Le droit des marques face aux métavers

Depuis quelques années, la question de la protection des droits de propriété intellectuelle face au développement d’un monde virtuel est devenue récurrente, sans qu’une réponse claire n’ait été apportée.

L’arrivée des NFT [Non Fungible Token ou Jeton Non Fongible], sortes de certificats numériques permettant d’attester l’origine et la propriété d’une création virtuelle, des cryptomonnaies s’appuyant sur la blockchain, de la réalité virtuelle composant un tout nouveau monde virtuel, a soulevé des nouvelles problématiques liées à la protection des droits de propriété intellectuelle.

De nouvelles formes de contrefaçon sont apparues.

A titre d’illustration, Hermès a porté plainte contre l’artiste Mason Rotschild alors qu’il proposait à la vente sur la plateforme OPENSEA des « Metabirkin », reproduisant les célèbres sacs Birkin sous forme de NFT.

Plusieurs questions se posent, notamment celle de la protection de la marque reproduite pour la vente d’un produit similaire mais sous une forme virtuelle.

En France, il découle de l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle que la contrefaçon de marque concerne l’utilisation non autorisée d’un signe identique ou similaire, pour des produits/services identiques ou similaires, engendrant un risque de confusion aux yeux du public.

La contrefaçon de marque peut-elle être reconnue si les produits désignés ne sont pas les mêmes, l’un étant un bien matériel et l’autre virtuel?

La jurisprudence rappelle qu’un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés, et inversement[1].

Ainsi, la différence entre les produits désignés peut être compensée par un degré élevé de similitudes entre les signes, si un haut risque de confusion est engendré. La différence entre la nature des biens concernés, à savoir un bien matériel et l’autre virtuel pourrait ainsi être compensée.

Il est toujours possible d’anticiper dès le stade du dépôt de marque, en déposant des produits virtuels tels que :

  • produits virtuels téléchargeables (classe 9) ;
  • services de magasins de vente au détail concernant des produits virtuels (classe 35) ;
  • services financiers ; jetons numériques (classe 36) ;
  • produits virtuels non téléchargeables en ligne et NFT (classe 42) ;
  • services financiers y compris les jetons numériques (classe 36).

Cette stratégie reste cependant limitée puisqu’à défaut d’usage durant la période ininterrompue de 5 ans, la marque sera déchue pour les produits et services pour lesquels elle n’a pas pu rapporter de preuve d’usage.

La contrefaçon de marque peut-elle être reconnue sur le territoire français dès lors qu’elle concerne le monde virtuel ?

A première vue, il pourrait être tenté d’appliquer le même raisonnement que celui concernant la cyber contrefaçon. A cet égard, la jurisprudence retient le critère de rattachement à la France et d’accessibilité au public français (langue française, etc.).

Mais les métavers représente une technologie immersive et transverse qui ne s’adresse pas à un public localisé mais à tous.

 

[1] CA Paris, pôle 5 – ch. 1, 25 avr. 2017, n° 15/17721

Délégation de service public : précisions sur le contenu du rapport d’analyse des offres

A l’issue d’une procédure de passation d’un contrat de délégation de service public, il revient à l’assemblée délibérante de se prononcer sur le choix du délégataire et le contenu du futur contrat, ainsi que le prévoit l’article L. 1411-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

En pratique, l’assemblée délibérante se prononce sur la base d’un rapport préparé par l’exécutif ayant mené les négociations.

Par son arrêt n° 20MA1238 en date du 12 septembre 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille apporte d’utiles précisions, d’une part, sur les informations devant impérativement être incluses dans ce rapport destiné aux élus et, d’autre part, sur les conséquences pour la collectivité d’une omission.

Cet arrêt a été rendu à l’occasion d’un litige sur la passation d’une délégation de service public ayant pour objet l’exploitation d’une plage artificielle, que la Commune de Saint-Cyr-sur-Mer a attribué à la Société MGPL. La Société La Royale plage, candidate évincée, a alors saisi le Tribunal administratif de Toulon d’un recours visant à l’annulation du contrat mais aussi à la condamnation de la Commune à lui verser une indemnité au titre des préjudices qu’elle estimait avoir subi du fait de son éviction irrégulière.

Saisie par la Société La Royale plage d’un recours contre le jugement ayant rejeté ses demandes, la Cour administrative d’appel de Marseille commence par confirmer le rejet des conclusions tendant à l’annulation du contrat litigieux comme étant irrecevables, dès lors qu’aucune copie dudit contrat n’avait été produite à l’appui de la requête, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 412-1 du Code de justice administrative, que l’entreprise ne justifiait pas avoir demandé en vain la copie de ce contrat et qu’il ne relevait pas de l’office du juge de suppléer à cette absence de production par une mesure d’instruction adressée au défendeur.

Par ailleurs, la Cour administrative d’appel confirme également la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par la requérante. En effet, même si ces conclusions ont été présentées pour la première fois dans le cadre de la procédure contentieuse sans avoir été préalablement soumises à la Commune, elles ont été adressées par la suite directement à la Commune, qui les a implicitement rejetées, ce qui a eu pour effet de faire naître une décision liant le contentieux et, ainsi, régulariser la recevabilité de ces conclusions.

En revanche, contrairement au Juge de première instance, la Cour administrative d’appel juge les conclusions indemnitaires de la Société La Royale plage comme partiellement fondées, en raison de l’irrégularité ayant entaché la procédure de passation du contrat et, partant, son éviction.

Cette irrégularité tient, en l’occurrence, à l’incomplétude du rapport du Maire présenté en Conseil municipal en application de l’article L. 1411-7 du CGCT. Certes, ce rapport comportait bien une analyse des candidatures et des offres de la commission de délégation de service public et la liste des entreprises admises à présenter une offre, un rappel des négociations menées et notamment l’évolution de l’offre de la société La Royale Plage, les motifs du choix du titulaire et l’économie générale du contrat. Cependant, il ne comportait pas « l’explication de ce choix par comparaison avec les propositions des autres candidates ».

La Cour administrative d’appel considère cette omission comme « une insuffisance d’information des membres du conseil municipal, affectant nécessairement le consentement donné par le conseil ». Compte tenu de la gravité d’une telle irrégularité, en ce qu’elle a trait au consentement de la collectivité, il est probable que les conclusions tendant à l’annulation du contrat auraient été satisfaites par la Cour administrative d’appel si elles n’avaient pas été rendues irrecevables par la carence de la requérante elle-même (cf. supra).

Ce vice de consentement ayant entaché d’irrégularité l’éviction de la Société La Royale plage, la Cour administrative d’appel vérifie ensuite que celle-ci disposait d’une chance sérieuse de remporter le contrat. Et, elle considère qu’en l’occurrence, tel était le cas, après avoir relevé que la requérante faisait partie des quatre entreprises sur six à avoir été admises à la négociation, que son offre avait été améliorée au cours des négociations et qu’il ne résultait pas de l’instruction, et notamment pas de l’analyse des offres par la commission, que les motifs du choix de l’attributaire auraient été expressément fondés sur une appréciation défavorable de l’offre de la requérante, ni que cette offre aurait eu une valeur inférieure à celle des autres candidats ou présenterait une insuffisance notable.

En conséquence, la Cour administrative d’appel considère que la requérante est fondée à demander, d’une part, l’indemnisation de son manque à gagner, chiffré sur le fondement du compte prévisionnel établi par un expert-comptable sur cinq exercices et qui n’est pas sérieusement contesté par la Commune et, d’autre part, l’indemnisation de son préjudice moral en raison de l’atteinte à sa notoriété ; en revanche, la Cour rejette la demande d’indemnisation de préjudices (immobilisations en cours, frais de rénovation et d’investissements) relatifs à l’exécution du précédent contrat d’exploitation et qui sont sans lien direct avec son éviction.

Le principal enseignement de cet arrêt est donc que le rapport présenté à l’assemblée délibérante doit impérativement inclure une analyse comparative des offres, faute de vicier le consentement de la collectivité du fait d’une insuffisance d’information aux élus, ce qui exposerait le contrat à un risque d’annulation et la collectivité au risque de devoir indemniser les candidats évincés à hauteur du préjudice subi du fait de leur éviction irrégulière.

Irrecevabilité de l’action en nullité de la vente devant le juge judiciaire par l’acquéreur évincé devenu propriétaire à la suite de son droit de priorité de rétrocession du bien objet d’une décision préemption annulée par le juge administratif

Dans cette affaire, une commune a exercé son droit de préemption sur un immeuble. Cette décision de préemption s’est suivie de la signature d’un acte authentique de vente entre le propriétaire du bien et la commune.

En parallèle, la décision de préemption a fait l’objet d’un recours contentieux devant le juge administratif. Le Tribunal administratif a annulé cette décision, et la Cour administrative d’appel a confirmé cette annulation.

L’acquéreur évincé a donc assigné la commune et le propriétaire initial en annulation de la vente consentie à la commune, et en réitération de la vente conclue entre lui et l’ancien propriétaire avant le recours à la préemption.

En outre, conformément à l’article L. 213-11-1 du Code de l’urbanisme, la commune a donc dû proposer, en priorité, l’acquisition du bien préempté à son propriétaire initial, qui l’a refusé.

Puis, dans un second temps, la commune a proposé l’acquisition de ce bien en priorité à l’acquéreur évincé, lequel était en revanche toujours intéressé, de sorte qu’une promesse de vente a été conclue entre la commune et l’acquéreur évincé.

Seulement, l’acquéreur évincé – devenu nouveau propriétaire – a maintenu son action en nullité de la vente initiale.

Et la Cour d’appel a fait droit à ses demandes en prononçant la nullité de la vente entre le propriétaire initial et la commune. Plus précisément, la Cour d’appel a retenu que l’acquéreur évincé avait bien un intérêt à agir en raison de sa qualité d’acquéreur évincé à la suite de la décision de préemption ultérieurement annulée. Aussi, la Cour d’appel a retenu que, du fait de l’annulation de la décision de préemption par le juge administratif, la vente conclue à la suite de la préemption entre le propriétaire du bien et la commune devait elle-même être déclarée nulle, et que, en conséquence, la commune était réputée n’avoir jamais été propriétaire dudit bien. En revanche, la Cour d’appel n’a pas fait droit aux conclusions de l’acquéreur évincé tendant à ce que soit déclarée parfaite la vente du bien entre lui et le propriétaire initial antérieurement à la décision de préemption.

Le propriétaire initial du bien a donc saisi la Cour de cassation d’un pourvoi à l’encontre de cet arrêt. L’acquéreur évincé a également déposé un pourvoi incident.

En cassation, relevons d’abord que la Cour de cassation s’est prononcée sur le moyen du pourvoi incident de l’acquéreur évincé, tendant à ce que soit déclarée parfaite la vente à son profit de l’immeuble aux conditions de la promesse.

En réponse, la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel avait exactement déduit que l’acquéreur évincé n’était plus fondé à réclamer l’exécution de sa promesse de vente avec le propriétaire initial du bien, dans la mesure où l’acquéreur évincé avait conclu par la suite une promesse de vente avec la commune, née de la proposition de cette dernière de rétrocession du bien en litige.

Ensuite, la Cour de cassation s’est prononcée sur les moyens du pourvoi principal du propriétaire initial. La Cour de cassation a censuré le raisonnement de la Cour d’appel qui avait jugé que l’acquéreur évincé était recevable à agir. Or, selon la Cour de cassation « lorsque, après s’être acquitté de son obligation de proposer l’acquisition du bien à l’ancien propriétaire, qui y a renoncé, le titulaire du droit de préemption propose cette acquisition à l’acquéreur évincé, qui l’accepte, celui-ci n’est plus recevable à demander l’annulation de la vente conclue avec l’ancien propriétaire à compter de la date de conclusion de la promesse de vente ».

En outre, la Cour de cassation a estimé que la Cour d’appel avait commis une erreur en jugeant que la décision administrative ayant été annulée par le juge administratif, la vente conclue entre le propriétaire initial et la commune devait elle-même être déclarée nulle et, en conséquence de cette annulation, la commune était réputée n’avoir jamais été propriétaire du bien.

A cet égard, la Cour de cassation confirme que la commune était demeurée propriétaire du bien en dépit de l’annulation de la décision de préemption par le juge administratif.

Enfin, statuant au fond, la Cour de cassation a considéré que l’acquéreur évincé n’était bien plus recevable à demander l’annulation de la vente conclue entre le propriétaire initial du bien et la commune du seul fait qu’il avait conclu, ultérieurement, une promesse de vente avec la commune.

Coup de frein pour le vélo naturiste

Une mesure de police aura eu raison de la « World Naked Bike Ride – France 2022 », manifestation consistant à circuler à vélo « aussi nu que vous osez ». Ses organisateurs ont-ils pété un câble ? Non : ils osent sortir du peloton en attirant l’attention sur la « fragilité du corps humain dans le trafic routier et plus généralement la fragilité de l’espèce humaine face aux grands bouleversements écologiques ».

Le Préfet d’Ille-et-Vilaine estime que la pédale à poil ne manque pas d’air : il interdit donc l’évènement.

Dans un contre-la-montre haletant, le Juge des référés du Tribunal administratif de Rennes s’est prononcé la veille de l’événement et a rejeté la requête tendant à l’annulation de l’arrêté du Préfet interdisant la première étape de la manifestation qui devait donc se dérouler le 14 juillet.

Saisi dans le cadre d’un référé-liberté, le Juge a tout d’abord rappelé que la liberté d’expression et de communication doit être conciliée avec les exigences qui s’attachent à l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public[1]. Puis il rappelle les obligations déclaratives en matière de manifestation découlant des articles L. 211-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure. L’objectif visé est ici :

« D’apprécier le risque de troubles à l’ordre public et, sous le contrôle du juge administratif, de prendre les mesures de nature à prévenir de tels troubles au nombre desquelles figure, le cas échéant, l’interdiction de la manifestation si une telle mesure est seule de nature à préserver l’ordre public ».

Enfin, le Juge des référés suce la roue de la Cour administrative d’appel de Paris[2] qui s’était positionnée quelque mois plus tôt et en des termes identiques au sujet de l’exhibition sexuelle consistant :

« à montrer tout ou partie de ses organes sexuels à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public, est susceptible d’entraîner des troubles à l’ordre public, alors même que l’intention exprimée par son auteur est dénuée de toute connotation sexuelle, et est pénalement répréhensible, sauf lorsqu’un tel comportement relève de la manifestation d’une opinion politique, et que son incrimination, compte tenu de la nature et du contexte de l’agissement en cause, constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ».

Au cas présent, deux circonstances ont forgé la conviction du Juge des référés : d’une part, la Petite Reine devait rallier Rennes avec des contraintes en termes de sécurité et d’autre part, l’échec des dialogues entre la préfecture et les organisateurs, notamment s’agissant d’un parcours alternatif.

La décision est motivée en ces termes :

« Il est constant que le parcours prévu pour la première étape de cette manifestation entre Tinténiac et Rennes prévoit en particulier un passage par les rues passantes du centre-ville de Rennes, à une date, le 14 juillet 2022, de plus forte fréquentation notamment touristique et où les forces de police subissent des contraintes accrues en termes de sécurité. Par ailleurs, il ressort de l’arrêté litigieux que le préfet a engagé un dialogue avec les organisateurs le 7 juillet pour qu’ils proposent une autre date et un parcours différent écartant le canal d’Ille-et-Rance et contournant le centre-ville de Rennes, présentant davantage de garanties de maintien de l’ordre, qui n’a pas abouti ».

Le Juge des référés valide ainsi la position du Préfet et confirme l’interdiction générale et absolue de manifester, estimant, selon le principe rappelé plus haut, qu’il s’agit du seul moyen de préserver l’ordre public. Mais n’est-ce pas avoir un peu le nez dans le guidon que d’interdire purement et simplement, sans audience ni réplique du Préfet[3], une telle manifestation ? Celle-ci, au regard de sa finalité, aurait pu être aménagée. Dans un souci de proportionnalité, le parcours et/ou les modalités d’organisation (vêtement léger type maillot – jaune -, par exemple) auraient pu faire l’objet de prescriptions à l’arrêté. Enfin, à tout le moins, un débat contradictoire aurait été bienvenu.

Ce d’autant qu’on a connu le juge plus souple lorsqu’un enjeu artistique était en jeu[4], résolu à écarter tout forme d’érotisation de la nudité. Mais une photo dans un lieu clos n’est pas un vélo chichement chevauché. Autrement dit : nu sur un vélo, nu sur la photo, pas le même braquet.

 

Thomas MANHES- Avocat associé SEBAN ARMORIQUE

 

[1] Cons. const., 2 mars 2018 : n° 2017-693 QPC ; pour la reprise du principe constitutionnel par le Conseil d’Etat : CE ord., 13 juin 2020 : n° 440846.

[2] Rapprocher de CAA Paris, 1re ch., 14 avril 2022 : n°20PA02298, confirmant la légalité d’un arrêté interdisant la même manifestation à Paris sur un parcours d’environ 16 kilomètres devant se dérouler entre le Bois de Vincennes, le parc de Bercy, la place de la Bastille et la place de la Nation. Contrairement au juge des référés rennais, la Cour mobilise également l’article 222-32 du code pénal réprimant l’exhibition sexuelle. Rappelons également « qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises » (CE ord., 9 janvier 2014, ministre de l’intérieur : n° 374508), formule ici non retenue par le juge des référés rennais qui a opté pour un énoncé plus euphémisé.

[3] Ici, l’article L. 522-3 du Code de justice administrative permettant de rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique a été mobilisé.

[4] TA Paris ord., 24 juill. 2014, association Juristes pour l’enfance : n°1411206 : le Muséum national d’histoire naturelle a utilisé une œuvre du photographe plasticien Y-Z A représentant des individus entièrement nus, de tous âges et de toutes couleurs de peau, autour d’un globe terrestre, dans un jeu d’ombre et de lumière dans le cadre d’une exposition « Races : pour en finir avec les fantasmes racistes ! ». Et de juger, dans le cadre d’un référé-suspension : « la photographie en cause, alors même qu’elle présente des individus, de tous âges, entièrement nus, ne peut être regardée comme constitutive d’une situation portant atteinte à l’image ou à la dignité des enfants, faute notamment pour cette photographie, dépourvue de tout mise en scène érotisée, de présenter les personnages dans une attitude lascive ou ambiguë ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que cette photographie, compte tenu de l’attitude des personnages, de son insertion sur un site à vocation scientifique et culturelle et de ses conditions d’accès, serait susceptible soit de heurter la sensibilité des enfants qui la consulterait, soit de créer un risque d’exposer les enfants aux agissements criminels de prédateurs, soit de soumettre les enfants, désormais adultes, ayant posé sur cette photographie à un cyber harcèlement  » La requête au fond a également été rejetée, en appel, au terme d’un arrêt moins bavard (CAA Paris, 8 mars 2016 : n° 15PA01169).

Déchets, réseaux de chaleur, piscines… : quelles incidences de la crise économique et quels apports après l’avis du Conseil d’état sur la modification des clauses contractuelles financières ?

Depuis plusieurs mois, nous constatons, dans le cadre de nos missions d’accompagnement à la passation et au suivi des contrats (marchés ou délégations de service public) fortement dépendants du coût de l’énergie (déchets, réseaux de chaleur, piscines, patinoires, …), une velléité forte des opérateurs de proposer une modification des clauses financières, en particulier celles liées aux révisions de prix.

La raison est évidemment la crise économique liée à la guerre en Ukraine : les opérateurs cherchent par tous les moyens à optimiser les conditions de révision financière des contrats, afin de prendre en compte l’inflation et l’envolée des prix de l’énergie.

Les contrats en matière de déchets (collecte, prix du carburant pour la collecte, ou coût de l’électricité en achat comme en vente pour les unités de valorisation énergétique), de réseaux de chaleur ou d’équipements sportifs (coûts de l’électricité et du gaz) sont particulièrement concernés.

Dans ce contexte, le Conseil d’État a tout récemment rendu un avis relatif aux conditions de modification des prix dans les contrats de la commande publique (Avis du 15 septembre 2022, n° 405540). En substance, le Conseil d’Etat considère que « rien n’empêche que les modifications des marchés et contrats de concession portent uniquement, en vue de compenser les surcoûts que le titulaire ou le concessionnaire subit du fait de circonstances imprévisibles, sur les prix ou les tarifs prévus au contrat ainsi que sur les modalités de leur détermination ou de leur évolution ».

Reste donc à savoir sous quelles conditions, et sous quelles formes, ces modifications peuvent intervenir.

Il nous semble nécessaire de distinguer ici deux hypothèses :

  • celle de la modification durable, structurante, du contrat, par avenant, pour faire évoluer les clauses financières, notamment par exemple la fréquence des révisions des prix ou les composantes d’un tarif (1) ;
  • et celle caractérisée par une situation d’imprévision, dans laquelle c’est plutôt à notre sens une transaction qui doit être conclue pour venir compenser le déséquilibre temporaire de l’économie du contrat (2).
  1. L’avenant

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord qu’un avenant peut être conclu au contrat s’il respecte les conditions posées par le Code de la commande publique (articles L. 2194-1 et L. 3135-1 notamment).

Cette analyse du respect de la réglementation n’est pas toujours aisée et sur ce point, le Conseil d’Etat apporte peu d’éléments utiles. Sur le cas d’une modification rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles par exemple, il se contente d’indiquer que « la modification du contrat sur le fondement de ces dispositions n’est possible que si l’augmentation des dépenses exposées par l’opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat ». L’avis renvoie donc à une analyse au cas par cas du « raisonnablement prévisible », avec en conséquence une marge de manœuvre importante pour les parties.

L’avenant n’est en tout état de cause, et bien évidemment, pas de droit pour l’opérateur, et le Conseil d’Etat prend soin de le rappeler : « l’autorité contractante, qui doit veiller au respect de l’exigence constitutionnelle de bon emploi des deniers publics, qui découle de l’article 14 de la Déclaration de 1789, et qui est reprise à l’article L. 3 du code de la commande publique, n’est en aucun cas contrainte d’en prendre l’initiative ou de les accepter sauf s’il est établi que les parties se situent dans une situation d’imprévision ».

Le risque d’un refus de la collectivité peut néanmoins avoir alors pour conséquence de caractériser à court ou moyen terme une situation d’imprévision, qui ne lui laisse alors plus d’autre choix que celui d’indemniser son cocontractant.

  1. Le protocole transactionnel

C’est donc seulement dans l’hypothèse où une situation d’imprévision serait caractérisée que l’avenant pourrait s’imposer à l’autorité contractante. Et d’ailleurs, dans ce cas, c’est plutôt un protocole transactionnel qui doit être conclu, l’avenant ayant vocation à modifier durablement le contrat ce qui n’est pas l’objet de l’indemnisation d’imprévision.

Ainsi, pour le Conseil d’Etat, « la convention d’indemnisation, qui permet de maintenir un certain équilibre contractuel en indemnisant l’opérateur économique qui, malgré la situation tout à fait exceptionnelle à laquelle il est confronté, poursuit la prestation initialement prévue, n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les clauses du marché ou du contrat de concession ni les obligations contractuelles réciproques des parties, ni d’affecter la satisfaction des besoins de l’autorité contractante, qu’elle vise précisément à préserver ».

De la même manière que pour l’avenant, l’enjeu est d’apprécier si la situation d’imprévision est caractérisée et de définir les limites de l’indemnisation à laquelle l’opérateur a droit.

Concernant les concessions, le Conseil d’Etat rappelle un principe fondamental qui, selon nous, vient légitimement limiter les possibilités d’indemnisation des concessionnaires et qui est « la part non négligeable de risque de pertes qu’il accepte nécessairement de courir en contractant et que l’interprétation raisonnable du contrat de concession conduit à laisser, en tout état de cause, à sa charge ». Dès lors, l’imprévision est plus difficilement caractérisable en concession, du fait du risque, en particulier financier, pesant par essence sur le concessionnaire.

En matière de marchés publics, l’appréciation est souvent plus évidente, même s’il est parfois difficile de caractériser à un instant donné le bouleversement de l’économie du contrat. C’est pourquoi « il ne peut être exclu que le bouleversement de l’économie du contrat par suite de circonstances imprévisibles ne puisse être établi qu’après complète exécution du marché et que l’indemnité due éventuellement aux entrepreneurs à raison des charges extracontractuelles qu’ils ont eu à supporter ne puisse être utilement réclamée par eux qu’après notification du décompte général et définitif ».

A cet égard, l’appréciation de la DAJ pour qui « le bouleversement de son équilibre, pour sa part, est apprécié par période d’imprévision, de sorte qu’une indemnité d’imprévision peut être versée, même si l’équilibre du contrat n’est pas bouleversé sur toute sa durée »[1], nous semble contradictoire avec la position du Conseil d’Etat exprimée ci-dessous : c’est bien souvent à la fin du contrat que l’on peut apprécier si son économie a été bouleversée par un évènement temporaire…

En toute hypothèse, les négociations, souvent ardues avec les opérateurs, nous semblent devoir être menées sur la base du principe qu’il n’est pas d’évidence ou d’automaticité à ce que les collectivités (et indirectement les administrés) prennent à leur charge les pertes économiques des opérateurs privées liées au contexte géopolitique et énergétique international. Une discussion doit nécessairement s’engager et peut, le cas échéant aboutir à une prise en charge partagée, limitée et raisonnable, dans l’objectif rappelé par l’avis du « respect de l’exigence constitutionnelle de bon emploi des deniers publics ».

 

Samuel COUVREUR – Avocat Directeur du pôle « gestion des services publics, culture et contrats publics »

 

[1]https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/crisesanitaire/FT_modification_contrats_en_cours.pdf?v=1663844107

Soutien financier du secteur culturel : où en est-on ?

Il y a plus d’un an, nous évoquions les différents moyens dont disposaient les collectivités pour participer à la relance du secteur culturel français (voir notre Lettre d’actualités juridiques en date du 15 avril 2021 et JCPA n° 43 du 25 octobre 2021). Alors qu’à la crise sanitaire a succédée la crise liée à la guerre en Ukraine, donnant lieu à une inflation record et un coût de l’énergie qui s’est envolé, un nouvel état des lieux nous a paru intéressant.

L’Etat a confirmé son engagement financier auprès des acteurs culturels et les dispositifs d’aide se sont progressivement mis en œuvre. En février 2022, le ministère de la culture revendiquait près de 75 % des crédits destinés au plan de relance pour la culture déjà engagés (sur 2 milliards d’euros au total). Il y a quelques jours également, le ministère dévoilait son budget 2023, avec une potentielle augmentation du budget de 7 % par rapport à 2022.

1. Le 1er mars 2022, une circulaire relative aux modalités d’attribution des aides déconcentrées au spectacle vivant (circulaire n° MC/SG/MPDOC/2022-004) a été publiée, afin de prévoir un dispositif d’aides simplifié plus adapté à l’accompagnement des parcours artistiques et des nouvelles modalités de création. La réforme simplifie le dispositif d’aides prévu par le décret n° 2021-1608 en du 8 décembre 2021 et l’arrêté du 16 décembre 2021 : deux types d’aides sont proposés pour l’ensemble des disciplines : l’aide au projet et le conventionnement.

L’aide au projet permet de soutenir un projet de création ou de reprise. Cette aide ponctuelle vise aussi bien à favoriser le repérage de nouveaux talents qu’à soutenir des équipes confirmées pour la réalisation de projets de qualité, singuliers, innovants ou mobilisant des moyens de production justifiant une subvention pour compléter leur budget.

Le conventionnement est réformé pour assurer un meilleur accompagnement du parcours artistique. La finalité de cette aide est désormais d’apporter, dans la durée, un soutien ajusté au cycle d’activité de l’artiste ou de l’équipe artistique et à son potentiel de déploiement d’activités sur plusieurs années. Une modulation de la durée de l’aide sur deux, trois ou quatre ans est prévue afin de l’adapter aux différentes étapes du parcours et aux caractéristiques du projet artistique et culturel, en tenant compte notamment des temps de recherche.

Les collectivités territoriales sont donc a priori peu concernées par ce dispositif, dont les conservatoires sont d’ailleurs expressément exclus, à moins qu’elles ne gèrent elles-mêmes une « entreprise artistique et culturelle à qui des artistes, collectifs d’artistes, compagnies ou ensembles professionnels, concepteurs du projet, ont délégué par contrat la responsabilité de la mise en œuvre du projet concerné ».

Par ailleurs, dans une réponse ministérielle récente (Réponse ministérielle en date du 8 septembre 2022, QE Sénat n° 00897), le ministère de la Culture prend soin de rappeler l’ensemble des actions qu’il a mises en œuvre pour soutenir le spectacle vivant.

2. Notons également la publication d’un arrêté le 20 septembre 2022 dont l’objet est notamment d’élargir les personnes susceptibles de proposer des offres collectives sur la plateforme « pass Culture Pro »: ainsi, les collectivités exerçant une ou plusieurs activités relevant des domaines des musées, cinémas, patrimoines, centres d’arts…, pourront être référencées sur l’application ADAGE du « pass Culture » utilisée par tous ses bénéficiaires.

3. Dans le domaine de l’accès au livre, on relèvera également la création d’un article L. 2251-5 dans le Code général des collectivités territoriales (loi n° 2021-1901 du 30 décembre 2021), qui prévoit que « les communes, leurs groupements, la collectivité de Saint-Barthélemy et la collectivité de Saint-Martin peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, attribuer des subventions à des établissements existants ayant pour objet la vente au détail de livres neufs ».

En d’autres termes, les collectivités sont autorisées à subventionner directement les librairies et autres entreprises de vente au détail de livres neufs.

Le décret d’application de ces dispositions est paru au Journal officiel en date du 22 juin (décret n° 2022-921 du 21 juin 2022) et fixe les modalités de demande de subventions pouvant être attribuées par les collectivités à ces établissements. Il fixe en particulier les contenus du dossier de demande et de la convention conclue entre les parties ainsi que le plafond de la subvention pouvant être octroyée (à savoir 20 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise).

 

Samuel COUVREUR – Avocat Directeur du pôle « gestion des services publics, culture et contrats publics »

Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé peut être invoqué sous conditions dans le cadre d’un référé-liberté

Après le Conseil Constitutionnel qui avait reconnu que la protection de l’environnement constituait un objectif de valeur constitutionnelle (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020), le juge des référés du Conseil d’Etat considère que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CJA).

En l’espèce, par une délibération en date du 27 octobre 2016, le conseil départemental du Var a décidé du recalibrage d’une route départementale avec création d’une voie cyclable. Les requérants, qui possèdent un laboratoire limitrophe de l’endroit où se déroulent les travaux contestés et où ils mènent depuis plusieurs années un travail de recensement et d’études des espèces protégées, ont alors saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Toulon d’une demande en référé-liberté tendant à la suspension des travaux entrepris. Selon eux, la poursuite de ces travaux porterait atteinte de manière irréversible aux espèces protégées étudiées et entraînerait la destruction de leur habitat.

Par une ordonnance en date du 25 mars 2021 rendue sur le fondement de l’article L. 522-3 CJA, le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande des requérants. Le Conseil d’Etat était donc saisi en cassation de cette ordonnance.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat revient sur les différents leviers juridiques déjà existants « pour prévenir ou faire cesser une atteinte à l’environnement dont il n’est pas sérieusement contestable qu’elle trouve sa cause dans l’action ou la carence de l’autorité publique ».

Ainsi, le juge administratif peut être saisi :

  • D’une part, en cas d’urgence, d’un référé-suspension (article L. 521-1 CJA) afin d’obtenir la suspension de l’exécution de la décision administrative, positive ou négative, à l’origine de cette atteinte à l’environnement ;
  • D’autre part, sans condition d’urgence, sur le fondement des articles L. 122-2 et L. 123-16 du Code de l’environnement, afin d’obtenir les mêmes effets que le référé-suspension ;
  • Enfin, de façon plus large et sans condition d’urgence, d’un référé-mesures-utiles ou conservatoire (article L. 521-3 CJA), « afin qu’il enjoigne à l’autorité publique, sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou à mettre un terme à cette atteinte ».

Dans un second temps, le Conseil d’Etat introduit la possibilité de recourir également au référé-liberté de l’article L. 521-2 CJA, pourtant limité aux libertés fondamentales reconnues comme telles par le juge administratif.

En effet, le Conseil d’Etat ajoute que « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ».

Ainsi, le Conseil d’Etat indique que le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulon a commis une erreur de droit en estimant que la protection de l’environnement ne constituait pas une liberté fondamentale.

Toutefois, si cette nouvelle liberté fondamentale est consacrée dans le principe, elle s’entoure également de certaines conditions tenant au requérant.

En effet, si l’article L. 521-2 CJA permet au juge des référés, en cas d’urgence, de prendre « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale » à laquelle on aurait porté une « atteinte grave et manifestement illégale », le Conseil d’Etat semble ajouter des conditions plus subjectives quant à son utilisation :

  • D’une part, la personne doit justifier, « au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre », qu’il y ait porté une atteinte grave ou manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique.
  • D’autre part, « il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai […] d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article ».

Il résulte de ce qui précède que ces conditions apparaissent plutôt restrictives, dans la mesure où la personne doit justifier à la fois d’un « intérêt à agir » au regard de sa situation personnelle et de « circonstances particulières » pour obtenir à « très bref délai » les mesures relevant de l’office du juge des référés saisi d’un référé-liberté.

Ce dernier point semble poser moins de difficultés, dans la mesure où il est de jurisprudence constante que « l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. ». A cet effet, le juge des référés doit tenir compte « des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises » (Pour un exemple : CE, 30 juillet 2015, Section française de l’observatoire international des prisons (OIP-SF) et Ordre des avocats au barreau de Nîmes, n°s 392043 392044, p. 305).

En l’espèce, le juge des référés du Conseil d’Etat estime que la condition d’urgence particulière requise par l’article L. 521-2 CJA ne peut être regardée comme remplie. En effet, les requérants ont eu la possibilité de contester en amont le projet arrêté par la délibération du 27 octobre 2016, notamment lors de l’édiction en décembre 2020 d’un arrêté préfectoral autorisant le défrichement. Il est donc impossible pour les requérants de se prévaloir de cette condition d’urgence.

« Au demeurant », et afin de pousser l’analyse, le Conseil d’Etat énonce que la sensibilité du milieu naturel au projet était « modérée » et que ce dernier, eu égard à « la nature et l’ampleur limitée des travaux » était dispensé d’étude d’impact par le préfet de région compétent. Enfin, dès lors que les requérants se bornent « à faire valoir, de façon générale, le risque d’atteinte irréversible aux espèces qu’ils étudient, il ne résulte pas de l’instruction que la poursuite des travaux contestés porterait une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Par conséquent, la demande de suspension des travaux présentée par les requérants doit être rejetée.

Evolution des modalités de calcul des TRVE face à la crise énergétique

Consultation publique du 22 septembre 2022 relative aux évolutions de la méthode de construction des TRVE

Pour rappel, la méthode de calcul des Tarifs Réglementés de Vente d’électricité (TRVE) prend en compte le coût d’approvisionnement des volumes d’ARENH non attribués en raison du dépassement du plafond de quantités d’ARENH disponibles compte tenu des demandes des fournisseurs. Et ce coût d’approvisionnement complémentaire est fixé par marché de gros de l’électricité.

Toutefois, le taux d’écrêtement de l’ARENH n’étant connu qu’en fin d’année, les TRVE de l’année suivante sont fixés en fonction du coût d’approvisionnement des quantités d’ARENH écrêtées, coût calculé sur la base des prix de gros de l’électricité du mois de décembre de l’année précédente.

Cette méthode de calcul expose donc les TRVE à la volatilité des prix de gros de l’électricité sur une période réduite au mois de décembre, période qui n’est pas toujours représentative du reste de l’année, comme cela a été le cas au mois de décembre 2021.

La CRE a donc souhaité faire évoluer cette méthode de calcul et a soumis cette proposition d’évolution à consultation publique.

Dans ce contexte, la CRE présente dans sa délibération du 22 septembre 2022 la synthèse des réponses à cette consultation publique et communique sa décision quant à l’évolution de cette méthode de calcul. Elle décide ainsi, afin de limiter l’impact de la volatilité des prix de gros de l’électricité sur les TRVE, de la prise en compte du coût d’approvisionnement de l’écrêtement de l’ARENH sur une période plus longue (allant de 2 mois concernant le calcul des TRVE pour l’année 2023 à 3 mois pour ceux de l’année 2024 et 2025).

Le même jour, la CRE a ouvert une consultation du public relative aux évolutions qu’elle envisage plus généralement quant à la méthode de construction des TRVE, au motif, selon la CRE, que le contexte de crise énergétique pour 2023 teste les limites de la méthode actuelle de la structure des TRVE qu’elle souhaite donc faire évoluer pour inciter ses consommateurs à moduler leur consommation et faciliter le passage des pointes de consommation pour les hivers prochains.

Les réponses à cette nouvelle consultation sont attendues au plus tard le 17 octobre 2022, sur la base desquelles la CRE prendra une délibération portant la nouvelle structure des TRVE en novembre 2022, applicable dès le début de l’année 2023.

Biométhane : allongement du délai de mise en service des projets d’installation de production et modification des conditions d’achat

Arrêté du 20 septembre 2022 portant modification de l’arrêté du 13 décembre 2021 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel

Pour mémoire, en vertu de l’article D. 446-10 du Code de l’énergie, les contrats d’achat de biométhane conclus entre le producteur et le fournisseur doivent prendre effet dans un délai de trois ans à compter de leur signature (délai de prise d’effet pouvant toutefois être suspendu – sauf lorsque le contrat est conclu avant le 24 novembre 2020[1] – en cas de recours contentieux dirigé contre des actes nécessaires à l’installation de production ayant pour effet de retarder son achèvement). A défaut, la durée du contrat d’achat sera réduite de manière équivalente à la durée du dépassement du délai de prise d’effet.

A ce titre, l’article 11 du décret du 30 septembre 2021 prévoit des durées de prise d’effet légèrement différentes en fonction de la date de signature du contrat en cause : pour les contrats d’achat dont la date de signature est comprise entre le 12 mars 2017 et le 12 mars 2019, il est de trois ans et sept mois à compter de la date de signature du contrat d’achat tandis que pour les contrats d’achat signés entre le 13 mars 2019 et le 12 mars 2020, ce délai est de trois ans et trois mois.

Dans ce cadre, le décret du 20 septembre 2022 ici commenté vient allonger le délai ce prise d’effet de 18 mois à compter de la date de publication du décret (soit du 23 septembre 2022) pour certains contrats de d’achat à savoir ceux répondant aux conditions suivantes :

  • la date de signature du contrat est antérieure au 23 mars 2021 ;
  • le projet d’installation de production de biométhane concerné a, au 23 septembre 2022 (date de publication de l’arrêté), fait l’objet de l’enregistrement ou de la déclaration idoine prévu par le Code de l’environnement au titre de la règlementation des installations classées pour l’environnement ;
  • l’installation n’a pas encore produit de biométhane, y compris dans le cadre d’essais d’injection préalables à la mise en service.

Ce décret intervient en même temps qu’un arrêté du même jour qui vient modifier les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel et plus précisément les modalités de calcul de l’évolution du tarif d’achat du biométhane telles qu’elles avaient été fixées par l’annexe IV du décret du 13 décembre 2021.

 

[1] Cf. article 11 du décret n° 2021-1273 du 30 septembre 2021 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie concernant les dispositions particulières relatives à la vente de biogaz

La généralisation de la règle d’extinction de nuit en matière de publicité lumineuse

Le décret n° 2022-1294 en date du 5 octobre 2022, publié par le Gouvernement au Journal Officiel de la République Française ce jeudi 6 octobre 2022, vient modifier certaines dispositions du Code de l’environnement relatives aux règles d’extinction des publicités lumineuses et aux enseignes lumineuses.

La publicité lumineuse est régie par les dispositions de l’article R. 581-34 à R. 581-41 du Code de l’environnement, qui la défini comme « la publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet » (article R. 581-34).

Il convient de rappeler que le Code de l’environnement prévoit une interdiction générale de la publicité lumineuse à l’intérieur des agglomérations de moins de 10.000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100.000 habitants. En revanche, dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants et dans celles de moins de 10.000 habitants faisant partie d’une unité urbaine de plus de 100.000 habitants, la publicité lumineuse est encadrée en matière de surface et d’emprise des dispositifs publicitaires.

Plus précisément, dans les agglomérations de plus de 10.000 habitants et dans celles de moins de 10 000 habitants faisant partie d’une unité urbaine de plus de 100.000 habitants, jusqu’à présent, les publicités lumineuses doivent être « éteintes entre 1 heure et 6 heures, à l’exception de celles installées sur l’emprise des aéroports, de celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes » dans les unités urbaines de moins de 800.000 habitants. Au-delà de 800.000 habitants, « les obligations et modalités d’extinction sont prévues par le règlement local de publicité selon les zones qu’il identifie » (article R. 581-35 du Code de l’environnement).

Le décret en date du 5 octobre 2022 vient modifier les dispositions de l’article R. 581-35 du Code de l’environnement et généraliser la règle d’extinction de nuit (soit entre 1 heure et 6 heures) à toutes les publicités lumineuses quel que soit leur lieu d’implantation (article 1er du décret n° 2022-1294).

A noter, toutefois, que le décret maintient un régime d’exception s’agissant des publicités lumineuses « installées l’emprise des aéroports, et de celles supportées par le mobilier urbain affecté aux services de transport et durant les heures de fonctionnement desdits services, à condition, pour ce qui concerne les publicités numériques, qu’elles soient à images fixes » (article 1er du décret n° 2022-1294).

Le fait d’apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure, une publicité ou une enseigne lumineuse sans observer la règle générale d’extinction prévue par l’article R. 581-35 du Code de l’environnement sera puni d’une amende de 1.500 euros (article 3 du décret n° 2022-1294).

Les nouvelles dispositions relatives à l’obligation d’extinction des publicités lumineuses entreront en vigueur le 1er juin 2023 pour les publicités lumineuses supportées par le mobilier urbain (article 4 du décret n° 2022-1294).

Précisions sur le droit à l’information environnementale

Le Conseil d’Etat apporte un éclairage sur les documents communicables lorsque ces derniers contiennent des informations environnementales.

En l’espèce, l’association Mormal Forêt Agir a demandé à l’Office national des forêts (ONF) de lui communiquer certains documents relatifs à la gestion des forêts :

  • D’une part, la communication des pages et des annexes non publiées du document d’aménagement de la forêt de Mormal pour la période 2014-2033 ;
  • D’autre part, la communication des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées de la forêt de Mormal depuis 2014.

A titre préalable, le document d’aménagement constitue un document de gestion qui prévoit l’aménagement forestier. A ce titre, il « prend en compte les objectifs de gestion durable, notamment la contribution actuelle et potentielle de la forêt à l’équilibre des fonctions écologique, économique et sociale du territoire où elle se situe, ainsi que les caractéristiques des bassins d’approvisionnement des industries du bois. » (art. L. 212-2 du Code forestier).

L’association avait saisi le Tribunal administratif de Paris d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de refus de l’ONF, ainsi que d’une demande d’injonction de communication des documents. Le Tribunal avait fait droit partiellement aux conclusions de l’association, raison pour laquelle celle-ci se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.

En premier lieu, s’agissant de la demande de communication des volumes de bois récoltés annuellement et des surfaces exploitées annuellement de la forêt de Mormal depuis 2014, le Tribunal administratif avait considéré en l’espèce que l’ONF n’était pas en possession de ces données. Dès lors, il ne pouvait pas les communiquer à l’association. Le Conseil d’Etat valide ce raisonnement, en considérant que « le Tribunal administratif a porté sur ces pièces une appréciation souveraine exempte de dénaturation et d’inexactitude matérielle ».

En second lieu, s’agissant de la communication des pages et des annexes non publiées du document d’aménagement de la forêt de Mormal, le Conseil d’Etat apporte des précisions bienvenues sur le cadre juridique applicable.

En effet, plusieurs dispositions peuvent être mobilisées dans le cas d’espèce :

  • Le Code forestier ;
  • Le Code de l’environnement ;
  • Le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

Tout d’abord, le Code forestier prévoit que les documents d’aménagement des forêts sont, pour leur partie technique, communicables à toute personne qui en fait la demande (articles L. 212-2, L. 122-6, D. 212-1, D. 212-2 et D. 212-6).

Plus généralement, le Conseil d’Etat relève qu’il existe un principe général de communication des informations établies ou détenues par les personnes publiques, s’agissant des bois et forêts relevant du régime forestier (article L. 112-3 du Code forestier).

Les articles L. 124-1 à L. 124-4 du Code de l’environnement consacrent également « le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l’article L. 124-3 [du Code précité] ou pour leur compte ». A ce titre, l’article L. 124-2 de ce Code précise les informations qualifiables d’information relative à l’environnement au sens de ces dispositions. Enfin, l’article L. 124-3 du même Code précise que « toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l’environnement », lorsqu’elles sont détenues notamment par « […] les établissements publics ».

 

En l’espèce, l’ONF, en sa qualité d’établissement public national à caractère industriel et commercial (article L. 221-1 du Code forestier), est soumis à l’ensemble de ces obligations. Il doit donc communiquer les informations environnementales qu’il détient, reçoit ou établit à toute personne qui lui en adresse la demande.

On sait toutefois que la communication des documents administratifs est également régie par les articles L. 311-1 et suivants du CRPA. Ainsi, l’article L. 124-4 du Code de l’environnement opère un renvoi à l’article L. 311-6 CRPA, qui pose une exception : les documents administratifs ne peuvent être communiqués s’ils portent atteinte « au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles […] ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat va sanctionner l’analyse du Tribunal administratif de Paris, qui avait insuffisamment motivé son jugement sur ce point, ce qui lui permet de régler l’affaire au fond.

La Haute juridiction relève que certaines parties du document d’aménagement constituent des informations relatives à l’environnement, susceptibles de communication, et qui ne peuvent être regardées comme de nature à porter atteinte au secret des affaires. Dès lors, l’association requérante était fondée à demander l’annulation de la décision de refus de communication de ces documents par l’ONF.

En revanche, d’autres parties du document ne répondent pas à cette qualification. En effet, certaines informations se rapportent à la stratégie commerciale de l’ONF (tableau récapitulatif des recettes et dépenses annuelles, bilan financier prévisionnel de l’établissement…). Le juge administratif considère donc que « leur communication doit être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l’article L. 311-6 du Code des relations entre le public et l’administration. ». Par suite, l’association requérante n’était pas fondée à demander l’annulation de la décision implicite de refus de l’ONF de lui communiquer ces pages.

En conclusion, le Conseil d’Etat annule le jugement du tribunal administratif sur plusieurs points et enjoint à l’ONF de communiquer à l’association requérante, dans un délai d’un mois, les pages du document d’aménagement qui se rattachent à l’information environnementale.

La preuve de dépôt par voie électronique d’une déclaration d’ICPE est une décision qui fait grief

Le Conseil d’Etat était saisi par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de la question suivante :

« La preuve de dépôt d’une déclaration d’une installation classée pour la protection de l’environnement, prévue à l’article R. 512-48 du Code de l’environnement, est-elle une décision susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, au sens des articles L. 514-6 et L. 512-8 du même Code ? ».

A titre préalable, il convient de rappeler que plusieurs régimes permettent l’exploitation d’une ICPE : l’autorisation, l’enregistrement et la déclaration.

Le régime de déclaration s’applique aux installations qui, sans présenter de graves dangers ou inconvénients pour l’environnement, la sécurité ou la santé des populations voisines justifiant qu’elles soient soumises à autorisation, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet (art. L. 512-8 du Code de l’environnement). L’article L. 514-6 du Code de l’environnement précise que les décisions prises, notamment, en application de l’article L. 512-8 du même Code sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

Dans l’état du droit antérieur au décret n° 2015-1614 en date du 9 décembre 2015, le préfet donnait récépissé de la déclaration et communiquait au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l’installation. La déclaration était effective dès lors que le dossier de déclaration était régulier et complet et que l’installation pour laquelle était déposée le dossier relevait bien de ce régime (art. L. 512-9 du Code de l’environnement, ancienne rédaction).

Le décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement et relatif à la prévention des risques a opéré une dématérialisation et simplification de la procédure de déclaration des ICPE.

La référence au récépissé est supprimée. Ainsi, le nouvel article R. 512-48 du Code de l’environnement dispose qu’ « il est délivré immédiatement par voie électronique une preuve de dépôt de la déclaration » par le préfet de département.

Ce changement de rédaction a pu faire naître des interrogations quant à la portée juridique de la preuve de dépôt par voie électronique (notamment sur le point de départ du commencement d’exploitation de l’ICPE). Il était donc intéressant que le Conseil d’Etat puisse se prononcer sur cette question.

Tout d’abord, la Haute juridiction énonce que « la délivrance par voie électronique de la preuve de dépôt de la déclaration relative à une installation, se substitue à la délivrance du récépissé de déclaration prévue par la réglementation antérieure ».

Ensuite, « cette déclaration conditionne toujours la mise en service par le déclarant de l’installation classée projetée ».

Enfin, « le préfet est tenu de délivrer la preuve de dépôt dès lors que le dossier de déclaration est régulier et complet et que l’installation pour laquelle est déposée la déclaration relève bien de ce régime ».

En alignant les deux régimes, le Conseil d’Etat énonce que les nouvelles dispositions issues du décret du 9 décembre 2015 « ne modifient ni la nature ni la portée de la déclaration d’une installation classée soumise à ce régime ».

Par conséquent, « la preuve de dépôt d’une déclaration d’une ICPE prévue à l’article R. 512-48 du code de l’environnement est constitutive d’une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant les juridictions administratives par application des articles L. 512-8 et L. 514-6 du Code de l’environnement ».

Référé-suspension : Prise en compte de l’intérêt public de la gestion durable de l’eau dans l’appréciation de l’urgence

Dans une ordonnance en date du 30 septembre 2022, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la nécessité de mettre en balance les intérêts en cause dans un litige pour caractériser une situation d’urgence dans le cadre d’un référé-suspension.

Dans cette affaire, une EARL demandait sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative (référé-suspension), la suspension de l’arrêté par lequel le Préfet de la Loire-Atlantique avait fait opposition à sa déclaration concernant des prélèvements d’eau à hauteur de 100.000 m3 par an pour l’exploitation de deux forages.

Le juge de première instance avait donné droit à la demande de suspension de l’exploitant, en caractérisant l’urgence dès lors que la décision du préfet « a pour effet de l’obliger à recourir à des cultures moins consommatrices en eau » et affecterait donc ses intérêts de manière suffisamment grave et immédiate.

Ce raisonnement est toutefois censuré par le Conseil d’Etat, qui annule la décision du premier juge ne se fondant que sur les intérêts de la requérante alors « qu’il lui appartenait de se fonder sur le caractère grave et immédiat des effets de l’arrêté litigieux pour la société et de procéder à une mise en balance des intérêts en présence ».

Et, examinant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat considère que l’intérêt public tenant à la gestion durable de l’eau et aux besoins de la population en eau potable s’attache au maintien de la décision préfectorale et que dans ces conditions la requérante ne démontre pas l’existence d’une atteinte grave et immédiate à ses intérêts. Le référé est donc rejeté pour défaut d’urgence.

Expérimentation de la contribution fiscalisée aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) : les bassins ont été identifiés

L’article 34 de la loi n° 2022-217 en date du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a autorisé l’expérimentation pour une durée de cinq ans de la mise en place d’une contribution fiscalisée par les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) pour le financement de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI). Dit autrement, les EPTB compétents en matière de prévention des inondations pourront remplacer, en tout ou partie, la contribution budgétaire de leurs communes ou EPCI à fiscalité propre membres par un produit de contributions fiscalisées assises sur le produit de la taxe d’habitation, des taxes foncières et de la cotisation foncière des entreprises.

Le décret n° 2022-1251 du 23 septembre 2022 portant expérimentation de contributions fiscalisées de leurs membres aux établissements publics territoriaux de bassin, publié au JO du 24 septembre 2022, a identifié les bassins au sein desquels cette expérimentation est autorisée :

« 1° L’Escaut, la Somme et les cours d’eau côtiers de la Manche et de la mer du Nord ; 

2° La Meuse ;

3° La Sambre ;

4° Le Rhin ;

5° La Seine et les cours d’eau côtiers normands ;

6° La Loire, les cours d’eau côtiers vendéens et bretons ;

7° Le Rhône et les cours d’eau côtiers méditerranéens ;

8° L’Adour, la Garonne, la Dordogne, la Charente et les cours d’eau côtiers charentais et aquitains ;

9° Les cours d’eau de la Corse ;

10° Les cours d’eau de la Guadeloupe ;

11° Les fleuves et cours d’eau côtiers de la Guyane ;

12° Les cours d’eau de la Martinique ;

13° Les cours d’eau de la Réunion ;

14° Les cours d’eau de Mayotte ».

Les EPTB intervenant sur ces bassins avaient jusqu’au 1er octobre pour délibérer pour recourir aux contributions fiscalisées l’année prochaine, les communes et EPCI membres disposant alors d’un délai de quarante jours pour s’opposer au recouvrement de cette contribution fiscalisée en affectant d’autres ressources au paiement de leur contribution. Le produit de la contribution sera ensuite arrêté avant le 15 avril, puis réparti entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d’habitation et à la cotisation foncière des entreprises, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente sur le territoire des communes et EPCI à fiscalité propre membres de l’EPTB.

Précisions quant à la prise en charge des infrastructures collectives de recharge relevant du réseau public de distribution dans les immeubles collectifs

Pour mémoire, l’article L. 353-12 du Code de l’énergie régit les modalités de facturation des contributions dues au titre de l’installation d’une infrastructure collective relevant du réseau public d’électricité permettant l’installation ultérieure de points de recharge pour véhicules électriques ou hybrides rechargeable dans les immeubles collectifs d’habitation.

Aux termes de ces mêmes dispositions, les modalités d’application de ce régime, notamment le dimensionnement et les caractéristiques techniques de l’infrastructure collective ainsi que la détermination de la contribution due au titre de l’infrastructure collective, devaient être précisées par un décret pris après avis de la CRE.

C’est l’objet du décret en date du 21 septembre 2022 ici commenté qui apporte les précisions suivantes :

  • Après avoir défini ce que comprend techniquement l’infrastructure collective destinée à raccorder les points de recharge de véhicules électriques, infrastructure qui fait partie intégrante du réseau public de distribution d’électricité et dont le coût est pris en charge par le Tarif d’Utilisation du Réseau Public d’Electricité (TURPE), le décret précise que les coûts des travaux annexes nécessaires au déploiement de cette infrastructure, réalisés à la demande du propriétaire, quoique sous maîtrise d’ouvrage du gestionnaire du réseau de distribution, ne sont pas pris en charge par le TURPE ;
  • Le décret précise également le contenu et la durée (fixée à 20 ans) de la convention à conclure entre le gestionnaire du réseau de distribution et le propriétaire (ou le syndicat de propriétaires) ;
  • Il indique également les modalités de détermination de la contribution due par l’utilisateur au titre de l’infrastructure collective[1] en fonction du coût de l’infrastructure collective de l’immeuble concerné et du ratio entre la puissance demandée au titre du branchement individuel et la puissance totale de l’infrastructure collective ;
  • Enfin, conformément aux dispositions de l’article L. 342-3-1 du Code de l’énergie, le décret décrit les cas dans lesquels il peut être dérogé au délai d’installation d’une telle infrastructure collective, fixée à six mois à compter de l’acceptation, par le demandeur, de la convention de raccordement ainsi que le barème de l’indemnité due au propriétaire en cas de dépassement de ce délai d’installation.

_______

[1] Pour rappel, aux termes de l’article L 353-12 du Code de l’énergie « chaque utilisateur qui demande la création d’un ouvrage de branchement individuel alimenté par cette infrastructure collective est redevable d’une contribution au titre de l’infrastructure collective et d’une contribution au titre des ouvrages de branchements individuels ».

Rehaussement temporaire des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre par les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles

Dans le contexte actuel de risque de rupture d’approvisionnement en électricité et en gaz, et en application de l’article 36 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, un décret du 14 septembre 2022 a mis en place un système de plafond dégressif d’émissions de gaz à effet de serre pour les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles.

L’article 36 de la loi précitée en date du 16 août 2022 prévoyait en effet, dans le contexte que l’on connaît, qu’un décret pourrait « rehausser le plafond d’émissions de gaz à effet de serre applicable aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles en application du II de l’article L. 311-5-3 du code de l’énergie en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national ».

Les installations visées sont celles produisant de l’électricité à partir de combustibles fossiles, c’est-à-dire notamment les centrales à charbon situées sur le territoire métropolitain continental et émettant plus de 0,55 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure.

La possibilité ouverte par l’article 36 de la loi du 16 août 2022 était néanmoins assortie de l’obligation pesant sur les exploitants des installations concernées de compenser le rehaussement de ce plafond notamment en favorisant « le renouvellement forestier, le boisement, l’agroforesterie, l’agrosylvopastoralisme ou l’adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage naturel de carbone ».

Dans ce cadre, le décret en date du 14 septembre 2022 fixe les modalités de mise en œuvre de ce rehaussement et notamment le niveau et les modalités de l’obligation de compensation. Le décret modifie notamment l’article D. 311-7-2 du Code de l’énergie fixant les kilotonnes d’équivalents dioxyde de carbone par mégawatt de puissance électrique installée pouvant être émis en 2022, 2023 et à compter de 2024, en distinguant différentes phases.

Le décret crée en outre un nouvel article D. 311-7-3 au sein du Code de l’énergie précisant les modalités selon lesquelles les exploitants des installations concernées :

  • transmettent au Ministre de l’énergie une déclaration portant sur les émissions effectivement réalisées ;
  • versent des sommes dans un fonds ayant pour objet de financer des projets de réduction ou de séquestration de gaz à effet de serre sur le territoire français ;
  • transmettent au Ministre un plan pluriannuel de compensation permettant l’utilisation de l’ensemble des sommes versées dans le fonds précité, étant entendu que ces fonds devront être utilisés dans un délai de 8 ans à compter du 30 juin 2023.

Le nouvel article D. 311-7-3 du Code de l’énergie fixe en outre les sanctions applicables en cas de non-respect de l’obligation de compensation.

FACé : Parution du taux de la contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution (GRD) pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale pour l’année 2022

Conformément aux dispositions de l’article L. 2224-31-1bis du Code Général des Collectivité territoriales, le taux la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution (GRD) pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale est fixé annuellement par voie d’arrêté en début d’exercice.

C’est ainsi que l’arrêté en date du 20 septembre 2022 vient déterminer comme suit ce taux pour l’année 2022 :

  • 0,180100 centimes d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est supérieure à 2.000 habitants ;
  • 0,036000 centime d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2.000 habitants.

Ce taux est ainsi en baisse par rapport à celui fixé les années précédentes. En 2021, il était par exemple respectivement fixé à 0,197036 et 0,039407 centimes d’euro par kilowattheure pour chacune de ces catégories de communes.

Nationalisation d’EDF : dépôt d’une offre publique d’achat par l’Etat

Communiqué de presse de l’Agence des participations de l’Etat

Une nouvelle étape du projet de nationalisation d’EDF annoncé en juillet par le Gouvernement vient d’être franchie.

En effet, un arrêté en date du 4 octobre a acté la décision de l’Etat de « de se porter acquéreur de l’ensemble des actions de la société Électricité de France émises ou à émettre et qu’il ne détient ni directement ni indirectement » (art. 1er).

Cette acquisition porterait sur « un maximum de 803.469.846 actions, à un prix unitaire de 12,00 euros par action », soit un montant maximum de 9,6 milliards d’euros environ (art. 1er).

Cette offre va être soumise à un examen de l’Autorité des Marchés Financiers, qui devrait se prononcer le 8 novembre prochain ainsi qu’il résulte du communiqué de presse établi par l’Agence des participations de l’Etat par l’intermédiaire de laquelle l’offre publique d’achat a été déposée.

Décryptage du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables

Le 26 septembre dernier, le Gouvernement a présenté en Conseil des Ministres son projet de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables dont le texte a été ensuite déposé sur le bureau du Sénat en vue d’un examen par le Parlement dans le courant de l’automne.

Une première version du projet de loi avait déjà été dévoilée cet été à l’occasion de la consultation, notamment, du Conseil national de la Transition écologique. Cette version avait donné lieu à différents commentaires et critiques pointant, en particulier, le caractère insuffisamment ambitieux et exhaustif du texte.

Le Conseil d’Etat ,dans son avis rendu sur le projet de loi, a par ailleurs, entre autres observations, déploré la brièveté du délai accordé aux différents organes consultés pour se prononcer, notamment d’ailleurs s’agissant de son propre avis, et souligné que si formellement la procédure avait été respectée compte tenu des délais très restreints, « l’esprit qui préside à l’obligation de consulter ne peut être considéré, dans ces conditions, comme respecté ».

Sur le fond, si le Gouvernement a entre-temps modifié certains des aspects critiqués du texte, la version officiellement présentée le 26 septembre 2022 continue de susciter des questionnements et de nombreux acteurs du secteur de l’énergie ont d’ores et déjà fait part de leur souhait de voir le projet amendé.

Dans l’attente des débats parlementaires qui s’annoncent riches, on présentera d’ores et déjà les principales dispositions et les principales carences du projet de loi en abordant successivement :

  • d’abord, les mesures temporaires d’allègement et d’accélération des procédures prévues par le Code de l’urbanisme et le Code de l’environnement (I) ;
  • ensuite, les mesures sectorielles proposées s’agissant de la production d’énergie solaire thermique et photovoltaïque, de l’éolien en mer et de la production de gaz bas carbone (II) ;
  • enfin, les mesures transversales destinées à faciliter et accélérer la production d’électricité d’origine renouvelable en général (III).

I. Les mesures temporaires d’accélération des procédures prévues par le Code de l’urbanisme et le Code de l’environnement

Le premier titre du projet de loi est consacré aux mesures d’accélération et de simplification des différentes procédures prévues par le Code de l’environnement et le Code de l’urbanisme qui doivent être observées préalablement à l’implantation d’unités de production d’énergie renouvelable.

L’importance des délais s’écoulant entre la naissance d’un projet et sa mise en œuvre effective constitue en effet l’un des freins, régulièrement dénoncés, au développement des énergies renouvelables.

Pour tenter de remédier à cette difficulté, le projet de loi prévoit :

  • Que durant quatre ans à compter de la promulgation de la loi la procédure d’autorisation environnementale est simplifiée notamment par l’inapplication de certaines des dispositions procédurales ou encore par la limitation des hypothèses dans lesquelles une enquête publique est requise (art. 1er et 2 du projet de loi) ;
  • La consécration de la possibilité pour permettre l’implantation d’installations de productions d’énergie renouvelable de recourir à la procédure de révision simplifiée des plans locaux d’urbanisme pour procéder au changement d’orientations définies par les projets d’aménagement et de développement durables (PADD), à la réduction des espaces boisés classés, ainsi qu’à la modification des règles applicables aux zones agricoles, naturelles ou forestières qui sont actuellement soumis à la procédure plus lourde de révision (art. 3) ;
  • La possibilité de conduire une unique procédure de concertation du public valant à la fois pour la délivrance de l’autorisation d’installation du projet et la mise en compatibilité du document d’urbanisme (art. 3) ;
  • Que les projets d’installations de production d’énergie renouvelable, répondant à des critères qui seront fixés par décret en Conseil d’Etat, seront réputés répondre à une « raison impérative d’intérêt public majeur» au sens du 4°de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, de sorte que leur implantation pourra déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats (art. 4). Cette mesure a notamment été critiquée par les associations de défense de la biodiversité et notamment la Ligue de Protection des Oiseaux, déplorant que le développement des énergies renouvelables s’opère au détriment de la protection de la biodiversité ;
  • La modification des dispositions de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement relatif à l’office du juge de plein contentieux des autorisations environnementales afin que la faculté qui lui est aujourd’hui ouverte de prononcer une annulation partielle, limitée à une phase de l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale ou à une partie de cette autorisation, ou de surseoir à statuer en vue de la régularisation d’un vice, constitue désormais une obligation lorsque les conditions d’une telle annulation partielle ou d’une telle mesure de régularisation sont réunies (art. 5).

Enfin, le titre premier du projet de loi dédié, comme précédemment indiqué, aux « mesures d’urgence temporaires pour accélérer les projets d’énergies renouvelables » comporte un article 6 qui habiliterait le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant, entre autres, de modifier les procédures applicables aux opérations de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité des installations de production d’énergie renouvelable et de définir les cas dans lesquels les gestionnaires de réseaux devraient anticiper certains travaux sur le réseau, et ce dans l’objectif d’accélérer le raccordement des producteurs d’énergie renouvelable.

Toutefois, l’article 6 dépasse largement cet objectif en intégrant également, dans le champ de l’habilitation qui serait accordée au Gouvernement, la possibilité de modifier profondément le droit applicable au raccordement des consommateurs (et non uniquement des producteurs d’énergie renouvelable). Ainsi, le Gouvernement serait habilité à modifier les règles applicables au financement de l’ensemble des raccordements aux réseaux de transport et de distribution d’électricité, et notamment la répartition entre les coûts de raccordement faisant l’objet d’une péréquation nationale via le tarif payé par tous les usagers (Tarif d’Utilisation des Réseaux publics d’Electricité) et ceux qui sont supportés notamment par les demandeurs des raccordements et les collectivités en charge de l’urbanisme, conformément aux règles posées par le Code de l’énergie (art. L. 342-6, L. 342-7 et L. 342-11 du Code de l’énergie).

Si ces sujets peuvent certes nécessiter des évolutions, l’absence de lien avec le thème de la production d’énergies renouvelables conduit à s’interroger sur la place de ces dispositions dans le texte présenté par le Gouvernement. En outre, le procédé de l’ordonnance aurait pour conséquence de faire échapper au débat parlementaire la discussion relative à ces sujets financiers pourtant sensibles en cette période de crise énergétique.

II. Les mesures sectorielles

Les titres 2 et 3 et le chapitre 3 du titre 4 sont pour leur part dédiés aux mesures sectorielles proposées par le Gouvernement respectivement en matière d’énergie solaire thermique ou photovoltaïques (II.1), d’éoliennes en mer (II.2) et de gaz bas-carbone injectés dans le réseau de gaz naturel (II.3).

II.1. S’agissant du développement de l’énergie solaire thermique et photovoltaïque, les apports de la loi sont les suivants :

  • L’installation d’ouvrages de production d’énergie solaire est permise sur les délaissés autoroutiers et des voies à grande circulation (art. 7 modifiant l’article L. 111-7 du Code de l’urbanisme) ;
  • L’article L. 2122-1-3-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, qui permet à l’autorité compétente de l’Etat de renoncer à la procédure de sélection imposée préalablement à la délivrance d’un titre d’occupation du domaine public en vue de l’exercice d’une activité économique, est modifié afin d’en faire bénéficier des projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ayant déjà fait l’objet, en application du Code de l’énergie, d’une mise en concurrence pour l’octroi de mesures de soutien financier prévues en faveur de ces énergies (art. 8) ;
  • L’implantation d’ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque est autorisée sur les friches non situées en continuité des espaces urbanisés qui sera fixée par décret ainsi que sur les bassins industriels de saumure saturée (art. 9). Cette autorisation d’implantation est également étendue aux installations de production d’hydrogène couplées aux fins d’alimentation électrique aux ouvrages photovoltaïques ;
  • En zone de montagne, une possibilité de construction d’ouvrages de production d’énergie photovoltaïque en discontinuité de l’urbanisation existante est consacrée (art. 10 modifiant l’article L. 122-7 du Code de l’urbanisme) ;
  • Il est institué enfin, à compter du 1er juillet 2023, une obligation (assortie néanmoins de dérogations et de dispositifs échelonnés d’entrée en vigueur) d’installer sur les parcs de stationnement extérieurs de plus de 2 500 m2 des ombrières intégrant des panneaux solaires thermiques ou photovoltaïques sur au moins la moitié de leur surface ainsi que d’installer des dispositifs favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation (art. 11). Cette obligation, est assortie de sanctions financières.

II.2. S’agissant du sujet de l’éolien en mer, les principaux apports de la loi sont les suivants :

  • Un dispositif de mutualisation des procédures de participation du public est créé afin d’ouvrir la possibilité au Ministre chargé de l’énergie et à celui chargé de la mer, conjointement, de saisir la Commission nationale du débat public afin que la procédure de participation du public portant sur les projets de construction et d’exploitation d’installations de production d’énergie renouvelable en mer et sur leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d’électricité, définie à l’article L. 121-8-1 du Code de l’environnement, soit menée en commun avec celle prévue par l’article L. 121-8 du même Code pour les documents stratégiques de façade, qui sont des plans et programmes mentionnés à l’article L. 219-3 du même Code (art. 12).
  • Le régime applicable aux éoliennes en mer situées en partie en mer territoriale et en partie en zone économique exclusive est précisé (art. 13 modifiant l’Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française).
  • Un nouveau régime juridique est créé pour fixer les règles applicables aux îles artificielles, installations ou ouvrages flottants, notamment les éoliennes flottantes (art. 14 modifiant l’Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française) ;
  • L’installation d’ouvrages de transport d’électricité qui contribuent à atteindre les objectifs nationaux stratégiques en zone littorale est autorisée (art. 16).

II.3. Enfin, s’agissant des gaz bas carbone injectés sur le réseau de distribution de gaz naturel, le projet de loi prévoit de définir ledit gaz et de l’introduire parmi les gaz dont la production est éligible à un soutien public, au moyen des contrats d’expérimentation prévus par les articles L. 446-24 du Code de l’énergie. Le Code de l’énergie est en outre complété afin de prévoir les conditions de vente du gaz bas-carbone injecté dans les réseaux et d’organiser un régime de police administrative.

III. Mesures transversales d’accélération de la production d’énergie renouvelable

Le projet de loi comporte en outre des dispositions générales qui ont pour but d’accélérer la production d’énergie renouvelable en général.

Tel est tout particulièrement le cas du chapitre 1er du titre IV, chapitre consacré aux « mesures en faveur du financement de la production des énergies renouvelables et de la fourniture à long terme d’électricité ».

L’article 17 de ce chapitre prévoit tout d’abord d’introduire la notion de contrat de vente directe d’électricité entre un producteur et un consommateur final, sans passer par le marché de l’électricité et sans l’intermédiaire d’un fournisseur, c’est-à-dire la notion de « Power Purchase Agreement » (« PPA »).

Ces contrats sont conclus pour une durée qui peut être longue selon les investissements nécessaires et qui est en tout état de cause déterminée de manière à sécuriser tant le producteur que le consommateur. Le prix d’achat de l’électricité est convenu sur le long terme entre les parties et n’est donc pas soumis aux aléas du marché. Ce type de contrat permet en outre d’éviter de recourir aux dispositifs de soutiens financiers publics (obligation d’achat, complément de rémunération, etc…). Le contrat d’achat direct entre le producteur et les consommateurs constitue donc une opportunité particulièrement intéressante pour les consommateurs, notamment les acheteurs publics, en ces temps de crise énergétique majeure et de nécessité de relocaliser et de décarboner la production électrique.

Ce type de contrat correspond à la notion d’« accord d’achat d’électricité renouvelable » défini au niveau européen comme « un contrat par lequel une personne physique ou morale accepte d’acheter directement à un producteur d’électricité de l’électricité produite à partir de sources renouvelables » (article 2 (§17) de la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 dite « RED II » ou « EnR »). Cette notion n’a, à ce jour, pas été transposée en droit interne en dépit de l’invitation formulée aux Etats membres par l’article 15 de la Directive précitée à lever les barrières administratives et réglementaires injustifiées aux contrats d’achat de long terme d’électricité renouvelable et à faciliter le recours à de tels accords.

Cette absence de transposition crée à ce jour une insécurité juridique pour tous les consommateurs qui pourraient souhaiter mettre en œuvre ce type de solution particulièrement avantageuse, et en particulier pour les entités soumises au Code de la commande publique. De nombreux acteurs locaux ont en effet d’ores et déjà manifesté leur souhait de recourir à ce type de contrat.

Or, le projet de loi présenté le 26 septembre dernier, non seulement ne pose pas de définition claire de cette notion, mais surtout ne prévoit d’introduire cette notion que pour les personnes privées.

Le texte ne traite donc pas du tout la question de l’articulation avec le droit de la commande publique et en particulier les règles relatives à la durée, à l’allotissement, au financement des prestations, … qui constituent les freins au recours par les acheteurs publics à ces outils. Il est d’ailleurs frappant de relever que l’étude d’impact accompagnant le projet de loi n’identifie aucune conséquence du dispositif de PPA sur les collectivités territoriales (p. 178) ou sur la commande publique.

En l’état du texte donc, seules les personnes non soumises au droit de la commande publique pourraient recourir à ce type de contrat de manière sécurisée. C’est la raison pour laquelle de nombreuses associations ou organismes représentant les intérêts des collectivités territoriales et de leurs groupements ont d’ores et déjà proposé des amendements sur ce texte (FNCCR, France Urbaine, AMORCE, …).

Le projet de loi prévoit en outre de soumettre, par principe, les producteurs souhaitant conclure de tels contrats à l’obligation de disposer d’une autorisation administrative, similaire à celle que les fournisseurs d’électricité doivent détenir.

Le projet de loi prévoit enfin, toujours sur le sujet des contrats de long terme conclus entre un producteur et un consommateur, de faire application à ces contrats de plusieurs dispositifs fiscaux incitatifs figurant déjà au sein du Code général des impôts mais dont l’application était limitée dans le temps ou n’avait pas été actualisée (dispositif d’amortissement exceptionnel pour l’acquisition de titres de sociétés d’approvisionnement en électricité, élargissement aux sociétés agréées d’approvisionnement en électricité du bénéfice de la déductibilité des charges financières afférentes aux contrats qu’elles ont conclus à ce titre). On notera que le Conseil d’Etat formule à cet égard une mise en garde quant à la comptabilité de ces mesures avec le droit européen des aides d’Etat.

On observera que parmi les mesures transversales, rien n’est prévu s’agissant de l’autoconsommation, en particulier de l’autoconsommation collective alors même que le régime juridique actuel de cet outil génère des difficultés faisant obstacle à sa généralisation.

Ainsi, la nécessité de créer une personne morale organisatrice, de même que la limitation géographique du périmètre d’une opération d’autoconsommation, constituent les obstacles les plus souvent pointés par les praticiens comme autant de freins au développement des projets.

Le syndicat des acteurs de l’énergie solaire Enerplan a d’ores et déjà présenté une cinquantaine de propositions susceptibles de constituer autant d’amendements au texte gouvernemental, en particulier sur le sujet de l’autoconsommation collective.

Enfin, le chapitre II du titre IV du projet de loi est dédié aux « mesures en faveur d’un partage territorial de la valeur des énergies renouvelables » dont l’objet est de prévoir des mesures d’incitation financière bénéficiant aux personnes résidant à proximité d’installations de production d’énergies renouvelables. Le but poursuivi est d’améliorer l’acceptabilité de ces projets et atténuer les oppositions locales qui constituent autant de sources de ralentissement des projets. Le soutien ainsi instauré prendrait la forme d’un rabais sur les factures des consommateurs (clients finals résidentiels et communes).

On notera que le texte présenté le 26 septembre a été modifié par rapport à la version initiale qui réservait cet avantage aux seuls clients dont la résidence principale était située dans le périmètre d’une unité de production d’électricité renouvelable. Toutefois, le Conseil d’Etat dans son avis notait que cette différence de traitement n’était pas justifiée par l’objectif poursuivi.

Au total, si le texte du projet de loi a fait à l’heure actuelle l’objet de nombreuses critiques, il devrait pouvoir être substantiellement enrichi lors de son passage devant le Parlement et pourrait permettre de lever différents freins au développement des énergies renouvelables et, par ce biais, on l’espère, donner aux acteurs publics notamment des pistes de sécurisation de leurs achats d’énergie en bénéficiant par différentes voies d’une offre d’énergie renouvelable plus maîtrisée.

Marianne HAUTON

Parution de plusieurs textes pour répondre à la hausse des prix de l’énergie cet hiver

Décret n° 2022-1279 du 30 septembre 2022 modifiant le décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement de gaz naturel et d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine

RECOMMANDATION GÉNÉRIQUE N°D2022-03688 DU médiateur de l’énergie

Communiqué de Presse de la CRE : Mise en œuvre de l’accord de solidarité réciproque entre la France et l’Allemagne sur l’approvisionnement en gaz

Consultation publique n°2022-07 du 15 septembre 2022 relative à la création d’une offre de capacité de sortie physique de gaz à l’interconnexion Obergailbach et à la fixation du tarif de la capacité de sortie physique à Obergailbach

 

L’actualité est riche de textes, décisions et communiqués pris pour faire face aux prix de l’énergie à l’arrivée de l’hiver dans le contexte, maintenant bien connu, de crise énergétique.

  • Extension du bénéfice, pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie, d’une compensation de la hausse des prix d’approvisionnement

Deux décrets du 23 septembre et du 30 septembre 2022 sont venus modifier les conditions d’octroi de l’aide instituée par le décret n° 2022-967 en date du 1er juillet 2022 pour compenser la hausse des coûts d’approvisionnement de gaz naturel et d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine, que nous avons commenté dans une précédente LAJEE.

Initialement, cette aide devait couvrir la période du 1er mars 2022 au 31 août 2022. Le décret n° 2022-1279 du 30 septembre 2022 vient prolonger le bénéfice de cette aide au 31 décembre 2022. Par conséquent, le décret n° 2022-1250 du 23 septembre 2022 modifie les dates de demande de de cette aide par les entreprises concernées. En effet, désormais, la demande d’aide pourra être déposée au titre des mois de mars, avril et juin 2022 entre le 4 juillet et le 31 décembre 2022 et au titre des mois de juin, juillet et août 2022, entre le 3 octobre et le 31 décembre 2022.

  • Recommandation du Médiateur de l’énergie pour protéger les consommateurs de gaz contre la hausse des tarifs sur le marché de gros

Le Médiateur de l’énergie a adressé une recommandation le 13 septembre 2022 à un fournisseur de gaz naturel afin que celui-ci cesse de commercialiser des offres dont le prix de fourniture n’est pas déterminé au moment où la consommation a lieu.

Le Médiateur avait en effet été saisi par un consommateur de gaz naturel qui contestait une double facturation de ses consommations de gaz et leur tarif très élevé. Le médiateur n’a pas relevé la double facturation mais a considéré que le fait que le consommateur ne puisse connaître le prix de la fourniture qu’à la réception de sa facture posait difficulté.

Ainsi, le Médiateur a recommandé à ce fournisseur, d’une part, de faire en sorte que le prix du kWh qui doit être appliqué le mois suivant et qui est indexé sur les marchés puisse être systématiquement porté à la connaissance du consommateur au moins 10 jours à l’avance et, d’autre part, de rappeler au consommateur l’évolution du prix par rapport au mois précédent.

Il a en outre relevé un manque de transparence dans l’offre du fournisseur car le consommateur n’avait pas été alerté des risques liés à la volatilité des prix de vente indexés sur le marché de gros de gaz naturel. Le Médiateur a ainsi recommandé au fournisseur de se conformer aux dispositions de l’article 6 de l’arrêté relatif aux factures de fourniture d’électricité ou de gaz naturel et aux conditions de report ou de remboursement de trop-perçus du 18 avril 2012 et d’indiquer dans ses conditions générales de vente les coefficients de pondération pris en compte pour répartir la consommation en cas d’évolution des prix de fourniture de gaz naturel.

  • Création par GRTgaz d’une offre de capacité de sortie physique de gaz à l’interconnexion d’Obergailbach dans le cadre de l’accord de solidarité entre la France et l’Allemagne

 

Le Président de la République a annoncé, le 5 septembre dernier, la signature d’un accord de solidarité entre la France et l’Allemagne afin de renforcer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel des deux pays et faire face à la diminution des livraisons de gaz russe en Europe.

Pour ce faire, la France s’est engagée à renforcer son interconnexion gazière avec l’Allemagne afin de pouvoir lui livrer du gaz en prévision de l’hiver à venir. En effet, à ce jour le seul point d’interconnexion existant entre la France et l’Allemagne se trouve en Moselle, à Obergailbach, et ne permet que des approvisionnements de l’Allemagne vers la France.

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après « CRE ») a donc annoncé, dans un communiqué de presse publié le 15 septembre 2022, que GRTgaz prévoyait de créer, d’ici la semaine du 10 octobre, une capacité de sortie du réseau de transport de gaz, cette fois, de la France vers l’Allemagne, d’une capacité de 100 GWh/j.

Dans ce contexte, la CRE avait d’ailleurs lancé une consultation publique qui s’est achevée le 27 septembre 2022 sur l’offre commerciale proposée par GRTgaz et précisément sur cette capacité d’interconnexion et son tarif d’utilisation.

La CRE doit désormais fixer les modalités de commercialisation de GRTgaz retenues et créer le terme tarifaire correspondant après avis du Conseil supérieur de l’énergie.

En somme, à plusieurs échelles, des dispositifs sont mis en œuvre pour aider les entreprises, les consommateurs, et, ici, les Etats européens également à faire face à la crise énergétique à l’approche de l’hiver.