etat annule ainsi l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel avait estimé que le Préfet ne pouvait pas autoriser la construction d’éoliennes alors qu’il avait refusé parallèlement de délivrer le permis relatif au poste de livraison « pourtant indispensable à leur fonctionnement », considérant « qu’en se fondant sur l’existence d’un lien fonctionnel de nature technique et économique entre ces constructions distinctes, au demeurant éloignées, pour en déduire qu’elles constituaient un ensemble immobilier unique devant faire l’objet d’un même permis de construire, la cour a commis une erreur de droit ».

Légalité d’un emplacement réservé à la suite de l’illégalité d’une décision de préemption

Dans l’affaire tranchée par la Cour administrative d’appel de Nantes, une commune a grevé une parcelle d’un emplacement réservé, la procédure suivie par l’auteur du PLU a alors été contestée.

Mais il faut savoir que, précédemment, la commune, en qualité cette fois de titulaire du droit de préemption, avait utilisé sa prérogative pour acquérir ladite parcelle.

Or, sur recours de l’acquéreur évincé, la décision avait été censurée pour incompétence.

Le Juge administratif avait en revanche écarté le moyen tiré de l’absence de projet d’aménagement.

Au vu des effets tenant à l’emplacement réservé gelant la destination du terrain, l’acquéreur évincé a attaqué la délibération du conseil municipal afférente et ce, notamment, au motif d’un détournement de pouvoir.

Le raisonnement a été rejeté par la Cour qui a reconnu la réalité du projet ayant motivé successivement, tant la création de l’emplacement réservé, que la mise en œuvre du droit de préemption.


 

Notification tardive de la décision de préemption et cas de force majeure

Classiquement et de manière très constante, le Juge administratif censure les décisions de préemption notifiées tardivement, c’est-à-dire plus de deux mois après la réception de la déclaration d’intention d’aliéner, sauf à ce que l’un des motifs de prorogation d’instruction de la déclaration ouvert depuis l’introduction des dispositions de la loi Alur ait joué.

La Cour administrative d’appel de Marseille a eu l’occasion de rappeler très clairement que le délai de notification de la décision de préemption ne présente pas de caractère franc car il n’est pas un délai de procédure au sens de l’article 642 du Code de procédure civile.

Dans cette affaire, la déclaration d’intention d’aliéner ayant été réceptionnée en mairie le 22 avril 2014, le délai de deux mois expirait le 22 juin suivant à minuit.

L’acte ayant été reçu par le propriétaire après cette échéance, la décision était illégale.

Ce qu’il est également intéressant de noter est que la Cour administrative d’appel de Marseille semble accueillir le principe selon lequel un cas de force majeure pourrait justifier régulièrement une notification tardive.

Mais dans cette affaire, l’autorité préemptrice ne justifiait ces allégations par aucun élément pertinent.

De fait, le délai d’instruction d’au moins deux mois après la loi Alur s’accorde mal avec la caractérisation d’un cas de force majeure.

Il est donc particulièrement nécessaire d’être vigilant quant au respect du délai.