Energie
le 07/10/2022

Décryptage du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables

Projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables

Le 26 septembre dernier, le Gouvernement a présenté en Conseil des Ministres son projet de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables dont le texte a été ensuite déposé sur le bureau du Sénat en vue d’un examen par le Parlement dans le courant de l’automne.

Une première version du projet de loi avait déjà été dévoilée cet été à l’occasion de la consultation, notamment, du Conseil national de la Transition écologique. Cette version avait donné lieu à différents commentaires et critiques pointant, en particulier, le caractère insuffisamment ambitieux et exhaustif du texte.

Le Conseil d’Etat ,dans son avis rendu sur le projet de loi, a par ailleurs, entre autres observations, déploré la brièveté du délai accordé aux différents organes consultés pour se prononcer, notamment d’ailleurs s’agissant de son propre avis, et souligné que si formellement la procédure avait été respectée compte tenu des délais très restreints, « l’esprit qui préside à l’obligation de consulter ne peut être considéré, dans ces conditions, comme respecté ».

Sur le fond, si le Gouvernement a entre-temps modifié certains des aspects critiqués du texte, la version officiellement présentée le 26 septembre 2022 continue de susciter des questionnements et de nombreux acteurs du secteur de l’énergie ont d’ores et déjà fait part de leur souhait de voir le projet amendé.

Dans l’attente des débats parlementaires qui s’annoncent riches, on présentera d’ores et déjà les principales dispositions et les principales carences du projet de loi en abordant successivement :

  • d’abord, les mesures temporaires d’allègement et d’accélération des procédures prévues par le Code de l’urbanisme et le Code de l’environnement (I) ;
  • ensuite, les mesures sectorielles proposées s’agissant de la production d’énergie solaire thermique et photovoltaïque, de l’éolien en mer et de la production de gaz bas carbone (II) ;
  • enfin, les mesures transversales destinées à faciliter et accélérer la production d’électricité d’origine renouvelable en général (III).

I. Les mesures temporaires d’accélération des procédures prévues par le Code de l’urbanisme et le Code de l’environnement

Le premier titre du projet de loi est consacré aux mesures d’accélération et de simplification des différentes procédures prévues par le Code de l’environnement et le Code de l’urbanisme qui doivent être observées préalablement à l’implantation d’unités de production d’énergie renouvelable.

L’importance des délais s’écoulant entre la naissance d’un projet et sa mise en œuvre effective constitue en effet l’un des freins, régulièrement dénoncés, au développement des énergies renouvelables.

Pour tenter de remédier à cette difficulté, le projet de loi prévoit :

  • Que durant quatre ans à compter de la promulgation de la loi la procédure d’autorisation environnementale est simplifiée notamment par l’inapplication de certaines des dispositions procédurales ou encore par la limitation des hypothèses dans lesquelles une enquête publique est requise (art. 1er et 2 du projet de loi) ;
  • La consécration de la possibilité pour permettre l’implantation d’installations de productions d’énergie renouvelable de recourir à la procédure de révision simplifiée des plans locaux d’urbanisme pour procéder au changement d’orientations définies par les projets d’aménagement et de développement durables (PADD), à la réduction des espaces boisés classés, ainsi qu’à la modification des règles applicables aux zones agricoles, naturelles ou forestières qui sont actuellement soumis à la procédure plus lourde de révision (art. 3) ;
  • La possibilité de conduire une unique procédure de concertation du public valant à la fois pour la délivrance de l’autorisation d’installation du projet et la mise en compatibilité du document d’urbanisme (art. 3) ;
  • Que les projets d’installations de production d’énergie renouvelable, répondant à des critères qui seront fixés par décret en Conseil d’Etat, seront réputés répondre à une « raison impérative d’intérêt public majeur» au sens du 4°de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, de sorte que leur implantation pourra déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats (art. 4). Cette mesure a notamment été critiquée par les associations de défense de la biodiversité et notamment la Ligue de Protection des Oiseaux, déplorant que le développement des énergies renouvelables s’opère au détriment de la protection de la biodiversité ;
  • La modification des dispositions de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement relatif à l’office du juge de plein contentieux des autorisations environnementales afin que la faculté qui lui est aujourd’hui ouverte de prononcer une annulation partielle, limitée à une phase de l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale ou à une partie de cette autorisation, ou de surseoir à statuer en vue de la régularisation d’un vice, constitue désormais une obligation lorsque les conditions d’une telle annulation partielle ou d’une telle mesure de régularisation sont réunies (art. 5).

Enfin, le titre premier du projet de loi dédié, comme précédemment indiqué, aux « mesures d’urgence temporaires pour accélérer les projets d’énergies renouvelables » comporte un article 6 qui habiliterait le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant, entre autres, de modifier les procédures applicables aux opérations de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité des installations de production d’énergie renouvelable et de définir les cas dans lesquels les gestionnaires de réseaux devraient anticiper certains travaux sur le réseau, et ce dans l’objectif d’accélérer le raccordement des producteurs d’énergie renouvelable.

Toutefois, l’article 6 dépasse largement cet objectif en intégrant également, dans le champ de l’habilitation qui serait accordée au Gouvernement, la possibilité de modifier profondément le droit applicable au raccordement des consommateurs (et non uniquement des producteurs d’énergie renouvelable). Ainsi, le Gouvernement serait habilité à modifier les règles applicables au financement de l’ensemble des raccordements aux réseaux de transport et de distribution d’électricité, et notamment la répartition entre les coûts de raccordement faisant l’objet d’une péréquation nationale via le tarif payé par tous les usagers (Tarif d’Utilisation des Réseaux publics d’Electricité) et ceux qui sont supportés notamment par les demandeurs des raccordements et les collectivités en charge de l’urbanisme, conformément aux règles posées par le Code de l’énergie (art. L. 342-6, L. 342-7 et L. 342-11 du Code de l’énergie).

Si ces sujets peuvent certes nécessiter des évolutions, l’absence de lien avec le thème de la production d’énergies renouvelables conduit à s’interroger sur la place de ces dispositions dans le texte présenté par le Gouvernement. En outre, le procédé de l’ordonnance aurait pour conséquence de faire échapper au débat parlementaire la discussion relative à ces sujets financiers pourtant sensibles en cette période de crise énergétique.

II. Les mesures sectorielles

Les titres 2 et 3 et le chapitre 3 du titre 4 sont pour leur part dédiés aux mesures sectorielles proposées par le Gouvernement respectivement en matière d’énergie solaire thermique ou photovoltaïques (II.1), d’éoliennes en mer (II.2) et de gaz bas-carbone injectés dans le réseau de gaz naturel (II.3).

II.1. S’agissant du développement de l’énergie solaire thermique et photovoltaïque, les apports de la loi sont les suivants :

  • L’installation d’ouvrages de production d’énergie solaire est permise sur les délaissés autoroutiers et des voies à grande circulation (art. 7 modifiant l’article L. 111-7 du Code de l’urbanisme) ;
  • L’article L. 2122-1-3-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, qui permet à l’autorité compétente de l’Etat de renoncer à la procédure de sélection imposée préalablement à la délivrance d’un titre d’occupation du domaine public en vue de l’exercice d’une activité économique, est modifié afin d’en faire bénéficier des projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ayant déjà fait l’objet, en application du Code de l’énergie, d’une mise en concurrence pour l’octroi de mesures de soutien financier prévues en faveur de ces énergies (art. 8) ;
  • L’implantation d’ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque est autorisée sur les friches non situées en continuité des espaces urbanisés qui sera fixée par décret ainsi que sur les bassins industriels de saumure saturée (art. 9). Cette autorisation d’implantation est également étendue aux installations de production d’hydrogène couplées aux fins d’alimentation électrique aux ouvrages photovoltaïques ;
  • En zone de montagne, une possibilité de construction d’ouvrages de production d’énergie photovoltaïque en discontinuité de l’urbanisation existante est consacrée (art. 10 modifiant l’article L. 122-7 du Code de l’urbanisme) ;
  • Il est institué enfin, à compter du 1er juillet 2023, une obligation (assortie néanmoins de dérogations et de dispositifs échelonnés d’entrée en vigueur) d’installer sur les parcs de stationnement extérieurs de plus de 2 500 m2 des ombrières intégrant des panneaux solaires thermiques ou photovoltaïques sur au moins la moitié de leur surface ainsi que d’installer des dispositifs favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation (art. 11). Cette obligation, est assortie de sanctions financières.

II.2. S’agissant du sujet de l’éolien en mer, les principaux apports de la loi sont les suivants :

  • Un dispositif de mutualisation des procédures de participation du public est créé afin d’ouvrir la possibilité au Ministre chargé de l’énergie et à celui chargé de la mer, conjointement, de saisir la Commission nationale du débat public afin que la procédure de participation du public portant sur les projets de construction et d’exploitation d’installations de production d’énergie renouvelable en mer et sur leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d’électricité, définie à l’article L. 121-8-1 du Code de l’environnement, soit menée en commun avec celle prévue par l’article L. 121-8 du même Code pour les documents stratégiques de façade, qui sont des plans et programmes mentionnés à l’article L. 219-3 du même Code (art. 12).
  • Le régime applicable aux éoliennes en mer situées en partie en mer territoriale et en partie en zone économique exclusive est précisé (art. 13 modifiant l’Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française).
  • Un nouveau régime juridique est créé pour fixer les règles applicables aux îles artificielles, installations ou ouvrages flottants, notamment les éoliennes flottantes (art. 14 modifiant l’Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française) ;
  • L’installation d’ouvrages de transport d’électricité qui contribuent à atteindre les objectifs nationaux stratégiques en zone littorale est autorisée (art. 16).

II.3. Enfin, s’agissant des gaz bas carbone injectés sur le réseau de distribution de gaz naturel, le projet de loi prévoit de définir ledit gaz et de l’introduire parmi les gaz dont la production est éligible à un soutien public, au moyen des contrats d’expérimentation prévus par les articles L. 446-24 du Code de l’énergie. Le Code de l’énergie est en outre complété afin de prévoir les conditions de vente du gaz bas-carbone injecté dans les réseaux et d’organiser un régime de police administrative.

III. Mesures transversales d’accélération de la production d’énergie renouvelable

Le projet de loi comporte en outre des dispositions générales qui ont pour but d’accélérer la production d’énergie renouvelable en général.

Tel est tout particulièrement le cas du chapitre 1er du titre IV, chapitre consacré aux « mesures en faveur du financement de la production des énergies renouvelables et de la fourniture à long terme d’électricité ».

L’article 17 de ce chapitre prévoit tout d’abord d’introduire la notion de contrat de vente directe d’électricité entre un producteur et un consommateur final, sans passer par le marché de l’électricité et sans l’intermédiaire d’un fournisseur, c’est-à-dire la notion de « Power Purchase Agreement » (« PPA »).

Ces contrats sont conclus pour une durée qui peut être longue selon les investissements nécessaires et qui est en tout état de cause déterminée de manière à sécuriser tant le producteur que le consommateur. Le prix d’achat de l’électricité est convenu sur le long terme entre les parties et n’est donc pas soumis aux aléas du marché. Ce type de contrat permet en outre d’éviter de recourir aux dispositifs de soutiens financiers publics (obligation d’achat, complément de rémunération, etc…). Le contrat d’achat direct entre le producteur et les consommateurs constitue donc une opportunité particulièrement intéressante pour les consommateurs, notamment les acheteurs publics, en ces temps de crise énergétique majeure et de nécessité de relocaliser et de décarboner la production électrique.

Ce type de contrat correspond à la notion d’« accord d’achat d’électricité renouvelable » défini au niveau européen comme « un contrat par lequel une personne physique ou morale accepte d’acheter directement à un producteur d’électricité de l’électricité produite à partir de sources renouvelables » (article 2 (§17) de la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 dite « RED II » ou « EnR »). Cette notion n’a, à ce jour, pas été transposée en droit interne en dépit de l’invitation formulée aux Etats membres par l’article 15 de la Directive précitée à lever les barrières administratives et réglementaires injustifiées aux contrats d’achat de long terme d’électricité renouvelable et à faciliter le recours à de tels accords.

Cette absence de transposition crée à ce jour une insécurité juridique pour tous les consommateurs qui pourraient souhaiter mettre en œuvre ce type de solution particulièrement avantageuse, et en particulier pour les entités soumises au Code de la commande publique. De nombreux acteurs locaux ont en effet d’ores et déjà manifesté leur souhait de recourir à ce type de contrat.

Or, le projet de loi présenté le 26 septembre dernier, non seulement ne pose pas de définition claire de cette notion, mais surtout ne prévoit d’introduire cette notion que pour les personnes privées.

Le texte ne traite donc pas du tout la question de l’articulation avec le droit de la commande publique et en particulier les règles relatives à la durée, à l’allotissement, au financement des prestations, … qui constituent les freins au recours par les acheteurs publics à ces outils. Il est d’ailleurs frappant de relever que l’étude d’impact accompagnant le projet de loi n’identifie aucune conséquence du dispositif de PPA sur les collectivités territoriales (p. 178) ou sur la commande publique.

En l’état du texte donc, seules les personnes non soumises au droit de la commande publique pourraient recourir à ce type de contrat de manière sécurisée. C’est la raison pour laquelle de nombreuses associations ou organismes représentant les intérêts des collectivités territoriales et de leurs groupements ont d’ores et déjà proposé des amendements sur ce texte (FNCCR, France Urbaine, AMORCE, …).

Le projet de loi prévoit en outre de soumettre, par principe, les producteurs souhaitant conclure de tels contrats à l’obligation de disposer d’une autorisation administrative, similaire à celle que les fournisseurs d’électricité doivent détenir.

Le projet de loi prévoit enfin, toujours sur le sujet des contrats de long terme conclus entre un producteur et un consommateur, de faire application à ces contrats de plusieurs dispositifs fiscaux incitatifs figurant déjà au sein du Code général des impôts mais dont l’application était limitée dans le temps ou n’avait pas été actualisée (dispositif d’amortissement exceptionnel pour l’acquisition de titres de sociétés d’approvisionnement en électricité, élargissement aux sociétés agréées d’approvisionnement en électricité du bénéfice de la déductibilité des charges financières afférentes aux contrats qu’elles ont conclus à ce titre). On notera que le Conseil d’Etat formule à cet égard une mise en garde quant à la comptabilité de ces mesures avec le droit européen des aides d’Etat.

On observera que parmi les mesures transversales, rien n’est prévu s’agissant de l’autoconsommation, en particulier de l’autoconsommation collective alors même que le régime juridique actuel de cet outil génère des difficultés faisant obstacle à sa généralisation.

Ainsi, la nécessité de créer une personne morale organisatrice, de même que la limitation géographique du périmètre d’une opération d’autoconsommation, constituent les obstacles les plus souvent pointés par les praticiens comme autant de freins au développement des projets.

Le syndicat des acteurs de l’énergie solaire Enerplan a d’ores et déjà présenté une cinquantaine de propositions susceptibles de constituer autant d’amendements au texte gouvernemental, en particulier sur le sujet de l’autoconsommation collective.

Enfin, le chapitre II du titre IV du projet de loi est dédié aux « mesures en faveur d’un partage territorial de la valeur des énergies renouvelables » dont l’objet est de prévoir des mesures d’incitation financière bénéficiant aux personnes résidant à proximité d’installations de production d’énergies renouvelables. Le but poursuivi est d’améliorer l’acceptabilité de ces projets et atténuer les oppositions locales qui constituent autant de sources de ralentissement des projets. Le soutien ainsi instauré prendrait la forme d’un rabais sur les factures des consommateurs (clients finals résidentiels et communes).

On notera que le texte présenté le 26 septembre a été modifié par rapport à la version initiale qui réservait cet avantage aux seuls clients dont la résidence principale était située dans le périmètre d’une unité de production d’électricité renouvelable. Toutefois, le Conseil d’Etat dans son avis notait que cette différence de traitement n’était pas justifiée par l’objectif poursuivi.

Au total, si le texte du projet de loi a fait à l’heure actuelle l’objet de nombreuses critiques, il devrait pouvoir être substantiellement enrichi lors de son passage devant le Parlement et pourrait permettre de lever différents freins au développement des énergies renouvelables et, par ce biais, on l’espère, donner aux acteurs publics notamment des pistes de sécurisation de leurs achats d’énergie en bénéficiant par différentes voies d’une offre d’énergie renouvelable plus maîtrisée.

Marianne HAUTON