Nouvelle participation de l’Etat au capital d’EDF à hauteur de plus de 2,6 milliards d’euros

Un arrêté publié le 29 mars 2022 a acté la participation de l’Etat à l’augmentation du capital de la société Electricité de France (ci-après « EDF ») d’un montant de 2.653.861.100,70 euros.

Cette augmentation s’inscrit plus largement dans le lancement, par EDF, d’une augmentation de son capital à hauteur de 3.163.938.046 euros.

Par cette souscription au capital d’EDF, l’Etat français a ainsi renouvelé son engagement d’y participer à hauteur de 83,88 %. Dans un communiqué de presse publié par le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance[1], l’Etat a indiqué vouloir par cette souscription « sécuriser la situation financière d’EDF et sa capacité de financement à court et moyen terme » et permettre à EDF de « poursuivre sa stratégie de développement rentable dans le cadre de la transition énergétique ».

 

[1] Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, Communiqué de presse, « L’Etat confirme qu’il participera à hauteur de plus de 2,6 milliards d’euros à l’augmentation de capital de plus de 3,1 milliards d’euros lancée par EDF le 18 mars 2022 », 18 mars 2022.

Actualités sur l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel

Délibération du 14 avril 2022 portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz 

Le droit à l’injection sur le réseau de distribution ou de transport de gaz naturel par les producteurs de biogaz a été instauré par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ci-après « Loi EGalim ») et ses modalités ont été précisées par un décret du 28 juin 2019, désormais codifié aux articles D. 453-20 à D. 453-25 du Code de l’énergie, et par la « Délibération Biométhane » publiée par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) le 14 novembre 2019.

Désormais, ce sont les gestionnaires de réseaux, et non plus les producteurs de biogaz, qui ont à leur charge les travaux de renforcement nécessaires à l’injection de biométhane sous réserve du principe d’efficacité économique.

En janvier 2021[1], la CRE envisageait la participation de tiers (porteurs de projets, collectivités territoriales ou tout autre tiers) dans le financement des investissements de renforcement nécessaires à cette injection dans les zones du territoire où le principe d’efficacité économique n’était pas satisfait. Ce dispositif avait pour objet de permettre aux tiers de contribuer au développement du biométhane dans des zones moins favorables. La participation des tiers venait ainsi réduire le coût de l’ensemble des investissements nécessaires à cette injection dans la zone de raccordement concernée.

À la suite de la première année de mise en œuvre de ce dispositif, la CRE a constaté qu’une amélioration des modalités de calcul des contributions des tiers était possible pour tenir compte de la dynamique de développement des différents projets d’une zone. Ainsi, comme nous l’indiquions dans une de nos précédentes Lettres d’actualité juridique[2], la CRE avait ouvert jusqu’au 24 mars 2022 une consultation publique relative aux modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion de biométhane dans les réseaux de gaz naturel. La CRE a reçu 20 contributions.

Dans une délibération publiée le 14 avril 2022[3], qui abroge et remplace la Délibération n° 2021-02 du 7 janvier 2021 susvisée, la CRE vient ainsi préciser les nouvelles modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

Ainsi, après une consultation des acteurs locaux et une révision des conditions technico-économiques de chacun des zonages, les gestionnaires de réseaux devront mettre à jour tous les deux ans a minima le montant de la participation des tiers nécessaire pour décider du lancement des investissements de renforcement. La CRE précise aussi qu’entre chaque révision de zonage et au moment de la validation de chaque investissement de renforcement sur la zone, la participation des tiers ne peut être mise à jour qu’à la baisse.

S’agissant du montant des participations des tiers, qui est calculé pour chaque zone de raccordement, la CRE précise notamment que pour chaque investissement, le montant demandé correspondra au minimum entre la participation de tiers requise et le coût total de l’investissement considéré, à l’exception des études de rebours[4] pour lesquelles le montant demandé sera un montant forfaitaire de 200 000 euros.

En outre, la CRE précise également les échéanciers de paiement pour les participations de tiers publics et de tiers privés qui différent.

Enfin, on remarquera que dans une délibération publiée également le 14 avril 2022[5], la CRE a validé 8 projets de zonage de raccordement après avoir consulté les autorités organisatrices de la distribution de gaz naturel concernées. La Commission précise que ces zonages supplémentaires, dont la liste est présentée en annexe de la délibération, s’ajoutent aux 295 déjà validés pour un montant total prévisionnel d’investissement de 1,08 milliards d’euros et une projection d’injection d’environ 1 330 projets représentant une production annuelle d’environ 34,2 TWh.

 

[1] Délibération n° 2021-02 du 7 janvier 2021 portant décision sur les modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion de biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

[2]https://www.seban-associes.avocat.fr/modification-des-taux-de-refaction-tarifaire-applicables-pour-le-raccordement-des-installations-de-biogaz-et-des-installations-de-production-delectricite-a-partir-denr-aux-reseaux-d/?idlajee=109752.

[3] Délibération du 14 avril 2022 portant décision sur les modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissement de renforcement pour l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

[4] La technique de rebours permet de comprimer le biométhane en surplus dans le réseau de distribution afin de l’injecter dans le réseau de transport.

[5] Délibération du 14 avril 2022 portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz.

Autorisation de délais en matière d’interdiction des produits phytopharmaceutiques

L’article L. 253-8 du Code de l’environnement (C. env.) règlemente la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, et prévoit plus particulièrement certaines mesures de précaution et de surveillance de ces produits.

Le IV de cet article prévoit notamment l’interdiction, à compter du 1er janvier 2022, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement, conformément au règlement européen n° 1107/2009 relatif à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques (disposition issue de la loi EGALIM de 2018[1]).

Le décret n° 2022-411 du 23 mars 2022 précise alors, par un nouvel article D. 253-46-1-6 introduit dans le C. env., que les produits entrant dans le champ d’application de cet article peuvent se voir octroyer, à titre transitoire, des délais afin qu’ils puissent être produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation, soit jusqu’à la fin d’un délai de grâce prévu par le règlement d’exploitation interdisant lesdits produits soit, pour ceux dont l’approbation est arrivée à échéance et dont le renouvellement n’est pas demandé, jusqu’à une date fixée par arrêté ministériel.

 

[1] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM ».

Dispositif « Oui pub » : publication des décrets d’application

Décret n° 2022-764 du 2 mai 2022 relatif à l’expérimentation d’un dispositif interdisant la distribution d’imprimés publicitaires non adressés en l’absence d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier (« Oui Pub »)

 

La loi Climat et résilience[1] a prévu, à son article 21, que certaines collectivités pourraient, à titre expérimental et pour une durée de 3 ans, interdire la distribution de publicités lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres, autrement appelé dispositif « Oui Pub ». Cette mesure expérimentale, destinée à réduire la publicité et les déchets, pose donc la règle inverse de celle en vigueur aujourd’hui, qui est d’autoriser la distribution de telles publicités sauf lorsque l’interdiction figure clairement sur la boîte aux lettres (dispositif « Stop Pub »).

La loi Climat et résilience prévoyait alors que les collectivités concernées et les modalités d’application de cette mesure devraient être définies par décret.

C’est maintenant chose faite, avec la publication le 2 mai 2022 de deux décrets d’application.

Le décret n° 2022-765 liste ainsi les 13 collectivités et groupements de collectivités mettant en place l’expérimentation « Oui pub », composés de 6 syndicats de traitement des déchets, de 2 communes et de 5 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Le décret n° 2022-764, quant à lui, détaille les modalités d’application de cette mesure, en prévoyant notamment qu’elle se déroulera selon deux phases : une phase d’information, à compter du 1er mai 2022, et une phase d’expérimentation, à compter du 1er septembre 2022. Il prévoit en outre que la mesure sera suivie par un comité de pilotage constitué de représentants de l’Etat, des collectivités participant à l’expérimentation et des secteurs économiques concernés, lequel sera chargé d’élaborer un protocole national d’expérimentation. Enfin, un comité d’évaluation sera chargé d’évaluer l’expérimentation et de produire un rapport d’évaluation. Il assurera la centralisation des données collectées à l’échelon local, lesquelles sont listées dans le décret (nombre de boîtes aux lettres « Oui Pub », impact sur le tonnage des déchets papiers traités par la collectivité, impact sur les consommateurs, impact sur les emplois etc…) pour le suivi et l’évaluation de l’expérimentation. Ce rapport, remis au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation, devra comprendre deux volets : l’un relatif à l’impact environnemental du dispositif et l’autre relatif à l’impact socio-économique de l’expérimentation.

 

[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Contrôle de raccordement en matière d’assainissement : fixation du délai de transmission du rapport établi par la commune

L’article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui définit le contenu de la compétence des collectivités en matière d’assainissement des eaux usées, prévoit notamment à son point II que les communes sont chargées d’assurer le contrôle des raccordements au réseau public de collecte.

Cet article précise en outre, depuis la loi Climat et résilience[1], qu’à l’issue du contrôle de tout nouveau raccordement d’un immeuble au réseau public de collecte des eaux usées, la commune doit établir et transmettre au propriétaire de l’immeuble ou, en cas de copropriété, au syndicat des copropriétaires, un document décrivant le contrôle réalisé et évaluant la conformité du raccordement au regard des prescriptions réglementaires.

Le décret n° 2022-521, paru le 11 avril 2022, vient préciser le délai dans lequel la transmission de ce rapport doit s’effectuer, en créant un nouvel article R. 2224-15-1 dans le CGCT. Cet article prévoit ainsi désormais que ce délai de transmission doit être fixé par le règlement de service prévu à l’article L. 2224-12 du même Code (lequel règlement doit définir les prestations assurées par le service ainsi que les obligations respectives de l’exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires).

Ce nouvel article prévoit en tout état de cause que ce délai ne peut excéder 6 semaines à compter de la date à laquelle la commune a reçu la demande du propriétaire ou du syndicat de réaliser le contrôle.

 

[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Parution du décret relatif au dispositif de certificats de biogaz

La loi climat et résilience du 22 août 2021 a créé un dispositif de certificats de biogaz, désormais régi par les dispositions des articles L. 446-31 à L. 441-36 du Code de l’énergie.

Dans le but de de favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel, ce dispositif impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de restitution à l’Etat de certificats. Obligation dont ils peuvent s’acquitter, soit en produisant directement du biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biogaz.

Ce dispositif permet en parallèle aux producteurs de biogaz de disposer d’un revenu associé à la commercialisation des certificats de production de biogaz, en sus du revenu de la vente physique du biogaz.

C’est dans ce cadre qu’un projet de décret visant à préciser les modalités d’application de ce dispositif de certificats de biogaz avait été mis en consultation, commenté dans nos notre lettre d’actualité juridique du mois de mars, et avait fait l’objet d’un avis de la CRE, également commenté dans notre lettre d’actualité juridique du mois d’avril.

La version finale de ce décret a désormais été publiée au Journal Officiel du 26 avril 2022.

Ledit décret prévoit en particulier :

  • les modalités de gestion du registre des certificats de production de biogaz ;
  • la modulation de la distribution des certificats de production de biogaz ;
  • l’exonération de certains fournisseurs de gaz naturel ;
  • les modalités de contrôle des producteurs émettant des certificats ;
  • les modalités de sanction des producteurs en cas de manquement à la réglementation.

La CRE se prononce sur un projet de décret relatif au niveau de prise en charge par le TURPE de certains raccordements poursuivant des objectifs écologiques et climatiques

Pour mémoire, l’article 98 de la loi climat et résilience du 22 août 2021 avait augmenté le niveau de prise en charge maximal (de 40 à 80 %) par le TURPE des coûts de raccordements aux réseaux en basse tension pour des puissances inférieures ou égales 36 kilovoltampères relatifs à des opérations concourant aux objectifs écologiques et climatiques fixés par l’article L.100-4 du Code de l’énergie.

Usant de cette possibilité désormais codifiée à l’article L. 341-2 du Code de l’énergie, le projet de décret dont a été saisie la CRE porte la prise en charge par le TURPE du coût des travaux d’adaptation du réseau alimentant certaines installations de consommation existantes raccordées aux réseaux basse tension pour une puissance inférieure ou égale à 36 kVA à 80 % (le maximum autorisé prévu par la loi donc).

Sont éligibles à cette augmentation les ouvrages suivants :

  • les pompes à chaleur, y compris hybrides ;
  • les infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE) d’une puissance inférieure à 11kW, à l’exception de celles ouvertes au public et celles situées dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation.

Dans son avis ici commenté, la CRE commence par rappeler que cette nouvelle hausse du taux de réfaction, qui s’ajoute au précédentes, entraînera nécessairement une hausse de la facture d’électricité pour les consommateurs raccordés au réseau de distribution, hausse qui pourrait selon elle être contreproductive quant à l’objectif initial de développement de l’électricité bas carbone poursuivi par le mécanisme de réfaction.

Et, concernant les infrastructures de recharge pour véhicules électriques d’une puissance inférieure à 11kW, la CRE rappelle d’abord qu’elle a eu l’occasion  de considérer qu’une augmentation du taux de réfaction était justifiée au démarrage de la filière pour permettre le développement de ces installations et d’ainsi rendre un avis positif pour augmenter la réfaction à 75 % pour les IRVE pour les infrastructures de recharge ouvertes au public et les ateliers de charge des véhicules électriques affectés à des services de transport public routier de personnes.

Toutefois, elle estime que l’augmentation du taux de réfaction ici prévue, en soutenant le développement d’infrastructures de recharge à domicile de trop forte puissance (11kW), n’incite pas, à son sens, au pilotage de la recharge (c’est-à-dire à la modulation de la puissance électrique demandée lors de la recharge) et entraînera donc des sollicitations du réseau qui auraient pu être évitées et des travaux de renforcement inutiles. Elle émet en conséquence un avis défavorable sur cette proposition.

En revanche, elle émet un avis favorable sur la proposition d’augmentation du taux de réfaction s’agissant des pompes à chaleur, mais recommande toutefois que cette augmentation soit limitée dans le temps.

Stockage d’électricité : avis sur le projet de décret relatif aux procédures d’appels d’offres de stockage et ouverture d’une consultation publique

Consultation publique n°2022-04 du 21 avril 2022 relative à la révision de la méthodologie d’examen d’un projet d’ouvrage de stockage d’électricité dans les zones non interconnectées 

 

Pour mémoire, l’article L. 352-1 du Code de l’énergie définit le stockage d’énergie dans le système électrique comme « le report de l’utilisation finale de l’électricité à un moment postérieur à celui auquel elle a été produite, ou la conversion de l’énergie électrique en une forme d’énergie qui peut être stockée, la conservation de cette énergie et la reconversion ultérieure de celle-ci en énergie électrique ou son utilisation en tant qu’autre vecteur d’énergie ».

Ce mécanisme a fait l’objet de deux actualités récentes : l’une concernant les procédures d’appels d’offres portant sur le développement de capacités de stockage d’électricité (1) et l’autre sur la méthodologie d’examen d’un projet d’ouvrage de stockage d’électricité dans les zones non interconnectées (2).

1. Avis sur le projet de décret fixant les modalités de la procédure d’appel d’offres portant sur le développement de capacités de stockage d’électricité

Dans l’hypothèse où les capacités de stockage ne répondent pas aux objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) (article L. 141-1 du Code de l’énergie) ou qu’il ressort des besoins de flexibilité du bilan prévisionnel évaluant le système électrique (article L. 141-8 du Code de l’énergie), l’article L. 1352-1-1 du Code de l’énergie permet au Ministre de l’Énergie de recourir à des procédures d’appel d’offres portant sur le développement de capacités de stockage d’électricité, dont les modalités sont fixées par décret du Conseil d’Etat après avis de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

Dans ce cadre, la CRE a été saisie, le 14 mars 2022, par la Direction générale de l’énergie et du climat du projet de décret portant sur la procédure d’appel d’offres de stockage d’électricité, lequel prévoit notamment les rôles respectifs du gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) et du Ministre chargé de l’énergie dans cette procédure ainsi que le contenu du cahier des charges.

Toutefois, la CRE estime, dans sa délibération du 7 avril 2022 ici commentée, qu’en l’état, l’organisation de ces appels d’offres telle qu’elle est prévue dans la loi ainsi que dans ledit projet de décret, qui a une visée essentiellement procédurale, ne tient pas compte du contexte actuel de crise énergétique et du besoin de flexibilité à venir important.

Ainsi, la CRE décide de ne pas rendre d’avis formel sur le projet de décret.

2. Consultation publique relative à la révision de la méthodologie d’examen d’un projet d’ouvrage de stockage d’électricité dans les zones non interconnectées

Sur ce deuxième point, on rappellera que les articles L. 121-6 et L. 121-7 du Code de l’énergie permettent la compensation intégrale par l’Etat, au titre des charges imputables au service public d’électricité, des coûts des ouvrages de stockage d’électricité gérés par le gestionnaire du système électrique dans les zones non interconnectées (ZNI). Ces coûts étant pris en compte dans la limite des surcoûts de production qu’ils permettent d’éviter.

A ce titre, la CRE avait, par délibération du 30 mars 2017, après consultation du public, établi une méthodologie précisant les modalités de saisine, d’examen, de calcul de compensation et de régulation des ouvrages de stockage d’électricité dans les ZNI.

Cinq ans après, et à la suite de l’adoption d’un arrêté du 6 avril 2020 portant sur le taux de rémunération du capital immobilisé notamment pour les ouvrages de stockage dans les ZNI, la CRE entend revoir cette méthodologie et a ainsi ouvert, jusqu’au 1er juin 2022, une consultation permettant de recueillir les avis et propositions des parties intéressées sur cette méthodologie révisée.

Celle-ci vient fixer les modalités d’examen des projets de stockage ainsi que celles liées à la détermination du niveau de compensation et au dossier de saisine et constituera ainsi les lignes directrices applicables en la matière par la CRE, opposables aux opérateurs.

Réponse de la CRE à la proposition législative de la Commission européenne sur la décarbonation du gaz

Le 14 avril dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a mis en ligne la réponse qu’elle a formulée dans le cadre de la consultation publique ouverte entre le 15 décembre 2021 et le 12 avril 2022 par la Commission européenne au sujet de sa proposition législative de révision des règles de l’Union européenne en matière d’accès au marché et aux réseaux de gaz.

Les propositions de la Commission européenne s’inscrivent dans l’objectif de neutralité carbone de l’Union Européenne en 2050 et tendent à faciliter l’intégration des gaz renouvelables et bas carbone et à préparer l’émergence d’un marché de l’hydrogène.

Dans sa contribution, la CRE indique « accueill[ir] favorablement ce nouveau paquet législatif qui accélère la décarbonation indispensable du secteur du gaz naturel, prépare l’arrivée de l’hydrogène, contribuant ainsi de manière décisive à renforcer l’indépendance énergétique de l’Union européenne ».

Toutefois, la CRE formule plusieurs alertes « sur certaines des mesures proposées qu’elle estime prématurées ou aller à l’encontre du bon fonctionnement du système gazier européen et, à terme, du développement de l’hydrogène ».  Elle invite à cet égard la Commission européenne au pragmatisme, à la souplesse et la met en garde sur la nécessité d’« assurer le respect de la diversité des modes de gouvernance et [d’]éviter un excès de réglementations qui nuiraient à l’innovation en termes techniques comme organisationnels ».

Dans le détail, les principales alertes de la CRE sont les suivantes :

  • L’intégration des réseaux de distribution aux zones entrée-sortie du réseau de transport doit rester optionnelle, dès lors qu’il s’agit selon elle d’une solution « particulièrement lourde et déstabilisatrice alors que des solutions de type contractuel ont montré leur efficacité, en France notamment ». La CRE relève en effet que si ce système a déjà été mis en œuvre par certains pays européens, il serait inadapté au cas français.
  • La CRE est défavorable à l’exonération des tarifs aux interconnexions pour les gaz renouvelables et bas carbone, qui constitue selon elle une mesure particulièrement complexe à appliquer et sans valeur ajoutée significative. La CRE note en effet « que les régulateurs ne sont, de manière générale, pas en faveur des rabais tarifaires en ce qu’ils faussent les signaux économiques adressés aux utilisateurs des infrastructures régulées et posent des problèmes de couverture des coûts des opérateurs de réseaux » et ajoute que « Tout rabais tarifaire doit être justifié et quantifié, notamment par le rôle joué ou le service rendu au système gazier par les bénéficiaires de ces rabais ».
  • En matière d’hydrogène, la CRE indique être défavorable à l’injection d’hydrogène dans les réseaux de transport de gaz (conduisant à un mélange d’hydrogène et de gaz naturel), y compris de manière transitoire, estimant cette mesure coûteuse, génératrice de problèmes de sécurité et de nature à réduire la valeur de l’hydrogène et du gaz. La proposition de la Commission prévoit en effet l’obligation, pour les gestionnaires de réseaux de transport de gaz d’accepter une proportion d’hydrogène allant jusqu’à 5 % par volume de gaz aux points d’interconnexion. La CRE indique privilégier la séparation des réseaux de gaz et d’hydrogène, ou a minima, si la Commission devait maintenir sa proposition, abaisser le seuil minimal actuellement envisagé.
  • Toujours en matière d’hydrogène, la CRE estime par ailleurs prématurée la fixation à 2030 de l’objectif de création de l’accès régulé aux infrastructures d’hydrogène et une séparation patrimoniale entre les activités de transport et de production et fourniture au sein des opérateurs agissant dans le domaine de l’hydrogène. En effet, dans sa proposition, la Commission européenne préconise la mise en place d’un marché européen de l’hydrogène ouvert et concurrentiel s’inspirant des règles qui régissent le marché du gaz naturel.
  • La CRE se prononce défavorablement sur l’attribution à l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) de nouvelles compétences en matière notamment de calcul du revenu autorisé des GRT de gaz et des méthodes d’évaluation des actifs convertis à l’hydrogène au détriment des régulateurs nationaux, estimant l’échelon national mieux à même de gérer ces problématiques susceptibles de présenter des particularités locales.
  • La CRE préconise en outre de consolider les pouvoirs des Etats membres quant à l’adoption de mesures permettant d’atteindre les niveaux de stockages requis sur leur territoire, tout en renforçant la solidarité et la sécurité européenne dans ce domaine. Elle émet donc des réserves sur la proposition de la Commission européenne de retenir une approche régionale des questions de stockage.
  • En matière de réduction des émissions de méthane enfin, la CRE recommande de privilégier les actions conduisant aux plus fortes réductions des émissions de méthane au moindre coût.

Premier appel d’offres sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production de biométhane

Délibération de la CRE du 14 avril 2022 portant avis sur le projet de cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production de biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel

 

Le 29 avril dernier, un appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production de biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel a été publié.

Cet appel d’offres, qui est le premier dans ce domaine, vise à accélérer le développement des capacités de production de biométhane et prévoit trois périodes distinctes dont les dates limites de candidature sont les suivantes : 16 décembre 2022, 23 juin 2023 et 15 décembre 2023.

Les candidats retenus qui seront désignés par le Ministre chargé de l’énergie bénéficieront d’un contrat d’achat du biométhane produit et injecté dans un réseau de gaz naturel. Cet appel d’offres devrait permettre, pour la première période, de parvenir à une production annuelle prévisionnelle cumulée de 500 GWh PCS/an). L’appel d’offres porte au total sur une capacité de production de 1,6 TWh PCS/an.

Cette publication fait suite à une délibération du 14 avril 2022 de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE), par laquelle le régulateur s’était prononcé sur le projet de cahier des charges qui lui avait été soumis par le ministre chargé de l’énergie.

Dans cette délibération, la CRE a donné un avis très favorable au dispositif d’appel d’offres dans un contexte de crise gazière et de nécessaire réduction de la dépendance au gaz russe et au gaz fossile en général, tout en préconisant d’apporter quelques améliorations techniques au cahier des charges au titre de la première période de candidature, ainsi que d’autres améliorations à apporter pour les périodes suivantes.

RE 2020 et constitutionnalité : l’enjeu sur les mesures fixant des résultats minimaux à atteindre concernant l’impact de la construction sur le changement climatique

En France, rappelons que le secteur du bâtiment est le secteur économique le plus consommateur d’énergie en France, soit 44 % de la consommation d’énergie et près de 25 % des émissions de CO2[1], ce alors qu’au sein de l’Union européenne, la majorité des bâtiments présente un faible niveau d’efficacité énergétique.

Afin de répondre à l’objectif de décarbonisation du parc immobilier, les législateurs européen[2] et français ont soumis les maîtres d’ouvrage, y compris publics, ainsi que les opérateurs économiques, au respect de diverses normes de « performance énergétique et environnementale des bâtiments »[3], lesquelles prennent en compte non seulement les consommations d’énergie, mais aussi les émissions de carbone, y compris celles liées à la phase de construction du bâtiment.

C’est ainsi qu’a été définie la réglementation environnementale des nouvelles constructions de bâtiments (« RE 2020 ») en remplacement de la réglementation thermique (RT 2012), qui poursuit trois objectifs :

  • donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ;
  • diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ;
  • garantir le confort en cas de forte chaleur.

Conformément à l’article R. 171-1 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après « CCH »), cette réglementation est applicable :

  • à la construction de bâtiments ou parties de bâtiments d’habitation qui ont fait l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable déposée depuis le 1er janvier 2022[4];
  • à la construction de bâtiments ou parties de bâtiments de bureaux ou d’enseignement primaire ou secondaire qui font l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable à compter du 1er juillet 2022;
  • à la construction de bâtiments d’habitation, de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire exonérés de toute formalité (permis de construire ou déclaration préalable), au titre des habitations légères de loisirs et des constructions provisoires, à compter du 1er janvier 2023[5].

Toutefois, conscients des contraintes imposées sur leurs activités par cette nouvelle réglementation environnementale, dont les principes seront rappelés (I), l’association La Filière Béton, la Fédération française des tuiles et briques (ci-après, la « FFTB ») et le syndicat national des industrie de roches ornementales et de construction (ci-après, le « SN ROC »), ont soulevé à l’occasion de recours introduits à l’encontre d’un décret et d’un arrêté d’application de cette réglementation[6], par la voie de l’exception, une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après « QPC ») visant précisément les dispositions imposant des résultats minimaux en matière de limitation de l’impact de la construction sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment.

Le Conseil d’État a toutefois écarté l’ensemble des griefs soulevés et refusé de transmettre l’examen de cette QPC au Conseil constitutionnel par sa décision du 29 mars 2022 (II).

I. Une réglementation environnementale prenant en compte l’impact de la construction sur le changement climatique sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment

  1. La prise en compte de la performance environnementale dans la construction de bâtiments neufs

La performance environnementale a été l’évolution majeure de la RE 2020 qui a introduit une évaluation des impacts environnementaux du bâtiment fondée sur le principe de l’analyse du cycle de vie.

Autrement dit, cette méthode permet d’objectiver les impacts du bâtiment sur le changement climatique à travers plusieurs indicateurs environnementaux calculés sur l’ensemble de son cycle de vie.

En effet, en vertu de l’article L. 171-1 du CCH, cette réglementation impose à la construction et la rénovation de bâtiments neufs d’atteindre des résultats minimaux :

  • de performance énergétique pour des conditions de fonctionnement définies, évaluée en tenant compte du recours aux énergies renouvelables au sens de l’article L. 111-1 du CCH ;
  • de limitation de l’impact sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment ;
  • de performance environnementale, évaluée notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’eau et de la production de déchets liées à la fabrication des composants des bâtiments, à leur édification, leur entretien, leur rénovation et leur démolition, ainsi que du recours à des matériaux issus de ressources renouvelables et de l’incorporation de matériaux issus du recyclage.

De même, parmi les informations relatives aux produits de construction et équipements nécessaires pour apprécier le respect de ces résultats minimaux, le législateur a notamment retenu, à l’article L. 171-2 du même code, l’information relative à «  leur contribution au stockage du carbone de l’atmosphère pendant la durée de vie des bâtiments ».

Il en ressort que la réglementation RE 2020 vise à diminuer l’impact sur le climat des bâtiments neufs en incitant d’une part à des modes constructifs qui émettent peu de gaz à effet de serre ou qui permettent d’en stocker et, d’autre part, à la consommation de sources d’énergie décarbonées.

  1. Les résultats minimaux imposés et la méthode de calcul retenue pour prendre en compte l’impact sur le changement climatique

Afin de prendre en compte l’impact de la construction sur le changement climatique sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, l’article R. 172-4 du CCH a fixé, parmi les résultats minimaux que la construction de tout bâtiment ou partie de bâtiment doit atteindre[7] :

  • l’impact sur le changement climatique de la consommation d’énergie primaire et la consommation d’énergie primaire non renouvelable du bâtiment. Pour être réglementaire, la valeur de l’indicateur Icénergie d’un bâtiment doit être inférieure ou égale à un impact maximal, dénommé (indicateur Icénergie_max).

Cette valeur maximale Icénergie_max est calculée en appliquant des coefficients de modulation[8] – qui prennent en compte les contraintes de chaque catégorie de bâtiment[9] – à la valeur du coefficient Icénergie_max moyen qui diffère selon l’année de dépôt de la demande de permis de construire et de son raccordement ou non à un réseau de chaleur urbain[10].

  • l’impact sur le changement climatique lié aux composants du bâtiment (indicateur Iconstruction), à leur transport, leur installation et l’ensemble du chantier de construction, leur utilisation à l’exclusion des besoins en énergie et en eau de la phase d’exploitation du bâtiment, leur maintenance, leur réparation, leur remplacement et leur fin de vie, évalué sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment[11].

L’évaluation de cet impact prend ainsi en compte le stockage, pendant la vie du bâtiment, de carbone issu de l’atmosphère ainsi que les charges et bénéfices liés à la valorisation des composants en fin de vie.

Pour être réglementaire, la valeur de l’indicateur Iconstruction doit être inférieure ou égale à un impact maximal, dénommé (indicateur Iconstruction_max).

Cette valeur maximale Iconstruction_max est calculée en appliquant des coefficients de modulation[12] – qui prennent en compte les contraintes de chaque catégorie de bâtiment – à la valeur de l’Iconstruction_max moyen des bâtiments qui est précisée à l’annexe à l’article R. 171-4 du CCH[13] en fonction de l’usage de la partie de bâtiment et de l’année de dépôt de la demande de permis de construire[14].

De plus, l’article R. 172-4 du CCH a mis en œuvre des indicateurs supplémentaires relatifs à l’impact sur le changement climatique, sans exigence réglementaire de résultats minimaux à atteindre à leur égard[15]. Il s’agit de :

  • l’impact sur le changement climatique du bâtiment, évalué sur l’ensemble de son cycle de vie (Indicteur Icbâtiment). L’évaluation de cet impact prend en compte le stockage, pendant la vie du bâtiment, de carbone issu de l’atmosphère ainsi que les charges et bénéfices liés à la valorisation des composants en fin de vie.
  • la quantité de carbone issu de l’atmosphère et stocké dans le bâtiment (indicateur Stockc) dont le calcul est précisé à l’annexe II de l’arrêté du 4 août 2021[16].

La méthode de calcul Th-BCE 2020 pour vérifier l’atteinte de ces résultats minimaux a été définie par l’arrêté du 4 août 2021[17], modifié par la suite par l’arrêté du 6 avril 2022[18].

A cet égard, l’annexe II de l’arrêté du 4 août 2021 précise que le calcul de la performance énergétique et environnementale est décomposé en deux étapes complémentaires :

  • une première étape portant sur une simulation énergétique et le calcul des indicateurs énergétiques (Bbio et des indicateurs Cep et Cep,nr) ;
  • une seconde étape relative au calcul de l’analyse du cycle de vie du bâtiment (ACV) et des indicateurs environnementaux (Icconstruction, Icénergie et Icbâtiment) en utilisant certaines données de sortie de la simulation énergétique, étant rappelé que la RE 2020 ne réglemente spécifiquement que les indicateurs Icconstruction et Icénergie.

Pour réaliser l’ACV, il faut établir la contribution aux impacts environnementaux des cinq catégories qui composent le bâtiment (les produits de construction et les équipements du bâtiments, soit les « composants » ; les consommations d’énergie du bâtiment lors de son fonctionnement ; le chantier de construction ; les consommations et rejets d’eau ; et l’aménagement et l’usage de la parcelle) à chacune des cinq étapes du cycle (phase de production, de construction, d’exploitation, fin de vie et bénéfices et charges au-delà du cycle de vie).

Il en ressort qu’un m3 de béton émet à chaque phase du cycle de vie : lors de sa fabrication, lors de sa mise en œuvre, lors de son entretien pendant l’exploitation du bâtiment, lors de sa destruction en fin de vie et finalement lors d’un éventuellement réemploi (comptabilisé comme une contribution bénéfique, soit une émission négative).

Par la suite, afin de justifier qu’il a bien pris en compte les exigences de la RE2020[19], le maître d’ouvrage doit établir, au plus tard à l’achèvement des travaux, un récapitulatif standardisé d’étude énergétique et environnementale dont les données doivent être conservées pendant au moins 6 ans à compter du dépôt de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux[20].

De même, conformément aux articles R. 122-24-1 et R. 122-24-3 du CCH, le maître d’ouvrage doit établir une attestation de prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementales, telles que fixées par la réglementation RE 2020, avant le début des travaux – en la joignant à la demande de permis de construire – et à leur achèvement – en la joignant à la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux[21].

II. Une réglementation contestée au regard de son caractère contraignant pour certains opérateurs du secteur de la construction

  1. Les contraintes imposées aux opérateurs du secteur de la construction

Il résulte de ce qui précède que les principes, les indicateurs et la méthode de calcul instaurés par la réglementation RE 2020 ne sont pas sans conséquence sur les maîtres d’ouvrage et sur les opérateurs du secteur de la construction.

En particulier, cette réglementation RE 2020 requiert un changement de méthode dans la conception des constructions via une analyse de cycle dynamique du bâtiment et ce, afin de limiter l’empreinte carbone du bâtiment.

De même, les constructeurs doivent désormais prendre en considération l’impact carbone de tous les matériaux et équipements utilisés, à partir de données environnementales fournies par les fabricants.

Ils vont ainsi devoir privilégier les matériaux biosourcés (bois, paille, chanvre, liège, lin, laine de mouton, etc.) compte tenu, pour certains d’entre eux, de leur fort pouvoir de stockage du carbone qu’ils réémettent, seulement en partie, en fin de vie. Au contraire, ils vont devoir diminuer le recours à d’autres matériaux (béton, acier…) dont les émissions de GES sont plus conséquentes.

Pareillement, la RE 2020 devrait encourager le recours aux matériaux géosourcés (pierre de taille, terre crue…) dès lors qu’ils mobilisent peu d’étapes de transformation émettrices de CO2 et présentent par ailleurs de forts taux de réemploi ou de recyclage.

Ainsi, cette nouvelle réglementation apparaît nécessairement favorable à la filière bois, au détriment de celles de l’acier et du béton qui « sont responsables de 8 % des émission totales de GES »[22]. En effet, non seulement le bois est une ressource renouvelable moins polluante dans son mode de production, mais il stocke également du carbone pendant sa durée de vie au sein de la construction.

Certes, des paliers ont été instaurés pour une transition progressive des exigences en la matière.

La première phase (2021-2025) doit laisser le temps à la filière constructive de se familiariser avec la méthode d’analyse en cycle de vie et les indicateurs de performance prévus par la réglementation environnementale, dont certains existaient certes déjà – bien que modifiés – dans le cadre de la RT 2012 (indicateurs Bbio et Cep).

Lors d’une seconde phase, un recours de plus en plus important à ces matériaux sera imposé afin d’abaisser le seuil maximal en kgCO2/m2 de 30 % à 40 % à l’horizon 2031.

Toutefois, dans la mesure où la RE 2020 vise une transformation progressive des techniques de construction, des filières industrielles et des solutions énergétiques, afin de maîtriser les coûts de construction et de garantir la montée en compétence des professionnels, il est logique qu’elle soit confrontée, à travers des recours introduits à l’encontre des textes réglementaires contribuant à sa mise en œuvre, à une forte opposition des opérateurs du secteur du bâtiment.

C’est précisément dans cette perspective que l’association La Filière Béton, la Fédération française des tuiles et briques et autre ont soulevé, par la voie de l’exception, une QPC mettant en cause la conformité des dispositions des 2° des articles L. 171-1 et L. 171-2 précités du CCH aux droits et libertés garantis par la Constitution.

L’enjeu n’était pas insignifiant pour les cimentiers dès lors que, contrairement à la RT 2012, la nouvelle méthode de calcul obligera à prendre en compte l’étape de construction du bâtiment qui correspond à 60% de l’empreinte carbone d’un bâtiment neuf.

  1. La confirmation par le Conseil d’Etat de la prise en compte de l’impact de la construction sur le changement climatique sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment

En refusant de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a confirmé la constitutionnalité des dispositions des 2° des articles L. 171-1 et L. 171-2 du CCH, qui ont pour objet de limiter la quantité de gaz à effet de serre émise lors de la construction et de la rénovation de bâtiments, et qui prévoient la fixation par décret de résultats minimaux en termes de limitation de l’impact sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment.

Tout d’abord, il a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance des articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement.

En effet, les requérants arguaient, non sans un certain aplomb au regard de leurs filières respectives, qu’en favorisant le recours au bois pour la construction de bâtiments, ces dispositions auraient des effets négatifs sur les forêts et favoriseraient la libération massive de gaz à effet de serre lors de leur démolition ou destruction, de sorte qu’elle seraient de nature à porter atteinte au droit de chacun à vivre dans un environnement sain et équilibré tel qu’il est consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement.

Toutefois, le Conseil d’Etat a retenu que c’est précisément parce que ces dispositions permettent d’apprécier les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du « cycle de vie » des bâtiments, notamment lors du processus de fabrication – dont la déforestation – et d’acheminement des matériaux, que ces dispositions ne méconnaissaient par l’article 1er de la Charte de l’environnement.

Autrement dit, ces dispositions ne favorisent la filière bois que dans la mesure où celles du béton ou de l’acier émettent bien plus de gaz à effet de serre sur l’ensemble du « cycle de vie » des bâtiments.

De même, elles ne méconnaissent pas davantage l’article 2 de la Charte de l’environnement, qui soumettent les pouvoirs publics à une obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement qui pourraient résulter de leur activité, dès lors qu’elles ont précisément pour objet la limitation des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère afin de lutter contre le changement climatique et qu’il n’apparait, en l’état des connaissances scientifiques, qu’elles auraient un effet négatif, à long terme, sur ces émissions.

Ensuite, si les requérants soutenaient que les dispositions contestées méconnaissaient le principe d’égalité en ce qu’elles établiraient une différence de traitement entre la filière bois, qui présenterait de bons résultats en matière de stockage de carbone pendant la durée de vie des bâtiments, et les autres filières et matériaux, c’est à juste titre que la Haute juridiction a écarté ce moyen au motif qu’elles s’appliquent indifféremment à tous les constructeurs et se bornent à introduire une exigence de résultats minimaux, sans identifier aucun matériau donné, en particulier le bois.

En outre, le Conseil d’Etat a retenu que c’est encore une fois à tort que les requérants invoquaient la méconnaissance de la liberté d’entreprendre des acteurs de la construction dans la mesure où l’atteinte à cette liberté n’était pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement. En effet, l’obligation contestée[23] n’impose pas aux acteurs de la construction un choix particulier de matériau et ne fixe aucune prescription quantitative imposant directement une proportion de matériaux identifiés dans le bâti.

Enfin, la Conseil d’Etat a logiquement conclu que le législateur n’avait pas méconnu sa propre compétence en n’encadrant pas davantage l’édiction par le pouvoir réglementaire des modalités de prise en compte du stockage temporaire du carbone issu de l’atmosphère et des émissions produites à sa libération.

***

Toutefois, si cette décision conforte la réglementation RE 2020, elle ne saurait totalement préjuger de l’issue des recours introduits au fond par les requérantes à l’encontre du décret du 29 juillet 2021 et de l’arrêté du 4 août 2021[24].

En effet, il est probable que les filières représentées par les requérants ont toutes les intentions de mener jusqu’au bout la contestation juridique afin d’assurer la pérennité de leur secteur.

Yann-Gaël NICOLAS et Thomas ROUVEYRAN

 

[1] Source : Ministère de la Transition Ecologique, « Réglementation environnementale RE2020 », 24 janvier 2022

[2] Cf. la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments, modifiée par la directive 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018.

[3] Il résulte de l’article 2 de la directive 2010/31/UE que la performance énergétique d’un bâtiment doit s’entendre comme « la quantité d’énergie calculée ou mesurée nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques liés à une utilisation normale du bâtiment, ce qui inclut entre autres l’énergie utilisée pour le chauffage, le système de refroidissement, la ventilation, la production d’eau chaude et l’éclairage ». 

[4] A l’exclusion des cas où la construction a donné lieu à la signature, avant le 1er octobre 2021, d’un contrat de louage d’ouvrage, au sens de l’article 1787 du code civil et dont la demande de permis de construire ou la déclaration préalable est déposée avant le 1er septembre 2022, ou d’un contrat de construction de maison individuelle régi par les articles L. 231-1 et L. 232-1 du CCH.

[5] Construction de bâtiments d’habitation, de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire exonérés de demande de permis de construire et de déclaration préalable au titre des habitations légères de loisir, au sens du b de l’article R. * 421-2 du code de l’urbanisme, et des constructions provisoires, au sens de l’article R. * 421-5 du code de l’urbanisme.

[6] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation

[7] Outre les critères énergétiques tels que le besoin en énergie du bâtiment (indicateur Bbio), la consommation d’énergie primaire et de consommation d’énergie primaire non renouvelable du bâtiment (indicateur Cep), et l’inconfort estival (indicateur DH).

[8] Résultant de la localisation géographique, de la présence de combles, de la surface moyenne des logements du bâtiment ou de la partie de bâtiment, pour les bâtiments à usage d’habitation, de la surface de référence du bâtiment ou de la partie de bâtiment, et de la catégorie de contraintes extérieures du bâtiment.

[9] Maisons individuelles ou accolées, logements collectifs raccordés ou non à un réseau de chaleur urbain, bureaux raccordés ou non à un réseau de chaleur urbain, enseignement primaire ou secondaire raccordés ou non à un réseau de chaleur urbain.

[10] II du chapitre III de l’annexe au Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; article 2 du Décret n° 2022-305 du 1er mars 2022 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.

[11] La réglementation permet ainsi d’évaluer les différents impacts environnementaux d’une nouvelle opération de construction en considérant un bâtiment comme un ensemble constitué des matériaux mis en œuvre pour sa construction mais également des énergies consommées pendant son utilisation.

[12] Résultant de la localisation géographique, de la présence de combles, de la surface moyenne des locaux, de l’impact des fondations et des espaces en sous-sol, de l’impact de la voirie et des réseaux divers, de l’impact de l’installation des panneaux photovoltaïques pour un bâtiment ou une partie de bâtiment à usage de bureaux de plus de 1 000 m2 d’emprise au sol, et de l’impact des données environnementales par défaut.

[13] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine. Décret n° 2022-305 du 1er mars 2022 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.

[14] III du chapitre III de l’annexe au Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; article 2 du Décret n° 2022-305 du 1er mars 2022 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.

[15] Parmi ces indicateurs supplémentaires, le décret n° 2021-1004 a également ajouté – sans qu’il ne soit repris à l’article R. 172-4 du CCH –l’indicateur Icded relatif à l’impact sur le changement climatique associé à des données environnementales par défaut et à des valeurs forfaitaires dans le calcul de l’indicateur Icconstruction, exprimé en kg équivalent CO2/m2. Cet indicateur permet de connaître la part de données environnementales par défaut dans le calcul de l’impact des composants du bâtiment.

[16] Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation (NOR : LOGL2107359A).

[17] Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation (NOR : LOGL2107359A). Outre les résultats minimaux à atteindre, cet arrêté détaille, conformément à l’article R. 172-5 du CCH, les caractéristiques techniques minimales (étanchéité de l’air de l’enveloppe du bâtiment, ventilation, isolation thermique, éclairage naturel, confort l’été, consommation d’énergie, chauffage et refroidissement, éclairage) que certains ensembles de composants du bâtiment doivent respecter et qui concourent à sa performance énergétique et environnementale, à sa qualité sanitaire et à son confort thermique.

[18] Arrêté du 6 avril 2022 modifiant les arrêtés pris en application des articles R. 122-22 à R. 122-25 et R. 172-1 à R. 172-9 du code de la construction et de l’habitation (NOR : LOGL2123207A).

[19] En dehors des catégories de bâtiments pour lesquelles une méthode d’application simplifiée est prévue, de l’application d’une solution technique de remplacement de la méthode Th-BCE 2020 – qui ne serait pas applicable en raison des spécificités du projet – approuvée par le ministre chargé de l’énergie et de la construction, ou du recours à une solution d’effet équivalent ne nécessitant pas d’approbation du projet et ayant fait l’objet d’une attestation de respect des objectifs.

[20] Article R. 172-8 du CCH et article 18 de l’arrêté du 4 août 2021. Les données sont également communiquées au premier acquéreur du bâtiment et, dans la limite de la durée de leur conservation, à leur demande, aux acquéreurs ultérieurs.

[21] https://www.seban-associes.avocat.fr/une-pierre-supplementaire-a-ledifice-de-la-reglementation-thermique-des-batiments-neufs/

[22] « RE 2020 : de nouveaux recours pour ralentir la transition écologique », Actu-économie, 18 octobre 2021 : https://www.actu-economie.com/2021/10/18/re-2020-de-nouveaux-recours-pour-ralentir-la-transitionecologique/#:~:text=Des%20recours%20pour%20freiner%20la,en%20cas%20de%20fortes%20chaleurs.

[23] A savoir, l’atteinte de résultats minimaux en termes de limitation de l’impact sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment.

[24] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation.

Les réunions du CSE et la visioconférence : employeurs êtes-vous à jour ?

Que prévoit la loi au sujet de la visioconférence et des réunions CSE sans l’accord de ce dernier ? Qu’en est-il si un accord a été conclu avec le CSE ? Une analyse complète de ce sujet avec des précisions à adopter pour le déroulement des réunions en visioconférence.

Sans accord avec le CSE ce que prévoit la loi

Limité à 3 réunions en visioconférence par année civile 

Qui peut décider de recourir à la visioconférence ?

  • Le chef d’entreprise, président du CSE
  • OU l’inspecteur du travail, en cas défaillance du président du CSE et à la demande d’au moins la moitié des membres du comité

Avec un accord conclu avec le CSE

Modalités :

L’accord est conclu entre l’employeur et les membres titulaire élus de la délégation du personnel au comité (C.trav.art. L2315-4)

La négociation de l’accord peut intervenir à tous moment et elle peut avoir lieu à la demandes des élus.

 

Contenu de l’accord :

Les parties à l’accord déterminent librement le contenu de l’accord

Ex : le nombre de réunions en visioconférence qui n’est pas limité

Ex: à qui revient la décision d’y recourir (cela peut être une décision conjointe du chef d’entreprise et du secrétaire du comité)

L’exproprié ne peut pas être indemnisé de la plus-value née de la revente ultérieure du bien

Par un arrêt en date du 26 mai 2020, la Cour d’appel de Lyon a fixé les indemnités revenant aux propriétaires expropriés, au profit de la société publique local Territoire d’innovation, de plusieurs parcelles leur appartenant.

Seulement, les biens objet de l’expropriation ont été revendus pour un projet déclaré d’utilité publique et, ce faisant, l’autorité expropriante a fait une plus-value. Les expropriés réclamaient une indemnisation de la plus-value.

Les expropriés ont exercé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt au sujet de la fixation de l’indemnité principale d’expropriation et de l’indemnité de remploi.

Selon les requérants, le juge de l’expropriation doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux, conformément à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Concrètement, il est reproché à la Cour d’avoir refusé, par principe de procéder à un contrôle concret de proportionnalité et de tenir compte, dans le calcul du montant de l’indemnité d’expropriation, de la plus-value considérable que l’expropriant s’était d’ores et déjà assuré de réaliser en revendant immédiatement les parcelles aux conditions du marché.

En réponse à ce moyen, la Cour de cassation a considéré que :

« La Cour d’appel, devant qui il n’était pas contesté que les biens expropriés avaient été revendus pour la réalisation du projet déclaré d’utilité publique, a retenu, d’une part, que la plus-value, que devaient générer ces ventes en raison de l’opération d’utilité publique conduite par l’expropriant, n’avait pas à être prise en compte pour déterminer l’indemnité réparant la dépossession, ce dont il résultait que l’indemnité de « privation de plus-value » revendiquée par les expropriés n’était pas en lien direct avec le préjudice résultant de la dépossession, qui seul pouvait être indemnisé par le juge de l’expropriation, d’autre part, que l’indemnisation était en rapport avec la valeur du bien exproprié, enfin, que la valorisation de leurs biens avait été faite sur la base d’éléments de comparaison sur des biens comparables.

Dès lors, elle n’était pas tenue de procéder à un contrôle inopérant relatif à l’atteinte disproportionnée au droit au respect des biens des consorts, qui résulterait de la plus-value bénéficiant à l’expropriant lors de la revente des parcelles ».

Cette décision n’est pas surprenante car est conforme à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, aux termes de laquelle il a considéré que la hausse de la valeur vénale d’un bien qui avait fait l’objet d’une expropriation n’a pas vocation à être prise en compte dans le calcul de l’indemnité revenant au propriétaire exproprié, et ce, alors même que l’expropriant entendait vendre le bien à un prix déjà déterminé et comprenant cette hausse (C.Constit., Décision QPC n° 2021-915, 11 juin 2021).

Impossibilité pour l’exproprié de renoncer à son droit de rétrocession tant que les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas réunies

Un propriétaire d’un terrain a été exproprié par le Département de la Réunion au profit de la Société dionysienne d’aménagement et de construction (SODIAC), par ordonnance du juge de l’expropriation le 9 septembre 2004.

Mais le terrain n’ayant pas reçu la destination prévue par l’acte déclaratif d’utilité publique, l’ancien propriétaire a assigné la commune puis la SODIAC et la société Icade promotion devant le Tribunal de grande instance. Le requérant alléguait notamment que la rétrocession de son bien étant devenue impossible, ses préjudices devaient être indemnisés.

En appel, la Cour d’appel de Saint-Denis a, le 19 mai 2020, estimé que l’ancien propriétaire était fondé à réclamer la rétrocession de la parcelle expropriée.

La SODIAC a alors exercé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt en soulevant le moyen selon lequel le propriétaire avait renoncé à son droit de rétrocession et qu’il ne pouvait l’exercer que lorsque le transfert de propriété est prononcé.

Or, selon la Cour de cassation, et après avoir rappelé l’article L. 421-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :

« L’exproprié peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, une fois celui-ci acquis.

Ce droit ne peut être acquis tant que les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas réunies, soit cinq ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant même l’expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique ».

Partant, la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel avait, à bon droit, jugé que le propriétaire n’avait pu valablement renoncer à son droit de rétrocession dans une convention conclue en 2007 avec l’expropriant, dès lors que son droit de rétrocession n’était pas encore né à cette date.

Concrètement, un exproprié ne peut donc valablement renoncer à son droit de rétrocession par une convention conclue (par exemple, dans un traité d’adhésion à l’ordonnance d’expropriation ou dans l’acte de vente conclu postérieurement à la DUP) avant que ce droit ne soit né.

La Commission européenne poursuit son travail sur la gestion des capacités ferroviaires transfrontières

Après avoir lancé un appel à contributions du 8 mars au 5 avril 2022, la Commission européenne a désormais ouvert une période de consultation publique (sous forme de questionnaire) du 30 mars 2022 au 22 juin 2022 à propos de l’amélioration de la gestion des capacités ferroviaires au niveau européen. En effet, l’optimisation de l’utilisation des infrastructures ferroviaires constitue un levier essentiel pour développer le trafic transfrontalier de passagers et de marchandises.

Lors de la phase d’appel à contributions en vue d’élaborer une analyse d’impact, la Commission européenne a reçu 67 avis. Parallèlement, une étude externe à l’appui de l’analyse d’impact a été lancée au cours du premier trimestre 2022. En outre, les résultats de la consultation publique seront résumés dans un rapport qui sera rendu disponible en ligne sur le site web de la Commission.

Parmi les dysfonctionnements constatés, la Commission pointe notamment : une gestion inefficace des capacités sur le réseau existant, des manquements en matière de coordination transfrontière pour la gestion des capacités d’infrastructure et du trafic, un déploiement et une utilisation insuffisants des outils numériques, une coopération insuffisante entre les parties prenantes opérationnelles ou, encore, une transparence insuffisante en ce qui concerne la performance des services d’infrastructure et de transport de fret. Elle pointe également le nombre insuffisant d’infrastructures ferroviaires ou leur mauvais état, ainsi que le manque d’interopérabilité technique et opérationnelle des systèmes ferroviaires nationaux (non couverts par l’initiative de la Commission).

Les principaux domaines d’intervention identifiés sont les suivants :

  • La gestion des capacités ferroviaires : planification des investissements, gestion des actifs, définition des horaires notamment ;
  • Gestion du trafic et des aléas : gestion en temps réel du trafic ferroviaire, tant en situation normale que perturbée ;
  • Intégration accrue du transport de fret ferroviaire dans les chaînes logistiques multimodales ;
  • Suivi et gestion des performances au cours de la phase post-opérationnelle ;
  • Conditions d’utilisation des infrastructures, fournitures d’informations et surveillance règlementaire.

Pour traiter ces sujets, la Commission envisage différentes options, dont le niveau d’ambition est distinct :

  • Option 1, « statut quo »: le cadre juridique est affiné – mais pas bouleversé. Il s’agit de clarifier et développer les outils en vigueur (tels que corridors européens et guichets uniques), améliorer la cohérence avec d’autres instruments de la législation de l’UE (par exemple interopérabilité et sécurité ferroviaires), et de développer par ailleurs des initiatives sectorielles ;
  • Option 2, « ambitieuse »: les règles sont globalement modernisées et harmonisées, des procédures et outils sont développés pour le trafic de fret et de passagers tels que la planification prospective et pluriannuelle de l’utilisation des capacités ferroviaires pour les différents segments de trafic, des procédures de répartition des capacités plus souples et un recours accru aux outils numériques notamment, des mécanismes d’incitation supplémentaires liés aux performances ;
  • Option 3, « intégrée »: renforcement de la centralisation des fonctions décisionnelles et opérationnelles à l’échelon européen. Il s’agit ici de prévoir, en plus des mesures de l’option 2, une gouvernance et un organe opérationnel au niveau du réseau centralisant certaines fonctions décisionnelles et opérationnelles. Cela pourrait avoir lieu via la création d’entités spécialisées à l’échelle européenne ou le renforcement des compétences d’exécution de la Commission européenne.

L’analyse d’impact doit permettre d’évaluer ces différentes options.

Ces démarches doivent aboutir à l’adoption d’un Règlement européen pour le quatrième trimestre 2022 ou début 2023.

PAVE et récupération des charges de gardiennage auprès des locataires

De plus en plus de communes implantent des points d’apport volontaires enterrées (PAVE) qui sont des conteneurs enterrés destinés à recevoir les ordures ménagères et autres déchets, notamment à recycler.

Les ordures sont ainsi apportées volontairement par les locataires et collectés plus facilement par les entreprises de ramassage d’ordures.

Les charges de gardiennage sont récupérables auprès des locataires à hauteur de 40 % lorsque les gardiens effectuent l’élimination des rejets et de 75 % lorsqu’ils assurent également l’entretien des parties communes.

Or en présence de PAVE, se pose la question du taux de récupération des gardiens qui n’auraient plus à s’occuper de l’élimination des ordures ménagères.

En réponse à cette question, le ministère du Logement fait savoir que :

« La mise en place des PAVE a pour effet, lorsque le gardien ou le concierge était en charge de l’élimination des déchets, de le décharger de cette tâche ; elle est donc susceptible d’avoir des incidences sur le taux de récupération applicable. Il convient toutefois de relever que la jurisprudence ne limite pas l’élimination des rejets aux seuls déchets ménagers (s’agissant notamment des frais de détartrage des colonnes de chutes, des branchements d’eaux usées et d’eaux-vannes et des frais de curage des collecteurs extérieurs : Cass. Civ., 3ème, 6 décembre 1995, n° 93-17.250, Bull. civ. III, 1995, n° 251). Les PAVE ne doivent donc pas, à eux seuls, amener à considérer qu’il a été mis fin à la mission d’élimination des rejets du gardien ou concierge ; une appréciation au cas par cas doit être réalisée ».

La présence de PAVE n’exclut donc pas une récupérabilité des charges de gardiennage au titre de sa mission d’élimination des rejets, à condition que le bailleur justifie dument les tâches accomplies par le gardien.

Dans un souci de sécurité juridique, il pourra être privilégié la mise en place d’un accord collectif prévoyant le taux de récupération des charges de gardiennage à appliquer, sur le fondement des articles 41 et suivants de la loi du 23 décembre 1986.

Le mécénat de compétences, désormais ouvert au secteur public à travers la mise à disposition de fonctionnaires

Le mécénat de compétences peut être défini comme un don en nature : une société met à disposition d’un organisme d’intérêt général un ou plusieurs de ses salariés, qui seront rémunérés pour mettre à la disposition de cet organisme, leurs compétences et capacité de travail.

Il est régi par la loi Aillagon de 2003 et ne s’applique pas aux personnes publiques. 

C’est la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS », qui a finalement permis d’élargir les possibilités de mise à disposition de fonctionnaires auprès d’associations et fondations dans le cadre du mécénat de compétences.

  • Quels fonctionnaires concernés ?

Son article 209 dispose que pourront être mis à la disposition d’organismes privés d’intérêt général et associations reconnues d’utilité publique :

    • les fonctionnaires de l’Etat ;
    • les fonctionnaires de départements ;
    • les fonctionnaires de régions ;
    • les fonctionnaires d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
    • les fonctionnaires de communes de plus de 3.500 habitants.
  • Pour quelle durée ?

Cette mise à disposition ne pourra excéder une durée de 18 mois, renouvelable dans la limite d’une durée de 3 ans 

  • Sous quelles conditions et modalités ?

La hiérarchie du fonctionnaire devra préalablement apprécier la comptabilité de l’activité envisagée du fonctionnaire.

Ce type de mécénat spécifique ne donne pas automatiquement lieu à remboursement par l’organisme d’accueil. En cas d’absence de remboursement de cette mise à disposition, celle-ci sera considérée comme une subvention.

Chaque année, un état des fonctionnaires mis à disposition devra être établi à la fois par les structures publiques mais également par les structures bénéficiaires.

Cet état sera annexé au budget et communiqué à l’assemblée délibérante avant l’examen du budget de la personne publique.

Les modalités seront précisées par décret en Conseil d’Etat, qui permettra aux organismes d’intérêt général de bénéficier d’une telle mise à disposition de fonctionnaires pour une durée expérimentale de 5 ans.

L’affaire des « Serpents » de Jeff Koons

Jeff Koons, est l’un des artistes américains d’œuvres kitsch les plus chers du monde, dont l’une des fameuses sculptures a été vendue à plus de 91 millions de dollars en 2019.

Mais dans les années 80-90, l’artiste n’était pas aussi célèbre qu’aujourd’hui.

C’est lors d’une vente aux enchères douanière en 1991, qu’un collectionneur italien acquiert pour quelques centaines d’euros seulement, une œuvre représentant deux serpents portant chacun un nœud papillon vert, de style « cartoon », sur laquelle était simplement inscrite la mention « Jeff Koons, Serpents ».

Ce collectionneur indique, afin de la revendre aux enchères, avoir sollicité de l’artiste un certificat d’authenticité quelques années plus tard, tout en refusant de reconnaitre la sculpture comme une œuvre authentique mais un simple prototype qui devait être détruit.

Le litige a été jugé en première instance par le Tribunal de Milan qui a considéré qu’il s’agissait d’une œuvre authentique de l’artiste.

Ce dernier a fait appel devant la Cour d’appel de Milan qui a confirmé en octobre 2021 la position des juges de première instance.

L’artiste aurait formé un pourvoi devant la Cour suprême de cassation italienne…

Une nouvelle occasion pour la Cour de cassation de préciser la qualité requise de l’auteur du délit de détournement de fonds publics et de rappeler les contours du principe Non Bis in idem

Par un arrêt en date 16 mars 2022, la Cour de cassation est venue préciser, d’une part, la qualité et les prérogatives qui doivent incomber à la personne poursuivie du chef de détournement de fonds publics, tel qu’entendu par l’article 432-15 du Code pénal, et rappelle, d’autre part, les contours du principe non bis in idem.

En l’espèce, la directrice de cabinet du maire d’une commune était poursuivie devant le Tribunal correctionnel pour avoir, en qualité de personne chargée d’une mission de service public, mis en paiement, accepté et transmis aux services payeurs de la collectivité, dans le cadre de ses fonctions, six factures d’une société pour des prestations non réalisées ou non prévues au contrat liant cette dernière à la ville.

Le maire de la commune était, quant à lui, renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour complicité de détournement de fonds publics pour avoir organisé des rendez-vous ou des réunions et avoir donné des instructions à ce sujet.  

Par jugement du 20 novembre 2017, le Tribunal correctionnel déclarait coupable la directrice de cabinet du maire des faits de détournement de fonds publics et d’usage de faux et le maire de complicité de détournement de fonds publics.

La juridiction d’appel confirmait le jugement en déclarant notamment que, si la signature des factures litigieuses était le fait de plusieurs signataires, le rôle de la directrice de cabinet du Maire a été déterminant via les instructions et les informations communiquées aux différents intervenants.

Saisie du litige, la Cour de cassation se prononce, à l’occasion de cet arrêt, sur deux sujets distincts :

  • Sur le principe non bis in idem, il était reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la prévenue à la fois coupable d’usage de faux et de détournement de fonds publics à raison du même fait, à savoir son implication dans la signature et la transmission au service comptable pour mise en paiement des six factures litigieuses.

Dans son arrêt, la Cour de cassation écarte la violation du principe non bis in idem au motif qu’aucune de ces infractions n’est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l’autre, suivant les dispositions qui les prévoient.

A ce titre, la Cour de cassation considère ainsi que le principe selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits ne trouve pas à s’appliquer, en l’espèce, puisque les deux délits ne procèdent pas d’une même action.

  • Sur la qualité et les prérogatives de l’auteur du délit de détournement de fonds publics, l’arrêt de la Cour d’appel était attaqué en ce qu’il s’était contenté de relever le rôle déterminant de la directrice de cabinet du maire dans la validation des factures, sans constater l’existence d’une délégation de signature du maire au profit de l’intéressée.

La Cour de cassation casse la décision d’appel en rappelant qu’en effet, les fonctions de directrice de cabinet du maire ne supposent pas, par elles-mêmes, que les fonds de la commune soient remis à l’intéressée au sens de l’article 432-15 du Code pénal.

La juridiction d’appel aurait donc dû rechercher si, au moment de la commission des faits de détournements de fonds publics, la directrice de cabinet disposait d’une délégation du maire, ordonnateur de la commune, lui permettant de mettre les factures en paiement, sauf à requalifier les faits – notamment en trafic d’influence ou corruption.

Cet arrêt rappelle ainsi, d’une part, que le principe non bis in idem ne trouve pas à s’appliquer lorsque deux qualifications pénales se fondent sur des éléments constitutifs différents ; dans un tel cas, il est de fait question d’actions distinctes, pouvant donner lieu à deux déclarations de culpabilité.

D’autre part, s’agissant de l’imputation du délit de détournement de fonds publics, le fait que la remise des fonds ait été induite par « les fonctions ou la mission » de la personne chargée d’une mission de service public ne peut être appréciée qu’au regard d’une circonstance de droit, à l’instar d’une délégation de signature.

Précisions sur le recouvrement de la taxe d’aménagement en cas de pluralité de bénéficiaires et de division du terrain

Par une décision en date 17 mars dernier, le Conseil d’Etat a précisé que, lorsqu’un permis de construire a été délivré à plusieurs personnes physiques ou morales, chacun d’entre eux est redevable de l’intégralité de la taxe d’aménagement prévue aux dispositions de L. 331-6 du Code de l’urbanisme et l’administration compétente peut la mettre à la charge soit de l’un quelconque des bénéficiaires du permis, soit de chacun de ces bénéficiaires si le montant cumulé correspondant aux différents titres de perception émis n’excède pas celui de la taxe due à raison de la délivrance du permis.

Dans cette affaire, le Maire de la commune de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) a délivré à Monsieur et Madame M., Monsieur et Madame R. et A. K. et Monsieur et Madame F. et T. L. un même permis de construire pour étendre des constructions individuelles. L’unité départementale de la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEAT) de l’Ile-de-France a informé Monsieur M. du montant de la taxe d’aménagement. Ce dernier lui a alors adressé deux chèques correspondant aux sommes dues par Monsieur et Madame K. et par lui-même, en précisant que le reste était à la charge de Monsieur et Madame L. En réponse, la DRIEAT de l’Ile de France a indiqué à Monsieur M. à qu’il restait débiteur de ce solde, pour un montant de 2,122 euros, à charge pour lui de se retourner contre les autres titulaires du permis.

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi de ce litige, a fait droit de la demande de Monsieur et Madame M. d’être déchargés de cette dette dès lors que le terrain avait fait l’objet d’une division avant la demande de permis de construire.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’État, saisi par la Ministre de la transition écologique, a été amené à se prononcer sur l’opposition de la taxe d’aménagement lorsqu’un permis de construire a été délivré à plusieurs personnes physiques ou morales, en particulier lorsque le terrain a fait l’objet d’une division avant la demande de permis de construire et que l’administration dispose de la répartition des surfaces de plancher entre les bénéficiaires.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article L. 331-6 du Code de l’urbanisme prévoient que :

 » Les […] opérations de construction […] soumises à un régime d’autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d’une taxe d’aménagement, sous réserve des dispositions des articles L. 331-7 à L. 331-9. / Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article […]. / Le fait générateur de la taxe est […] la date de délivrance de l’autorisation de construire […] « .

Il a, également, rappelé que les dispositions de l’article L. 331-24 du même Code prévoient que :

 » La taxe d’aménagement et la pénalité dont elle peut être assortie en vertu de l’article L. 331-23 sont recouvrées par les comptables publics compétents comme des créances étrangères à l’impôt et au domaine. / Le recouvrement de la taxe fait l’objet de l’émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l’émission d’un titre unique lorsque le montant n’excède pas 1 500 euros […] « .

Ainsi, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que chacun des bénéficiaires du permis de construire était redevable de l’intégralité de la taxe d’aménagement et l’administration compétente pouvait la mettre à la charge soit de l’un quelconque des bénéficiaires du permis, soit de chacun de ces bénéficiaires si le montant cumulé correspondant aux différents titres de perception émis n’excède pas celui de la taxe due à raison de la délivrance du permis.

Il a, ensuite, précisé que les circonstances que le terrain ait fait l’objet d’une division avant la demande de permis de construire et que l’administration dispose de la répartition des surfaces de plancher entre les bénéficiaires ne sont pas de nature à priver l’administration de cette faculté.

Par suite, le Conseil d’Etat a annulé le jugement rendu par Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de réglé l’affaire au fond en jugeant que Monsieur et Madame M. étaient, comme les autres titulaires de ce permis, redevables de l’intégralité de la taxe d’aménagement due à raison des constructions autorisées, sans préjudice de la possibilité de réclamer aux autres bénéficiaires du permis de construire le reversement de la part de la taxe correspondant aux constructions leur appartenant.