le 15/11/2016

Parution du décret dit « Justice administrative de demain » portant modification du Code de justice administrative

Décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du Code de justice administrative

Face à l’augmentation soutenue et continue du contentieux administratif dans un contexte budgétaire de plus en plus restreint, le Conseil d’Etat a confié à la Présidente de la Mission d’inspection des juridictions administratives la mission de proposer des pistes d’évolution et de modernisation du rôle et des pouvoirs du Juge administratif. Paru un an après la remise du rapport sur la justice administrative de demain en résultant et entrant en vigueur le 1er janvier 2017, le décret « JADE » a pour objet de retranscrire une partie de ses propositions. Selon les termes du Conseil d’Etat, il vise ainsi à « accélérer le traitement de certaines requêtes, à renforcer les conditions d’accès au juge, à dynamiser l’instruction et à adapter l’organisation et le fonctionnement des juridictions administratives à de nouveaux défis ».

S’agissant de l’ « accélération du traitement de certaines requêtes », le recours aux ordonnances est étendu en ce que (voir article 3 du décret modifiant l’article R. 222-1 du Code de justice administrative) :

  • le pouvoir de statuer par ordonnance, aujourd’hui réservé aux Présidents de juridiction et de formation de jugement, pourra être délégué aux premiers conseillers ayant au moins deux ans d’ancienneté ;
  • des ordonnances de séries pourront être prises sur les requêtes qui présentent à juger en droit des questions identiques à celles tranchées ensemble par un même arrêt devenu irrévocable de la Cour administrative d’appel dont il relève, et non plus seulement sur une de ses propres décisions ou sur un arrêt du Conseil d’Etat ;
  • les requêtes d’appel et les pourvois en cassation manifestement mal fondés pourront être rejetés par ordonnance dans tous les contentieux, et non plus seulement en matière d’obligations de quitter le territoire français.

S’agissant du « renforcement des conditions d’accès au Juge », le décret a pour objet d’accentuer l’obligation de liaison préalable du contentieux, en réduisant les cas de dispense d’avocat et en augmentant le montant des amendes pour recours abusifs.

En premier lieu, l’obligation de liaison préalable du contentieux est étendue dès lors que (voir article 10 du décret modifiant l’article R. 421-1 du Code de justice administrative) :

  • d’une part, la dispense de liaison du contentieux en matière de travaux publics est supprimée ; et
  • d’autre part, la latitude accordée par la jurisprudence en matière indemnitaire permettant au requérant de régulariser en cours d’instance l’absence de demande indemnitaire est également supprimée (CE, 11 avril 2008, Etablissement français du sang, n° 281374).

En deuxième lieu, les cas de dispense d’avocat sont rationnalisés en ce que la dispense est supprimée pour les litiges de travaux publics et d’occupation domaniale et, en appel, pour les contentieux d’excès de pouvoir de la fonction publique (voir article 11 du décret modifiant l’article R. 431-3 du Code de justice administrative et article 30 du décret modifiant l’article R. 811-7 du même Code).

En troisième lieu, le montant maximal de l’amende pour recours abusif est fixé à 10.000 euros, alors qu’il était, depuis 1990, fixé à 3.000 euros (voir article 24 du décret modifiant l’article R. 741-12 du Code de justice administrative).

S’agissant du « renforcement du dynamisme de l’instruction », les pouvoirs du Juge administratif sont considérablement renforcés :

  • à la suite de l’expérimentation menée depuis 2013 en matière d’urbanisme, il peut d’office fixer une date à partir de laquelle les moyens sont cristallisés(voir article 16 du décret modifiant l’article R. 611-7 du Code de justice administrative) ;
  • il peut sanctionner par un désistement d’office l’absence de production d’un mémoire récapitulatif dans le délai imparti, étant précisé que la possibilité de demander aux parties de récapituler leurs conclusions existait d’ores et déjà, sans être toutefois accompagnée de sanction (voir article 17 du décret modifiant l’article R. 611-8 du Code de justice administrative) ;
  • il peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions, et à défaut de réponse dans le délai imparti prononcer un désistement d’office, lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur (voir article 20 introduisant l’article R. 612-5 du code de justice administrative) ; et
  • à l’instar de ce que prévoit déjà l’article R. 611-7 du Code de justice administrative en cas d’information sur un moyen d’ordre public, il peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l’instruction, postérieurement à la clôture de l’instruction et sans que cette demande ait pour effet de rouvrir l’instruction. De même, désormais, les mémoires produits après la clôture de l’instruction peuvent, en cas de réouverture de l’instruction, donner lieu à communication (voir article 21 du décret introduisant l’article R. 613-1-1 et du Code de justice administrative et article 22 du décret modifiant l’article R. 613-3 du même Code).

Le décret JADE semble ainsi répondre à l’accroissement du contentieux en cherchant, dans une mesure qui reste à déterminer, à décourager certaines requêtes en renforçant l’obligation de lier le contentieux, en élargissant le ministère d’avocat obligatoire ou encore en étendant les possibilités de rejet par ordonnance.