le 14/11/2016

Signature du contrat et recevabilité du référé contractuel

CE, 17 octobre 2016, n° 400791

La solution retenue par l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 octobre 2016 doit attirer l’attention des acheteurs publics, et ce en particulier dans le contexte de l’entrée en vigueur du décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016 relatif à l’usage des téléprocédures devant les juridictions administratives.

Dans cette affaire, en effet, une société évincée d’un marché de collecte et d’élimination des déchets avait formé un référé précontractuel, dont elle s’était désistée lorsqu’elle avait appris la signature du marché par l’acheteur public. Elle avait toutefois, dans la foulée, exercé un référé contractuel au motif que l’acheteur public avait signé le marché alors même qu’il avait connaissance de l’exercice d’un référé précontractuel et qu’il aurait donc dû s’abstenir de le signer.

L’acheteur public soutenait au contraire qu’il avait signé le marché parce qu’il était dans l’ignorance de l’introduction d’un référé précontractuel : la société évincée ne l’avait pas informé de l’introduction du référé ; et s’il est vrai que le greffe du Tribunal administratif avait mis la requête à sa disposition sur l’application Télérecours, il ne l’avait toutefois pas consulté au moment où il avait signé le marché.

S’agissant de la date à laquelle les parties sont réputées avoir eu connaissance d’un recours, le Code de justice administrative prévoit deux corps de règles :

– en principe, les parties sont réputées avoir eu connaissance d’une requête ou d’un mémoire à la date de la première consultation du document, certifiée par un accusé de lecture ;

– toutefois, lorsque le juge est tenu de juger dans un délai inférieur ou égal à un mois à compter de l’introduction d’une requête, les parties sont réputées avoir eu connaissance d’une requête ou d’un mémoire dès leur mise à disposition dans l’application Télérecours (article R. 611-8-2 du Code de justice administrative).

Faisant application de cette règle, le Conseil d’Etat a logiquement considéré qu’un référé contractuel est recevable lorsqu’un acheteur public signe un marché alors que le greffe avait mis à sa disposition, sur l’application Télérecours, une requête en référé précontractuel, requête qu’il n’avait toutefois pas consultée :

« Considérant qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée, non contestées sur ce point, que le greffe du tribunal administratif de Rennes a mis à la disposition du ministre de la défense le 26 avril 2016 à 12h17 le référé précontractuel déposé par la société Tribord, en utilisant l’application informatique « Télérecours » à laquelle est inscrite son administration ; que le ministre a signé le contrat correspondant au lot n° 2 du marché en litige le 26 avril 2016 à 17h07 ; qu’en jugeant qu’il résulte des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 611-8-2 du code de justice administrative, applicables à la procédure de référé précontractuel dès lors que le juge est tenu de statuer dans un délai inférieur à un mois, que la communication de ce référé doit être réputée avoir été reçue par le ministre dès sa mise à disposition dans l’application « Télérecours » et en en déduisant que le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions de l’article L. 551-4 du code de justice administrative en signant le contrat postérieurement à la réception du référé précontractuel et que, de ce fait, la voie du référé contractuel était ouverte à la société Tribord, le juge des référés n’a pas entaché son ordonnance d’erreur de droit ».

En pratique, la portée de la solution retenue par le Conseil d’Etat est très importante, et cela d’autant qu’à compter du 1er janvier 2017, l’utilisation de l’application Télérecours par les acheteurs publics (à l’exception des communes de moins de 3.500 habitants) deviendra en principe obligatoire : il convient désormais de conseiller aux acheteurs publics de se connecter systématiquement sur l’application Télérecours avant de signer un contrat de la commande publique, afin de vérifier qu’aucun référé précontractuel n’a été mis à disposition par le greffe du Tribunal administratif.