Environnement, eau et déchet
le 07/10/2022
Pauline DELETOILLEPauline DELETOILLE

Précisions sur le droit à l’information environnementale

CE, 27 septembre 2022, association Mormal Forêt Agir, n° 451627

Le Conseil d’Etat apporte un éclairage sur les documents communicables lorsque ces derniers contiennent des informations environnementales.

En l’espèce, l’association Mormal Forêt Agir a demandé à l’Office national des forêts (ONF) de lui communiquer certains documents relatifs à la gestion des forêts :

  • D’une part, la communication des pages et des annexes non publiées du document d’aménagement de la forêt de Mormal pour la période 2014-2033 ;
  • D’autre part, la communication des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées de la forêt de Mormal depuis 2014.

A titre préalable, le document d’aménagement constitue un document de gestion qui prévoit l’aménagement forestier. A ce titre, il « prend en compte les objectifs de gestion durable, notamment la contribution actuelle et potentielle de la forêt à l’équilibre des fonctions écologique, économique et sociale du territoire où elle se situe, ainsi que les caractéristiques des bassins d’approvisionnement des industries du bois. » (art. L. 212-2 du Code forestier).

L’association avait saisi le Tribunal administratif de Paris d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de refus de l’ONF, ainsi que d’une demande d’injonction de communication des documents. Le Tribunal avait fait droit partiellement aux conclusions de l’association, raison pour laquelle celle-ci se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.

En premier lieu, s’agissant de la demande de communication des volumes de bois récoltés annuellement et des surfaces exploitées annuellement de la forêt de Mormal depuis 2014, le Tribunal administratif avait considéré en l’espèce que l’ONF n’était pas en possession de ces données. Dès lors, il ne pouvait pas les communiquer à l’association. Le Conseil d’Etat valide ce raisonnement, en considérant que « le Tribunal administratif a porté sur ces pièces une appréciation souveraine exempte de dénaturation et d’inexactitude matérielle ».

En second lieu, s’agissant de la communication des pages et des annexes non publiées du document d’aménagement de la forêt de Mormal, le Conseil d’Etat apporte des précisions bienvenues sur le cadre juridique applicable.

En effet, plusieurs dispositions peuvent être mobilisées dans le cas d’espèce :

  • Le Code forestier ;
  • Le Code de l’environnement ;
  • Le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

Tout d’abord, le Code forestier prévoit que les documents d’aménagement des forêts sont, pour leur partie technique, communicables à toute personne qui en fait la demande (articles L. 212-2, L. 122-6, D. 212-1, D. 212-2 et D. 212-6).

Plus généralement, le Conseil d’Etat relève qu’il existe un principe général de communication des informations établies ou détenues par les personnes publiques, s’agissant des bois et forêts relevant du régime forestier (article L. 112-3 du Code forestier).

Les articles L. 124-1 à L. 124-4 du Code de l’environnement consacrent également « le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l’article L. 124-3 [du Code précité] ou pour leur compte ». A ce titre, l’article L. 124-2 de ce Code précise les informations qualifiables d’information relative à l’environnement au sens de ces dispositions. Enfin, l’article L. 124-3 du même Code précise que « toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l’environnement », lorsqu’elles sont détenues notamment par « […] les établissements publics ».

 

En l’espèce, l’ONF, en sa qualité d’établissement public national à caractère industriel et commercial (article L. 221-1 du Code forestier), est soumis à l’ensemble de ces obligations. Il doit donc communiquer les informations environnementales qu’il détient, reçoit ou établit à toute personne qui lui en adresse la demande.

On sait toutefois que la communication des documents administratifs est également régie par les articles L. 311-1 et suivants du CRPA. Ainsi, l’article L. 124-4 du Code de l’environnement opère un renvoi à l’article L. 311-6 CRPA, qui pose une exception : les documents administratifs ne peuvent être communiqués s’ils portent atteinte « au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles […] ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat va sanctionner l’analyse du Tribunal administratif de Paris, qui avait insuffisamment motivé son jugement sur ce point, ce qui lui permet de régler l’affaire au fond.

La Haute juridiction relève que certaines parties du document d’aménagement constituent des informations relatives à l’environnement, susceptibles de communication, et qui ne peuvent être regardées comme de nature à porter atteinte au secret des affaires. Dès lors, l’association requérante était fondée à demander l’annulation de la décision de refus de communication de ces documents par l’ONF.

En revanche, d’autres parties du document ne répondent pas à cette qualification. En effet, certaines informations se rapportent à la stratégie commerciale de l’ONF (tableau récapitulatif des recettes et dépenses annuelles, bilan financier prévisionnel de l’établissement…). Le juge administratif considère donc que « leur communication doit être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l’article L. 311-6 du Code des relations entre le public et l’administration. ». Par suite, l’association requérante n’était pas fondée à demander l’annulation de la décision implicite de refus de l’ONF de lui communiquer ces pages.

En conclusion, le Conseil d’Etat annule le jugement du tribunal administratif sur plusieurs points et enjoint à l’ONF de communiquer à l’association requérante, dans un délai d’un mois, les pages du document d’aménagement qui se rattachent à l’information environnementale.