Loi de finances pour 2022 et environnement

La loi n° 2021-1900 de finances pour 2022 a été publiée au Journal officiel du 31 décembre 2021. Cette loi de finance comporte plusieurs dispositions ayant trait aux thématiques environnementales.

Parmi les mesures adoptées dans ce domaine, on notera notamment la réforme de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales prévue à l’article 193 de la loi. Cette réforme vise à :

  • Étendre le périmètre des bénéficiaires de la fraction Natura 2000 en abaissant à 50 % le taux de couverture du territoire par la zone protégée (contre 75 % actuellement) ;
  • Substituer au critère de potentiel fiscal par habitant celui de potentiel financier par habitant pour la détermination des communes éligibles à la dotation ;
  • Instituer une quatrième fraction de cette dotation destinée aux communes de moins de 10.000 habitants caractérisés comme peu denses ou très peu denses, dont le potentiel financier par habitant est inférieur au potentiel financier moyen par habitant des communes de la même strate démographique et dont le territoire est classé en tout ou partie en parc naturel régional (PNR) ;
  • Fixer un minimum de 1.000 euros pour le montant attribué aux communes éligibles au titre de chaque fraction. Pour la fraction « cœur de parc national », le plancher d’attribution est en revanche fixé à 3.000 euros ;
  • Prévoir une augmentation progressive sur trois ans du montant attribué aux communes qui adhèrent à la charte d’un parc national et à celles dont tout ou partie du territoire a fait l’objet d’un classement en parc naturel régional.

L’enveloppe de la dotation est par ailleurs augmentée à hauteur de 24,3 millions d’euros. Cette hausse est gagée par une diminution à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes et des EPCI.

L’article 194 de la loi de finances prévoit quant à lui un dispositif exceptionnel de subvention pour les communes forestières qui connaissent une baisse de leurs recettes forestières en raison de circonstances anormales (notamment la crise liée au scolyte) et une dégradation en conséquence de leur situation financière. Ces subventions seront arrêtées par le préfet de département.

S’agissant des taxes locales en matière environnementale, on peut noter que :

– L’article 98 de la loi supprime la possibilité pour les collectivités d’instaurer à titre expérimental un péage urbain, cette taxe n’ayant jamais été mise en œuvre.

–  L’article 111 de la loi vise par ailleurs à permettre aux collectivités et EPCI d’encourager les formes d’agriculture urbaine en exonérant de la taxe d’aménagement les serres de jardin personnelles (destinées à un usage non-professionnel) dont la surface est égale ou inférieure à 20 mètres carrés. La délibération de la collectivité territoriale ou de l’EPCI prévoyant l’exonération doit intervenir avant le 30 novembre, pour être applicable à compter du 1er janvier de l’année suivante. Elle est valable pour une durée d’un an et reconduite de plein droit jusqu’à l’intervention d’une délibération contraire (articles L. 331-9 et L. 331-14 du Code de l’urbanisme).

Au-delà de ces mesures, on peut également retenir :

  • L’augmentation temporaire du plafond d’exonération d’impôt sur le revenu des frais de déplacements domicile-travail pris en charge par les collectivités publiques pour leurs employés. Ainsi, la prise en charge par ces employeurs publics des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques des salariés pour leurs déplacements professionnels domicile-travail est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite de 310 euros par an. Cet article vise à inciter les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou Pôle Emploi à prendre en charge une partie des frais de déplacement de leurs employés entre leur domicile et leur travail (article 4 de la loi).
  • La modification de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) (article 48 de la loi) (cf. focus pour plus de précision)
  • L’intégration des services environnementaux dans les bénéfices agricoles. Il s’agit de services « écosystémiques » tels que la préservation de la qualité de l’eau, le stockage de carbone, la protection du paysage ou de la biodiversité qui peuvent être réalisés par un agriculteur à la demande d’une entreprise ou d’une collectivité (article 12 de la loi). Les bénéfices résultants de ces services seront ainsi imposés au titre de bénéfices agricoles.
  • La prolongation et l’augmentation du crédit d’impôt pour l’agriculture biologique jusqu’en 2025 alors qu’il devait arriver à échéance au 31 décembre 2022 (article 84 de la loi).
  • La suppression du dispositif de réduction d’impôt pour la protection du patrimoine naturel (article 35 de la loi).

 

ENR : deux consultations et deux propositions de loi

Consultation publique relative à la levée des obstacles à la mise en œuvre des projets d’énergie renouvelable

Proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés 

Proposition de loi visant à stopper le développement anarchique de l’éolien

 

Le début de l’année 2022 est marqué par plusieurs actualités en matière d’énergie renouvelable.

D’abord, la Commission européenne a lancé, le 18 janvier, et jusqu’au 12 avril, deux consultations.

La première consultation s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’Union Européenne en faveur de l’énergie solaire.

Pour mémoire, cette stratégie a pour objectif d’exploiter l’énergie solaire de sorte à permettre la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe en la matière, à travers les axes suivants :

« – recenser les obstacles à l’utilisation de l’énergie solaire,

– proposer des mesures pour accélérer son déploiement,

– rendre les systèmes d’énergie solaire de l’UE plus compétitifs et plus résilients ».

La seconde consultation vise quant à elle à solliciter des avis et commentaires sur les pratiques permettant de lever les obstacles à la mise en œuvre des projets d’énergies renouvelables, tenant notamment à la durée des procédures d’autorisations ou les problèmes de connexion au réseau.

A noter que cette consultation concerne également la facilitation des accords d’achat d’électricité, notamment transfrontaliers.

Outre ces consultations, deux propositions de loi en matière d’ENR sont actuellement en discussion.

En matière d’énergie solaire, une proposition de loi « visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés » a été déposée le 11 octobre 2021au Sénat.

Elle vise à modifier l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme en permettant, par exception à son article L. 121-8 (lequel prévoit que les extensions d’urbanisation doivent être réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants), d’autoriser l’implantation d’ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil sur une friche.

Cette proposition de loi doit être discutée au Sénat en séance publique le 22 février 2022.

Enfin, en matière d’éolien cette fois, une proposition de loi « visant à stopper le développement anarchique de l’éolien» a été déposée le 25 janvier dernier à l’Assemblée Nationale et a été renvoyée à la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Cette proposition de loi, très hostile à l’éolien, vise notamment à permettre aux conseils municipaux d’avoir, par délibération, un droit de véto afin d’interdire le dépôt d’une demande d’autorisation environnementale en vue de l’installation d’une éolienne.

Paquet énergie climat : l’Union européenne atteint les objectifs fixés en matière de mix énergétique

Pour mémoire, l’un des grands objectifs fixés par le « Paquet énergie-climat » adopté le 12 décembre 2008, était d’atteindre une part de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie totale à l’horizon 2020.

Et les statistiques publiées par la Commission européenne le 18 janvier 2022 ici commentées, et notamment le baromètre élaboré pour chaque Etat de l’Union Européenne relatif à la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, nous indiquent que cet objectif est globalement atteint.

En effet, il ressort de cette analyse que l’Union Européenne a atteint une part de 22,1 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie, dépassant de 2 % l’objectif ainsi fixé.

En regardant ce baromètre dans le détail, on notera que seule la France n’atteint pas tout à fait l’objectif, avec une part d’énergie renouvelable de 19,1 % dans le mix énergétique.

Enfin, cette publication informe utilement sur la provenance et l’utilisation des énergies renouvelables au sein de l’Union Européenne. De manière générale :

« – le vent et l’eau fournissent la part la plus importante de l’énergie renouvelable ;

– l’énergie solaire est la source d’énergie ayant la croissance la plus rapide ;

– 10,2 % des énergies renouvelables ont été utilisées dans les activités de transport en 2020 ».

Relèvement du plafond de l’ARENH de 100 TWh à 120 TWh pour l’année 2022

Mesure réclamée de longue date par les fournisseurs d’électricité, les associations de défense des consommateurs, comme par la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) ainsi que quelques acteurs publics, le Gouvernement vient d’annoncer qu’il procèderait au relèvement du plafond de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ci-après « ARENH ») de 100 à 120 TWh pour l’année 2022.

On rappellera que depuis la libéralisation du marché de l’électricité, les fournisseurs alternatifs (Engie, Total, Eni…) peuvent acheter à l’avance et à prix fixe une certaine quantité d’électricité nucléaire produite par EDF, dans le cadre du mécanisme de l’ARENH issu de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

En vertu de ce mécanisme, la société EDF est tenue de céder jusqu’à 100 TWh/an de sa production nucléaire, soit environ un quart de sa production nucléaire, à ses concurrents fournisseurs qui le lui demandent à un prix fixe de 42 euros/MWh.

En raison de l’augmentation très importante des prix sur les marchés de gros de l’électricité, les demandes accrues des fournisseurs pour bénéficier de l’ARENH amenaient à dépasser le plafond de 100 TWh/an, conduisant la CRE à définir des règles pour répartir les volumes d’ARENH disponibles lorsque les demandes excèdent le plafond.

Par ailleurs, pour répondre à la forte demande d’ARENH, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a modifié les articles L. 336-2 et L. 337-16 du Code de l’énergie pour permettre au Gouvernement de (i) relever le plafond de l’ARENH à 150 TWh et/ou (ii) de faire évoluer son prix.

En septembre dernier, le Gouvernement avait cependant refusé d’augmenté le plafond, ce que la CRE avait déploré dans une récente délibération du 8 novembre 2021 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi (voir notre commentaire dans la Lettre d’Actualités Juridiques Energie Environnement de décembre 2021).

Face à la hausse exceptionnelle des prix de l’électricité rencontrée actuellement, le Gouvernement a finalement accepté de faire application de cette possibilité en augmentant à 120 TWh le plafond de l’ARENH pour l’année 2022.

Ainsi que le Communiqué de presse du Gouvernement l’indique, cette mesure doit permettre « que l’ensemble des consommateurs bénéficie de la compétitivité du parc électronucléaire français. Ces volumes seront accessibles à tous les consommateurs, particuliers, collectivités comme professionnels, via leur fournisseur selon des modalités qui seront précisées très prochainement. Les fournisseurs répercuteront intégralement l’avantage retiré au bénéfice des consommateurs. Ce point fera l’objet d’une surveillance étroite, en lien avec la Commission de régulation de l’énergie ».

Le Gouvernement a en outre indiqué dans le même communiqué de presse que le prix de ces volumes additionnels d’ARENH serait porté à 46,2 euros/MWh.

Un arrêté des Ministres en charge de l’énergie et de l’économie, pris après avis de la CRE, devra être adopté pour rendre ces annonces effectives, conformément à ce que prévoient les articles L. 332-6 et L. 337-16 du Code de l’énergie.

Pas de perte de chance de bénéficier de l’obligation de rachat de l’électricité découlant d’un dispositif constituant une aide d’Etat illégale

Cour d’appel de Lyon, 13 janvier 2022, Sté Enedis c/ SARL G. FRERES, RG n° 18/00924

Dans le prolongement de précédentes décisions, la Cour d’appel de Lyon a eu l’occasion de rappeler qu’il ne pouvait exister de préjudice indemnisable découlant de la perte de chance de bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat d’électricité dès lors que ce mécanisme a été regardé comme une aide d’Etat illégale.

Une société avait sollicité au cours de l’année 2010 le raccordement au réseau de distribution d’électricité de deux centrales de production d’électricité photovoltaïque.

La société espérait bénéficier de l’obligation d’achat par la société EDF de l’électricité produite par ces centrales, en application du dispositif résultant alors du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par des producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat et de l’arrêté du 12 janvier 2010 portant abrogation de l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000.

La société Enedis ayant estimé que certaines pièces exigées dans le cadre des demandes de raccordement étaient manquantes, elle les a sollicitées auprès de la société. Plusieurs échanges ont eu lieu entre les deux sociétés jusqu’à ce que les dossiers soient considérés comme complets et enregistrés par la société Enedis.

Or, entre temps, un moratoire avait été adopté par décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil (dit décret-moratoire) et avait suspendu l’obligation d’achat. Puis, cette obligation d’achat avait été rétablie mais sur la base d’un tarif d’achat moins intéressant pour la société sollicitant le raccordement de ses centrales photovoltaïques (Arrêté du 4 mars 2011 portant abrogation de l’arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000).

La société avait alors sollicité l’indemnisation du préjudice résultant de la baisse du prix de rachat. La société estimait en particulier que la société Enedis avait retardé à tort l’enregistrement et la comptabilisation de leurs demandes de raccordement.

En première instance, le Tribunal de commerce de Lyon avait fait droit aux demandes de la requérante et condamné la société Enedis à indemniser la société à hauteur de 211.140 euros.

La Cour d’appel de Lyon censure cette décision et juge, au contraire, que la société G. Frères ne peut subir un préjudice dès lors que l’arrêté tarifaire du 12 janvier 2010 dont elle revendiquait l’application avait été déclaré illégal car procédant d’une aide d’État illégale.

En effet, le mécanisme d’obligation d’achat par la société EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par les arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 a été regardé comme une aide d’Etat illégale, faute pour l’Etat de l’avoir notifié à la Commission européenne préalablement à leur mise en œuvre (CJUE, Ordonnance n° C-515/16 du 15 mars 2017, Enedis SA c/ Axa Corporate Solutions SA et Ombrière Le Bosc SAS, Cass. Com., 23 juin 2021 n° 19-25.859).

En conséquence, la Cour d’appel estime que le préjudice constitué de la perte de chance de bénéficier d’un tarif procédant de cette aide d’État illégale n’est pas réparable, conformément à ce que la Cour de cassation avait déjà jugé (Cass. Com., 18 sept. 2019, FS-P+B+R, n° 18-12.601, Cass. Com., 18 sept. 2019, FS-P+B, n° 18-12.657)

La Cour d’appel annule le jugement et déboute donc la société de ses demandes.

On rappellera que l’Etat a, depuis lors, profondément redéfini son cadre de régulation, en créant notamment le dispositif du complément de rémunération.

Inondations par ruissellement : publication d’un nouveau guide par le CEPRI

Le CEPRI a publié un nouveau guide à l’attention des collectivités et de leurs groupements, visant à accompagner ceux-ci dans la gestion du risque d’inondations par ruissellement.

Le guide explique tout d’abord le phénomène des inondations par ruissellement, puis aborde la question des compétences auxquelles peut se rattacher la gestion du risque (« entre gestion des eaux pluviales et gestion des inondations »). Puis il expose les stratégies qui peuvent être mises en œuvre afin de lutter contre ce risque et, enfin, les financements mobilisables pour la gestion de ce risque.

Produits phytopharmaceutiques : les nouvelles mesures de protection

Le Gouvernement, contraint par une décision du Conseil d’Etat de prévoir de nouvelles mesures de protection en matière d’épandage de produits phytopharmaceutiques, a publié le 26 janvier 2022 un décret et un arrêté relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

En effet, par une décision du 26 juillet 2021, le Conseil d’Etat avait annulé des dispositions du décret et de l’arrêté du 27 décembre 2019 relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, considérant que les mesures prévues n’étaient pas suffisantes au regard de l’enjeu en cause.

La Haute juridiction avait estimé, d’une part, que les dispositions du décret relatives aux chartes d’engagement prévues par l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime, qui doivent être élaborées par les agriculteurs lorsque les produits phytopharmaceutiques sont utilités à proximité des zones d’habitation, n’assuraient pas une « protection suffisante aux personnes habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées et des personnes présentes, faute d’imposer que les chartes prévoient des modalités d’information des résidents et de personnes présentes préalablement à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ». D’autre part, les mesures relatives aux distances de sécurité pour l’épandage des produits classés comme suspectés d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2) étaient « manifestement insuffisantes » et méconnaissaient le principe de précaution.

Le Conseil d’Etat avait alors enjoint au Gouvernement de prendre de nouvelles mesures réglementaires dans un délai de 6 mois. C’est dans ce cadre qu’ont été publiés le 26 janvier 2022 le décret et l’arrêté étudiés.

Le décret modifie ainsi l’article D. 253-46-1-2 du Code rural et de la pêche maritime qui énonce désormais notamment que les chartes d’engagement doivent intégrer des « modalités d’information des résidents et des personnes présentes ». Il crée en outre les articles D. 253-46-1-3 à D. 253-46-1-5, qui prévoient que les propositions de chartes soient soumises au Préfet, qui se prononce sur le caractère adapté des mesures de protection proposées et qui, si les chartes sont adaptées et conformes aux textes, met en œuvre la consultation du public.

L’arrêté, quant à lui, étend l’obligation de respecter une distance minimale de sécurité de 20 mètres en cas d’absence de distance de sécurité spécifique fixée par l’autorisation de mise sur le marché du produit concerné aux lieux « accueillant des travailleurs présents de manière régulière ».

Ces dispositions sont toutefois toujours dénoncées par les associations et la presse spécialisée, notamment en ce qu’elles ne règlent pas la question des CMR 2 visées dans la décision du Conseil d’Etat.

Bruit : du nouveau dans l’élaboration des instruments de planification locale

LOI n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (1)

La fin de l’année 2021 et le début de l’année 2022 ont été marqués par plusieurs actualités ayant affecté divers instruments de la règlementation locale du bruit : les modalités d’élaboration des plans de prévention du bruit dans l’environnement et des cartes de bruit ont ainsi connu des évolutions (I). S’agissant du bruit généré par les aérodromes, les modalités de calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes et la procédure d’élaboration des plans d’exposition au bruit des aérodromes ont été modifiées (II). En outre, et au-delà de ces actualités en matière de planification, il est à relever qu’un décret du 3 janvier 2022 a instauré une expérimentation afin de renforcer les pouvoirs de police en matière de circulation visant à réduire les nuisances engendrées par le bruit (III).

I. Actualités et évolutions relatives aux plans de prévention du bruit dans l’environnement et aux cartes de bruit

Les plans de préventions du bruit dans l’environnement et les cartes de bruit sont établis pour certaines infrastructures routières, autoroutières et ferroviaires dont les caractéristiques sont fixées par décret, ainsi que pour les agglomérations de plus de 100.000 habitants dont la liste est fixée par arrêté du 14 avril 2017, mis à jour récemment par arrêté du 10 juin 2020.

Des précisions ont été apportées s’agissant tant de la procédure d’élaboration des plans de préventions du bruit dans l’environnement (A) que des cartes de bruit (B).

 

A. Précision et évolution de la procédure d’élaboration des plans de prévention du bruit dans l’environnement

Les plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) sont régis par les articles L. 572-6 et suivants du Code de l’environnement, et « tendent à prévenir les effets du bruit, à réduire, si nécessaire, les niveaux de bruit, ainsi qu’à protéger les zones calmes » ; ils comportent ainsi des évaluations du nombre de personnes exposées à un bruit excessif, identifient les sources de bruit devant être réduites et recensent les mesures prévues par les autorités compétentes.

1°) Tout d’abord, un arrêt du Conseil d’Etat, en date du 28 octobre 2021 a apporté des précisions sur la nature et les procédures d’élaboration de ces PPBE. Une association avait en effet sollicité que ceux-ci soient soumis à évaluation environnementale sur le fondement des articles L. 122-4 et R. 122-17 du Code de l’environnement relatifs à l’évaluation environnementale de certains plans et programmes ayant une incidence notable sur l’environnement. Le juge s’est ainsi d’abord prononcé sur le point de savoir si ces instruments étaient ou non soumis à évaluation environnementale, ce qui impliquait alors de déterminer si les PPBE établissent, en définissant des règles et des procédures, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets, mentionnés par la directive 2011/92/UE, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (voir notamment en ce sens les décisions suivantes de la Cour de justice de l’Union européenne ; 27 octobre 2016, D’Oultremont et autres, C 290/15 ; 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles et autres, C 671/16).

Par sa décision du 28 octobre 2021, le Conseil d’Etat a considéré que les PPBE ne constituaient pas des plans et programmes au sens de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement, dans la mesure où ils « se bornent à recenser les actions déjà engagées ou prévues au titre de la lutte contre les nuisances sonores, avec l’accord des autorités compétentes pour leur mise en œuvre, et à définir des objectifs indicatifs de réduction du bruit dans certaines zones exposées » mais ne définissent pas le cadre de mise en œuvre de travaux ou projets. L’élaboration de ces plans n’est donc pas soumise à évaluation environnementale au sens de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement.

2°) La procédure d’élaboration de ces plans a toutefois connu des modifications, apportées par le décret du 14 décembre 2021. En effet, une procédure de consultation du public par voie électronique est à cet égard désormais prévue à l’article R. 572-9 du Code de l’environnement. Auparavant, seule une mise à disposition « physique » du dossier du projet de plan était imposée par ce texte.

B. Les évolutions relatives à l’évaluation des nuisances dans les cartes de bruit

Les cartes de bruit, dont le régime est fixé par les articles L. 572-3 et suivants du Code de l’environnement, visent à « permettre l’évaluation globale de l’exposition au bruit dans l’environnement et à établir des prévisions générales de son évolution ». Elles comportent ainsi « un ensemble de représentations graphiques et de données numériques » (L. 572-3). 

1°) D’abord, le décret du 14 décembre 2021 précité a précisé les éléments devant être pris en compte pour l’élaboration des cartes de bruit. L’article R. 572-5 du Code de l’environnement est en effet complété et indique que ces cartes doivent comprendre, notamment, « une évaluation du nombre de personnes affectées par les effets nuisibles dus à l’exposition au bruit mentionnés à l’article R. 572-6 ». Il est ainsi précisé à l’article R. 572-6 du Code de l’environnement que doivent être prises en considération pour l’évaluation des effets nuisibles la cardiopathie ischémique, la forte gêne et les fortes perturbations du sommeil, dont les modalités de calcul ont été précisées par arrêté.

En effet, deux arrêtés du 23 décembre 2021 ont donné des précisions sur les modalités de calcul à mettre en œuvre pour l’élaboration de ces cartes visant notamment à obtenir :

  • Le nombre de personnes ayant des cardiopathies ischémiques en raison d’une exposition au bruit routier ;
  • Le nombre de personnes fortement gênées ou subissant des troubles importants du sommeil en raison d’une exposition aux bruits routiers, ferroviaires ou aériens ;
  • Les valeurs des coefficients pour les bruits de roulement et de propulsion à prendre en compte pour le calcul des émissions de bruits causés par le trafic routier.

2°) Puis, le décret crée également un nouvel article R. 572-6-2 du Code de l’environnement, aux termes duquel l’exposition de la population est évaluée indépendamment pour chaque source de bruit générée par les transports et, en cas d’exposition simultanée à diverses sources de bruit, « les effets nuisibles ne doivent pas être cumulés ».  

II. Actualités sur les émissions de bruit liées à l’exploitation des aérodromes

S’agissant du bruit généré par les aérodromes, la loi de finances pour 2022 a modifié les modalités de calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (B) et le Conseil d’Etat s’est également prononcé sur la procédure d’élaboration des plans d’exposition au bruit des aérodromes (A).

A. Les précisions apportées à la procédure d’élaboration des plans d’exposition au bruit des aérodromes

La décision du Conseil d’Etat précitée du 28 octobre 2021 s’est non seulement prononcée sur la soumission des PPBE à évaluation environnementale (voir supra), mais également sur la procédure d’évaluation des plans d’exposition au bruit des aérodromes, régis par les articles L. 112-3 et suivants du Code de l’urbanisme et élaborés par le préfet après consultation des communes concernées. 

Le juge relève que ceux-ci délimitent des zones en fonction de leur exposition au bruit des aéronefs et déterminent les conditions d’utilisation des sols s’imposant aux projets de construction et d’aménagement. Le Conseil d’Etat considère ainsi qu’ils constituent des plans et programmes au sens de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement car ils définissent le cadre d’autorisation et de mise en œuvre de projets, et doivent donc être soumis à évaluation environnementale.

Le Conseil d’Etat estime alors que la procédure prévue pour l’élaboration des plans d’exposition au bruit des plus grands aérodromes, à savoir ceux pour lesquels la taxe sur les nuisances sonores aériennes est perçue et qui sont mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du Code général des impôts (CGI), est conforme aux exigences de l’évaluation environnementale. En effet, cette procédure prévoit notamment la consultation de l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, qui est une autorité administrative indépendante, ainsi que la participation du public.

Tel n’est toutefois pas le cas pour les aérodromes autres que ceux mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du CGI, pour lesquels particulièrement la consultation de l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires n’est pas prévue. L’Etat dispose ainsi d’un délai de quatre mois pour prendre les mesures règlementaires nécessaires pour que ces instruments soient soumis à une procédure conforme à celle qui est prévue pour les plans soumis à évaluation environnementale.

B. Evolutions de la taxe sur les nuisances sonores aériennes

Les articles 48 et 226 de la loi de finances pour 2022 portent sur la taxe sur les nuisances sonores aériennes, régie par l’article 1609 quatervicies A du CGI et perçue par les personnes publiques ou privées exploitant les aérodromes les plus importants.

L’article 48 fait évoluer les modalités de calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), qui a pour objet le financement de l’aide à l’insonorisation des riverains des aérodromes. L’objectif de cet article est notamment de faire payer davantage les avions les moins vertueux en termes de nuisances sonores, l’exposé des motifs de l’amendement ayant introduit cet article indiquant viser à « affiner la fixation du tarif de la taxe au niveau de nuisance généré par chaque vol, en maintenant un rendement raisonnable de la taxe et l’acceptabilité de la charge fiscale pour les redevables, et en conservant les pondérations selon les périodes de journée (et en particulier, la plus forte taxation des vols réalisés la nuit) » (Amendement n° 881, déposé le jeudi 9 décembre 2021). En outre, le tarif maximal de la TNSA passe de 40 à 75 euros pour les aérodromes de Nantes Atlantique, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget, Paris-Orly. La date d’entrée en vigueur de cette disposition est fixée au 1er avril 2022.

L’article 211 de cette loi précise en outre le sort du solde de la TNSA au terme de l’exploitation d’un aérodrome.

III. Le renforcement des pouvoirs de police en matière de circulation visant à réduire les nuisances engendrées par le bruit

Au-delà des évolutions identifiées en matière de planification du bruit, on retiendra que le décret du 3 janvier 2022, relatif à la procédure d’expérimentation de la constatation des niveaux d’émissions sonores des véhicules en mouvement par des appareils de contrôle automatique fixes et mobiles, a défini les conditions dans lesquelles, sur certains territoires expressément identifiés en son article 1er, des appareils de contrôle automatique du niveau d’émissions sonores des véhicules en circulation sont installés (il s’agit des communes de Bron, Paris, Rueil-Malmaison, Villeneuve-Le-Roi, ainsi que de celles appartenant à la communauté de communes de la Haute Vallée de Chevreuse, de la métropole de Nice et de la métropole de Toulouse).

Cette expérimentation, motivée par la circonstance que « si les niveaux de bruit des véhicules sont réglementés à la mise sur le marché, il est plus difficile de s’assurer du respect de la réglementation au cours de la vie du véhicule »[1], était prévue par l’article 92 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite loi LOM.

Il sera désormais possible pour l’autorité titulaire des pouvoirs de police de la circulation d’adopter un arrêté pour définir les sections de voies et les plages horaires quotidiennes durant lesquelles les appareils de contrôle automatique seront activés.

 

Julie CAZOUX et Clémence DU ROSTU et Solenne DAUCE

 

 

[1]Rapport n° 2206 de Mmes Bérangère ABBA, Bérangère COUILLARD, MM. Jean-Luc FUGIT, Bruno MILLIENNE et Mme Zivka PARK, fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, déposé le 4 septembre 2019.

 

 

Précisions sur la loi « séparatisme » : publication des décrets relatifs au référent laïcité et au contrat d’engagement républicain 

A la suite de l’adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme », l’exécutif a édicté les décrets relatifs à deux innovations majeures introduites par cette loi, à savoir :

  • La désignation d’un référent laïcité dans les administrations de chaque versant de la fonction publique ;
  • La souscription, par les associations bénéficiant de subventions ou d’un agrément, à un contrat d’engagement républicain.

Par deux décrets relatifs à chacun de ces dispositifs, le pouvoir exécutif est venu détailler leur portée ainsi que leurs modalités de mise en œuvre. 

La publication du décret relatif au référent laïcité

La loi « séparatisme » est venue créer un référent laïcité désigné par chaque administration de l’État, collectivité territoriale ou établissement public de santé, chargé d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte.

Il convenait encore que des mesures d’application permettent la mise en œuvre concrète du dispositif. Tel est l’objet du décret n° 2021-1802 du 23 décembre 2021 relatif au référent laïcité dans la fonction publique.

Ce décret détermine les modalités et les critères de désignation ainsi que les missions de ce référent laïcité.

Ainsi, le texte prévoit que les référents laïcité sont nommés à un niveau permettant l’exercice effectif de leurs fonctions. Ces niveaux sont déterminés :

  • par le chef de service dans les administrations et les établissements publics de l’État et, le cas échéant, dans les groupements d’intérêt public et les établissements publics industriels et commerciaux ;
  • par l’autorité territoriale dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux et intercommunaux, à l’exception des collectivités territoriales et établissements publics affiliés à titre obligatoire ou volontaire à un centre de gestion pour lesquelles ces niveaux sont fixés par le président du centre de gestion ;
  • le directeur de l’établissement dans les établissements relevant de la fonction publique hospitalière.

Ces autorités ont également la possibilité de prévoir qu’un référent laïcité peut être commun à plusieurs services ou établissements.

Concernant leur nomination, les référents laïcité sont nommés par le chef du service compétent au niveau déterminé, pour une durée qui est fixée par ce dernier. Lorsque le référent laïcité est commun à plusieurs services ou établissements, il est nommé par l’autorité qui a décidé qu’il serait commun.

En outre, les référents devront être choisis parmi les magistrats, fonctionnaires et militaires, en activité ou retraités, ou parmi les agents contractuels bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée. Ces agents bénéficieront d’une formation adaptée à leurs missions et à leur profil.

S’agissant des missions, le décret prévoit que le référent laïcité exerce les missions suivantes :

  • le conseil aux chefs de service et aux agents publics pour la mise en œuvre du principe de laïcité, notamment par l’analyse et la réponse aux sollicitations de ces derniers portant sur des situations individuelles ou sur des questions d’ordre général ;
  • la sensibilisation des agents publics au principe de laïcité et la diffusion, au sein de l’administration concernée, de l’information au sujet de ce principe ;
  • l’organisation, à son niveau et le cas échéant en coordination avec d’autres référents laïcité, de la journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année.

Il peut également être sollicité en cas de difficulté dans l’application du principe de laïcité entre un agent et des usagers du service public.

Enfin, le texte précise que le référent établit un rapport annuel d’activité qui dresse un état des lieux de l’application du principe de laïcité et, le cas échéant, des manquements constatés par ce dernier dans le service et qui rend compte de l’ensemble des actions menées durant l’année écoulée.

La publication du décret relatif au contrat d’engagement républicain

La loi « séparatisme » du 24 août 2021 impose, par ailleurs, la souscription, par les associations bénéficiant de subventions publiques ou d’un agrément de l’État, à un contrat d’engagement républicain afin de s’assurer que celles-ci respectent « le pacte républicain », et notamment la laïcité.

Le décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 détermine le contenu du contrat, fixe ses modalités de souscription et précise les conditions de retrait des subventions publiques.

Le contrat, qui figure en annexe du décret, comporte les sept engagements suivants : le respect des lois de la République, le respect de la liberté de conscience des membres de l’entité, le respect de la liberté des membres de l’entité, l’égalité et la non-discrimination, la fraternité et la prévention de la violence, le respect de la dignité de la personne humaine et enfin le respect des symboles de la République.

Le non-respect par une association ou une fondation de l’un de ces sept engagements est de nature à justifier le retrait des subventions ou de l’agrément accordé – le retrait portant sur un montant calculé au prorata de la partie de la période couverte par la subvention qui restait à courir à la date du manquement.

De surcroît, si, informés de manquements à ses engagements, les organes dirigeants s’abstiennent de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, ceux-ci sont considérés comme imputables à l’association ou à la fondation elle-même.

Actualités de l’Economie Sociale et Solidaire, l’édito

Les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) se sont montrées particulièrement résilientes pendant la crise sanitaire. Bien sûr, comme pour tous les autres secteurs, le secteur de l’ESS a été fortement impacté par la crise sanitaire. Le nombre d’emplois a diminué de -2,5 %, avec une perte sèche de plus de 52.500 emplois au second trimestre 2020 (données de l’Observatoire national de l’ESS). Toutefois, dès le mois de juin 2021, le secteur de l’ESS avait déjà retrouvé un niveau d’emploi qui dépassait celui d’avant la crise sanitaire avec la création de 54.000 postes, confirmant la capacité de rebond et l’agilité des structures de l’ESS.

En ce début d’année, SEBAN & ASSOCIES a souhaité consacrer le Sujet du mois de sa Lettre d’Actualités Juridiques à l’ESS. La diversité des sujets qui y sont abordés démontre de la richesse de cet écosystème qui se caractérise par une manière différente d’entreprendre et promeut des formes d’entreprises privilégiant le service rendu avant le profit (tout en étant de véritables acteurs économiques), en lien avec les acteurs publics.

Il sera d’abord question de la publication des décrets pris, en 2021, en application de la loi « séparatisme » et notamment du décret du 31 décembre 2021 relatif à la souscription au contrat d’engagement républicain désormais requis pour l’octroi d’une subvention, d’un agrément ou d’une RUP et  qui n’est pas sans soulever de nombreuses questions et inquiétudes, du côté des associations et des fondations (s’agissant de leur responsabilité et celle de leurs dirigeants), mais aussi du côté des autorités publiques et notamment des collectivités territoriales (s’agissant, dans leur cas, de la  mise en œuvre de ce « contrat » et du contrôle des engagements qu’il contient).

Seront également successivement abordés dans ce sujet du mois, diverses brèves d’actualités en lien avec l’ESS :

  • Le rôle de plus en plus important des entreprises de l’ESS dans les politiques publiques
  • L’ESS et habitat inclusif avec l’exemple de la nouvelle convention type à l’APL applicable aux logements-foyers accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées permet désormais l’habitat inclusif
  • Les dernières précisions jurisprudentielles sur le droit disciplinaire au sein d’établissements et services sociaux et médico-sociaux gérés par des associations
  • Les outils de la commande publique permettant la rencontre entre les acheteurs publics et les structures de l’ESS
  •  La protection des données à caractère personnel par les associations au travers du guide de sensibilisation au RGPD publié par la CNIL, en novembre dernier, à destination des associations
  • Le mécénat et loi de finances n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 pour 2022 
  • Le mécénat de compétence et son guide pratique du mécénat de compétences publié, en novembre 2021, par le secrétariat chargé de l’économie, sociale solidaire et responsable
  • Les fondations territoriales et les fondations opératrices et gestionnaires et la question de savoir si elles constituent une nouvelle forme juridique de fondation 
  • L’impact des lois en faveur de l’engagement associatif et visant à améliorer la trésorerie des associations promulguées le 1er juillet 2021.

Autant de sujets qui témoignent de la richesse, de la diversité et de la capacité d’innovation des acteurs de ce secteur économique dont le rôle et la place ne font plus débat en France.

Très engagé aux côtés de tous les acteurs de l’ESS, SEBAN & ASSOCIES, dont l’ADN est l’intérêt général, ambitionne d’accompagner les acteurs de l’ESS sur toutes leurs problématiques comme le montre ce dossier réalisé par de nombreux avocats du cabinet.

Audrey Lefèvre, avocate associée

Le bailleur n’est pas tenu des vices en cours de bail dont il n’est pas informé

Le 18 décembre 2007 un bailleur a consenti à un preneur un bail commercial portant sur des locaux à usage de débit de boissons, restaurant, dancing.
En décembre 2014, après avis de la commission de sécurité communale, le maire a ordonné la fermeture au public des locaux.
Le preneur a alors assigné le bailleur en résiliation de bail, en restitution des loyers perçus et en dommages et intérêts, invoquant le manquement de ce dernier à son obligation de délivrance. 

Débouté en appel de sa demande de résiliation de bail, il s’est pourvu en cassation. La Cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 2021 rejette le pourvoi en ces termes :

« Les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n’a pris aucune disposition pour y remédier ».

Souvent opposée, en ce qu’elle est d’ordre public, par le preneur pour mettre en jeu la responsabilité du bailleur, l’obligation de délivrance n’est pour autant pas absolue et ne s’étend pas aux vices apparus en cours de bail dont le bailleur n’avait pas connaissance.

Détermination du Juge du référé précontractuel compétent en cas de passation de marché par un groupement de commandes composé de personnes publiques et privées

Par une décision du 10 janvier 2022, le Tribunal des conflits rappelle que la compétence judiciaire ou administrative du juge des référés précontractuels s’apprécie en fonction de la nature du contrat en cause et tranche la question de l’application de ce critère lors de la passation de contrats de droit public et privé par un groupement de commandes « mixte » constitué de personnes publiques et privées.

En l’espèce, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 26 juin 2018, la Régie Autonome des Transports Parisiens (ci-après, la « RATP »), agissant en qualité de coordonnateur d’un groupement de commandes conclu avec SNCF Mobilités, auquel a succédé le 1er janvier 2020 la société SNCF Voyageurs, a lancé une procédure négociée avec mise en concurrence préalable pour la passation d’un accord-cadre à bons de commande.

La société Alstom Transport, candidat à la procédure, a introduit un référé précontractuel devant le président du Tribunal judiciaire de Paris en demandant l’annulation de toutes les décisions se rapportant à la procédure de passation et qu’il soit enjoint à la RATP de se conformer à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence.

Par une décision du 17 décembre 2020, le Juge des référés précontractuels du Tribunal judiciaire de Paris a adressé au groupement formé par la RATP et SNCF Voyageurs, s’il entendait poursuivre la procédure de passation, des injonctions relatives à la méthode d’analyse des offres et à l’information des candidats.

Saisie d’un pourvoi de la RATP contre cette décision, la Cour de cassation a saisi le Tribunal des conflits sur le fondement de l’article 35 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles pour déterminer quel était le juge compétent pour connaître de ce litige.

L’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique retient un critère d’application matériel pour déterminer le juge compétent pour connaître des référés précontractuels. Ainsi, les contrats ayant un caractère administratif conclus par des pouvoirs adjudicateurs relèvent de la compétence du Juge administratif. En revanche, en application de l’article 2 de l’ordonnance précitée, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l’un de ces contrats et susceptibles d’être lésées par ce manquement peuvent saisir le Juge judiciaire d’un référé précontractuel[1].

Le Tribunal des conflits commence par rappeler ce principe de répartition des compétences entre les deux juridictions en jugeant que la « passation et l’attribution des contrats passés en application du code de la commande publique sont susceptibles de donner lieu à une procédure de référé précontractuel qui, selon que le contrat revêtira un caractère administratif ou privé, doit être intentée devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire ». Il précise ensuite qu’il appartient au juge du référé précontractuel de s’assurer de sa compétence en déterminant si « eu égard à la nature du contrat en cause, il a [été saisi] à bon droit ».

En l’espèce, toute la difficulté de l’affaire tenait au caractère mixte du groupement de commandes. En effet, la société SNCF Voyageurs est une société anonyme concluant, par principe, des contrats de droit privé aussi la procédure de passation conduite par le groupement de commandes était susceptible de donner lieu à la conclusion de contrats à caractère administratif et de contrats de droit privé, rendant par là même l’application du critère matériel précité délicate.

Le Tribunal des conflits tranche cette question en jugeant dans un considérant de principe que « dans le cadre d’un groupement de commandes constitué entre des acheteurs publics et des acheteurs privés en vue de passer chacun un ou plusieurs marchés publics et confiant à l’un d’entre eux le soin de conduire la procédure de passation, et où, l’un des acheteurs membres du groupement étant une personne publique, le marché qu’il est susceptible de conclure sera un contrat administratif par application de l’article 3 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, le juge du référé précontractuel compétent pour connaître de la procédure est le juge administratif, sans préjudice de la compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges postérieurs à la conclusion de ceux de ces contrats qui revêtent un caractère de droit privé ».

Appliquant la règle ainsi énoncée au cas particulier, il relève que « la RATP, membre de ce groupement, est un établissement public et les marchés qu’elle est susceptible de conclure sont des contrats administratifs » et juge donc que le Juge administratif est compétent pour connaître du référé précontractuel introduit par la société Alstom Transport.

La présente décision est à mettre en parallèle avec celle rendue par le Tribunal des conflits le 13 septembre 2021[2] où le tribunal avait déjà eu à connaître d’une difficulté relative à un groupement de commandes composé de personnes privées. Cependant, contrairement au cas d’espèce où le groupement de commandes était susceptible de conclure plusieurs contrats pour chacun de ses membres, l’affaire jugée le 13 septembre 2021 portait sur la conclusion d’un unique accord-cadre pour l’ensemble des membres du groupement. Le Tribunal des conflits avait alors décidé qu’il appartenait au Juge des référés précontractuels de rechercher l’objet principal du contrat pour qualifier la nature de ce dernier en jugeant que lorsqu’un « contrat de la commande publique, passé par une entité adjudicatrice au nom et pour le compte de plusieurs sociétés, et destiné majoritairement à répondre aux besoins de l’une de ces sociétés dont les contrats passés en application du code de la commande publique sont des contrats administratifs par détermination de la loi, [ce dernier] revêt lui-même un caractère administratif »[3] et il appartient alors au Juge administratif de connaître du référé précontractuel relatif à la procédure de passation dont la régularité est contestée.

En conséquence, dans le cadre d’un groupement de commandes, la détermination du juge compétent varie selon que le groupement a vocation à conclure un contrat unique en vue de répondre aux besoins de plusieurs acheteurs ou qu’il a pour objet d’assurer la conclusion d’un ou plusieurs contrats pour chacun des membres du groupement. Dans le premier cas, il faut apprécier quel est l’objet principal du contrat pour en déterminer la nature, administrative ou privée, et en déduire subséquemment la juridiction compétente pour connaître du référé précontractuel. Dans le second cas, si au moins un contrat est susceptible d’être qualifiable de droit public, notamment au motif qu’un des membres du groupement est une personne de droit public, la procédure de référé précontractuel relèvera de la compétence du Juge administratif. Ainsi, par principe et dans l’immense majorité des hypothèses, la procédure de référé précontractuel relative aux contrats conclus par des groupements de commande « mixte », constitués de personnes publiques et privées, relèvera donc de la juridiction administrative.

 

[1] Cass. com., 13 oct. 2021, Société Promologis, n° 19-24.904.

[2] TC, 13 septembre 2021, SNCF, C4224.

[3] Ibid.

Un contrat de location d’un terrain non aménagé ne vaut pas concession dans un parc privé de stationnement permettant de satisfaire aux obligations de stationnement prévu par un PLU

Par un arrêt en date du 14 décembre 2021, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu’un contrat de location d’un terrain non aménagé, même pour partie, en vue du stationnement, ne peut être regardé comme une concession de places à long terme dans un parc privé de stationnement, permettant au pétitionnaire de satisfaire aux obligations résultant dispositions du plan local d’urbanisme relatives au stationnement.

Dans cette affaire, par un jugement avant-dire droit du 17 janvier 2020, le Tribunal administratif de Rennes, faisant application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, avait sursis à statuer sur la demande d’annulation de l’arrêté du 11 août 2017, par lequel le Maire de
Saint-Briac-sur-Mer a délivré un permis de construire portant sur l’extension de la maison d’habitation principale des pétitionnaires, la rénovation et l’extension d’une maison annexe et la réalisation d’un abri de jardin.

Par un jugement, en date du 21 août 2020, le Tribunal administratif a rejeté les requêtes formées contre cet arrêté compte-tenu de la délivrance par le Maire de la Commune d’un permis de construire de régularisation à la suite du dépôt d’un permis de construire modificatif dans le délai de trois mois. Les requérants ont relevé l’appel du jugement régularisant le vice tiré de la méconnaissance de l’article UA 12 du règlement du plan local d’urbanisme relatif au stationnement.

Aux termes des dispositions de l’article UA 12 du règlement du plan local d’urbanisme en vigueur, tout projet devait comprendre deux places de stationnement par logement aménagées sur la propriété. En cas d’impossibilité technique, le constructeur pouvait être autorisé à aménager, sur un autre terrain situé à moins de 300m du premier, les surfaces de stationnement qui lui font défaut en justifiant, soit de l’obtention d’une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit de l’acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions.

Pour procéder à la régularisation de leur situation, les pétitionnaires ont produit, dans le cadre d’un permis modificatif, un contrat de location conclu avec des particuliers à leur profit exclusif, mentionnant qu’il a pour objet la location « de places de parking dans le jardin ». Ce contrat portait sur un jardin constituant l’accessoire d’une maison individuelle et qui n’a pas été aménagé, même pour partie, en vue du stationnement.  

La Cour administrative d’appel de Nantes a considéré que « compte tenu de la nature du contrat de location produit et de l’absence d’élément de nature à faire regarder cette parcelle ou le jardin attenant aux maisons qui y sont édifiées comme constituant un parc privé de stationnement, les intéressés ne peuvent être regardés comme justifiant […] d’une concession de places à long terme dans un parc privé de stationnement, leur permettant de satisfaire aux obligations » résultant des dispositions du document d’urbanisme en vigueur.

Par suite, la Cour administrative d’appel a de Nantes a annulé le jugement du 21 août 2020 rendu par le Tribunal administratif de Rennes, ainsi que l’arrêté portant permis de construire délivré par le maire de la commune de Saint-Briac-sur-Mer.

Adoption du Projet de Loi relatif à la protection des enfants en Commission Mixte Paritaire

Après l’adoption en première lecture à l’Assemblée nationale en juillet dernier, puis au Sénat en décembre, du Projet de loi relatif à la protection des enfants, députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire, ont adopté un texte commun mardi 11 janvier.

Ce texte, qui doit à nouveau être soumis au vote des deux chambres pour une adoption définitive, prévoit notamment :

  • l’interdiction de l’hébergement des enfants de l’Aide Sociale à l’Enfance à l’hôtel ;
  • le prolongement de l’accompagnement des 18-21 ans par les départements et l’Etat ;
  • la systématisation des auditions des enfants en tête-à-tête par le juge des enfants ;
  • l’étude systématique de la possibilité de confier l’enfant à une personne de son environnement avant son placement à l’ASE ;
  • l’interdiction de la séparation des fratries quand cela correspond à l’intérêt de l’enfant ;
  • le contrôle des antécédents judiciaires de tous les professionnels intervenant auprès des enfants.

Contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant : non prise en compte des revenus du nouveau conjoint du parent sans ressource personnelle

Selon l’article 371-2 du Code civil, « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ». L’article 373-2-2 précise qu’en cas de séparation des parents, la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.

Il résulte de ces dispositions que la dette du débiteur d’aliments est une dette personnelle. La Cour de cassation considère, par une jurisprudence constante, que les revenus du nouveau conjoint du parent ne peuvent être pris en compte dans le calcul de la contribution, que s’ils réduisent les charges du débiteur de l’obligation alimentaire (Cass. Civ., 1ère, 25 avr. 2007, n° 06-12.614).

En l’espèce, dans un arrêt du 19 mars 2019, la Cour d’appel de Metz avait fixé à la somme de 150 € par mois, la contribution au titre de l’entretien de l’enfant due par la mère. Cette dernière ne disposant d’aucune ressource personnelle, la Cour avait fixé ce montant au regard des revenus perçus par son nouveau conjoint.

Dans son arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Metz. Rappelant que « la dette du débiteur d’aliments est une dette personnelle, dont le montant doit être fixé en considération de ses ressources », la Cour affirme que le conjoint de la mère n’est pas tenu d’une obligation alimentaire envers l’enfant de celle-ci, et que ses revenus ne peuvent donc pas être pris en considération pour fixer le montant de la contribution.

Seuls les copropriétaires opposants ou défaillants peuvent demander l’annulation d’une assemblée générale

Selon l’article 42 al. 2 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965, seuls les copropriétaires opposants ou défaillants ont le droit de contester les décisions d’une assemblée générale de copropriété, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions. Cette disposition s’applique à toutes les irrégularités susceptibles d’affecter les assemblées générales.

La Cour de cassation retient ainsi qu’une action fondée sur l’absence de convocation ou sur une convocation irrégulière doit également être introduite par les copropriétaires opposants ou défaillants (Cass. Civ., 3e, 12 octobre 2005, n° 04-14.602).

En l’espèce, des copropriétaires contestaient la régularité de la convocation de l’assemblée générale, effectuée par une nouvelle société, issue de la fusion entre le syndic de la copropriété régulièrement désigné et une autre société, n’ayant pas été agréée aux fonctions de syndic par le syndicat des copropriétaires.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 février 2020, avait jugé recevable l’action des copropriétaires. La Cour de cassation casse cet arrêt, au motif que les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales, même fondées sur le défaut de pouvoir de la personne qui a procédé à leur convocation, doivent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants : l’action en nullité de l’assemblée générale, fondée sur l’irrégularité de la convocation envoyée par une société non mandatée comme syndic, ne pouvait pas être exercée par des copropriétaires qui n’étaient ni opposants, ni défaillants.

Délai de prescription en cas d’infraction répétée au règlement de copropriété

Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’article 42 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 prévoit que les dispositions de l’article 2224 du Code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et son syndicat. Le délai de prescription est ainsi passé de dix à cinq ans.

S’agissant des actions fondées sur la méconnaissance du règlement de copropriété, la Cour de cassation considère que le délai de prescription commence à courir dès la commission de la première infraction (Cass. Civ., 3e, 23 mai 1991, n° 89-19.879), ou dès sa connaissance par le titulaire de l’action (Cass. Civ., 3e, 28 mai 2020, n° 19-12.908).

En l’espèce, une résidence, soumise au statut de la copropriété, comprend plusieurs lots situés en rez-de-chaussée et exploités par des commerces. Devant leurs devantures et avant le trottoir public, se situe une zone dont le syndicat des copropriétaires soutient qu’elle constitue une partie commune occupée irrégulièrement par les commerces, qui y installent leurs terrasses à chaque saison estivale.

Dans un arrêt du 20 mai 2020, la Cour d’appel de Pau avait retenu la recevabilité de l’action du syndicat des copropriétaires, au motif qu’une exploitation saisonnière qui se répétait chaque année générait, à chaque nouvelle occupation, le point de départ d’une nouvelle prescription.

Dans son arrêt du 24 novembre 2021, la Cour de cassation casse cet arrêt, affirmant « qu’il résultait [des] constatations que c’était la même infraction au règlement de copropriété qui s’était répétée, sans interruption, à chaque saison, de sorte que chaque nouvelle occupation n’était pas le point de départ d’une nouvelle prescription ».

Le Juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’autorité administrative sur l’inaptitude définitive d’un fonctionnaire

Le Conseil d’Etat, saisi d’une mise à la retraite d’office pour invalidité, a considéré que le Juge administratif devait désormais exercer un contrôle normal et non plus restreint sur l’appréciation portée par l’administration sur l’inaptitude d’un fonctionnaire justifiant sa mise à la retraite d’office.

La particularité de ce dossier est que lorsque le Maire a pris l’arrêté litigieux, l’ensemble des certificats médicaux dont il avait eu connaissance, de même que les instances s’étant préalablement prononcées (comité médical départemental, commission de réforme et CNRACL), concluaient à l’inaptitude de l’agent concerné à reprendre ses fonctions en raison d’une dépression grave et « installée dans la chronicité ». Toutefois, à l’appui de sa demande d’annulation de l’arrêté du 18 janvier 2016, l’agent a produit pour la première fois cinq certificats médicaux émanant là encore de généralistes et de psychiatres, rédigés entre juin 2013 et octobre 2014, concluant tous à son aptitude à reprendre son activité en raison de la guérison de l’état dépressif.

Ceci rappelé, la haute juridiction considère que « la légalité de la décision qu’il appartient à l’autorité territoriale de prendre en vue du placement d’office d’un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu’elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s’apprécie au regard de l’ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n’auraient pas été communiqués à l’autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu’ils éclairent cette situation. Le Juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’autorité territoriale sur l’inaptitude définitive d’un fonctionnaire ».

Ce contrôle s’explique, comme le rappelle le Rapporteur public sous cette affaire, par le fait que « l’administration ne jouit d’aucun pouvoir discrétionnaire quand elle se prononce sur l’aptitude physique d’un agent : il s’agit d’une donnée extérieure qui s’impose à elle ». Dans ces conditions, il est logique qu’un contrôle normal s’impose sur l’inaptitude d’un agent qui peut avoir pour conséquence son éviction définitive du service. Ce contrôle renforcé du juge constitue d’ailleurs une garantie pour l’agent concerné.

Précisions sur le retrait d’une décision de recrutement pour fraude : l’omission n’est pas toujours une fraude

Par un arrêt du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat a précisé les obligations d’information qui incombent à un fonctionnaire au moment de son recrutement par une collectivité territoriale, donnant de précieuses indications sur l’étendue des possibilités dont dispose l’administration pour procéder au retrait d’une décision créatrice de droit pour fraude.

Il arrive en effet qu’une collectivité, après avoir procédé au recrutement d’un fonctionnaire, découvre, notamment à l’occasion de la communication du dossier administratif de l’agent, des informations qui tendent à remettre en cause le principe même du recrutement. Dans ces hypothèses, certaines collectivités procèdent au retrait de la décision de recrutement conduisant alors à la réintégration de l’agent dans son ancienne collectivité.

Ce type de situation apparaît notamment dans l’hypothèse où l’agent omet, à dessein, d’informer son recruteur de certains éléments de sa situation afin de faciliter son recrutement, ou induit en erreur, d’une façon ou d’une autre, cette collectivité. Dans ces cas, il est alors possible de considérer que la décision de recrutement a été obtenue par fraude, ce qui permet non seulement de fonder le retrait de la décision de recrutement, mais autorise également, conformément à l’article L. 241-2 du Code des relations entre le public et l’administration, à procéder à ce retrait au-delà du délai de quatre mois en principe imposé pour le retrait des actes créateurs de droit.

Telle était la situation dans l’arrêt commenté. A la date à laquelle l’agent était recruté, il avait été informé qu’il faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance à l’occasion de ses fonctions, ce dont il n’avait pas fait part à son futur recruteur. Par la suite, les poursuites devaient donner lieu à sa condamnation pénale. Informée ultérieurement de cette situation, la commune qui avait recruté l’agent a procédé au retrait de la décision, au motif que celle-ci avait été obtenue par des manœuvres frauduleuses de l’agent.

La Cour administrative d’appel, saisie du litige engagé entre les deux collectivités et l’agent, a validé l’acte de retrait pris par la commune, estimant que l’agent avait effectivement dissimulé une information essentielle à la commune recruteur, caractérisant une fraude justifiant le retrait.

Le Conseil d’Etat a censuré cette interprétation, estimant que la fraude n’était pas caractérisée en l’absence de toute obligation de l’agent lui imposant d’informer son futur employeur de l’existence de poursuites pénales à son encontre. Plus précisément, et comme permettent de le comprendre les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’Etat a distingué deux hypothèses d’omission d’une information. Lorsque l’agent est tenu, par une obligation légale, d’informer l’administration d’une situation ou d’un fait le concernant, alors la dissimulation de cette information implique un comportement actif de fraude qui en caractérise l’élément objectif. En revanche, à défaut d’une telle obligation, la seule omission d’une telle information ne suffit pas, selon le Conseil d’Etat, à la caractériser.

La précision est donc fort utile, car la fraude par omission est naturellement la plus courante. Les collectivités qui se trouveront confrontées à cette situation disposeront donc désormais d’une grille de lecture pour le retrait d’un acte par fraude : l’omission de l’agent méconnaissait-elle une obligation d’information qui lui aurait incombé ? Autrement dit, l’agent était-il tenu d’informer son administration de la situation ? Une réponse positive autorisera l’administration à procéder au retrait, quant la négative imposera à la collectivité de trouver d’autres voies, notamment disciplinaires, pour sanctionner l’agent de son omission.

Dénonciation d’un harcèlement moral et discipline

Le Conseil d’Etat vient de juger qu’un agent qui s’estime victime de harcèlement moral n’est pas pour autant exempt de ses obligations professionnelles, de sorte qu’il peut être sanctionné s’il n’a pas respecté son devoir de réserve dans sa manière de dénoncer ces faits.

Cette décision précise néanmoins que lorsque le juge est saisi d’une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, « il lui appartient, pour apprécier l’existence d’un manquement à l’obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l’administration dont le fonctionnaire s’estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu’il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation ».

C’est ainsi que dans l’affaire portée à sa connaissance, le Conseil d’Etat annule la décision de la Cour selon laquelle une commune aurait été bien-fondée à infliger un blâme à un agent ayant manqué à son obligation de réserve en dénonçant, par un courriel formulé en des termes excessifs et adressé à un large cercle d’élus de la commune de Pont-du-Château, le harcèlement moral dont elle s’estimait victime.

Invitant la Cour à statuer de nouveau au vu de cette situation, le Conseil d’Etat lui a donc renvoyé le soin de décider si, oui ou non, les propos tenus méritaient ladite sanction, au vu du contexte précis de leur survenance.