Bouclier tarifaire en matière de gaz naturel : soutien de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation des prix

Dans un contexte de hausse significative du prix du gaz naturel, le décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel, instaure une aide permettant d’en limiter les conséquences sur les factures des clients, pour la période du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022.

Précisément, cette aide bénéficiera aux personnes physiques qui résident à titre principal ou secondaire :

  • dans une maison individuelle directement raccordée à un réseau de chaleur ;
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation soumis au statut de la copropriété[1] ;
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation notamment géré par un organisme d’habitation à loyer modéré (HLM)[2], une société d’économie mixte (SEM)[3], une association foncière logement[4] ou une société civile immobilière dont les parts sont détenues à au moins 99 % par une association foncière logement, ou un organisme bénéficiant de l’agrément de l’article L. 365-2 du Code de la construction et de l’habitation[5];
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation appartenant à un propriétaire unique[6];
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation compris dans le périmètre d’une association syndicale de propriétaires[7], lorsque cette association est cliente d’une des entreprises visées à l’alinéa 1er de l’article 2 du décret ici commenté.

Ces personnes physiques, pour bénéficier de cette aide, doivent également être approvisionnées en chaleur :

  • à partir d’une chaufferie collective au gaz naturel[8];
  • ou par un exploitant d’une chaufferie au gaz naturel[9];
  • ou par un gestionnaire d’un réseau de chaleur urbain utilisant en tout ou partie du gaz naturel[10].

Conformément à l’article 2 du décret du 9 avril 2022 commenté, cette aide sera versée par l’intermédiaire des entreprises fournissant du gaz naturel titulaires de l’autorisation de fourniture prévue à l’article L. 443-2 du Code de l’énergie, des exploitants d’installations de chauffage collectif ou des gestionnaires de réseaux de chaleur urbains.

A ce titre, lesdites entreprises devront présenter, pour le compte des clients éligibles énumérés supra, une demande d’aide auprès de l’Agence des services et de paiement[11].

Les entreprises devront ensuite reverser l’intégralité de cette aide à leurs clients au plus tard 30 jours après l’avoir reçue.

 

[1] Au sens de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. 

[2] Visé à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation.

[3] Mentionné à l’article L. 481-1 du même Code.

[4] Visée à l’article L. 33-34 du même Code.

[5] Dès lors qu’il y est fait application des alinéas 6 à 10 de l’article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

[6] Dès lors qu’il y fait application des alinéas 6 à 10 de l’article 23 précités.

[7] Régie par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

[8] Dans les conditions définies à l’article 3.

[9] Dans les conditions définies à l’article 4.

[10] Dans les conditions définies à l’article 5.

[11] Mentionnée à l’article L. 313-1 du Code rural et de la pêche maritime.

Maprimerenov’ : évolution de la prime pour les équipements de chauffage à énergies renouvelables dans le cadre du plan de résilience économique et sociale

Pour mémoire, la prime de transition énergétique, également appelée « MaPrimeRenov’ », a été créée par l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2020 de finances pour 2020. Ce dispositif d’aide permet de soutenir la rénovation des logements occupés à titre de résidence principale par leur(s) propriétaire(s).

 

L’arrêté du 7 avril 2022 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique et l’arrêté du 17 novembre 2020 modifié relatif aux caractéristiques techniques et modalités de réalisation des travaux et prestations dont les dépenses sont éligibles à la prime de transition énergétique, fait évoluer la prime de transition énergétique dans le cadre du plan de résilience économique et sociale.

Son article 1er augmente ainsi de 1.000 euros les forfaits d’aide relatifs à l’installation de certains équipements de chauffage des locaux fonctionnant à partir d’énergies renouvelables, s’agissant des demandes de primes déposées à compter du 15 avril 2022 et jusqu’au 31 décembre 2022.

 

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2023, seront supprimés les forfaits d’aide relatifs à l’installation d’une chaudière au gaz à très haute performance énergétique, conformément à son article 2.

Prise en charge des frais de déplacement d’ouvrages de réseau en cas de travaux réalisés dans l’intérêt du domaine public occupé

Par une décision du 31 mars 2022, le Conseil d’Etat rappelle les règles relatives à la prise en charge des frais de déplacement d’ouvrage en cas de travaux réalisés dans l’intérêt du domaine public.

Dans cette affaire, des travaux de création d’une ligne de tramway ont nécessité le dévoiement de réseaux situés sous la voirie d’une commune, et notamment le réseau de chauffage. Celui-ci a été installé par la société Sarcelles Investissements sur le domaine public au titre d’une servitude de droit privé et exploité par la société Sarcelles Energie, qui avait la charge de la redevance d’occupation du domaine public par les installations litigieuses.

Conformément à un protocole signé entre la société Sarcelles Investissements et le département du Val-d’Oise, ce dernier a procédé à ses frais aux travaux de dévoiement des réseaux en cause et a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société Sarcelles Investissements en vue du remboursement du coût de ces travaux.

Le juge administratif rappelle la règle classique au terme de laquelle « le bénéficiaire d’une autorisation d’occupation du domaine public, doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine ».

Cette règle demeure identique même si l’ouvrage a été installé au terme d’une servitude de droit privé sur une parcelle appartenant à une personne publique qui a été postérieurement classée dans le domaine public : 

« Le titulaire d’une servitude de droit privé permettant l’implantation d’ouvrages sur le terrain d’une personne publique, maintenue après son incorporation dans le domaine public, doit être regardé comme titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine à raison de ces ouvrages, quand bien même il n’acquitterait pas de redevance à ce titre. Par suite, il doit supporter les frais de déplacement des ouvrages implantés à raison de cette servitude, pour permettre l’exécution de travaux dans l’intérêt du domaine public et conformes à sa destination. ».

Le Conseil d’Etat considère ainsi que la Cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit en considérant que le titulaire d’une servitude de droit privé ne pouvait être regardé comme titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public au titre des ouvrages installés à raison de cette servitude.

L’électricité est un produit au sens du régime dérogatoire de la responsabilité des produits défectueux

La Cour d’appel rappelle qu’au terme de l’article 1245-2 du Code civil, « l’électricité est considérée comme un produit », et ce faisant relève du régime dérogatoire de la responsabilité des produits défectueux prévu par les articles 1245 du Code civil.

En vertu de l’article 1245 du Code civil « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ». Et, selon l’article 1245-3 alinéa premier du Code civil : « Un ‘produit‘ est ‘défectueux‘ au sens du présent chapitre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre« .

La Cour rappelle également que « le régime particulier de la responsabilité du fait des produits défectueux ainsi développé exclut l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra contractuelle de droit commun fondés sur le défaut d’un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre à l’exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés ».

Les demandeurs souhaitaient mettre en cause la responsabilité contractuelle d’Enedis, et se prévalaient du délai de prescription de droit commun de cinq ans.

Or, la Cour rappelle que le gestionnaire de réseau, « certes […] n’assure pas la production de l’électricité à haute tension (20’000 V ) issues de différentes sources géographiques et types d’énergie (nucléaire, gaz, charbon, éolien…) mais elle doit l’acheminer vers le consommateur final et répondre à ses obligations de gestionnaire du réseau électrique français qui résultent des dispositions de l’article L. 322-12 du Code de l’Energie qui lui imposent de distribuer l’électricité dans le cadre d’un réseau qu’elle doit développer, exploiter moderniser et gérer en effectuant notamment les transformations du produit et les raccordements nécessaires pour fournir une desserte en électricité d’une qualité régulière définie et compatible avec les utilisations usuelles de l’énergie électrique ».

A ce titre elle joue un rôle actif et déterminant dans la qualité de l’électricité fournie aux usagers au regard des besoins de ces derniers et de la sécurité à laquelle ils peuvent légitimement s’attendre, notamment par la transformation et le maintien de la tension appropriée, et doit donc être considérée comme producteur au sens des textes précités (Cass. Civ., 1ère, 2 juin 2021, Arrêt nº 404 ) ».

Ainsi, le caractère défectueux du produit fourni par Enedis résultant d’un incident sur le réseau de distribution qui a engendré une surtension sur le réseau électrique privatif de la maison d’habitation entraine l’application exclusive du régime juridique dérogatoire des produits défectueux.

Or, sur le fondement de l’article 1245-16 du Code civil, l’action en réparation de la responsabilité pour produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage

En l’espèce, l’assignation ayant été introduite plus de trois ans après la connaissance du sinistre, l’action était prescrite et donc irrecevable. 

Les erreurs opérationnelles sur les marchés de gros de l’énergie peuvent être qualifiées d’opérations privilégiées au sens du Règlement REMIT

Décision n° 02-40-18 du CoRDiS en date du 25 avril 2022 portant sanction à l’encontre de la société EDF et de la société EDF Trading Limited

 

Après avoir constaté des différences de pratique de publication d’informations relatives à des erreurs opérationnelles sur les marchés de gros de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) précise, par une délibération n° 2022-113 du 14 avril 2022, que de telles informations peuvent être qualifiées d’informations privilégiées au sens des textes de l’Union européenne.

Pour mémoire, le règlement européen n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (ci-après « le REMIT ») définit la notion d’information privilégiée comme une « information de nature précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros ».

Afin d’assurer le bon fonctionnement des marchés de gros de l’énergie, ces informations privilégiées doivent faire l’objet d’une publication en temps utile par les acteurs dudit marché et doivent faire l’objet d’un suivi et d’une mise à jour par ces mêmes acteurs, conformément à l’article 4 du règlement REMIT. Dans ce cadre, le REMIT prohibe les opérations d’initiés[1] qui consistent notamment en l’utilisation d’une information privilégiée en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour leur propre compte ou celui de tiers, des produits énergétiques de gros auxquels se rapporte cette information et de communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de l’exercice de leurs fonctions.

Par cette délibération, la CRE rappelle les critères permettant de qualifier une information privilégiée et précise qu’une telle qualification (notamment s’agissant d’une transaction erronée) relève de la responsabilité des acteurs du marché de l’énergie, lesquels doivent tenir compte du contexte général et de quatre conditions cumulatives. Ainsi, une information privilégiée est une information précise[2] (i), ne doit pas être rendue publique (ii), doit concerner, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros (iii) et enfin, si elle était rendue publique, cette information doit être susceptible d’influencer sensiblement les prix des produits énergétiques de gros (iv).

Force est de reconnaître que ces dispositions du REMIT font l’objet d’un contrôle effectif en droit interne, en témoignent notamment les récentes sanctions du Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) prononcées à l’égard des société EDF et EDF Trading Limited[3].

En effet, au titre de sa mission de surveillance des marchés de gros[4], la CRE a étudié les opérations de négoce de la société EDF et de ses filiales de trading dans un contexte de hausse significative des prix de gros de l’électricité sur le marché à terme à partir du mois de septembre 2016, en lien avec les indisponibilités nucléaires planifiées et fortuites pour l’hiver des années 2016-2017. Les informations transmises par la société EDF ont conduit la CRE à procéder à l’ouverture d’une enquête.

A l’issue de ladite enquête, le Président de la CRE a saisi le CoRDiS afin qu’il sanctionne la société EDF pour avoir méconnu des dispositions du REMIT et notamment celles de son article 3 précité, qui prohibent les opérations d’initiés. A ce titre, le CoRDiS a prononcé une sanction pécuniaire d’un montant de 500.000 euros à l’encontre de la société EDF. La société EDF Trading Limited a, quant à elle, été sanctionnée à hauteur de 50.000 euros pour avoir enfreint les dispositions de l’article 5 du REMIT relatives à l’interdiction des manipulations de marché.

 

[1] Interdiction prévue à l’article 3 du règlement REMIT.

[2] Une information peut être considérée comme précise sans toutefois être certaine.

[3] Décision du CoRDiS, 25 avril 2022, n° 02-40-18.

[4] Ainsi que le prévoit l’article L. 131-2 du Code de l’énergie.

Regroupement illégal de concessions hydroélectriques modifiant leurs dates d’échéance

Par une décision du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat a déclaré entaché d’illégalité l’article R. 521-61 du Code de l’énergie ainsi que le décret du 20 mars 2019 portant sur le regroupement de concessions hydroélectriques sur la Dordogne. 

Plus précisément, ledit décret prévoyait le regroupement des concessions hydroélectriques de la haute Dordogne dite « Coindre-Marèges » et de Saint-Pierre-Marèges sur la Dordogne, ces deux concessions étant exploitées par la Société Hydro-Électrique du Midi (SHEM).

En pratique, un tel regroupement modifiait leurs dates d’échéance respectives en instaurant une date commune. Une telle modification soulevait des questions de mise en concurrence de ces concessions.

En effet, les dates de fin des concessions étaient initialement fixées au 31 décembre 2012 et au 31 décembre 2062 respectivement. Leur regroupement a fait naître une nouvelle date commune fixée par l’article 1er du décret susmentionné au 31 décembre 2048 (sous réserve de l’engagement au 31 décembre 2024 des travaux énumérés à l’article 3 de ce décret).

Face à cette modification, l’Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG) a demandé au ministre de la transition écologique et solidaire de retirer ce décret. Elle a formé un recours pour excès de pouvoir et demandé au Conseil d’Etat d’annuler celui-ci ainsi que la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux.

Le Conseil d’Etat a, par une décision du 18 mai 2021, ordonné un supplément d’instruction afin d’éclairer les modalités de calcul de la nouvelle date commune d’échéance des concessions regroupées ainsi que sur la variable « E » mentionnée à l’article R. 521-61 du code de l’énergie.

En vertu de ce supplément d’instruction, le Conseil d’Etat rappelle que le regroupement des concessions forme une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés. Par conséquent, lui est appliquée la méthode des barycentres (qui consiste à allonger, d’une part, la durée de la concession dont la date d’échéance est proche et, d’autre part, réduire la durée d’une concession dont l’échéance est lointaine). Ce mécanisme permet d’aligner la date d’échéance des concessions regroupées tout en garantissant l’équilibre économique de l’ensemble des concessions regroupées.

S’agissant des dispositions litigieuses :

  • Selon l’article R. 521-61 du code de l’énergie, la nouvelle date d’échéance commune doit correspondre à la date à laquelle la valeur actuelle nette des flux de trésorerie disponibles futurs de la ou les concessions dont la durée est allongée compense strictement la valeur actuelle nette des flux de trésorerie futurs de la ou des concessions dont le concessionnaire est privé du fait de la réduction de leur durée.
  • Pour la variable « E », le même article définit les modalités de détermination de la date d’échéance théorique pour garantir la neutralité économique du regroupement. La formule de calcul varie selon qu’est positive, négative ou nulle la variable « E », qui correspond à la valeur actualisée nette des flux de trésorerie pendant la période de prorogation de la concession, augmentée des investissements de remise en bon état des biens qui incombaient au concessionnaire à la date normale d’échéance de la concession et qui ont été réalisés après cette date.

Or, selon l’analyse du Conseil d’Etat, pour le calcul de la date commune d’échéance des concessions regroupées dont l’une fait l’objet d’une prorogation, seuls peuvent être pris en compte les flux de trésorerie qui correspondent aux investissements réalisés par le concessionnaire pendant la période de prorogation. Cette disposition a pour objectif d’inciter le concessionnaire à poursuivre ses investissements pendant cette période, indépendamment du caractère excédentaire ou déficitaire de son exploitation. Sont ainsi exclus les flux de trésorerie qui visent seulement la remise en bon état des biens qui incombaient au concessionnaire à la date normale d’échéance de la concession comme le prévoient les dispositions de l’article R. 521-61 du code de l’énergie.

Ces dispositions sont ainsi déclarées contraires à celles du quatrième alinéa de l’article L. 521-16-1 du code de l’Energie qui en constituent la base légale. Par conséquent, le décret attaqué qui a fait application, pour calculer la nouvelle date commune d’échéance des concessions regroupées, des dispositions entachées d’illégalité de l’article R. 521-61 du code de l’énergie, est lui-même entaché d’illégalité.

Nouvelle participation de l’Etat au capital d’EDF à hauteur de plus de 2,6 milliards d’euros

Un arrêté publié le 29 mars 2022 a acté la participation de l’Etat à l’augmentation du capital de la société Electricité de France (ci-après « EDF ») d’un montant de 2.653.861.100,70 euros.

Cette augmentation s’inscrit plus largement dans le lancement, par EDF, d’une augmentation de son capital à hauteur de 3.163.938.046 euros.

Par cette souscription au capital d’EDF, l’Etat français a ainsi renouvelé son engagement d’y participer à hauteur de 83,88 %. Dans un communiqué de presse publié par le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance[1], l’Etat a indiqué vouloir par cette souscription « sécuriser la situation financière d’EDF et sa capacité de financement à court et moyen terme » et permettre à EDF de « poursuivre sa stratégie de développement rentable dans le cadre de la transition énergétique ».

 

[1] Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, Communiqué de presse, « L’Etat confirme qu’il participera à hauteur de plus de 2,6 milliards d’euros à l’augmentation de capital de plus de 3,1 milliards d’euros lancée par EDF le 18 mars 2022 », 18 mars 2022.

Actualités sur l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel

Délibération du 14 avril 2022 portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz 

Le droit à l’injection sur le réseau de distribution ou de transport de gaz naturel par les producteurs de biogaz a été instauré par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ci-après « Loi EGalim ») et ses modalités ont été précisées par un décret du 28 juin 2019, désormais codifié aux articles D. 453-20 à D. 453-25 du Code de l’énergie, et par la « Délibération Biométhane » publiée par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) le 14 novembre 2019.

Désormais, ce sont les gestionnaires de réseaux, et non plus les producteurs de biogaz, qui ont à leur charge les travaux de renforcement nécessaires à l’injection de biométhane sous réserve du principe d’efficacité économique.

En janvier 2021[1], la CRE envisageait la participation de tiers (porteurs de projets, collectivités territoriales ou tout autre tiers) dans le financement des investissements de renforcement nécessaires à cette injection dans les zones du territoire où le principe d’efficacité économique n’était pas satisfait. Ce dispositif avait pour objet de permettre aux tiers de contribuer au développement du biométhane dans des zones moins favorables. La participation des tiers venait ainsi réduire le coût de l’ensemble des investissements nécessaires à cette injection dans la zone de raccordement concernée.

À la suite de la première année de mise en œuvre de ce dispositif, la CRE a constaté qu’une amélioration des modalités de calcul des contributions des tiers était possible pour tenir compte de la dynamique de développement des différents projets d’une zone. Ainsi, comme nous l’indiquions dans une de nos précédentes Lettres d’actualité juridique[2], la CRE avait ouvert jusqu’au 24 mars 2022 une consultation publique relative aux modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion de biométhane dans les réseaux de gaz naturel. La CRE a reçu 20 contributions.

Dans une délibération publiée le 14 avril 2022[3], qui abroge et remplace la Délibération n° 2021-02 du 7 janvier 2021 susvisée, la CRE vient ainsi préciser les nouvelles modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

Ainsi, après une consultation des acteurs locaux et une révision des conditions technico-économiques de chacun des zonages, les gestionnaires de réseaux devront mettre à jour tous les deux ans a minima le montant de la participation des tiers nécessaire pour décider du lancement des investissements de renforcement. La CRE précise aussi qu’entre chaque révision de zonage et au moment de la validation de chaque investissement de renforcement sur la zone, la participation des tiers ne peut être mise à jour qu’à la baisse.

S’agissant du montant des participations des tiers, qui est calculé pour chaque zone de raccordement, la CRE précise notamment que pour chaque investissement, le montant demandé correspondra au minimum entre la participation de tiers requise et le coût total de l’investissement considéré, à l’exception des études de rebours[4] pour lesquelles le montant demandé sera un montant forfaitaire de 200 000 euros.

En outre, la CRE précise également les échéanciers de paiement pour les participations de tiers publics et de tiers privés qui différent.

Enfin, on remarquera que dans une délibération publiée également le 14 avril 2022[5], la CRE a validé 8 projets de zonage de raccordement après avoir consulté les autorités organisatrices de la distribution de gaz naturel concernées. La Commission précise que ces zonages supplémentaires, dont la liste est présentée en annexe de la délibération, s’ajoutent aux 295 déjà validés pour un montant total prévisionnel d’investissement de 1,08 milliards d’euros et une projection d’injection d’environ 1 330 projets représentant une production annuelle d’environ 34,2 TWh.

 

[1] Délibération n° 2021-02 du 7 janvier 2021 portant décision sur les modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion de biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

[2]https://www.seban-associes.avocat.fr/modification-des-taux-de-refaction-tarifaire-applicables-pour-le-raccordement-des-installations-de-biogaz-et-des-installations-de-production-delectricite-a-partir-denr-aux-reseaux-d/?idlajee=109752.

[3] Délibération du 14 avril 2022 portant décision sur les modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissement de renforcement pour l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

[4] La technique de rebours permet de comprimer le biométhane en surplus dans le réseau de distribution afin de l’injecter dans le réseau de transport.

[5] Délibération du 14 avril 2022 portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz.

Autorisation de délais en matière d’interdiction des produits phytopharmaceutiques

L’article L. 253-8 du Code de l’environnement (C. env.) règlemente la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, et prévoit plus particulièrement certaines mesures de précaution et de surveillance de ces produits.

Le IV de cet article prévoit notamment l’interdiction, à compter du 1er janvier 2022, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement, conformément au règlement européen n° 1107/2009 relatif à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques (disposition issue de la loi EGALIM de 2018[1]).

Le décret n° 2022-411 du 23 mars 2022 précise alors, par un nouvel article D. 253-46-1-6 introduit dans le C. env., que les produits entrant dans le champ d’application de cet article peuvent se voir octroyer, à titre transitoire, des délais afin qu’ils puissent être produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation, soit jusqu’à la fin d’un délai de grâce prévu par le règlement d’exploitation interdisant lesdits produits soit, pour ceux dont l’approbation est arrivée à échéance et dont le renouvellement n’est pas demandé, jusqu’à une date fixée par arrêté ministériel.

 

[1] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM ».

Dispositif « Oui pub » : publication des décrets d’application

Décret n° 2022-764 du 2 mai 2022 relatif à l’expérimentation d’un dispositif interdisant la distribution d’imprimés publicitaires non adressés en l’absence d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier (« Oui Pub »)

 

La loi Climat et résilience[1] a prévu, à son article 21, que certaines collectivités pourraient, à titre expérimental et pour une durée de 3 ans, interdire la distribution de publicités lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres, autrement appelé dispositif « Oui Pub ». Cette mesure expérimentale, destinée à réduire la publicité et les déchets, pose donc la règle inverse de celle en vigueur aujourd’hui, qui est d’autoriser la distribution de telles publicités sauf lorsque l’interdiction figure clairement sur la boîte aux lettres (dispositif « Stop Pub »).

La loi Climat et résilience prévoyait alors que les collectivités concernées et les modalités d’application de cette mesure devraient être définies par décret.

C’est maintenant chose faite, avec la publication le 2 mai 2022 de deux décrets d’application.

Le décret n° 2022-765 liste ainsi les 13 collectivités et groupements de collectivités mettant en place l’expérimentation « Oui pub », composés de 6 syndicats de traitement des déchets, de 2 communes et de 5 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Le décret n° 2022-764, quant à lui, détaille les modalités d’application de cette mesure, en prévoyant notamment qu’elle se déroulera selon deux phases : une phase d’information, à compter du 1er mai 2022, et une phase d’expérimentation, à compter du 1er septembre 2022. Il prévoit en outre que la mesure sera suivie par un comité de pilotage constitué de représentants de l’Etat, des collectivités participant à l’expérimentation et des secteurs économiques concernés, lequel sera chargé d’élaborer un protocole national d’expérimentation. Enfin, un comité d’évaluation sera chargé d’évaluer l’expérimentation et de produire un rapport d’évaluation. Il assurera la centralisation des données collectées à l’échelon local, lesquelles sont listées dans le décret (nombre de boîtes aux lettres « Oui Pub », impact sur le tonnage des déchets papiers traités par la collectivité, impact sur les consommateurs, impact sur les emplois etc…) pour le suivi et l’évaluation de l’expérimentation. Ce rapport, remis au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation, devra comprendre deux volets : l’un relatif à l’impact environnemental du dispositif et l’autre relatif à l’impact socio-économique de l’expérimentation.

 

[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Contrôle de raccordement en matière d’assainissement : fixation du délai de transmission du rapport établi par la commune

L’article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui définit le contenu de la compétence des collectivités en matière d’assainissement des eaux usées, prévoit notamment à son point II que les communes sont chargées d’assurer le contrôle des raccordements au réseau public de collecte.

Cet article précise en outre, depuis la loi Climat et résilience[1], qu’à l’issue du contrôle de tout nouveau raccordement d’un immeuble au réseau public de collecte des eaux usées, la commune doit établir et transmettre au propriétaire de l’immeuble ou, en cas de copropriété, au syndicat des copropriétaires, un document décrivant le contrôle réalisé et évaluant la conformité du raccordement au regard des prescriptions réglementaires.

Le décret n° 2022-521, paru le 11 avril 2022, vient préciser le délai dans lequel la transmission de ce rapport doit s’effectuer, en créant un nouvel article R. 2224-15-1 dans le CGCT. Cet article prévoit ainsi désormais que ce délai de transmission doit être fixé par le règlement de service prévu à l’article L. 2224-12 du même Code (lequel règlement doit définir les prestations assurées par le service ainsi que les obligations respectives de l’exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires).

Ce nouvel article prévoit en tout état de cause que ce délai ne peut excéder 6 semaines à compter de la date à laquelle la commune a reçu la demande du propriétaire ou du syndicat de réaliser le contrôle.

 

[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Parution du décret relatif au dispositif de certificats de biogaz

La loi climat et résilience du 22 août 2021 a créé un dispositif de certificats de biogaz, désormais régi par les dispositions des articles L. 446-31 à L. 441-36 du Code de l’énergie.

Dans le but de de favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel, ce dispositif impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de restitution à l’Etat de certificats. Obligation dont ils peuvent s’acquitter, soit en produisant directement du biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biogaz.

Ce dispositif permet en parallèle aux producteurs de biogaz de disposer d’un revenu associé à la commercialisation des certificats de production de biogaz, en sus du revenu de la vente physique du biogaz.

C’est dans ce cadre qu’un projet de décret visant à préciser les modalités d’application de ce dispositif de certificats de biogaz avait été mis en consultation, commenté dans nos notre lettre d’actualité juridique du mois de mars, et avait fait l’objet d’un avis de la CRE, également commenté dans notre lettre d’actualité juridique du mois d’avril.

La version finale de ce décret a désormais été publiée au Journal Officiel du 26 avril 2022.

Ledit décret prévoit en particulier :

  • les modalités de gestion du registre des certificats de production de biogaz ;
  • la modulation de la distribution des certificats de production de biogaz ;
  • l’exonération de certains fournisseurs de gaz naturel ;
  • les modalités de contrôle des producteurs émettant des certificats ;
  • les modalités de sanction des producteurs en cas de manquement à la réglementation.

La CRE se prononce sur un projet de décret relatif au niveau de prise en charge par le TURPE de certains raccordements poursuivant des objectifs écologiques et climatiques

Pour mémoire, l’article 98 de la loi climat et résilience du 22 août 2021 avait augmenté le niveau de prise en charge maximal (de 40 à 80 %) par le TURPE des coûts de raccordements aux réseaux en basse tension pour des puissances inférieures ou égales 36 kilovoltampères relatifs à des opérations concourant aux objectifs écologiques et climatiques fixés par l’article L.100-4 du Code de l’énergie.

Usant de cette possibilité désormais codifiée à l’article L. 341-2 du Code de l’énergie, le projet de décret dont a été saisie la CRE porte la prise en charge par le TURPE du coût des travaux d’adaptation du réseau alimentant certaines installations de consommation existantes raccordées aux réseaux basse tension pour une puissance inférieure ou égale à 36 kVA à 80 % (le maximum autorisé prévu par la loi donc).

Sont éligibles à cette augmentation les ouvrages suivants :

  • les pompes à chaleur, y compris hybrides ;
  • les infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE) d’une puissance inférieure à 11kW, à l’exception de celles ouvertes au public et celles situées dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation.

Dans son avis ici commenté, la CRE commence par rappeler que cette nouvelle hausse du taux de réfaction, qui s’ajoute au précédentes, entraînera nécessairement une hausse de la facture d’électricité pour les consommateurs raccordés au réseau de distribution, hausse qui pourrait selon elle être contreproductive quant à l’objectif initial de développement de l’électricité bas carbone poursuivi par le mécanisme de réfaction.

Et, concernant les infrastructures de recharge pour véhicules électriques d’une puissance inférieure à 11kW, la CRE rappelle d’abord qu’elle a eu l’occasion  de considérer qu’une augmentation du taux de réfaction était justifiée au démarrage de la filière pour permettre le développement de ces installations et d’ainsi rendre un avis positif pour augmenter la réfaction à 75 % pour les IRVE pour les infrastructures de recharge ouvertes au public et les ateliers de charge des véhicules électriques affectés à des services de transport public routier de personnes.

Toutefois, elle estime que l’augmentation du taux de réfaction ici prévue, en soutenant le développement d’infrastructures de recharge à domicile de trop forte puissance (11kW), n’incite pas, à son sens, au pilotage de la recharge (c’est-à-dire à la modulation de la puissance électrique demandée lors de la recharge) et entraînera donc des sollicitations du réseau qui auraient pu être évitées et des travaux de renforcement inutiles. Elle émet en conséquence un avis défavorable sur cette proposition.

En revanche, elle émet un avis favorable sur la proposition d’augmentation du taux de réfaction s’agissant des pompes à chaleur, mais recommande toutefois que cette augmentation soit limitée dans le temps.

Stockage d’électricité : avis sur le projet de décret relatif aux procédures d’appels d’offres de stockage et ouverture d’une consultation publique

Consultation publique n°2022-04 du 21 avril 2022 relative à la révision de la méthodologie d’examen d’un projet d’ouvrage de stockage d’électricité dans les zones non interconnectées 

 

Pour mémoire, l’article L. 352-1 du Code de l’énergie définit le stockage d’énergie dans le système électrique comme « le report de l’utilisation finale de l’électricité à un moment postérieur à celui auquel elle a été produite, ou la conversion de l’énergie électrique en une forme d’énergie qui peut être stockée, la conservation de cette énergie et la reconversion ultérieure de celle-ci en énergie électrique ou son utilisation en tant qu’autre vecteur d’énergie ».

Ce mécanisme a fait l’objet de deux actualités récentes : l’une concernant les procédures d’appels d’offres portant sur le développement de capacités de stockage d’électricité (1) et l’autre sur la méthodologie d’examen d’un projet d’ouvrage de stockage d’électricité dans les zones non interconnectées (2).

1. Avis sur le projet de décret fixant les modalités de la procédure d’appel d’offres portant sur le développement de capacités de stockage d’électricité

Dans l’hypothèse où les capacités de stockage ne répondent pas aux objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) (article L. 141-1 du Code de l’énergie) ou qu’il ressort des besoins de flexibilité du bilan prévisionnel évaluant le système électrique (article L. 141-8 du Code de l’énergie), l’article L. 1352-1-1 du Code de l’énergie permet au Ministre de l’Énergie de recourir à des procédures d’appel d’offres portant sur le développement de capacités de stockage d’électricité, dont les modalités sont fixées par décret du Conseil d’Etat après avis de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

Dans ce cadre, la CRE a été saisie, le 14 mars 2022, par la Direction générale de l’énergie et du climat du projet de décret portant sur la procédure d’appel d’offres de stockage d’électricité, lequel prévoit notamment les rôles respectifs du gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) et du Ministre chargé de l’énergie dans cette procédure ainsi que le contenu du cahier des charges.

Toutefois, la CRE estime, dans sa délibération du 7 avril 2022 ici commentée, qu’en l’état, l’organisation de ces appels d’offres telle qu’elle est prévue dans la loi ainsi que dans ledit projet de décret, qui a une visée essentiellement procédurale, ne tient pas compte du contexte actuel de crise énergétique et du besoin de flexibilité à venir important.

Ainsi, la CRE décide de ne pas rendre d’avis formel sur le projet de décret.

2. Consultation publique relative à la révision de la méthodologie d’examen d’un projet d’ouvrage de stockage d’électricité dans les zones non interconnectées

Sur ce deuxième point, on rappellera que les articles L. 121-6 et L. 121-7 du Code de l’énergie permettent la compensation intégrale par l’Etat, au titre des charges imputables au service public d’électricité, des coûts des ouvrages de stockage d’électricité gérés par le gestionnaire du système électrique dans les zones non interconnectées (ZNI). Ces coûts étant pris en compte dans la limite des surcoûts de production qu’ils permettent d’éviter.

A ce titre, la CRE avait, par délibération du 30 mars 2017, après consultation du public, établi une méthodologie précisant les modalités de saisine, d’examen, de calcul de compensation et de régulation des ouvrages de stockage d’électricité dans les ZNI.

Cinq ans après, et à la suite de l’adoption d’un arrêté du 6 avril 2020 portant sur le taux de rémunération du capital immobilisé notamment pour les ouvrages de stockage dans les ZNI, la CRE entend revoir cette méthodologie et a ainsi ouvert, jusqu’au 1er juin 2022, une consultation permettant de recueillir les avis et propositions des parties intéressées sur cette méthodologie révisée.

Celle-ci vient fixer les modalités d’examen des projets de stockage ainsi que celles liées à la détermination du niveau de compensation et au dossier de saisine et constituera ainsi les lignes directrices applicables en la matière par la CRE, opposables aux opérateurs.

Réponse de la CRE à la proposition législative de la Commission européenne sur la décarbonation du gaz

Le 14 avril dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a mis en ligne la réponse qu’elle a formulée dans le cadre de la consultation publique ouverte entre le 15 décembre 2021 et le 12 avril 2022 par la Commission européenne au sujet de sa proposition législative de révision des règles de l’Union européenne en matière d’accès au marché et aux réseaux de gaz.

Les propositions de la Commission européenne s’inscrivent dans l’objectif de neutralité carbone de l’Union Européenne en 2050 et tendent à faciliter l’intégration des gaz renouvelables et bas carbone et à préparer l’émergence d’un marché de l’hydrogène.

Dans sa contribution, la CRE indique « accueill[ir] favorablement ce nouveau paquet législatif qui accélère la décarbonation indispensable du secteur du gaz naturel, prépare l’arrivée de l’hydrogène, contribuant ainsi de manière décisive à renforcer l’indépendance énergétique de l’Union européenne ».

Toutefois, la CRE formule plusieurs alertes « sur certaines des mesures proposées qu’elle estime prématurées ou aller à l’encontre du bon fonctionnement du système gazier européen et, à terme, du développement de l’hydrogène ».  Elle invite à cet égard la Commission européenne au pragmatisme, à la souplesse et la met en garde sur la nécessité d’« assurer le respect de la diversité des modes de gouvernance et [d’]éviter un excès de réglementations qui nuiraient à l’innovation en termes techniques comme organisationnels ».

Dans le détail, les principales alertes de la CRE sont les suivantes :

  • L’intégration des réseaux de distribution aux zones entrée-sortie du réseau de transport doit rester optionnelle, dès lors qu’il s’agit selon elle d’une solution « particulièrement lourde et déstabilisatrice alors que des solutions de type contractuel ont montré leur efficacité, en France notamment ». La CRE relève en effet que si ce système a déjà été mis en œuvre par certains pays européens, il serait inadapté au cas français.
  • La CRE est défavorable à l’exonération des tarifs aux interconnexions pour les gaz renouvelables et bas carbone, qui constitue selon elle une mesure particulièrement complexe à appliquer et sans valeur ajoutée significative. La CRE note en effet « que les régulateurs ne sont, de manière générale, pas en faveur des rabais tarifaires en ce qu’ils faussent les signaux économiques adressés aux utilisateurs des infrastructures régulées et posent des problèmes de couverture des coûts des opérateurs de réseaux » et ajoute que « Tout rabais tarifaire doit être justifié et quantifié, notamment par le rôle joué ou le service rendu au système gazier par les bénéficiaires de ces rabais ».
  • En matière d’hydrogène, la CRE indique être défavorable à l’injection d’hydrogène dans les réseaux de transport de gaz (conduisant à un mélange d’hydrogène et de gaz naturel), y compris de manière transitoire, estimant cette mesure coûteuse, génératrice de problèmes de sécurité et de nature à réduire la valeur de l’hydrogène et du gaz. La proposition de la Commission prévoit en effet l’obligation, pour les gestionnaires de réseaux de transport de gaz d’accepter une proportion d’hydrogène allant jusqu’à 5 % par volume de gaz aux points d’interconnexion. La CRE indique privilégier la séparation des réseaux de gaz et d’hydrogène, ou a minima, si la Commission devait maintenir sa proposition, abaisser le seuil minimal actuellement envisagé.
  • Toujours en matière d’hydrogène, la CRE estime par ailleurs prématurée la fixation à 2030 de l’objectif de création de l’accès régulé aux infrastructures d’hydrogène et une séparation patrimoniale entre les activités de transport et de production et fourniture au sein des opérateurs agissant dans le domaine de l’hydrogène. En effet, dans sa proposition, la Commission européenne préconise la mise en place d’un marché européen de l’hydrogène ouvert et concurrentiel s’inspirant des règles qui régissent le marché du gaz naturel.
  • La CRE se prononce défavorablement sur l’attribution à l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) de nouvelles compétences en matière notamment de calcul du revenu autorisé des GRT de gaz et des méthodes d’évaluation des actifs convertis à l’hydrogène au détriment des régulateurs nationaux, estimant l’échelon national mieux à même de gérer ces problématiques susceptibles de présenter des particularités locales.
  • La CRE préconise en outre de consolider les pouvoirs des Etats membres quant à l’adoption de mesures permettant d’atteindre les niveaux de stockages requis sur leur territoire, tout en renforçant la solidarité et la sécurité européenne dans ce domaine. Elle émet donc des réserves sur la proposition de la Commission européenne de retenir une approche régionale des questions de stockage.
  • En matière de réduction des émissions de méthane enfin, la CRE recommande de privilégier les actions conduisant aux plus fortes réductions des émissions de méthane au moindre coût.

Premier appel d’offres sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production de biométhane

Délibération de la CRE du 14 avril 2022 portant avis sur le projet de cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production de biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel

 

Le 29 avril dernier, un appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production de biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel a été publié.

Cet appel d’offres, qui est le premier dans ce domaine, vise à accélérer le développement des capacités de production de biométhane et prévoit trois périodes distinctes dont les dates limites de candidature sont les suivantes : 16 décembre 2022, 23 juin 2023 et 15 décembre 2023.

Les candidats retenus qui seront désignés par le Ministre chargé de l’énergie bénéficieront d’un contrat d’achat du biométhane produit et injecté dans un réseau de gaz naturel. Cet appel d’offres devrait permettre, pour la première période, de parvenir à une production annuelle prévisionnelle cumulée de 500 GWh PCS/an). L’appel d’offres porte au total sur une capacité de production de 1,6 TWh PCS/an.

Cette publication fait suite à une délibération du 14 avril 2022 de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE), par laquelle le régulateur s’était prononcé sur le projet de cahier des charges qui lui avait été soumis par le ministre chargé de l’énergie.

Dans cette délibération, la CRE a donné un avis très favorable au dispositif d’appel d’offres dans un contexte de crise gazière et de nécessaire réduction de la dépendance au gaz russe et au gaz fossile en général, tout en préconisant d’apporter quelques améliorations techniques au cahier des charges au titre de la première période de candidature, ainsi que d’autres améliorations à apporter pour les périodes suivantes.

RE 2020 et constitutionnalité : l’enjeu sur les mesures fixant des résultats minimaux à atteindre concernant l’impact de la construction sur le changement climatique

En France, rappelons que le secteur du bâtiment est le secteur économique le plus consommateur d’énergie en France, soit 44 % de la consommation d’énergie et près de 25 % des émissions de CO2[1], ce alors qu’au sein de l’Union européenne, la majorité des bâtiments présente un faible niveau d’efficacité énergétique.

Afin de répondre à l’objectif de décarbonisation du parc immobilier, les législateurs européen[2] et français ont soumis les maîtres d’ouvrage, y compris publics, ainsi que les opérateurs économiques, au respect de diverses normes de « performance énergétique et environnementale des bâtiments »[3], lesquelles prennent en compte non seulement les consommations d’énergie, mais aussi les émissions de carbone, y compris celles liées à la phase de construction du bâtiment.

C’est ainsi qu’a été définie la réglementation environnementale des nouvelles constructions de bâtiments (« RE 2020 ») en remplacement de la réglementation thermique (RT 2012), qui poursuit trois objectifs :

  • donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ;
  • diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ;
  • garantir le confort en cas de forte chaleur.

Conformément à l’article R. 171-1 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après « CCH »), cette réglementation est applicable :

  • à la construction de bâtiments ou parties de bâtiments d’habitation qui ont fait l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable déposée depuis le 1er janvier 2022[4];
  • à la construction de bâtiments ou parties de bâtiments de bureaux ou d’enseignement primaire ou secondaire qui font l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable à compter du 1er juillet 2022;
  • à la construction de bâtiments d’habitation, de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire exonérés de toute formalité (permis de construire ou déclaration préalable), au titre des habitations légères de loisirs et des constructions provisoires, à compter du 1er janvier 2023[5].

Toutefois, conscients des contraintes imposées sur leurs activités par cette nouvelle réglementation environnementale, dont les principes seront rappelés (I), l’association La Filière Béton, la Fédération française des tuiles et briques (ci-après, la « FFTB ») et le syndicat national des industrie de roches ornementales et de construction (ci-après, le « SN ROC »), ont soulevé à l’occasion de recours introduits à l’encontre d’un décret et d’un arrêté d’application de cette réglementation[6], par la voie de l’exception, une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après « QPC ») visant précisément les dispositions imposant des résultats minimaux en matière de limitation de l’impact de la construction sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment.

Le Conseil d’État a toutefois écarté l’ensemble des griefs soulevés et refusé de transmettre l’examen de cette QPC au Conseil constitutionnel par sa décision du 29 mars 2022 (II).

I. Une réglementation environnementale prenant en compte l’impact de la construction sur le changement climatique sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment

  1. La prise en compte de la performance environnementale dans la construction de bâtiments neufs

La performance environnementale a été l’évolution majeure de la RE 2020 qui a introduit une évaluation des impacts environnementaux du bâtiment fondée sur le principe de l’analyse du cycle de vie.

Autrement dit, cette méthode permet d’objectiver les impacts du bâtiment sur le changement climatique à travers plusieurs indicateurs environnementaux calculés sur l’ensemble de son cycle de vie.

En effet, en vertu de l’article L. 171-1 du CCH, cette réglementation impose à la construction et la rénovation de bâtiments neufs d’atteindre des résultats minimaux :

  • de performance énergétique pour des conditions de fonctionnement définies, évaluée en tenant compte du recours aux énergies renouvelables au sens de l’article L. 111-1 du CCH ;
  • de limitation de l’impact sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment ;
  • de performance environnementale, évaluée notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’eau et de la production de déchets liées à la fabrication des composants des bâtiments, à leur édification, leur entretien, leur rénovation et leur démolition, ainsi que du recours à des matériaux issus de ressources renouvelables et de l’incorporation de matériaux issus du recyclage.

De même, parmi les informations relatives aux produits de construction et équipements nécessaires pour apprécier le respect de ces résultats minimaux, le législateur a notamment retenu, à l’article L. 171-2 du même code, l’information relative à «  leur contribution au stockage du carbone de l’atmosphère pendant la durée de vie des bâtiments ».

Il en ressort que la réglementation RE 2020 vise à diminuer l’impact sur le climat des bâtiments neufs en incitant d’une part à des modes constructifs qui émettent peu de gaz à effet de serre ou qui permettent d’en stocker et, d’autre part, à la consommation de sources d’énergie décarbonées.

  1. Les résultats minimaux imposés et la méthode de calcul retenue pour prendre en compte l’impact sur le changement climatique

Afin de prendre en compte l’impact de la construction sur le changement climatique sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, l’article R. 172-4 du CCH a fixé, parmi les résultats minimaux que la construction de tout bâtiment ou partie de bâtiment doit atteindre[7] :

  • l’impact sur le changement climatique de la consommation d’énergie primaire et la consommation d’énergie primaire non renouvelable du bâtiment. Pour être réglementaire, la valeur de l’indicateur Icénergie d’un bâtiment doit être inférieure ou égale à un impact maximal, dénommé (indicateur Icénergie_max).

Cette valeur maximale Icénergie_max est calculée en appliquant des coefficients de modulation[8] – qui prennent en compte les contraintes de chaque catégorie de bâtiment[9] – à la valeur du coefficient Icénergie_max moyen qui diffère selon l’année de dépôt de la demande de permis de construire et de son raccordement ou non à un réseau de chaleur urbain[10].

  • l’impact sur le changement climatique lié aux composants du bâtiment (indicateur Iconstruction), à leur transport, leur installation et l’ensemble du chantier de construction, leur utilisation à l’exclusion des besoins en énergie et en eau de la phase d’exploitation du bâtiment, leur maintenance, leur réparation, leur remplacement et leur fin de vie, évalué sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment[11].

L’évaluation de cet impact prend ainsi en compte le stockage, pendant la vie du bâtiment, de carbone issu de l’atmosphère ainsi que les charges et bénéfices liés à la valorisation des composants en fin de vie.

Pour être réglementaire, la valeur de l’indicateur Iconstruction doit être inférieure ou égale à un impact maximal, dénommé (indicateur Iconstruction_max).

Cette valeur maximale Iconstruction_max est calculée en appliquant des coefficients de modulation[12] – qui prennent en compte les contraintes de chaque catégorie de bâtiment – à la valeur de l’Iconstruction_max moyen des bâtiments qui est précisée à l’annexe à l’article R. 171-4 du CCH[13] en fonction de l’usage de la partie de bâtiment et de l’année de dépôt de la demande de permis de construire[14].

De plus, l’article R. 172-4 du CCH a mis en œuvre des indicateurs supplémentaires relatifs à l’impact sur le changement climatique, sans exigence réglementaire de résultats minimaux à atteindre à leur égard[15]. Il s’agit de :

  • l’impact sur le changement climatique du bâtiment, évalué sur l’ensemble de son cycle de vie (Indicteur Icbâtiment). L’évaluation de cet impact prend en compte le stockage, pendant la vie du bâtiment, de carbone issu de l’atmosphère ainsi que les charges et bénéfices liés à la valorisation des composants en fin de vie.
  • la quantité de carbone issu de l’atmosphère et stocké dans le bâtiment (indicateur Stockc) dont le calcul est précisé à l’annexe II de l’arrêté du 4 août 2021[16].

La méthode de calcul Th-BCE 2020 pour vérifier l’atteinte de ces résultats minimaux a été définie par l’arrêté du 4 août 2021[17], modifié par la suite par l’arrêté du 6 avril 2022[18].

A cet égard, l’annexe II de l’arrêté du 4 août 2021 précise que le calcul de la performance énergétique et environnementale est décomposé en deux étapes complémentaires :

  • une première étape portant sur une simulation énergétique et le calcul des indicateurs énergétiques (Bbio et des indicateurs Cep et Cep,nr) ;
  • une seconde étape relative au calcul de l’analyse du cycle de vie du bâtiment (ACV) et des indicateurs environnementaux (Icconstruction, Icénergie et Icbâtiment) en utilisant certaines données de sortie de la simulation énergétique, étant rappelé que la RE 2020 ne réglemente spécifiquement que les indicateurs Icconstruction et Icénergie.

Pour réaliser l’ACV, il faut établir la contribution aux impacts environnementaux des cinq catégories qui composent le bâtiment (les produits de construction et les équipements du bâtiments, soit les « composants » ; les consommations d’énergie du bâtiment lors de son fonctionnement ; le chantier de construction ; les consommations et rejets d’eau ; et l’aménagement et l’usage de la parcelle) à chacune des cinq étapes du cycle (phase de production, de construction, d’exploitation, fin de vie et bénéfices et charges au-delà du cycle de vie).

Il en ressort qu’un m3 de béton émet à chaque phase du cycle de vie : lors de sa fabrication, lors de sa mise en œuvre, lors de son entretien pendant l’exploitation du bâtiment, lors de sa destruction en fin de vie et finalement lors d’un éventuellement réemploi (comptabilisé comme une contribution bénéfique, soit une émission négative).

Par la suite, afin de justifier qu’il a bien pris en compte les exigences de la RE2020[19], le maître d’ouvrage doit établir, au plus tard à l’achèvement des travaux, un récapitulatif standardisé d’étude énergétique et environnementale dont les données doivent être conservées pendant au moins 6 ans à compter du dépôt de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux[20].

De même, conformément aux articles R. 122-24-1 et R. 122-24-3 du CCH, le maître d’ouvrage doit établir une attestation de prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementales, telles que fixées par la réglementation RE 2020, avant le début des travaux – en la joignant à la demande de permis de construire – et à leur achèvement – en la joignant à la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux[21].

II. Une réglementation contestée au regard de son caractère contraignant pour certains opérateurs du secteur de la construction

  1. Les contraintes imposées aux opérateurs du secteur de la construction

Il résulte de ce qui précède que les principes, les indicateurs et la méthode de calcul instaurés par la réglementation RE 2020 ne sont pas sans conséquence sur les maîtres d’ouvrage et sur les opérateurs du secteur de la construction.

En particulier, cette réglementation RE 2020 requiert un changement de méthode dans la conception des constructions via une analyse de cycle dynamique du bâtiment et ce, afin de limiter l’empreinte carbone du bâtiment.

De même, les constructeurs doivent désormais prendre en considération l’impact carbone de tous les matériaux et équipements utilisés, à partir de données environnementales fournies par les fabricants.

Ils vont ainsi devoir privilégier les matériaux biosourcés (bois, paille, chanvre, liège, lin, laine de mouton, etc.) compte tenu, pour certains d’entre eux, de leur fort pouvoir de stockage du carbone qu’ils réémettent, seulement en partie, en fin de vie. Au contraire, ils vont devoir diminuer le recours à d’autres matériaux (béton, acier…) dont les émissions de GES sont plus conséquentes.

Pareillement, la RE 2020 devrait encourager le recours aux matériaux géosourcés (pierre de taille, terre crue…) dès lors qu’ils mobilisent peu d’étapes de transformation émettrices de CO2 et présentent par ailleurs de forts taux de réemploi ou de recyclage.

Ainsi, cette nouvelle réglementation apparaît nécessairement favorable à la filière bois, au détriment de celles de l’acier et du béton qui « sont responsables de 8 % des émission totales de GES »[22]. En effet, non seulement le bois est une ressource renouvelable moins polluante dans son mode de production, mais il stocke également du carbone pendant sa durée de vie au sein de la construction.

Certes, des paliers ont été instaurés pour une transition progressive des exigences en la matière.

La première phase (2021-2025) doit laisser le temps à la filière constructive de se familiariser avec la méthode d’analyse en cycle de vie et les indicateurs de performance prévus par la réglementation environnementale, dont certains existaient certes déjà – bien que modifiés – dans le cadre de la RT 2012 (indicateurs Bbio et Cep).

Lors d’une seconde phase, un recours de plus en plus important à ces matériaux sera imposé afin d’abaisser le seuil maximal en kgCO2/m2 de 30 % à 40 % à l’horizon 2031.

Toutefois, dans la mesure où la RE 2020 vise une transformation progressive des techniques de construction, des filières industrielles et des solutions énergétiques, afin de maîtriser les coûts de construction et de garantir la montée en compétence des professionnels, il est logique qu’elle soit confrontée, à travers des recours introduits à l’encontre des textes réglementaires contribuant à sa mise en œuvre, à une forte opposition des opérateurs du secteur du bâtiment.

C’est précisément dans cette perspective que l’association La Filière Béton, la Fédération française des tuiles et briques et autre ont soulevé, par la voie de l’exception, une QPC mettant en cause la conformité des dispositions des 2° des articles L. 171-1 et L. 171-2 précités du CCH aux droits et libertés garantis par la Constitution.

L’enjeu n’était pas insignifiant pour les cimentiers dès lors que, contrairement à la RT 2012, la nouvelle méthode de calcul obligera à prendre en compte l’étape de construction du bâtiment qui correspond à 60% de l’empreinte carbone d’un bâtiment neuf.

  1. La confirmation par le Conseil d’Etat de la prise en compte de l’impact de la construction sur le changement climatique sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment

En refusant de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a confirmé la constitutionnalité des dispositions des 2° des articles L. 171-1 et L. 171-2 du CCH, qui ont pour objet de limiter la quantité de gaz à effet de serre émise lors de la construction et de la rénovation de bâtiments, et qui prévoient la fixation par décret de résultats minimaux en termes de limitation de l’impact sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment.

Tout d’abord, il a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance des articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement.

En effet, les requérants arguaient, non sans un certain aplomb au regard de leurs filières respectives, qu’en favorisant le recours au bois pour la construction de bâtiments, ces dispositions auraient des effets négatifs sur les forêts et favoriseraient la libération massive de gaz à effet de serre lors de leur démolition ou destruction, de sorte qu’elle seraient de nature à porter atteinte au droit de chacun à vivre dans un environnement sain et équilibré tel qu’il est consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement.

Toutefois, le Conseil d’Etat a retenu que c’est précisément parce que ces dispositions permettent d’apprécier les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du « cycle de vie » des bâtiments, notamment lors du processus de fabrication – dont la déforestation – et d’acheminement des matériaux, que ces dispositions ne méconnaissaient par l’article 1er de la Charte de l’environnement.

Autrement dit, ces dispositions ne favorisent la filière bois que dans la mesure où celles du béton ou de l’acier émettent bien plus de gaz à effet de serre sur l’ensemble du « cycle de vie » des bâtiments.

De même, elles ne méconnaissent pas davantage l’article 2 de la Charte de l’environnement, qui soumettent les pouvoirs publics à une obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement qui pourraient résulter de leur activité, dès lors qu’elles ont précisément pour objet la limitation des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère afin de lutter contre le changement climatique et qu’il n’apparait, en l’état des connaissances scientifiques, qu’elles auraient un effet négatif, à long terme, sur ces émissions.

Ensuite, si les requérants soutenaient que les dispositions contestées méconnaissaient le principe d’égalité en ce qu’elles établiraient une différence de traitement entre la filière bois, qui présenterait de bons résultats en matière de stockage de carbone pendant la durée de vie des bâtiments, et les autres filières et matériaux, c’est à juste titre que la Haute juridiction a écarté ce moyen au motif qu’elles s’appliquent indifféremment à tous les constructeurs et se bornent à introduire une exigence de résultats minimaux, sans identifier aucun matériau donné, en particulier le bois.

En outre, le Conseil d’Etat a retenu que c’est encore une fois à tort que les requérants invoquaient la méconnaissance de la liberté d’entreprendre des acteurs de la construction dans la mesure où l’atteinte à cette liberté n’était pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement. En effet, l’obligation contestée[23] n’impose pas aux acteurs de la construction un choix particulier de matériau et ne fixe aucune prescription quantitative imposant directement une proportion de matériaux identifiés dans le bâti.

Enfin, la Conseil d’Etat a logiquement conclu que le législateur n’avait pas méconnu sa propre compétence en n’encadrant pas davantage l’édiction par le pouvoir réglementaire des modalités de prise en compte du stockage temporaire du carbone issu de l’atmosphère et des émissions produites à sa libération.

***

Toutefois, si cette décision conforte la réglementation RE 2020, elle ne saurait totalement préjuger de l’issue des recours introduits au fond par les requérantes à l’encontre du décret du 29 juillet 2021 et de l’arrêté du 4 août 2021[24].

En effet, il est probable que les filières représentées par les requérants ont toutes les intentions de mener jusqu’au bout la contestation juridique afin d’assurer la pérennité de leur secteur.

Yann-Gaël NICOLAS et Thomas ROUVEYRAN

 

[1] Source : Ministère de la Transition Ecologique, « Réglementation environnementale RE2020 », 24 janvier 2022

[2] Cf. la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments, modifiée par la directive 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018.

[3] Il résulte de l’article 2 de la directive 2010/31/UE que la performance énergétique d’un bâtiment doit s’entendre comme « la quantité d’énergie calculée ou mesurée nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques liés à une utilisation normale du bâtiment, ce qui inclut entre autres l’énergie utilisée pour le chauffage, le système de refroidissement, la ventilation, la production d’eau chaude et l’éclairage ». 

[4] A l’exclusion des cas où la construction a donné lieu à la signature, avant le 1er octobre 2021, d’un contrat de louage d’ouvrage, au sens de l’article 1787 du code civil et dont la demande de permis de construire ou la déclaration préalable est déposée avant le 1er septembre 2022, ou d’un contrat de construction de maison individuelle régi par les articles L. 231-1 et L. 232-1 du CCH.

[5] Construction de bâtiments d’habitation, de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire exonérés de demande de permis de construire et de déclaration préalable au titre des habitations légères de loisir, au sens du b de l’article R. * 421-2 du code de l’urbanisme, et des constructions provisoires, au sens de l’article R. * 421-5 du code de l’urbanisme.

[6] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation

[7] Outre les critères énergétiques tels que le besoin en énergie du bâtiment (indicateur Bbio), la consommation d’énergie primaire et de consommation d’énergie primaire non renouvelable du bâtiment (indicateur Cep), et l’inconfort estival (indicateur DH).

[8] Résultant de la localisation géographique, de la présence de combles, de la surface moyenne des logements du bâtiment ou de la partie de bâtiment, pour les bâtiments à usage d’habitation, de la surface de référence du bâtiment ou de la partie de bâtiment, et de la catégorie de contraintes extérieures du bâtiment.

[9] Maisons individuelles ou accolées, logements collectifs raccordés ou non à un réseau de chaleur urbain, bureaux raccordés ou non à un réseau de chaleur urbain, enseignement primaire ou secondaire raccordés ou non à un réseau de chaleur urbain.

[10] II du chapitre III de l’annexe au Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; article 2 du Décret n° 2022-305 du 1er mars 2022 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.

[11] La réglementation permet ainsi d’évaluer les différents impacts environnementaux d’une nouvelle opération de construction en considérant un bâtiment comme un ensemble constitué des matériaux mis en œuvre pour sa construction mais également des énergies consommées pendant son utilisation.

[12] Résultant de la localisation géographique, de la présence de combles, de la surface moyenne des locaux, de l’impact des fondations et des espaces en sous-sol, de l’impact de la voirie et des réseaux divers, de l’impact de l’installation des panneaux photovoltaïques pour un bâtiment ou une partie de bâtiment à usage de bureaux de plus de 1 000 m2 d’emprise au sol, et de l’impact des données environnementales par défaut.

[13] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine. Décret n° 2022-305 du 1er mars 2022 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.

[14] III du chapitre III de l’annexe au Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; article 2 du Décret n° 2022-305 du 1er mars 2022 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.

[15] Parmi ces indicateurs supplémentaires, le décret n° 2021-1004 a également ajouté – sans qu’il ne soit repris à l’article R. 172-4 du CCH –l’indicateur Icded relatif à l’impact sur le changement climatique associé à des données environnementales par défaut et à des valeurs forfaitaires dans le calcul de l’indicateur Icconstruction, exprimé en kg équivalent CO2/m2. Cet indicateur permet de connaître la part de données environnementales par défaut dans le calcul de l’impact des composants du bâtiment.

[16] Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation (NOR : LOGL2107359A).

[17] Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation (NOR : LOGL2107359A). Outre les résultats minimaux à atteindre, cet arrêté détaille, conformément à l’article R. 172-5 du CCH, les caractéristiques techniques minimales (étanchéité de l’air de l’enveloppe du bâtiment, ventilation, isolation thermique, éclairage naturel, confort l’été, consommation d’énergie, chauffage et refroidissement, éclairage) que certains ensembles de composants du bâtiment doivent respecter et qui concourent à sa performance énergétique et environnementale, à sa qualité sanitaire et à son confort thermique.

[18] Arrêté du 6 avril 2022 modifiant les arrêtés pris en application des articles R. 122-22 à R. 122-25 et R. 172-1 à R. 172-9 du code de la construction et de l’habitation (NOR : LOGL2123207A).

[19] En dehors des catégories de bâtiments pour lesquelles une méthode d’application simplifiée est prévue, de l’application d’une solution technique de remplacement de la méthode Th-BCE 2020 – qui ne serait pas applicable en raison des spécificités du projet – approuvée par le ministre chargé de l’énergie et de la construction, ou du recours à une solution d’effet équivalent ne nécessitant pas d’approbation du projet et ayant fait l’objet d’une attestation de respect des objectifs.

[20] Article R. 172-8 du CCH et article 18 de l’arrêté du 4 août 2021. Les données sont également communiquées au premier acquéreur du bâtiment et, dans la limite de la durée de leur conservation, à leur demande, aux acquéreurs ultérieurs.

[21] https://www.seban-associes.avocat.fr/une-pierre-supplementaire-a-ledifice-de-la-reglementation-thermique-des-batiments-neufs/

[22] « RE 2020 : de nouveaux recours pour ralentir la transition écologique », Actu-économie, 18 octobre 2021 : https://www.actu-economie.com/2021/10/18/re-2020-de-nouveaux-recours-pour-ralentir-la-transitionecologique/#:~:text=Des%20recours%20pour%20freiner%20la,en%20cas%20de%20fortes%20chaleurs.

[23] A savoir, l’atteinte de résultats minimaux en termes de limitation de l’impact sur le changement climatique, évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment.

[24] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du code de la construction et de l’habitation.

Les réunions du CSE et la visioconférence : employeurs êtes-vous à jour ?

Que prévoit la loi au sujet de la visioconférence et des réunions CSE sans l’accord de ce dernier ? Qu’en est-il si un accord a été conclu avec le CSE ? Une analyse complète de ce sujet avec des précisions à adopter pour le déroulement des réunions en visioconférence.

Sans accord avec le CSE ce que prévoit la loi

Limité à 3 réunions en visioconférence par année civile 

Qui peut décider de recourir à la visioconférence ?

  • Le chef d’entreprise, président du CSE
  • OU l’inspecteur du travail, en cas défaillance du président du CSE et à la demande d’au moins la moitié des membres du comité

Avec un accord conclu avec le CSE

Modalités :

L’accord est conclu entre l’employeur et les membres titulaire élus de la délégation du personnel au comité (C.trav.art. L2315-4)

La négociation de l’accord peut intervenir à tous moment et elle peut avoir lieu à la demandes des élus.

 

Contenu de l’accord :

Les parties à l’accord déterminent librement le contenu de l’accord

Ex : le nombre de réunions en visioconférence qui n’est pas limité

Ex: à qui revient la décision d’y recourir (cela peut être une décision conjointe du chef d’entreprise et du secrétaire du comité)

L’exproprié ne peut pas être indemnisé de la plus-value née de la revente ultérieure du bien

Par un arrêt en date du 26 mai 2020, la Cour d’appel de Lyon a fixé les indemnités revenant aux propriétaires expropriés, au profit de la société publique local Territoire d’innovation, de plusieurs parcelles leur appartenant.

Seulement, les biens objet de l’expropriation ont été revendus pour un projet déclaré d’utilité publique et, ce faisant, l’autorité expropriante a fait une plus-value. Les expropriés réclamaient une indemnisation de la plus-value.

Les expropriés ont exercé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt au sujet de la fixation de l’indemnité principale d’expropriation et de l’indemnité de remploi.

Selon les requérants, le juge de l’expropriation doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux, conformément à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Concrètement, il est reproché à la Cour d’avoir refusé, par principe de procéder à un contrôle concret de proportionnalité et de tenir compte, dans le calcul du montant de l’indemnité d’expropriation, de la plus-value considérable que l’expropriant s’était d’ores et déjà assuré de réaliser en revendant immédiatement les parcelles aux conditions du marché.

En réponse à ce moyen, la Cour de cassation a considéré que :

« La Cour d’appel, devant qui il n’était pas contesté que les biens expropriés avaient été revendus pour la réalisation du projet déclaré d’utilité publique, a retenu, d’une part, que la plus-value, que devaient générer ces ventes en raison de l’opération d’utilité publique conduite par l’expropriant, n’avait pas à être prise en compte pour déterminer l’indemnité réparant la dépossession, ce dont il résultait que l’indemnité de « privation de plus-value » revendiquée par les expropriés n’était pas en lien direct avec le préjudice résultant de la dépossession, qui seul pouvait être indemnisé par le juge de l’expropriation, d’autre part, que l’indemnisation était en rapport avec la valeur du bien exproprié, enfin, que la valorisation de leurs biens avait été faite sur la base d’éléments de comparaison sur des biens comparables.

Dès lors, elle n’était pas tenue de procéder à un contrôle inopérant relatif à l’atteinte disproportionnée au droit au respect des biens des consorts, qui résulterait de la plus-value bénéficiant à l’expropriant lors de la revente des parcelles ».

Cette décision n’est pas surprenante car est conforme à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, aux termes de laquelle il a considéré que la hausse de la valeur vénale d’un bien qui avait fait l’objet d’une expropriation n’a pas vocation à être prise en compte dans le calcul de l’indemnité revenant au propriétaire exproprié, et ce, alors même que l’expropriant entendait vendre le bien à un prix déjà déterminé et comprenant cette hausse (C.Constit., Décision QPC n° 2021-915, 11 juin 2021).

Impossibilité pour l’exproprié de renoncer à son droit de rétrocession tant que les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas réunies

Un propriétaire d’un terrain a été exproprié par le Département de la Réunion au profit de la Société dionysienne d’aménagement et de construction (SODIAC), par ordonnance du juge de l’expropriation le 9 septembre 2004.

Mais le terrain n’ayant pas reçu la destination prévue par l’acte déclaratif d’utilité publique, l’ancien propriétaire a assigné la commune puis la SODIAC et la société Icade promotion devant le Tribunal de grande instance. Le requérant alléguait notamment que la rétrocession de son bien étant devenue impossible, ses préjudices devaient être indemnisés.

En appel, la Cour d’appel de Saint-Denis a, le 19 mai 2020, estimé que l’ancien propriétaire était fondé à réclamer la rétrocession de la parcelle expropriée.

La SODIAC a alors exercé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt en soulevant le moyen selon lequel le propriétaire avait renoncé à son droit de rétrocession et qu’il ne pouvait l’exercer que lorsque le transfert de propriété est prononcé.

Or, selon la Cour de cassation, et après avoir rappelé l’article L. 421-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :

« L’exproprié peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, une fois celui-ci acquis.

Ce droit ne peut être acquis tant que les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas réunies, soit cinq ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant même l’expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique ».

Partant, la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel avait, à bon droit, jugé que le propriétaire n’avait pu valablement renoncer à son droit de rétrocession dans une convention conclue en 2007 avec l’expropriant, dès lors que son droit de rétrocession n’était pas encore né à cette date.

Concrètement, un exproprié ne peut donc valablement renoncer à son droit de rétrocession par une convention conclue (par exemple, dans un traité d’adhésion à l’ordonnance d’expropriation ou dans l’acte de vente conclu postérieurement à la DUP) avant que ce droit ne soit né.