Contrats publics
le 16/06/2022

Les membres d’un groupement solidaire d’entreprises sont recevables à demander le paiement de leurs seules prestations même en l’absence d’une répartition des tâches par le marché

CE, 19 mai 2022, Société BDM Architectes, n° 454637

Le Conseil d’Etat a précisé les conditions de paiement par le maître d’ouvrage des prestations réalisées dans le cadre d’un groupement solidaire d’entreprises.

Plus précisément, dans cette instance un groupement solidaire d’entreprises s’était vu attribuer un marché de maîtrise d’œuvre portant sur les travaux de construction du centre hospitalier François Dunan à Saint-Pierre-et-Miquelon. La société BDM Architectures, mandataire du groupement, a saisi le Tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon afin d’obtenir le paiement correspondant à la réalisation des prestations qu’elle avait personnellement réalisées.

Le juge de première instance ayant rejeté sa demande, la société BDM Architecture a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a également rejeté sa demande au motif que la société était irrecevable à demander le paiement des seules prestations qu’elle avait effectuées en l’absence de précisions au sein du marché sur la répartition des tâches entre les membres du groupement solidaire.

Cependant, dans le présent arrêt, le Conseil d’Etat n’a pas suivi ce raisonnement.

Il a d’abord rappelé que, par principe, lorsqu’aucune répartition des tâches entre les entreprises membres d’un groupement solidaire n’est prévues, celles-ci sont réputées se représenter mutuellement [1] et qu’ainsi leurs conclusions peuvent tendre au paiement du solde global du marché.

Le Conseil d’Etat juge néanmoins que ce principe de représentation mutuelle des membres d’un groupement connaît deux exceptions.

La première, déjà consacrée précédemment par le Conseil d’Etat [2], tient à l’hypothèse dans laquelle les membres du groupement présentent devant le juge des conclusions divergentes.

 La seconde, nouvellement identifiée par la décision commentée, est liée aux prestations personnellement effectuées par le membre d’un groupement qui en demande le paiement. Le Conseil d’Etat considère en effet que les entreprises membres du groupement, qu’elles en soient mandataire ou pas, sont tout à fait recevables à ne demander que le paiement, pour leur propre compte, des seules prestations qu’elles ont personnellement effectuées et ceci même lorsqu’aucune répartition des tâches entres membres n’est prévue au marché.

Dans le cadre d’une telle demande, le Conseil d’Etat précise que le maître d’ouvrage se retrouve libéré de sa dette à concurrence des sommes versées à l’égard de l’ensemble des membres du groupement.

En définitive, l’absence de précisions dans le marché relatives à la répartition des tâches entre membres du groupement n’a aucune incidence sur la possibilité pour ceux-ci de demander au maître d’ouvrage le paiement des seules prestations qu’ils ont personnellement réalisées.

__________

[1] Par exemple : CE, 27 février 2019, Société Sogea e.a., n° 416678.

[2] Par exemple : CE, 31 mai 2010, Société BCCB, n° 323948