Energie
le 12/05/2022

Réponse de la CRE à la proposition législative de la Commission européenne sur la décarbonation du gaz

Réponse de la CRE à la proposition législative de la Commission européenne sur la décarbonation du gaz

Le 14 avril dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a mis en ligne la réponse qu’elle a formulée dans le cadre de la consultation publique ouverte entre le 15 décembre 2021 et le 12 avril 2022 par la Commission européenne au sujet de sa proposition législative de révision des règles de l’Union européenne en matière d’accès au marché et aux réseaux de gaz.

Les propositions de la Commission européenne s’inscrivent dans l’objectif de neutralité carbone de l’Union Européenne en 2050 et tendent à faciliter l’intégration des gaz renouvelables et bas carbone et à préparer l’émergence d’un marché de l’hydrogène.

Dans sa contribution, la CRE indique « accueill[ir] favorablement ce nouveau paquet législatif qui accélère la décarbonation indispensable du secteur du gaz naturel, prépare l’arrivée de l’hydrogène, contribuant ainsi de manière décisive à renforcer l’indépendance énergétique de l’Union européenne ».

Toutefois, la CRE formule plusieurs alertes « sur certaines des mesures proposées qu’elle estime prématurées ou aller à l’encontre du bon fonctionnement du système gazier européen et, à terme, du développement de l’hydrogène ».  Elle invite à cet égard la Commission européenne au pragmatisme, à la souplesse et la met en garde sur la nécessité d’« assurer le respect de la diversité des modes de gouvernance et [d’]éviter un excès de réglementations qui nuiraient à l’innovation en termes techniques comme organisationnels ».

Dans le détail, les principales alertes de la CRE sont les suivantes :

  • L’intégration des réseaux de distribution aux zones entrée-sortie du réseau de transport doit rester optionnelle, dès lors qu’il s’agit selon elle d’une solution « particulièrement lourde et déstabilisatrice alors que des solutions de type contractuel ont montré leur efficacité, en France notamment ». La CRE relève en effet que si ce système a déjà été mis en œuvre par certains pays européens, il serait inadapté au cas français.
  • La CRE est défavorable à l’exonération des tarifs aux interconnexions pour les gaz renouvelables et bas carbone, qui constitue selon elle une mesure particulièrement complexe à appliquer et sans valeur ajoutée significative. La CRE note en effet « que les régulateurs ne sont, de manière générale, pas en faveur des rabais tarifaires en ce qu’ils faussent les signaux économiques adressés aux utilisateurs des infrastructures régulées et posent des problèmes de couverture des coûts des opérateurs de réseaux » et ajoute que « Tout rabais tarifaire doit être justifié et quantifié, notamment par le rôle joué ou le service rendu au système gazier par les bénéficiaires de ces rabais ».
  • En matière d’hydrogène, la CRE indique être défavorable à l’injection d’hydrogène dans les réseaux de transport de gaz (conduisant à un mélange d’hydrogène et de gaz naturel), y compris de manière transitoire, estimant cette mesure coûteuse, génératrice de problèmes de sécurité et de nature à réduire la valeur de l’hydrogène et du gaz. La proposition de la Commission prévoit en effet l’obligation, pour les gestionnaires de réseaux de transport de gaz d’accepter une proportion d’hydrogène allant jusqu’à 5 % par volume de gaz aux points d’interconnexion. La CRE indique privilégier la séparation des réseaux de gaz et d’hydrogène, ou a minima, si la Commission devait maintenir sa proposition, abaisser le seuil minimal actuellement envisagé.
  • Toujours en matière d’hydrogène, la CRE estime par ailleurs prématurée la fixation à 2030 de l’objectif de création de l’accès régulé aux infrastructures d’hydrogène et une séparation patrimoniale entre les activités de transport et de production et fourniture au sein des opérateurs agissant dans le domaine de l’hydrogène. En effet, dans sa proposition, la Commission européenne préconise la mise en place d’un marché européen de l’hydrogène ouvert et concurrentiel s’inspirant des règles qui régissent le marché du gaz naturel.
  • La CRE se prononce défavorablement sur l’attribution à l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) de nouvelles compétences en matière notamment de calcul du revenu autorisé des GRT de gaz et des méthodes d’évaluation des actifs convertis à l’hydrogène au détriment des régulateurs nationaux, estimant l’échelon national mieux à même de gérer ces problématiques susceptibles de présenter des particularités locales.
  • La CRE préconise en outre de consolider les pouvoirs des Etats membres quant à l’adoption de mesures permettant d’atteindre les niveaux de stockages requis sur leur territoire, tout en renforçant la solidarité et la sécurité européenne dans ce domaine. Elle émet donc des réserves sur la proposition de la Commission européenne de retenir une approche régionale des questions de stockage.
  • En matière de réduction des émissions de méthane enfin, la CRE recommande de privilégier les actions conduisant aux plus fortes réductions des émissions de méthane au moindre coût.