Précisions sur la communication d’une liste électorale à un électeur par le maire ou le Préfet

Le Conseil d’Etat a, dans une décision de Section en date du 2 décembre 2016, précisé les dispositions des articles L. 28 et R. 16 du Code électoral, relatifs à la communication d’une liste électorale (CE, 2 décembre 2016, n° 388979).

Plus précisément, l’article L. 28 de ce Code prévoit la possibilité pour « tout électeur, tout candidat et tout parti ou groupement politique » de prendre communication et copie de la liste électorale d’une commune.

Le dernier alinéa de l’article R. 16 du même Code indique quant à lui que « tout électeur peut prendre communication et copie de la liste électorale et des tableaux rectificatifs à la mairie, ou à la préfecture pour l’ensemble des communes du département à la condition de s’engager à ne pas en faire un usage purement commercial ».

L’objectif poursuivi par ces dernières dispositions est de prévenir une exploitation commerciale des données personnelles contenues dans une liste électorale, à savoir le nom, la date et le lieu de naissance, l’adresse du domicile ou du lieu de résidence des personnes inscrites, ainsi que la nationalité s’agissant des électeurs ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France.

Dans sa décision du 2 décembre 2016, le Conseil d’Etat, après avoir précisé que ces articles « ont pour objet de concourir à la libre expression du suffrage », a jugé que « tout électeur inscrit sur une liste électorale » peut prendre communication et copie de la liste électorale « d’une commune ». Ce faisant, il a estimé que l’expression « tout électeur » doit s’entendre au sens large et ne vise pas les seuls inscrits sur les listes électorales de la commune concernée par la demande.

Il a également indiqué que la demande doit être adressée à la mairie mais qu’elle peut l’être à la préfecture de département si elle porte sur plusieurs communes dudit département.

En outre, afin d’éviter toute exploitation commerciale des données personnelles contenues dans la liste électorale, le Conseil d’Etat a envisagé la possibilité pour le Maire ou le Préfet de refuser sa communication, « nonobstant l’engagement pris par le demandeur » sur le fondement de l’article R. 16 du Code électoral.

Il a ainsi jugé que « s’il existe, au vu des éléments dont elle dispose nonobstant l’engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l’usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial, l’autorité compétente peut rejeter la demande de communication de la ou des listes électorales dont elle est saisie ».

A cet égard, il a précisé qu’il est loisible à l’autorité compétente « de solliciter du demandeur qu’il produise tout élément d’information de nature à lui permettre de s’assurer de la sincérité de son engagement de ne faire de la liste électorale qu’un usage conforme aux dispositions des articles L. 28 et R. 16 du Code électoral. L’absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte parmi d’autres éléments, par l’autorité compétente afin d’apprécier, sous le contrôle du Juge, les suites qu’il convient de réserver à la demande dont elle est saisie ».

A noter que les dispositions en cause ont été modifiées par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

En effet, l’article 7 de cette loi a élevé au rang législatif les dispositions du Code électoral tendant à prévenir l’usage commercial des listes électorales. Les articles L. 28 et R. 16 de ce Code auront donc vocation à être fusionnés sur ce point à l’article 37 du même code, étant précisé que la loi du 1er août 2016 entrera en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat et, au plus tard, le 31 décembre 2019 (article 16).

Une commune peut désigner ses conseillers communautaires au sein d’un nouvel EPCI avant la création de cet EPCI

Dans une décision en date du 16 novembre 2016, le Conseil d’Etat a jugé qu’aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit ne fait obstacle à ce que la désignation par une commune de ses conseillers communautaires au sein d’un nouvel établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’intervienne avant que le Préfet n’ait pris l’arrêté portant création du nouvel EPCI au sein duquel ces conseillers sont appelés à siéger, conformément à un cadre légal déjà fixé à la date de cette désignation par des arrêtés préfectoraux ayant arrêté le schéma de coopération intercommunale, le périmètre de fusion des deux EPCI et le nombre et la répartition des sièges au sein du nouveau conseil communautaire (CE, 16 novembre 2016, n° 398262).

Dans l’affaire qui était soumise au Conseil d’Etat, un nouvel EPCI issu de la fusion de deux anciens EPCI devait naître au 1er janvier 2016, dans le cadre de la révision de la carte intercommunale prévue par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi MAPTAM).

Plus précisément, après l’intervention, le 4 mars 2015, du schéma régional de coopération intercommunale (SRCI) de la Région Île-de-France (équivalant en grande couronne des schémas départementaux de coopération intercommunale – SDCI – pour le reste du territoire), arrêté par le Préfet de Région, le Préfet des Yvelines avait, le 18 mai suivant, arrêté un projet de périmètre du nouvel EPCI. Le nombre et la répartition des sièges au sein de cet EPCI avaient ensuite été fixés par un arrêté du Préfet de Région du 16 décembre 2015, l’arrêté du Préfet des Yvelines portant fusion des deux EPCI et création du nouvel EPCI étant intervenu, quant à lui, le 24 décembre suivant.

Or le conseil municipal de l’une des communes membres du futur EPCI avait procédé à l’élection de ses représentants au conseil communautaire dès le 19 décembre 2015.

Le Conseil d’Etat était donc saisi de la question de savoir si cette élection était intervenue précocement ou non.

Il a jugé que l’élection des conseillers communautaires pouvait intervenir dès lors que le cadre légal de la création de l’EPCI était précisé par les arrêtés susmentionnés, à savoir ceux arrêtant le SRCI, le projet de périmètre et le nombre ainsi que la répartition des sièges au conseil communautaire, et ce quand bien même l’arrêté portant création de l’EPCI ne serait pas intervenu à la date de l’élection.

Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet aux communes concernées de pouvoir espérer convoquer leur conseil municipal avant les congés de la période de Noël pour élire leurs représentants au nouveau conseil communautaire, alors que les arrêtés de création des EPCI interviennent, le plus souvent, à la fin du mois de décembre.

La solution retenue par le Conseil d’Etat confirme partiellement et précise une solution retenue par le Juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier dans une ordonnance du 9 octobre 2003. Le Juge des référés de cette juridiction avait en effet admis qu’il puisse être procédé, avant la prise d’effet d’un arrêté de fusion, à la désignation des conseillers communautaires et organisé une première réunion de l’organe délibérant pour élire le président et les membres du bureau.

Le Juge avait plus précisément considéré que ces élections constituaient des mesures d’organisation interne destinées à préparer la mise en œuvre de l’arrêté de fusion à compter de sa date d’effet et ne constituait pas « un exercice anticipé des compétences » (TA de Montpellier, 9 octobre 2003, Ria Sirach contre communauté de communes de Conflent ; Réponse ministérielle, JOAN, Question écrite avec réponse n° 30831, 2 juillet 2013).

Le Conseil d’Etat a ainsi confirmé que l’élection des conseillers communautaires pouvait intervenir préalablement à la création de l’EPCI mais ne s’est pas prononcé, dans la mesure où il n’était pas saisi de la question, sur la possibilité, assez surprenante pourtant mais évoquée dans la réponse ministérielle précitée, de réunir, avant cette date, l’organe délibérant de l’EPCI pour en élire le bureau.

En pratique, dans le cadre des actuelles fusions pour mise en œuvre des SDCI, cette décision va pouvoir être utilement appliquée dès que les Préfets auront adopté l’arrêté portant répartition des sièges du nouvel EPCI, les communes pourront désigner leurs nouveaux délégués.

Fixation du loyer binaire de renouvellement : retour au statut

Cass. civ., 3ème, 3 novembre 2016, n° 15-16.826

Cass. civ. 3ème, 3 novembre 2016, n° 15-16.827

La stipulation selon laquelle le loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au Juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.

Par deux arrêts de censure partielle qui figureront à son Rapport, la Cour de cassation réintègre dans le giron du statut des baux commerciaux la détermination, lors du renouvellement du contrat, de la partie fixe d’un loyer binaire.

En vogue dans les centres commerciaux, le loyer binaire (également appelé « loyer clause-recettes ») se caractérise par l’existence d’un loyer minimum garanti, complété par un loyer variable additionnel calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur.

Or, au motif que le statut des baux commerciaux envisage un prix unique et non pas un loyer composite, la jurisprudence considère que ce mode de fixation échappe aux règles statutaires, renvoyant les parties aux termes de leur convention (V., en matière de révision du loyer, Civ. 3e, 15 mai 1991, n° 89-20.847, D. 1991. 364, obs. L. Rozès ; V. aussi, concernant le loyer de renouvellement, l’arrêt Théâtre Saint-Georges et ses nombreuses décisions successives).

En dépit d’une tentative de la pratique de contrecarrer cette jurisprudence, en insérant dans les baux une stipulation en vertu de laquelle le loyer minimum garanti sera, en renouvellement, fixé à la valeur locative, les cours d’appel de Limoges et d’Aix-en-Provence ont persisté à considérer qu’il existe une incompatibilité entre le loyer binaire et l’application des règles de l’article L. 145-33 du Code de commerce (Limoges, 4 sept. 2014, n° 13/00095, AJDI 2015. 514 ; Aix-en-Provence, 19 févr. 2015, n° 13/11349, AJDI 2015. 514).

À l’occasion d’un pourvoi dirigé contre deux arrêts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la Haute juridiction clarifie la situation en précisant qu’une telle stipulation n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au Juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.

Dénégation du statut en cours d’instance

Un bailleur qui a délivré un congé avec refus de renouvellement peut, au cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, dénier l’application du statut des baux commerciaux.

En l’espèce, une commune a donné à bail à un particulier diverses parcelles de terre pour une durée neuf années à compter du 1er janvier 1994. Ce bail a été renouvelé jusqu’au 31 décembre 2011 par délibération du conseil municipal. Toutefois, le 30 juin 2011, la commune a délivré au preneur un « congé sans offre de renouvellement de bail commercial » pour le 31 décembre 2011, « en application de l’article L.145-14 du Code de commerce ». Le congé rappelle également au preneur les termes du dernier alinéa de l’article L. 145-9 de ce Code relatif à la possibilité de contester le congé ou de demander une indemnité d’éviction. Le preneur a donc saisi le Tribunal de grande instance afin d’obtenir le paiement de cette indemnité d’éviction.

La commune s’est opposée à ces demandes en contestant la qualification du bail. Selon cette dernière, ce bail doit être exclu du statut des baux commerciaux puisqu’il porte sur des terrains nus.

En première instance, le Tribunal a débouté le preneur de sa demande en refusant d’appliquer le statut des baux commerciaux. Toutefois, la Cour d’appel a infirmé cette décision, les magistrats ayant estimé que la contestation sur la qualification du bail était en contradiction avec les termes du congé.

Or il s’induit de cette contradiction que la contestation était infondée, le bail relevant du statut des baux commerciaux.

La commune forme alors un pourvoi dont le moyen unique reproche à la Cour d’appel d’avoir violé les articles 12 et 73 du Code de procédure civile. La Cour de cassation a donc dû s’interroger sur la possibilité pour le bailleur, qui a notifié un congé faisant application du statut des baux commerciaux et prévoyant la possibilité pour le preneur de demander l’octroi d’une indemnité d’éviction, de contester l’application de ce statut au cours de l’instance engagée en vue du paiement de cette indemnité.

La Cour de cassation répond par l’affirmative et casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 72 du Code de procédure civile. Malgré la délivrance d’un congé sur le fondement du statut des baux commerciaux, un bailleur peut dénier l’application de ce statut puisque les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause, y compris au cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction.

Pas d’indemnisation des jours épargnés sans délibération, quel que soit le fondement de la demande

Dans cette affaire, le Département avait refusé de faire droit à la demande d’un agent qui, parti à la retraite après une longue période de maladie, avait sollicité que les jours de repos de son compte épargne-temps fassent l’objet d’une indemnisation, faute pour lui d’en bénéficier sous forme de congés supplémentaires.

Confirmant la légalité de la décision du Département, le Conseil d’Etat a précisé dans cet arrêt que les règles du décret n° 2004-878 du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique territoriale doivent faire l’objet d’une application stricte, et notamment celle posée à l’article 3 selon laquelle « lorsqu’une collectivité ou un établissement n’a pas prévu, par délibération, prise en vertu du deuxième alinéa de l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l’indemnisation ou la prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique des droits ainsi épargnés sur le compte épargne-temps au terme de chaque année civile, l’agent ne peut les utiliser que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l’article 3 du décret du 26 novembre 1985 susvisé ».

Ainsi, après avoir écarté la demande de la requérante de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité au motif que les dispositions en vigueur méconnaîtraient le droit de propriété et le principe d’égalité devant la loi, le Conseil d’Etat a précisé que : « ni l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ni l’article 87 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ni l’article 5 du décret du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale n’ont pour objet ou pour effet d’instituer un droit à rémunération des jours épargnés sur un compte épargne-temps qui n’ont pu être utilisés sous forme de congé du fait du placement de l’agent en congé maladie préalablement à sa cessation de fonctions et qui ne peuvent, faute de délibération de la collectivité en ce sens, donner lieu à indemnisation ».

Publication du projet de décret relatif aux Commissions consultatives paritaires

Le projet de décret attendu à la suite de la modification du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale par le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale est enfin paru.

Pour mémoire, les formalités de consultation préalable de commissions mises en place par la nouvelle version du décret du 15 février 1988 n’ont pour le moment pas à être respectées par les collectivités, en vertu de la théorie des formalités impossibles (voir pour une illustration de la théorie : CE, 30 décembre 2003, Hôpital local du Croisic, n° 249262).

La publication de ce projet de décret indique cependant que l’entrée en vigueur des dispositions attendues approche, et que les collectivités devront donc bientôt travailler à la mise en place de ces commissions afin de respecter les nouvelles procédures imposées par le décret n° 88-145.

Le projet ainsi publié permet à cette fin d’avoir un premier aperçu des modalités d’organisation des commissions consultatives paritaires, et des travaux à mener pour leur institution prochaine.

Il rappelle par ailleurs dans son article 18 quel sera le champ d’intervention desdites commissions, lequel est en définitive assez large : décisions de licenciement, décision de non renouvellement des contrats d’agent investis d’un mandat syndical, sanctions disciplinaires autres que l’avertissement et le blâme, etc …

L’absence justifiée d’un agent contractuel pour raison médicale à son entretien préalable entraîne l’annulation de son licenciement

Recrutée par contrat à durée indéterminée sur un emploi d’animatrice, la requérante avait sollicité l’annulation de l’arrêté par lequel le Maire de la Commune d’Hermonville l’avait licenciée à la suite de la suppression de son poste.

La question posée en l’espèce était de savoir si en fixant son entretien préalable à une date à laquelle la requérante ne pouvait y participer la collectivité avait méconnu la procédure, fixée par l’article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale dans sa version alors applicable, selon laquelle le licenciement ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable.

La Cour y a répondu par l’affirmative en jugeant que « la commune devait procéder à une nouvelle convocation afin de lui permettre de bénéficier d’un entretien préalable dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l’article 42 du décret du 15 février 1988 ».

Reste cependant que l’arrêt repose sur le fait que l’entretien était fixé à un créneau horaire correspondant à une interdiction médicale de sortie de l’agent de son domicile.

C’est ainsi qu’une absence de l’agent à un entretien ne suffit pas, seule, à l’annulation de la décision (CAA Bordeaux, 6 mai 2014, Monsieur V. contre Commune de Bordeaux, n° 12BX03238) : encore faut-il établir réellement l’impossibilité – connue de l’administration – qu’avait l’agent de s’y rendre.

Mais en pareille hypothèse, l’administration doit rester vigilante pour, au besoin, organiser un nouvel entretien.

Confirmation de la recevabilité du recours porté devant le Juge judiciaire pour indemniser le préjudice subi du fait d’un recours abusif contre une autorisation d’urbanisme

Lorsque l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme a été créé par l’Ordonnance n° 2016-638 du 18 juillet 2013, la question a pu se poser de savoir si ces dispositions excluaient désormais la possibilité pour un pétitionnaire de saisir le Juge judiciaire, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 (devenu 1240) du Code civil, d’une demande d’indemnisation du préjudice subi du fait d’un recours abusif formé contre le permis dont il était titulaire.

Si les Juges du fond avaient depuis eu l’occasion de rejeter les moyens tirés d’une telle irrecevabilité, la Cour de cassation vient de rendre une décision mettant un terme au débat.

Elle confirme ainsi que les dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme n’ont ni pour objet, ni pour effet, d’écarter la compétence de droit commun pour indemniser, sur le fondement des dispositions susmentionnées du Code civil, le préjudice subi du fait d’un recours abusif.

Les pétitionnaires pourront donc solliciter, d’une part, devant le Juge administratif, l’allocation de dommages-intérêts lorsqu’ils démontreront avoir subi « un préjudice excessif » du fait d’un recours « mis en œuvre  des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant » et, d’autre part, devant le Juge judiciaire, l’indemnisation de tout le préjudice subi du fait du même recours.

Cette décision est heureuse car on sait les réticences du Juge administratif à reconnaître comme remplies les conditions très strictes posées par l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. Il aurait donc été peu équitable, dans ces conditions, de refuser aux pétitionnaires de se tourner vers la voie judiciaire pour faire valoir leur entier préjudice.

Actualités de l’interprétation de l’article L. 212-1 du Code des relations entre le public et l’administration (ancien article 4 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration)

CE, 22 juillet 2016, Association Accomplir, n° 389056

CE, 12 octobre 2016, M. A., n° 395307

Pour mémoire, l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration (DCRA) désormais repris à l’article L. 212-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) énonce que :

« Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».

Or, dans les deux espèces ici examinées, la question de l’application de ces dispositions a été posée.

Dans la première, « Association Accomplir », la Cour administrative d’appel de Paris avait annulé la délibération attaquée au motif que le second alinéa de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, désormais repris à l’article L. 212-1 du CRPA, avait été méconnu.

Autrement dit, constatant le défaut de preuve établissant la signature de ladite délibération par le Maire de Paris, la Cour a considéré que la délibération était irrégulière et l’a annulée.

Mais saisi de cette décision, le Conseil d’Etat a censuré l’interprétation de la Cour estimant qu’elle avait commis une erreur de droit.

En effet, le Conseil d’Etat a d’abord considéré que les dispositions générales de la loi DCRA invoquées par le requérant ne pouvaient pas s’appliquer aux délibérations, dans la mesure où les dispositions spéciales de l’article L. 2121-23 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) existaient spécifiquement pour ces actes. Ces dispositions prévoient pour mémoire que les délibérations :

« sont signées par tous les membres présents à la séance, ou mention est faite de la cause qui les a empêchés de signer » (L. 2121-23 du CGCT).

Néanmoins, le Conseil d’Etat poursuit, en indiquant que les dispositions spéciales de l’article L. 2121-23 du CGCT « ne sont pas prescrites à peine de nullité de ces délibérations ».

Dès lors, au terme de cette première espèce, il convient de noter que les délibérations ne sont pas soumises aux dispositions de l’article L. 212-1 du CRPA, qu’en outre, les dispositions spéciales du CGCT qui posent le principe selon lequel les délibérations doivent être signées, ne s’imposent pas à peine de nullité.

Dans la seconde espèce, un jury fédéral de la Fédération française d’études et de sports sous-marins a refusé à Monsieur B. par une décision en date du 10 juillet 2010 de lui délivrer le brevet de moniteur fédéral. Monsieur B. a demandé au Président de la Commission technique régionale de réviser ses notes au titre de l’examen du Brevet, demande qui a été refusée par une décision en date du 16 octobre 2010.

Prenant acte de ce refus, Monsieur B a formé un recours administratif auprès du Président de la Commission technique régionale qui a également refusé sa demande par une décision du 7 novembre 2010.

En première instance, le Tribunal administratif a rejeté sa requête. La Cour administrative d’appel de Nantes a également rejeté l’appel formé par Monsieur B. contre ce jugement.

Saisi en dernier ressort, le Conseil d’Etat a rappelé les dispositions du dernier alinéa de l’article 4 de la loi DCRA, codifié pour mémoire à l’article L. 212-1 du CRPA, et indique ensuite :

« que si ces dispositions imposent qu’une décision écrite prise par une des autorités administratives au sens de cette loi comporte la signature de son auteur et les mentions prévues par cet article, elles n’ont ni pour objet ni pour effet d’imposer que toute décision prise par ces autorités administratives prenne une forme écrite » (CE, 12 octobre 2016, préc).

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que l’appréciation des mérites du candidat aux épreuves de l’examen de moniteur fédéral n’avait pas à prendre une forme écrite dans la mesure où aucune disposition des règlements et chartes des examens de la fédération française d’études et de sports sous-marins n’imposaient une telle formalisation.

Autrement dit, si le principe général posé désormais par l’article L. 212-1 du CRPA s’impose, il n’implique pas obligatoirement que toute décision prenne nécessairement une forme écrite. Ainsi, une décision non écrite, c’est-à-dire, dépourvue d’instrumentum, n’en demeure pas moins légale. Plus encore, un moyen qui opposerait l’article L. 212-1 du CRPA à une décision de ce type, c’est-à-dire non écrite, serait inopérant.

Annulation de la décision d’installer une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel de ville d’Hénin-Beaumont

Par un jugement en date du 30 novembre 2016, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision de la Commune d’Hénin-Beaumont d’installer une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel de ville à l’occasion des fêtes de la fin de l’année 2015.

Faisant application de la jurisprudence récente du Conseil d’Etat sur l’installation des crèches de Noël dans les lieux publics (CE 9 novembre 2016 Fédération de la libre pensée de la Vendée n° 395223 et 9 novembre 2016 Commune de Melun n° 395122), le Tribunal a rappelé que l’installation d’une crèche de Noël dans le siège d’une commune était en principe contraire au principe de neutralité des personnes publiques, sauf circonstances particulières tenant au caractère culturel, artistique ou festif de l’évènement.

Au cas d’espèce, le Tribunal a tout d’abord écarté le caractère artistique et culturel de la crèche, en soulignant que les sujets de la crèche ne présentaient aucune valeur historique ou artistique particulière et que la présence de la crèche ne présentait aucun lien avec le thème d’une exposition en cours relative à la cité minière de Darcy. De telle sorte que la crèche ne pouvait être regardée ni comme un évènement culturel, ni comme le prolongement de l’exposition en cours.

Le Tribunal a également relevé que si la Commune avait annoncé l’installation de la crèche de Noël dans le calendrier des manifestations festives, il n’est pas établi qu’elle s’inscrit dans une tradition locale préexistante ou qu’elle présente un lien avec la tenue simultanée du marché de Noël dans la commune, dans la mesure où ce dernier n’était pas situé à proximité directe de la crèche.

En l’absence de circonstances particulières, et sans qu’il ait jugé nécessaire d’apprécier le caractère ostentatoire ou prosélyte de la crèche,  le Tribunal a ainsi considéré que l’installation d’une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel de ville constituait une atteinte au principe de neutralité des personnes publiques.

Répartition des compétences entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire à propos des demandes de communication de documents

Par une décision en date du 28 novembre 2016, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction concernant les demandes de communication de documents.

La loi du 17 juillet 1978 (loi n° 78-753 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal), dont les dispositions figurent désormais au sein du Code des relations entre le public et l’administration (articles L. 300-1 et suivants), fixe le régime applicable à la communication des documents administratifs et la réutilisation des informations publiques.

Pour autant, toutes les demandes de communication de documents ne sont pas nécessairement fondées sur ces dispositions. Le Conseil d’Etat vient donc distinguer deux situations :

  • si la demande est présentée sur le fondement des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 – et désormais, sur celles du Code des relations entre le public et l’administration – quelle que soit la nature du document, le Juge administratif est seul compétent pour apprécier si la demande relève bien de son champ d’application et, à défaut, « rejeter la requête pour ce motif » ;
  • si la demande de communication de documents n’est pas fondée sur ces dispositions, ce principe d’exclusivité de compétence du Juge administratif ne trouve pas à s’appliquer.

En l’espèce, le demandeur sollicitait la communication des minutes des avis rendus par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Lyon en matière extraditionnelle pour les années 2012 et 2013. Le refus de communication avait donné lieu à un contentieux devant le Juge administratif.

Le Conseil d’Etat, précisant que « les minutes des jugements, ordonnances et avis, […] des juridictions que celles-ci détiennent se rattachent à la fonction juridictionnelle », juge que le litige relève de la seule compétence du Juge judiciaire.

Tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité

Faisant suite à une consultation publique qui s’était déroulée du 21 juillet au 9 septembre 2016, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié une nouvelle délibération en date du 16 novembre 2016 afin de faire évoluer les prestations annexes que les gestionnaires des réseaux de distribution (GRD) d’électricité peuvent réaliser.

Cette délibération est importante dans la mesure où elle consolide l’ensemble des modifications apportées aux prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité.

Les principaux objectifs de cette délibération sont :

  • d’adapter la liste des prestations annexes au déploiement des compteurs évolués pour les points de connexion en BT > 36 kVA et HTA, en mettant en place des prestations de transmission de données, et en révisant le tarif de certaines prestations effectuées par télé-opération ;
  • de modifier la prestation de décompte afin de faciliter l’implantation d’infrastructures de recharge de véhicules électriques ;
  • de retirer les prestations « mise à disposition d’un DEIE4 » et « batteries de condensateurs en location » de la liste des prestations réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité, ces deux prestations ne relevant pas du monopole du GRD ;
  • de mettre en place une prestation de transmission de données aux propriétaires ou gestionnaires d’immeubles, correspondant aux nouvelles dispositions de l’article L. 341-4 et aux dispositions des articles D. 341-13 et suivants du Code de l’énergie.

S’agissant plus particulièrement de la nouvelle prestation annexe relative aux données de comptage, il convient de rappeler que tout utilisateur du réseau doit avoir accès sans frais à l’ensemble de ses données de consommation. Ainsi, et comme l’avait déjà indiqué la CRE, tous les tiers autorisés par l’utilisateur devront pouvoir accéder sans frais aux données auxquelles l’utilisateur a lui-même accès.

Ces tiers peuvent être le fournisseur titulaire du contrat de fourniture, un fournisseur concurrent, ou d’autres acteurs choisis par l’utilisateur (entreprise de services énergétiques par exemple).

En revanche, pourront faire l’objet d’une facturation, dans le cadre de ces nouvelles prestations annexes, sous réserve qu’il existe des surcoûts entraînés par la souscription en masse de telles prestations :

  • la collecte de données dont la relève implique un surcoût comparé à la collecte des informations de base ;
  • la transmission de données via un canal plus coûteux (tel qu’un flux quotidien), si les données en elles-mêmes restent accessibles sans frais par un autre canal.

C’est dans ce cadre, et afin de permettre aux utilisateurs de bénéficier des données enregistrées par les compteurs évolués, et de permettre leur transmission à des tiers de leur choix, que la CRE a soumis à consultation la mise en place de plusieurs prestations de transmission de données.

Lors de la consultation, une majorité des acteurs s’est déclarée favorable aux prestations proposées de mise à disposition de données, de transmission ponctuelle de données et de transmission récurrente de données. Toutefois, certains acteurs sont restés réservés sur les modalités de mise en œuvre.

Ainsi la délibération introduit notamment la prestation dénommée « Emission d’un historique de données ».

Cette prestation permet au consommateur, ou à des tiers autorisés par lui (dont son fournisseur), de consulter sans frais, sur un portail mis à disposition par le GRD :

  • les données générales du point de connexion : la puissance souscrite, la formule tarifaire d’acheminement, etc. ;
  • l’historique des index de consommation des grilles du fournisseur et du distributeur sur une période de 24 mois ;
  • un historique des puissances atteintes et des dépassements de puissance du point de connexion sur une période de 24 mois ;
  • l’historique de courbe de charge au pas dix minutes sur une période de 24 mois ;
  • les factures du TURPE des consommateurs ayant conclu un contrat d’accès au réseau public de distribution (CARD).

Cette prestation ne sera donc pas facturée. Le calendrier de mise en œuvre de cette prestation sera établi par chaque GRD au regard du calendrier de déploiement des compteurs évolués sur sa zone de desserte et des contraintes liées à ses systèmes d’information. Ce calendrier devra être transmis à la CRE et rendu public par le GRD. 

 

Nouveaux tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE 5) pour la période 2017-2020 : l’enjeu de la transition énergétique

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans le domaine de tension HTB

Le 17 novembre dernier, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié deux délibérations sur les nouveaux tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dits « TURPE » : l’une relative aux domaines de tension HTA/BT (pour les réseaux de distribution) et l’autre relative aux domaines de tension HTB (pour le réseau de transport).

Ces tarifs entreront en vigueur le 1er août 2017 pour une durée d’environ 4 ans. Cette nouvelle période tarifaire donnera naissance aux TURPE 5.

S’agissant du TURPE 5 HTA/BT qui nous intéresse plus particulièrement, il convient de rappeler qu’il doit être calculé de manière à couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de réseau dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace. Le TURPE permet ainsi à la société Enedis (ex- ERDF) de financer ses activités et d’assurer sa mission d’entretien et de renouvellement du réseau de distribution publique d’électricité.

Pour la période 2017-2020, le principal enjeu du TURPE 5 HTA/BT réside ainsi dans la prise en compte des conséquences de la transition énergétique.

En l’état, le TURPE 5 prévoit un renforcement du signal horo-saisonnier du tarif c’est-à-dire la variation à la hausse ou à la baisse du tarif de réseau en fonction des périodes de pointe ou de faible utilisation.  Ainsi seront créées, en janvier 2017, deux options tarifaires : une option tarifaire à pointe mobile dans le domaine de tension HTA et une option tarifaire à quatre plages temporelles pour les utilisateurs en BT équipés d’un compteur le permettant.

De plus, le TURPE 5 HTA-BT intègre la totalité des programmes d’investissements et de recherche et développement présentés par Enedis. Il prend en compte les effets du déploiement des compteurs évolués « Linky », notamment la réduction des pertes sur les réseaux. Il introduit également la possibilité pour Enedis de présenter des projets de smart grids en cours de période tarifaire (sous réserve que l’analyse coûts/ bénéfices soit favorable).

Deux points sont également à retenir :

  • d’une part, concernant la méthode de calcul des charges de capital retenue (à savoir la méthode dite « comptable ») : la CRE reconduit la même méthode de calcul que celle utilisée dans le TURPE 4 HTA-BT, et validée par la décision du Conseil d’Etat du 13 mai 2016, société Direct Energie, n° 375501, qui avait jugé que ni les dispositions incluses dans le droit de l’Union européenne, ni celles de l’article L. 341-2 du Code de l’énergie, « n’excluent […] l’application d’une méthode telle que celle à laquelle a eu recours la CRE, dès lors que celle-ci prend en compte, dans les taux de rémunération qu’elle retient, les comptes spécifiques des concessions et les provisions pour renouvellement des immobilisations […] ».
  • d’autre part, le TURPE 5 HTA/BT vient inscrire dans le périmètre du compte de régulation des charges et produits (CRCP) du TURPE 5, les redevances de concession, répondant ainsi à une préoccupation des autorités concédantes, notamment dans le contexte actuel du renouvellement des contrats de concession.

Jusqu’à présent, les redevances de concession versées par Enedis était couvertes par le TURPE sur la base de trajectoires prévisionnelles définies en début de période tarifaire.

La délibération a par ailleurs prévu une clause de rendez-vous afin de permettre, le cas échant, d’adapter la structure des tarifs à l’issue de deux ans de mise en œuvre du TURPE 5 HTA/BT, soit à l’été 2019.

Enfin, conformément à l’article L. 341-3 du Code de l’énergie, le Gouvernement dispose d’un délai de deux mois pour éventuellement demander à la CRE de se pencher à nouveau sur le sujet, si elle estime que la délibération ne tient pas compte des orientations de la politique énergétique.

Mécanisme de capacité : les récentes avancées

Le mécanisme de capacité a, récemment, été l’objet d’une décision de la Commission européenne, d’un arrêté ministériel et d’un avis de l’Autorité de la concurrence.

Par une décision en date du 8 novembre 2016, la Commission européenne a autorisé la mise en œuvre par la France de son projet de mécanisme de capacité.

Le mécanisme de capacité consiste à valoriser et rémunérer des unités de production d’électricité afin de garantir durablement la sécurité d’approvisionnement en électricité des consommateurs.

Conformément à la procédure prévue à l’article 108 paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Commission européenne avait lancé une enquête sectorielle en matière d’aides d’État sur les mesures françaises portant sur le mécanisme de capacité et invité la France, par une décision en date du 13 novembre 2015, à présenter ses observations.

La Commission européenne craignait notamment que la rémunération supplémentaire des fournisseurs de capacité, que sont les producteurs d’électricité et les opérateurs d’effacement, favorise certaines entreprises et entrave l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.

Au cours de l’enquête, la France a proposé de modifier le mécanisme de capacité tel qu’elle l’avait envisagé afin de se conformer aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État. En particulier, les certificats de capacité pourront avoir une durée de sept ans au lieu d’un an, le mécanisme de capacité français sera ouvert aux fournisseurs de capacité situés dans les États membres voisins de la France, et cette dernière prendra des mesures visant à empêcher toute manipulation du marché.

Au vu de ces modifications, la Commission européenne a estimé que « le marché de capacité mis à exécution par la République française constitue une aide d’État », mais que celle-ci est « compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107 paragraphe 3, alinéa c du TFUE ». Elle a autorisé ce régime d’aides pour une durée de dix ans maximum.

Conformément à l’article R.335-2 du Code de l’énergie, la Ministre chargée de l’énergie a, par un arrêté en date du 29 novembre 2016, approuvé les règles du mécanisme de capacité, proposées par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, la société Réseau transport d’électricité (« RTE »).

Une « capacité » correspond à une capacité, soit de production d’électricité, soit d’effacement de consommation d’électricité, c’est-à-dire une diminution temporaire de consommation. Une « garantie de capacité » ou « certificat de capacité » est un bien meuble incorporel, correspondant à une puissance unitaire normative, émis par RTE et délivré aux exploitants de capacité à la suite de la certification d’une capacité. Ces garanties peuvent être échangées sur des marchés de capacité.

Et, en application de l’article L.335-2 du Code de l’énergie, chaque fournisseur doit disposer de garanties de capacités d’effacement et de production, pouvant être mises en œuvre pour satisfaire l’équilibre entre la production et la consommation sur le territoire métropolitain, notamment lors des périodes de pointe de consommation.

Ainsi, parmi les règles approuvées par l’arrêté du 29 novembre 2016 définissant les règles du mécanisme de capacité et pris en application de l’article R. 335-2 du Code de l’énergie, figurent notamment des dispositions définissant les périodes de pointe, précisant l’obligation de capacité des fournisseurs (obligation de contribuer à la sécurité d’approvisionnement en électricité en disposant de garanties de capacité) et fixant les méthodes de certification des capacités.

Enfin, s’agissant plus spécifiquement de l’effacement de consommation d’électricité, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis (n° 16-A-22) le 22 novembre 2016.

Cet avis fait suite à l’analyse d’un projet de décret et d’un projet d’arrêté relatifs au régime dérogatoire au principe du versement d’une somme aux fournisseurs d’électricité des sites effacés, par les opérateurs d’effacement, lorsque les effacements de consommation sont valorisés sur les marchés de l’énergie ou sur le mécanisme d’ajustement par un opérateur d’effacement proposant un service dissociable d’une offre de fourniture.

La dérogation, prévue à l’article L. 271-3 du Code de l’énergie, consiste en un partage, entre l’opérateur d’effacement et le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, du paiement de cette somme versée aux fournisseurs d’électricité.

L’Autorité de la concurrence a émis des réserves sur ces deux projets, en estimant notamment que la réduction des coûts supportés par les opérateurs d’effacement apparaît très complexe et induira des coûts administratifs significatifs pour les acteurs, alors même que ce mécanisme dérogatoire a vocation à être transitoire et d’un coût limité.

Si le Gouvernement décide tout de même de mettre en place ce dispositif dérogatoire, l’Autorité recommande que celui-ci soit notifié à la Commission européenne au titre du régime des aides d’État, et fait des propositions pour simplifier ce dispositif.


 

Etat des lieux des principaux derniers textes d’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte susceptibles d’intéresser les acteurs publics

Deux textes d’application de la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ainsi qu’un rapport d’information de l’Assemblée nationale, retiennent ce mois-ci l’attention.

Pris en application de l’article L. 461-3 du Code de l’énergie, le décret n° 2016-1518 du 9 novembre 2016 relatif aux sites fortement consommateurs de gaz naturel éligibles à une réduction de tarif d’utilisation des réseaux de transport et de distribution fixe les conditions selon lesquelles un site d’une entreprise peut bénéficier de tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel spécifiques.

Le site doit répondre à quatre conditions cumulatives pendant au moins deux ans au cours des quatre années civiles précédant la date de la demande, à savoir les conditions suivantes :

  • le rapport entre le volume de gaz qu’il consomme et sa valeur ajoutée est supérieur à 4 kilowattheures par euro de valeur ajoutée ;
  • l’activité exercée sur le site appartient à un secteur dont l’intensité des échanges avec les pays tiers est supérieure à 4% ;
  • le site consomme plus de 100 gigawattheures de gaz naturel par an ;
  • le rapport entre la consommation du site du 1er avril et le 31 octobre, et sa consommation annuelle, est supérieur à un certain niveau, fixé par arrêté ministériel.

Le décret n° 2016-1518 fixe également les critères d’éligibilité pour les sites d’entreprises dont l’activité principale est de produire des « produits intermédiaires », c’est-à-dire, en application de l’article D. 461-3 du Code de l’énergie, de la vapeur, de l’hydrogène ou du monoxyde de carbone.

Sur le plan pratique, l’entreprise qui souhaite faire bénéficier l’un de ses sites des tarifs spécifiques doit établir une attestation justifiant que ledit site remplit les conditions sus énoncées, et doit transmettre sa demande au gestionnaire du réseau de gaz naturel auquel ce site est raccordé.

Par ailleurs, le décret n° 2016-1618 du 29 novembre 2016 relatif à l’offre, par les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel, de transmission des données de consommation exprimées en euros au moyen d’un dispositif déporté fixe les modalités de transmission desdites données aux consommateurs domestiques en situation de précarité énergétique. Pour rappel, ceux-ci bénéficient de la tarification spéciale « produit de première nécessité » s’agissant de la consommation d’électricité, et du tarif spécial de solidarité, s’agissant de la consommation de gaz, jusqu’à ce que le chèque énergie se substitue à ces deux tarifs, le 1er janvier 2018. Ainsi, le décret n° 2016-1618 décrit, pour les consommateurs bénéficiant de ces tarifs, et qui bénéficieront du chèque énergie, les options que peut comporter l’offre de transmission de données, les obligations de transparence du fournisseur sur la consistance des données susceptibles de lui être transmises, et les délais de mise à disposition du dispositif déporté d’affichage.

On relèvera qu’étonnamment, l’article 7 du décret dispose que ce dernier entrera en vigueur le 1er janvier 2018. Il semble pourtant que les articles 1 et 2 dudit décret, consacrés à la tarification spéciale « produit de première nécessité » et au tarif spécial de solidarité, ont vocation à s’appliquer dès à présent, puis à être abrogés − comme le confirme d’ailleurs l’article 5 du décret − le 1er janvier 2018, et remplacés par les dispositions relatives au chèque énergie.

Enfin, un rapport d’information de l’Assemblée nationale du 26 octobre 2016 fait le point sur l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissante verte.

La Mission d’information commune rappelle notamment qu’en application de l’article 33 de cette loi, le Gouvernement devait remettre au Parlement un rapport sur le statut des colonnes montantes d’électricité dans les immeubles d’habitation, au plus tard douze mois à compter de la promulgation de ladite loi, soit le 17 août 2016. Elle regrette qu’à ce jour, ce rapport ne soit pas encore paru.

 

Maintien provisoire du FACE pour les communes regroupées au sein d’une commune nouvelle

A l’occasion de la loi relative au maintien sous forme de communes déléguées des communes associées en cas de création d’une commune nouvelle, le législateur a apporté de très utiles précisions relatives à l’éligibilité aux aides du Fonds d’Amortissement des Charges d’Electrification (ci-après, FACE) des communes nouvelles.

On précisera que la loi porte à titre principal sur la question spécifique des « communes associées », c’est-à-dire les communes regroupées dans le cadre du régime de fusion-association de la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes dite « loi Marcellin ». Ce régime a été largement modifié en 2010 (par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales) pour laisser place à celui des communes nouvelles tel qu’il existe actuellement au sein du Code Général des Collectivités territoriales. Ces nouvelles dispositions comportaient toutefois des lacunes quant à leur articulation et à leur application aux « communes associées », rendant de ce fait nécessaire l’adoption de la loi du 8 novembre dernier.

Les parlementaires ont profité de ce texte spécifique à certaines communes nouvelles pour introduire un certain nombre de mesures générales venant compléter le régime de l’ensemble des communes nouvelles. Tel est le cas de l’article 8 relatif aux aides du FACE.

On rappellera que l’éligibilité de travaux aux aides du FACE est subordonnée, entre autres conditions, à ce que les travaux soient réalisés sur le territoire de communes rurales au sens du FACE, c’est-à-dire des communes comptant moins de 2000 habitants. Ces communes éligibles sont listées par des arrêtés préfectoraux intervenant tous les six ans. Or, le regroupement de plusieurs communes éligibles au FACE au sein de communes nouvelles dont la population totale excède 2.000 habitants posait à de nombreuses collectivités la question du maintien du bénéfice des aides du FACE.

Dans ce cadre, l’article 8 de la loi précise que « jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, les communes nouvelles demeurent éligibles aux aides attribuées aux communes au titre du fonds d’amortissement des charges d’électrification prévu à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, pour la partie ou les parties de leur territoire qui y étaient éligibles la veille de leur création ».

Le législateur organise ainsi la cristallisation, toutefois temporaire, des situations qui prévalaient préalablement à la création de la commune nouvelle au regard des aides du FACE en posant le principe du maintien des aides jusqu’au prochain renouvellement des conseils municipaux.

Ainsi que les parlementaires l’ont souligné, « cette disposition transitoire constitue une mesure raisonnable qui permettra à la commune nouvelle d’anticiper la cessation de la perception de ces aides » (Rapport n° 22 (2016-2017) de M. François Grosdidier, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 12 octobre 2016).

Présentation par la Commission européenne d’un paquet « énergie propre pour tous les Européens »

La Commission européenne a dévoilé le 30 novembre dernier un ensemble de mesures visant à « maintenir la compétitivité de l’Union européenne dans le contexte des changements apportés sur les marchés mondiaux de l’énergie par la transition vers l’énergie propre ».

Ce paquet consiste en une série de propositions visant à réorganiser le marché de l’énergie, en particulier renouvelable, afin de respecter les engagements pris par la signature de l’accord de Paris sur le climat.

L’objectif affiché par la Commission européenne est triple : (i) privilégier l’efficacité énergétique, (ii) parvenir au premier rang mondial pour les énergies renouvelables et (iii) offrir des conditions équitables aux consommateurs.

Ce paquet implique la révision des directives et règlements sur les énergies renouvelables, sur le marché de l’électricité (une directive et un règlement), la gouvernance énergétique et l’efficacité énergétique, notamment dans les bâtiments.

Ainsi, la Commission propose la mise en place d’un cadre pour l’amélioration de l’efficacité énergétique, qui implique une modification de la directive sur l’efficacité énergétique (Directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique) qui porte de 27 % à 30 % l’objectif d’économie prévue dans l’accord cadre conclu lors du Conseil européenne des 23 et 24 octobre 2014. La Commission propose également la réorganisation du marché de l’électricité, afin de mieux intégrer les renouvelables. L’autoconsommation devrait être encouragée par ce dispositif.

Il revient désormais au Conseil et au Parlement européen de se saisir de ces propositions de la Commission.

Obligation d’information des fournisseurs d’électricité sur le montant du TURPE

Le Médiateur National de l’Energie a précisé les contours de l’obligation d’information pesant sur les fournisseurs d’énergie au profit de leurs clients s’agissant de la tarification appliquée et en particulier des éléments relatifs au Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (ci-après, TURPE).

Dans cette affaire, le client avait décidé de souscrire un abonnement, pour l’alimentation de son commerce de blanchisserie, auprès du fournisseur concerné, compte tenu des tarifs proposés qu’il estimait être très compétitifs. Cependant, l’attractivité desdits tarifs s’expliquait, au moins pour partie, par le fait que le fournisseur ne faisait pas apparaître la partie de la facture correspondant au TURPE.

Une fois le contrat souscrit, le client avait alors découvert les tarifs réellement pratiqués incluant la partie « TURPE ». Il avait contesté la facturation appliquée par le fournisseur et lui avait reproché de ne pas l’avoir informé de ces coûts lors de la souscription du contrat.

Le Médiateur National de l’Energie, saisi de ce différend, relève dans sa recommandation que « le fournisseur doit […] à son co-contractant une information complète sur le prix total à régler en contrepartie de la fourniture d’énergie ». Il ajoute que « la fourniture étant indissociable de l’acheminement dans le cadre d’un contrat unique, il doit en être de même pour le prix, d’autant que la part du TURPE représente environ le tiers du montant d’une facture d’électricité ». Il insiste ensuite en précisant qu’il existe une obligation d’ « information claire et complète sur les prix facturés » laquelle doit faire apparaître « les valeurs applicables des composantes tarifaires du TURPE », et ce, d’une manière adaptée à un « public non spécialiste de l’énergie ».

En l’espèce, le Médiateur constate que l’information du fournisseur était trop générale, manquait de transparence et n’apportait aucune précision sur la façon d’accéder à la grille tarifaire du TURPE. Il estime que ce défaut d’information claire a fait perdre au client une chance de bénéficier de prix plus avantageux proposés par d’autres fournisseurs.

Il recommande ainsi « à tous les fournisseurs d’électricité qui ne mentionnent pas les prix de l’acheminement pour les puissances de plus de 36 kVA, de faire évoluer la présentation de leurs offres et de leurs contrats,en indiquant clairement et de manière exhaustive toutes les composantes du TURPE à ajouter aux prix de l’abonnement et du kWh, de sorte que les consommateurs puissent comparer, en connaissance de cause, les prix des offres concurrentes ».

La participation des citoyens dans l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement : panorama des décisions récentes relatives à l’article 7 de la Charte de l’environnement

La participation des citoyens à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement, fondée sur l’article 7 de la Charte environnementale, est un thème qui donne lieu à de nombreuses décisions de la part des juridictions administratives, mais également du Conseil constitutionnel. Ce sujet à l’actualité continue confirme encore son importance avec l’adoption récente de l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

Plus récemment encore, la décision n° 2016-595 QPC du 18 novembre 2016, rendue par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 7 de la Charte de l’environnement, témoigne une fois de plus de la récurrence de la question. Après avoir examiné plus avant la décision QPC précitée (I), nous proposons ici de reprendre les jurisprudences les plus récentes rendues sur ce fondement dans ce domaine par la juridiction administrative (II).

I/ La position du Conseil constitutionnel sur l’interprétation de l’article 7 de la Charte environnementale

A/ Rappel de décisions antérieures du Conseil constitutionnel

A de nombreuses reprises, le Conseil constitutionnel a confronté les dispositions régissant le droit de l’environnement à l’article 7 de la Charte de l’environnement qui dispose que : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Pour examiner la constitutionnalité des dispositions qui sont soumises à son contrôle sur le fondement de l’article 7 précité, le Juge constitutionnel se prononce sur deux points :

  • en premier lieu, sur le caractère direct de l’incidence sur l’environnement des décisions concernées. Plus précisément, le Conseil constitutionnel vérifie si les décisions dont s’agit ont une incidente « directe et significative » sur l’environnement, conformément à la jurisprudence qu’il a dégagé dans sa Décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, Association France Nature et autres, cette condition constituant un préalable indispensable à l’examen de la constitutionnalité des dispositions attaquées.

C’est ainsi que, à titre d’exemple, il a récemment affirmé que le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et le schéma régional éolien constituaient des décisions pouvant avoir des impacts directs sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte environnementale (Décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014, Fédération environnement durable et autres) avant d’examiner la constitutionnalité de procédure prévue par le Code de l’environnement à la lecture de l’article 7.

Le Conseil constitutionnel a également précisé que l’article 7 de la Charte s’appliquait tant aux décisions ayant une incidence négative que celles ayant une incidence positive (Décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012, Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Finistère).

  • en second lieu, le juge constitutionnel examine les dispositions en vigueur pour déterminer si elles permettent une participation des citoyens suffisante au regard de l’exigence constitutionnelle.

C’est ainsi par exemple que le juge a sanctionné les dispositions prévoyant « que les projets de règles et prescriptions techniques applicables aux installations classées soumises à autorisation font l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques » dès lors qu’elles ne permettaient pas « la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques en cause » (Décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012, Association France Nature Environnement).

C’est suivant cette même logique que le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le
18 novembre 2016 sur les dispositions de l’article L. 541-22 du Code de l’environnement.

B/ La position du Conseil constitutionnel dans sa décision du  18 novembre 2016

En l’espèce, le 23 août 2016, le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation de la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article
L. 541-22 du Code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur avant l’ordonnance 2010-1579 du 17 décembre 2010 portant diverse dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des déchets. Cet article renvoyait (et renvoie toujours) à l’administration le soin de définir les conditions d’exercice de l’activité d’élimination de certaines catégories de déchets.

Après avoir confirmé que les décisions qui devaient être prises par l’administration sur le fondement de l’article L. 541-22 du Code de l’environnement, constituaient bien des décisions susceptibles de causer des nuisances à l’environnement, le juge se livre ensuite à une gymnastique intellectuelle le conduisant à reconnaître l’inconstitutionnalité des dispositions attaquées pour une période donnée seulement.

Il précise ainsi, d’abord, que l’inconstitutionnalité des dispositions ne pouvait être appréciée sur le fondement de l’article 7 de la Charte qu’à compter de l’entrée en vigueur de cette dernière, soit le 3 mars 2005.

Il constate ensuite que jusqu’à l’adoption de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite loi Grenelle II), aucune disposition légale ou réglementaire ne permettait au public de participer à l’élaboration des décisions en cause, de sorte que l’inconstitutionnalité des décisions s’en inférait.

En effet, pendant cette période certaines dispositions législatives prévoyaient une information du public « sur les effets de l’environnement et la santé publique des opérations de production et d’élimination des déchets » ainsi que « sur les mesures destinées à en prévenir ou à en compenser les effets préjudiciables » (article L. 541-1 dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 septembre 2000), sans toutefois porter sur les conditions d’exercice de l’activité d’élimination des déchets au sens de l’article
L. 541-22 du Code de l’environnement. Surtout les dispositions alors en vigueur n’imposaient qu’une information du public et non sa participation à l’élaboration des décisions.

Cette inconstitutionnalité disparait toutefois avec l’adoption de la loi Grenelle II qui a introduit les dispositions de l’article L. 120-1 dans le Code de l’environnement (aujourd’hui article L. 123-19-1 du Code de l’environnement) qui définit « les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable aux décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics ». Le Juge constitutionnel considère alors que ces dispositions qui « prévoient, selon le cas, soit une publication du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, soit une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes intéressées » suffisent à supprimer toute inconstitutionnalité de l’article L. 541-22 du Code de l’environnement.

En somme la décision du Juge est la suivante :

  • les dispositions de l’article L. 541-22 du Code de l’environnement n’étaient pas contraires à la Constitution avant le 3 mars 2005 ;
  • elles étaient en revanche inconstitutionnelles entre le 3 mars 2005 et le 12 juillet 2010 ;
  • l’inconstitutionnalité a disparu à compter de l’entrée en vigueur de l’article L. 120-1 du Code de l’environnement, dans sa version issue de la loi du 12 juillet 2010, soit le 14 juillet 2010.

Le Juge constitutionnel fait ici écho à une décision précédente à l’occasion de laquelle il avait déjà considéré que l’adoption de l’article L. 120-1 du Code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n°2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, avait fait cesser l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement, relatif à l’établissement de listes des cours d’eau. Il a en effet considéré que l’article L. 120-1 du Code de l’environnement permettait de répondre aux exigences de l’article 7 de la Charte dans la mesure où il prévoyait des mesures de mise à disposition et de participation du public « permettant la prise en considération des observations déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations » (Décision n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014, France Hydro Électricité).

Aux termes de cette décision, pourront dès lors être remises en cause les décisions de l’administration adoptée sur le fondement de l’article L. 541-22 du Code de l’environnement entre le 3 mars 2005 et le 14 juillet 2010.

Il convient dès à présent de citer quelques unes des décisions récentes rendues sur le fondement de l’article 7 de la Charte de l’environnement ces derniers mois.

II/ Les décisions récentes rendues par la juridiction administrative sur le fondement de l’article 7 de la Charte de l’environnement

Le Juge administratif rend régulièrement des décisions au visa de l’article 7 de la Charte de l’environnement, soit en faisant une simple application de la jurisprudence rendue par le Conseil constitutionnel, soit pour lui-même préciser la portée de l’article précité. Ces derniers mois ont été l’occasion pour la Juridiction administrative de préciser sa position sur l’application des dispositions de la Charte, invoquées à l’occasion de procédure d’adoption de décisions dans le domaine environnemental.

A/ L’application de la jurisprudence constitutionnelle par le Juge administratif

Ainsi, d’une part, le juge administratif s’appuie directement sur les principes dégagés par le Conseil constitutionnel pour fonder ses propres décisions.

Dans le domaine des déchets, par exemple, le juge a récemment considéré que « la circonstance que le plan d’élimination des déchets n’ait pas été soumis à l’enquête publique, alors que l’objet de celle-ci portait seulement sur l’institution de servitudes d’utilité publique, ne révèle pas une méconnaissance du droit à l’information du public consacré à l’article 7 de la charte de l’environnement lequel, ainsi que l’a interprété le Conseil constitutionnel, ne concerne que les décisions susceptibles d’avoir une incidence directe et significative sur l’environnement » (CAA Bordeaux, 15 novembre 2016, Association Châtillon développement durable , n° 14BX02602).

De la même manière, la Cour administrative d’appel de Paris a notamment rappelé, il y a quelques jours, la décision n°2014-395 QPC, précitée, qui érige le schéma régional éolien (SRE) en décision publique ayant une incidence sur l’environnement, pour affirmer que ce schéma constitue une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir (CAA Paris, 17 novembre 2016, Association Fédération environnement durable et autres, n°15PA00160).

B/ Les compléments apportés à la jurisprudence constitutionnelle par le juge administratif

Dans certaines hypothèses, si le Juge constitutionnel trace les grandes lignes de l’application du principe de participation des citoyens à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement, le Juge administratif adopte des décisions dont l’objet est également de préciser la portée de l’article 7 de la Charte.

C’est ainsi que, récemment, la Haute juridiction administrative a, à l’occasion du référé-suspension formé contre l’ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, indiqué que « les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement ne font nullement obstacle à ce que le Gouvernement intervienne dans les matières qu’elles régissent par voie d’ordonnance dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution » (CE, 22 juin 2016, Association ATTAC, n° 400704).

Le Juge a encore précisé, un mois plus tard, que le principe de participation du public qui découle de l’article 7 de la Charte environnementale n’implique pas « une exigence de « composition équilibrée » des organismes qui interviennent en matière de consultation sur des décisions portant sur l’environnement » (CE, 27 juillet 2016, Association générations futures et autres, n° 390071).

Plus encore, il arrive au Juge administratif de décider du caractère direct de certaines décisions, qui détermine l’applicabilité de l’article 7 de la Charte. Ainsi, dernièrement, une décision de la Cour administrative d’appel de Douai exclut l’application de l’article 7 à la procédure de délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d’origine agricole en considérant que « la délimitation des zones vulnérables n’est pas, par elle-même, susceptible d’avoir une incidence directe sur l’environnement ». On notera néanmoins que le juge ne fonde pas son analyse sur cette seule affirmation pour rejeter l’argument procédural des requérants, fondé sur l’article 7 de la Charte environnementale, mais également sur le fait qu’« aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur à la date de la signature de l’arrêté n’impose la participation du public à la délimitation des zones vulnérables à la pollution par les nitrates d’origine agricole » et encore « qu’au demeurant, une phase de concertation locale a eu lieu du 10 novembre au 2 décembre 2012, la mise en ligne du projet de délimitation de ces zones s’accompagnant d’une adresse électronique ouverte au public souhaitant formuler des observations sur le projet » (CAA Douai, 14 octobre 2016, FNSEA, n° 15DA01439).

Clémence DU ROSTU
Avocat à la cour

Publication d’une note relative à la stratégie d’organisation des compétences locales de l’eau

Une note conjointe des Ministres en charge de l’Environnement et des Collectivités territoriales en date du 7 novembre 2016 est venue apporter des précisions, à destination des services déconcentrés de l’Etat, quant au contenu et aux modalités d’élaboration des premières stratégies d’organisation des compétences locales de l’eau (SOCLE).

On rappellera que la SOCLE a vocation à être intégrée au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) lors de sa prochaine mise à jour prévue pour 2021 (article 1er de l’arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des SDAGE, tel que modifié par l’arrêté du 20 janvier 2016). Une première version doit néanmoins être établie au plus tard le 31 décembre 2017.

La SOCLE comprend notamment « un descriptif de la répartition entre les collectivités et leurs groupements des compétences dans le domaine de l’eau, ainsi que des propositions d’évolution des modalités de coopération entre collectivités sur les territoires à enjeux au vu d’une évaluation de la cohérence des périmètres et de l’exercice des compétences des groupements existants » (article 12 de l’arrêté du 17 mars 2006).

Ces objectifs s’inscrivent dans le contexte du transfert obligatoire des compétences eau, assainissement et gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GeMAPI) aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre entre 2018 et 2020. Ces transferts impliquent en effet nécessairement de revoir la question de la gestion de l’eau (petit et grand cycles) entre collectivités à l’échelle des nouvelles structures compétentes.

La note du 7 novembre 2016 apporte tout d’abord des éléments de calendrier puisqu’elle indique que le projet de SOCLE devra, dans la mesure du possible, être mis à la disposition des collectivités et groupements concernés dans la période comprise entre la mi-juin et la fin septembre 2017. Elle invite par ailleurs les services compétents à engager des processus de concertation en amont de l’élaboration du projet afin que celui-ci « traduise une vision partagée à l’échelle [du] bassin ».

Elle précise ensuite que la SOCLE se veut un document « pédagogique et synthétique ».

Pour faciliter le travail des services déconcentrés, une annexe liste les différentes compétences locales de l’eau, en précisant la ou les collectivités compétentes pour chacune d’entre elles, en ce compris les départements et régions (le bloc communal est ainsi par exemple compétent en matière de GeMAPI alors que le département l’est pour l’appui au développement des territoires ruraux), ainsi que leur contenu.

Il est en outre indiqué que, s’agissant de la première SOCLE, l’état des lieux n’a pas à être exhaustif mais doit permettre d’organiser les débats sur les propositions d’évolution des modalités de coopération entre collectivités sur les territoires à enjeux.

Ainsi, l’organisation des collectivités pour l’exercice des compétences GeMAPI, eau et assainissement est, selon les Ministres, prioritaire.

Enfin, la note indique que la SOCLE sera complétée de grands principes de structuration des collectivités, s’appuyant sur ceux édictés par l’arrêté du 20 janvier 2016, à savoir la cohérence hydrographique, le renforcement des solidarités financières et territoriales et la gestion durable des équipements structurants du territoire nécessaires à l’exercice des compétences des collectivités dans le domaine de l’eau, et la rationalisation du nombre de syndicats, par l’extension de certains périmètres, la fusion de syndicats ou la disparition des syndicats devenus obsolètes.