Le CoRDiS prononce une sanction pécuniaire de 100 000 euros à l’encontre de la société ENEDIS

En l’espèce, un différend est né entre la société Enedis et la société Moulin du Teulel, laquelle exerce une activité de production d’électricité au moyen d’une centrale hydroélectrique. Ce différend portait sur une demande de raccordement d’une installation de production existante, appartenant à la société Moulin du Teulel, comprenant la rénovation de deux turbines, l’augmentation de puissance des installations et le renouvellement du dispositif de comptage.

En décembre 2015, la société Moulin de Teulel a saisi le Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (CoRDiS) de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) d’une demande de règlement de différend, assortie d’une demande de mesures conservatoires, portant sur les conditions de raccordement d’une nouvelle installation de production hydroélectrique au réseau public de distribution et au comptage de l’installation de production hydroélectrique existante.

Sans rentrer sur le fond de cette affaire, Par une décision n° 11-38-16 du 8 décembre 2017, le CoRdiS avait notamment décidé que la société Enedis devait communiquer à la société Moulin de Teulel une nouvelle convention de raccordement ainsi que les résultats d’une étude sur la puissance transitant dans le transformateur du poste de distribution publique, et ce, avant le 8 février 2018.

Or, la société Enedis a communiqué lesdits documents à la société Moulin de Teulel avec un retard de vingt mois et huit jours, sans qu’aucune cause de ce retard ne puisse être imputée à cette dernière. 

Dans ce contexte, par une décision n° 02-40-19 du 7 décembre 2021, le CoRDiS a prononcé à l’encontre de la société Enedis une sanction pécuniaire d’un montant de 100.000 € et décidé que cette décision devait faire l’objet d’une publication au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de la CRE pendant une période de deux années à compter de sa publication.

Conformément à l’article L. 134-27 du Code de l’énergie, on rappellera que le CoRDiS peut prononcer, selon la gravité du manquement constaté :

  • Soit une interdiction temporaire, pour une durée n’excédant pas un an :
    • de l’accès aux réseaux, ouvrages et installations ;
    • ou de l’exercice de tout ou partie des activités professionnelles des personnes concernées en cas de manquement aux articles 3, 4 ou 5 du Règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (REMIT) ;
  • Soit une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l’intéressé, à l’ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés.

Précisions règlementaires sur les conditions de déploiement du réseau de fibre optique sur les poteaux utilisés pour la distribution d’électricité

Pour mémoire et, en application de l’article L. 34-8-2-1 du Code des postes et des communications électroniques, les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité doivent faire droit aux demandes raisonnables d’accès à leurs infrastructures des exploitants de réseau ouvert au public à très haut débit.

Et, ce n’est que lorsqu’il est fondé sur des critères objectifs, tels que la capacité de l’infrastructure en question ou la sécurité nationale par exemple, que le gestionnaire du réseau électrique peut opposer un refus à une telle demande d’accès.

Pour l’application de ce dispositif, l’arrêté du 24 décembre 2021 ici commenté vient préciser certaines conditions encadrant le déploiement de fibre optique sur les appuis utilisés pour la distribution d’électricité en basse tension.

A ce titre, ledit arrêté indique notamment :

  • les caractéristiques techniques que doivent respecter les câbles de fibre optique déployés sur les ouvrages du réseau public de distribution d’électricité ;
  • les contenus et modalités d’élaboration de l’étude de calcul des charges fournie au gestionnaire du réseau public de distribution (GRD). En particulier, l’arrêté exonère du calcul de charges le déploiement d’un raccordement final optique lorsque ce déploiement n’accueille pas de desserte optique ;
  • que la convention établie entre le GRD et l’opérateur de communication électronique précisera les modalités techniques et financières encadre l’accès aux appuis pour permettre le déploiement du réseau de communication électronique, ainsi que son contenu.

Tarifs du gaz : les précisions de la CRE pour l’année 2022

Publication des barèmes applicables pour les tarifs réglementés de vente de gaz naturel d’ENGIE, janvier 2022

Délibération de la CRE du 15 décembre 2021 portant projet de décision sur les tarifs péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel des entreprises locales de distribution

 

  • Gel des tarifs réglementés de gaz

Pour mémoire et ainsi que nous l’expliquions dans notre précédente LAJEE, du fait de la hausse exceptionnelle des prix de gros du gaz naturel, les tarifs règlementés de vente (ci-après TRV) de gaz naturel ont été gelés (à compter du 1er novembre concernant ceux proposés par Engie et du 1er janvier 2022 pour les Entreprises Locales de Distribution –(ELD-)).

Ce gel des TRV de gaz étant opéré à des niveaux inférieurs aux coût d’approvisionnement supportés par les fournisseurs de gaz, il impacte fortement ces derniers, de sorte qu’en contrepartie, la loi de finance pour 2022 prévoit (en son article 181) que :

  • les fournisseurs ainsi impactés pourront bénéficier d’une compensation au titre des charges imputables aux obligations de service public ;
  • les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients résidentiels sont concernés par le bouclier tarifaire pourront bénéficier d’un acompte sur les compensations de charges.

C’est dans ce cadre que la CRE précise, par une publication du 23 décembre 2021, les modalités d’obtention de cet acompte et notamment l’ensemble des pièces justificatives devant être transmises (avant le 10 janvier 2022) pour en bénéficier.

Par ailleurs, elle indique qu’une majoration de l’acompte pourra être proposée aux fournisseurs pour lesquels le gel des tarifs compromet la viabilité économique.

Enfin on notera qu’ainsi que l’annonce la CRE, le montant de cet acompte sera en principe évalué par une délibération de cette dernière avant le 1er février 2022.

Toujours dans le prolongement du gel des tarifs réglementés de vente de gaz naturel et en application du décret du 23 octobre 2021[1] et de l’article R. 445-5 du Code de l’énergie, la CRE a publié, comme chaque mois, les barèmes applicables pour ces tarifs en indiquant qu’ils demeuraient identiques à ceux fixés en octobre 2021.

En outre, elle précise que sans ce gel tarifaire, c’est-à-dire par application de la formule définie par l’arrêté du 28 juin 2021[2] en vigueur avant ce gel, le niveau moyen des tarifs réglementés de vente au 1er janvier 2022, aurait été supérieur de 42,1 % HT, soit 38,0 % TTC, par rapport au niveau en vigueur fixé au 1er octobre 2021.

 

  • Calcul des nouveaux tarifs péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel des entreprises locales de distribution

Par une délibération du 15 décembre 2021, la CRE a exposé la méthode et les paramètre selon lesquels seront fixés les tarifs péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz des ELD[3], lesquels doivent entrer en vigueur le 1er juillet 2022 pour une durée d’environ quatre ans.

Dans ce cadre, la CRE définit notamment :

  • le cadre de régulation tarifaire et les paramètres de la régulation incitative applicables aux ELD de gaz naturel pour une durée d’environ 4 ans ;
  • la trajectoire des charges d’exploitation et l’évolution prévisionnelle du tarif ;
  • les termes tarifaires applicables à partir du 1er juillet 2022.

 

[1] Décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par Engie et faisant application du dernier alinéa de l’article R. 445-5 du Code de l’énergie

[2] Arrêté du 28 juin 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni par ENGIE

[3] Entreprises locales de distribution

Biogaz : publication de deux arrêtés et d’un décret

Au cours du mois de décembre, trois textes règlementaires sont parus en matière de biogaz notamment produit à partir de déchets (biométhane).

Premièrement, un arrêté du 13 décembre 2021 vient fixer les conditions de l’obligation d’achat à un tarif règlementé du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel. Celui-ci remplace l’arrêté du 23 novembre 2020 en la matière, désormais abrogé, et vient notamment fixer :

  •  les éléments requis dans la demande de contrat d’obligation d’achat à un tarif réglementé ;
  •  les caractéristiques ainsi que le contenu dudit contrat d’achat ;
  •  la définition et les modalités d’application de ce tarif.

Et, à sa lecture, on constate qu’afin de bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat, les installations doivent désormais présenter une production annuelle prévisionnelle inférieure ou égale à 25 GWh PCS par an (alors que ce seuil était antérieurement fixé par l’arrêté du 23 novembre 2020 susvisé à 300 Nm3/h).

Ensuite, un décret du 17 décembre 2021 vient quant à lui imposer aux producteurs d’électricité à partir de biogaz la transmission d’une attestation de conformité de leurs installations aux prescriptions mentionnées à l’article R. 311-43 du Code de l’énergie, au plus tard six mois après la date de publication dudit décret.

Du reste, il apporte notamment quelques modifications aux dispositions règlementaires du Code de l’énergie et notamment celles de son article R. 311-29 relatif à la procédure de sanction pouvant être engagée par le préfet de région en cas de non-conformité des installations susvisées.

Dans le même sens, un arrêté du 17 décembre 2021 modifie légèrement les modalités de contrôle des installations de production d’électricité à partir de biogaz tels qu’elles étaient prévues par l’arrêté du 2 novembre 2017, notamment s’agissant des documents de référence sur la base desquels ce contrôle est effectué.

Le régime de passation des accords-cadres de fourniture d’énergie à l’épreuve du juge administratif : quelles conséquences pratiques pour les acheteurs ?

Dans une affaire concernant la procédure de passation d’un accord-cadre multi-attributaire et celle d’un marché subséquent pour la fourniture d’électricité, lesquelles connaissent des spécificités qui n’avaient pas encore fait l’objet d’un contrôle de la part du Juge administratif, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, dans un arrêt du 2 décembre 2021, remis en cause la pratique consistant à ne pas utiliser de critère prix lors de la passation de l’accord-cadre mais validé la pratique consistant à réutiliser la note que les titulaires de l’accord-cadre ont obtenu sur ce critère lors de la passation de ce premier contrat afin de noter ce même critère lors de la passation du marché subséquent.

A ce titre, il faut rappeler que la fourniture d’électricité, comme celle du gaz, connaît une spécificité liée à la forte volatilité des prix ; lesquels peuvent évoluer d’heure en heure. Tous les acheteurs sont d’ailleurs actuellement confrontés à une très forte hausse de ces prix.

Face à cette situation, les acheteurs avaient élaboré une pratique, depuis de nombreuses années, consistant à sélectionner les titulaires de l’accord-cadre uniquement sur des critères liés à la valeur technique afin de fixer le prix, dans de très courts délais – le plus souvent de quelques heures –, lors de la passation des marchés subséquents.

Le critère prix était donc utilisé uniquement à ce stade avec, le plus souvent, une reprise de la note technique pour être en mesure de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, étant précisé qu’aucune modification n’était apportée dans le marché subséquent aux caractéristiques techniques définies dans l’accord-cadre.

Toutefois, alors que l’article 53 du Code des marchés publics ne posait pas l’obligation d’utiliser un critère prix en cas d’utilisation de plusieurs critères, la réforme de la commande publique a inséré une telle obligation avec l’article R. 2152-7 du Code de la commande publique (CCP).

Par un jugement du 8 février 2021 rendu sur déféré du Préfet de la Dordogne, le Tribunal administratif de Bordeaux a résilié l’accord-cadre conclu par le Département en considérant qu’un accord-cadre devait être qualifié de marché public et, partant, que sa passation devait être soumise à l’article R. 2152-7 du CCP et donc donner lieu à l’utilisation d’un critère prix.

Ensuite, le Tribunal a résilié le marché subséquent au motif que la méthode de notation consistant à réutiliser la note technique ferait obstacle à une remise en concurrence pleine et entière des titulaires de l’accord-cadre et conduirait à priver les critères de sélection de leur pleine portée.

Toutefois, saisie d’un recours en appel contre ce jugement et d’un recours tendant au sursis à l’exécution de ce dernier de la part du Département ainsi que d’un recours en appel de la part de la société titulaire du marché subséquent, la Cour administrative d’appel a annulé ce jugement et rejeté l’intégralité des demandes du Préfet.

 

1. L’obligation d’utiliser un critère prix lors de la passation d’un accord-cadre y compris pour l’achat d’électricité

En premier lieu, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc conclu à l’existence d’une obligation générale d’utiliser un critère prix pour la passation d’un accord-cadre y compris pour l’achat d’électricité.

Cette solution peut être discutée au regard des arguments juridiques avancés par le Département pour soutenir l’absence d’une telle obligation.

D’une part, le Département avait défendu le caractère facultatif de ce critère lors de la passation de l’accord-cadre en se fondant, entre autres, sur le fait que rien n’oblige un acheteur à fixer, à ce stade, les stipulations financières qui seront appliquées lors de l’exécution du ou des marchés subséquents.

En effet, dans un accord-cadre à marchés subséquents et en vertu des articles R. 2162-2 et R. 2162-7du CCP, les acheteurs sont autorisés à conclure :

  • dans un premier temps, l’accord-cadre, dans lequel ils fixent une partie seulement des stipulations contractuelles ;
  • et, dans un second temps, un ou plusieurs marchés subséquents, dans lesquels ils définissent « les caractéristiques et les modalités d’exécution des prestations demandées qui n’ont pas été fixées dans l’accord-cadre ».

De plus, il avait été relevé que ces textes ne prévoient aucune obligation de fixer les stipulations financières au stade de l’accord-cadre.

A cet égard, il importe de noter, à titre de comparaison, que les contrats-cadres – lesquels ont un objet identique à certains accords-cadres et notamment ceux à marchés subséquents multi-attributaires –, peuvent être valablement conclus sans que le prix ne soit déterminé (voir en ce sens : C. Cass., Ass. plén, 1er décembre 1995, n° 93-13.688, n° 91-15.578, n° 91-15.999, n° 91-19.653 et article 1164 du Code civil).

Pour le Département ainsi, un acheteur est en droit d’attribuer ce contrat sur la base de plusieurs critères autres que le prix, à condition toutefois que ce critère soit utilisé lors de la passation du ou des marchés subséquents.

D’autre part, le Département avait fait état de la réelle difficulté, pratique, à utiliser un critère prix lors de la passation d’un accord-cadre à marchés subséquents portant sur la fourniture d’électricité. A cet effet, il avait notamment rappelé devant la Cour que la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie avait recommandé aux acheteurs, dans son Guide de l’achat d’énergie – d’ailleurs toujours disponible sur son site –, de lancer une « consultation pour l’accord-cadre […] avec jugement des offres sur la valeur technique uniquement ».

Toutefois, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé autrement.

Certes, relevons avec intérêt que la Cour n’a pas qualifié l’accord-cadre de marché public comme l’avait fait à tort le Tribunal administratif. Cela nous semble pertinent car si l’article 4 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 disposait que « les marchés publics […] sont les marchés et les accords-cadres », tel n’est plus le cas aujourd’hui puisque l’article L. 2125-1 du CCP qualifie un accord-cadre de « technique d’achat » ».

En revanche, la Cour a considéré qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2125-1 du CCP « que le recours à l’accord-cadre, comme aux autres techniques d’achat, doit respecter les procédures prévues pour la passation des marchés publics » de telle sorte que l’article R. 2152-7 rendant obligatoire l’utilisation d’un critère prix s’applique aux accords-cadres.

Par cette décision, la Cour revient donc sur la pratique précédemment exposée consistant à réserver l’utilisation du critère prix lors de la passation du marché subséquent. Il en résulte incontestablement une complexification de la passation des accords-cadres pour la fourniture d’électricité mais aussi pour la fourniture de gaz et une nécessité de mener des réflexions afin de définir une nouvelle méthode permettant l’utilisation de ce critère tout en tenant compte des contraintes liées à la volatilité des prix.

A ce titre, il peut être envisagé de demander aux opérateurs de présenter des prix « plafonds » au stade de l’accord-cadre qui ne pourraient donc pas être dépassés lors de la passation du marché subséquent. Toutefois, au vu de la forte volatilité des prix de l’électricité et de l’importante hausse des prix de l’énergie actuelle, les opérateurs seraient fort probablement contraints de présenter des prix plafond excessivement élevés. Cela reviendrait donc à analyser les offres sur la base de prix ne reflétant pas la réalité du marché.

Une autre solution peut consister à demander aux opérateurs de remettre une offre comportant des prix simplement indicatifs. Toutefois, cette autre méthode présente elle aussi le risque pour l’acheteur d’analyser des prix ne reflétant pas la réalité du marché car les opérateurs pourraient être tentés de présenter des prix particulièrement bas en sachant qu’ils ne seront pas engagés contractuellement à les maintenir lors de la passation du marché subséquent.

A défaut d’une décision de jurisprudence contraire et tout particulièrement de la part du Conseil d’Etat, il pourrait être réfléchi aux adaptations de la réglementation nationale en la matière, dans le respect bien évidemment des directives européennes.

Sur un tout autre aspect, purement contentieux cette fois, la décision de la Cour présente un intérêt.

En effet, la Cour a finalement censuré le jugement du Tribunal administratif en écartant la résiliation de l’accord-cadre au motif que l’irrégularité qui avait été commise par le Département consistant à ne pas utiliser de critère lié au prix n’avait pas eu d’incidence sur la concurrence. La Cour a relevé que le règlement de la consultation prévoyait que l’accord-cadre devrait être conclu avec quatre titulaires, que seulement trois opérateurs ont soumissionné et, que ces derniers ayant tous été désignés titulaires de l’accord-cadre, l’irrégularité liée à l’absence du critère prix « n’a pas eu d’effet sur le choix des attributaires et la conclusion de l’accord-cadre » de sorte que « la poursuite de l’exécution du contrat est possible ».

 

2. Le droit de réutiliser la note technique pour la passation du marché subséquent

En second lieu, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en revanche, a reconnu le droit pour les acheteurs de réutiliser la note technique pour la passation d’un marché subséquent.

La Cour a jugé que « la seule circonstance que la remise en concurrence, au stade de la passation du marché subséquent, s’effectue, de facto, sur le fondement du seul critère du prix, les notes obtenues par chacune des entreprises retenues à l’issue de l’accord-cadre leur étant conservées, ne contrevient pas en elle-même aux dispositions précitées de l’article R. 2162-10 du Code de la commande publique et n’est pas davantage de nature à conduire au choix d’une offre qui ne serait pas économiquement la plus avantageuse, en l’absence, notamment, de toute variation des caractéristiques des prestations attendues entre l’étape de l’accord-cadre et celle du marché subséquent ».

Cette décision valide ainsi une autre pratique, dont le but est d’offrir un gain de temps aux titulaires de l’accord-cadre lesquels n’auront pas à remettre un nouveau mémoire technique, ainsi qu’aux acheteurs, lesquels n’auront pas à procéder à une nouvelle analyse de la valeur technique des offres. La procédure de remise en concurrence des titulaires de l’accord-cadre peut dès lors être menée sur une durée très courte, parfois de quelques heures. Et l’on sait que les offres de prix des fournisseurs d’énergie sont d’autant plus compétitives que la durée de leur engagement de prix est limitée.

En revanche, si la Cour a validé cette méthode de notation, elle l’a fait en posant la condition d’une absence de modification des caractéristiques des prestations lors de la passation du marché subséquent. C’est cependant une solution intéressante car elle signifie que, même si les offres peuvent techniquement évoluer entre la notification de l’accord-cadre et la date à laquelle est lancée la consultation pour les marchés subséquents, cela n’emporte pas l’obligation pour l’acheteur de permettre aux titulaires de l’accord-cadre de remettre une nouvelle offre technique.

Au final, si la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux a le mérite de valider la méthode consistant à réutiliser la note technique lors de la passation du marché subséquent, elle contraint toutefois les acheteurs à utiliser un critère prix lors de la passation de l’accord-cadre ce qui nécessite de la part de ces derniers de réfléchir à la manière dont ce critère pourra être utilisé en tenant compte, une nouvelle fois, des contraintes liées à la forte volatilité des prix de l’énergie.

 

Thomas Rouveyran & Yvonncik Le Fustec

Collaborateur/trice 2/4 ans d’expérience en droit privé/droit des affaires

SEBAN & ASSOCIES est une société d’avocats de 100 avocats, sa taille sans équivalent dans le domaine de l’action publique et de l’économie sociale et solidaire (ESS) en fait le leader du secteur. Son approche pluridisciplinaire lui permet de répondre à l’intégralité des problématiques de ses clients, qu’elles relèvent du droit privé, droit public et/ou du droit pénal.

SEBAN & ASSOCIES a développé une offre de conseil et d’assistance juridique auprès des acteurs de l’ESS dans des secteurs très variés et tout particulièrement en matière d’action sociale et médico-sociale et de nouvelles technologies et recrute un avocat collaborateur justifiant de 2 à 4 ans d’expérience en droit privé général et droit des affaires pour répondre aux besoins de cette clientèle.

Placé sous la responsabilité directe d’un associé, il/elle sera amené(e) à traiter des dossiers très variés, en conseil comme en contentieux, sur des sujets relatifs au droit privé et au droit des affaires pour accompagner les acteurs de l’ESS : associations, fondations, sociétés coopératives, startups, B corps, entreprises sociales, organismes publics…

Pour assurer son développement, Seban & Associés recrute un(e) avocat(e) 2/4 ans d’expérience en droit privé/droit des affaires !

Les missions seront notamment les suivantes :

  • Conseil et accompagnement des associations et de tout autre acteur de l’ESS sur leurs questions liées au droit des contrats, droit des associations, droit de la propriété intellectuelle, des nouvelles technologies et des données et droit fiscal
  • Conseil et accompagnement sur les stratégies de structuration/restructuration et mise en œuvre opérationnelle (fusion, scission, apport partiel d’activité, mutualisation…)  ainsi que les formalités en lien avec ces actes
  • Conseil et accompagnement pour la constitution d’entités du secteur de l’ESS (associations, fonds de dotation, obtention du statut ESS / agrément ESUS / labellisation B-Corp…)
  • Pratique contentieuse (tribunal judiciaire et tribunal de commerce).

Profil : 

De formation en droit M2 ou/et grande école (Science Po, école de commerce), vous avez déjà développé de solides acquis juridiques en conseil et contentieux. Des connaissances en droit de la propriété intellectuelle, des contrats informatiques et des données à caractère personnel sont un sérieux atout. Doté (e) d’un excellent relationnel et d’un esprit d’analyse et de synthèse, vous êtes également reconnu (e) pour votre rigueur rédactionnelle, votre réactivité et votre esprit d’équipe.

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Responsabilité civile – droit des assurances

Faits :
Un immeuble a été détruit par incendie et l’auteur de celui-ci a été déclaré coupable de l’infraction de dégradation ou détérioration du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes et condamné à une peine d’emprisonnement.La victime à qui appartenait l’immeuble a perçu une indemnité de son assureur.La société Gan assurances, exerçant son recours subrogatoire, a réclamé à l’assureur de l’auteur des dommages, le règlement de la somme payée à son assuré. Celle-ci lui a opposé un refus, au regard de l’exclusion de garantie prévue au contrat « multirisque habitation Basique n° 76241541 ». C’est dans ces conditions qu’elle a été assignée par la victime qui a demandé sa condamnation à l’indemniser des dommages subis du fait de son assuré.

Principe :  
Selon l’article L. 113-1 du Code des assurance, « […] l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ».

La Cour de cassation indique qu’« il en résulte que, pour exclure sa garantie en se fondant sur une clause d’exclusion visant les dommages causés ou provoqués intentionnellement par l’assuré, l’assureur doit prouver que l’assuré a eu la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu ».

Apport :
Aux termes de son arrêt, la Cour d’appel constate que l’auteur de l’incendie condamné pour avoir volontairement détruit ou dégradé un immeuble d’habitation par l’effet d’un incendie, a expliqué qu’il ne voulait s’en prendre qu’à sa compagne résidant dans l’immeuble sans nier les faits.

La Cour de cassation déduit des constatations de la Cour d’appel que l’assuré, qui avait agi dans le but de détruire le bien de sa compagne, n’avait pas eu la volonté de créer le dommage tel qu’il était survenu, et que la cour d’appel a donc violé l’article L. 113-1 du Code des assurance et l’article n° 1103 du Code civil.

Ce faisant, la Cour de cassation adopte une appréciation très restrictive de ce qu’est « la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu ».

Aliénor De Roux 

L’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés

Faits :
Le 13 octobre 2008, a été vendue une maison avec un atelier attenant. Ayant constaté des infiltrations dans l’atelier, ainsi qu’un affaissement de la charpente en bois de la toiture, l’acquéreur, au vu d’un constat d’huissier de justice du 1er avril 2014, a assigné les vendeurs en référé expertise le 16 mars 2015, puis au fond, le 27 septembre 2016, pour obtenir paiement des travaux de réparation et indemnisation de son préjudice de jouissance sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La Cour d’appel a jugé cette action irrecevable comme prescrite depuis le 14 octobre 2013, soit 5 ans après la conclusion de la vente.

Principe :  
La Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa des articles n° 1648, 2224 et 2232 du Code civil.

Elle rappelle que d’après l’article n° 1648 du Code civil, l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Aux termes de l’article n° 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Enfin, selon l’article n° 2232 du Code civil, le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

Apport :
Dès lors, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confond avec le point de départ du délai pour agir prévu par l’article n° 1648 du même Code, à savoir la découverte du vice, ce qui, d’après la Cour de cassation, « annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés ».

La haute Cour considère en conséquence que « l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l’article n° 2232 du Code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit ».

C’est ainsi que la Cour de cassation conclue que « l’action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente » et casse l’arrêt aux termes duquel la Cour d’appel avait encadré le délai pour agir en garantie des vices cachés dans un délai de cinq ans à compter du jour de la vente.

Aliénor De Roux

Impossibilité de constituer une servitude sur les parties communes à jouissance privative d’un immeuble en copropriété au profit d’un lot privatif

Principe :
En application de l’article n° 637 du Code civil, une servitude est une charge qui grève le fonds servant au profit du fonds dominant appartenant à un autre propriétaire.

 

Ainsi, l’une des conditions essentielles à la constitution d’une servitude est l’appartenance du fonds servant et du fonds dominant à deux propriétaires distincts.

 

En matière de copropriété d’un immeuble bâti, la question relative à la constitution de servitudes, entre deux parties privatives ou entre parties privatives et parties communes s’est donc posée.

 

Il a été admis que puisse être constituée une servitude entre deux parties privatives de deux lots appartenant à des propriétaires distincts. Dans cette hypothèse, le fonds servant et le fonds dominant appartiennent bien à deux propriétaires distincts.

 

Toutefois, et concernant la constitution d’une servitude sur une partie commune au profit d’un lot privatif, la Cour de cassation a répondu par la négative.

 

Sur ce point, il convient de se référer aux dispositions de l’article 4 de la loi du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis qui prévoient que les parties communes sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux seulement.

 

Compte tenu du fait que le propriétaire de la partie privative est également propriétaire d’une quote-part de partie commune, il s’avère impossible de constituer une servitude sur une partie commune au profit d’un lot privatif.

En revanche, qu’en est-il lorsque la partie commune est à jouissance privative d’un propriétaire ?

 

Clarification : 

Aux termes de cet arrêt du 23 septembre 2021, la question posée à la Cour de cassation était de savoir si une servitude pouvait être valablement constituée sur une partie commune à jouissance privative.

 

Le propriétaire d’une partie privative disposait aux termes du règlement de copropriété d’une servitude de passage constituée sur une parcelle de terrain constituant une partie commune à jouissance privative. Les propriétaires disposant du droit de jouissance de la parcelle de terrain ont réalisé des aménagements sur l’assiette de la servitude de passage, de sorte que le propriétaire du fonds dominant les a assignés en enlèvement de ces aménagements et en indemnisation de son préjudice.

 

La Cour d’appel fait droit à cette demande et condamne le propriétaire du fonds servant à enlever à leur frais les aménagements situés sur la servitude de passage instituée aux termes du règlement de copropriété.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel, en rappelant le principe selon lequel il ne peut être constitué de servitude au profit d’un lot privatif sur les parties communes d’un immeuble en copropriété.

 

 

Le droit de jouissance privative ne fait pas perdre la nature de partie commune. La propriété de la partie commune reste, comme son nom l’indique, commune à l’ensemble des copropriétaires y compris au propriétaire du fonds bénéficiaire du passage, de sorte que la réunion du fonds dit servant et du fonds dit dominant en une main fait obstacle à la constitution d’une servitude.

Myriam Dahmane

L’action en démolition sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage est indépendante de l’application des dispositions de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme

Principe :
Sur le fondement du droit de propriété a été développée la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux du voisinage selon laquelle nul ne doit occasionner à autrui de troubles qui excèdent les sujétions propres aux relations de voisinage.

 

 

Ainsi, lorsqu’il est démontré que le trouble dépasse le seuil des inconvénients normaux de voisinage, la victime peut prétendre à la réparation de son préjudice.

 

Afin d’apprécier l’anormalité du trouble, les critères environnementaux doivent être pris en considération. Ainsi et pour être réparable, le trouble doit excéder les inconvénients normaux du voisinage eu égard au secteur dans lequel sont édifiées les constructions litigieuses.

 

Selon une jurisprudence constante, le principe est que la réparation intégrale ne peut être obtenue par la victime qu’au moyen de la démolition de la construction irrégulière ou de la remise en état. Toutefois, la Cour de cassation procède, de plus en plus, à un contrôle de proportionnalité de la mesure de démolition ou remise en état.

 

L’action en démolition exercée sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage doit être distinguée de l’action fondée sur l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme visant à obtenir la démolition des constructions réalisées en violation des règles d’urbanisme.

Clarification :
Aux termes de cet arrêt du 20 octobre 2021, des propriétaires ont construit une extension de leur maison, conformément à un permis de construire délivré, puis annulé par la juridiction administrative. Leurs voisins, se plaignant de ce que l’extension leur occasionnait un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage du fait d’une perte de vue et d’ensoleillement les ont assignés aux fins d’obtenir la démolition des constructions litigieuses.

 

La Cour d’appel a relevé que l’extension de la maison avait été construite en limite de propriété, dans une zone de faible densité urbaine, sur une longueur de 17 mètres, pour une emprise au sol de 70 m² et une hauteur de 4 mètres. Elle retient également que les voisins ont désormais une vue sur un mur de parpaings au lieu d’une vue dégagée sur les collines, caractérisant un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, et ce, sans qu’il n’y ait besoin de rechercher si une faute avait été commise.

 

Les propriétaires de l’extension ont donc formé un pourvoi contre l’arrêt ayant ordonné la démolition de l’extension, en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir fait application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme et constaté que la construction en cause ne se situait pas dans l’un des périmètres dans lesquels la destruction pouvait être prononcée par le Juge.

 

La Cour de cassation précise ainsi que les dispositions de l’article L. 480-13 1° du Code de l’urbanisme ne s’applique qu’aux demandes de démolition fondées sur la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique et n’a donc pas vocation à s’appliquer lorsque la demande est fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage.

 

La Cour de cassation réaffirme, s’il le fallait, que l’action en démolition fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage et celle fondée sur les dispositions de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, visant à sanctionner les violations aux règles d’urbanisme sont indépendantes et autonomes.

 

En effet, une construction, même édifiée conformément aux règles d’urbanisme, peut être de nature à occasionner un trouble anormal du voisinage justifiant sa démolition.

Myriam Dahmane

La garantie de conformité adaptée aux biens, contenus et services numériques

L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 vient transposer les directives européennes 2019/770 et 2019/771 et apporte ainsi diverses modifications aux dispositions du Code de la consommation.

Ces directives concernent les biens, le contenu et les services numériques, définis de la manière suivante :

  • « Contenu numérique » : données produites et fournies sous forme numérique ;

 

  • « Service numérique » :
    1.  service permettant au consommateur de créer, de traiter ou de stocker des données sous forme numérique, ou d’y accéder ; ou
    2.  service permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique ;

 

Contenus et services numériques tels que les jeux vidéo en ligne ou encore toutes les applications et abonnements qui se retrouvent sur ces biens numériques comme Deezer ou Netflix ;

 

  • « Bien comportant des éléments numériques » : objet mobilier qui intègre un contenu numérique ou un service numérique ou est interconnecté avec un tel contenu ou un tel service ;

 

Tel que les smartphones ou les tablettes connectées

 

Les apports :

 

  1. Elargissement du champ d’application de la garantie légale de conformité

L’ordonnance du 29 septembre 2021 offre une protection renforcée au consommateur puisqu’à compter du 1er janvier 2022, la garantie légale de conformité ne concernera pas uniquement les biens mais s’étendra aux contenus et services numériques et biens comprenant des éléments numériques.

Ainsi, durant les 2 premières années suivant l’achat, le consommateur pourra solliciter le remplacement ou la réparation de ces produits dans un délai raisonnable (maximum 30 jours), ou bien obtenir une réduction ou un remboursement.

 

 

  1. Les nouveaux droits relatifs à ces biens, contenus et services numériques

De nouveaux droits sont inclus :

  • Le droit d’information et d’obtenir les mises à jour des logiciels nécessaires au bon fonctionnement des biens numériques ;

 

  • Le droit de refuser des modifications du contenu ou du service numérique après la signature du contrat lorsqu’elles dépassent le cadre de la mise à jour nécessaire au maintien de la conformité du bien ;

 

  • Le droit de récupérer les contenus utilisés en cas de résolution du contrat.

 

Les sanctions en cas de non-respect :

Dans le cadre d’une résolution de contrat, en l’absence de remboursement complet le montant des sommes versées au consommateur, cette somme est d’abord majorée de 10 % puis 20 % au-delà de 30 jours, et 50 % passé ce délai.

En plus d’une amende administrative, une amende civile pourra être prononcée par le juge sur demande du consommateur ou de la DGCCRF.

 

Les fabricants et distributeurs devront ainsi rapidement procéder à des vérifications, audits et changements de process afin d’assurer la mise en place de ces règles.

 

Lucile Martin

L’indemnité compensatrice de préavis en cas d’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement est due, même dans l’hypothèse d’un arrêt maladie

Par un arrêt du 17 novembre 2021 (pourvoi n° 20-14.848) la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé un principe concernant l’indemnité compensatrice de préavis.

Au cas particulier, un salarié engagé en qualité de VRP exclusif par la société Wruth France a été placé en arrêt de travail à compter du 18 janvier 2014, prolongé de manière successive pendant 18 mois jusqu’au 31 août 2015.

Le 24 juillet 2015, soit pendant la période de suspension du contrat lié à l’arrêt de travail, l’employeur l’a licencié pour absences prolongées ayant entraîné une perturbation de l’entreprise et la nécessité d’un remplacement définitif.

Le 9 décembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement.

La Cour d’appel d’Aix-En-Provence a fait droit à sa demande et a, notamment, condamné l’employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.

L’employeur s’est pourvu en cassation. Selon le deuxième moyen de son pourvoi, ce dernier a fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à payer une indemnité compensatrice de préavis puisque le salarié placé dans l’impossibilité d’exécuter son préavis ne saurait prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et, qu’en retenant le contraire, la Cour d’appel aurait violé l’article L. 1234-5 du Code du travail.

Pour rappel, cet article dispose que le salarié n’exécutant pas son préavis bénéficie, en principe, à ce titre, d’une indemnité compensatrice.

Ce moyen aurait pu, de prime abord, perdurer dans la mesure où la chambre sociale de la Cour de cassation juge de manière constante que l’indemnité de compensatrice de préavis n’est pas due lorsque le salarié est dans l’impossibilité de l’effectuer (en ce sens : Cass. Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n° 04-47.653).

La Cour de cassation a, en effet, eu l’occasion de rappeler ce principe dans plusieurs arrêts d’espèce, notamment en matière de congé sabbatique (Cass. Soc., 22 sept. 2016, pourvoi n° 14-26.359), ou encore en matière d’inaptitude non consécutive à un arrêt de travail (en ce sens : Cass. Soc., 3 juin 1997, pourvoi no 94-44.970 ; Cass. Soc., 28 sept. 2004, pourvoi no 02-40.471).

Il en va, cependant, autrement lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

C’est justement sur ce terrain que la Cour de cassation a rejeté le moyen précité de l’employeur.

Visant l’article L. 1234-5 du Code du travail, la Cour de cassation énonce que :

« lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents ».

En l’espèce, la Cour de cassation énonce que les juges du fond ont constaté que l’existence d’une désorganisation d’un service essentiel de l’entreprise n’était pas établie.

Dès lors, la Haute juridiction précise que si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, les juges doivent, nécessairement, en déduire que le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents.

Cette décision confirme ce qu’avait déjà retenu la Cour de cassation à l’occasion de plusieurs espèces différentes, notamment en matière de licenciement pour inaptitude injustifié (en ce sens, notamment : Cass. Soc., 7 mars 2012, no 10-18.118 ; Cass. Soc., 6 mai 2015, no 13-17.229).

Karim de Medeiros

Mise a jour du protocole sanitaire en entreprise au 8 décembre 2021

À la suite d’une conférence de presse du 6 décembre 2021, le Premier ministre et le Ministre des Solidarités et de la Santé ont présenté les nouvelles mesures destinées à freiner le rebond épidémique de la 5e vague.[1]

Dans ce contexte, le Ministère du travail de l’emploi et de l’insertion a publié, le 8 décembre 2021, une mise à jour du protocole sanitaire en entreprise.

Cette mise à jour porte sur les principaux éléments exposés ci-après.

  • Encore et toujours, le respect des gestes barrières

Comme pour ses précédentes versions, le protocole insiste sur la nécessité de respecter strictement les gestes barrières (p. 5 du protocole).

Selon le protocole, les employeurs doivent, ainsi, procéder régulièrement à un rappel de la nécessité du respect systématique des règles d’hygiène et de distanciation.

Ils doivent, de plus, prendre les mesures d’organisation nécessaires afin de limiter les risques d’affluence et de croisement des personnes (ex. les réunions doivent, autant que faire se peut, être organisées en visioconférence).  

  • Sur le télétravail

Le protocole recommande, désormais, une cible de 2 à 3 jours de télétravail par semaine, sous réserve des contraintes liées à l’organisation du travail et à la situation des salariés (p. 5 du protocole).

Lors de sa conférence de presse du 6 décembre 2021, le Premier ministre a appelé à une pleine mobilisation des entreprises à cet égard et a souligné l’éventualité de rendre cette mesure obligatoire si elle n’était pas respectée.

Pour l’heure, il s’agit de recommandations, aucun projet de loi ou de décret en ce sens n’ont encore été élaborés.

  • Sur la distanciation dans les restaurants d’entreprise

Le protocole durcit les mesures sanitaires dans les restaurants d’entreprise.

Il prévoit, désormais, qu’une distance de 2 mètres entre chaque personne doit être respectée à table, dès lors que le masque n’est pas porté (p. 10 du protocole).

  • Sur les moments de convivialité

Le protocole indique que les moments de convivialité entre salariés en présentiel, dans le cadre professionnel, tels que les repas de noël ou les pots de fin d’année, doivent être suspendus (p. 9 du protocole).

  • Les mesures d’aération

Le protocole insiste sur la nécessité d’assurer l’aération des lieux clos en prévention des situations à risque d’aérosolisation du virus (p. 6 du protocole).

Selon le protocole, cette aération doit être assurée :

  • « de préférence de façon naturelle: portes et/ou fenêtres ouvertes en permanence ou à défaut au moins 5 minutes toutes les heures, de façon à assurer la circulation de l’air et son renouvellement ;
  • à défaut, grâce à un système de ventilation mécanique conforme à la réglementation, en état de bon fonctionnement et vérifié assurant un apport d’air neuf adéquat ».

Par ailleurs, le protocole recommande de réaliser des mesures du dioxyde de carbone dans l’air, lors des périodes de pics de fréquentation d’endroits à forte affluence, notamment quand les préconisations d’aération naturelle ne peuvent être respectées.

Les mesures de dioxyde de carbone supérieures à 800ppm amènent à renforcer l’aération ou le renouvellement d’air et/ou à réduire le nombre de personnes pouvant fréquenter le lieu concerné.

Au-delà de 1000ppm, le local doit être évacué le temps nécessaire à ce que le taux de dioxyde de carbone dans l’air soit inférieur à 800ppm.

Benoît ROSEIRO

 

[1] Discours du Premier ministre Jean Castex – Conférence de presse sur les mesures contre la Covid 19 | Gouvernement.fr

Un nouvel outil de restructuration pour sortir de la crise sanitaire (décrets d’application de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021)

La crise sanitaire que la France vit depuis le mois de mars 2020 laissait craindre une vague d’ouverture de procédures collectives.

Or, force est de constater que les dispositifs d’aides aux entreprises ont permis, pour le moment, d’éviter une catastrophe économique et commerciale.

En effet, selon deux études récemment publiées par le Conseil national des administrateurs et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), les procédures collectives sont en baisse de 19 % au 1er trimestre 2021.

S’agissant tout d’abord de l’Observatoire statistique sur les procédures collectives, il ressort de ses conclusions qu’au 1er trimestre 2021, la France compte 8. 045 procédures collectives, soit une baisse de 19 % par rapport à la même période l’an passé. La baisse la plus importante concerne les redressements judiciaires, dont le nombre d’ouvertures a été plus que divisé par deux.

Les secteurs qui recensent les volumes d’ouvertures de procédures collectives les plus élevés sont ceux qui ont été les plus directement touchés par la crise sanitaire, tels que la construction (21 %), le commerce (18 %) et l’hôtellerie/restauration (10 %). D’un point de vue géographiques, les régions les plus touchées sont l’Ile-de-France, avec 22 % d’ouvertures de procédures puis celles Auvergne Rhône-Alpes et PACA (11 %).

Enfin, la quasi-totalité des procédures collectives concernent toujours des entreprises de moins de 10 salariés et moins de 1 % concerne des entreprises de plus de 51 salariés.

Pour soutenir cet effort, la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (article 13) a créé une procédure de traitement de sortie de crise, qui est une procédure judiciaire simplifiée destinée à traiter les difficultés causées ou aggravées par l’épidémie de Covid-19.

Cette loi a été complétée par deux décrets d’application.

Le premier (Décret n° 2021-1354 du 16-10-2021) fixe les règles générales applicables à la procédure, le second (Décret n° 2021-1355 du 16-10-2021), les seuils nécessaires à son ouverture.

L’objectif du législateur est de prévoir une procédure judiciaire pour les entreprises qui rencontrent un problème conjoncturel lié à la crise sanitaire et au financement de leur activité, ce qui exclut les entreprises structurellement en difficulté. Temporaire et spécifique, la procédure est entrée en vigueur le 18 octobre 2021 et s’appliquera jusqu’au 1er juin 2023 (Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, art. 13, VII).

Les conditions d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise

L’initiative de la procédure de traitement de sortie de crise relève exclusivement du débiteur, personne physique ou morale.

Afin de bénéficier de cette procédure, l’entreprise doit avoir moins de vingt salariés et un bilan inférieur à 3. 000 000 € de total de passif hors capitaux propres (Loi n° 2021-689, art. 13, I-A et décret n° 2021-1355, art. 1).

Il s’agit ici de deux critères cumulatifs.

Doivent être pris en compte le nombre de salariés employés à la date de la demande d’ouverture de la procédure (Décret n° 2021-1355, art. 2) et le bilan apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable (art. 3).

Lors de la demande d’ouverture de la procédure, le débiteur doit préciser les modalités d’élaboration de l’inventaire de son patrimoine et des garanties qui le grèvent (Décret. n° 2021-1354, art. 1er).

Trois options s’offrent à lui : soit il s’engage à l’établir lui-même, soit il demande à en être dispensé, soit encore, il demande au tribunal la désignation d’un officier public ou un courtier de marchandises assermenté.

La demande doit notamment être accompagnée des pièces suivantes, datées, signées et certifiées sincères et véritables par l’entreprise (Décret n° 2021-1354, art. 1, al. 2 à 17) : comptes annuels du dernier exercice ; état du passif exigible et de l’actif disponible ; déclaration de cessation des paiements ; situation de trésorerie et compte de résultat prévisionnel ; nombre des salariés employés à la date de la demande ; bilan et chiffre d’affaires appréciés à la date de clôture du dernier exercice comptable ; état chiffré des créances et des dettes ; état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ; inventaire sommaire des biens de l’entreprise.

A ces éléments, identiques à ceux exigés pour une demande d’ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire (à l’exception de l’état du passif et de l’actif et de la déclaration de cessation des paiements pour la sauvegarde, et du compte de résultat prévisionnel pour le redressement), s’ajoutent la justification du paiement des créances salariales échues et l’état chiffré des créances salariales à échoir, spécifiques à la procédure de traitement de sortie de crise.

A défaut du justificatif concernant le règlement des créances salariales, l’entreprise doit attester sur l’honneur être à jour de ses obligations à l’égard de ses salariés (Décret n° 2021-1354, art. 1, 6°). Si un autre document ne peut pas être fourni, le motif qui en empêche la production doit figurer dans la demande (art. 1, dernier al.).

Déroulement de la procédure

Tout d’abord, l’entreprise doit établir la liste des créances de chaque créancier identifié dans ses documents comptables ou avec lequel elle est liée par un engagement dont elle peut justifier l’existence (Loi n° 2021-689, art. 13, II-B) et la déposer au greffe dans les dix jours du jugement ouvrant la procédure (Décret n° 2021-1354, art. 6, al. 1).

Cette liste doit contenir les informations détaillées sur les créances de l’article R. 622-5 du Code de commerce, auxquelles sont ajoutées les « modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté ».

C’est une différence fondamentale avec les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire de droit commun, dans lesquelles les créances antérieures sont déclarées par les créanciers, vérifiées par le mandataire judiciaire puis admises ou non au passif par le juge-commissaire.

Le mandataire de la procédure de traitement de sortie de crise doit ainsi opérer une vérification de la conformité de la liste établie par le débiteur, avec les documents comptables de l’entreprise (Décret. n° 2021-1354, art. 6, al. 2).

La liste établie peut ainsi différer de la liste ayant permis au tribunal d’ouvrir la procédure de traitement de sortie de crise.

Sous huit jours, le mandataire doit communiquer aux créanciers les informations relatives à leurs créances telles qu’elles résultent de cette liste et les informer du droit qu’ils ont de demander l’actualisation de leurs créances ou d’en contester le montant et l’existence (Loi n° 2021-689, art. 13, II-C et décret n° 2021-1354, art. 7, al. 2). Les créanciers doivent se manifester dans le mois qui suit la publication du jugement d’ouverture au Bodacc ou la communication reçue du mandataire si elle est postérieure (Décret n° 2021-1354, art. 7, al. 1).

Le mandataire doit également informer de l’ouverture de la procédure les coobligés et les garants (art. 8, al. 1).

Le délai de consultation des créanciers par le mandataire est en principe de trente jours, délai dans lequel, en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire, vaut acceptation (Décret n° 2021-1354, art. 26, II). Toutefois, ce délai peut être réduit à 15 jours, le décret reprenant ici les dispositions transitoires de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020. La consultation par le mandataire répond aux exigences habituelles de l’article R. 626-7 du Code de commerce.

Lors de l’élaboration du plan, le mandataire peut soumettre aux créanciers des propositions portant sur des délais et remises de dettes ou sur une conversion en titres donnant accès au capital, et recueillir leur avis par consultation écrite. Ceux-ci doivent en principe répondre dans un délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du mandataire (Code de commerce, art. L 626-5, al. 2 et 3).

Si la proposition porte sur des délais et remises de dettes, l’absence de réponse des créanciers à l’issue de ce délai vaut, on le rappelle, acceptation. Si elle porte sur une conversion de la dette en titres, leur silence vaut refus.

Ce délai peut être réduit à quinze jours par le Juge-commissaire (Décret n° 2021-1354, art. 26, II-al. 1), ainsi que le prévoyait, à titre transitoire, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 adaptant les règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie de Covid-19.

La consultation des créanciers par le mandataire obéit aux prescriptions de droit commun applicables aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, prévues aux articles R 626-7 et R 626-8 du Code de commerce (art. 26, II-al. 3).

Issues de la procédure

Le tribunal peut être saisi à tout moment pour statuer sur le projet de plan (Décret n° 2021-1354, art. 12, I). Lorsque le délai de trois mois prévus pour la période d’observation est écoulé, le tribunal doit mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise si aucun plan n’a été arrêté (art. 12, II). Il ouvre alors, sur requête de l’entreprise, du mandataire ou du ministère public, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire si les conditions sont réunies (Loi n° 2021-689, art. 13, IV-D et Décret n° 2021-1354, art. 12, III).

Le mandataire doit déposer au greffe un compte rendu de fin de mission soumis aux mêmes règles que celles applicables au compte rendu dressé par l’administrateur ou le mandataire judiciaire en sauvegarde ou en redressement judiciaire (Code du Commerce, art. R 626-39 et R 626-40) (Décret n° 2021-1354, art. 12, V-al. 4).

Si un plan de traitement de sortie de crise a été arrêté par le tribunal et qu’il est toujours en cours un an après la décision du tribunal, les mentions relatives à la procédure de traitement de sortie de crise sont radiées d’office du RCS et plus aucune mention intéressant l’exécution du plan ne peut y être faite, sauf si elle porte sur une mesure d’inaliénabilité décidée par le tribunal ou sur une décision prononçant la résolution du plan (Décret n° 2021-1354, art. 24, 3°).

Cet effacement, propice au rebond du dirigeant, reprend une mesure temporaire mise en place par l’ordonnance n° 2020-596 qui avait réduit à un an (au lieu de deux) le délai permettant, si un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire était toujours en cours, la radiation d’office des mentions relatives à ces procédures.

Les procédures de sauvegarde et de redressement ouvertes à compter du 18 juillet 2021 sont de nouveau soumises au délai de deux ans (Ordonnance n° 2020-596, art. 10, IV).

Si la présentation d’un projet de plan n’est pas possible dans le délai de trois mois, le ministère public, le mandataire unique ou le débiteur peut saisir le tribunal pour mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise, et ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire par application de l’article n° 13, IV D de la loi du 31 mai 2021 (Décret n° 2021-1354, art. 12, 3°).

*****

In fine, sont surtout visées par ce dispositif les créances nées durant la période de crise sanitaire (loyers, dettes fiscales et sociales, emprunts, PGE, etc.).

En réalité, cette procédure ne vise qu’à restructurer les dettes de l’entreprise.

En cela, ce dispositif va beaucoup plus loin que la procédure de conciliation classique, laquelle permet également de poursuivre les mêmes objectifs mais en en étant beaucoup moins coercitive.

 

Hakim ZIANE et My-Kim YANG-PAYA

La lourde condamnation d’un DG d’OPH par l’ANCOLS

Nouvelle illustration des pouvoirs de sanction de l’ANCOLS après la révocation du Directeur général de l’Office public de l’habitat (ci-dessous « OPH ») de Saint-Claude par arrêté ministériel du 28 février 2020, la condamnation de l’ancien Directeur général de l’OPH Confluence Habitat (77), au versement de la somme de 174. 000 euros a été prononcée par arrêté du 26 mars 2021 de la Ministre de la Transition écologique.

En effet, l’ANCOLS dispose depuis quelques années du pouvoir de recommander au Ministre dont elle relève plusieurs mesures, dont la suspension ou la révocation d’un membre du conseil d’administration, l’interdiction d’y participer pour au plus 10 ans, la dissolution de l’organisme et la condamnation à une sanction pécuniaire ne pouvant excéder deux millions d’euros (article L. 342-14 du Code de la construction et de l’habitation, ci-dessous « CCH »).

Ces sanctions sont rares, et leur contestation devant le Conseil d’Etat, juge compétent et premier et dernier ressort, encore plus.

Pour autant, la lecture des quelques arrêts rendus permet d’avoir un premier aperçu de la doctrine dégagée par la Haute Juridiction sur ces décisions.

Il a ainsi été jugé par le Conseil d’Etat que la sanction de 20. 000 euros infligée à un OPAC en raison de l’absence de respect de la procédure permettant de loger 13 locataires dont les revenus dépassaient les plafonds des ressources autorisés, était fondée, les manquements étant établis[1].

De la même manière, la sanction pécuniaire d’un montant à visée clairement punitive d’un million d’euros infligée à l’OPH de Puteaux a été ramenée par le Conseil d’Etat à 81. 822 euros pour non-respect du droit de réservation de l’Etat et refus d’appliquer le supplément de loyer de solidarité, en raison de l’impossibilité de sanctionner à l’époque les fautes graves de gestion et en l’espèce l’aménagement d’un parking[2].

A propos plus précisément de cette sanction pécuniaire, l’article L. 342-16 du CCH prévoit que son montant est fixé en fonction « de la gravité des faits reprochés, de la situation financière et de la taille de l’organisme », et c’est à cet égard que la sanction infligée à l’ancien Directeur général de l’OPH Confluence Habitat (77) est lourde.

Le Conseil d’Etat mène en effet une analyse très concrète de l’évaluation du montant même de la sanction : ainsi, s’agissant d’un OPH qui avait attribué onze logements à des locataires ne respectant pas les plafonds de ressources autorisés, le Conseil d’Etat devait procéder à l’annulation de la décision sur le fondement d’une absence de prise en compte de divers critères pour apprécier le montant de la sanction pécuniaire : « le montant de cette sanction pécuniaire doit être fixé en tenant compte, non seulement de l’ampleur des dépassements, mais aussi, notamment, de leur fréquence, des raisons pour lesquelles ils sont intervenus, des conséquences de ces attributions irrégulières sur les objectifs fixés par les articles L. 441 et L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, de la taille de l’organisme ou de sa situation financière et, le cas échéant, des mesures prises par l’organisme pour les faire cesser »[3].

En l’espèce, la décision inflige à l’ancien Directeur général une sanction pécuniaire de 174 000 euros en détaillant clairement le calcul de la somme et en justifiant principalement que c’est en fonction des conséquences sur les finances de l’OPH, mais également au regard de la gravité des manquements et de leur caractère répétitif, que le montant a été défini.

Plus précisément, la Ministre a considéré, d’après le rapport de l’ANCOLS, que l’ancien Directeur général a plusieurs reprises s’était mis en position de commettre une prise illégale d’intérêts, d’une part en obtenant du conseil d’administration de l’Office, au cours d’une séance à laquelle il participait, l’octroi irrégulier d’un véhicule de fonction, des tickets restaurants, d’autre part qu’il avait signé une convention au nom de l’Office lui payant une formation en sophrologie et enfin en engageant un membre de sa famille.

En outre, il a octroyé des ruptures conventionnelles à une dizaine de salariés avec un montant maximal de 24 mois, quelle que soit leur ancienneté, y compris quand elle n’était que d’un an et ce en violation des normes encadrant ces ruptures. Ce dernier manquement est qualifié d’acte de gestion contraire aux intérêts financiers de l’Office et a du peser significativement dans l’appréciation du quantum de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée.

Si le préjudice financier de l’Office n’est pas expressément chiffré dans la décision, aucune norme ne l’impose. Pour autant, il est surprenant de constater que la décision est davantage motivée dans un article du Parisien[4] que dans ses visas. Nul doute que l’ancien Directeur l’aura fait valoir si il a contesté la décision devant le Conseil d’Etat.

 

[1] Conseil d’Etat, 18 mai 2018, OPAC de l’Isère, req. 410031.

[2] Conseil d’Etat, 26 avril 2018, req. 409870.

[3] Conseil d’Etat, 16 juin 2021, req. 432682.

[4] Le Parisien, 9 décembre 2021 « Montereau : l’ex-directeur de l’office HLM condamné à 174 000 euros d’amende.

Passe sanitaire et données de santé : la CNIL persiste et signe.

Décret n° 2021-1584 du 7 Décembre 2021 modifiant le Décret n° 2020-650 du 29 Mai 2020 relatif au traitement des données dénommé « TousAntiCovid »

 

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer les garanties exigées par la CNIL sur la préservation des données personnelles et de santé, dans le cadre de l’usage du passe sanitaire dans notre Lettre d’Actualités de Novembre.

Dans un avis n° 2021-143 du 2 Décembre 2021, la CNIL s’est, à nouveau, prononcée sur les dispositions du projet de décret modifiant le Décret n° 2020-650 du 29 Mai 2020 relatif au traitement des données dénommé « TousAntiCovid », désormais publié ; c’est le décret n° 2021-1584 du 7 Décembre 2021.

La modification apportée vise à permettre l’utilisation des données contenues dans le passe sanitaire lorsque l’utilisateur l’a enregistré dans l’application « TousAntiCovid », afin d’afficher aux utilisateurs des recommandations sanitaires personnalisées ou de les informer des mesures à prendre afin de bénéficier d’un passe sanitaire valide.

La CNIL souligne que cette utilisation de données constitue un changement important de la fonctionnalité de l’application « TousAntiCovid » qui ne permettait, jusqu’à lors, que le stockage du passe sanitaire. Cependant, la CNIL note que le dispositif proposé apporte plusieurs garanties sur l’utilisation proportionnée des données personnelles et de santé.

Elle rappelle, néanmoins, que les personnes qui utilisent l’application « TousAntiCovid » doivent être informées que leurs données personnelles sont utilisées pour l’affichage de notifications sanitaires personnalisées et pouvoir s’y opposer et ce conformément aux dispositions de la Loi n° 78-17 du 6 Janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Elle invite donc le Gouvernement à modifier l’application en ce sens.

Adoption de la loi permettant de nommer les enfants nés sans vie

Pour mémoire, le dispositif prévu par l’article 79-1 du Code civil avait amorcé la reconnaissance des enfants nés sans vie ou décédés peu de temps après leur naissance.

Il prévoyait en effet que les enfants nés vivants et viables mais décédés avant que leur naissance n’ait fait l’objet d’une déclaration à l’état civil font l’objet d’un acte de naissance et d’un acte de décès[1].

Et, selon ces mêmes dispositions, les enfants nés sans vie font quant à eux l’objet d’un acte d’enfant sans vie, lequel énonce les « jour, heure et lieu de l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant ».

Mais, jusqu’alors, le Code civil ne prévoyait pas que cet acte puisse faire figurer le nom ainsi que le ou les prénoms de l’enfant né sans vie. C’est l’objet de la loi du 6 décembre 2021 ici commentée.

Cette évolution avait été amorcée par une instruction générale du 11 mai 1999[2], laquelle prévoyait, en son point 467-2, que : « L’enfant sans vie peut recevoir un ou des prénoms si les parents en expriment le désir. A défaut d’indication de prénom dans l’acte, et à la demande des parents, le parquet peut aussi, par voie de rectification, faire figurer ces prénoms sur l’acte déjà dressé ».

Cette possibilité avait ensuite été confirmée par une circulaire interministérielle de 2009[3], tout en excluant en revanche la possibilité de faire figurer dans l’acte d’enfant sans vie un nom de famille ou un lien de filiation, dès lors qu’ils sont les attributs de la personnalité juridique, réservée aux enfants nés vivants et viables.

Désormais, la loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 complète l’article 79-1 du Code civil des dispositions suivantes : « Peuvent également y figurer [sur l’acte d’enfant né sans vie], à la demande des père et mère, le ou les prénoms de l’enfant ainsi qu’un nom qui peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique ».

Il est à noter, que la volonté des parents est préservée dès lors que l’inscription du/des prénom(s) et nom(s) de l’enfant né sans vie dans l’acte idoine est une simple possibilité pour eux, de même que les modalités de choix du nom de famille.

Ensuite, on relèvera que, par sécurité juridique, tout effet juridique lié à cette inscription des noms et prénoms est exclu, levant ainsi l’obstacle précédemment relevé par la circulaire susvisée de 2009 relatif à la reconnaissance de la filiation et de la personnalité juridique.

Enfin, on notera que si le rapport de l’Assemblée Nationale sur ce projet de loi[4] affirme « qu’il n’existe aucune équivoque quant à l’intention du législateur : ce dispositif s’appliquera à toutes les familles, indépendamment de leur composition », c’est bien les termes de « père » et de « mère » qui sont employés, les deux devant se prononcer sur la demande effectuée, et non celui de « parents », ce qui pourrait amener à s’interroger sur l’étendue de cette loi.

 

[1] Sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès.

[2] Instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (Annexe)

[3] Circulaire interministérielle DGCL/DACS/DHOS/DGS du 19 juin 2009 relative à l’enregistrement à l’état civil des enfants décédés avant la déclaration de naissance et de ceux pouvant donner lieu à un acte d’enfant sans vie, à la délivrance du livret de famille, à la prise en charge des corps des enfants décédés, des enfants sans vie et des fœtus (Article 1.2.2).

[4] Rapport du 17 novembre 2021 sun°46992 sur le projet de loi visant à nommer les enfants nés sans vie.

Le conflit d’intérêts : vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation d’un contrat

Par un arrêt en date du 25 novembre 2021 rendu dans le cadre d’un recours en contestation de la validité d’un contrat, le Conseil d’Etat a prononcé, pour la première fois, l’annulation d’un accord-cadre du fait d’un conflit d’intérêts et donc d’un manquement de l’acheteur au principe d’impartialité.

S’agissant du contexte, rappelons que la collectivité de Corse a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un accord-cadre à bons de commande portant sur la conception, la mise en œuvre, l’administration et la maintenance d’un réseau régional à très haut débit pour les établissements d’enseignement et de recherche de Corse.

Informée par la collectivité de Corse du rejet de son offre et de l’attribution de l’accord-cadre à la société NXO France, la société la société Corsica Networks a saisi le Tribunal administratif de Bastia afin de demander, d’une part, l’annulation du contrat conclu entre la collectivité de Corse et la société NXO France et, d’autre part, la condamnation de cette collectivité à réparer le préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de son éviction de la procédure. Précisons que la société requérante s’était essentiellement fondé sur l’existence d’un manquement au principe d’impartialité dû à un conflit d’intérêts.

Si le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes par un jugement du 9 juin 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par la société requérante, a annulé ce jugement ainsi que le contrat avec effet différé à compter du 15 décembre 2021 et ordonné avant dire droit une expertise portant sur l’évaluation du manque à gagner subi par la société Corsica Networks.

Enfin, saisi d’un pourvoi de la collectivité de Corse, le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation de l’accord-cadre.

A ce titre, rappelons que le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de prononcer l’annulation d’une procédure de passation d’un marché public, dans le cadre d’un référé précontractuel, en se fondant sur l’existence d’un conflit d’intérêts et donc sur un manquement au principe d’impartialité (CE, 14 octobre 2015, Région Nord-Pas-de-Calais, req. n° 390968).

Plus récemment, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi d’un recours en contestation de la validité d’un marché public, avait prononcé la résiliation de ce marché pour un manquement à ce même principe.

En revanche, le Conseil d’Etat ne s’était pas encore prononcé sur la sanction pouvant être appliquée, dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat, à l’encontre d’une marché dont la procédure est entachée d’un conflit d’intérêts.

C’est donc chose faite puisque le Conseil d’Etat a, dans l’affaire ici en cause, confirmé l’annulation de l’accord-cadre.

Précisément, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que :

« Au nombre des principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d’impartialité, qui implique l’absence de situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat. Aux termes du 5° du I de l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, applicable au marché litigieux, désormais codifié à l’article L. 2141-10 du code de la commande publique : « Constitue une situation de conflit d’intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché public ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché public ». L’existence d’une situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure d’attribution du marché est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d’entacher la validité du contrat ».

Puis, faisant application de ces règles au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a retenu que :

« En premier lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que M. L…, désigné par le règlement de consultation du marché comme le « technicien en charge du dossier », chargé notamment de fournir des renseignements techniques aux candidats, a exercé des fonctions d’ingénieur-chef de projet en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication au sein de l’agence d’Ajaccio de la société NXO France. L’intéressé a occupé cet emploi immédiatement avant son recrutement par la collectivité de Corse et trois mois avant l’attribution du marché. Le procès-verbal d’ouverture des plis mentionne qu’il s’est vu remettre les plis  » en vue de leur analyse au regard des critères de sélection des candidatures et des offres « . Si M. L… n’était pas l’un des cadres dirigeants de la société NXO France, il occupait des fonctions de haut niveau au sein de la représentation locale de la société NXO France et ces fonctions avaient trait à un objet en relation directe avec le contenu du marché. Eu égard au niveau et à la nature des responsabilités confiées à M. L… au sein de la société NXO France puis des services de la collectivité de Corse et au caractère très récent de son appartenance à cette société et alors même qu’il n’a pas signé le rapport d’analyse des offres, la cour n’a ni inexactement qualifié les faits de l’espèce ni commis d’erreur de droit en jugeant que sa participation à la procédure de sélection des candidatures et des offres pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance d’intérêts le liant à la société NXO France et par voie de conséquence sur l’impartialité de la procédure suivie par la collectivité de Corse.

En second lieu, contrairement à ce que soutient la collectivité de Corse, la cour administrative d’appel, dont l’arrêt est suffisamment motivé, n’a ni inexactement qualifié les faits ni commis d’erreur de droit en jugeant, sans relever une intention de sa part de favoriser un candidat, qu’eu égard à sa nature, la méconnaissance de ce principe d’impartialité était par elle-même constitutive d’un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat à l’exclusion de toute autre mesure ».

Gestion du critère prix et réutilisation de la note technique lors de la passation d’un accord-cadre multi-attributaire pour la fourniture d’électricité

Dans une affaire concernant la procédure de passation d’un accord-cadre multi-attributaire et celle d’un marché subséquent pour la fourniture d’électricité, lesquelles connaissent des spécificités qui n’avaient pas encore fait l’objet d’un contrôle de la part du juge administratif, la Cour administrative d’appel de Bordeaux est venue préciser, dans un arrêt du 2 décembre, qu’un acheteur doit utiliser un critère prix lors de la passation de l’accord-cadre mais qu’il est en droit, pour juger les offres sur le critère de la valeur technique lors de la passation du marché subséquent, de réutiliser la note que les titulaires de l’accord-cadre ont obtenu sur ce critère lors de la passation de ce premier contrat.

A ce titre, il faut rappeler que la fourniture d’électricité, comme celle du gaz, connaît une spécificité liée à la forte volatilité des prix ; lesquels peuvent évoluer d’heure en heure. Tous les acheteurs sont d’ailleurs actuellement confrontés à une très forte hausse de ces prix.

Face à cette situation, les acheteurs avaient élaboré une pratique, depuis de nombreuses années, consistant à sélectionner les titulaires de l’accord-cadre uniquement sur des critères liés à la valeur technique afin de fixer le prix, dans de très courts délais – le plus souvent de quelques heures –, lors de la passation des marchés subséquents. Le critère prix était donc utilisé à ce stade avec, le plus souvent, une reprise de la note technique pour être en mesure de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, étant précisé qu’aucune modification n’était apportée dans le marché subséquent aux caractéristiques techniques définies dans l’accord-cadre. Rappelons aussi, à cet égard, que la Direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances avait recommandé cette pratique dans son Guide de l’achat d’énergie de mars 2015.

Toutefois, alors que l’article 53 du Code des marchés publics ne posait pas l’obligation d’utiliser un critère prix en cas d’utilisation de plusieurs critères, la réforme de la commande publique a inséré une telle obligation avec l’article R. 2152-7 du Code de la commande publique (CCP).

Compte tenu de ce changement, le Préfet de la Dordogne a formé un premier déféré préfectoral tendant à l’annulation d’un accord-cadre portant sur la fourniture d’électricité, qui avait été conclu par le Département de la Dordogne en sa qualité de coordonnateur d’un groupement de commandes avec plusieurs fournisseurs, au motif qu’aucun critère prix n’avait été utilisé lors de sa passation. Le Préfet a en outre formé un second déféré afin de solliciter l’annulation du marché subséquent conclu par le Département de la Dordogne en considérant que la méthode consistant à réutiliser la note technique serait illégale.

Par un jugement du 8 février 2021, le Tribunal administratif de Bordeaux a résilié cet accord-cadre en considérant, d’une manière surprenante, qu’un accord-cadre devait être qualifié de marché public et, partant, que sa passation devait être soumise à l’article R. 2152-7 du CCP et donc donner lieu à l’utilisation d’un critère prix.

Ensuite, le Tribunal a résilié le marché subséquent au motif que la méthode de notation consistant à réutiliser la note technique ferait obstacle à une remise en concurrence pleine et entière des titulaires de l’accord-cadre et conduirait à priver les critères de sélection de leur pleine portée.

La pratique a ainsi cherché en urgence à se conformer à cette décision pour leurs nouvelles consultations.

Toutefois, saisie d’un recours en appel contre ce jugement et d’un recours tendant au sursis à l’exécution de ce dernier de la part du Département ainsi que d’un recours en appel de la part de la société titulaire du marché subséquent, la Cour administrative d’appel a annulé ce jugement et rejeté l’intégralité des demandes du Préfet.

S’agissant du marché subséquent, la Cour a remis en cause le raisonnement du Tribunal. En effet, si elle n’a pas retenu que le jugement était empreint d’une erreur de droit, elle a quand même jugé que « la seule circonstance que la remise en concurrence, au stade de la passation du marché subséquent, s’effectue, de facto, sur le fondement du seul critère du prix, les notes obtenues par chacune des entreprises retenues à l’issue de l’accord-cadre leur étant conservées, ne contrevient pas en elle-même aux dispositions précitées de l’article R. 2162-10 du code de la commande publique et n’est pas davantage de nature à conduire au choix d’une offre qui ne serait pas économiquement la plus avantageuse, en l’absence, notamment, de toute variation des caractéristiques des prestations attendues entre l’étape de l’accord-cadre et celle du marché subséquent ».

La Cour a donc validé cette méthode de notation en posant toutefois la condition d’une absence de modification des caractéristiques des prestations lors de la passation du marché subséquent.

En revanche, et alors même que cela peut être discuté, la Cour a jugé qu’un critère prix doit être utilisé, en cas de pluralité de critères, lors de la passation de l’accord-cadre. Cependant, la décision est intéressante sur deux points.

D’une part, remettant en cause le raisonnement du Tribunal, la Cour n’a aucunement qualifié un accord-cadre de marché subséquent pour justifier l’application de l’article R. 2152-7 du CCP mais s’est fondée, pour ce faire, sur l’article L. 2125-1 du CCP selon lequel le recours à l’accord-cadre, comme aux autres techniques d’achat, doit respecter les procédures prévues pour la passation des marchés publics.

D’autre part, la Cour a relevé que le règlement de la consultation prévoyait que l’accord-cadre serait conclu avec quatre titulaires, que seulement trois opérateurs ont soumissionné et, que ces derniers ayant tous été désignés titulaires de l’accord-cadre, l’irrégularité liée à l’absence du critère prix « n’a pas eu d’effet sur le choix des attributaires et la conclusion de l’accord-cadre » de sorte que « la poursuite de l’exécution du contrat est possible ».

Au final, si la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux a le mérite de valider la méthode consistant à réutiliser la note technique lors de la passation du marché subséquent, elle contraint toutefois les acheteurs à utiliser un critère prix lors de la passation de l’accord-cadre ce qui nécessite de la part de ces derniers de réfléchir à la manière dont ce critère pourra être utilisé en tenant compte, une nouvelle fois, des contraintes liées à la forte volatilité des prix de l’énergie.

Urbanisme : hameaux uniformément classés en zone agricole, le recadrage tout en nuance du Conseil d’Etat

Par une décision du 24 novembre 2021, le Conseil d’Etat recadre le recours au zonage agricole, pour l’envisager un peu plus strictement. Ainsi, le classement en zone agricole de hameaux habités, bien qu’entourés de vastes plaines agricoles, est susceptible d’être entaché d’erreur manifeste d’appréciation.

Pour mémoire, l’article R. 151-22 du Code de l’urbanisme considère les zones agricoles comme « les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ». Or, à l’occasion de récentes évolutions de PLU, et notamment depuis la loi ELAN, certains auteurs de PLU ont pu être tentés d’appliquer un zonage agricole uniforme aux hameaux limitrophes de secteurs cultivés et partant, sans nuance. Conséquence : de nombreuses maisons à usage d’habitation sont confrontées à l’impossibilité de réaliser des extensions, voire de densifier des parcelles interstitielles. Au reste, des jardins paysagers ont été classés en zone agricole, sans que leur potentiel agronomique, biologique ou économique relève de l’évidence.

Jusqu’à cette décision du 24 novembre 2021, il n’était plus tant demandé au juge de rechercher si les parcelles ont elles-mêmes un caractère agricole, mais si les abords de celles-ci ont un caractère agricole avéré, en cohérence avec les autres documents du PLU (PADD notamment). C’est ainsi que des sites industriels ont pu être classées en zone agricole (CE, 3 juin 2020, sociétés Inerta et Océane : n° 429515), si bien qu’à peu près tout pouvait être classé de la sorte, pourvu qu’un environnement bucolique jouxte les parcelles considérées. Raisonnant a fortiori, quelques Cours se sont d’ailleurs approprié cette position, confirmant le classement en zone agricole de hameau et/ou de parcelles insérés dans de tel groupement de maisons (CAA Bordeaux, 5e ch., 15 déc. 2020, n° 18BX04515 : « Au demeurant, dès lors qu’elle est située au sein d’un secteur ayant une vocation agricole, la circonstance que la parcelle ne présenterait pas elle-même un caractère de terre agricole est sans incidence sur la légalité de son classement » ; CAA Nantes, 2e ch., 18 juin 2021, n° 20NT02723 ; CAA Bordeaux, 5e ch., 6 juill. 2021, n° 19BX04949 : « la partie nord de la parcelle des requérants classée en zone agricole est située dans une zone à dominante naturelle et agricole, à l’écart du centre bourg et des zones urbanisées de la commune et qu’elle est bordée, sur ses côtés ouest, nord et est, par des parcelles cultivées ou boisées classées en zone agricole » ; CAA Bordeaux, 5e ch., 28 sept. 2021, n° 20BX02514 : pour une parcelle en limite d’un hameau excentré distant à la fois du centre-bourg et de la route départementale le long de laquelle s’est structuré le développement urbain toutefois ; voir également pour un classement en zone N : CAA Lyon, 30 juin 2020, n° 19LY02543 ; et a contrario, toutefois : CAA Nantes, 2e ch., 24 sept. 2021, n° 20NT02650).

La décision rendue le 24 novembre 2021 reprend le principe posé par celle rendue en 2020. Selon cette décision, une zone agricole « a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables (PADD), un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ». Toutefois, elle fait une application plus nuancée de ce principe en l’amendant de manière inédite :

« Si, pour apprécier la légalité du classement d’une parcelle en zone A, le juge n’a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d’une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l’ampleur des aménagements ou constructions qu’elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé ».

Appliquant le principe au hameau de la commune de Lapeyrouse-Mornay, le Conseil d’Etat censure le choix d’un classement uniforme en zone A du hameau :

« Pour juger que le classement en zone A de l’ensemble du secteur du hameau du Bois-Vieux, situé à environ un kilomètre du centre-bourg, dont il ressort de l’arrêt attaqué qu’il comporte notamment une trentaine d’habitations et présente un caractère urbanisé, n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, la cour, en relevant que les auteurs du PLU avaient entendu préserver les ressources agricoles de la commune et rechercher un équilibre entre le développement résidentiel et le maintien du « caractère rural » du hameau, situé au cœur d’une vaste plaine agricole de bonne valeur agronomique et facilement exploitable, alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ce classement permet d’assurer la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de cette commune, a dénaturé les pièces du dossier et les faits de l’espèce ».

En somme, il faut que le classement de parcelle contribue à la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Les documents du PLU, et notamment le rapport de présentation, doivent en faire la démonstration. Une vue aérienne valant mieux qu’une longue description, voici ledit hameau, somme toute assez lâche et baignant dans une ambiance agraire :

Notons également ici la censure du Conseil d’Etat intervenue pour dénaturation, soit l’erreur flagrante. Le Conseil d’Etat confie donc toujours aux Cours d’appel le soin de qualifier juridiquement les faits dans le cadre de leur contrôle du choix des zonages. A cet égard, peu sûr que les arrêts de Cours cités auraient résisté à cette nouvelle interprétation de la zone A (voir notamment l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de bordeaux rendu en décembre 2020, s’attachant à relever que la parcelle est située au sein d’un secteur ayant une vocation agricole).

En synthèse, sans que la décision du 24 novembre 2021 ne puisse être qualifiée de revirement, elle reste rendue en formation de chambres réunies ce qui révèle son importance. Elle ajoute une nuance heureuse en matière de zonage agricole. Un peu de granularité en la matière ne peut être que la bienvenue.