Création du registre des « bénéficiaires effectifs »

L’ordonnance du 1er décembre 2016  renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme , complétée par le décret n°2017-1094 du 12 juin 2017, a créé le « registre des bénéficiaires effectifs » des personnes morales immatriculées au RCS.

Les sociétés commerciales doivent dorénavant tenir un registre permettant d’identifier quelles sont les personnes physiques qui exercent le contrôle effectif de la société.

Ce dispositif est obligatoire pour toutes les sociétés immatriculées depuis le 1er août 2017, les sociétés déjà immatriculées ont jusqu’au 1er avril 2018 pour s’y conformer.

Il s’agit de pouvoir identifier qui contrôle réellement une société, afin de pouvoir mieux lutter contre le blanchiment d’argent, la fraude fiscale et le terrorisme.

Selon l’article L.561-2-2 du code monétaire et financier, le bénéficiaire effectif est celui possédant, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote, ou, à défaut, celui exerçant un contrôle sur les organes de direction ou de gestion au sein des sociétés et des organismes de placement collectifs.

En pratique, l’identification des bénéficiaires effectifs se révèlera facile dans certains cas et plus compliquée dans d’autres :

         – en ce qui concerne les associés ayant plus de 25% du capital et/ou des droits de vote, ils devront être déclarés comme étant des bénéficiaires effectifs dans le registre tenu à cet effet.

– en ce qui concerne les associés personnes morales détenant plus de 25% du capital et/ou des droits de vote de la société déclarante, il conviendra de rechercher, parmi les associés directs ou indirects personnes physiques, ceux qui détiennent une quote-part de leur capital qualifiant une détention indirecte de la société déclarante supérieure à 25%.

–  en ce qui concerne les autres  personnes physiques associés  directs ou indirects de la société déclarante, il conviendra d’analyser les clauses des différents contrats existants (statuts et pactes) pour vérifier si cette personne exerce un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration, de direction de la société ou sur l’assemblée générale des associés ou actionnaires.

– si personne n’est identifié comme bénéficiaire effectif, alors il conviendra de déclarer le représentant légal de la société déclarante comme bénéficiaire effectif.

Le document relatif au bénéficiaire effectif doit être déposé au greffe du Tribunal de commerce lors de la demande d’immatriculation au RCS, ou au plus tard dans un délai de 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt du dossier. Il doit également être mis à jour dans les 30 jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire une rectification des informations qui y sont renseignées.

Si les informations communiquées au greffe ne sont pas publiques par principe, la loi prévoit certaines dérogations.

Ainsi pourront avoir accès à ce registre, outre les magistrats de l’ordre judiciaire, les agents de la Direction générale des finances publiques et des Douanes et les organismes financiers assujettis à la lutte contre le blanchiment (établissements de crédit et compagnies d’assurance par exemple), toute personne justifiant d’un intérêt légitime ayant été préalablement autorisée sur ordonnance rendue, à l’issue d’une procédure non contradictoire, par le juge commis à la surveillance du RCS.

S’agissant des sanctions encourues, outre une éventuelle injonction du Président du tribunal de commerce de déposer le document sous astreinte, diverses sanctions pénales ont en effet été prévues :

– emprisonnement de six mois,

amende de 7 500 euros,

–  interdiction de gérer,

         S’agissant des personnes morales, certaines peines prévues par l’article 131-39 du code pénal telles que la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire ou l’exclusion des marchés publics.  Ainsi, l’actionnariat de certaines sociétés ne sera plus anonyme.

Promesse de vente d’une dépendance du domaine public

Par une convention conclue le 9 juin 2016 avec la société d’économie mixte d’équipement du Pays d’Aix (ci-après, la « SEMEPA »), la commune d’Aix-en-Provence a entendu, d’une part, résilier partiellement la convention conclue en 1986 relative à la concession de la gestion du service public de stationnement payant sur la voirie et, d’autre part, consentir une promesse de vente des parcs de stationnement à la SEMEPA. Le Préfet a déféré cette convention devant le Tribunal administratif de Marseille qui en a suspendu l’exécution. La Cour administrative d’appel a confirmé l’ordonnance du tribunal précité et la Commune et la SEMEPA se sont pourvues en cassation contre l’ordonnance de la Cour administrative d’appel de Marseille.

Saisi de ce pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat commence par énoncer dans un considérant de principe « qu’ aucune disposition du code général de la propriété publique ni aucun principe ne faisaient obstacle à ce que, antérieurement à l’entrée en vigueur de ces dispositions [les dispositions introduites par l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques], des biens relevant du domaine public fassent l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive de leur déclassement, sous réserve que le déclassement soit précédé de la désaffectation du bien et que la promesse contienne des clauses de nature à garantir le maintien du bien dans le domaine public si un motif, tiré notamment de la continuité du service public, l’exigeait ».

Le Conseil d’Etat applique ensuite cette grille d’analyse au cas d’espèce en jugeant que le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant que la circonstance que la commune d’Aix-en-Provence avait autorisé « la cession anticipée d’un bien pour lequel la condition de désaffectation nécessaire et préalable à la sortie du bien du domaine public n’était pas remplie au moment de la conclusion de la convention » méconnaissait le principe d’inaliénabilité du domaine public. 

Alors que, jusque-là, la jurisprudence n’était pas fixée, le Conseil d’Etat confirme dans la présente décision la faculté offerte aux personnes publiques de conclure ces conventions.

Cette décision fait aujourd’hui office de cas d’école dans la mesure où cette faculté est aujourd’hui expressément reconnue par l’article L. 3112-4 du code général de la Propriété des Personnes Publiques mais elle permet de sécuriser juridiquement les montages antérieurs au Code Général de la Propriété des Personnes publiques.

Mineurs étrangers isolés : rappel des critères d’appréciation d’un placement

Le 16 novembre 2017, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a rappelé les critères devant être appréciés pour décider du placement d’un mineur étranger isolé auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance.

En l’espèce, après quelques jours l’accueil d’un enfant albanais en foyer d’urgence, le Procureur de la République avait ordonné le placement provisoire du mineur à l’Aide Sociale à l’Enfance et saisit le Juge des enfants d’une requête en assistance éducative, lequel avait fait droit à cette demande.

Dans un arrêt rendu le 4 juillet 2017, la Cour d’appel de CHAMBERY avait ordonné la mainlevée du placement, retenant d’une part que l’arrivée du mineur sur le territoire français résultait d’une décision de ses parents, qu’aucune situation de danger n’était constatée à son encontre en Albanie, et qu’il restait soumis à l’autorité parentale que ses parents exerçaient depuis ce pays.

D’autre part, la Cour avait retenu que le mineur disposait de relations sociales et familiales en France, de sorte qu’il ne relevait pas de la protection des mineurs non accompagnés.

La Cour de cassation a invalidé le raisonnement de la Cour d’appel en cassant l’arrêt rendu le 4 juillet 2017.

En effet, la Haute Juridiction a considéré qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si le mineur disposait d’un représentant légal sur le territoire national ou était effectivement pris en charge par une personne majeure, la Cour d’appel avait privé sa décision de base légale.

La Cour de cassation a également pris un attendu de principe au visa des articles 375 et 375-5 du Code civil et L. 112-3 et L. 221-2-2 du Code de l’action sociale et des familles, rappelant qu’il résulte de ces textes que la protection de l’enfance a pour but, notamment, de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge, et que si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par le Juge des enfants, ce dernier devant prendre sa décision en stricte considération de l’intérêt de l’enfant.

La résiliation d’un bail commercial est indépendante de la présence du preneur dans les lieux

La résiliation d’un bail commercial peut être prononcée indépendamment du fait que le preneur ait quitté les lieux ou non suite à la remise d’un congé.

En se prononçant dans le sens contraire, la cour d’appel de Chambéry a, dans son arrêt du 31 Mai 2016, violé l’article L. 145-28 du Code de commerce.

Dans les faits, un bailleur commercial invoquant des retards de paiement des loyers et la réalisation de travaux non autorisés, a donné congé à la société locataire au 30 novembre 2013, date d’expiration du bail, avec refus de renouvellement et de paiement d’une indemnité d’éviction.

La société locataire n’a pas contesté la validité du congé et a demandé le paiement d’une indemnité d’éviction.

Les bailleurs ont sollicité par la suite la résiliation du bail expiré en justice.

Pour rejeter la demande en résiliation du bail formée par les bailleurs, l’arrêt d’appel a retenu à tort que cette demande n’a de sens que si la résiliation est prononcée à une date antérieure à la date d’effet du congé, soit avant le 30 novembre 2013.

En l’espèce, la société locataire avait définitivement quitté les lieux le 15 octobre 2015 et s’était donc maintenue dans les lieux deux ans après la prise d’effet du congé.

La Cour de cassation a donc réaffirmé le principe selon lequel la sanction tirée de la résiliation du bail commercial est indépendante de la présence ou de l’absence des lieux de la part du locataire.

Point de départ de l’action en répétition des charges indues est celui de la régularisation des charges

Une Amicale de locataires a assigné son bailleur social dans un premier temps en expertise pour déterminer le montant de charges locatives, puis au fond en restitution des charges indues.

Le Tribunal d’Instance a fait droit aux demandes des locataires.

Le bailleur a relevé appel du jugement et invoqué la prescription de l’action des locataires, en faisant valoir que la prescription de l’action en remboursement des charges indues commencerait à cour au jour du paiement des provisions indues et non à la date de régularisation des charges.

La Cour d’Appel a validé cet argument et par ailleurs jugé que l’absence de régularisation des charges n’était pas sanctionnée par le législateur.

Dans un attendu de principe rendu notamment au visa de l’article 2224 du Code civil, la troisième chambre de la Cour de la cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en considérant que :

« L’action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

Que ce jour est celui de la régularisation des charges qui seule permet au preneur de déterminer l’existence d’un indu, et non celui du versement de la provision. »

La Cour de Cassation a en revanche considéré, comme les juges du fond que « l’obligation de régularisation annuelle des charges n’était assortie d’aucune sanction et que le bailleur pouvait en justifier à tout moment dans la limite du délai de prescription. »

L’action en remboursement de charges indues ayant pour objet de restituer au locataire l’excédent qu’il a versé, seule une régularisation des charges peut faire apparaître un trop-perçu, c’est donc naturellement que la juridiction suprême fait courir le délai de prescription de l’action en remboursement de charges indues à compter de cette régularisation.

Rappel sur le point de départ de l’action en requalification d’un contrat en bail commercial

Un arrêt de principe de la Cour de cassation rappelle le point de départ de l’action en requalification d’un contrat en bail commercial.

En l’espèce, un locataire, titulaire d’une convention portant sur un terrain nu d’une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, s’est vu remettre par le bailleur, après 23 ans de location, un congé dans les formes requises par la convention.

Il convient de préciser que bailleur et preneur étaient par ailleurs liés par un bail commercial pour l’exploitation d’un hôtel attenant au terrain nu lequel était à usage de parking.

Revendiquant l’application du statut des baux commerciaux, le locataire a assigné le bailleur en nullité du congé puisque non conforme selon lui aux articles L 145-4 et suivants du Code de commerce.

Le bailleur a soulevé la prescription biennale de cette action posée par l’article L 145-60 du Code de commerce.

La Cour d’appel a fait droit à la demande du locataire en considérant que le point de départ de l’action en requalification courait à partir de la date à laquelle lui avait été dénié le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l’article L 145-60 du Code civil casse l’arrêt en rappelant que :

 « Le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d’une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants successifs ».

Ce faisant, la Cour de cassation entérine sa position traditionnelle sur ce point, en retenant la date de conclusion du contrat initial comme point de départ de l’action en requalification, indépendamment de sa reconduction ou de son renouvellement.

Toutefois, l’on peut douter de l’application de cette solution au bail dérogatoire du statut des baux commerciaux qui peut, depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, être d’une durée maximale de 3 ans, sauf à admettre qu’un bail dérogatoire d’une telle durée ne puisse jamais être requalifié en bail commercial.

Non prise en compte des améliorations réalisées par le preneur lors du calcul du loyer renouvelé de locaux monovalents

Un bailleur avait consenti un bail commercial d’une durée de 16 années à un preneur portant sur des locaux à usage de camping.

A l’issue du bail, le bailleur a signifié au preneur un congé avec offre de renouvellement puis l’a assigné en fixation judiciaire de loyer.

Dans le cadre de cette procédure, le preneur a sollicité, sur le fondement de l’article R145- 8 du Code de commerce, un abattement du loyer renouvelé au motif qu’il avait financé des travaux d’amélioration.

La Cour d’appel a débouté le preneur en considérant que, les locaux étant monovalents, le loyer devait être fixé, conformément à l’article R145-10 du Code de commerce, en fonction des usages, en l’espèce la méthode hôtelière appliquée aux campings et qu’aucun abattement afférent aux travaux d’amélioration ne pouvait intervenir lors du premier renouvellement de bail.

Saisie d’un pourvoi du preneur, la troisième chambre civile de la Cour de cassation l’a rejeté, en considérant que :

« La soumission du bail aux dispositions de l’article R145-10 du Code de commerce relatif à la fixation du loyer de locaux construits en vue d’une seule utilisation exclut l’application des dispositions de l’article R145-8 du même code. »

Ainsi, en matière de locaux monovalents, la valeur locative est fixée selon les usages de l’activité considérée, à l’exclusion de tout autre critère, dont celui relatif aux travaux d’améliorations de l’article R145-8 du même code qu’il s’agisse, contrairement à ce qu’a retenu la Cour d’Appel de manière erronée, ou non d’un premier renouvellement.

Précisions sur la portée des orientations d’aménagement et de programmation (OAP)

Par une décision rendu 8 novembre 2017, mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat est venu préciser la portée des OAP et la possibilité de les contester à l’occasion d’un recours en excès de pouvoir.

En l’espèce, le conseil municipal de la commune de Dammarie a approuvé, par délibération du 20 mars 2014, son PLU comprenant notamment une OAP relative au secteur « rue de Concrez / rue de Rigauderie ». Cette OAP prévoit notamment que l’aménagement du secteur « devra ménager la possibilité de réaliser une sortie sur la rue de Concrez » et comporte un plan sur lequel est indiquée une « liaison ultérieure possible avec la rue de Concrez ».

Les requérants, possédant un terrain situé sur l’emprise de cette liaison, ont demandé au Tribunal administratif d’Orléans d’annuler pour excès de pouvoir la délibération approuvant le plan local d’urbanisme et en particulier cette OAP.

Le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté au fond leur recours. Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Nantes a également rejeté leur demande.

S’agissant en particulier de l’OAP précitée, la Cour a considéré que cette dernière ne faisait pas grief aux requérants dans la mesure où elle ne créait, en elle-même, aucune obligation. La Cour administrative d’appel de Nantes a donc rejeté pour irrecevabilité les conclusions dirigées contre l’OAP.

En cassation, le Conseil d’Etat rappelle, tout d’abord, qu’en application des dispositions de l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme applicables au litige (nouvel article L. 152-1), les travaux ou opérations d’urbanisme doivent être compatibles avec les OAP.

Sur le fondement de ces dispositions, le Conseil d’Etat considère que si les OAP sont opposables aux demandes d’autorisations d’urbanisme et, dès lors, susceptibles d’être contestés par la voie d’un recours en excès de pouvoir, tel n’est pas le cas lorsque les OAP ne sauraient justifier légalement un refus d’autorisation d’urbanisme :

« 4.      Considérant qu’il résulte de ces dernières dispositions que les travaux ou opérations d’urbanisme doivent être compatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation ; que si de telles orientations, dans cette mesure opposables aux demandes d’autorisations d’urbanisme, sont, en principe, susceptibles d’être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir à l’occasion d’un recours dirigé contre la délibération qui approuve le plan local d’urbanisme, il en va différemment dans le cas où les orientations adoptées, par leur teneur même, ne sauraient justifier légalement un refus d’autorisation d’urbanisme ».

Autrement dit et comme cela est exposé par Monsieur Xavier Domino, rapporteur public sur cette affaire, il est nécessaire que la disposition en cause de l’OAP « ait suffisamment de consistance pour pouvoir être opposable ».

Tel n’était pas le cas en l’espèce, le Conseil d’Etat ayant considéré que la mention d’une « liaison ultérieure possible » ne constituait qu’une « simple prévision insusceptible de faire par elle-même grief ».

Sur le contrôle de la nécessité du recours à l’expropriation par le juge administratif

Le contrôle du caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers implique un examen en trois temps par le juge administratif, qui s’assure que :

       1°/ L’opération répond à une finalité d’intérêt général;

       2°/ L’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine;

       3°) Les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

Dans le deuxième temps de son examen, saisi d’un moyen en ce sens, le juge administratif doit vérifier que l’expropriant ne disposait pas effectivement de terrains qui, eu égard, d’une part, à leurs caractéristiques, et notamment à leur situation, leur superficie et leur configuration et, d’autre part, à la nature de l’opération projetée, auraient permis de réaliser le projet dans des conditions équivalentes, sans recourir à l’expropriation (CE, 8 juin 2016, Commune de Levallois-Perret c/ Boyer, n° 375162).

Par un arrêt en date du 9 novembre 2017, le Conseil d’Etat rappelle que, saisi d’un moyen en ce sens au soutien de la contestation de l’utilité publique d’un projet, la juridiction administrative a l’obligation de se prononcer sur le moyen tiré du fait que l’expropriant disposait de suffisamment de terrains pour réaliser son projet, dans des conditions équivalentes, sans recourir à l’expropriation.

Au cas présent, le projet déclaré d’utilité publique concernait la réalisation de places de stationnement. Les requérants soutenaient que la commune disposait de terrains (dont ils produisaient les plans et indiquaient la superficie) à proximité immédiate de leur terrain qui auraient permis de réaliser le projet sans expropriation.

Faute d’avoir répondu à ce moyen, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille est annulé par le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles il convient d’apprécier la condition de résidence « stable et effective » en France exigée des allocataires étrangers du revenu de solidarité active.

La Caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône avait mis fin, au mois d’août 2013, à la suite d’un contrôle, au droit au revenu de solidarité active d’un couple d’allocataires algériens, leur avait réclamé un trop-perçu au titre du revenu servi pour la période du 1er juin 2009 au 31 mai 2013 et le remboursement d’aides exceptionnelles de fin d’année pour les années 2011 et 2012.

Le président du Conseil Général, avait rejeté le recours préalable obligatoire formé par les intéressés.

Ces derniers avaient, alors, saisi le Tribunal administratif de Marseille aux fins d’obtenir l’annulation des décisions du Préfet et de la Caisse d’allocations familiales. Le Tribunal ayant rejeté, à son tour, ses demandes par un jugement du 2 juin 2016, les allocataires s’étaient pourvus devant le Conseil d’Etat, afin d’obtenir de ce dernier l’annulation du premier jugement, et, le règlement de l’affaire sur le fond.

Aux termes de l’arrêt du 20 octobre dernier, le Conseil d’Etat, se fondant sur les articles L. 262-2, R. 262-5 et R. 262-37 du code de l’action sociale et des familles (CASF), a souligné que pour apprécier si des allocataires du RSA résident de manière stable et effective en France, il y a lieu de tenir compte de leur logement, de leurs activités, ainsi que de toutes les circonstances particulières relatives à leur situation, parmi lesquelles le nombre, les motifs et la durée d’éventuels séjours à l’étranger et leurs liens personnels et familiaux.

La Haute juridiction a mis en évidence, également, que les personnes remplissant les conditions pour bénéficier de l’allocation de revenu de solidarité active ont droit, lorsqu’elles effectuent hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n’excède pas trois mois, au versement sans interruption de cette allocation.

En revanche, lorsque leurs séjours à l’étranger excèdent cette durée de trois mois, le RSA ne peut leur être versé que pour les mois civils complets de présence en France.

Il a rappelé, qu’ « En toute hypothèse, le bénéficiaire du RSA est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation, outre l’ensemble des ressources dont il dispose, sa situation familiale et tout changement en la matière, toutes informations relatives au lieu de sa résidence, ainsi qu’aux dates et motifs de ses séjours à l’étranger lorsque leur durée cumulée excède trois mois ».

Constatant que le Tribunal administratif s’était fondé, pour rendre sa décision, sur le seul fait que les passeports du couple concernés faisaient ressortir de fréquentes sorties du territoire et excluaient de leur part une résidence stable et régulière, le Conseil d’Etat a considéré que le juge de première instance avait commis une erreur de droit.

Le Tribunal administratif aurait dû, en effet, tenir compte de l’ensemble des circonstances de fait résultant de l’instruction et de celles dont il devait disposer dans le dossier qui lui avait été communiqué. Il aurait dû rechercher préalablement à connaître la situation des allocataires, le nombre, les motifs et la durée d’éventuels séjours à l’étranger et leurs liens personnels et familiaux.

Le Conseil d’Etat a annulé  le jugement en ce qu’il a confirmé la décision de suspendre le versement de la RSA au couple d’allocataires, mais a renvoyé l’affaire au même tribunal.

Précisions sur le pouvoir de l’employeur d’opérer des déductions sur le budget de fonctionnement du comité d’entreprise

Dans un arrêt du 25 octobre 2017 (n° 16-10.573), la Cour de cassation a précisé que l’employeur peut déduire de la subvention de fonctionnement du comité d’entreprise, les sommes et moyens en personnel supplémentaires mis à la disposition de cette institution, à l’exclusion des montants qu’il lui a versés au titre des activités sociales et culturelles (ASC), sans que son accord exprès et préalable ne soit requis.

En effet, il résulte de l’article L. 2325-43 du Code du travail que l’employeur verse au comité d’entreprise une subvention de fonctionnement d’un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute, en sus de la subvention destinée aux ASC, « sauf s’il fait déjà bénéficier le comité d’une somme ou de moyens en personnels équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute ».

Ainsi, à titre d’exemple, si le comité d’entreprise a accepté le détachement en son sein, d’un salarié de l’entreprise, l’employeur peut déduire unilatéralement le coût de ce détachement (rémunération du salarié et charges sociales y afférentes) de son budget de fonctionnement.

Le comité d’entreprise a seulement dans ce cas, la possibilité de contester après cette déduction, le montant des sommes déduites par l’employeur s’il est en désaccord avec ses calculs et/ou le résultat obtenu.

Précisions sur les situations dans lesquelles l’employeur est tenu de verser au salarié une indemnité d’occupation de son domicile

Par une série d’arrêt en date du 8 novembre 2017 ( n° 16-18.499,  16-18.498,  16-18.509 , 16-18.508, 16-18.506 et 16-18.494), la Cour de cassation vient préciser que salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis à sa disposition par son employeur, y compris lorsque l’exécution des tâches au domicile n’est pas imposée par l’employeur mais est inhérent aux fonctions du salarié.

Cette indemnité ne peut être modulée en fonction du temps de travail effectif.

Elle est distincte de l’indemnité de remboursement des frais engagés par le salarié, occasionnés par le travail à domicile.

Elle compense le désagrément lié à l’utilisation du domicile à des fins professionnelles.

Cette indemnité ne doit pas être confondue avec l’indemnité versée en cas de télétravail du salarié : en effet le salarié en télé travail est dans une situation différente puisqu’il bénéficie d’un poste de travail au sein de l’entreprise de son employeur.

 

 

La présence d’un médecin spécialiste lors d’une séance de la commission de réforme n’est obligatoire que si cette présence est réellement nécessaire pour l’appréciation du dossier

L’article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires. Il prévoit pour mémoire que « La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l’affection considérée doit participer à la délibération. »

Selon plusieurs tribunaux, la présence d’un médecin spécialiste lors de la séance de la Commission de réforme, loin d’être une obligation générale, n’est qu’une faculté (TA de Paris, 11 décembre 2014, Mme Micalef, req n°1308834 ; TA d’Amiens, 22 avril 2016, Mme Carouge, req n° 140326). Pour d’autres, au contraire, la présence d’un médecin spécialiste de la pathologie étudiée est nécessaire pour que les membres puissent donner un avis éclairé sur l’imputabilité au service de l’affection (TA de Rouen, 9 février 2016, Mme Djoubri, req n° 1401391).

La Cour administrative d’appel de Bordeaux semble avoir tranché ce débat en jugeant que la présence d’un spécialiste est nécessaire uniquement dans des hypothèses déterminées, si réellement il existe un intérêt pour le dossier, notamment par exemple lorsqu’aucun expert de la pathologie n’a jamais été saisi de la situation de l’agent en amont de la séance : « la présence d’un spécialiste lors d’une réunion de la commission de réforme n’est prescrite à peine d’irrégularité de la procédure que si cette présence est nécessaire à l’appréciation par la commission des éléments médicaux qui lui sont soumis. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que cette instance avait déjà eu l’occasion de se prononcer à de multiples reprises sur le cas de Mme B…, et que la nouvelle demande, présentée sur la base d’un dossier comprenant les conclusions d’un expert en rhumatologie, ne faisait apparaître aucune évolution de son état de santé, Ainsi , dans les circonstances particulières de l’espèce, la commission a pu s’estimer suffisamment informée, et régulièrement statuer sans s’adjoindre un médecin spécialiste. » 

Il s’agit là d’une solution raisonnable qui mériterait d’être confirmée.

Il n’y a pas de droit acquis à retrouver son poste lors d’un retour de congé parental

Le Tribunal administratif de Nantes, dans un récent jugement du 8 novembre dernier, a rappelé les limites de la réintégration du fonctionnaire à la suite d’un congé parental.

Madame X. avait en effet été placée à sa demande en congé parental pendant trois années, et quand elle a demandé sa réintégration, trois postes de son grade lui ont été proposés mais non celui qu’elle occupait antérieurement, ce dernier ayant été pourvu entre temps par un autre fonctionnaire.

Insatisfaite, Madame X. a initialement saisi le Juge des référés qui a rejeté sa requête en l’absence de toute urgence compte tenu fait qu’elle avait demandé et obtenu une disponibilité à la suite des propositions qui lui ont avaient été faites.

Le jugement rendu sur le fond de l’affaire rejette également sa requête.

La requérante s’appuyait pour solliciter son affectation sur l’emploi qu’elle occupait auparavant sur la lettre de l’article 75 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qui dispose qu’à « l’expiration de son congé, le fonctionnaire est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans sa collectivité » et que « sur sa demande et à son choix, il est réaffecté dans son ancien emploi ou dans un emploi le plus proche de son dernier lieu de travail ou de son domicile, lorsque celui-ci a changé, pour assurer l’unité de la famille ».

Mais le Tribunal a rappelé qu’aux termes de l’article 34 du décret n°86-68 du 13 janvier 1986 relatif notamment à la position de congé parental des fonctionnaires territoriaux « Six semaines au moins avant sa réintégration, le fonctionnaire bénéficie d’un entretien avec, selon son souhait de réintégration, le responsable des ressources humaines de son administration d’origine ou de détachement pour en examiner les modalités. » et il en a déduit que le droit à être réaffecté sur son précédent emploi était conditionné à la vacance de celui-ci.

Naturellement, la requérante avait été remplacée dans ses fonctions durant cette période de trois ans, par un autre fonctionnaire régulièrement nommé.

Par ailleurs, le Tribunal a relevé que les propositions de poste qui lui avaient été adressées par son employeur relevaient bien de son grade, le moyen relatif à l’absence d’encadrement d’autres agents de catégorie A n’ayant pas été retenu.

La question se poserait sans doute différemment si un contractuel avait occupé ce poste, et probablement aurait-il fallût distinguer selon le caractère permanent ou pas du besoin et, surtout, selon la durée de ce dernier. La jurisprudence selon laquelle un emploi occupé par un agent non titulaire, même en contrat à durée indéterminée, est un emploi vacant (CE, 24 janvier 1990, Centre hospitalier général de Montmorency, req. 67078) aurait alors mérité d’être réinterrogée.

 

Les fonctions d’agents de Police Municipale ne peuvent être exercées que par des Fonctionnaires Territoriaux recrutés à cet effet

Sur une requête du Syndicat de défense des policiers municipaux, le Tribunal administratif de Nice avait, en 2015, annulé le contrat par lequel la Commune de Nice avait recruté pour une durée de trois ans un « Directeur de la sécurité et de la protection ».

Cette décision vient d’être confirmée par la Cour administrative d’appel de Marseille.

En effet, malgré la clarté de la rédaction du Code de la sécurité intérieure sur le recrutement exclusif de fonctionnaires territoriaux pour occuper des fonctions d’agent de police municipale, la Commune de Nice avait, comme cela est en fait relativement courant, attribué ce poste de Directeur de la sécurité et de la protection à un agent contractuel.

C’est ainsi que la Cour, après avoir précisé l’intérêt pour agir du Syndicat (qui a pour but la défense des intérêts professionnels des agents de la filière police municipale), a rappelé :

–          d’une part, qu’aux termes de l’article article L. 511-2 du Code de la sécurité intérieure, les fonctions d’agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l’article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

–          d’autre part, que les attributions de l’agent recruté (mise en place de dispositifs de maintien de l’ordre adaptés, conception et mise en œuvre des stratégies d’intervention de la police municipale etc.) relevaient très majoritairement des missions dévolues aux directeurs de police municipale telles que définies à l’article 2 du décret n°2006-1392 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d’emplois des directeurs de police municipale.

Il convient donc que les communes, pour ne pas fragiliser la légalité des recrutements dans la filière considérée, veillent soit à ce que les candidats retenus disposent de la qualité de fonctionnaire, absolument essentielle en l’espèce, soit alors, pour des postes spécifiques tel que celui concerné dans la présente affaire, à ce que les fonctions puissent réellement être distinguées de celles visées par les statuts particuliers.

Obligations alimentaires : les CCAS désormais recevables à agir sur le fondement de l’enrichissement sans cause

Le 19 janvier dernier, la 7ème Chambre de la Cour d’appel de Douai devait se prononcer sur la recevabilité d’une action d’un Centre Communal d’Action Sociale (ci-après « CCAS ») fondée sur l’enrichissement sans cause.

En l’espèce, une personne âgée était admise de 2004 à 2012 dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, géré par un CCAS.

Cette dernière n’avait pas les capacités financières de régler ses frais d’hébergement, ses ressources mensuelles nettes étant inférieures au montant mensuel des frais de séjour.

Une demande d’aide sociale avait alors été déposée, laquelle avait été refusée en raison du fait que ces frais pouvaient être pris en charge par ses enfants en leur qualité de coobligés alimentaires.

En effet, aux termes de l’article 205 du Code civil :

 « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».

Le CCAS avaient donc avancé les frais d’hébergement puis avaient sollicité leur remboursement par les enfants de la personne hébergée.

Toutefois, malgré les nombreuses diligences accomplies pour recouvrer sa créance, aucun des sept enfants n’avait procédé au paiement des sommes dues par leur mère au Département.

Le CCAS, avait donc été contraint de saisir le Tribunal de grande instance de Lille aux fins de solliciter la condamnation des sept enfants, en tant que coobligés alimentaires, au paiement des sommes dues.

Cependant, une difficulté s’était posée d’emblée : sur quel fondement le CCAS pouvait-il agir auprès des obligés alimentaires pour récupérer sa créance ?

En effet, l’action résultant des dispositions de l’article L.132-7 du Code de la famille et de l’aide sociale ne lui était pas ouverte, celle-ci étant réservée au représentant de l’Etat et aux Présidents des Conseils Départementaux.

De la même manière, l’action prévue à l’article L. 6145-11 du Code de la santé publique ne lui était pas non plus ouverte, celle-ci étant réservée aux établissements publics de santé, que ne constitue pas le CCAS, qui est défini selon l’article L.123-6 du Code l’action sociale et des familles comme un établissement public administratif communal ou intercommunal.

Aucune action propre n’était donc ouverte au CCAS. Dès lors, ce dernier n’avait d’autre possibilité que d’agir sur le fondement subsidiaire de l’enrichissement sans cause, action ne pouvant être introduite qu’à défaut de toute autre action ouverte, ce qui était le cas en l’espèce. 

Par un jugement du 13 novembre 2015, le Tribunal de grande instance de Lille avait pourtant débouté le CCAS, considérant que ce dernier n’était pas recevable à agir sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Par arrêt du 19 janvier 2017, la Cour d’appel de Douai a infirmé la décision de première instance et donné raison au CCAS.

Déclarant l’action du CCAS recevable et reconnaissant qu’il existait bien en l’espèce un enrichissement des enfants de l’hébergée et un appauvrissement corrélatif du CCAS, la Cour d’appel de Douai a décidé d’enjoindre à tous les coobligés alimentaires de verser aux débats les justificatifs complets de leur situation financière et de surseoir à statuer dans l’attente de la production de ces pièces.

Cet arrêt constitue la confirmation d’un revirement de jurisprudence initié en 2014 par la même Cour d’appel de Douai.

Dans le cadre d’une affaire similaire en effet, le CCAS, avait saisi le Juge aux affaires familiales aux fins de solliciter le paiement des frais d’hébergement qu’il avait avancé auprès des coobligés alimentaires.

En première instance, le CCAS avait été débouté par le Juge, qui l’avait déclaré irrecevable sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Par arrêt en date du 13 mars 2014, la Cour d’appel de DOUAI avait infirmé la décision rendu en première instance et validé le raisonnement du CCAS.

A l’occasion de cet arrêt, la Cour avait précisé que l’action du CCAS revêtait un caractère hybride, en ce que le fondement pour le créancier est celui de l’enrichissement sans cause, sans pour autant faire disparaître le caractère alimentaire de l’obligation pesant sur les débiteurs et, partant, les règles découlant des articles 205 et suivants du Code civil.

La recevabilité de l’action du CCAS devait donc s’apprécier en deux temps : d’une part, pour la période et les réclamées antérieures à la date de l’arrêt et, d’autre part, pour la période postérieure à l’arrêt et pour les sommes susceptibles d’être dues à compter de cette date par les obligés alimentaires.

S’agissant de la 2ème période, la Cour avait déclaré le CCAS irrecevable puisque l’action fondée sur l’enrichissement sans cause ne permettait pas de solliciter des contributions alimentaires pour le futur, l’enrichissement sans cause induisant la démonstration d’un appauvrissement et d’un enrichissement corrélatif déterminés. 

S’agissant de la 1ère période en revanche – celle antérieure à l’arrêt rendu – la Cour a déclaré le CCAS recevable en sa demande de paiement de la somme déterminée de près de 34.000 euros.

Il revenait donc à la Cour d’apprécier les ressources et les charges de chacun des coobligés alimentaires afin de fixer le montant de la contribution de chacun.

Or, ces derniers avaient refusé de produire les justificatifs permettant à la Cour d’apprécier leurs ressources et charges.

La Cour avait alors considéré qu’ « au vu des pièces fournies par les intimés, la Cour n’est pas en mesure de fixer la somme due au CCAS par chacun des coobligés alimentaires. »

Ce faisant, la Cour avait sursis à statuer sur les autres chefs de demandes et ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l’affaire pour production par les intimés des justificatifs nécessaires.

Après production desdites pièces, la Cour avait de nouveau statué par arrêt en date du 23 octobre 2014 et condamné chaque coobligé alimentaire à verser au CCAS une indemnité déterminée selon ses ressources.

C’est le même raisonnement qu’a suivi la Cour d’appel de Douai dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 janvier 2017.

En effet, là encore, le CCAS s’était heurté à un refus des intimés de produire les justificatifs nécessaires pour évaluer leurs capacités contributives, malgré la délivrance d’une sommation de communiquer.

Dans l’arrêt du 19 janvier 2017, la Cour a donc, avant dire droit au fond, enjoint à tous les intimés de verser leurs justificatifs et sursis à statuer sur les autres chefs de demandes dans l’attente de la production de ces pièces.

L’affaire a ensuite été plaidée sur la contribution alimentaire des coobligés alimentaires  le 3 octobre dernier et est en cours de délibéré.

L’arrêt du 13 mars 2014, fort heureux pour le CCAS, constituait les prémisses d’un revirement de jurisprudence, mais allait-il être confirmé ? Rien n’était moins sûr.

C’est désormais chose faite avec l’arrêt du 19 janvier 2017. La Cour d’appel de Douai a confirmé sa position de 2014 et ainsi couvert le « vide juridique » auquel était confronté le CCAS en matière de recouvrement de frais d’hébergement auprès des obligés alimentaires.

Dès lors, les CCAS peuvent désormais agir sur le fondement de l’enrichissement sans cause pour recouvrer leur créance résultant de frais d’hébergement auprès des obligés alimentaires.

Nadia TAILLEBOIS ZAIGER – Avocat

Claire-Marie DUBOIS-SPAENLE – Avocat Associée

 

TURPE 5 HTA-BT : modification de la composante annuelle de gestion comprise dans le tarif

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié deux délibérations le 26 octobre dernier qui ont notamment pour objet, pour la première, de définir la composante d’accès aux réseaux publics de distribution d’électricité pour la gestion de clients en contrat unique et, pour la seconde, de modifier l’une des composantes du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité en vigueur depuis le 1er août 2017, le TURPE 5 HTA-BT. La composante concernée par ces délibérations est la « composante annuelle de gestion » (CG) qui est comprise au sein de la part fixe du tarif.

Ces deux délibérations ont été prises dans le prolongement des projets de délibérations intervenues le 7 septembre 2017 et commentées dans la LAJEE n°31[1] et à la suite de l’avis rendu le 10 octobre dernier par le Conseil supérieur de l’énergie. Les délibérations relatives à la définition de la composante d’accès aux réseaux publics de gaz et la modification des tarifs péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel n’ont, en revanche, pas encore été publiées.

La composante d’accès est la composante tarifaire d’un montant négatif, qui fixe le montant de la contrepartie versée par le GRD aux fournisseurs pour la gestion de clients en contrat unique. Elle s’appliquera à compter du 1er janvier 2018.

La composante annuelle de gestion qui est incluse dans le TURPE couvre les coûts de la gestion des dossiers des clients, à savoir l’accueil, la contractualisation, la facturation et le recouvrement. Cette composante est établie par point de connexion d’alimentation principale. Son montant dépend du domaine de tension (HTB ou HTA).

Compte tenu du fait que les nouvelles modalités de prise en compte des charges liées à la gestion de clientèle en contrat unique (composante d’accès) n’avaient pas encore été définies par la CRE lors de l’adoption du TURPE 5 HTA-BT, la CRE avait, dans sa délibération du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans le domaine de tension HTB, parue au Journal Officiel du 28 janvier 2017[2], simplement prévu des composantes annuelles de gestion temporaires (applicables jusqu’au 31 décembre 2017).

La composante d’accès ayant désormais été définie, la CRE a modifié la délibération TURPE 5 HTA-BT afin définir les montants des composantes annuelles de gestion applicables, aux clients en contrat unique, à compter du 1er janvier 2018.

En pratique, dans le cadre du contrat unique, les GRD factureront, d’une part, les tarifs d’utilisation des réseaux (dont la composante annuelle de gestion) directement aux fournisseurs et, d’autre part, verseront à ces derniers une contrepartie financière pour la gestion de clientèle. En moyenne, l’augmentation des tarifs de réseau est donc directement compensée par la contrepartie financière versée aux fournisseurs. Cette augmentation sera donc, en moyenne, sans conséquence pour les utilisateurs des réseaux.

La délibération fait également évoluer, à compter du 1er janvier 2018, d’une part, le niveau des coefficients Ccard définis par la délibération TURPE 5 HTA-BT correspondant aux surcoûts encourus par le GRD pour la gestion des utilisateurs contractualisant directement avec lui l’accès au réseau et d’autre part les composantes annuelles de gestion des autoproducteurs (ces derniers paieront en effet une composante de gestion spécifique).

En conséquence de ces diverses modifications, la partie 3 de la délibération TURPE 5 HTA-BT a été modifiée, notamment le point 3.2.1 qui était relatif à la « Composante annuelle de gestion (CG) ».

[1] Cf notre brève publiée dans la LAJEE n°31 de septembre 2017 « Clients en contrat unique : modification de la tarification en électricité et en gaz « 

[2] Cf notre brève publiée dans la LAJEE n°25 du 2 février 2017 « Publication des prochains tarifs des réseaux de distribution d’électricité (TURPE 5) en faveur de la transition énergétique et des consommateurs »

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 26 octobre 2017 portant modification de la délibération de la CRE du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT.

Délibération de la CRE du 26 octobre 2017 portant décision sur la composante d’accès aux réseaux publics de distribution d’électricité pour la gestion de clients en contrat unique dans les domaines de tension HTA et BT à compter du 1er janvier 2018.

 

Précisions sur l’intérêt à agir des associations contre une autorisation de construire

L’intérêt pour agir d’une association contre un acte administratif est apprécié tant au regard de la nature des intérêts qu’elle défend que de son champ d’action.

D’une part, le critère de la spécialité de l’objet statutaire est retenu par le juge administratif pour qualifier l’intérêt pour agir. Une association doit justifier que la décision qu’elle attaque affecte véritablement les intérêts qu’elle a pour mission de défendre.

Par exemple, le recours d’une association de défense de l’environnement ayant un objet social trop vaste au regard de l’importance du projet qu’elle conteste est irrecevable (CE, 27 mai 1991, n° 113203 ; CE, 29 janvier 2003, n° 199692).

Inversement, la définition d’un objet statutaire trop circonscrit ne permet pas à l’Association requérante de contester un schéma régional (CAA Lyon, 3 mai 2016, n°14LY00473).

D’autre part, l’intérêt pour agir d’une association est admis lorsque son périmètre d’action géographique est défini de façon suffisamment précise (CE, 20 mars 1974, n° 90212 ; CE, 31 décembre1976, n° 03164).

A ce titre, le juge administratif a considéré qu’en l’absence d’indication permettant de définir un champ d’intervention localement délimité, l’association sera regardée comme ayant un champ d’intervention national trop vaste pour contester des projets locaux (CE 23 février 2004, n° 250482 ; CE, 5 novembre 2004, n° 264819).

Par conséquent, lorsque le juge administratif constate qu’une association s’est donnée un ressort d’action plus large que celui de l’acte attaqué, national régional ou départemental, l’intérêt à agir n’est en principe pas admis.

Enfin,  une association requérante doit être en mesure de démontrer le lien entre son objet statutaire et les effets de l’acte qu’elle conteste. A défaut, elle est jugée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir (CAA Lyon, 8 mars 2016, n°14LY01495).

Cette décision du 20 octobre 2017 donne l’occasion au Conseil d’Etat de revenir sur l’appréciation de l’intérêt à agir des associations, lesquelles avaient été exclues, avec les personnes publiques, du champ d’application du nouvel article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme introduit par l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme.

Dans cette affaire, une association de défense de l’environnement et du cadre de vie d’un quartier a introduit un recours contre un permis de construire délivré par le maire à une société pour la construction de trois pavillons résidentiel.

En première instance, le Tribunal administratif a rejeté par ordonnance la requête pour défaut d’intérêt à agir jugeant que l’objet statutaire de l’association restait « trop général et éloigné des considérations d’urbanisme pour lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis ».

Saisi du recours contre cette ordonnance, le Conseil d’Etat a considéré que l’association requérante était fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée en ce que « le projet autorisé, par sa nature, le nombre de constructions autorisées, le choix d’implantation retenu et la densification qu’il induisait, était susceptible de porter atteinte au cadre de vie des habitants du quartier de l’Epi d’or, dont l’association requérante avait pour objet d’assurer la sauvegarde ».

En d’autres termes, par cette décision, le Conseil d’Etat précise qu’une association, dont l’objet statutaire est seulement d’assurer la sauvegarde du cadre de vie des habitants d’un quartier, est recevable à introduire un recours contre une autorisation de construire, en se prévalant des désagréments qui peuvent découler d’un projet immobilier sur la qualité de vie d’un quartier.

Toutefois, il incombe donc aux associations, dont le champ d’action se borne à la préservation du cadre de vie des habitants, de démontrer l’ampleur du projet de construction autorisée et de justifier leur intérêt à agir au moyen de plusieurs critères que sont la nature du projet, le nombre de constructions, le secteur d’implantation et la densification qu’il induit.

Précisions sur le contentieux du schéma d’aménagement de plage

Le recours dirigé contre le premier schéma d’aménagement de plage élaboré par la commune de Ramatuelle et approuvé par décret en Conseil d’Etat du 15 décembre 2015, offre à la Haute Juridiction l’occasion d’apporter quelques précisions sur le contentieux de ce document d’urbanisme spécifique.

La procédure de schéma d’aménagement de plage, prévue par le Code de l’urbanisme, a été utilisée pour la première fois par la commune de Ramatuelle afin de préserver le secteur de la plage de Pampelonne.

Précisément, le cadre naturel exceptionnel de la plage de Pampelonne, qui en fait un des sites touristiques majeurs du littoral français, se caractérise  depuis plusieurs années par une fréquentation touristique très importante – entre 20.000 et 30.000 personnes en période estivale – et par la multiplication d’installations à l’origine de multiples nuisances et dégradations (bruit, déchets, atteinte aux milieux marins).

Pour préserver le site, la commune de Ramatuelle a décidé de recourir à un outil d’aménagement spécifique, le schéma d’aménagement de plage, prévu par les articles L.121-28 à L.121-30 du code de l’urbanisme.

Ce document a pour finalité de concilier la protection du cadre naturel qualifié d’exceptionnel avec la conservation de l’intérêt touristique du site en réduisant les conséquences, sur une plage et les espaces naturels qui lui sont proches, des nuisances ou dégradations liés à la présence d’équipements ou de constructions.

Dès son adoption, ce document d’urbanisme, spécifique au secteur de la plage, doit être annexé au PLU de la Commune. En outre, le législateur a prévu que tout schéma d’aménagement de plage doit être approuvé, après enquête publique, par un décret en Conseil d’Etat, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites. Par ailleurs, ce document spécifique est soumis à une évaluation environnementale en application de l’article L.104-2 du Code de l’urbanisme.

Dans cette affaire, le décret du 15 décembre 2015, approuvant le premier schéma d’aménagement de plage concernant celle de Pampelonne, a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir par l’association des exploitants de la plage de Pampelonne, qui demandait également l’annulation des délibérations du 30 janvier 2014 et du 22 septembre 2015 par lesquelles le conseil municipal avait arrêté et modifié le projet de schéma d’aménagement en cause.

Saisi de ce recours contre le premier schéma d’aménagement de plage, le Conseil d’Etat apporte quelques précisions.

Tout d’abord le Conseil d’Etat considère que les délibérations du conseil municipal, qui se bornent à arrêter le projet de plan, sont des mesures préparatoires insusceptibles de recours dans la mesure où elles n’ont que pour effet de permettre l’approbation du schéma par décret.

Ensuite, statuant sur la légalité du décret, la Haute Juridiction rappelle l’obligation, pour le schéma d’aménagement de plage, d’être compatible avec les prescriptions du schéma de cohérence territoriale.

 

GeMAPI : une proposition de loi envisage de faire évoluer l’organisation du transfert de la compétence

Le 17 octobre 2017, la proposition de loi n° 310 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la Gestion des Milieux Aquatiques et de la Prévention des Inondations a été déposée par M. Marc Fesneau et plusieurs de ses collègues devant l’Assemblée Nationale. Le 2 novembre suivant, le Gouvernement a décidé d’enclencher la procédure accélérée pour adopter cette loi. Selon cette procédure, le texte passera devant une commission paritaire après une seule lecture devant les deux assemblées parlementaires.

Cette proposition fait suite aux déclarations de Mme Gourault, Ministre auprès du Ministre de l’Intérieur, lors du Congrès de l’AdCF qui s’est tenu au début du mois d’octobre, qui avait fait part de sa volonté de faire évoluer le texte sur certains points. Conformément à ce qui a été annoncé, le transfert de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondation » (GeMAPI) ne sera pas retardé : les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre exerceront cette compétence de manière automatique et obligatoire le 1er janvier 2018. Quelques évolutions sont toutefois prévues par la proposition de loi.

Parmi les évolutions proposées, on notera celle, annoncée par Mme Gourault, de la réaffirmation du rôle des départements dans la mise en œuvre de la compétence GeMAPI (I).  Une période transitoire pour la mise en œuvre de cette compétence par les EPCI est également proposée (II) ainsi que des modifications textuelles visant à renforcer le caractère sécable de la compétence de même que le rôle des parcs naturels régionaux (III)

I- Le renforcement du rôle des départements

A ce jour l’article 59 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) prévoit une période transitoire, du 1er janvier 2018 au 1er janvier 2020, au cours de laquelle les départements et les régions, ainsi que leurs établissements et groupements, peuvent continuer d’exercer les missions relevant de la compétence GeMAPI qu’ils avaient entrepris avant l’adoption de la loi MAPTAM. Aux termes de cette disposition, à compter du 1er janvier 2020, ces collectivités et leurs groupements ne seront plus habilités à intervenir dans les domaines en cause, l’ensemble de la compétence devant être exclusivement exercé par les EPCI.

Or l’attribution exclusive de la compétence aux EPCI a posé de nombreuses difficultés dans les territoires où les départements étaient très investis dans les actions du grand cycle de l’eau. C’est pourquoi l’article 1er de la proposition de loi entend revenir sur le dispositif en vigueur en permettant aux départements qui assurent une des missions de la GeMAPI, au 1er janvier 2018, d’en poursuivre l’exercice, s’ils le souhaitent, au-delà du
1er janvier 2020.

Une autre disposition tend à renforcer le rôle des départements en matière de prévention des inondations. En effet, l’article 6 de la proposition de loi propose de modifier l’article
L. 3232-1-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), relatif à l’assistance technique que les départements peuvent apporter aux communes et EPCI, en y intégrant la notion de « prévention du risque d’inondation » aux côtés de celles, déjà présentes, de « la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l’entretien des milieux aquatiques ».

II- Une responsabilité limitée des EPCI pendant une période transitoire

L’article 1er de la proposition de loi prévoit encore de limiter la responsabilité des EPCI pendant les deux premières années de la mise en œuvre de la compétence GeMAPI. Le texte prévoit, en effet que « la responsabilité de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent peut être engagée, jusqu’au 31 décembre 2019, uniquement en ce qui concerne l’organisation de la compétence à la suite de son transfert au 1er janvier 2018 ». L’exposé des motifs de la proposition précise alors que cette disposition vise à permettre « ainsi à chaque territoire de préparer au mieux le transfert de GEMAPI compte tenu de la complexité des organisations à imaginer ».

L’adoption de cette disposition en ces termes, peut, à notre sens, interroger dans la mesure où elle ne permet pas d’appréhender, en cas de dommages liés à des inondations, quelle personne pourrait alors être responsable. Une attention particulière doit donc être portée quant à l’évolution qu’elle pourrait connaître en cours de discussion.

On relèvera que le législateur s’ouvre encore la possibilité de faire évoluer le dispositif applicable à la mise en œuvre de la compétence dès lors qu’il prévoit à l’article 2 de la proposition de loi, que, dans les six mois suivants l’entrée en vigueur de la proposition de loi, « le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’évaluation des conséquences de la gestion des fleuves, du transfert de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations aux [EPCI] à fiscalité propre ». Le rapport a également vocation à étudier, notamment, « les évolutions institutionnelles et financières possible de cette gestion ».

  • L’exercice de la compétence par les syndicats : renforcement du caractère sécable et affirmation du rôle des parcs naturels régionaux

Les articles 3 et 4 de la proposition de loi modifient, d’une part, les dispositions de l’article L. 5211-61 du CGCT, relatif aux possibilités pour un EPCI d’opérer un transfert partiel de compétence à un syndicat, et, d’autre part, l’article L. 213-12 du Code de l’environnement, qui régit les EPTB et les EPAGE.

Les modifications envisagées sont de deux ordres :

  • d’abord, prévoir expressément la sécabilité géographie de la compétence GeMAPI entre un EPCI à fiscalité propre et un syndicat de droit commun : jusqu’à aujourd’hui, cette sécabilité est expressément prévue pour les EPAGE et les EPTB seulement. Elle est également possible pour les syndicats de droit commun mais l’article L. 5211-61 du CGCT, qui prévoit ce mécanisme, ne mentionne que la « gestion des cours d’eau», ce qui pourrait s’interpréter comme limitant la sécabilité géographique à cette seule composante de la compétence. Il est alors proposé d’ajouter un nouveau paragraphe à l’article L. 5211-61 du CGCT afin de lever toute ambiguïté ;
  • puis, insérer aux articles L. 5211-61 du CGCT et L. 213-12 du Code de l’environnement, une disposition autorisant le transfert partiel du contenu même de la compétence à un syndicat, que celui-ci ait ou non la qualité d’EPAGE ou d’EPTB. Le caractère partiel du transfert peut alors conduire un EPCI à confier à un syndicat l’exercice de certains items et en conserver d’autres, mais il doit également lui permettre d’opérer une sécabilité au sein même des items. Plus précisément, la proposition de loi prévoit d’insérer dans les articles L. 5211-61 et L. 213-12, précités, la phrase suivante : « l’ensemble des missions relevant de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, définie au I bis de l’article L. 211-7 du présent code, ou certaines d’entre-elles, en totalité ou partiellement». L’exposé des motifs évoque ainsi la « sécabilité interne » de la compétence.

Cette modification a vocation à remettre en cause l’interprétation retenue par les services de l’Etat qui considèrent que le transfert partiel de la compétence est envisageable tant qu’il s’effectue entre les différents items (par exemple un EPCI transfert la prévention des inondations et conserve les missions concernant la gestion des milieux aquatiques) mais ne conduit pas l’EPCI à scinder les items, chacun d’eux restant indivisibles (voir par exemple en ce sens Tout savoir sur le GeMAPI, Ministère de l’Environnement, 02/03/2017).

On notera encore que l’article 7 de la proposition de loi envisage de renforcer le rôle des parcs naturels régionaux par la modification de l’article L. 333-1 du Code de l’environnement, relatif à la création de ces établissements, en les associant par voie de consultation à l’élaboration des documents de planification et d’aménagement portant sur la gestion des milieux aquatiques et des zones humides de leur territoire.

Pour être complet, et sans que cette mesure ne soit limitée aux syndicats, on relèvera enfin que l’article 5 de la proposition de loi envisage de modifier l’item 12 de l’article
L. 211-7 du Code de l’environnement afin d’y intégrer la notion de « prévention du risque d’inondation » et permettre ainsi aux collectivités qui assurent l’animation et la coordination de la politique du grand cycle de l’eau sur le fondement de cette disposition légale, de disposer d’une habilitation expresse dans ce domaine pour la prévention des inondations, l’animation portant, à ce jour seulement sur « la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques ».

Clémence du Rostu – Avocat