La notion d’unanimité des associés précisée pour la première fois par la Cour de cassation

L’associé d’une société civile immobilière (SCI) a sollicité l’annulation d’une assemblée générale du 24 juillet 2015, portant sur l’approbation des comptes de divers exercices, l’affectation des résultats et la rémunération de l’administrateur provisoire, pour non-respect de la règle de l’unanimité des associés.

En l’espèce, au cours de cette assemblée générale, les décisions avaient été prises à l’unanimité des associés présents, représentant 75 % des parts de la société.

Les juges de première instance ont d’abord constaté la nullité de la convocation à l’assemblée générale faisant l’objet du litige, et constaté que la règle d’unanimité n’avait effectivement pas été respectée (Tribunal de grande instance Pointe-à-Pitre, décision du 22 février 2018).

A la suite de l’appel interjeté par la SCI le 9 avril 2018, la Cour d’appel a considéré que la règle portant sur l’unanimité des associés n’avait pas été respectée.  

La SCI a alors formé un pourvoi en cassation, que la Cour a rejeté dans sa décision du 5 janvier 2022, puisqu’elle a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

***

Selon l’article 1852 du Code civil, en l’absence de disposition particulière des statuts, toute décision excédant les pouvoirs reconnus aux gérants, incluant l’approbation des comptes, doit être prise « à l’unanimité des associés ».

La question portait principalement sur la question de savoir ce que constituait la notion d’unanimité des associés.

D’un côté, la SCI considérait que cette notion devait s’entendre par l’unanimité des associés présents ou représentés lors de l’assemblée générale.

De son côté, l’associé ayant demandé l’annulation de l’assemblée générale litigieuse, avançait que l’unanimité s’entendait de la totalité des associés de la société détenant l’ensemble des parts sociales. La Cour de cassation est d’ailleurs venue confirmer cette dernière acception de la notion d’unanimité des associés.

Cette solution avait déjà été énoncée par une Cour d’appel concernant une assemblée générale d’une société ayant voté la transformation d’une société anonyme en société par actions simplifiée (CA de Versailles, 24 février 2005, n° 03/07294). 

Cette décision semble par conséquent transposable aux autres types de société, et pas seulement aux SCI.

Il convient donc d’être attentif en cas d’absence ou de non-représentation de l’un des associés lors d’une telle assemblée générale, soit en obtenant le consentement préalable de cet associé, soit en opérant les modifications statutaires nécessaires pour déroger à cette règle de principe.

L’ordonnance n° 2021-1658 du 15 décembre 2021 concerne la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs non-salariés ni agents publics accueillis par une personne morale réalisant de la recherche.

Elle vient préciser les contours de la règlementation relatives aux droits de propriété intellectuelle applicable aux logiciels et leur documentation (nouvel article L. 113-9-1 du Code de propriété intellectuelle inséré), ainsi qu’aux brevets d’invention (nouvel article L. 611-7-1 du même Code inséré).

Ces nouvelles dispositions insérées par l’ordonnance du 15 décembre 2021 sont entrées en vigueur le 17 décembre 2021.

Le Code de la propriété intellectuelle qui attribue en principe les droits d’auteur au créateur et les droits de propriété industrielle au premier déposant nuance ces principes pour les salariés/agents publics, et désormais également pour les inventeurs non-salariés ni agents publics accueillis par une personne morale réalisant de la recherche.

I. Pour rappel, il existe différents cas de figure pour les salariés

A. Concernant les logiciels (article L. 113-9 du Code de propriété intellectuelle)

S’ils sont créés dans l’exercice de leurs fonctions, ou d’après les instructions de l’employeurs, les droits de propriété intellectuelle sont dévolus automatiquement à l’employeur.

B. Concernant les inventions brevetées (article L. 611-7 du Code de propriété intellectuelle) 

Situation 1 : le salarié exécute un contrat comportant une mission inventive inhérente à ses fonctions, ou une mission inventive explicite et occasionnelle :

  • Dans ce cas, l’employeur est seul propriétaire de l’invention.

Situation 2 : l’invention n’est pas réalisée par le salarié dans le cadre de ses fonctions mais présente un lien avec l’employeur (soit par le domaine ou grâce aux moyens mis à sa disposition par l’employeur) :

  • Dans ce cas, l’employeur peut se faire attribuer la propriété de l’invention ou bénéficier d’une licence d’exploitation.

Situation 3 : l’invention est réalisée en dehors des missions confiées par l’employeur et ne présente aucun lien avec lui :

  • Dans ce cas, le salarié est seul propriétaire de l’invention.

Jusqu’ici, ces dispositions excluaient certaines personnes notamment les stagiaires, pour lesquels la jurisprudence a eu l’occasion de considérer que les dispositions générales (c’est-à-dire que la propriété appartenait à l’inventeur) s’appliquaient[1].

II. Concernant les nouvelles dispositions applicables aux non-salariés ni agents publics

Désormais, les nouvelles dispositions susmentionnées et créées par l’ordonnance du 15 décembre 2021 viennent compléter les dispositions L. 113-9 et L. 611-7 du Code de propriété intellectuelle applicables aux salariés.

Désormais le sort des droits de propriété intellectuelle sur les logiciels et brevets d’invention pour toutes les personnes non salariées accueillies dans le cadre d’une convention par une société de droit privé ou public réalisant de la recherche, c’est-à-dire en pratique les stagiaires ou encore les doctorants étrangers, est fixé.

A. Concernant les logiciels (article L. 113-9-1 du Code de propriété intellectuelle)

Ils cèdent automatiquement leurs droits patrimoniaux à leur structure d’accueil, si ces logiciels ou brevets d’invention sont créés dans l’exercice de leurs missions, ou d’après les instructions de la structure d’accueil.

Une contrepartie est mentionnée sans que sa nature et/ou son montant soit précisé. Elle pourrait se traduire par une indemnisation financière ou par une contrepartie matérielle.

B. Concernant les inventions brevetées (article L. 611-7-1 du Code de propriété intellectuelle) 

Dans le même sens que pour le salarié, les inventions réalisées dans le cadre de la convention qui comporte une mission inventive appartiennent à la structure d’accueil.

Dans ce cas, l’inventeur est informé du dépôt d’une demande de titre de propriété industrielle et de la délivrance du titre le cas échéant.

Les inventions réalisées dans l’exercice de ses missions, liées au domaine d’activité de la structure d’accueil, ou encore grâce aux moyens ou connaissances de cette structure appartiennent à l’inventeur.

Pour autant, durée la durée de son accueil, la structure peut se faire attribuer la propriété ou la jouissance des droits attachés au brevet protégeant l’invention.

Dans ces deux cas, la structure d’accueil a l’obligation de verser une contrepartie financière à l’inventeur.

Enfin, les inventions réalisées en dehors de ces situations appartiennent à l’inventeur. 

En cas de contestation portant sur l’application des articles L. 611-7 et L. 611-7-1, le litige sera soumis à une commission paritaire de conciliation, présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire (article L. 615-21 du Code de propriété intellectuelle).

 

[1] CE 22 févr. 2010, n° 320319

Disparition de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée et nouvelles mesures en faveur de l’activité professionnelle indépendante

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante, modifie le statut de l’entrepreneur individuel afin de renforcer sa protection et de simplifier le transfert de son patrimoine professionnel.

Elle modifie en conséquence les Codes de commerce, des procédures civiles d’exécution et de la consommation afin d’adapter leurs dispositions concernant les procédures collectives, les procédures civiles d’exécution et le surendettement.

Ce texte s’inscrit dans le plan en faveur des indépendants annoncé par le Président de la République le 16 septembre 2021.

A travers cette loi, le législateur a pour objectif principal la protection de l’entrepreneur individuel. Dans ce cadre, il a revu en profondeur le statut d’EI (Entreprise individuelle) et a mis fin au statut d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL).

Mais il ne s’agit pas là des seules mesures prévues.

 

I. La disparition de l’EIRL

L’EI proposait un fonctionnement simple. Sur le plan financier, on la distinguait de l’EIRL car elle ne séparait pas les biens personnels des biens affectés à l’exploitation. En conséquence, les biens personnels pouvaient faire l’objet de poursuites par le créancier professionnel resté impayé. Seule la résidence principale de l’entrepreneur pouvait être protégée en la rendant insaisissable.

Cette nouvelle loi a en quelque sorte fusionné l’EI et l’EIRL pour créer un nouveau statut unique.

Ce nouveau statut propose notamment une séparation du patrimoine personnel et professionnel de l’EI : la protection des biens personnels devient automatique.

Avec l’apparition de ce statut, il ne reste plus aucune raison pour l’entrepreneur d’opter pour l’EIRL. En conséquence, la loi organise la disparition progressive de l’EIRL.  

Les principaux avantages de ce statut étant repris dans le nouveau statut d’entrepreneur individuel, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), institué par une loi du 15 juin 2010, cessera progressivement de s’appliquer.

Aucune nouvelle EIRL ne pourra être créée, après la promulgation de la loi, soit après le 15 février. Pour les entreprises déjà créées avant la réforme, le régime de l’EIRL continue toutefois à s’appliquer.

En revanche, la dissociation des patrimoines ne s’appliquera qu’aux nouvelles créances.

Ainsi :

  • si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est un entrepreneur individuel, autrement dit une personne physique qui exerce déjà une activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation n’est pas maintenue (car le bénéficiaire ne peut plus opter pour le régime de l’EIRL). En effet, à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, nul ne peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel en application du régime de l’EIRL.
  • en revanche, si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est une personne physique qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation est maintenue, car le bénéficiaire devient alors entrepreneur individuel sous le régime de l’EIRL à la place du cédant. 

Enfin, à partir du 15 août 2022, en cas de décès de l’entrepreneur, les héritiers ne pourront plus poursuivre l’activité professionnelle.

 

II. La création d’un nouveau statut de l’entrepreneur individuel

L’article 1er de la loi, qui en est la mesure phare, insère deux nouvelles sections dans le Code de commerce :

  • l’une, intitulée « Du statut de l’entrepreneur individuel », comprenant cinq nouveaux articles (Code du commerce, art. L. 526-22 à L. 526-26) et dont l’objet est d’offrir une protection, de plein droit, à l’ensemble du patrimoine personnel d’un indépendant vis-à-vis de ses créanciers professionnels ;
  • l’autre, intitulée « Du transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel », comprenant cinq nouveaux articles (Code du commerce, art. L. 526-27 à L. 526‑31) et dont l’objet est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou sa mise en société.

Ainsi, le nouvel article L. 526-22 du Code de commerce définit de manière large et générale l’entrepreneur individuel comme « une personne physique qui exerce en nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ».

Cette formulation recouvre donc les commerçants, artisans, agriculteurs et tous les autres professionnels indépendants, qu’ils relèvent ou nom d’une profession réglementée.

Ce même article opère ensuite une distinction entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, faisant de cette dissociation des patrimoines le cœur même du nouveau statut.

Dorénavant, le patrimoine de l’entrepreneur individuel sera scindé en 2 :

  • un patrimoine professionnel : il est composé des biens, droits, obligations et sûretés utiles à son activité ;
  • un patrimoine personnel : il s’agit des autres biens de l’entrepreneur.

Le créancier professionnel ne pourra pas agir sur les biens personnels de l’entrepreneur.

Ainsi, il ne sera pas possible pour le créancier professionnel de saisir un bien de l’entrepreneur autre qu’un bien affecté à son patrimoine professionnel. L’entrepreneur aura donc une meilleure protection face aux créanciers professionnels en cas de difficultés financières liées à son activité.

Cette nouvelle mesure ne s’appliquera qu’aux nouvelles créances contractées par l’entrepreneur dès le 15 mai prochain.

En principe, l’entrepreneur ne pourra pas se porter caution pour garantir une dette professionnelle. Toutefois, si l’entrepreneur le souhaite, il peut volontairement se porter caution en renonçant de manière explicite à sa protection.

La séparation du patrimoine sera automatique : aucune formalité ne sera nécessaire. Il est possible de renoncer à cette séparation patrimoniale pour un engagement spécifique.

Toutefois, il existe des exceptions.

En cas de décès de l’entrepreneur individuel, si l’état de cessation des paiements est avéré à la date du décès, la procédure collective n’impactera que le patrimoine professionnel (dualité patrimoniale maintenue). À défaut, le droit commun des successions s’applique avec pour effet la réunion des deux patrimoines.

L’administration fiscale pourra saisir l’ensemble des biens de l’entrepreneur individuel pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux (sauf en cas d’option pour l’impôt sur les sociétés) et la taxe foncière. En revanche, les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales ne relèveraient que du patrimoine professionnel.

 

III. Les autres mesures

1. L’article 1er de la loi facilite la transmission de l’entreprise individuelle et son passage en société en vue de faire évoluer l’activité.

Il prévoit ainsi que l’entrepreneur individuel peut vendre, donner ou apporter en société l’intégralité ou une partie seulement de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. Il est précisé, en effet, que, l’entrepreneur individuel peut ne transférer que certains des éléments de son patrimoine professionnel pris isolément, dans les conditions du droit commun ou droit spécial prévues pour les éléments objets du transfert.

L’article 2 du même texte prévoit la transmission de tous les droits et obligations découlant du bail commercial au bénéficiaire du transfert de patrimoine professionnel.

Parallèlement, l’article L. 145-16 du Code de commerce prévoit désormais que seront également réputées non écrites, quelle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail commercial au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel.

2. Créé par loi « avenir professionnel » de 2018, l’assurance chômage des indépendants – ou allocation des travailleurs indépendants (ATI) – permet depuis le 1er novembre 2019, aux travailleurs non-salariés dont l’activité a cessé de bénéficier d’une allocation de 800 € par mois pendant 6 mois, sous réserver d’avoir exercé cette activité en continu pendant 2 ans, qu’elle ait cessé pour liquidation ou redressement judiciaire, d’avoir généré 10.000 € de revenus par an en moyenne et de disposer, à titre personnel, de ressources inférieures au montant du RSA.

Afin de faciliter la reconversion des travailleurs indépendants, la loi élargit les conditions d’accès de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) aux indépendants qui arrêtent définitivement leur activité devenue non viable. Cette allocation, de 800 euros par mois, a été créée en 2018 pour les seuls ex-entrepreneurs indépendants en redressement ou en liquidation judiciaire.

Dans ce nouveau cadre, l’ATI sera toujours de 800 euros par mois, sauf pour les indépendants qui auraient eu des revenus inférieurs sur les deux dernières années. Elle ne pourra être inférieure à un certain montant fixé par décret qui, selon le Gouvernement, pourrait être fixé à 600 euros mensuels.

3. Afin de sécuriser la situation des gérants de SARL, la loi rend désormais possible l’effacement des dettes professionnelles dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers.

Il permet ainsi que les dettes professionnelles d’une personne soient prises en compte, en même temps que ses autres dettes, pour l’appréciation de sa situation de surendettement ouvrant droit à l’ouverture d’une procédure de traitement du surendettement des particuliers.

 

IV. La disparition de l’EIRL

L’EI proposait un fonctionnement simple. Sur le plan financier, on la distinguait de l’EIRL car elle ne séparait pas les biens personnels des biens affectés à l’exploitation. En conséquence, les biens personnels pouvaient faire l’objet de poursuites par le créancier professionnel resté impayé. Seule la résidence principale de l’entrepreneur pouvait être protégée en la rendant insaisissable.

Cette nouvelle loi a en quelque sorte fusionné l’EI et l’EIRL pour créer un nouveau statut unique.

Ce nouveau statut propose notamment une séparation du patrimoine personnel et professionnel de l’EI : la protection des biens personnels devient automatique.

 Avec l’apparition de ce statut, il ne reste plus aucune raison pour l’entrepreneur d’opter pour l’EIRL. En conséquence, la loi organise la disparition progressive de l’EIRL.  

Les principaux avantages de ce statut étant repris dans le nouveau statut d’entrepreneur individuel, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), institué par une loi du 15 juin 2010, cessera progressivement de s’appliquer.

Aucune nouvelle EIRL ne pourra être créée, après la promulgation de la loi, soit après le 15 février. Pour les entreprises déjà créées avant la réforme, le régime de l’EIRL continue toutefois à s’appliquer.

En revanche, la dissociation des patrimoines ne s’appliquera qu’aux nouvelles créances.

Ainsi :

  • si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est un entrepreneur individuel, autrement dit une personne physique qui exerce déjà une activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation n’est pas maintenue (car le bénéficiaire ne peut plus opter pour le régime de l’EIRL). En effet, à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, nul ne peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel en application du régime de l’EIRL.
  • en revanche, si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est une personne physique qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation est maintenue, car le bénéficiaire devient alors entrepreneur individuel sous le régime de l’EIRL à la place du cédant. 

Enfin, à partir du 15 août 2022, en cas de décès de l’entrepreneur, les héritiers ne pourront plus poursuivre l’activité professionnelle.

 

Durcissement des critères de compensation à Paris

En application de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, le fait de louer en meublé de manière répétée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile un local à usage d’habitation constitue un changement d’usage soumis à autorisation du maire dans certaines communes.

Ces dernières peuvent par ailleurs, sur le fondement de l’article L. 631-7-1 du même Code, subordonner l’autorisation de changement d’usage à la compensation, soit la transformation concomitante par le demandeur à l’autorisation en local d’habitation d’un local ayant un autre usage.

La ville de Paris a adopté le 15 décembre 2021 un règlement durcissant les conditions de la compensation.

Pour rappel, les locaux proposés en compensation doivent cumulativement :

  • correspondre à la création d’unités de logement, et être de qualité et de surface équivalentes à celles faisant l’objet du changement d’usage, et répondre aux caractéristiques de décence fixées par le décret du 30 janvier 2002 et ne peuvent constituer une extension d’un logement existant,
  • être situés dans le même arrondissement que les locaux objets du changement d’usage.

Les règles relatives à la zone de compensation renforcée, précédemment définie, sont durcies : notamment, pour les locaux situés dans les arrondissements où le nombre de numéros d’enregistrements délivrés par la Ville est supérieur à 50 pour 1000 résidences principales, soit les 11 premiers arrondissements ainsi que le 18ème, les locaux proposés en compensation doivent représenter une surface triple de celle faisant l’objet de la demande de changement d’usage.

Par ailleurs, dans tous les arrondissements de Paris, si des locaux sont transformés et compensés par un même propriétaire en totalité au sein d’une même unité foncière, la surface minimale exigée, au titre de la compensation, correspond à la surface des locaux transformés.

Non application du rapport ou de la réduction aux primes versées sur un contrat d’assurance-vie racheté par son souscripteur

Au décès du souscripteur d’un contrat d’assurance-vie, le capital versé au bénéficiaire n’est pas soumis à rapport ou à réduction et ne rentre pas dans l’actif successoral, à moins que les primes versées ne soient manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur en vertu de l’article L. 132-13 du Code des assurances.

A l’occasion d’un litige entre la seconde femme du défunt, souscripteur d’un contrat d’assurance-vie, et sa fille née d’une précédente union, la Cour de cassation précise que cet article ne s’applique pas aux primes versées sur un contrat d’assurance sur la vie racheté par son souscripteur.

La réforme du délit de prise illégale d’intérêts

L’article 15 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a opéré une modification de l’élément matériel du délit de prise illégale d’intérêts relative à la définition de l’intérêt prohibé.

  1. Rappelons que, dans sa version qu’il faut aujourd’hui qualifier d’ancienne, l’article 432-12 du Code pénal sanctionnait « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

La constitution du délit de prise illégale d’intérêts supposait ainsi en substance la réunion de quatre éléments :

  • La qualité de l’auteur, qui ne peut être que personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif ;
  • Le fait pour cette personne d’exercer un pouvoir de surveillance, de liquidation ou de paiement dans une entreprise ou une opération ;
  • L’existence concomitante d’un intérêt – qualifié de quelconque – dans cette entreprise ou opération ;
  • Une action commise sciemment.

C’est la condition tenant à l’existence d’un intérêt dans l’entreprise ou l’opération que la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a précisé en imposant désormais que cet intérêt soit « de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité » de son détenteur, exerçant par ailleurs un pouvoir de surveillance de l’opération concernée.  

Parce qu’il qualifie l’intérêt prohibé, ce nouveau texte – contemporain de la Loi 3DS qui elle-même introduit plusieurs dispositifs d’exemption dans le cas de conflit d’intérêts public / public[1] – semble donc bien restreindre le champ du délit de prise illégale d’intérêts, jusque-là largement formulé et appliqué largement par la jurisprudence.

2. Quelle modification ? – Confronté à la pratique, le texte d’incrimination du délit de prise illégale d’intérêt s’est avéré particulièrement large, du fait notamment de la référence à deux notions climatériques très ouvertes, et que la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait fait le choix d’interpréter littéralement.

La notion d’acte de surveillance – qui demeure inchangée – peut ainsi s’entendre d’un pouvoir personnel, mais encore partagé, voire même relever d’un simple pouvoir de préparation de décision, sans y participer soit même[2]. La vote, par la voie d’un pouvoir en blanc, peut également être considéré comme l’exercice d’un pouvoir de surveillance[3].

Mais c’est sur la notion d’intérêt qu’il nous faut aujourd’hui nous attarder, puisqu’elle l’objet de la modification apportée par le Législateur.

Puisque que le texte – ancien – de l’article 432-12 le qualifiait de quelconque, cet intérêt pouvait être de nature privée comme publique, matériel comme moral[4], s’avérer conforme à l’intérêt général[5] ou résulter de fonctions exercées ès qualités[6] – en tant que représentant d’une personne morale par exemple, gratuitement et alors même que cet intérêt serait conforme à l’intérêt général.

La Cour de cassation considérait ainsi que l’intérêt, matériel ou moral, direct ou indirect, pris par des élus municipaux en participant au vote des subventions bénéficiant aux associations qu’ils présidaient, fut-ce ès qualités, entrait dans les prévisions de l’article 432-12 du Code pénal, et ce alors même qu’ils n’en avaient tiré aucun bénéfice et que la collectivité n’avait souffert d’aucun préjudice[7]

Dès 2011, la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique avait appelé de ses vœux la modification de l’article 432-12 du Code pénal, du fait de son champ d’application « potentiellement très large »[8].

Et la nouvelle formulation du délit de prise illégale d’intérêts semble directement inspirée des propositions faites par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP)[9], qui plaidait notamment pour une convergence des conceptions du conflit d’intérêt issues de l’article 432-12 du Code pénal et de la Loi sur la transparence de la vie publique.

Consacrée à l’article 2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013,  la notion de conflit d’intérêt s’entend en effet de « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Dans son dernier rapport, la HATVP relevait en outre que l’article 432-12 du Code pénal, tel qu’appliqué par la jurisprudence, s’articulait difficilement avec les exigences du statut des élus locaux lorsqu’ils siégeaient ès qualités au sein d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), de sociétés d’économie mixte (SEM) ou de sociétés publiques locales (SPL).

C’est peut-être dans ce champ, celui du conflit d’intérêts public / public, que l’impact de la modification du délit de prise illégale d’intérêt pourrait s’apprécier.

3. Pour quels effets ? – Rappelons, à titre d’exemple, que le Code général des collectivités territoriales[10] prévoit la représentation des collectivités territoriales au conseil d’administration ou de surveillance des SEM ou SPL dont elles sont actionnaires.

Ces élus – représentants de la collectivité au sein d’une SEM, d’un EPIC ou d’une SPL – se trouvaient dans la situation de devoir se déporter des décisions de la Collectivité intéressant cette structure – alors même qu’ils y siégeaient pour la représenter.

L’on peut penser que cette modification de l’article 432-12 du Code pénal devrait conduire le Juge pénal à infléchir sa jurisprudence vers une acception plus restrictive du délit de prise illégale d’intérêt, notamment dans de tels cas – conflits d’intérêts publics / publics.

En ce sens, cette modification pourrait être considérée comme une loi pénale plus douce, et avoir ainsi vocation à s’appliquer aux procédures en cours – principe de la rétroactivité in mitius (article 112-1 du Code pénal).

Certes, cette évolution demeure très contingente des décisions à venir.

Et s’il est une chose qui ne semble pas devoir évoluer, c’est la nature d’infraction obstacle du délit de prise illégale d’intérêts : il ne requiert pas la démonstration d’un impact avéré sur la décision concernée mais l’existence d’un intérêt « de nature » à affecter le processus de décision, une sorte d’impact potentiel apparent.

Mais cette modification du délit de prise illégale d’intérêt doit également être mise en perspective avec les termes de la loi n° 2022-217 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (« Loi 3DS »), promulguée le 21 février 2022.

Rappelons simplement sur ce point – qui sera plus largement abordé dans une prochaine Lettre d’actualités juridiques SEBAN & ASSOCIES – que l’article 217 de la loi 3DS a inséré un nouvel article L. 1111-6 dans le Code général des collectivités territoriales, selon lequel « les représentants d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales désignés pour participer aux organes décisionnels d’une autre personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé en application de la loi ne sont pas considérés, du seul fait de cette désignation, comme ayant un intérêt, au sens de l’article L. 2131-11 du présent Code, de l’article 432-12 du Code pénal ou du I de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant la personne morale concernée ou lorsque l’organe décisionnel de la personne morale concernée se prononce sur une affaire intéressant la collectivité territoriale ou le groupement représenté ».

Le second alinéa du nouvel article L. 1111-6 du CGCT prévoit toutefois que les représentants mentionnés au premier alinéa devront se déporter lorsque l’assemblée délibérera sur l’attribution à cette personne morale d’un contrat de la commande publique, d’une des aides financières listées par la loi et notamment d’une subvention ou sur leur propre désignation ou rémunération.

L’article 217 de la loi 3DS procède, par ailleurs, à la modification des alinéas 11 et 12 de l’article L. 1524-5 du CGCT qui disposent désormais :

« Nonobstant l’article L. 1111‑6 du présent Code, les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein du conseil d’administration ou de surveillance des sociétés d’économie mixte locales et exerçant les fonctions de membre ou de président du conseil d’administration, de président-directeur général ou de membre ou de président du conseil de surveillance, ne sont pas considérés, de ce seul fait, comme étant intéressés à l’affaire, au sens de l’article L. 2131-11 du présent code, de l’article 432‑12 du code pénal ou du I de l’article 2 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec la société d’économie mixte locale. Cette seule qualité emporte les mêmes conséquences lorsque l’élu local participe aux délibérations du conseil d’administration ou de surveillance de la société portant sur ses relations avec la collectivité ou le groupement qu’il représente. Elle n’entraîne pas davantage l’application des articles L. 225‑40 et L. 225‑88 du code de commerce.

Toutefois, lorsque la société d’économie mixte locale est candidate à l’attribution d’un contrat de la commande publique, ils ne peuvent participer aux commissions d’appel d’offres, ni aux commissions mentionnées à l’article L. 1411‑5, ni à la délibération attribuant le contrat. De la même façon, ils ne peuvent participer aux délibérations accordant à cette société une aide régie par le titre Ier du présent livre ou une garantie d’emprunt prévue aux articles L. 2252‑1, L. 3231‑4 ou L. 4253‑1, ni aux délibérations mentionnées aux premier, troisième et dixième alinéas du présent article ».

***

En résumé, les signaux semblent bien là, la volonté d’inflexion du Législateur semble bien présente comme en témoignent les récentes modifications de l’article 432-12 du Code pénal et les apports explicites de la Loi du 21 février 2022 ; leur portée demeure néanmoins incertaine en l’état, faute d’un recul jurisprudentiel suffisant à quelques mois de la promulgation de ces textes.

Les décisions à venir des Juridictions pénales, et notamment de la première d’entre elles, seront, espérons-le, éclairantes sur ce point.

Matthieu HENON et Lilia BEN MUSTAPHA

 

[1] Ce texte fera l’objet de prochaines analyses dans la Lettre d’actualités Juridiques SEBAN & ASSOCIES.

[2] Cass. Crim., 19 sept. 200,: JurisData n° 2003-021728

[3] Cass. Crim., 9 févr. 2005, n° 03-85.697:,JurisData n° 2005-027420,  RSC 2005, p. 560

[4] Cass. Crim., 5 avr. 2018, n° 17-81.912

[5] Cass. Crim., 19 mars 2008, n° 07-84.288 : JurisData n° 2008-043608

[6] Cass. Crim., 22 octobre 2008, Commune de Bagneux, n° 08-82.068

[7] Cass. Crim., 22 oct. 2008, n°97-80.419 ; Cass. Crim., 29 sept. 1999, n° 98-81.796

[8] Rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique 2011: https://www.viepublique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/114000051.pdf

[9] Rapport de la HATVP pour l’année 2020 publié le 3 juin 2021 : https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2021/06/HATVP_RA2020_web_PAP_VF.pdf

[10] Articles L. 1524-5 et L. 1531-1 du Code général des collectivités territoriales

Les SISA : des structures juridiques souples et adaptables méconnues

Décret n° 2021-747 du 9 juin 2021 relatif aux conditions de constitution d’un groupement d’employeurs au sein d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires

 

C’est une structure encore peu connue, sans doute appelée à un bel avenir et qui, au cœur de la crise sanitaire, a profondément changé de statut. Elle mérite ici pour ces raisons notre éclairage.

Née de la loi n° 2011-940 du 10 août 2011, la SISA (société interprofessionnelle de soins ambulatoires) a, depuis son origine, pour vocation de favoriser l’exercice coordonné entre différents professionnels de santé au sein d’une même structure.

Le manque patent de professionnels médicaux, sur de nombreux territoires, rend plus prégnante encore cette volonté des pouvoirs publics de faire travailler dans un cadre juridique commun, des professionnels de santé, dont les actions et interventions peuvent être complémentaires.

L’ordonnance n° 2021-584 du 12 mai 2021 relative aux communautés professionnelles territoriales de santé et aux maisons de santé a été prise en application de l’habilitation prévue par l’article 64 de la loi n° 2019 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé, et a pour but de favoriser le développement de l’exercice coordonné en adaptant les objets, les statuts et les régimes fiscaux des structures existantes et en créant, pour certaines d’entre elles, de nouveaux cadres juridiques.

L’ordonnance précitée et le décret n° 2021-747 du 9 juin 2021, pris pour son application, se sont attachés à réviser de manière importante le régime des SISA en l’assouplissant, dans l’objectif de mieux l’adapter aux besoins des acteurs de santé des territoires. En effet, à ce jour, la majeure partie des Maison Pluridisciplinaires de Santé (MSP) fonctionne sous le statut de SISA.

Désormais, ces structures vont pouvoir fonctionner, y compris sous la forme de groupements d’employeurs, avec des professionnels de santé ou non, internes ou externes à la structure, salariés ou intervenants libéraux, exerçant au bénéfice de tous les associés ou de certains d’entre eux. Cette ouverture des SISA à des statuts professionnels divers va permettre qu’elles s’adaptent à des réalités territoriales souvent complexes et variées.

L’ordonnance aborde également les questions financières et tarifaires telles qu’elles se posent dans ce nouvel environnement professionnel : utilisation des rémunérations perçues par la SISA au titre des prestations participant à la mise en œuvre du projet de santé de la MSP, définition des tarifs applicables aux actes des professionnels salariés de la SISA, extension aux médecins salariés de la SISA du statut de médecin traitant.

Enfin, l’ordonnance s’est encore attachée à durcir les conditions de dissolution des SISA, notamment en cas de recours au salariat, afin d’en favoriser la pérennité.

Les SISA constituent donc désormais un outil juridique d’une grande souplesse et adaptable aux nombreuses pratiques des professionnels de santé, avec pour objectif final de maintenir partout où cela reste possible une présence médicale et paramédicale à la disposition des citoyens.

Possibilité pour le conseil de l’ordre d’un barreau d’interdire le port de signes d’appartenance religieuse avec la robe d’avocat

La Cour de cassation a récemment admis la possibilité pour le Conseil de l’ordre d’un barreau d’interdire le port de signes d’appartenance religieuse avec la robe d’avocat.

Rappelons à cet égard que l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques énonce que les avocats sont des auxiliaires de justice, qu’ils prêtent serment en ces termes : « Je jure comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité », et qu’ils revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, le Conseil de l’ordre du barreau de Lille avait modifié son règlement intérieur afin de prévoir que « l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ».

Cette délibération avait fait l’objet d’un recours devant le Bâtonnier puis la Cour d’appel de Douai par une élève-avocate et son maître de stage.

Déboutés de leur recours, la première pour irrecevabilité dès lors qu’elle n’était pas avocate, le second pour des motifs de fond, les demandeurs s’étaient pourvus en cassation.

La Cour de cassation a validé en tout point le raisonnement des juges du fond.

D’une part, elle a en effet rappelé que, selon l’article 17 de la loi du 31 décembre 1971, le Conseil de l’ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l’exercice de la profession, sans préjudice des attributions dévolues au Conseil national des barreaux (CNB), lequel unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession (article 21-1 de la même loi).

Or, en l’absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le CNB, la Cour de cassation a jugé qu’il entrait dans les attributions d’un Conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession.

D’autre part, elle a estimé que la restriction apportée aux libertés religieuse et d’expression par le règlement intérieur du barreau de Lille était proportionnée.

A cet égard, elle a rappelé que « les avocats sont des auxiliaires de justice qui, en assurant la défense des justiciables, concourent au service public de la justice », et retenu que « la volonté d’un barreau d’imposer à ses membres, lorsqu’ils se présentent devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, de revêtir un costume uniforme contribue à assurer l’égalité des avocats et, à travers celle-ci, l’égalité des justiciables, élément constitutif du droit à un procès équitable », et que, « afin de protéger leurs droits et libertés, chaque avocat, dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation, se doit d’effacer ce qui lui est personnel et que le port du costume de sa profession sans aucun signe distinctif est nécessaire pour témoigner de sa disponibilité à tout justiciable ».

Elle a conclu que l’interdiction ainsi édictée était « suffisamment précise en ce qu’elle s’appliquait au port, avec la robe, de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, […] nécessaire afin de parvenir au but légitime poursuivi, à savoir protéger l’indépendance de l’avocat et assurer le droit à un procès équitable, mais était aussi, hors toute discrimination, adéquate et proportionnée à l’objectif recherché ».

Il convient de relever que la Cour de cassation a écarté le moyen du demandeur tendant à contester l’impossibilité de porter une décoration sur la robe d’avocat dès lors qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’intéressé avait soutenu être titulaire d’une telle décoration, de sorte qu’il n’était pas recevable, faute d’intérêt personnel et direct, à critiquer la délibération litigieuse sur ce point.

Néanmoins, il fait peu de doute que la juridiction aurait validé de telles dispositions, son raisonnement aux termes duquel il convient d’assurer l’égalité entre avocats et, ce faisant, entre justiciables, qui suppose que chaque avocat efface ce qui lui est personnel, semblant tout à fait transposable au cas d’une décoration.

Les regroupements des organismes de logements sociaux, un premier bilan « mitigé »

La Commission des Affaires économiques a déposé le 23 février 2022 un rapport d’information sur l’évaluation de la loi n° 20018-1021 du 23 novembre 2018, dite « loi ELAN ». Concernant la restructuration des organismes de logement social, elle dresse un « bilan mitigé ».

Pour mémoire, la loi ELAN visait à favoriser et accélérer le regroupement des organismes de logements sociaux (OLS), partant du constat que, d’une part, la taille moyenne desdits organismes était relativement faible, et d’autre part, le modèle économique des bailleurs sociaux se révélait « fragile et soumis à de fortes tensions ». La Commission rappelle qu’en 2017, 37 % d’organismes géraient moins de 1.500 logements.

Ainsi, l’article 69 de la loi ELAN dispose que :

  • Les organismes détenant ou gérant moins de 12.000 logements locatifs sociaux doivent, depuis le 1er janvier 2021, justifier de leur appartenance à un groupe d’OLS, soit vertical (contrôle par une autre société), soit horizontal (au sein d’une société de coordination, ou « SAC »),
  • Les organismes gérant moins de 1.500 logements et ayant construit moins de 500 logements en 10 ans peuvent être dissous, sauf appartenance à un groupe de logement social.

3 ans après la promulgation de la loi, la commission des Affaires Economiques dresse un bilan « en demi-teinte » : seuls 49 % des organismes concernés respectaient leurs obligations à la date d’échéance, au 31 décembre 2020, cette proportion ayant atteint 73 % après l’échéance, au 22 septembre 2021.

Si moins d’une trentaine d’organismes restent sans aucun projet de regroupement identifié ou viable, et si le nombre d’OLS a diminué de 12.9 % entre fin 2018 et fin 2021, la Commission relève que l’impact de la loi ELAN n’est pas significatif, ce mouvement ayant déjà été engagé avant la loi ELAN, avec une baisse comparable du nombre d’OLS entre 2015 et 2018.

Au surplus, alors que l’étude d’impact relevait que les organismes les plus petits étaient les SEM (2.215 logements en moyenne), et les coopératives (164 logements en moyenne), leur nombre reste stable : – 5.5 % de SEM en trois ans, +5 % de coopératives.

Le regroupement horizontal, via une SAC, est le choix majoritairement opéré, par 50 % des organismes regroupés, 11 % seulement ayant choisi un regroupement vertical.

La CGLLS a reçu pour mission, depuis 2022, l’observation des regroupements et des groupes HLM constitués. A cet effet, un observatoire durable a été mis en place, et un premier comité de pilotage s’est tenu fin janvier 2022. Si la priorité est pour l’heure l’observation des « regroupements ELAN », l’observatoire souhaite étudier « l’ambition et la dynamique réelle de fonctionnement de ces regroupements, voire, à terme, questionner leur efficacité ». Autrement dit contrôler ces groupes.

Que prévoit la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour les services à domicile ?

L’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 vient réformer les services à domicile. Cette réforme à des impacts majeurs pour les agences régionales de santé et les conseils départementaux chargés des dispositifs de soins et d’accompagnement à domicile des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ainsi que pour les gestionnaires des structures intervenant auprès de ces publics.

La loi restructure le secteur des services à domicile et modifie son financement.

Du point de vue de la restructuration du secteur, la loi tire les enseignements de l’expérimentation des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) introduite par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (dite « Loi ASV ») qui visait à permettre un modèle d’intervention de ces services plus « intégré ». La loi prévoit la création d’une catégorie unique de services, dénommée « services autonomie à domicile » qui rassemblera et remplacera les services existants à savoir les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD).

Cette fusion des structures existantes en une catégorie unique doit permettre d’apporter plus de lisibilité et de fluidité dans l’offre de services à domicile et moins de complexité pour l’usager ou ses proches dans les démarches afin de bénéficier des différents services proposés par ces trois structures.

Les services autonomie à domicile seront divisés en deux catégories : les services dispensant de l’aide et du soins (autorisés conjointement par le directeur général de l’ARS et par le président du Conseil départemental) et les services ne dispensant que de l’aide, qui seront quant à eux seulement autorisés par le président du conseil départemental. Pour cette seconde catégorie de services, n’assurant pas d’activité de soins à domicile, il est toutefois prévu qu’ils devront organiser une réponse aux besoins de soins des personnes qu’ils accompagnent avec d’autres services ou professionnels assurant une activité de soins à domicile.

Du point de vue du financement du secteur, la loi modifie le financement des activités d’aide et d’accompagnement des services à domicile.

A compter du 1er janvier 2022, un tarif plancher – ou minimum – national de 22 euros par heure est instauré pour les services à domicile, qu’ils soient ou non habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. Cette mesure a notamment pour objet de pallier les fortes disparités de tarifs horaires entre les départements. L’arrêté du 30 décembre 2021 a précisé que ce montant était fixé annuellement. Il est donc susceptible d’évoluer (arrêté du 30 décembre 2021 relatif au tarif minimal mentionné au I de l’article L. 314-2-1 du code de l’action sociale et des familles et fixant son montant pour 2022, JORF n° 0304 du 31 décembre 2021).

Par ailleurs, une dotation complémentaire « qualité » pourra être versée dès le 1er septembre 2022 aux services, habilités ou non à l’aide sociale ayant signé un contrat d’objectifs et de moyens (CPOM) avec le département afin de soutenir certaines actions des services à domicile (par exemple la prise en charge de profil présentant des spécificités ou les interventions sur une grande amplitude horaire, notamment le soir et le week-end). Les modalités de versement de cette dotation seront fixées par décret au cours du premier semestre de l’année.

Ces deux mesures vont entrainer des coûts pour les départements qui seront compensés par la branche autonomie.

Concernant les modalités de la mise en œuvre de cette réforme, la transformation des SAAD, SSIAD et SPASAD en services autonomie à domicile interviendra à compter de la publication du décret qui définira le cahier des charges de ces nouveaux services (au plus tard le 30 juin 2023). Un régime transitoire afin d’accompagner cette transformation est prévu notamment concernant l’obtention de l’autorisation de service autonomie à domicile et la mise en conformité des services avec le nouveau cahier des charges qui sera défini.

Une autorisation implicite de cumul d’activité ne peut exister qu’à condition que le fonctionnaire ait adressé une demande écrite et suffisamment précise à son employeur

Rendue à l’égard d’un enseignant chercheur, dont le régime de sanctions relève, contrairement aux fonctionnaires, du plein contentieux, une décision récente du Conseil d’Etat vient rappeler les conditions dans lesquelles l’existence d’une décision d’autorisation implicite de cumul d’activité peut être utilement invoquée, en l’espèce dans le cadre d’un contentieux disciplinaire.

La section disciplinaire de l’université avait prononcé à l’encontre d’un maître de conférence de l’université d’Aix Marseille une sanction d’interdiction d’exercice des fonctions de recherche dans tout établissement d’enseignement supérieur pendant deux ans avec privation de la moitié de son traitement, au motif que cet enseignant chercheur avait travaillé auprès de plusieurs employeurs privés sans avoir présenté de demande de cumul à l’Université, et a fortiori sans avoir obtenu l’autorisation de cette dernière.

En appel, le CNESER ( Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) avait relaxé l’enseignant au motif que l’Université ne pouvait ignorer l’étendue de ses activités accessoires, mais cette décision avait été annulée pour dénaturation par le Conseil d’Etat par un arrêt du 12 septembre 2018, et l’affaire devait être renvoyée devant le CNESER.

Le 20 mai 2019, le CNESER a alors de nouveau prononcé la relaxe de l’enseignant chercheur, cette fois au motif que l’Université avait tacitement autorisé l’enseignant à cumuler ses activités d’enseignement auprès de l’école de management Audencia de Nantes et de l’école supérieure de commerce (ESC) de Rennes avec son activité principale de maître de conférences à l’université.

A nouveau saisi d’un pourvoi en cassation de l’Université, le Conseil d’Etat a à cette occasion dégagé les conditions de naissance d’une décision tacite de cumul d’activité, en jugeant que : « Si une autorisation implicite de cumul d’activités peut naître du silence gardé par cette autorité, c’est à la condition qu’une demande écrite, comprenant au moins l’identité de l’employeur ou la nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité envisagée, ainsi que la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité et toute autre information de nature à éclairer l’autorité, lui ait été transmise ».

Ainsi, pour régulièrement se prévaloir d’une autorisation tacite de cumul d’activité, les agents soumis aux dispositions du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique devront néanmoins veiller à adresser une demande écrite conforme aux prescriptions de l’article 12 de ce décret (identité de l’employeur, nature de l’activité, durée, périodicité, rémunération etc…). Pour être complet, on précisera que la présente décision a été rendue au regard des dispositions du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, mais qu’elle nous paraît transposable aux nouvelles dispositions, en ce que celles de 2007 sont intégralement reprises par l’article 12 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique

On notera également que dans cette affaire le Conseil d’Etat a pris en considération les éléments relevés par le CNESER pour relaxer par deux fois l’enseignant chercheur, non pas sur le terrain de la qualification juridique des faits mais sur l’appréciation du niveau de sanction, et, faisant usage de son pouvoir de réformation des sanctions relevant du plein contentieux, a ramené la sanction d’interdiction d’exercer toute fonction de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur à une période d’un an assortie de la privation de la moitié du traitement. En effet, le Conseil d’Etat a relevé que l’université d’Aix-Marseille a bénéficié des liens entretenus par l’enseignant avec ces deux écoles, qu’elle ne pouvait, par suite, totalement ignorer.

Instruction d’une demande de protection fonctionnelle : attention à l’impartialité

La Cour administrative d’appel de Douai a jugé, dans un arrêt du 3 février 2022, que le maire mis en cause par un de ses agents pour des faits de harcèlement, ne peut se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle de ce dernier sans porter atteinte au principe d’impartialité. 

Dans cette espèce, un technicien territorial employé par une commune s’estimait victime de faits de harcèlement moral, notamment de la part du maire. Engageant une procédure contentieuse, il sollicitait auprès de ce dernier, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Sans surprise, l’exécutif territorial, autorité compétente pour statuer sur sa demande, n’y donnait pas une suite favorable.

Cette décision, particulièrement didactique, rappelle à la fois certains principes abordés en jurisprudence en matière de protection fonctionnelle, mais apporte aussi certaines précisions opportunes sur la procédure à mettre en place lorsque pèse un risque de partialité.

Le juge a tout d’abord rappelé, qu’un agent, ne peut en principe, invoquer le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre d’un différend susceptible de survenir dans le cadre du service, entre lui et l’un de ses supérieurs hiérarchiques. Ce principe, déjà posé en jurisprudence[1], connait néanmoins une nuance.

En effet, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il a d’ailleurs déjà été jugé que les agissements de harcèlement moral étaient de ceux insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique[2].

La Cour administrative de Douai retient ensuite qu’ : « Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales que le maire, qui n’aurait pas délégué cette fonction, est en principe compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle émanant des agents de sa commune. Toutefois, face à une telle demande qui viserait des faits de harcèlement moral le concernant personnellement et qui comporterait les éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement, tels que mentionnés au point 3, il se trouve en situation de ne pouvoir se prononcer sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d’impartialité ». 

Par cette décision, elle fait application de la jurisprudence Ledoux du Conseil d’Etat qui fondait cette solution sur le principe d’impartialité[3] qui s’impose toujours aux agents publics, et notamment dans l’exercice du pouvoir hiérarchique (CE, 29 juin 2020, Centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin, n° 423996).

Cet arrêt permet ainsi de rappeler que l’agent doit produire tous les éléments permettant d’établir la matérialité des faits à l’origine de la demande de protection fonctionnelle. Comme en l’espèce, lorsqu’un agent s’estime victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, Il lui appartient de soumettre, à l’appui de sa demande de protection fonctionnelle, les éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement

Au cas présent, la demande de l’agent visait des faits de harcèlement moral qui concernaient personnellement le maire et comportait des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence du harcèlement. Il établissait que lors d’une réunion publique, le maire avait fait des remarques véhémentes à son encontre ; qu’en quelques années il avait connu plusieurs changements d’affectation notamment sur des postes ne comportant pas de fonctions d’encadrement ; et que le maire l’avait suspendu le jour où il avait été victime d’une agression et qu’il s’était vu reconnaître victime d’un accident de service pour une tentative de suicide sur son lieu de travail.

La Cour a donc reconnu que l’agent apportait suffisamment d’éléments mettant en cause le maire, qui ne peuvent se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, et qui sont donc susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Dans cette occurrence, le maire ne pouvait se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle sans porter atteinte au principe d’impartialité.

La Cour administrative de Douai offre dans cette décision une solution, en soulignant que le maire aurait dû transmettre la demande de l’agent à l’un de ses adjoints ou conseillers municipaux, en vertu de l’article L. 2122-17 du Code général des collectivités territoriales.

Les juges insistent d’ailleurs sur le fait que l’initiative de la transmission doit venir de l’autorité compétente, étant donc entendu que ce n’est pas à l’agent de demander à ce que sa demande soit examinée par quelqu’un d’autre que le maire.

 

[1] Voir par exemple CE, 26 novembre 1975, n° 94124 ; ou plus récemment CE, 29 juin 2020, n° 423996

[2] CAA Nantes, 3e ch., 12 mars 2021, n° 19NT02937

[3] Article L. 121-1 du Code général de la fonction publique

La méconnaissance du délai de préavis en cas de licenciement d’un agent contractuel n’entraîne plus l’illégalité totale de la décision

Saisi pour avis sur le fondement de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative par la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 30 septembre 2021, n° 18VE02933), le Conseil d’Etat est revenu sur sa jurisprudence sur les conséquences qui résultent de la méconnaissance du délai de préavis lors du licenciement d’un agent contractuel.

Depuis l’arrêt « Caussade » (CE, 14 mai 2007, n° 273244), le Conseil d’Etat considérait que le non-respect de la période de préavis prévue par l’article 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale entraînait l’annulation totale de la décision de licenciement.

Dans le cadre de la présente espèce, la Cour administrative d’appel de Versailles a sollicité l’avis du Conseil d’Etat sur l’applicabilité de sa jurisprudence « Caussade » sur les dispositions de l’article 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 2015, au sujet d’une contractuelle licenciée pour insuffisance professionnelle avant le terme du préavis de deux mois auquel elle avait droit.

Par son avis rendu le 9 février 2022, le Conseil d’Etat considère cependant que « la circonstance que le préavis auquel l’agent non titulaire avait droit n’a pas été respecté par la décision de licenciement n’est pas de nature à entraîner l’annulation totale de cette décision, mais la rend seulement illégale en tant qu’elle prend effet avant l’expiration du délai de préavis applicable ».

Il s’agit là d’une décision d’importance, qui rejoint la jurisprudence selon laquelle le non-respect du délai de prévenance en cas de non-renouvellement d’un contrat n’entache pas cette décision d’illégalité (cf. par exemple : AA de Bordeaux, 26 novembre 2002, Monsieur S. c/ Commune d’Arcachon, req. n° 00BX00211).

L’avis ne vide cependant pas l’obligation d’un préavis de son sens, en précisant que, dans le cas où il est saisi de conclusions en ce sens, il revient au Juge administratif de déterminer le montant de l’indemnité à laquelle l’agent peut prétendre en réparation du préjudice résultant du non-respect de son préavis. 

Là encore, on peut rapprocher ceci du cas du non-respect du délai de prévenance d’un non-renouvellement, en rappelant qu’à ce jour, en la matière à tout le moins, le Juge attend la démonstration d’un préjudice en lien direct avec la faute alléguée (CAA de Lyon, 7 juillet 2015, Monsieur A. c/ Commune de Frangy, req. n° 13LY01925).

Faculté de l’autorité concédante d’imposer aux candidats à l’attribution d’une concession l’identification de leurs futurs cocontractants et irrégularité de l’offre ne respectant pas cette exigence

Par un arrêt en date du 2 mars 2022, le Conseil d’État confirme la faculté des autorités délégantes d’imposer aux soumissionnaires à une concession de services de produire des éléments précis sur les contrats qu’ils entendent conclure dans le cadre l’exécution de la concession et notamment d’indiquer à cet effet l’identité de leurs futurs cocontractants. La Haute juridiction juge également que le non-respect de cette exigence des documents de la consultation constitue une irrégularité justifiant le rejet de l’offre litigieuse.

En l’espèce, le ministère chargé des transports a lancé une consultation en vue de la passation d’une concession de service portant sur l’exploitation de l’aéroport de Tahiti Faa’a.  La Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers de Polynésie française (ci-après « CCISM »), la société Meridiam SAS, la société Aéroport Marseille Provence et la société Boyer ont participé à cette procédure, dans le cadre d’un groupement momentané d’entreprises. Les membres du groupement ont été informés par courrier du 15 septembre 2021 du rejet de leur offre.

La CCSIM a alors saisi le Juge du référé précontractuel sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-24 du Code de justice administrative (disposition applicable en matière de référé précontractuel à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna). Le Juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de la Polynésie française a, par une ordonnance du 28 octobre 2021, annulé la décision attribuant cette concession au groupement composé de la société Egis Airport Opération et de la Caisse des dépôts et consignations au motif que leur offre était irrégulière faute d’avoir indiqué l’identité de leurs futurs cocontractants dans les contrats qu’elles entendaient conclure pour assurer l’exécution de la concession.

La société Egis Airport Opération et de la Caisse des dépôts et consignations ont introduit un pourvoi en cassation contre l’ordonnance précitée.

Le Conseil d’État commence par procéder à une analyse des documents de la consultation et constate notamment que le « point « 7.2 Présentation de la structure contractuelle » du guide de constitution des offres [prévoit que] « Le Candidat produira une note détaillée explicitant le montage juridique et financier envisagé pour l’exécution de la Convention de Concession et décrira de manière précise (à l’aide d’un schéma commenté) la structure contractuelle adoptée, les principaux contrats mis en place ainsi que l’identité des différents intervenants (actionnaires de la société concessionnaire, constructeurs, prêteurs, autres cocontractants) et leurs rôles dans la conception et la réalisation des Travaux Initiaux, le financement, l’exploitation de l’aérodrome, l’entretien, la maintenance et le gros-entretien et renouvellement des biens de l’aérodrome » ».

Le Conseil d’État en déduit ensuite que le Juge du référé précontractuel a pu relever, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu’il résultait « des termes de ce guide que les candidats devaient, à l’appui de leur offre, transmettre des éléments précis sur les contrats à conclure, comportant notamment, pour les constructeurs en charge de la conception et de la réalisation des travaux initiaux, l’indication de l’identité des futurs cocontractants ». Or, il n’était pas contesté que « l’offre présentée par le groupement retenu à l’issue de la phase de sélection ne fournissait pas l’identité des cocontractants « constructeurs » pressentis [si bien que] le juge des référés […] a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que cette offre ne respectait pas ces conditions indiquées dans les documents de la consultation », qu’elle était, par conséquent, irrégulière et devait par suite être éliminée.

Appréciant cette irrégularité au prisme de la jurisprudence « Smirgeomes » (CE Sect., 3 octobre 2008, Smirgeomes, n° 305420), le Conseil d’État rappelle que le fait d’attribuer un contrat de la commande publique à un candidat ayant présenté une offre irrégulière constitue un manquement susceptible de léser un candidat évincé y compris lorsque le candidat évincé a lui-même présenté une offre irrégulière (CE, 27 mai 2020, Société Clean Building, n° 435982) aussi ce dernier est susceptible d’invoquer un tel moyen dans le cadre d’un référé précontractuel ou contractuel. En l’espèce et en application des principes précités, « le fait de retenir une offre irrégulière était susceptible de léser le groupement auquel appartenait la CCISM ». Le Juge du référé précontractuel n’a donc pas commis d’erreur de droit ni exactement qualifié les faits en prononçant l’annulation de la décision d’attribution de la concession. Il est intéressant de relever que le Conseil d’État souligne que si le Juge du référé précontractuel avait tiré toutes les conséquences du manquement, il aurait dû prononcer l’annulation de la procédure et non simplement de la décision d’attribution. Cependant, cette erreur est sans incidence sur l’appréciation de la lésion de la CCISM et les requérantes n’étaient pas fondées à demander l’annulation de l’ordonnance querellée pour ce motif.

Télétravail occasionnel ou régulier : les salariés ont droit à la même indemnité

A travers un jugement du 29 septembre 2021[1], le Tribunal judiciaire de Paris a considéré que le fait de réserver une allocation forfaitaire journalière de 5 € aux seuls télétravailleurs réguliers constitue une atteinte au principe d’égalité de traitement. Les télétravailleurs occasionnels placés en situation de télétravail permanent du fait de l’épidémie Covid-19 ne pouvaient être privés de cette indemnité.

Faits de l’espèce – En janvier 2020, l’employeur et les quatre organisations syndicales représentatives, requérantes dans la présente instance, ont signé un accord relatif au télétravail prévoyant :

  • D’une part le recours au télétravail régulier des salariés de deux jours maximum par semaine, soumis à la signature d’un avenant au contrat de travail et indemnisé à hauteur de 5 euros bruts par jour télétravaillé ;
  • D’autre part le télétravail occasionnel non soumis à avenant ni à indemnisation de 40 jours maximum par an.

À compter du 16 mars 2020, conformément aux prescriptions gouvernementales, tous les salariés du siège ont été placés en télétravail à 100 % en raison de la situation sanitaire, sauf exceptions.

A la suite du refus de l’employeur de verser l’indemnisation de 5 € à tous les salariés, le CSE du siège et les quatre organisations syndicales ont saisi le Tribunal judiciaire de Paris.

Les syndicats ont soutenu que la différence de traitement opérée entre les salariés de l’entreprise ayant signé un avenant télétravail à leur contrat de travail et percevant une indemnisation de 10 euros par semaine maximum en application de cet avenant et les autres salariés non-signataires d’avenant n’en percevant aucune, n’était pas justifiée, car tous se trouvaient dans une situation identique au regard de la situation sanitaire.

En conséquence, ils demandent le versement d’une indemnité de 5 euros par jour à tous les salariés de l’entreprise en situation de télétravail depuis le 16 mars 2020.

Pour sa part, l’employeur fait valoir que tous les salariés ont été placés en situation de télétravail depuis le 16 mars 2020 en application de l’article L. 1222-11 du Code du travail[2] prévoyant l’aménagement du poste de travail sous la forme du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles liées en l’espèce à la crise sanitaire du COVID-19, et non dans le cadre de l’accord collectif télétravail du 3 janvier 2020 régissant les situations de recours au télétravail volontaire soumis à la signature d’un avenant au contrat de travail s’agissant du télétravail régulier, en application de l’article L. 1222-9 du Code du travail.

Elle ajoute qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’impose le remboursement d’un montant spécifique de frais engagés par les salariés en situation de télétravail sans validation préalable de l’employeur.

Décision du Tribunal judiciaire – La Juridiction n’a pas retenu l’argumentation de l’employeur et prend en compte plusieurs faits pour considérer que tous les salariés placés en situation de télétravail doivent recevoir l’indemnité forfaitaire de 5 € bruts par jour réellement effectué en télétravail en raison de la prise en charge obligatoire des frais liés au télétravail et du principe d’égalité de traitement.

Le Tribunal relève que les syndicats ne fondent pas leur demande principale sur l’inexécution de la convention collective mais sollicitent l’indemnisation des salariés sur le principe de l’égalité de traitement.

Pour les juges, il convient dès lors de déterminer si la Société pouvait opérer une différence de traitement entre les salariés du siège en situation de télétravail à temps complet, en octroyant une indemnité journalière de 5 euros sur deux jours maximums par semaine aux salariés signataires d’un avenant télétravail et en refusant de la verser aux collaborateurs non-signataires.

Les juges rappellent que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la règle qui l’établit.

Ils précisent que seules des raisons objectives et pertinentes matériellement vérifiables et en rapport avec l’objet de l’avantage octroyé peuvent justifier que l’employeur opère une distinction entre les salariés en télétravail régulier et les autres.

L’employeur avait indiqué avoir placé tous les salariés en télétravail au visa de l’article L. 1222-11 du Code du travail, par une décision unilatérale, et non sur des critères d’éligibilité.

Les juges considèrent que l’ensemble des salariés se trouvent dès lors sous le même régime juridique de mise en œuvre du télétravail pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés résultant en l’espèce de l’épidémie de COVID-19.

Le Tribunal relève que dans le cadre du dialogue social, il a été déterminé que l’employeur prend en charge une quote-part des frais de fonctionnement réellement supportés par le télétravailleur dans le cadre de son activité professionnelle correspondant à 5 euros bruts par jour réellement effectué en télétravail.

Il convient d’appliquer cette indemnisation forfaitaire conventionnellement déterminée au sein de l’entreprise et appliquée par l’employeur dans le cadre de l’article L. 1222-11 du Code du travail, à tous les salariés placés en situation de travail sur le fondement du principe de l’égalité de traitement, et correspondant à 5 euros bruts par jour réellement effectué en télétravail.

L’employeur est notamment condamné à verser à tous les salariés en télétravail du fait de la crise sanitaire une indemnité de 5 euros par jour effectivement télétravaillé à compter de l’assignation en justice.

Portée pratique de la décision – Cette décision devrait donc inciter l’employeur à ne pas différencier les travailleurs quant à la prise en charge des frais exposés qu’ils soient télétravailleurs occasionnels ou réguliers et/ou selon la cause du télétravail.

Il est à noter que si l’accord collectif prévoyait une indemnisation de 10 € maximum par semaine à raison de 2 jours de télétravail en cas de télétravail régulier, le Tribunal judiciaire condamne l’employeur à verser aux salariés 5 € par jour de télétravail occasionnel sans plafond d’indemnisation.

Une confirmation de cette décision est attendue (dont on ne sait pas si un appel est en cours) car de nombreux accords collectifs ou de décisions unilatérales mettent en place le télétravail en prévoyant une indemnité forfaitaire pour les seuls cas d’un télétravail régulier et non pour des situations exceptionnelles qui se sont multipliées sur ces deux dernières années.

 

[1] TJ Paris, 28 septembre 2021 n° 21/06097, Syndicat autonome Force ouvrière des agents du groupe de l’Agence française de développement et des instituts d’émission c/ Agence française de développement

[2] Article L.1222-11 du Code du travail : « En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un ménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ».

Extension de la présomption d’urgence en matière de référés des pétitionnaires opérateurs de téléphonie mobile aux TowerCo

Par une décision en date du 24 février 2022, le Conseil d’Etat a étendu la présomption d’urgence en matière de référés des opérateurs de téléphonie mobile aux opérateurs d’infrastructures (dits TowerCo), ces derniers mettant à disposition des premiers, contre rémunération, des infrastructures destinées à héberger les équipements de téléphonie stricto sensu.

Pour mémoire, le Conseil d’Etat a depuis longtemps jugé que l’urgence était présumée pour les opérateurs de téléphonie mobile. Il ne s’était en revanche jamais prononcé sur le cas des pétitionnaires TowerCo.

Dans cette affaire, une société spécialisée dans la réalisation d’infrastructures de télécommunication avait déposé un dossier de déclaration préalable en vue d’implanter une antenne relai de radiotéléphonie 2G, et haut débit 3G et 4G sur le territoire de la commune d’Arifat.

A la suite de la naissance d’une décision tacite de non-opposition à déclaration préalable, la société a sollicité de la Commune un certificat de non-opposition à déclaration préalable. Faute de toute réponse expresse, une décision implicite de rejet est née.

La société a alors saisi le Juge du référé suspension du Tribunal administratif de Toulouse afin qu’il prononce la suspension de l’exécution de cette décision implicite. Le Juge des référés a rejeté la demande de la société après avoir estimé que la condition d’urgence de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative n’était pas remplie.

La société a donc interjeté appel devant le Conseil d’Etat, qui a considéré que le Juge des référés du Tribunal avait commis une erreur de droit.

En effet, selon le Conseil d’Etat, le premier Juge des référés aurait dû « prendre en compte l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et la finalité de l’infrastructure projetée, qui a vocation à être exploitée par au moins un opérateur ayant souscrit des engagements avec l’Etat et dont le réseau ne couvre que partiellement le territoire de la commune ».

Le rapporteur public, Madame Sophie Roussel, a précisément fait référence dans ses conclusions à la « fracture numérique » et a indiqué que « compte tenu de l’enjeu majeur que constitue la couverture numérique de l’intégralité du territoire, nous ne trouverions pas choquant que soit consacrée […] une véritable présomption d’urgence, détachée des intérêts propres des pétitionnaires qui peuvent être soit des opérateurs de téléphonie, soit des TowerCo ».

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a estimé que la condition tenant au doute sur la légalité de l’acte était remplie car le maire ne pouvait refuser la délivrance du certificat de non-opposition.

La responsabilité du syndicat n’est pas exclusive de celle encourue par un copropriétaire

Selon l’article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, « tout copropriétaire peut exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic ».

Sur le fondement de l’article 14 de la même loi, selon lequel « le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes », un copropriétaire peut agir contre le syndicat des copropriétaires. Mais il peut aussi agir contre un tiers ou contre un autre copropriétaire, lorsqu’il subit un préjudice personnel dans la jouissance de ses parties privatives ou des parties communes (Cass. Civ., 3e, 30 juin 1992, n° 90-17.640).

En l’espèce, un copropriétaire subit des infiltrations en provenance de la terrasse de l’appartement situé au-dessus du sien, qui constitue une partie commune à jouissance privative.

Alors qu’il a assigné son voisin et copropriétaire en réparation du préjudice, la Cour d’appel de Bastia, dans un arrêt du 4 novembre 2020, déclare son action irrecevable au motif qu’elle devait être dirigée contre le syndicat des copropriétaires.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 26 janvier 2022, casse l’arrêt d’appel, et retient que « la responsabilité du syndicat au titre de l’article 14 précité n’est pas exclusive de la responsabilité délictuelle encourue par un copropriétaire ».

ASL : formalités de la mise en conformité des statuts

L’article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires prévoit que doivent être annexés aux statuts de l’association le plan parcellaire prévu à l’article 4 de l’ordonnance de 2004, ainsi qu’une « déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s’engage ».

La Cour de cassation, en 2018 (Cass. Civ., 3eme, 6 sept. 2018, n° 17-22.815), avait appliqué ce texte à une association créée avant 2006, dont les statuts avaient été mis en conformité avec l’ordonnance de 2004 et le décret de 2006 : « les associations syndicales libres ne sont pas dispensées, lorsqu’elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes, de respecter les formalités qu’ils imposent ».

Cette solution avait été vivement critiquée, notamment en raison des difficultés pratiques qui en découlent pour les associations. En effet, elles pouvaient se retrouver dans l’incapacité de satisfaire à des exigences qui dépendent du bon vouloir de leurs adhérents, et donc faire face à des situations de blocage difficilement surmontables.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 février 2022, vient donc de revenir sur sa position : « lorsque les associations syndicales mettent leurs statuts en conformité avec les dispositions de l’ordonnance et du décret précités, elles doivent respecter les formalités que ces textes imposent. Elles ne sont toutefois pas tenues d’annexer aux statuts mis en conformité la déclaration prévue par l’article 3 dudit décret, requise au moment des adhésions et qui doit être annexée aux statuts de l’association syndicale nouvellement formée ».

Rétractation d’une promesse unilatérale de vente immobilière : la dématérialisation se poursuit

Selon l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, « pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation […], l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte ».

Selon l’alinéa 2 du même article, cette faculté de rétractation est exercée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, « ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise ».

En l’espèce, une promesse unilatérale de vente prévoyant une indemnité d’immobilisation en cas de non-réalisation de la vente, est signée devant notaire, et notifiée aux bénéficiaires par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Dans le délai de dix jours prévu à l’article L. 271-1, les bénéficiaires font savoir, par l’envoi d’un courriel au notaire, qu’ils se rétractent.

Le vendeur les assigne en paiement de l’indemnité d’immobilisation et la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 23 octobre 2020, les condamne, au motif que la rétractation n’était pas valide, le courriel ne présentant pas les garanties équivalentes à celles de la LRAR pour déterminer la date de réception ou de remise.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 2 février 2022, casse l’arrêt de la Cour d’appel : « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’envoi d’un tel document au notaire mandaté par le vendeur pour recevoir l’éventuelle notification de la rétractation, lequel a attesté en justice avoir reçu le courriel litigieux le 9 mai 2017 à 18 heures 25, n’avait pas présenté des garanties équivalentes à celles d’une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Le droit d’auteur appliqué aux agents publics

La problématique du droit d’auteur applicable aux agents publics se pose régulièrement.

Dans quel cas l’agent public bénéficie-t-il des droits d’auteur sur son œuvre de l’esprit ? L’Etat ou collectivité publique peuvent-ils bénéficier de ces droits d’auteur et sous quelles conditions ?

L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose expressément que même « lorsque l’auteur de l’œuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale, de la Banque de France, de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts ou de l’Académie des sciences morales et politique », celui-là bénéficie d’un droit de propriété exclusif et opposable à tous.

Il convient en principe, qu’ait lieu une cession de droits d’auteur à travers un contrat pour que la personne publique puisse bénéficier de ces droits d’auteur.

Dans certains cas cependant, l’Etat ou collectivité publique bénéficie d’une cession de ces droits d’auteur.

  • Dans le cadre d’une création d’œuvre par un agent dans l’exercice de ses fonctions et répondant à l’accomplissement d’une mission de service public, l’Etat bénéficie de façon automatique d’un droit d’exploitation sur l’œuvre.

L’exploitation commerciale n’est cependant pas cédée, l’autorité publique ne bénéficiant dans ce cas que d’un simple droit de préférence (article L. 131-3-1 du Code de propriété intellectuelle). L’agent-auteur reste donc titulaire des droits patrimoniaux de l’œuvre qu’il a créé. Il sera donc nécessaire dans cette situation de conclure un contrat de cession détaillant l’ensemble des droits cédés.

Exception : les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation appartiennent, sauf stipulations contraires, à l’autorité publique/ employeur (article L. 113-9 du Code de propriété intellectuelle).

  • Les droits moraux de l’auteur font également l’objet d’aménagements spécifiques, excepté le droit de paternité. L’auteur peut décider ou non de voir associée son identité à l’œuvre (article L. 121-7-1 du Code de propriété intellectuelle) ;
  • Le droit de divulgation de l’agent-auteur est maintenu mais doit s’exercer sous réserve du respect des règles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de l’autorité publique ;
  • L’agent-auteur ne peut s’opposer à la modification de son œuvre par l’autorité publique en l’absence d’atteinte à son honneur ou à sa réputation, si cette modification est décidée dans l’intérêt du service public ;
  • L’agent-auteur ne peut ni exercer son droit de repentir ou de retrait de son œuvre sans accord de l’autorité publique.

L’ensemble de ces limitations du droit d’auteur ne s’applique pas aux agents-auteurs qui disposent d’une large autonomie intellectuelle dans leurs fonctions (professeurs d’université, enseignants-chercheurs, etc…).