Propriété intellectuelle
le 13/10/2022

Le droit des marques face aux métavers

Article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle

Depuis quelques années, la question de la protection des droits de propriété intellectuelle face au développement d’un monde virtuel est devenue récurrente, sans qu’une réponse claire n’ait été apportée.

L’arrivée des NFT [Non Fungible Token ou Jeton Non Fongible], sortes de certificats numériques permettant d’attester l’origine et la propriété d’une création virtuelle, des cryptomonnaies s’appuyant sur la blockchain, de la réalité virtuelle composant un tout nouveau monde virtuel, a soulevé des nouvelles problématiques liées à la protection des droits de propriété intellectuelle.

De nouvelles formes de contrefaçon sont apparues.

A titre d’illustration, Hermès a porté plainte contre l’artiste Mason Rotschild alors qu’il proposait à la vente sur la plateforme OPENSEA des « Metabirkin », reproduisant les célèbres sacs Birkin sous forme de NFT.

Plusieurs questions se posent, notamment celle de la protection de la marque reproduite pour la vente d’un produit similaire mais sous une forme virtuelle.

En France, il découle de l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle que la contrefaçon de marque concerne l’utilisation non autorisée d’un signe identique ou similaire, pour des produits/services identiques ou similaires, engendrant un risque de confusion aux yeux du public.

La contrefaçon de marque peut-elle être reconnue si les produits désignés ne sont pas les mêmes, l’un étant un bien matériel et l’autre virtuel?

La jurisprudence rappelle qu’un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés, et inversement[1].

Ainsi, la différence entre les produits désignés peut être compensée par un degré élevé de similitudes entre les signes, si un haut risque de confusion est engendré. La différence entre la nature des biens concernés, à savoir un bien matériel et l’autre virtuel pourrait ainsi être compensée.

Il est toujours possible d’anticiper dès le stade du dépôt de marque, en déposant des produits virtuels tels que :

  • produits virtuels téléchargeables (classe 9) ;
  • services de magasins de vente au détail concernant des produits virtuels (classe 35) ;
  • services financiers ; jetons numériques (classe 36) ;
  • produits virtuels non téléchargeables en ligne et NFT (classe 42) ;
  • services financiers y compris les jetons numériques (classe 36).

Cette stratégie reste cependant limitée puisqu’à défaut d’usage durant la période ininterrompue de 5 ans, la marque sera déchue pour les produits et services pour lesquels elle n’a pas pu rapporter de preuve d’usage.

La contrefaçon de marque peut-elle être reconnue sur le territoire français dès lors qu’elle concerne le monde virtuel ?

A première vue, il pourrait être tenté d’appliquer le même raisonnement que celui concernant la cyber contrefaçon. A cet égard, la jurisprudence retient le critère de rattachement à la France et d’accessibilité au public français (langue française, etc.).

Mais les métavers représente une technologie immersive et transverse qui ne s’adresse pas à un public localisé mais à tous.

 

[1] CA Paris, pôle 5 – ch. 1, 25 avr. 2017, n° 15/17721