Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 14 mai 2020 portant orientations sur les conditions de sortie des offres transitoires de fourniture de gaz naturel et d’électricité mises en œuvre lors des réductions du périmètre des tarifs réglementés de vente intervenues en 2015 et 2016

Dans un contexte de fin des tarifs réglementés de vente (ci-après, les « TRV ») d’électricité et de gaz, en application de l’ordonnance n°  2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité (ci-après, « l’Ordonnance du 10 février 2016 »), la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, la « CRE ») a lancé en mars 2016 un appel d’offres portant sur la désignation des fournisseurs devant assurer la fourniture des sites n’ayant pas souscrit de contrats de fourniture au 1er juillet 2016, à l’expiration des offres transitoires qui ont suivi la fin des TRV d’électricité et de gaz naturel. La CRE a désigné les fournisseurs attributaires des lots le 4 mai 2016.   

A l’heure actuelle, ce sont environ 3 500 clients qui continuent de bénéficier des conditions contractuelles transitoires mises en place dans ce cadre et, parmi ceux-ci, 1 614 qui sont encore en offres dites « post offre transitoire », soit les offres proposées par les fournisseurs à l’issue de l’appel d’offres de 2016.    

Depuis lors, le nombre de clients éligibles aux TRV d’électricité et de gaz a encore été réduit par l’effet de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (ci-après, la « Loi énergie climat ») (voir notre Lettre d’actualité juridique Energie Environnement de décembre 2019).    

L’article 67 III de la Loi énergie climat impose par ailleurs aux fournisseurs d’électricité et de gaz naturel de communiquer aux clients concernés les nouvelles conditions contractuelles, définies après avis conforme de la CRE, et ce au plus tard le 1er  août  2020.   

La Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 14 mai 2020 portant orientations sur les conditions de sortie des offres transitoires de fourniture de gaz naturel et d’électricité mises en œuvre lors des réductions du périmètre des tarifs réglementés de vente intervenues en 2015 et 2016 vient ainsi donner des orientations quant au contenu de ces conditions contractuelles de fourniture d’électricité et de gaz naturel qui seront soumises à la CRE avant leur communication aux clients concernés.   

En particulier, afin que la concurrence puisse s’exercer librement, trois clauses doivent figurer dans les conditions contractuelles :   

  • le contrat ne doit pas avoir une durée excessive ;  
  • les modalités pour résilier le contrat ne doivent pas être contraignantes : le client doit avoir la possibilité de mettre un terme à un contrat à durée indéterminée à tout moment et sans pénalité ;  
  • les modalités d’évolution des conditions contractuelles doivent être précisées.   

La CRE recommande par ailleurs aux fournisseurs d’informer les consommateurs concernés de la disponibilité des offres de marché et de l’existence du comparateur d’offres que vise l’article L. 122-3 du Code de l’énergie, ainsi que des modalités de résiliation du contrat à l’initiative du client, deux mois avant chaque date de renouvellement tacite du contrat dans le cas des contrats à durée déterminée et au moins une fois par an, s’agissant des contrats à durée indéterminée.  

Enfin, la délibération de la CRE commentée précise que les fournisseurs de ces offres transitoires ont jusqu’au 15  juin 2020 pour transmettre à la CRE les conditions contractuelles définies, à charge pour cette autorité de rendre un avis conforme dans un délai d’un mois à compter de leur réception. 

Fourniture d’électricité : Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) et crise sanitaire

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 7 mai 2020 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant orientations sur les principes retenus pour le calcul du complément de prix 

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 26 mars 2020 portant communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d’électricité et de gaz naturel 

 

Depuis la libéralisation du marché de l’électricité, les fournisseurs alternatifs (Engie, Total, Eni…) peuvent acheter à l’avance et à prix fixe une certaine quantité d’électricité nucléaire produite par EDF, dans le cadre du mécanisme de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH). 

En vertu de ce mécanisme, EDF peut céder jusqu’à 100 TWh/an (et, si le gouvernement en décide par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, ainsi que l’y a autorisé le législateur [1], jusqu’à 150 TWh/an depuis le 1er janvier 2020) de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix fixe (pour l’heure) de 42 euros/MWh. Dans le cadre de ce dispositif, chaque fournisseur est lié à EDF par un accord-cadre dont le modèle est fixé par arrêté ministériel [2] . L’article 19 de cet accord-cadre désigne le tribunal de commerce de Paris comme l’unique juridiction compétente pour régler tout différend lié à son interprétation ou à son exécution. 

Si, depuis sa création, le mécanisme a fonctionné sans heurts, depuis quelques temps celui-ci est mis à rude épreuve.  

 

I – En fin d’année 2018 tout d’abord, il faut rappeler que le dispositif de l’ARENH a connu une situation inédite puisque pour la première fois, la demande des fournisseurs pour l’année 2019, a excédé le plafond légalement prévu. Cette situation a conduit au relèvement du plafond légal par la Loi Energie Climat précitée.  

 

Afin d‘anticiper une telle situation, la Commission de Régulation de l’énergie (CRE) a, dans une délibération du 7 mai dernier, ici commenté, défini les règles de répartition des volumes applicables en cas de dépassement du plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) pour le guichet à venir de mai 2020.  

Les principes et les règles demeurent inchangés par rapport à ceux définis à l’occasion du précédent guichet de novembre. La CRE a ainsi reconduit l’obligation générale pour les fournisseurs de communiquer la meilleure prévision de consommation de leur portefeuille de clients. 

De plus, la délibération indique que « Tout fournisseur ne demandant pas d’ARENH lors du guichet de mai 2020 pour livraison à compter du 1 er juillet 2020 conservera l’intégralité des quantités d’ARENH qu’il a obtenues au guichet de novembre 2019 ».   

L’écrêtement ne s’appliquera qu’aux nouvelles demandes d’ARENH formulées. Les fournisseurs ayant déjà formulé une demande au guichet de novembre 2019 sont ainsi incités à ne pas formuler de demandes au guichet de mai 2020. En outre, les filiales contrôlées par EDF seront écrêtées intégralement pour les seuls volumes conduisant à un dépassement du plafond.  

Enfin, en cas de demandes excessives, si la CRE a supprimé, dès le 26 mars, les compléments de prix CP2 (pénalité) en raison de la pandémie du COVID-19. Elle a en revanche indiqué, dans cette délibération du 7 mai 2020, qu’elle se réservait le droit d’écrêter intégralement les quantités qui seraient demandées en cas de dépassement du plafond, autrement dit de ne livrer aucun volume d’ARENH. 

 

II – Récemment, ensuite, c’est une autre situation inédite que le dispositif vient de connaître. En effet, la pandémie du COVID-19 qui survenue en mars dernier est venue bouleverser les comportements des consommateurs d’énergie. En particulier, le confinement sanitaire imposé depuis le 17 mars 2020 a provoqué la chute de l’activité économique, faisant ainsi baisser la production industrielle et donc la consommation d’énergie des entreprises.  

 

Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité a ainsi indiqué que les chiffres de consommation journalière d’électricité avaient révélé une forte baisse de la demande, de l’ordre de 15 % à 20 % en moyenne les deux premières semaines du confinement par rapport à un mois de mars « classique » [3].  

Cette baisse générale de la consommation d’électricité en France s’est alors accompagnée d’une forte baisse des prix de l’électricité sur les marchés de gros (le prix du produit base pour le 2ème trimestre de 2020 étant, fin mars 2020, de 21 euros par MWh). 

C’est donc l’équilibre du marché de l’énergie qui a été remis en cause par la pandémie du COVID-19. 

De ce fait, les fournisseurs d’énergie alternatifs se sont pour la plupart tous retrouvés dans la situation de devoir revendre les quantités d’électricité nécessaires à l’approvisionnement de leurs clients qu’ils avaient acheté à un prix convenu à l’avance.

Dans ce contexte, plusieurs fournisseurs ont demandé l’activation de la clause de force majeure prévue dans l’accord-cadre ARENH précité, ainsi rédigée :  

« 10. Force majeure 

La force majeure désigne un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l’exécution des obligations des Parties dans des conditions économiques raisonnables. 
La Partie souhaitant invoquer le bénéfice de la force majeure devra, dès connaissance de la survenance de l’événement de force majeure, informer l’autre Partie, la CDC [la Caisse des Dépôts] et la CRE, par lettre recommandée avec accusé de réception, de l’apparition de cet événement et, dans la mesure du possible, leur faire part d’une estimation, à titre indicatif, de l’étendue et de la durée probable de cet événement. 

La Partie souhaitant se prévaloir d’un événement de force majeure s’efforcera, dans des limites économiques raisonnables, de limiter les conséquences de l’événement de force majeure et devra, pendant toute la durée de cet événement, tenir régulièrement l’autre Partie informée de l’étendue et de la durée probable de cet événement. 

Les obligations des Parties sont suspendues pendant la durée de l’événement de Force majeure ». 

En actionnant cette clause, les fournisseurs ont souhaité suspendre l’exécution de leur contrat ARENH, mettre fin ensuite aux livraisons des volumes d’ARENH pendant la durée de la force majeure et enfin, s’approvisionner sur le marché à un prix beaucoup plus bas pour la totalité de leurs volumes.  

Toutefois, EDF a fait part à ces fournisseurs de son opposition au déclenchement de cette clause, considérant que les conditions prévues dans le contrat ARENH n’étaient pas réunies.  

De son côté, la CRE s’est bornée, dans une délibération du 26 mars 2020, à prendre acte du désaccord entre les parties sur l’invocation de la clause de force majeure des accords-cadres. 

Malgré tout, par cette délibération la CRE a refusé de transmettre à RTE l’évolution des volumes d’ARENH à livrer par EDF aux fournisseurs concernés liée à une demande d’activation de la clause de force majeure. Or, il s’agissait d’une étape indispensable pour que ces fournisseurs puissent suspendre toute ou partie de leurs obligations d’achat d’électricité nucléaire. 

C’est dans ce contexte que l’ANODE et l’AFIEG, représentants de fournisseurs alternatifs, ont déposé devant le Conseil d’Etat un recours en annulation à l’encontre de cette délibération de la CRE, ainsi qu’une requête en référé afin d’en faire suspendre l’application.  

Aux termes de l’ordonnance ici commentée, le juge des référés du Conseil d’Etat s’est prononcé le 17 avril 2020 – sans audience en raison de l’état d’urgence sanitaire – sur cette demande, en la rejetant pour défaut d’urgence. 

Tout d’abord, le juge des référés a estimé que l’interprétation des dispositions de l’article 10 de l’accord-cadre précité revenait au juge compétent, à savoir le Tribunal de commerce de Paris, qui avait d’ailleurs déjà été saisi par les associations requérantes. 

Au-delà de son incompétence pour trancher le litige sur la clause de force majeure, le juge des référés a ensuite estimé qu’il n’y avait pas d’urgence à suspendre la délibération attaquée dans la mesure où il n’était pas établi que les pertes subies par les fournisseurs auraient un tel effet dans le délai nécessaire au juge compétent pour statuer sur les demandes dont il a été saisi. En outre le juge a appelé les parties à négocier des « modalités dérogatoires de mise en œuvre des obligations des parties tenant compte des circonstances particulières liées à la crise sanitaire », observant que la CRE a, « dans sa délibération, invité EDF à prendre en compte la situation individuelle des fournisseurs, en particulier ceux qui sont de petite taille et en situation de fragilité ». 

Par cette motivation, le juge de référés du Conseil d’Etat semble considérer que les arbitrages économiques des fournisseurs ne peuvent uniquement dépendre de la conjoncture, même durement touchée par la crise du COVID 19, tout en invitant cependant EDF à entamer une négociation avec eux 

Au-delà de cette ordonnance, il est intéressant de relever que l’assimilation de la crise sanitaire actuelle à un cas de force majeure n’est pas systématique, si ce n’est évident, en particulier pour emporter des conséquences qui seraient évaluées à trop court terme. C’est sans doute l’équilibre général des contrats qu’il y a lieu d’observer.  

La messe n’est toutefois pas définitivement dite. 

Il y a quelques jours, le Tribunal de commerce de Paris a, en référé donné raison à Total Direct Energie en reconnaissant que la pandémie de COVID-19 constituait, selon lui, un cas de force majeure justifiant la suspension des livraisons d’électricité nucléaire vendue par EDF dans les contrats ARENH. EDF a annoncé souhaiter faire appel de cette décision dont les conséquences financières sont substantielles pour le producteur nucléaire. D’autres fournisseurs ont également engagé une procédure devant le tribunal de commerce de Paris, de sorte que d’autres décisions devraient prochainement intervenir. 

De ces combats, on retiendra que la question de l’ARENH n’a pas fini de faire couler de l’encre, aux confins des débats de l’accès à une électricité nucléaire historique à un prix garanti, de la compétitivité de ce prix régulé et de la libéralisation du marché de la fourniture d’électricité, sans oublier la défense des intérêts des consommateurs. Des débats avec en toile de fond la réforme (toujours d’actualité ?) du groupe EDF.

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre et Aurélie Cros

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[1] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

[2] Arrêté du 12 mars 2019 portant modification de l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité

[3] Source : RTE (2020), « L’impact de la crise sanitaire (Covid-19) sur le fonctionnement du système électrique », 8 avril 

Rétrogradation refusée : quelle procédure suivre ?

Dans un arrêt publié au bulletin en date du 25 mars 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation précise la procédure à suivre en cas de refus par le salarié d’une rétrogradation disciplinaire.  

Tout d’abord, rappelons que lorsque l’employeur envisage de sanctionner un salarié, il est tenu de le convoquer à un entretien préalable dès lors que la sanction envisagée a une incidence sur sa présence dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.  

Aussi, la Cour de cassation considère de manière constante que la modification du contrat de travail prononcée à titre de sanction disciplinaire à l’encontre d’un salarié (mutation, rétrogradation) ne peut lui être imposée (Cass. soc., 16 juin 1998, n° 95-45.033 P + B + R ; Cass. soc., 17 juin 2009, n° 07-44.570, FS – P + B).  

En cas de refus du salarié, l’employeur peut décider de prononcer une autre sanction appelée sanction de substitution (Cass. soc. 16 juin 1998 no 95-45.033 PBR  ; Cass. soc. 7 juillet 2004 no 02-44.476 FS-PB). 

Pour ce faire, l’employeur doit-il reconvoquer le salarié à un entretien préalable ?  

Telle était la question posée à la Cour de cassation à la suite de la contestation d’un salarié de sa mise à pied disciplinaire prononcée après son refus de subir une rétrogradation disciplinaire notifiée après entretien préalable. Selon le salarié la sanction de substitution devait être précédée d’un nouvel entretien préalable en application de l’article L 1332-2 du Code du travail.  

La Cour répond par la négative considérant que « lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l’employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu’un licenciement, n’est pas tenu de convoquer l’intéressé à un nouvel entretien préalable ».  

Dès lors deux situations doivent être distinguées lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail notifiée après un entretien préalable :  

  • si l’employeur envisage une sanction autre que le licenciement : aucun nouvel entretien préalable n’est nécessaire ;  
  • si l’employeur envisage un licenciement : il doit convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable. 

Deux décrets des 11 et 12 mai pour fixer les dispositions réglementaires « post-confinement »

Le 11 mai, a été publié un premier décret n° 2020-545 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, décrivant les règles de vie à mettre en œuvre « post-confinement ». 

Ce décret de « tuilage », qui n’avait vocation à demeurer en vigueur que les 11 et 12 mai, comportait un certain nombre de mesures, à l’exception de celles pourtant annoncées par le gouvernement, relatives au déplacement dans un rayon de 100 km et de la possibilité de demander aux usagers des transports publics de justifier de leur déplacement, qui devaient faire l’objet d’une habilitation législative. 

Ainsi, à la suite de l’adoption de ses dispositions est paru le décret n° 2020-548 reprenant les mesures du décret précédent et les complétant des précisions relatives aux deux mesures validées par la loi. 

Ce décret rappelle d’abord la nécessité de respecter « en tout lieu et en toute circonstance » les mesures d’hygiène et de distanciation physique (mesures barrières) et expose les modalités de découpage du territoire en zones « vertes » et « rouges » (articles 1 et 2). 

Sont adoptées, plus spécifiquement, des dispositions notamment relatives : 

  • A l’interdiction de tout déplacement de personne conduisant à la fois à sortir d’un périmètre défini par un rayon de 100 kilomètres de son lieu de résidence et à sortir du département dans lequel ce dernier est situé est interdit à l’exception des déplacements pour motifs impérieux, étant précisé que le préfet de département peut adopter des conditions plus restrictives à l’intérieur d’un département si les circonstances locales l’exigent (article 3) ; 
  • Au transport maritime, fluvial et aérien (articles 4 et 5) avec, à titre d’exemples : le port du masque obligatoire ou encore la possibilité de demander au passager une déclaration sur l’honneur attestant qu’il ne présente pas de symptôme d’infection au covid-19 ; 
  • Aux transports publics de voyageurs, pour lesquels, notamment, le port du masque est également rendu obligatoire ; est par ailleurs notamment précisée la possibilité pour le préfet de département ou, pour l’Ile-de-France, le préfet de la région Ile-de-France, de réserver, à certaines heures, eu égard aux conditions d’affluence constatées ou prévisibles, l’accès aux transports publics aux seules personnes effectuant d’un déplacement pour un motif impérieux (article 6) ; 
  • Aux rassemblements, réunions ou activités, qui posent le principe de l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes sous réserve de ceux « indispensables à la continuité de la vie de la Nation » qui peuvent être maintenues par le préfet de département en l’absence de circonstances locales s’y opposant (article 7 – l’on pensera par exemple aux opérations de don du sang) ; 
  • A l’interdiction des évènements de plus de 5.000 personnes sur le territoire française jusqu’au 31 août 2020 (article 8) ; 
  • A l’accès aux parcs, jardins et espaces verts, autorisé dans les seules zones « vertes » (article 9) ; 
  • A l’accès aux plages, plans d’eau et lacs, également interdits d’accès, sauf autorisation du préfet de département sur proposition du maire, dans la mesure où peuvent être respectées les règles relatives aux mesures barrières et aux rassemblements (article 9) ; 
  • Aux marchés couverts pour lesquels prévaut l’ouverture, sauf décision du préfet dès lors que la distanciation sociale ne peut y être respectée (article 9) ; 
  • Aux établissements recevant du public, pour lesquels est mise à jour la nomenclature des établissements autorisés à accueillir du public (article 10), avec une spécificité pour les examens et concours et la possibilité pour le préfet, sous réserve du respect des mesures barrières, d’autoriser l’ouverture de certains établissements dont les musées « dont la fréquentation habituelle est essentiellement locale et dont la réouverture n’est pas susceptible de provoquer des déplacements significatifs de population » ; sont également précisées les règles d’accueil des jeunes enfants et usagers des établissements d’éducation (articles 11 et 12) ; 
  • Au contrôle des prix du gel hydro alcoolique et des masques à usage unique (articles 16 et 17) ; 
  • Au pouvoir de réquisition du préfet de département notamment pour faire face à l’afflux de patients, garantir l’acheminement de produits de santé ou la bonne exécution des opérations funéraires (article 18) ; 
  • A la mise à disposition de médicaments (articles 19 à 24) ; 
  • A l’organisation des opérations funéraires (article 25) ; 
  • A la possibilité pour le préfet de prévoir un « reconfinement », lorsque l’évolution de la situation sanitaire le justifie (article 27). 

Audiences dans les Tribunaux parisiens : une reprise très progressive

Par le biais de deux ordonnances en date du 23 et 27 avril 2020, prises respectivement par le premier président de la Cour d’appel de Paris et par le président du Tribunal judiciaire de Paris, la reprise des audiences parisiennes a été fortement encadrée pour assurer la sécurité des auxiliaires de justice mais aussi des justiciables.  

 

1 – La reprise des audiences devant le Tribunal judiciaire de Paris 

 

Tous les dossiers de fond relevant des chambres civiles avec représentation obligatoire, des procédures écrites et du départage prud’homal, dont l’audience de plaidoirie est fixée entre le 16 mars et 24 juin 2020, seront traitées selon une procédure sans audience. Il est à noter que les avocats des parties ont disposé d’un délai de 15 jours pour s’opposer aux procédures sans audience, soit jusqu’au lundi 11 mai 2020. Si les parties ont exprimé leur accord, le dépôt des dossiers de plaidoirie ne fait l’objet d’aucun délai et la date de mise à disposition du jugement sera communiquée à réception de la totalité des parties. Il sera ainsi pertinent d’analyser la part des avocats ayant refusé, au nom de leur client, la procédure sans audience pour mesurer l’efficacité de cette mesure.  

 

2 – La reprise des audiences devant la Cour d’appel de Paris 

 

Devant la Cour d’appel de Paris, les dossiers avec ou sans représentation obligatoire, mais dans lesquels les parties sont représentées par un avocat, dont l’audience de plaidoirie est fixée entre le 16 mars et le 24 mai 2020, seront traités selon la procédure sans audience. Les dossiers sans représentation obligatoire dans lesquels les parties ne sont pas représentées par un avocat et dont les audiences sont fixées entre le 16 mars et le 24 mai 2020 sont renvoyés à partir du 28 septembre 2020. Comme les procédures sans audience menées par le Tribunal judiciaire de Paris, la tenue des procédures sans audience devant la Cour d’appel de Paris nécessite l’accord des parties qui devra être envoyé par tout moyen au président de la formation de jugement, à défaut de quoi le dossier sera renvoyé pour fixation : ainsi, la procédure sans audience ne pourra pas être mise en œuvre si au moins l’une des parties s’y oppose ou garde le silence.  

Concernant les dossiers dont les audiences de plaidoirie sont fixées à compter du 11 mai 2020, les avocats disposent d’un délai de 15 jours à compter de la réception de l’avis du président de la formation de jugement pour s’y opposer de manière expresse : dans ce cas, l’affaire sera renvoyée pour fixation. Si les avocats donnent leur accord, la date de mise à disposition de l’arrêt leur sera communiqué à réception de l’ensemble des dossiers de plaidoirie. En cas de silence des avocats, le dossier pourra être mis en délibéré sur la base de leurs dernières écritures au dossier.  

Néanmoins, si le délai de 15 jours n’expire pas avant la date de l’audience initialement fixée, les avocats peuvent donner leur accord exprès ou s’y opposer au plus tard à la date d’audience initialement fixée : en cas d’opposition, l’affaire sera renvoyée pour fixation. En cas de silence des avocats à la date de l’audience initialement prévue, le dossier sera renvoyé à une date postérieure à l’expiration du délai de 15 jours à compter de la réception de l’avis du Président de la formation de jugement. Si les avocats se maintiennent dans le silence jusqu’à l’expiration du délai de 15 jours suivant cet avis, le dossier sera susceptible d’être mis en délibéré sur la base des dernières écritures du dossier. 

Les modalités de la quarantaine et de l’isolement, validées avec réserve par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a considéré que les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement « constituent une privation de liberté » dès lors qu’elles prévoient une interdiction de toute sortie (§ 33). 

Cette privation de liberté est mise en balance avec « l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé », poursuivi dans le cas présent, puisque le but des mesures est « de prévenir la propagation de la maladie à l’origine de la catastrophe sanitaire » (§ 34). 

Il revient donc au législateur de veiller au bon équilibre entre la privation de liberté et la protection de la santé, en garantissant, notamment la parfaite proportionnalité des mesures. 

    

1 – Celles-ci sont garanties par le fait que les mesures ne peuvent être prononcées et mises en œuvre que dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 

Elles ne peuvent au surplus viser que les personnes ayant séjourné dans les zones de circulation de l’infection prédéfinies.  

Elles sont également prononcées par décision individuelle motivée du préfet sur proposition du DG de l’ARS. 

Les personnes concernées peuvent choisir le lieu pour effectuer leur quarantaine ou isolement. 

Il résulte de tout ce qui précède que « le législateur a fixé des conditions propres à assurer que ces mesures ne soient mises en œuvre que dans les cas où elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état des personnes affectées ou susceptibles d’être affectées par la maladie à l’origine de la catastrophe sanitaire » (§ 40).   

2 – Le Conseil a cependant introduit une réserve d’interprétation concernant le contrôle juridictionnel de ces mesures, considérant que l’intervention du juge judiciaire, circonscrite à celle du JLD qui peut contrôler la décision de poursuite de la quarantaine au-delà de quatorze jours sur saisine du préfet, est trop limitée.  

Partant, le juge constitutionnel a validé les nouvelles dispositions du cinquième alinéa du paragraphe II de l’article L. 3131-17 du Code de la santé publique, sous réserve que le prolongement de la quarantaine imposant à l’intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d’hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour ne peut intervenir sans l’autorisation du juge judiciaire. 

3 – C’est notamment parce qu’il n’est pas assorti d’un certain nombre de mesures rappelées ci-dessus, que le Conseil constitutionnel a sanctionné l’article 13 de la loi, qui proroge jusqu’au 1er juin le régime juridique actuel concernant les mises en quarantaine et le placement et maintien à l’isolement.  

Il considère notamment que ces dispositions, ne sont plus strictement proportionnées aux risques sanitaires et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Rappelons que le législateur n’avait assorti ces mesures d’aucune garanties relatives aux obligations pouvant être imposées aux personnes y étant soumises, à leur durée maximale et au contrôle de ces mesures par le juge judiciaire dans l’hypothèse où elles seraient privatives de liberté. 

Conditions sanitaires pour la réunion d’installation des conseils municipaux et des EPCI

L’avis du conseil scientifique sur la réunion d’installation des conseils municipaux et des EPCI mentionné par les dispositions de l’article 19, II, de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été transmis aux autorités nationales le 8 mai 2020 à 20H. Celui-ci indique les conditions sanitaires requises pour les conseils d’installation municipaux et les réunions des conseils communautaires, et ne concerne donc que la première réunion des conseils municipaux devant se tenir en présentiel en vue de l’élection des maires et des adjoints, ainsi que la première réunion des EPCI. 

Pour la réunion d’installation du conseil municipal élu au 1er tour au complet, qui se tient nécessairement en présentiel, le Conseil scientifique a identifié, pour ce qui le concerne, trois éléments du droit commun électoral susceptibles d’être adaptés : 

  • cette première réunion pourrait être organisée dans un autre lieu que la salle dédiée de la mairie si celle-ci est trop petite, par dérogation à l’article L. 2121-7 du Ccode général de collectivités territoriales (CGCT) ; 
  • pour limiter le nombre de personnes présentes au cours de la réunion, pourront être envisagés la possibilité du huis clos, la réévaluation du quorum nécessaire à la tenue d’une élection valable, l’extension de l’usage de la procuration et le temps de présence et de contact au cours de la réunion par une limitation de l’ordre du jour à la seule installation des Conseils municipaux ; 
  • le respect des règles sanitaires et des mesures barrières notamment lors du vote et du dépouillement. 

Pour la réunion d’installation de l’EPCI dont au moins une commune a été élue au 1er tour (quand bien même le droit applicable aux EPCI à fiscalité propre est celui du maintien en fonction du Président et des vice-présidents non réélus, de sorte qu’ils n’auraient pas à être réélus à cette occasion), les mêmes règles que celles qui seront prescrites pour les conseils municipaux devraient selon le conseil scientifique être transposées.  

Il a été tenu compte pour partie de ces recommandations dans une ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 visant à adapter le fonctionnement des institutions locales et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire dans le cadre de l’épidémie de covid-19 ; les dispositions à venir sur l’entrée en fonction des conseillers élus et leur installation pourraient prendre en compte d’autres de ces adaptations. 

Conformément aux dispositions du III de l’article 19 de la loi précitée, les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, « aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité de scientifiques. » Cet avis scientifique permet donc au Gouvernement de prendre, dès la mi-mai, le décret requis pour l’installation des conseils municipaux ; avant examen du sujet en conseil des ministres le 13 mai le 1er ministre a annoncé à l’occasion de la séance de questions au gouvernement de l’Assemblée nationale que le décret, qui serait publié le 15 mai, prévoira une entrée en fonction au 18 mai prochain. 

Pour rappel, selon les dispositions de l’article 19 de la loi précitée : 

  • « La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction » (article 19, III), soit une première réunion qui interviendrait entre le 23 et le 28 mai prochain ; 
  • pour les EPCI à fiscalité propre dont toutes les communes membres ont été élues au 1er tour (ce qui concernerait 153 intercommunalités[1]), « l’organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III » (article 19, VI). 

Pour les autres EPCI à fiscalité propre (et les EPT de la métropole du Grand Paris), c’est une période intermédiaire pendant laquelle siégera un conseil communautaire (ou de territoire) hybride (avec des  conseillers  élus  en  mars  2014  et  d’autres  en  mars 2020) qui s’ouvrira à compter du 18 mai, et ce jusqu’à « la première réunion de l’organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires, qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour » : la remise de l’avis scientifique est donc, à l’égard de ces derniers, significatif de la constitution prochaine d’un conseil hybride où siégeront les conseillers élus en 2020 entrés en fonction et ceux élus en 2014 et dont le mandat est maintenu jusqu’à la proclamation des résultats du second tour des élections, situation tout à fait inédite et qui soulève nombre de questions dans sa mise en œuvre. 

Dans les autres structures de coopération, en particulier les syndicats de communes et les syndicats mixtes, les représentants des communes et des EPCI élus au premier tour pourraient le cas échéant être désignés à l’occasion de cette séance d’installation. Cette entrée en fonction est susceptible d’entraîner des complexités dans l’organisation du syndicat, tant au regard de la composition du comité syndical que de son exécutif. Si l’article 19, X de loi précitée prévoit un maintien en fonction des membres des comités syndicaux jusqu’à la désignation de leurs remplaçants par l’organe délibérant des membres du syndicat, la question qui se pose est celle du moment où cette nouvelle désignation peut et doit avoir lieu : post second tour pour tout le monde ou impérativement post entrée en fonction des élus du premier tour ? Cette seconde hypothèse et les difficultés d’organisation qu’elle induit (en particulier en cas de perte de mandat de l’exécutif), pourraient être contournées pour partie si le deuxième tour avait bien lieu avant fin juin, compte tenu de la courte période d’applicabilité de ces règles ; mais elle serait plus problématique si le deuxième tour devait survenir dans plusieurs mois, étendant d’autant la période intermédiaire où siégeront des organes délibérants « hybrides ».  

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[1]http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/lois/MI_Covid19/Mission_suivi_urgence_Covid-19_Deuxieme_rapport_etape.pdf page 111 

ESSMS et responsabilité : la question de la valeur des « consignes », « recommandations » et autres « directives » émises par les autorités à destination des ESSMS à l’occasion de la crise sanitaire

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, les organismes gestionnaires d’ESSMS et les établissements eux-mêmes lorsqu’ils sont dotés de la personnalité morale ont vu se multiplier quantité de textes émanant de diverses autorités administratives (Ministère du Travail pour le secteur sanitaire et social, Ministère des Solidarités et de la Santé, ARS, ARS locales, Préfectures, Collectivités locales…).  

Ces textes prennent des formes diverses : « consignes », « recommandations », « lignes directrices », « guides », « informations », « fiches » ou encore « foires aux questions » (FAQ). On citera par exemples les FAQ « Consignes applicables dans les ESSMS PA/PH  – Gestion et Ressources Humaines » du 15 avril 2020 ou ses « lignes directrices relatives à l’organisation générale de l’offre de soins après déconfinement » du 6 mai 2020. 

A leur lecture, ces textes semblent plus avoir pour objet de guider, orienter, recommander les organismes gestionnaires et les établissements, que de leur imposer des directives de manière impérative. Ce sont d’ailleurs des textes rédigés par les services internes des administrations, non habilités à disposer d’un pouvoir normatif. Certains énoncent des indications qui peuvent varier d’une région à une autre. D’autres précisent expressément qu’il s’agit de recommandations qui ont été faites dans « l’état actuel des connaissances » et des « ressources disponibles » et qu’ils seront « susceptibles d’évoluer ». 

L‘enjeu, aujourd’hui, pour les ESSMS est de savoir quelle valeur et quel poids donner à ces textes dans leur organisation quotidienne mais aussi à l’égard d’une éventuelle mise en jeu de leur responsabilité.  

Face ce questionnement, il est possible d’isoler les circulaires et les directives. Si par principe, elles ne sont pas des actes règlementaires et contraignants, le juge administratif a pu considérer qu’une circulaire présentant un caractère impératif et général, et non pas seulement interprétatif, revêtait un caractère réglementaire. De même, les « directives » émanant des autorités peuvent revêtir un caractère règlementaire lorsqu’elles contiennent des dispositions impératives, ce qui n’est pas le cas lorsque la directive ne fait qu’énoncer des orientations.  

S’agissant des textes émis depuis le début de la crise, il faut donc se demander s’ils revêtent de telles caractéristiques et sont dès lors des actes règlementaires contraignants et impératifs et, dans la négative, comment ils doivent être suivis par les organismes gestionnaires et/ou établissement (avec quelle souplesse et quelle marge de manœuvre possibles). 

En l’absence de réponse claire à cette question, il convient dans l’immédiat de se reporter aux décisions rendues par les juridictions administratives et judiciaires des référés depuis le début de la crise. Pour l’heure, ces juridictions n’ont certes pas été amenées à se positionner sur ces questions, toutefois leur analyse permet d’appréhender le travail d’appréciation des juges et de voir comment, à l’occasion de ce travail d’appréciation, ils ont été amenés à tenir compte de ces textes. Dans un second temps, il faudra tenir compte de la position retenue par les juges du fond et aussi du Conseil d’état s’il est saisi de la question normative de ces textes qui, depuis le début de la crise, ont certes accompagné les organismes gestionnaires et les établissements mais ont aussi souvent été source de confusion et de pression.    

Soutien à l’économie dans le contexte de la pandémie de coronavirus : la Commission étend l’encadrement temporaire des aides d’Etat

Communication de la Commission (2020/C 112 I/01) Modification de l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 

Communication de la Commission (2020/C 164/03) Modification de l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19   

 

Sur le plan européen, de nombreuses mesures ont été prises pour faciliter l’intervention des Etats membres en soutien aux entreprises frappées par la crise sanitaire. 

Dès le 13 mars, la Commission soulignait dans un communiqué de presse que les Etats membres pouvaient concevoir de larges mesures de soutien conformes aux règles en vigueur en matière d’aides d’État, notamment sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, point b) du TFUE qui dispose que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ».  

Un encadrement temporaire spécifique a été adopté dans la foulée, le 19 mars 2020, pour permettre aux Etats membres de soutenir l’économie dans le contexte de la pandémie de coronavirus.   

Cet encadrement temporaire, fondé sur l’article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE reconnaît que l’ensemble de l’économie de l’UE est confronté à une perturbation grave, et prévoit cinq types d’aides qui peuvent, sous conditions, être jugés compatibles avec le marché intérieur par la Commission : 

  • les aides sous forme de subventions directes, d’avances remboursables ou d’avantages fiscaux, d’un montant maximum de 800 000 euros par entreprises ; 
  • les aides sous forme de garanties sur les prêts ; 
  • les aides sous forme de taux d’intérêts bonifiés pour les prêts publics ; 
  • les aides sous forme de garanties publiques et de taux d’intérêt réduits fournies aux entreprises par l’intermédiaire d’établissements de crédit ou d’autres établissements financiers ; 
  • les aides sous forme d’assurance-crédit à l’exportation court terme. 

Cet encadrement temporaire a depuis déjà fait l’objet de deux modifications, le 3 avril, puis le 8 mai dernier, afin de permettre un soutien plus large encore. 

La première modification du 3 avril 2020 a notamment eu pour objet d’autoriser des aides permettant d’accélérer la recherche portant sur les produits liés à la COVID-19 ainsi que les essais et la production de ces produits, de protéger l’emploi et de continuer à soutenir l’économie pendant la crise actuelle. 

La deuxième modification du 8 mai dernier, publiée au JO le 13 mai, complète le dispositif en fixant les critères sur la base desquels la Commission juge compatible les mesures de recapitalisation prises par les Etats membres ; mesures qui peuvent s’appuyer sur deux types d’instruments de recapitalisation distincts : les instruments de fonds propres et les instruments hybrides. 

Au niveau national, plusieurs régimes d’aides couverts par cet encadrement ont pu être jugés compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, alinéa b du TFUE.  

Si le droit européen s’est quelque peu ouvert, le droit national, en revanche, apparaît en l’état mal adapté aux exigences que la crise sanitaire implique : les règles de répartition des compétences fixées par le Code général des collectivités territoriales n’ont à ce jour pas été assouplies, ce qui limite grandement les possibilités d’intervention des collectivités territoriales autres que les régions. Le sujet est toutefois sensible. Tout récemment encore, le gouvernement aurait apparemment souhaité rappeler que les départements ne pouvaient pas mettre en place des aides économiques directes, véhiculant un message est entendu : il appartient aux régions de répondre avec l’Etat à la crise économique et aux départements de répondre à la crise sociale. Mais le sujet se pose pourtant avec une acuité toute particulière, notamment pour les communes et groupements de communes qui sont sans doute, dans cette situation inédite, les mieux placées pour efficacement et rapidement soutenir l’économie de proximité (aides aux petits commerces…). Une ouverture sur ce terrain serait la bienvenue. 

Covid 19 et commande publique : dispense d’avis de la commission d’appel d’offres pour conclure les avenants aux marchés publics et conventions de délégation de service public

Aux termes des articles L. 1411-6 et L. 1414-4 du Code général des collectivités territoriales, les projets d’avenants aux conventions de délégation de service public et aux marchés publics entraînant une augmentation du montant global de ces contrats supérieure à 5 % doivent respectivement faire l’objet d’un avis préalable de la commission de délégation des services publics mentionnée à l’article L. 1411-5 du même Code et de la commission d’appel d’offres avant d’être conclus. 

En réponse à l’épidémie de covid-19 et aux difficultés que cette épidémie pouvait entraîner quant à la réunion de ces commissions et au respect des obligations précitées, le gouvernement a décidé de supprimer l’obligation de recueillir un tel avis pendant la durée de l’urgence sanitaire (augmentée d’une durée de deux mois). 

En effet, l’article 20 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 a créé un nouvel article 6-1 au sein de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 (ci-après, l’ « Ordonnance du 25 mars 2020 ». 

Et cet article dispose qu’« aux termes de cet article et par dérogation aux articles L. 1411-6 et L. 1414-4 du Code général des collectivités territoriales, les projets d’avenants aux conventions de délégation de service public et aux marchés publics entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % sont dispensés, respectivement, de l’avis préalable de la commission mentionnée à l’article L. 1411-5 du même Code et de celui de la commission d’appel d’offres ». 

Les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 s’appliquent, aux termes de son article 1, aux contrats soumis au Code de la commande publique ainsi qu’aux contrats publics qui n’en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, augmentée d’une durée de deux mois. Et l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions a prorogé l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisée jusqu’au 10 juillet 2020. 

En l’état actuel de la législation, et sous toute réserve de son évolution ultérieure, les projets d’avenants aux conventions de délégation de service public et aux marchés publics entraînant une augmentation du montant global de ces contrats supérieure à 5 % peuvent être conclus, avant le 10 septembre 2020, sans qu’il soit obligatoire de recueillir l’avis préalable de la commission de délégation des services publics mentionnée à l’article L. 1411-5 du même Code et de la commission d’appel d’offres.  

La gestion de la vacance dans les communes et les groupements de collectivités territoriales

Ordonnance n° 2020-413 du 8 avril 2020 visant à assurer la continuité de l’exercice des fonctions exécutives locales durant l’état d’urgence sanitaire  

Les dispositions du IX. de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit que, par dérogation aux règles de droit commun, les vacances constatées au sein du conseil municipal ne donnent pas lieu à élection partielle : 

  • Jusqu’à la tenue du second tour dans les communes pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet au premier tour ; 
  • Jusqu’à la date qui sera fixée par décret dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet au premier tour. 

  

Dans une note de la DGCL relative aux modalités de remplacement des membres des organes délibérants et des exécutifs des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre pendant l’état d’urgence sanitaire du 8 avril 2020, il est précisé les modalités d’application de ces règles au sein des communes de plus ou moins 1 000 habitants.   

  • Dans les communes de moins de 1 000 habitants : le siège reste vacant sans qu’il soit nécessaire de le pourvoir. Si la vacance conduit à la perte d’un tiers ou plus de l’effectif du conseil municipal, à ce qu’il y ait moins de 5 membres au conseil, ou à la nécessité d’élire le maire ou des adjoints (par exemple à la suite à la démission du maire de son mandat de conseiller municipal), aucune élection partielle ne sera organisée (dérogation à l’article L. 258 du Code électoral).    
  • Dans les communes de 1 000 habitants et plus : Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal de la même liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. Le remplaçant n’a pas obligation d’être du même sexe que celui de la personne dont le siège est devenu vacant. Lorsqu’il n’est plus possible de faire appel au suivant de liste, le siège reste vacant. Aucune élection partielle ne sera organisée (dérogation à l’article L. 270 du code électoral). 

  

  

L’ordonnance n° 2020-413 du 8 avril 2020 visant à assurer la continuité de l’exercice des fonctions exécutives locales durant l’état d’urgence sanitaire modifiée par l’ordonnance n°2020-562 du 13 mai 2020 visant à adapter le fonctionnement des institutions locales et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire dans le cadre de l’épidémie de covid-19 précise la gestion de la vacance au sein des conseils municipaux et les groupements de collectivités territoriales (soit les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes dits fermés et ouvertes « restreints », mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-8 du CGCT) ainsi qu’au sein des départements, des régions et des collectivités territoriales à statut particulier. 

 S’agissant de la vacance de l’exécutif des communes, pour quelque cause que ce soit, à compter du 15 mars 2020 et jusqu’à l’élection des maires à la suite du premier ou du second tour du renouvellement général des conseils municipaux ou, le cas échéant, jusqu’à la date d’entrée en fonction des maires déjà élus à la suite du premier tour, les fonctions de maire sont provisoirement exercées par un adjoint au maire dans l’ordre du tableau ou des nominations ou, à défaut, par un membre de l’organe délibérant désigné par celui-ci (article 1, I de l’ordonnance ). 

On précisera que, dans les communes dont le conseil municipal a été élu au complet lors du premier tour organisé le 15 mars 2020, le conseil municipal procède à l’élection du maire et des adjoints lors de sa première réunion organisée, et dont la date sera fixée par décret, même si des vacances se produisent après ce premier tour au sein du conseil municipal nouvellement élu. 

Ces dispositions sont applicables à la Ville de Paris, aux communes de la Nouvelle-Calédonie et aux communes de la Polynésie française.   

S’agissant des cas de vacance dans les groupements de collectivités territoriales, ce sont les règles applicables aux départements, aux régions, aux collectivités territoriales de Corse, de Guyane et de Martinique (et non pas à celles applicables aux communes) auxquelles il est renvoyé. Ainsi, il est indiqué qu’en cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, à compter du 15 mars 2020 et jusqu’à la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus au premier tour, fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 (dont la sortie est prévue le 15 mai 2020 avec effectivité au 18 mai), les fonctions de Président sont provisoirement exercées par un vice-président dans l’ordre des nominations ou, à défaut, par un membre de l’organe délibérant désigné par celui-ci (article 2 V de l’ordonnance).   

Dans la note citée ci-dessus, il est précisé, concernant les EPCI à fiscalité propre, que : 

  • Dans les communes de moins de 1 000 habitants : en cas de cessation d’un mandat de conseiller communautaire, il est remplacé par le premier membre du conseil municipal n’exerçant pas déjà lui-même les fonctions de conseiller communautaire, pris dans l’ordre du tableau à la date de la vacance (L. 273-12 du Code électoral).  

  • Dans les communes de 1 000 habitants et plus : Lorsqu’un siège de conseiller communautaire devient vacant pour quelque cause que ce soit, il est pourvu par le candidat de même sexe, élu conseiller municipal, suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le candidat à remplacer a été élu (L. 273-10 du Code électoral).  

 

Toutefois, lorsque la commune ne dispose que d’un siège de conseiller communautaire, ce siège est pourvu par le candidat supplémentaire mentionné au 1° du I de l’article L. 273-9 du Code électoral, c’est-à-dire par le second candidat sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire.  

Lorsqu’il n’y a plus de candidat élu conseiller municipal sur la liste des candidats aux sièges de conseillers communautaires, il est fait appel au premier conseiller municipal élu de même sexe sur la liste des conseillers municipaux non conseiller communautaire.  

Toutefois, lorsque la commune ne dispose que d’un siège de conseiller communautaire, le siège est pourvu par le premier conseiller municipal élu sur la liste correspondante des candidats aux sièges de conseiller municipal n’exerçant pas de mandat de conseiller communautaire.  

En cas d’impossibilité de pourvoir à la vacance, faute de conseiller municipal remplissant les conditions précitées, le poste reste vacant jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal.  

Enfin, ce même article prévoit, par renvoi aux dispositions applicables aux départements et aux régions, que, dans les groupements de collectivités à l’exception des EPCI à fiscalité propre, le Président ou l’élu exerçant provisoirement les fonctions de président convoque celui-ci afin de procéder aux « élections nécessaires » dans le délai d’un mois suivant la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus au premier tour, fixée par décret, étant précisé que la convocation est adressée cinq jours francs au moins avant la réunion. 

Responsabilité décennale et nuisances sonores

Cette décision revient sur l’appréciation de la nature décennale de désordres affectant un ouvrage et consistant en des nuisances sonores. 

Rappelons que la notion d’impropriété à destination d’un ouvrage, de nature à engager la responsabilité des constructeurs, n’est pas limitée aux cas où l’ouvrage est inutilisable mais comprend également les cas où il ne peut pas être utilisé dans des conditions normales.  

En outre, cette impropriété s’apprécie par référence à la destination de l’ouvrage, telle qu’elle a été convenue entre les parties (salle de spectacle par exemple). Il est donc nécessaire de tenir compte de l’utilisation normale attendue de l’ouvrage, lequel peut par nature être créateur de bruit.    

Ainsi, la jurisprudence a déjà pu retenir une impropriété à destination d’une salle des fêtes en raison des nuisances causées aux riverains du fait d’un défaut de conception et d’exécution des travaux empêchant le fonctionnement normal de l’ouvrage (CE, 9 mai 2012, n°346757). En effet, les conséquences négatives excédaient ce que les parties pouvaient raisonnablement prévoir et attendre au regard de l’objet du contrat.   

Dans notre espèce, les nuisances sonores concernaient tant les utilisateurs du pôle musical que les riverains de l’ouvrage, et le maître d’ouvrage soutenait notamment que les objectifs acoustiques des travaux devaient permettre l’utilisation de plusieurs salles de musique de manière concomitante.  

La Cour écarte pourtant la nature décennale des désordres en raison du caractère localisé et de la faible ampleur des nuisances affectant les utilisateurs :   

« Selon cet expert,  » l’impossibilité d’utiliser les salles comme le maître de l’ouvrage l’espérait est partielle dans le temps et dans l’espace dans la mesure où seules les deux salles situées contre le mur mitoyen sont affectées uniquement lors des répétitions de l’orchestre local pour l’une et lors des répétitions de musique amplifiée pour l’autre « , ayant lieu deux ou trois soirs par semaine, sans toutefois remettre en cause l’utilisation normale des autres salles de musique du pôle musical, consacrées, conformément au programme du maître d’ouvrage ».  

Enfin, s’agissant des nuisances aux riverains, la Cour écarte également la responsabilité décennale du groupement de maîtrise d’œuvre, considérant que les salles de répétition peuvent être utilisées conformément à leur destination, « à condition d’utiliser un appareil permettant de limiter le niveau sonore des répétitions », et qu’il n’est pas démontré que les nuisances sonores excèdent les prescriptions applicables au type d’ouvrage en cause.  

Garantie décennale du constructeur et clause d’exclusion réputée non écrite

L’article 1792-5 du Code civil dispose que :   

« Toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 17921792-1 et 1792-2, soit d’exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d’en limiter la portée, soit d’écarter ou de limiter la solidarité prévue à l’article 1792-4, est réputée non écrite » 

Par un arrêt rendu le 19 mars 2020, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que le jeu de la liberté contractuelle des parties a ses limites en matière de responsabilité décennale des constructeurs.  

En l’espèce et d’un point de vue factuel, des propriétaires ont vendu leur maison d’habitation à des acquéreurs. 

Aux termes de l’acte notarié, il était stipulé que le bien était raccordé à un système d’assainissement individuel en bon état de fonctionnement et que l’acquéreur prenait acte de cette situation et en faisait son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque.   

Postérieurement à la vente, les acquéreurs ont constaté des dysfonctionnements du réseau d’assainissement et ont, après expertise, assigné en indemnisation l’entreprise ayant réalisé les travaux d’assainissement sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil. 

Le constructeur s’est prévalu de la clause d’exclusion insérée au sein de l’acte de vente auquel il n’était pourtant pas partie. 

Aux termes d’un arrêt rendu le 7 juin 2018, la Cour d’appel d’Amiens a déclaré irrecevables les demandes formulées par les acquéreurs en considérant que le litige portait sur le système d’assainissement installé par les vendeurs et qu’il résultait de l’acte de vente conclu que les acquéreurs avaient renoncé à tout recours contre quiconque de la part des acquéreurs concernant le raccordement au réseau d’assainissement. 

La Cour de cassation censure cet arrêt au visa de l’article 1792-5 du Code civil et en ces termes : 

« []En statuant ainsi, alors que la clause dont elle a fait application avait pour effet d’exclure la garantie décennale des constructeurs et devait, par suite, être réputée non écrite, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Cet attendu est sans ambiguïté : la responsabilité décennale du constructeur ne peut être exclue par une quelconque clause contractuelle.  

À noter que cette décision est bien évidemment transposable aux juridictions administratives dans la mesure où, pour mémoire, la garantie décennale est une garantie légale d’ordre public.  

Covid 19 – Neutralisation des effets de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire sur la reprise des délais en matière d’autorisations d’urbanisme

L’ordonnance du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction pendant la période d’urgence sanitaire, modifie le titre II bis de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, afin de fixer une date ferme de reprise des délais en matière d’urbanisme, indépendante de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

L’ordonnance du 25 mars 2020, telle que modifiée par l’ordonnance du 15 avril 2020, prévoyait en effet, en matière d’urbanisme, une reprise des délais « à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ».  

Il est désormais prévu que les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, les délais applicables aux recours exercés à l’encontre de ces autorisations, ainsi que les délais relatifs à l’exercice du droit de préemption reprennent à compter du 24 mai 2020, ce qui permet de neutraliser les effets de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020.  

L’ordonnance précise par ailleurs que les dispositions de l’article 12 bis, relatives aux délais de recours en matière d’urbanisme, s’appliquent également aux recours formés à l’encontre des agréments prévus à l’article L. 510-1 du Code de l’urbanisme lorsqu’ils portent sur un projet soumis à autorisation d’urbanisme ainsi qu’aux recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial dans les conditions prévues au I de l’article L. 752-17 du Code de commerce.  

Le champ d’application des règles de computation des délais prévues à l’article 12 ter pour les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme est également étendu, ces dispositions s’appliquant désormais aux délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction, ainsi qu’aux délais dans lesquels une décision de non-opposition à déclaration préalable ou une autorisation d’urbanisme peut être retirée.  

Ce mécanisme de neutralisation des effets de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire sur la reprise des délais pourrait être généralisé à l’ensemble des délais de recours et de procédure ayant fait l’objet d’une suspension ou d’une prorogation par les ordonnances du 25 mars 2020. Le compte rendu du Conseil des ministres du 7 mai 2020 relevait ainsi qu’« une ordonnance plus générale prévoyant les modalités selon lesquelles les autres délais de recours et procédures reprendront leur cours sera présentée en conseil des ministres la semaine prochaine ». 

  

  

Il faut noter, enfin, que les délais relatifs aux décisions, accords ou avis délivrés en vue de la construction, de l’installation, de l’aménagement et des travaux concernant les infrastructures de communications électroniques, sont soumis à un régime distinct. Un décret du 7 mai 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 prévoit ainsi que ces délais reprennent leur cours à la date d’entrée en vigueur du présent décret, soit le 9 mai 2020.  

Covid et délai de cd-isation

Aujourd’hui, les agents contractuels bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée représentent 10% des effectifs de la fonction publique, soit la moitié du contingent total des agents contractuels[1]

Ce chiffre, de prime abord surprenant, ne l’est pas tant que ça en réalité : d’une part si la fonction publique territoriale a attendu 2012 pour pouvoir recruter en contrat à durée indéterminée, la fonction publique de l’Etat et la fonction publique hospitalière y avaient recours depuis plusieurs années, et d’autre part la proportion de contractuels augmentant, il est logique que celle des contrats à durée indéterminée suive une courbe analogue. 

Or, le mode principal d’acquisition d’un contrat à durée indéterminée – tout du moins pour la fonction publique territoriale – est l’ancienneté, à savoir le temps qui passe : dès que l’agent a bénéficié de plusieurs contrats aboutissant à dépasser une durée de six ans, le recrutement suivant devra se faire sous contrat à durée indéterminée. 

Les conditions à cet égard sont simples : l’agent doit compter six ans continus de services effectifs sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique, la seule interruption permise entre deux contrats étant celle d’une durée inférieure à quatre mois. 

L’état d’urgence sanitaire, et le confinement, a naturellement entraîné le gel des recrutements, des prises de fonctions etc., et par voie de conséquence, le délai entre deux contrats s’en trouve nécessairement impacté, ce qui aurait pu avoir pour effet de faire perdre à de nombreux contractuels le droit à un contrat à durée indéterminée. 

C’est pourquoi le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, actuellement soumis au vote de l’Assemblée nationale, comporte une disposition permettant au Gouvernement d’adopter par ordonnance une mesure pour que la période d’interruption entre deux contrats pendant l’état d’urgence sanitaire ne soit “pas comptabilisée dans le calcul de la durée maximale d’interruption permise entre deux contrats”. 

L’attention des services RH est dès lors attirée, lorsqu’ils devront analyser le droit des contractuels à bénéficier d’un contrat à durée indéterminée, sur la nécessaire neutralisation de la période de l’état d’urgence sanitaire. 
 

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[1] Rapport DGAFP 2019 : https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/rapports_annuels/2019/Rapport_annuel_FP-2019.pdf 

Le Conseil d’Etat dresse le bilan du contentieux de la commande publique pour l’année 2019

Le 27 avril 2020, la section du rapport et des études (SRE) du Conseil d’Etat a publié le rapport de l’activité consultative et contentieuse de la juridiction administrative pour l’année 2019. 

Il ressort de ce rapport une forte augmentation du nombre de nouvelles affaires enregistrées par les juridictions par rapport à l’année précédente (+ 4,61 %). Il convient également de relever, pour ce qui concerne les Tribunaux administratifs et les Cours administratives d’appel, une légère augmentation de la part du contentieux de la commande publique au sein de l’ensemble du contentieux administratif. 

Dans le détail, les Tribunaux administratifs ont enregistré 231.280 affaires nouvelles (+ 8,6 % par rapport à 2018), ce qui est un record. Le contentieux des marchés et contrats, qui représente 2% du total des entrées, a quant à lui augmenté de 2 %.  

Dans les cours administratives d’appel, le nombre de nouvelles affaires a augmenté de 5,7 %, pour atteindre 35.684 affaires nouvelles, ce qui représente également un chiffre record. En ce qui concerne le contentieux de la commande publique, il représente 3 % des entrées et diminue de 5 % par rapport à l’année précédente. 

S’agissant du Conseil d’Etat, la section du contentieux a enregistré 10.216 nouvelles affaires (+ 7 % par rapport à 2018). On notera que les principales matières sur lesquels portent les pourvois en cassation contre les décisions des Tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont le contentieux fiscal (22,3 % des pourvois en cassation), le contentieux de l’urbanisme (15 %) et le contentieux de la fonction publique (13 %). Si, le rapport ne précise pas la part que représente le contentieux de la commande publique au sein des pourvois en cassation contre les décisions des Tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, il précise que ce type de contentieux représente 8,2 % des pourvois dirigés contre des ordonnances de référé rendues par les Tribunaux administratifs. 

Notons qu’en parallèle de cette augmentation du nombre d’affaires nouvelles, le nombre d’affaires réglées a lui aussi augmenté, mais dans une proportion inférieure, ce qui aboutit à un accroissement notable du nombre d’affaires en stock par rapport à 2018 (+ 4,6 % pour les Tribunaux administratifs, + 4,9 % pour les cours administratives et + 1,29 % pour le Conseil d’Etat).  

En outre, il ressort de ce rapport que le délai prévisible moyen de jugement diminue légèrement par rapport à l’année précédente pour les Tribunaux administratifs (9 mois et 10 jours, soit – 2 jours) et le Conseil d’Etat (6 mois et 5 jours, soit – 12 jours) ; en revanche, il augmente légèrement pour les cours administratives d’appel (10 mois et 25 jours, soit + 2 jours). 

Enfin, il convient de mentionner les trois jugements et arrêts rendus en matière de marchés et de contrats administratifs en 2019 que le Conseil d’Etat a distingués comme « marquants » :  

  • L’arrêt CAA de Nancy, 12 décembre 2019, M. C., req. n° 17NC02898, par lequel il a été jugé que le titulaire d’un marché public ne peut obtenir la réparation d’un préjudice en se prévalant de sujétions imprévues qui ont été rencontrées non par lui-même mais par d’autres entreprises intervenant sur le même chantier ; 
  • Le jugement TA de Montpellier, 28 mars 2019, M. O. , req. n° 1704222, par lequel le Tribunal administratif a prononcé la résiliation d’un marché de conception-réalisation d’une salle multimodale après avoir constaté que l’acheteur avait recouru de manière irrégulière à la procédure de conception-réalisation ; 
  • Le jugement TA de Lyon, 13 juin 2019, Société Rhônexpress, req. n° 1703281 par lequel le Tribunal administratif a rejeté le recours indemnitaire introduit par la Société Rhônexpress, concessionnaire du service de liaison ferroviaire express vers l’aéroport Saint-Exupéry contre le Syndicat Mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (SYTRAL), considérant qu’en mettant en place deux lignes régulières d’autobus urbain reliant Lyon à l’aéroport, le SYTRAL n’avait pas créé une offre de transport concurrente contraire au contrat de concession dont était titulaire la Société Rhônexpress et que celle-ci n’était donc pas fondée à demander l’indemnisation d’un préjudice économique sur ce fondement. Ce jugement est aujourd’hui frappé d’appel. 

Télétravail dans la fonction publique : assouplissement des règles par le décret du 5 mai 2020

Par un décret n° 2020-524 du 5 mai 2020, le gouvernement a modifié les modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique afin notamment de l’adapter aux nécessités de la situation de la crise sanitaire actuelle.  

C’est ainsi, tout d’abord, que l’article 4 du décret modifié n° 2016-151 du 11 février 2016 prévoit désormais deux hypothèses de dérogation à la règle de la quotité maximum de télétravail hebdomadaire de 3 jours par semaine définis par son article 3. Outre la dérogation qui existait déjà, pour raison de santé, le décret prévoit qu’il est possible de déroger à cette règle de quotté « en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le télétravail sur site ».  

Ensuite, dans cette hypothèse, le décret prévoit désormais, à son article 6, la possibilité pour l’agent d’utiliser son équipement informatique personnel.  

Les modifications vont cependant au-delà de la simple adaptation des modalités de travail à la crise sanitaire.  

D’une part, un nouvel article 2-1 élargit les modalités dans lesquelles le télétravail peut s’exercer : l’autorisation de télétravail peut être désormais délivrée non seulement pour un recours régulier, mais également pour un recours ponctuel au télétravail. Ainsi, alors que, jusqu’alors, il n’était octroyé que pour une quotité de temps préalablement définie, par semaine ou par mois, il peut désormais consister en l’attribution d’un quota hebdomadaire, mensuel, mais aussi annuel de jours de télétravail flottants, permettant donc ce fameux usage ponctuel. L’autorisation d’utiliser ce quota sera subordonnée à l’accord de l’autorité hiérarchique déjà compétente pour l’octroi des congés annuels.  

Il faut relever, en outre que la possibilité pour l’agent d’utiliser son équipement informatique personnel est également étendue à cette hypothèse de télétravail ponctuel.  

D’autre part, alors que l’autorisation ne pouvait être accordée que pour une durée d’un an et n’être renouvelée que par décision explicite, l’autorisation est désormais accordée sans durée maximum, celle-ci ne prenant donc fin qu’en cas de dénonciation par l’employeur ou l’agent. 

Enfin, l’autre changement notable consiste en l’extension de la possibilité de contester, devant la commission administrative paritaire, le refus d’autorisation de télétravail, aux autres pans de la fonction publique, alors qu’elle était jusqu’alors réservée aux fonctionnaires de l’Etat.    

Il s’agit donc, en conclusion, d’un assouplissement intéressant des règles de télétravail, qui ne manquera pas, au-delà même des circonstances exceptionnelles actuelles, d’en étendre et développer l’usage.  

Reste qu’en pratique, cette modification du décret ne suffit pas à répondre aux interrogations posées par la crise actuelle en matière de télétravail. En particulier, nombreux sont les employeurs publics qui ont dû mettre en place le télétravail en urgence, sans possibilité de prendre une délibération l’organisant, et donc sans fondement ni cadre juridique. Or, le décret persiste à renvoyer à une telle délibération la définition de l’essentiel des modalités, des activités éligibles, etc. A l’heure où la réunion des organes délibérants des différents employeurs publics reste matériellement délicate, la question de la définition de ces modalités reste en suspens. 

Censure de la modification unilatérale de la rémunération d’un collaborateur de groupe

Le Président de la Métropole de Lyon avait licencié un collaborateur de groupe recruté en contrat à durée indéterminée pour perte de confiance, plus précisément en raison de la dégradation des relations de travail entre le président de groupe et le collaborateur. Etaient en cause notamment le non-respect de certaines consignes, plusieurs critiques en public des positions du président du groupe et l’envoi d’un mail à l’ensemble des groupes politiques et du cabinet du président de la collectivité relatif à un différend qui l’opposait à son employeur sur sa rémunération.    

L’agent a contesté d’une part la décision de licenciement et d’autre part la décision par laquelle le président de la Métropole avait unilatéralement modifié les clauses de son contrat de travail relatives à sa rémunération avant son licenciement. 

Si la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté les conclusions en annulation de la décision de licenciement, elle a en revanche annulé la décision par laquelle le Président de la Métropole a modifié les clauses du contrat du collaborateur relatives à sa rémunération.  

D’abord, la Cour rappelle le principe selon lequel le contrat, sauf s’il présente un caractère fictif ou frauduleux, crée des droits au profit de l’agent. Et si lorsque le contrat est entaché d’une irrégularité, l’administration est tenue de proposer une régularisation afin que l’exécution puisse se poursuivre régulièrement, elle ne peut en revanche modifier unilatéralement des éléments substantiels (CE, 22 septembre 2017, n° 401364). 

La Cour précise ensuite dans cette décision qu’hors les cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire ou que le retrait de la décision illégale intervient dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise, l’administration ne peut procéder à la modification d’un de ces éléments substantiels sans recueillir préalablement l’accord de l’agent. Lorsque l’agent refuse une telle modification de son contrat, l’administration ne peut procéder à la modification unilatérale du contrat, mais en cas de désaccord persistant peut licencier l’agent.   

La rémunération étant un élément substantiel, elle ne peut être modifiée unilatéralement par l’autorité territoriale. 

En l’espèce, la rémunération du collaborateur de groupe avait été précédemment augmentée par avenant. Or, cette nouvelle rémunération était irrégulière. Le Président a alors décidé pour régulariser le contrat de l’agent de retirer cet avenant en signant un nouvel avenant. Puis, malgré le refus opposé par le collaborateur, le Président avait unilatéralement mais illégalement décidé de modifier la rémunération du collaborateur de groupe.  

Après avoir rappelé que le précédent avenant était créateur de droit au profit de l’agent, la Cour a donc censuré cette décision. 

Projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19

Ce projet de loi, déposé le jeudi 7 mai 2020 sous le n° 2907, sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et qui est actuellement en cours de discussion, comprend notamment des mesures en vue d’une meilleure gestion des deniers publics dans le contexte de crise sanitaire. 

Le texte présenté par le 1er ministre comprend ainsi en son article 3 une habilitation législative donnée au Gouvernement pour mettre en œuvre, par ordonnance, la centralisation des trésoreries des organismes publics ou d’organismes privés chargés d’une mission de service public, afin de réduire l’endettement de l’État, d’améliorer son coût de financement et contribuer ainsi à limiter la charge d’intérêts de l’État. Afin de réunir les trésoreries publiques et celles de certains organismes privés chargés d’une mission de service public, il est ainsi prévu que le Gouvernement pourra prescrire le dépôt sur le compte du Trésor de leurs disponibilités. Le commentaire de cet article dans le projet présenté indique, sans qu’il n’en soit fait mention dans le corps de l’article, que ces disponibilités resteraient à la disposition de chacune des personnes morales gestionnaires. Le délai de ratification de l’ordonnance, lequel pour mémoire est prescrit à peine de caducité, serait alors de trois mois à compter de sa publication. Notons que, concernant les collectivités territoriales et leurs établissements publics, l’article 26 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (dite LOLF) leur prescrit d’ores et déjà le dépôt de leurs disponibilités sur le compte du Trésor, sauf disposition expresse d’une loi de finances. Il s’agirait donc ici d’une habilitation ayant pour objet d’élargir le champ des organismes publics soumis à l’obligation de dépôt de leurs disponibilités au Trésor public. 

Le texte, dans sa version issue des travaux de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi (et qui n’a pas évolué sur ce point par rapport au projet présenté par le Gouvernement), sera examiné en séance publique lors d’une première séance de discussion prévue le jeudi 14 mai 2020. Il conviendra de suivre l’évolution de cette disposition qui a suscité une contestation d’organismes visés qui souhaiteraient la voir supprimée, et qui avaient à cette fin fait déposer des amendements devant la commission (notamment ainsi de diverses caisses dont la caisse de retraite des avocats la CNBF). 

La France renforce la protection de ses recherches biotechnologiques : une conséquence du Covid 19 ?

La France comme de nombreux Etats à travers le monde protège par le biais d’une autorisation préalable les investissements étrangers dans une activités en France dans les domaines dits « sensibles ».    

A titre liminaire, il convient de préciser que les termes « investissement étranger » ont été défini par l’article R. 151-2 du Code monétaire et financier et doivent être entendus comme le fait d’acquérir le contrôle au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce, d’une entité de droit français, d’acquérir tout ou partie d’une branche d’activité d’une entité de droit français ou de franchir directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d’une entité de droit français.    

L’article 6 de l’arrêté du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France, comprenait une liste de sept « technologies critiques » à savoir : la cybersécurité, l’intelligence artificielle, la robotique, ° la fabrication additive ; les semi-conducteurs ; les technologies quantiques et le stockage d’énergie, a été complété par un arrêté du 27 avril 2020 du ministre de l’économie et des finances pour intégrer à cette liste des domaines dits sensibles les « biotechnologies ».  

Cet arrêté a été publié au Journal officiel du 30 avril 2020, soit le lendemain de la prise de parole du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire lors de laquelle il avait d’ores et déjà indiqué que le seuil de déclenchement du contrôle par l’Etat des investisseurs non européens prenant des parts dans une entreprise française sera abaissé de 25 % à 10 % du capital et ce jusqu’à la fin de l’année.  

Concrètement, l’article L. 151-3, I du Code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte » soumet à autorisation préalable du ministre chargé de l’Économie les « investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l’exercice de l’autorité publique ou relève [entre autres des activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ». 

Dans le contexte actuel de crise sanitaire et de recherches intensives d’un vaccin contre le Covid-19 et/ou de tout renseignement sur ses origines, conséquences et sur des diagnostiques, on peut aisément comprendre que l’Etat Français, comme d’autres avant lui, ait pour ambition de protéger le résultat de ces recherches afin qu’il ne fuite pas vers l’étranger au détriment des investissements tant humains que financiers français.  

En faisant le parallèle avec la propriété industrielle il faut comprendre notamment que le brevet est devenu un dispositif tout entier tourné vers la « recherche-développement » et notamment dans le secteur de plus en plus prisé des biotechnologies.  

C’est moins l’inventeur qui est alors pris en considération que l’invention en tant qu’elle permet le progrès technique et donc permet par voie de conséquence le progrès de la société.  

Le droit des brevets moderne est un droit de l’innovation et, comme l’innovation coûte cher, il est aussi, dans le même temps, un droit de l’investissement.  

C’est donc sous ce double éclairage qu’il doit être compris et c’est en cela qu’il est permis de penser qu’il n’est pas étonnant que ce domaine des biotechnologies dit « sensible » ait un rôle stratégique pour l’Etat. 

A noter que le Ministre de l’économie avait annoncé que cette mesure serait effective jusqu’au 31 décembre 2020, cette date butoir n’ayant pas été reprise par cet arrêté il faut en déduire que cette nouvelle restriction à l’investissement étranger est vouée à perdurer au-delà.