Immixtion fautive du maître d’ouvrage – Rappel des conditions à remplir

Cette décision vient illustrer et rappeler les conditions d’applicabilité de l’une des causes d’exonération de la responsabilité des constructeurs, souvent invoquée par eux : l’immixtion fautive du Maître d’ouvrage. 

L’article 1792 du Code civil prévoit en effet que les constructeurs peuvent s’exonérer, totalement ou plus généralement partiellement, de leur responsabilité décennale en démontrant l’existence d’une cause étrangère ayant contribué au dommage, telle que la force majeure, le fait d’un tiers ou la faute du Maître d’ouvrage.  

Dans ce dernier cas, pour pouvoir imputer au Maître d’ouvrage une part de responsabilité, le juge judiciaire exige que (i) il se soit immiscé dans les travaux litigieux, (ii) cette immixtion soit fautive et (iii) il soit notoirement compétent en matière de construction.  

 

C’est sur cette troisième condition que la Cour est revenue en sanctionnant la Cour d’appel :  

« Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi M. J… avait excédé son rôle de maître de l’ouvrage en demandant aux constructeurs de satisfaire certains souhaits pour des raisons pratiques, qu’il leur appartenait le cas échéant de refuser s’ils les estimaient inconcevables techniquement, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, s’il était notoirement compétent en matière de construction, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». 

Ainsi, il était insuffisant de seulement relever que le Maître d’ouvrage avait « exigé de l’architecte et de l’entreprise que la pente au sol vers le siphon fût la plus légère possible » et « la pose de plinthes droites pour des raisons de commodité du déplacement du matériel », alors même qu’il n’avait pas été recherché s’il disposait de connaissances techniques particulières dans les domaines concernés par les désordres.  

Il s’agit là d’un principe classique qui connaît des illustrations régulières en jurisprudence (voir par exemple Cass. 3ème civ., 19 septembre 2019, n° 18-15710).  

Enfin, à titre de parallèle, cette cause d’exonération de responsabilité trouve également à s’appliquer devant le juge administratif, lequel peut se montrer parfois plus sévère à l’égard du Maître d’ouvrage, probablement en raison de l’existence de services techniques compétents pouvant les assister dans leur projet. 

L’immixtion fautive du Maître d’ouvrage n’est pas pour autant systématiquement retenue comme l’illustre la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 25 juillet 2019 (n° 17BX01725), que nous avions évoquée dans notre lettre d’actualité juridique de septembre dernier. 

Le Conseil d’Etat adapte le régime des offres anormalement basses aux contrats de concession

Pour rappel, l’article L. 2152-5 du Code de la commande publique définit l’offre anormalement basse comme « une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché », que l’acheteur est tenu de détecter par tous moyens et d’éliminer, après vérification des justifications fournies par l’opérateur économique. 

Ce régime de détection et de prohibition des offres anormalement basses est, on le voit, centré sur le prix versé par l’acheteur à l’opérateur économique. Or, dans les contrats de concession, l’éventuel prix versé par l’autorité concédante à son concessionnaire ne doit, par définition, avoir qu’un rôle marginal dans l’équilibre économique du contrat. Dans ces conditions, la notion d’offre anormalement basse ne peut être transposée aux contrats de concession qu’en faisant l’objet de certaines adaptations. 

Le Conseil d’Etat apporte ces précisions dans le cadre d’un litige relatif à la passation par la Commune de Saint-Julien-en-Genevois d’un contrat de concession de services portant sur la mise à disposition, l’installation, la maintenance, l’entretien et l’exploitation commerciale d’abris voyageurs et de mobiliers urbains. Saisi par la Société JC Decaux, candidate évincée, le Juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a, par une ordonnance du 15 novembre 2019, annulé les décisions par lesquelles la Commune avait rejeté son offre et attribué le contrat à la Société Girod Médias, au motif que la Commune avait insuffisamment défini l’étendue de ses besoins en ne précisant pas en quelles quantités elle était susceptible de commander des prestations supplémentaires au cours de l’exécution du contrat. 

Saisi d’un pourvoi par la Commune, le Conseil d’Etat juge au contraire qu’il est loisible à l’autorité concédante, lorsqu’elle estime qu’elle pourra être placée dans la nécessité de commander des prestations supplémentaires au cours de l’exécution du contrat, de prévoir, au stade de la mise en concurrence initiale, un critère d’appréciation des offres fondé sur la comparaison des prix unitaires proposés par les candidats pour ces prestations, sans qu’il soit requis d’indiquer un volume de commande, ni même un maximum. Ce faisant, il annule l’ordonnance du Juge des référés comme entachée d’une erreur de droit.  

Réglant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée, le Conseil d’Etat écarte l’ensemble des moyens développés par la Société JC Decaux et rejette la requête. S’agissant plus particulièrement du moyen tiré de ce que la Commune aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant la candidature de la Société Girod Médias alors même que celle-ci était anormalement basse, il est écarté au double motif que « la prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique relatif aux conditions dans lesquelles de telles offres peuvent être détectées et rejetées ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concession » et qu’au demeurant, « il ne résulte pas de l’instruction qu’à supposer que des prestations supplémentaires soient effectivement commandées à la société Girod Médias aux conditions figurant dans son bordereau de prix unitaires, une telle circonstance serait, à l’évidence, de nature à compromettre la bonne exécution de la concession ».  

Il ressort de ce qui précède que si le régime des offres anormalement basses ne peut être appliqué aux contrats de concession dans les mêmes termes qu’aux marchés publics, il peut néanmoins être transposé « au prix d’une certaine adaptation » que le Rapporteur public Gilles Pellissier décrit en ces termes dans ses conclusions: « transposer la notion d’offre anormalement basse aux concessions implique donc de l’appliquer non pas au prix mais à l’équilibre économique général du contrat, la sous-évaluation manifeste qui caractérise l’offre anormalement basse portant sur le risque assumé par le concessionnaire au regard des prestations qu’il s’engage à accomplir. Pour le dire autrement, l’offre anormalement basse pour l’obtention d’une concession consisterait à proposer des prestations dont le coût pour l’opérateur est bien supérieur aux recettes de l’exploitation du service ». 

Pour résumer, il semble donc que lorsqu’une offre pour un contrat de concession semble structurellement déficitaire, l’acheteur doit exiger que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur l’équilibre économique de son offre. Si, après vérification de ces précisions et justifications, l’autorité concédante établit que les recettes de l’exploitation du service ne pourront couvrir les charges que devra supporter le concessionnaire, elle doit rejeter l’offre. 

La loi Sapin II et les acteurs publics : recommandations de l’Agence française anticorruption (AFA) et bilan de ses actions

Par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Loi Sapin II, le législateur a souhaité porter la législation française au niveau des meilleurs standards européens et internationaux dans la lutte contre la corruption, et contribuer à développer une image positive de la France à l’international. Son ambition affichée était en outre de répondre aux aspirations des Français quant à la transparence, à l’éthique et à la justice en matière économique. 

Aux termes de son article 3-2°, la Loi a ainsi notamment confié à l’Agence française anticorruption (AFA) la charge d’élaborer « des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme ». Ces recommandations complètent le dispositif mis en place par la loi du 9 décembre 2016 et constituent ainsi le référentiel anticorruption français.  

Elles sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République et sont destinées à toutes les personnes morales de droit privé – sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés à responsabilité limitée, groupement d’intérêt économique (GIE), fondations, associations, etc. – ou de droit public – Etat (pouvoirs publics constitutionnels, administrations centrales, administrations déconcentrées, services à compétence nationale, autorités administratives indépendantes …), collectivités territoriales et leurs groupements, établissements publics, groupements d’intérêt public (GIP), sociétés publiques y compris locales, sociétés d’économie mixte – quels que soient leur taille, leur forme sociale, leur secteur d’activité, leur chiffre d’affaires ou l’importance de leurs effectifs. Compte tenu des enjeux auxquelles elles permettent de répondre, les recommandations de l’AFA s’adressent également à toutes les entités non dotées de la personnalité morale. 

Les recommandations de l’AFA, si elles font l’objet d’une publication au Journal Officiel, sont à proprement parler dépourvues de force obligatoire et ne créent pas d’obligation juridique. En revanche, elles constituent le support des contrôles opérés par l’AFA, lesquels sont principalement déclenchés à l’initiative et à la discrétion de son Président et peuvent déboucher, le cas échéant, sur un signalement au Procureur de faits pouvant relever d’une qualification pénale.   

 

1 – La teneur des recommandations AFA à l’attention des acteurs publics. Les acteurs publics sont assujettis à un ensemble de dispositions qui, directement ou indirectement, les soumettent à des obligations en matière de prévention et de détection des atteintes à la probité. Toutefois, pour être efficaces, ces règles doivent être complétées et intégrées dans un dispositif global de prévention et de détection dont la mise en place incombe aux acteurs publics. 

En l’absence de précisions données à l’article 3 de la loi du 9 décembre 2016 précitée quant au contenu de ces dispositifs anticorruption, l’AFA a fait le choix d’une analogie avec les dispositions prévues à l’article 17 de la Loi.  

Ainsi, il est recommandé aux responsables des organisations du secteur public, aux plus hauts niveaux :  

    • De s’investir dans la mise en œuvre d’un dispositif anticorruption, notamment en s’engageant publiquement sur une politique de tolérance zéro envers tout comportement contraire à l’intégrité et à la probité (Art. 25 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) ; 
    • D’avoir un comportement personnel exemplaire, en paroles comme en actes, en matière d’intégrité et de probité : l’acceptation de cadeaux (à l’exception des cadeaux de valeur symbolique), l’utilisation abusive des moyens du service donnent des exemples négatifs et peuvent faciliter le passage à l’acte répréhensible chez les collaborateurs ;
    • D’encourager et de valoriser dans leurs équipes les comportements éthiques ;
    • De faire de la prévention et de la détection de la corruption une priorité explicite de l’organisation ;
    • De ne jamais relâcher leur vigilance : les responsables hiérarchiques doivent aussi prêter attention aux allusions et aux rumeurs venant de l’extérieur ainsi qu’aux informations anonymes, qu’il convient d’examiner avec discernement ; 
    • De faire, à des fins de dissuasion, un usage réel et proportionné des possibilités des sanctions disciplinaires prévues par le statut général de la fonction publique et/ou le code du travail. 
  •  

Par ailleurs, il est recommandé aux acteurs publics de doter leur organisation d’un dispositif anticorruption adapté à ses risques propres et, le cas échéant, à ses spécificités. Ces mesures comprennent la mise en œuvre :  

    • D’un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire et précisant les modalités de prévention des conflits d’intérêts ; 
    • D’une cartographie des risques (identification, évaluation et hiérarchisation des risques de corruption inhérents aux compétences, activités et processus de l’entité en vue de leur maitrise) ; 
    • D’un dispositif de formation au risque d’atteintes à la probité ; 
    • D’une procédure d’évaluation des tiers (fournisseurs, partenaires, etc.) ; 
    • D’un dispositif d’alerte interne ; 
    • D’un régime disciplinaire permettant de sanctionner les agents ou les salariés de l’entité en cas de violation de ces règles ; 
    • De dispositifs de contrôle et d’évaluation interne. 

 

2 – Le bilan des missions de l’AFA. Le 21 juin 2019, l’AFA a publié son rapport d’activité pour l’année 2018.  

Sur l’ensemble de l’année, 43 contrôles d’initiative ont été diligentée par l’AFA dont 15 ont porté sur des acteurs publics ou associatifs (6 établissements publics opérateurs de l’Etat, 1 association reconnue d’utilité publique, 2 centres hospitaliers universitaires (CHU), 2 régions, 2 départements, 1 métropole, 1 société d’économie mixte locale). 

En outre, l’AFA a élaboré une charte de l’accompagnement des acteurs publics présentant les différentes actions mises en œuvre pour répondre aux besoins des acteurs qui déploient ou renforcent leur programme de prévention et de détection des faits de corruption.  

A ce titre, elle a accompagné 7 collectivités territoriales et établissements du secteur public local (1 commune de plus de 150.000 habitants, 1 commune de moins de 3.500 habitants, 2 départements, 2 communautés de commune, 1 syndicat technique).  

Autrement dit, l’AFA assure à la fois une mission de conseil et d’accompagnement d’entités et une mission de contrôle de conformité au regard de recommandations n’ayant pas de force contraignante. Si l’agence affirme veiller au respect d’un strict cloisonnement entre ses activités de conseil et de contrôle, l’ambiguïté sur ses véritables intentions demeurent.  

A l’occasion des contrôles opérés chez certains acteurs du secteur public local, l’AFA indique avoir constaté que peu de collectivités territoriales disposaient d’un plan global anticorruption. Les principales lacunes constatées porteraient sur l’absence de code de conduite, sur les pratiques relatives aux cadeaux, invitations et autres avantages ainsi que sur les conflits d’intérêts

L’AFA recommande à l’ensemble des acteurs publics d’élaborer une politique encadrant les modalités d’acceptation des cadeaux et invitations. Cette politique peut être reprise, en tout ou partie, dans le code de conduite. Par ailleurs, la création d’un registre permettant de tracer la nature des cadeaux reçus ou offerts, leur montant, leur fréquence, leur provenance est préconisée ainsi que tous autres éléments utiles à la prévention des conflits d’intérêts.  

Il n’est pas inutile de rappeler ici que les relations de proximité entre Collectivités territoriales et organismes satellites, vertueuses et utiles dans leur principe, sont évidemment porteuses de risques particuliers. La prévention des atteintes au devoir de probité suppose ainsi l’identification des risques de conflits d’intérêts dans le cadre d’une cartographie, et leur prise en compte par le code de conduite. La situation de conflit d’intérêts voire de prise illégale d’intérêts (Art. 432-12 Code pénal) créée une apparence de partialité préjudiciable à la fonction et à la mission remplies par l’agent public ; c’est la raison pour laquelle la Loi du 20 avril 2016 a renforcé les mécanismes pour les prévenir et les faire cesser.  

S’agissant des mécanismes de déport comme des obligations de déclaration d’intérêts, il est recommandé que les entités publiques concernées informent les personnes concernées de leurs obligations et des sanctions encourues et précisent, voire formalisent les procédures applicables afin de s’assurer du respect effectif de ces obligations.  

 

Par ailleurs, l’AFA recommande aux entités publiques, s’agissant des cumuls d’activités, d’informer les agents sur le cadre juridique et de se doter de procédures précisant les modalités de traitement des demandes d’autorisation.  

Enfin, l’agence relève que peu d’entités publiques contrôlées informeraient leurs agents sur le cadre juridique entourant les risques liés au délit de pantouflage (Art. 432-13 Code pénal). Elle recommande ainsi aux entités publiques de communiquer auprès des agents sur les obligations en la matière et d’opérer un suivi des avis de la Haute Autorité pour la transparence de la Vie Publique (HATVP) (Ex-commission de déontologie de la fonction publique), voire aux entreprises recrutant un agent public de vérifier l’effectivité de la saisine de la commission de déontologie de la fonction publique, de s’assurer de la prise en compte effective des réserves éventuellement formulées, d’analyser les risques potentiels en matière de déontologie au regard des fonctions précédemment exercées et des fonctions proposées par le nouvel employeur, et de mettre en place un plan d’actions en considération de ces risques. 

Dans ces perspectives, la désignation d’un référent déontologue peut s’avérer essentielle. 

 

En conclusion, il faut retenir que les recommandations AFA constituent le support des contrôles opérés par l’agence. Dès lors, il est fortement recommandé aux acteurs publics de s’y conformer. 

D’ailleurs, les liens formés par l’agence en 2018 avec les parquets spécialisés en matière d’atteintes à la probité (parquet national financier (PNF), juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), pôles économiques et financiers) témoignent de sa complémentarité avec l’action de l’autorité judiciaire et appellent à la prudence. En 2018, l’AFA a adressé cinq signalements, en application de l’article 40 du Code de procédure pénale, au PNF ainsi qu’aux parquets de Paris, de Marseille, de Nanterre et de Lille. Ont été notamment signalés des faits susceptibles de caractériser des atteintes à la probité comme les délits de corruption, détournements de fonds publics, favoritisme et prise illégale d’intérêts. 

 

Seban & Associés se tient à la disposition de tous les acteurs publics pour les accompagner dans l’élaboration des mesures préventives suggérées par l’AFA, comme pour les assister lors de ses contrôles. 

Par Sonia Kanoun

 

Les pouvoirs de police en cas de crise sanitaire : la répartition des rôles entre autorités centrales, déconcentrées et locales

La limitation de la diffusion du coronavirus « Covid-19 » passe par l’édiction de mesures de police, qui peuvent relever du préfet ou du maire. S’il n’y a pas d’ambiguïté quant à la mise en œuvre des mesures concernant les contrôles aux frontières et les quarantaines qui relève des autorités centrales, la gestion de l’épidémie au sein du territoire national met en concurrence les pouvoirs de police du maire et du préfet.  

 

1 – La mise en œuvre des dispositifs de contrôles aux frontières et de quarantaines :  

C’est le règlement sanitaire international, adopté en 2005 par l’Assemblée mondiale de la santé de l’OMS qui constitue le cadre réglementaire global de protection contre la propagation internationale de certaines maladies. Plus précisément, en France, ce sont les dispositions des articles L. 3115-1 et suivants du Code de la santé publique (CSP) qui prévoient l’ensemble des mesures applicables pour prévenir la propagation des épidémies.  

L’article L. 3115-4 du CSP habilite ainsi le préfet à interdire la libre circulation d’un moyen de transport dans l’attente de la réalisation d’inspections, ou encore à « mettre à l’isolement ou faire procéder à la désinfection de bagages, moyens de transport, conteneurs, marchandises, cargaisons ou colis postaux affectés ».   

La prévention de la propagation des maladies peut également justifier des mesures individuelles, prises par le préfet, et notamment, « l’isolement ou la mise en quarantaine de personnes atteintes d’une infection contagieuse ou susceptibles d’être atteintes d’une telle infection, sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé » (CSP, article L. 3115-10).  

Ajoutons, enfin, que se pose également la question du contrôle de la sortie du territoire national en cas d’apparition ou de développement de l’épidémie en son sein.  

C’est là l’article L. 3115-9 du CSP, qui prévoit la compétence du préfet pour édicter diverses mesures pour éviter la propagation internationale du virus. C’est lui qui organise les contrôles sanitaires aux différents points d’entrée du territoire (frontières, ports, aéroports). Il peut aussi refuser l’accès au moyen de transport aux voyageurs ayant refusé de se soumettre aux contrôles.  

La mise en œuvre de ces mesures privatives de liberté est précisée aux articles R. 3115-3-1 et suivants du CSP. 

 

2 – La prévention et le confinement des épidémies sur le territoire national : la répartition des pouvoirs du ministre de la santé, du préfet et du maire : 

Les mesures présentées ci-dessus constituent le cadre juridique concernant l’entrée et la sortie du territoire. Se pose également la question des mesures de police visant à limiter la propagation de l’épidémie sur le territoire, une fois que le virus y circule déjà. Comme souvent dans pareilles circonstances, la limite entre pouvoirs de l’Etat, souvent représenté par le préfet, et pouvoirs du maire, reste difficile à tracer. Pour autant, chaque acteur a son rôle à jouer. 

 

a – Les pouvoirs de police du ministre de la santé et du préfet : 

i – Le dispositif en cas de « menaces sanitaires graves »:

 C’est par une loi n° 2004-806 du 9 août 2004 qu’a été introduit le dispositif consacré aux menaces sanitaires graves.  

Il en découle l’article L. 3131-1 du CSP qui dispose que :   

« En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ».  

 Si le ministre dispose donc de prérogatives très larges, il peut, en vertu de l’alinéa 2 du même article, habiliter le préfet à « prendre toutes les mesures d’application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. Ces dernières mesures font immédiatement l’objet d’une information du procureur de la République ».  

 

ii – Les mesures prévues en cas de « danger ponctuel imminent pour la santé publique ».

En outre, le CSP contient, aux articles L. 1311-1 et suivants, un ensemble d’articles relatifs à la protection de la santé et de l’environnement, qui permet l’adoption de décrets en Conseil d’Etat, fixant les règles d’hygiène et « toutes mesures propres à préserver la santé de l’homme », en matière de « prévention des maladies transmissibles ».  

Dans le cadre posé par cet article, donc s’agissant de la prévention des maladies transmissibles, l’article L. 1311-4 du CSP prévoit que « en cas d’urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, le représentant de l’Etat dans le département peut ordonner l’exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règles d’hygiène prévues au présent chapitre ». 

Notons que la notion de danger imminent a pu recevoir une lecture large, puisqu’il a été considéré, dans une affaire où le gérant d’un foyer de travailleurs migrants en avait coupé l’alimentation en eau à la suite d’un conflit avec les occupants, que l’injonction du préfet, au titre des présentes dispositions, de rétablir l’alimentation en eau avait été jugée légale par le Conseil d’Etat (CE, 23 juin 2000, req. n° 167258). 

La conjugaison de ces deux articles permet de constater l’ampleur des pouvoirs dévolus à l’Etat : en cas de danger ponctuel imminent pour la santé publique résultant de la propagation d’une maladie contagieuse, le préfet est habilité à ordonner l’exécution immédiate des mesures propres à préserver la santé de l’homme, telles qu’envisagées dans le cadre d’un décret en Conseil d’Etat.   

 

b – Les pouvoirs de police du maire : 

L’article L. 2212-2, alinéa 5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), confie au maire, au titre de son pouvoir de police administrative générale, « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, […] les maladies épidémiques ou contagieuses […], de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours ».  

Cet article est complété par les dispositions de l’article L. 2212-4 du même code, selon lequel, « en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution de mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d’urgence le représentant de l’Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites ».  

Si les précédents jurisprudentiels font défaut s’agissant des mesures de polices envisageables en cas d’épidémies, certains exemples permettent toutefois d’éclairer sur la latitude laissée au maire par le juge administratif.   

C’est notamment sur le fondement de ces dispositions que les maires peuvent prendre des arrêtés de péril afin d’ordonner la démolition d’un immeuble (CE, 6 novembre 2013, Maire de Cayenne, req. n° 349245). 

Le maire a donc un rôle important à jouer dans la prévention des épidémies sur le territoire de la commune. 

 

 c – La question de l’articulation entre pouvoirs de police du maire et pouvoirs de police du préfet : 

En cas de carence du maire et après mise en demeure qui lui a été adressée, le préfet du département le supplée en vertu de l’article L. 2215-1 du CGCT. Cependant, la mise en demeure n’est pas un préalable si l’urgence de la situation le justifie (voir CE, 25 novembre 1994, Ministère de l’intérieur c Grégoire, Lebon tables, p. 832). 

Reste à étudier une question centrale s’agissant de la mise en œuvre des pouvoirs de police administrative en matière de lutte contre les maladies contagieuses.  

On a en effet vu que le maire est légitime à intervenir au titre de ses pouvoirs de police administrative générale et sur le fondement des dispositions de l’article L. 2212-4 du CGCT. En parallèle, le préfet peut intervenir en cas de « menaces sanitaires graves » ou de « danger ponctuel imminent pour la santé publique », investi en ce sens de pouvoirs de police spéciale.  

En cas de concurrence de pouvoirs de police générale (donc en pratique entre l’Etat ou son représentant et l’édile), le maire doit s’abstenir de prendre une mesure allant à l’encontre de celle édictée par les autorités de l’Etat. Le maire peut cependant, depuis un arrêt fameux, « prendre sur le même objet et pour sa commune, par des motifs propres à cette localité, des mesures plus rigoureuses » (CE, 18 avril 1902, commune de Néris-lesBains). 

Dans certains cas, les conditions d’intervention du maire sont encore plus contraintes. Lorsque la police spéciale de l’autorité qui en est investie est qualifiée d’« exclusive », le maire ne peut intervenir, au titre de son pouvoir de police générale, qu’en cas de « péril grave et imminent ».  

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré que l’existence de pouvoirs de police spéciale, reconnus au préfet en application de l’article L. 1311-4 du CGCT, ne fait pas obstacle à ce que le maire, en présence d’un péril grave et imminent, use de ses pouvoirs de police générale pour assurer le maintien de la sécurité publique, sauf si cet usage, hors du cas d’urgence susmentionné, a eu pour objet ou pour effet de ne pas respecter la procédure prévue par la police spéciale (CAA Bordeaux, 17 octobre. 2006,  req. n° 03BX01503). 

Dans le même sens, le Conseil d’Etat a autorisé un maire à interdire les cultures agricoles dans le périmètre d’un point d’eau dont la teneur élevée en nitrate menaçait les habitants de sa commune d’un péril imminent, sur le fondement de l’article L. 2212-4 du CGCT. Toutefois, le Conseil d’Etat a bien précisé que le maire « ne saurait s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale de l’eau qu’en cas de péril imminent » (CE, 2 décembre 2009, Commune de Rachecourt-sur-Marne, req. n° 309684).  

 

Il résulte donc de ce qui précède que les polices administratives spéciales de l’Etat, dont est investi le préfet sur le territoire de sa compétence et dont il est présentement question, sont des polices spéciales exclusives de l’Etat. Par conséquent, l’intervention du maire en vue de prévenir les maladies épidémiques ou contagieuses n’est possible qu’en cas de péril grave et imminent et donc très encadrée par le juge. Gageons néanmoins (et malheureusement) que dans la situation de risque pandémique majeur dans lequel se trouve la France, cette condition serait considérée comme aisément remplie par le juge administratif s’il venait à être saisi. Gageons également que, si des circonstances locales faisaient apparaitre les mesures préfectorales comme insuffisantes pour garantir la sécurité des citoyens, l’inaction du maire lui serait inévitablement reprochée. 

 

Par Thomas Chevandier et Aloïs Ramel 

Confirmation par le Conseil d’Etat d’un refus illégal d’EDF de conclure un contrat d’achat d’électricité produite par des installations photovoltaïques hors du champ d’application du décret « moratoire »

Presque 10 ans après son édiction en 2010, le décret « moratoire » fait encore parler de lui.

En effet, on rappellera que par décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, le Premier ministre avait suspendu pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur, soit le 10 décembre 2010, l’obligation pour EDF de conclure un contrat d’achat de l’électricité produite par les installations, d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts, utilisant l’énergie radiative du soleil (soit les installations photovoltaïques).

En pratique, ce décret avait ainsi conduit à suspendre l’enregistrement de tous les nouveaux projets photovoltaïques, à l’exception de ceux menés par les particuliers (puissance inférieure à 3 kilowatts) afin de permettre à l’ensemble de la filière de mener une concertation pour établir un nouveau cadre réglementaire.

Le décret excluait certaines catégories d’installations en particulier celles dont le producteur avait notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau.

Plusieurs contentieux s’étaient toutefois noués avec EDF dès lors que certains producteurs s’était notamment vu notifier des décisions de refus de conclure un contrat d’achat au motif que leur installation était concernée par le moratoire.

C’était le cas de la société Clairvalsolaire qui avait été évincée du bénéfice des tarifs d’achat antérieurs au décret moratoire. EDF avait motivé son refus de conclure un contrat d’achat d’électricité au regard de l’absence de signature en bonne et due forme des conventions de raccordement proposées par le gestionnaire du réseau de distribution.

Une difficulté d’interprétation du décret moratoire existait en effet au sujet des conditions dans lesquelles la société avait signé les conventions de raccordement et si de ce fait elle pouvait ou non être regardée comme satisfaisant aux conditions fixées par le décret pour que son projet puisse ne pas être concerné par la période de suspension ainsi décidée.

En l’espèce, la société avait, dès le 30 août 2010, sollicité le raccordement de sa centrale photovoltaïque, puis sollicité EDF pour conclure un contrat d’achat de l’électricité au tarif en vigueur à la date de sa demande de raccordement. Pour ce faire, la société Clairvalsolaire avait expédié les conventions le 1er décembre 2010, soit un jour avant la prise d’effet de la suspension. La société EDF avait cependant refusé de conclure le contrat d’achat demandé par décision du 18 mars 2011 dès lors que les conventions n’avaient pas été dûment signées par le producteur.

La société Clairvalsolaire avait alors demandé au tribunal administratif l’annulation de cette décision de refus, demande à laquelle le tribunal avait fait droit. La cour administrative d’appel avait finalement annulé ce jugement pour des motifs de forme mais avait en revanche confirmé l’annulation de la décision d’EDF. La Cour avait alors considéré que la société EDF ne pouvait légalement refuser de conclure le contrat d’achat d’électricité aux conditions techniques et tarifaires prévues par les conventions retournées le 1er décembre 2010, au seul motif que lesdites conventions n’étaient pas signées.

La société EDF avait ainsi formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt afin que le Conseil d’Etat se prononce sur le fait de savoir si la société Clairvalsolaire entrait ou non dans le champ de la suspension de l’obligation de conclure un contrat d’achat au regard des conditions dans lesquelles elle avait signé ses conventions de raccordement.

Par cet arrêt, le Conseil d‘Etat a considéré que la société avait bien signé les conventions en cause de sorte que la décision de refus d’EDF était illégale.

 

Concessions de distribution publique d’électricité : contenu et délais de production de l’inventaire détaillé et localisé des ouvrages

L’arrêté dit « inventaire » pour les concessions de distribution publique d’électricité était particulièrement attendu depuis l’adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite loi TECV)[1]. Ce décret, est enfin paru le 28 février 2020 au Journal officiel.

Il fixe précisément « le contenu et les délais de production de l’inventaire détaillé et localisé des ouvrages des concessions de distribution d’électricité prévu à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ».

Pour rappel, si les ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements[2], ces derniers, pour la plupart, n’avaient jusqu’à aujourd’hui qu’une connaissance limitée de leur patrimoine.

Il a fallu attendre que le Conseil d’État – par sa célèbre jurisprudence « Commune de Douai » [3] – confirme le droit, pour chaque autorité concédante de la distribution publique d’électricité, de se voir remettre un inventaire des biens de la concession, pour que la loi oblige à son tour les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité (soit précisément la société Enedis sur 95% du territoire et les entreprises locales de distribution (ELD) sur les 5% restant), à communiquer un tel inventaire.

La loi TECV a ainsi modifié l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) afin d’obliger les organismes de distribution d’électricité à mettre à la disposition des autorités concédantes un inventaire des ouvrages de la concession. La loi renvoyait toutefois à un décret le soin de fixer le contenu de ces documents et les délais impartis pour établir les inventaires.

Ce décret, pris le 21 avril 2016[4], est venu préciser les données devant figurer annuellement dans chacune des rubriques du compte rendu annuel d’activité des concessionnaires d’électricité. Pour ce qui concerne l’inventaire, le décret s’était toutefois borné à préciser que l’inventaire « détaillé et localisé » devait distinguer les biens de retour, les biens de reprise et les biens propres[5] mais renvoyait à un arrêté ultérieur le soin de définir le contenu précis de cet inventaire à remettre par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité et ses délais de production (voir sur ce décret notre LAJEE n°17 parue en mai 2016).

Cet arrêté qui restait donc à intervenir pour permettre l’application effective des dispositions issues de la loi TECV apporte enfin toutes les précisions utiles sur le contenu de l’inventaire et fixe les conditions dans lesquelles il doit être mis à disposition des autorités concédantes.

L’arrêté ainsi publié comporte trois séries de dispositions :

  • des dispositions communes (Titre Ier) ;
  • des dispositions concernant la société mentionnée au 1er de l’article L.111-52 du Code de l’énergie, soit la société Enedis (Titre II) ;
  • des dispositions concernant les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité mentionnés aux 2e et 3e de l’article L.111-52 du Code de l’énergie (Titre III), soit les ELD.

Concernant son contenu, l’inventaire doit être constitué d’un état complet des ouvrages utilisés par le gestionnaire du réseau public de distribution dans lequel doivent figurer notamment « tous les ouvrage ou parties d’ouvrages affectés à la distribution d’électricité afin de desservir les consommateurs ainsi que, le cas échéant, les bâtiments, locaux et terrains acquis pour établir ces ouvrages ».

Les postes sources, que l’arrêté définit, conformément à la loi, comme correspondant à « la partie des postes de transformation de haute ou très haute tension en moyenne tension », devront également figurer dans l’inventaire, précisément ceux exploités et affectés concurremment à plusieurs concessions de distributions d’électricité.

Concernant le niveau de détail des informations transmises relatives aux ouvrages : les autorités concédantes pourront formuler leur demande d’inventaire selon deux niveaux de détail :

  • soit le niveau de détail le plus fin de la comptabilité du gestionnaire,
  • soit une agréation des ouvrages de même catégorie (dont une liste figure en annexe 1 de l’arrêté) mis en service la même année et implantés sur le territoire d’une même commune.

La présentation non agrégée des informations devra être expressément demandée par les autorités concédantes.

L’arrêté prévoit en outre une mise à jour annuelle de l’inventaire (article 3) et la contribution de l’autorité concédante à cette mise à jour, lorsque celle-ci est maître d’ouvrage de travaux sur le réseau concédé (article 4). Il comporte également des dispositions spécifiques sur la fiabilisation des données de l’inventaire dans le temps (article 6).

S’agissant des délais de remise de l’inventaire, l’article 5 de l’arrêté pose le principe de l’exigibilité de l’inventaire par les autorités concédantes dès la date de publication, soit depuis le 28 février 2020, sous réserve qu’une demande en soit faite aux gestionnaires des réseaux de distribution.

On notera que l’inventaire à remettre par la société Enedis sur demande des autorités concédantes, dès l’entrée en vigueur de l‘arrêté, doit comporter une liste d’informations détaillées énumérées à l’Annexe 2 de l’arrêté, parmi lesquelles figurent notamment, pour les biens de retour, pour chaque immobilisation :

« […]
date de mise en service ;
– année de fin d’amortissement
[
…]
– valeur brute ;
– amortissements cumulés (industriels) ;
– valeur nette comptable (VNC)
[
…]
valeur de remplacement calculée.
[
…]
provision pour renouvellement (PR) ;
– contrevaleur en nature – financement concédant (VB) ;
– contrevaleur en nature – financement concessionnaire (VB) ;
– écart de réévaluation ;
– total Valeur Brute ;
– financement concédant (amortissement) ;
– financement concessionnaire (amortissement) ;
– valeur nette comptable ;
– droit du concessionnaire – VNC financement concessionnaire (créance non amortie) ;
– droit du concédant – amortissement financement concédant.
[
…] »

Et s’agissant des postes source :

« – l’adresse ;
– le nom (libellé long et libellé court) ;
– la date de mise en service ;
– les tensions amont et aval ;
– le nombre de transformateurs installés ;
– la puissance unitaire et l’année de fabrication de chaque transformateur ;
– les communes desservies, en conditions normales d’exploitation ».

Autant dire des informations qui étaient attendues par les autorités concédantes.

S’agissant des ouvrages de branchement, on notera que le disponibilité dans l’inventaire des informations qui les concernent est progressive (cf. Annexe 4 de l’arrêté) s’étalant, selon les ouvrages, de la date de publication de l’arrêté de la date de publication de l’arrêté (compteurs pour les clients >36 kVA et HTA) en 2022 (dérivations individuelles et disjoncteurs).

On relèvera encore que pour l’inventaire attendu de la société Enedis, celui-ci devra, à la demande des autorités concédantes, être accompagné des données techniques et cartographies complémentaires disponibles sur les biens couverts par l’inventaire (article 7 de l’arrêté)

Le gestionnaire du réseau dispose ensuite d’un délai de deux mois suivant le demande pour transmettre à l’autorité concédante l’inventaire demandé. A défaut de satisfaire à cette demande (absence de remise ou remise incomplète de l’inventaire), le gestionnaire pourra se voir appliquer des pénalités de retard prévues au cahier des charges de la concession.

L’arrêté prévoit enfin des dispositions spécifiques plus souples pour les ELD comme précisé au Titre III de l’arrêté.

[1] Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte 

[2] Tels que visés au IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales

[3] CE, 21 déc. 2012, commune de Douai, n° 342788 : le Conseil d’État a jugé dans cet qu’il résultait des dispositions de l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales que le concessionnaire est tenu de communiquer à la demande de l’autorité concédante « toutes informations utiles, notamment un inventaire précis des ouvrages de la concession ».

[4] Décret n° 2016-496 du 21 avril 2016 relatif au compte rendu annuel d’activité des concessions d’électricité, prévu à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales

[5] Cf. « Art. D. 2224-45 du Code de l’énergie tel qu’inséré par le décret du 21 avril 2016 : « L’inventaire détaillé et localisé des ouvrages, distinguant les biens de retour, les biens de reprise de la concession et les biens propres affectés au service, est communiqué, à sa demande, à l’autorité concédante par l’organisme de distribution d’électricité. Le contenu de l’inventaire et ses délais de production sont arrêtés par le ministre chargé de l’énergie, après avis des organismes représentatifs des autorités concédantes et des organismes de distribution d’électricité ».

 

 

Règlement transactionnel par le président de la Commission de régulation de l’énergie du remboursement de la contribution au service public de l’électricité

Acquittée par tous les consommateurs finals d’électricité en fonction de la quantité d’électricité consommée, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) a été introduite par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie (abrogée au 1er janvier 2016), aujourd’hui codifiée aux articles L. 121-6 à L. 121-28 du Code de l’énergie.

Cette contribution a été pensée avec pour objectif de compenser les charges résultant principalement des mesures de soutien :

  • aux énergies renouvelables et à la cogénération, et notamment les surcoûts liés aux obligations d’achat d’énergie verte pesant sur EDF et les entreprises locales de distribution ;
  • aux consommateurs des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (Corse et outre-mer) – le dispositif de péréquation tarifaire géographique ;
  • aux ménages en situation de précarité énergétique.

Les mécanismes de soutien à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ont été qualifiés d’aides d’Etat incompatibles avec le marché intérieur par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) dans un arrêt du 25 juillet 2018.

Dans une décision en date du 3 décembre 2018 (n° 399115), le Conseil d’Etat a suivi la CJUE et a confirmé le remboursement partiel de la CSPE à proportion de la part consacrée à des finalités autres que sa finalité environnementale.

A l’heure actuelle, ce sont environ 15 000 requêtes tendant au remboursement total ou partiel de la CSPE qui sont pendantes devant le Tribunal administratif de Paris.

Dans un tel contexte contentieux, le III de l’article 57 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi précisant les conditions dans lesquelles le président de la Commission de régulation de l’énergie est autorisé, en vue de mettre un terme aux litiges liés au paiement de la contribution au service public de l’électricité au titre des années 2009 à 2015, à transiger sur les demandes de restitution, selon des modalités compatibles avec le respect du principe d’égalité devant les charges publiques et du cadre tracé par l’arrêt C-103/17 rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 25 juillet 2018, et à engager le paiement des sommes correspondantes ».

L’ordonnance n° 2020-161 du 26 février 2020 relative au règlement transactionnel par le président de la Commission de régulation de l’énergie du remboursement de la contribution au service public de l’électricité est ainsi venue préciser les conditions dans lesquelles le Président de la Commission de régulation de l’énergie, en tant qu’ordonnateur, peut transiger et engager les paiements en vue de mettre un terme aux litiges liés au remboursement de parts de CSPE pour les années 2009 à 2015.

Cette ordonnance prévoit en particulier que la méthodologie applicable en vue de la conclusion des conventions transactionnelles est soumise pour avis au comité ministériel de transaction placé auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire.

S’agissant des conventions transactionnelles portant sur un montant supérieur à un million d’euros, c’est leur conclusion même qui est soumise pour avis au même comité.

Abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim

Hasard du calendrier ou pas, des requérants déboutés devant le Conseil d’Etat ont vu leur demande finalement exaucée par décret quelques jours plus tard.

L’Association Trinationale de Protection Nucléaire (ci-après, l’Association) avait saisi le ministre de la Transition écologique et solidaire, et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de demandes tendant à la suspension du fonctionnement puis à la mise à l’arrêt définitif de la centrale nucléaire de Fessenheim, exploitée par la société anonyme Electricité de France (EDF). Au soutien de ses demandes, l’Association faisait état des risques graves que cette installation présentait, selon elle, pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques et pour la protection de la nature et de l’environnement. L’Association avait par la suite saisi le Conseil d’Etat, à travers deux requêtes distinctes, afin d’obtenir l’annulation des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre, d’une part, et l’ASN, d’autre part.

Dans un arrêt en date du 12 février 2020 (n° 428414), le Conseil d’Etat rejette les requêtes jointes de l’Association en estimant qu’il ne résulte pas de l’instruction que les dysfonctionnements relevés par la requérante (à savoir le défaut de fabrication dont était affecté le générateur de vapeur n° 335, l’insuffisance du système de refroidissement de secours, l’absence de réalisation de travaux tendant à la construction de moyens d’alimentation électrique supplémentaires et enfin l’absence de réalisation d’une quatrième visite décennale) présenteraient des risques graves pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement de nature à justifier la mise en œuvre de procédures de suspension et de mise à l’arrêt définitif par les autorités saisies.

Aux termes d’un autre arrêt du même jour (n° 420452), le Conseil d’Etat rejette pareillement la requête de l’Association tendant à obtenir l’annulation pour excès de pouvoir de la décision n° CODEP-CLG-2018-012743 du 12 mars 2018 du président de l’ASN levant la suspension du certificat d’épreuve du générateur de vapeur n° 335. Sont notamment écartés les moyens invoqués par l’Association tirés de l’incompétence du président de l’ASN pour prendre une telle décision et de l’absence de base légale.

Publié au JORF quelques jours après ces deux arrêts, le 19 février 2020, le décret n° 2020-129 du 18 février 2020 portant abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim a fixé l’arrêt définitif du réacteur n° 1 au 22 février 2020 et celui du réacteur n° 2 au 30 juin 2020, abrogeant, ce faisant, aux dates indiquées, l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim octroyée à EDF.

Actualités en matière de pesticides

Plusieurs actualités relatives à la règlementation des pesticides sont à noter.

  1. Ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil sur les arrêtés anti-glyphosate : 

TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001526 (les Lilas), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002163 (Saint Denis), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002165 (L’Ile-Saint-Denis), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002059 (Montfermeil), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001852 (Sevran), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001800 (Villemomble), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001642 (Stains), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002102 (Tremblay-en-France)

 

Le 3 mars 2020, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a rendu huit ordonnances portant sur des requêtes en référé-suspension dirigées contre des arrêtés anti-glyphosate adopté par des Maires du département de Seine-Saint-Denis. Si le juge des référés a suspendu deux de ces arrêtés, six ont été maintenus.

Pour mémoire, ces décisions s’inscrivent dans un contentieux croissant relatif aux arrêtés anti-glyphosate adoptés par plusieurs Maires partout en France. Par ces arrêtés, les Maires interdisent l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques, dont le glyphosate, sur le territoire de leur commune. Dans ces espèces, le Préfet de la Seine-Saint-Denis a déféré ces arrêtés au Tribunal administratif de Montreuil, soutenant que les Maires n’étaient pas compétents pour les adopter.

En effet, aux termes de l’article L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), « l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention » des produits phytopharmaceutiques. Cette autorité est identifiée à l’article R. 253-45 de ce même code comme le Ministre chargé de l’agriculture. Le Tribunal administratif a cependant indiqué que, malgré l’existence d’un pouvoir de police spéciale attribué au Ministre, le maire reste compétent pour intervenir et adopter les mesures nécessaires à l’ordre public, notamment afin de prévenir les pollutions de toute nature, en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières (articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du Code général des collectivités territoriales).

S’agissant des produits phytopharmaceutiques, le Tribunal a considéré que « il ne saurait être sérieusement contesté que les produits phytopharmaceutiques visés par l’arrêté en litige […] constituent un danger grave pour les populations exposées ». Au regard de ce danger, les Maires sont donc fondés à adopter des mesures pour protéger leur population, d’autant plus que, comme le reconnait la juridiction, aucune mesure de police spéciale n’avait été adoptée par l’Etat pour assurer la protection des populations exposées aux produits phytopharmaceutiques à la date d’adoption des arrêtés attaqués.

Le juge des référés a également recherché si les communes justifiaient « de circonstances locales particulières » notamment en examinant si, sur le territoire des communes faisant l’objet des arrêtés, des produits phytopharmaceutiques étaient susceptibles d’être utilisés à proximité d’installations accueillant du public, en particulier des personnes vulnérables en s’assurant ainsi que les communes justifiaient « de circonstances locales particulières ». Le fait que ces circonstances existent « dans plusieurs territoires urbains [n’est] pas, par lui-même, de nature à priver ces circonstances d’un caractère local et particulier ».

Le Tribunal administratif de Montreuil suit ainsi l’analyse réalisée par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il est également à noter que ces ordonnances reprennent la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui a établi que « la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » devant être concilié par le législateur avec, notamment, la liberté d’entreprendre (CC, QPC, 31 janvier 2020, n° 2019-823, §4). Le juge des référés de Montreuil énonce que cette conciliation doit également être opérée par les autorités administratives.

D’autres décisions en la matière devraient prochainement survenir.

 

  1. Rapport de la Cour des comptes sur les plans Ecophyto

Cour des comptes, référé n° S2019-2659, 27 novembre 2019

Le 4 février 2020, la Cour des comptes a publié un rapport à l’occasion duquel elle s’est penchée sur « le bilan des plans de réduction des usages et des effets des produits phytopharmaceutiques », dits plans « Ecophyto ».

La directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable a imposé aux Etats-membres, en son article 4, d’adopter « des plans d’action nationaux pour fixer leurs objectifs quantitatifs, leurs cibles, leurs mesures et leurs calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement et d’encourager l’élaboration et l’introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l’utilisation des pesticides. […] ». La France a donc adopté les plans dits « Ecophyto » pour répondre à ces exigences : le plan Ecophyto 2018 (2009-2015), le plan Ecophyto II (2016-2018) puis le plan Ecophyto II+ adopté le 10 avril 2019.

La France s’est fixée comme objectif de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025 (article 31 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qui prévoyait une échéance à dix ans, objectif reporté à 2025 par le plan Ecophyto II du 26 octobre 2015). Toutefois, le rapport de la Cour des comptes souligne que cet objectif « est loin d’être atteint ». Au contraire, au lieu de diminuer, l’utilisation des pesticides a augmenté de 12% entre 2009 et 2016, et de 25% entre 2009 et 2018.

Le plan Ecophyto avait également fixé pour objectifs d’atteindre une proportion de 20 % de la surface agricole exploitée en agriculture biologique en 2020, et que 50 % des exploitations soient engagées en certifications environnementales en 2012 (article 31 de la loi précitée). S’agissant du premier objectif, la Cour des comptes relève que, en 2018, seules 7,5 % des surfaces agricoles sont exploitées en agriculture biologique. Quant au second objectif, seulement 12 % des exploitations agricoles se sont engagées en certification environnementale.

La Cour formule donc des recommandations à cet égard. Elle indique tout d’abord la nécessité de simplifier la mise en œuvre des plans Ecophyto et pointe l’excessive complexité administrative des dispositifs qui décourage les exploitants agricoles (notamment pour l’obtention d’aides à l’investissement) et qui morcelle les initiatives. Cette complexité est due notamment au nombre important et à la diversité des acteurs ainsi que des instruments intervenant dans la réduction des produits phytopharmaceutiques, ou encore à la diversité des sources de financement. Il est ainsi nécessaire de les rendre plus lisibles. Le rapport souligne également que « l’État pourrait davantage influer sur les modes de production et les filières par l’exercice de ses compétences normatives, de régulation et d’information ». La Cour des comptes recommande ainsi notamment d’améliorer les règles scientifiques et déontologiques d’évaluation et d’autorisation des substances actives, afin de permettre l’émergence de produits de substitution et d’organiser un meilleur accès aux données environnementales, dont celles relatives aux émissions de substances phytopharmaceutiques.

 

  1. Circulaire du 3 février 2020 sur les chartes d’engagement départementales

Instruction technique DGAL/SDQSPV/2020-87 du 3 février 2020, n° NOR AGRG2003727C

Le 3 février 2020, les ministères chargés de la transition écologique, de la santé, de l’agriculture et de l’économie ont adopté une instruction technique à destination des Préfets et de leurs services (DRAAF et DAAF) sur le renforcement de la protection des riverains susceptibles d’être exposés aux produits phytopharmaceutiques. Cette instruction insiste particulièrement sur l’élaboration des chartes d’engagement départementales.

Il convient à ce titre de préciser que, aux termes du III de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime, des mesures doivent être mises en œuvre pour protéger les riverains lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des habitations. Il est notamment indiqué dans cette disposition que : « Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d’engagements à l’échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique ». Cette obligation a été précisée par le décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 et un arrêté du même jour. En application de l’article D. 253-46-1-5 du Code de l’environnement, introduit par l’article 1er du décret précité, le Préfet de département doit approuver ces chartes, après s’être prononcé sur leur conformité aux prescriptions règlementaires et sur le caractère adapté des mesures de protection aux objectifs de l’article L. 253-8.

L’instruction technique du 3 février insiste sur la définition de distances de sécurité et sur la nécessité d’une adoption rapide des chartes départementales d’engagement. Il est notamment demandé aux Préfets et à leurs services de porter une attention particulière à la bonne concertation des différents acteurs sur les projets de charte, de vérifier qu’ils répondent aux exigences règlementaires, de privilégier la simplicité et la lisibilité des mesures prévues. L’instruction incite à la mise en place d’une coordination régionale pour l’élaboration de chartes concernant les productions agricoles dont l’unité géographique dépasse les limites d’un seul département.

Règlementation des OGM

Plusieurs associations ont demandé au Premier ministre d’abroger l’article D. 531-2 du Code de l’environnement, en ce qu’il exclut les organismes obtenus par mutagénèse du régime des organismes génétiquement modifiés (OGM) et de prononcer un moratoire sur la culture et la commercialisation des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH).

Saisi par ces associations d’une requête en annulation de la décision implicite de rejet du Premier ministre, le Conseil d’Etat s’est prononcé, à l’occasion d’un arrêt n° 388649 rendu le 7 février 2020, sur la question de la réglementation des organismes obtenus par certaines techniques de mutagénèse (1) ainsi que sur la demande des requérantes tendant à l’adoption de mesures de prévention des risques liés à la culture et la commercialisation des VRTH (2).

 

  1. Soumission à la règlementation sur les organismes génétiquement modifiés de certains organismes obtenus par mutagénèse

Les OGM, définis comme les « [organismes] dont le matériel génétique a été modifié autrement que par multiplication ou recombinaison naturelles » (article L. 531-1 C. env.), sont soumis à une règlementation spécifique, en application de la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement, laquelle impose que les OGM soient, préalablement à leur mise sur le marché et à leur dissémination, soumis à des procédures d’évaluation des risques et d’autorisation. Les OGM sont également soumis à des obligations d’information du public, d’étiquetage et de suivi.

Or, aux termes de l’article L. 531-2 du Code de l’environnement, ne sont pas soumis à cette règlementation les organismes « obtenus par des techniques qui ne sont pas considérées, de par leur caractère naturel, comme entraînant une modification génétique ou par celles qui ont fait l’objet d’une utilisation traditionnelle sans inconvénient avéré pour la santé publique ou l’environnement. / La liste de ces techniques est fixée par décret après avis du Haut Conseil des biotechnologies ». L’article D. 531-2 indique à ce titre que les organismes obtenus par mutagénèse ne sont pas soumis à la règlementation des OGM.

La mutagénèse désigne un ensemble de méthodes ou techniques destinées à obtenir des mutations génétiques chez un organisme vivant. Elle est à distinguer de la transgénèse, qui implique l’introduction dans le génome d’un organisme d’un gène issu d’une autre espèce. La mutagénèse consiste à provoquer des mutations internes à l’organisme[1].

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), que le Conseil d’Etat avait saisi d’une question préjudicielle le 3 octobre 2016 dans le cadre de la présente affaire, a considéré que « les organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes de mutagenèse doivent être considérés comme étant des OGM » (CJUE, 25 juillet 2018, Confédération paysanne et autres, n° C-528/16). La Cour européenne a toutefois précisé dans sa décision que sont exclus de la règlementation OGM « les organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes de mutagénèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ». La CJUE opère donc une distinction entre les organismes obtenus par mutagénèse selon des techniques ou méthodes dites « nouvelles » ou « traditionnellement utilisées ».

Suivant ce raisonnement, le Conseil d’Etat a donc jugé que les organismes obtenus par des techniques ou méthodes de mutagénèse récentes, c’est-à-dire qui sont apparues ou se sont développées depuis l’adoption de la directive 2001/18/CE, doivent obéir à la règlementation des OGM. Il est donc enjoint au gouvernement de modifier le Code de l’environnement en ce sens dans un délai de six mois, et d’identifier dans un délai de neuf mois les variétés de végétaux qui auraient été inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles (qui répertorie les semences pouvant être commercialisées) sans que ne soit mise en œuvre les procédures d’évaluation et d’autorisations auxquelles elles auraient dû être soumises.

 

  1. Application du principe de précaution aux variétés rendues tolérantes aux herbicides

Les associations avaient également sollicité auprès du Premier ministre un moratoire sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), par des méthodes ou techniques de mutagénèse, sur le fondement du principe de précaution. Cette demande a fait l’objet, elle aussi, d’un refus implicite qui est contesté par les requérantes devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat énonce alors que le Premier ministre, avant de refuser le moratoire, était tenu de rechercher s’il existait des éléments circonstanciés « de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution ». Le cas échéant, le Premier ministre était tenu d’agir, d’une part pour veiller à la mise en œuvre des procédures d’évaluation du risque ainsi que, d’autre part, pour vérifier que des mesures de précaution soient prises, eu égard à la plausibilité et à la gravité du risque ainsi qu’à l’intérêt que représentent ces variétés. Le Conseil d’Etat apprécie la légalité du refus du Premier ministre à la date à laquelle celui-ci s’est prononcé.

Le Conseil d’Etat relève alors que plusieurs études confirment l’existence de facteurs de risque relatifs aux VRTH, même si leur réalisation effective n’est pas connue. En effet, les VRTH peuvent entrainer l’apparition de mauvaises herbes résistant aux herbicides par dissémination du matériel génétique, ce qui entraine une utilisation accrue des pesticides. Le Premier ministre ne pouvait alors écarter l’application du principe de précaution.

La juridiction administrative enjoint donc également au Gouvernement de prendre les mesures permettant de mieux évaluer les risques liés aux VRTH, en adéquation avec les recommandations formulées par l’ANSES dans son avis du 26 novembre 2019. Il est également enjoint au Gouvernement de saisir la Commission européenne, afin d’être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH, issues de la mutagénèse, utilisées en France.

[1] Conclusions de M. L. Cytermann, rapporteur public, CE, 7 février 2020, Confédération paysanne et autres, n° 388649.

Proposition de loi européenne sur le climat fixant un objectif de neutralité carbone et consultation publique sur le Pacte pour le climat

Communiqué de presse : « S’engager à parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050 : la Commission propose une loi européenne sur le climat et lance une consultation sur le pacte européen pour le climat »

Consultation publique sur le Pacte européen pour le climat du 4 mars 2020

 

Le 4 mars 2020, la Commission européenne a présenté une proposition de loi européenne sur le climat visant à atteindre la neutralité carbone au sein de l’Union européenne. Le même jour, elle a ouvert à consultation le pacte européen pour le climat.

La loi européenne sur le climat entend fixer un objectif contraignant de neutralité carbone d’ici à 2050. A cette fin, la Commission européenne proposera, pour 2030, un nouvel objectif en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle devra également établir une trajectoire pour l’ensemble de l’Union européenne pour la période 2030-2050 en matière de réduction de gaz à effet de serre. Ensuite, la proposition de loi envisage des mécanismes de gouvernance de ces objectifs. D’abord, la Commission doit, avant juin 2021, examiner et proposer une révision des instruments d’action pertinents pour atteindre l’objectif qui sera fixé pour 2030. Ensuite, au plus tard en 2023 et tous les cinq ans, la Commission évaluera la cohérence des mesures tant nationales qu’européennes au regard de la trajectoire fixée pour la période 2030-2050. Afin de renforcer l’effectivité de ces dispositions, la Commission sera habilitée à adresser des recommandations aux Etats membres dont les actions seraient incompatibles avec les objectifs de neutralité carbone. Par ailleurs, les Etats membres auront l’obligation d’élaborer et mettre en œuvre des stratégies d’adaptation afin de renforcer la résilience aux effets adverses du changement climatique.

Le pacte européen pour le climat vise à permettre à toutes les composantes de la société civile de proposer des actions qui seraient contenues au sein d’un pacte lancé avant la COP26 de Glasgow prévue en novembre 2020.

Les estimations des mesures foncières prévues aux plans de prévention des risques technologiques ne s’imposent pas aux décisions administratives futures de mise en œuvre du plan

Le Conseil d’Etat a rendu une décision portant sur la possibilité d’invoquer les estimations des coûts des mesures foncières prévues aux plans de prévention des risques technologiques à l’appui d’une demande d’annulation de ce plan.

Le 14 novembre 2014, le préfet de l’Aude a approuvé un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) autour des sites de la société Frangaz, autorisés au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, sur la zone portuaire de la commune de Port-la-Nouvelle. La société a introduit un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Montpellier tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral. La société entendait contester la pertinence du coût estimé des futures mesures d’indemnisation des mesures foncières éventuelles, et qui figurent au PPRT.

Le 22 novembre 2016, le Tribunal administratif a rejeté la demande. Le jugement est confirmé le 13 juillet 2018 par la Cour administrative d’appel de Marseille. La société a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

On notera ici que l’article L. 515-16 du Code de l’environnement prévoit un mécanisme d’acquisition, par les personnes publiques, des biens situés dans des secteurs où se présentent des risques pour la vie humaine. D’une part, l’article L. 515-16 II permet aux propriétaires de biens situés dans des secteurs où existent des risques importants d’accident présentant un danger grave pour la vie humaine de mettre en demeure la personne publique compétente en matière d’urbanisme de procéder à l’acquisition de leur bien. D’autre part, le III du même article permet à l’Etat, lorsque le même risque représente un danger très grave pour la vie humaine, de déclarer d’utilité publique l’expropriation des biens situés dans la zone concernée, au profit de la personne publique compétente en matière d’urbanisme. Dans ce cadre légal, l’article L. 515-19 du Code de l’environnement prévoit que l’ensemble des mesures d’acquisition et expropriation susvisées sont financées par l’Etat, les exploitations d’installations à l’origine du risques et les collectivités territoriales compétentes. Le plan de prévention des risques comprend, en vertu de l’article R. 515-41 du Code de l’environnement, une estimation indicative du coût de ces mesures foncières.

Le Conseil d’Etat a alors considéré que cette estimation indicative du coût des mesures foncières n’a pas pour objet de déterminer le montant des indemnités versées aux propriétaires faisant l’objet desdites mesures foncières, ni de fixer les modalités de financement de ces mesures. Le Conseil d’Etat en conclut dès lors que l’estimation ne peut pas être opposée aux futures décisions administratives prises pour mettre en œuvre le plan et que, partant, la non-pertinence des coûts estimés ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions tendant à l’annulation du plan de prévention des risques.

Total S.A. assigné par 14 collectivités et 4 associations devant le Tribunal judiciaire de Nanterre

Le 28 janvier 2020, quatorze collectivités territoriales (douze communes, une région et un établissement public) accompagnées cinq associations ont assigné la société Total en justice sur le fondement du non-respect de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Elles demandent à titre principal que la société émette un nouveau plan de vigilance en conformité avec les exigences de la loi. A titre complémentaire, elles demandent au juge d’ordonner, sous astreinte, à Total de s’engager à réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre effectivement la neutralité carbone.

S’agissant de l’intérêt à agir des collectivités territoriales, les requérantes décrivent d’une part les risques d’atteinte grave à l’environnement, mais aussi à la santé et à la sécurité de leurs administrés. Or chacune des populations des différentes collectivités est exposée aux risques du changement climatique : les populations urbaines sont exposées aux risques liées aux pics de chaleurs ; les populations des collectivités de la région méditerranéenne sont exposées aux risques de sécheresse ; d’autres sont exposées aux risques d’inondation et de submersion.

Par ailleurs, les collectivités soulignent qu’elles sont tenues d’agir contre les effets du changement climatique au titre d’un certain nombre d’obligations :

  • d’abord, au titre des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) prévus à l’article L. 229-26 du Code de l’environnement ainsi que des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) prévus à l’article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT)
  • ensuite, les requérants rappellent que le maire est tenu d’un pouvoir de police générale tenant à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques au titre de l’article L. 2212-1 CGCT.
  • enfin, les dispositions de l’article L. 225-102-4 du Code de commerce relatives au plan de vigilance prévoient l’implication des parties prenantes de la société, y compris à l’échelle territoriale.

S’agissant des obligations relatives à la loi sur le devoir de vigilance, l’article L. 225-102-4 du Code de commerce impose à certaines sociétés d’établir un plan de vigilance et de le mettre en œuvre de manière effective. Cet article précise le contenu de ce plan, qui doit comporter les mesures de vigilance raisonnables propres à identifier les risques et prévenir les atteintes envers les droits humains, la santé et la sécurité des personnes et l’environnement.

Les requérantes estiment en premier lieu que les activités de Total contribuent à des risques d’atteintes graves envers les valeurs visées par l’article L. 225-104-4 du Code de commerce, dans la mesure où les activités de la société en feraient un des principaux émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre (GES). L’absence de prise en compte de cette considération par le plan de vigilance le rend, selon les requérants, non-conforme aux exigences légales.

En deuxième lieu, les requérantes considèrent que le plan de vigilance de Total n’est pas conforme à loi qui requiert l’identification et la prévention des risques liés au réchauffement climatique. A titre d’illustration, l’article L. 225-104-4 du Code de commerce dispose que le plan de vigilance doit comporter une cartographie des risques, absente du plan de vigilance de Total. De plus, l’assignation pointe ce qui est considéré comme des manquements dans l’identification des risques liés au changement climatique, en particulier la société se réfère à des scénarios qui ne permettent pas de se conformer à l’Accord de Paris. Enfin, les mesures d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes à l’environnement sont considérées comme insuffisantes. A titre d’exemple, l’objectif de Total d’augmentation de sa production de gaz naturel liquéfié, qui est une énergie fossile dont le potentiel de réchauffement global est 72 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, soulève des problématiques de compatibilité avec les prévisions du GIEC. Les requérantes demandent au juge d’enjoindre Total, sur le fondement de l’article L. 226-104-4, II du Code de commerce, de mettre son plan de vigilance en conformité avec les exigences légales.

A titre complémentaire, les requérantes demandent au juge de prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir le dommage écologique sur le fondement de l’article 1252 du Code civil. Ainsi, les requérantes demandent à ce que le juge ordonne à Total de publier, dans un délai de six mois, un engagement à prendre différentes actions. Elles souhaitent notamment que le juge ordonne à Total de publier et mettre en œuvre l’alignement de l’ensemble de ses activités sur la trajectoire de réduction des émissions de GES définie par le GIEC visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, ou de réduire sa production de gaz et de pétrole d’ici à 2050.

La prise en compte de l’impact écologique des processus internes du candidat dans les marchés publics

Un groupement d’intérêt public (GIP) a engagé une procédure de passation de marché public pour la location, l’installation et la maintenance de matériel de téléphonie et d’accès à internet. Ce marché devait couvrir le siège et l’ensemble des antennes du GIP. L’un des sous-critères de l’évaluation de l’offre était relatif aux « moyens apportés à l’impact écologique de la structure » dans les procédures des soumissionnaires.

L’une des sociétés soumissionnaires a vu son offre refusée et a introduit une demande de référé-précontractuel devant le Tribunal administratif de Lille au motif, entre autres, que la prise en compte d’un sous-critère d’évaluation de l’offre relatif à l’impact écologique des processus internes des candidats constitue un manquement, par le pouvoir adjudicateur, aux règles de mise en concurrence. En particulier, un tel critère aurait un caractère discriminatoire contraire à l’article R. 2152-7 du Code de la commande publique.

Le juge des référés a alors rappelé que l’article R. 2152-7 précité dispose que, pour attribuer un marché, l’acheteur peut se fonder sur une pluralité de critères non-discriminatoires liés aux conditions d’exécution du marché, comme les aspects environnementaux. Il considère que la prise en compte de l’impact écologique comme critère de choix de l’offre la plus économique avantageuse n’a pas d’effet discriminatoire, car ce critère est rendu nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations. A cet égard, la fourniture de matériels de téléphonie et d’accès à internet « implique une appréciation des conditions du recyclage de ces matériels quand ils sont obsolètes ou défectueux » [1].

Le juge des référés a dès lors rejeté, sur ce moyen ainsi que sur les autres, la requête examinée.

[1] TA Lille, §6.

Office français de la Biodiversité : publication de l’arrêté organisant la contribution financière des agences de l’eau pour l’année 2020

L’Office français de la Biodiversité (OFB), fusion de l’Agence française pour la Biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et dont nous exposions les modalités des contributions financières auprès des établissements publics des parc nationaux dans la LAJEE du mois dernier, est financé pour partie par une contribution des agences de l’eau, dans la continuité de celle versée jusqu’alors à l’AFB.

L’article 135 de la loi de finances pour 2018 (n° 2017-1837) modifiée par la loi de finances pour 2020 (n° 2019-1479) prévoit que le montant de cette contribution annuelle doit s’élever à hauteur d’un montant compris entre 321,6 et 348,6 millions d’euros.

Ce montant pour 2020 a été fixé par arrêté du 4 février 2020 à 331 894 272 d’euros. L’arrêté répartit cette somme entre les six agences de l’eau, soit des contributions allant de 19 482 194 euros à 126 020 255 euros suivant les agences. Ces contributions feront l’objet de quatre versements répartis au long de l’année, de février à novembre.

Evaluation environnementale – Conséquences pratiques de l’annulation de dispositions règlementaires relatives aux conditions d’organisation de cette évaluation : une laborieuse mise au point

Le Conseil d’Etat est désigné comme l’un des garants de la bonne transposition des Directives européennes en droit interne, à travers, notamment, l’examen des recours introduits contre les décrets dont l’objet est précisément d’effectuer ces transpositions.

L’année 2017 a, à cet égard, été une année particulièrement marquée par l’annulation, par le Conseil d’Etat, de dispositions règlementaires du Code de l’environnement et du Code de l’urbanisme, afférentes aux conditions de l’organisation de l’évaluation environnementale telle que décrite à l’article L. 122-1 du Code de l’environnement, au regard de deux directives européennes : la directive 2001/42/CE du Parlement et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement et la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

 

Plus précisément, trois arrêts importants sont à retenir :

Conseil d’Etat, 19 juillet 2017, n° 400420 – dans cet arrêt, le Conseil d’Etat annule :

  • Les articles R. 104-21 à R. 104-22 du Code de l’urbanisme issus de l’article 1er du décret du 28 décembre 2015 en tant qu’ils désignent l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement pour l’élaboration du chapitre individualisé du schéma de cohérence territoriale valant schéma de cohérence territoriale avec des documents supérieurs ;
  • Les articles R. 104-1 à R. 104-16 du Code de l’urbanisme issue du décret du 28 décembre 2015, en ce qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans tous les cas où, d’une part, les évolutions apportées au plan local d’urbanisme par la procédure de la modification et, d’autre part, la mise en compatibilité d’un document local d’urbanisme avec un document d’urbanisme supérieur, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ;
  • Le II de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015.

 

Conseil d’Etat, 6 décembre 2017, n° 400559 et Conseil d’Etat, 28 décembre 2017, n° 407601 – dans ces arrêts, le Conseil d’Etat annule les 1°, 11° et 27° de l’article 1er du décret du 28 avril 2016 en tant qu’ils maintiennent, au VI de l’article R. 122-6 du Code de l’environnement, et à l’article R. 122-27 du même Code, la désignation du préfet en région en qualité de l’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement.

Ces trois décisions, au regard notamment de leurs fortes incidences pratiques, ont largement été commentées en doctrine (voir pour quelques exemples : Constr. Urb. N°1, janv 2018 comm. 1 L. Santoni, « L’autorité environnementale doit être autonome à l’égard du maître d’ouvrage et de l’autorité compétente » ; AJDA 2017 2437, JM Pastor « La séparation des fonctions s’impose au sein des autorités compétentes en matière d’environnement » ; AJDA 2019 2223, C. Malverti & C. Beaufils « Evaluation environnementale : l’enfer vert » ; RDI 2017 498, M. Revert « Nouvelle censure de la réglementation française d’urbanisme relative à l’évaluation environnementale » ; AJDA 2019 668, MC de Montecler, « Les autorités environnementales au bord de la rupture ». )

 

L’objet ne sera donc ici pas d’en faire une nouvelle analyse, mais de faire le point, trois ans après, sur les conséquences concrètes de ces annulations, et sur les modalités permettant d’éviter une annulation contentieuse pour les porteurs de plans et projets qui ont appliqués des dispositions alors en vigueur, et qui ont vu leur procédure viciée, en cours de réalisation, du fait de l’intervention des décisions du Conseil d’Etat.

En effet, concrètement, si ces correctifs apportés par le Conseil d’Etat apparaissaient nécessaires au regard du droit européen et notamment des directives précitées, ils ont placés les porteurs de plans et projets dans une situation qui a pu leur apparaître, à certains égards, injuste. Ceux-ci ont fait une application stricte des textes alors en vigueur, mais voient, en cours de réalisation, leur projet, ou bien leur procédure d’évolution d’un plan, affecté d’un vice de procédure qu’ils ne pouvaient pas anticiper.

 

Ces difficultés sont accentuées par deux éléments.

– Le premier point ressort du fait que les décrets de substitution, qui doivent intervenir pour tenir compte de l’annulation des dispositions règlementaires du Code de l’environnement et du code de l’urbanisme, tardent à voir le jour.

Si un projet de décret relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme a été mis à la consultation en octobre 2018, il n’a pourtant pas encore été adopté.

De même, pour les dispositions du Code de l’environnement désignant l’autorité environnementale compétente, un projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale des projets a fait l’objet d’une consultation publique qui s’est achevée le 28 février dernier.

Dans cette attente, les praticiens doivent faire face à un vide juridique que le juge administratif doit combler tant bien que mal. A cet égard, la doctrine souligne que « l’article R. 122-6 demeure, pour l’heure, toujours orphelin d’une autorité environnementale compétente lorsque la décision d’autoriser le projet revient au préfet de région » (AJDA 2019 2223, C. Malverti & C. Beaufils « Evaluation environnementale : l’enfer vert »).

 

– La seconde difficulté corrélative ressort du fait que le Conseil d’Etat n’a pas, dans un premier temps, dans ses jugements des 19 juillet, 6 et 28 décembre 2017, tiré les conséquences des annulations qu’il prononçait. Il n’a, à cet égard, pas donné de feuille de route aux juges du fond et aux porteurs de projets et de plans, pour tenir compte de ces annulations, et de la soudaine imperfection procédurales qu’elles ont induits.

M. Dutheillet de Lamothe, le rapporteur public de la décision du 6 décembre 2017, avait estimé que la question devrait être traitée « au stade de l’examen particulier de chaque recours contre l’autorisation d’un projet délivré en méconnaissance de la directive ».

 

1 – L’option quasiment incontournable de la régularisation

Afin d’éviter les annulations, et corrélativement une grande perte de temps et l’obligation de reprendre la procédure dans son intégralité, le recours principal ouvert par le juge est celui de la régularisation.

Concrètement, cela implique de reprendre cette procédure, mais seulement à compter de l’étape qui est viciée, et de sceller la régularisation par l’intervention d’une nouvelle délibération, d’un nouvel arrêté, en fonction des procédures, mais qui ne seront que complémentaires, et viendront se greffer au premier pour le corriger.

En effet, l’intervention de cet acte complémentaire est en principe obligatoire l dans la mesure où le Conseil d’Etat a précisé que « seule une nouvelle délibération du conseil municipal confirmant la délibération attaquée approuvant le projet de carte communale, au vu de cet avis, est de nature à permettre la régularisation du vice relevé » (CE, n° 395963, 22 déc. 2017, Cne de Sempy).

Pour examiner les exigences et les conditions de régularisation des actes administratifs qui avaient mis en œuvre les textes alors applicables et dont la procédure est, en cours de réalisation, viciée, il convient, d’une part, d’étudier les cas liés à la sanction de la compétence du préfet de région en qualité d’autorité environnementale et, d’autre part, d’étudier la régularisation du fait de l’absence d’évaluation environnementale des procédure de modification et de mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme (PLU).

 

A. Les conditions de régularisation des actes administratifs pour lesquels le préfet de région a été désigné en qualité d’autorité environnementale

S’agissant des conséquences de la décision du 6 décembre 2017, Louis Dutheillet-de-Lamothe, dans ses conclusions sous la décision n° 420119 du 27 septembre 2018, résumait la situation comme suit :

« votre décision de décembre 2017 a créé de lourdes difficultés d’exécution pour l’administration. On pouvait penser que votre décision conduirait à confier l’ensemble des missions d’autorité environnementale dévolues aux préfets aux MRAE, mais ce n’a pas été le cas et, à ce jour, les textes n’ont toujours pas été modifiés pour les mettre en conformité avec votre interprétation de la directive 2011/92. La situation est donc particulièrement insatisfaisante : tous les projets où le préfet de région continue à être à la fois autorité environnementale et autorité qui délivre l’autorisation administrative méconnaissent le droit de l’Union européenne ».

Consécutivement à l’intervention des décisions précitées du Conseil d’Etat des 6 et 28 décembre 2017, annulant les dispositions règlementaires du Code de l’environnement en tant qu’elles maintiennent la désignation du préfet de Région en qualité d’autorité environnementale, les réactions des juridictions du fond n’ont pas été uniformes, puisque certaines décisions n’ont pas censuré la procédure dont ils étaient saisis au regard de l’avis du préfet de Région (voir en ce sens par exemple : CAA Nantes, 26 déc. 2018, n° 17NT01268 ; CAA Nantes, 1er fév. 2019).

Toutefois, la majorité des décisions soulignait l’illégalité de l’avis rendu par le préfet de Région, et déclarait donc l’illégalité de l’acte dont il était question. Ces censures sont très nombreuses, dans le mesure où elles peuvent venir affecter la procédure de l’ensemble des autorisations qui doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale, et pour lesquelles c’est le préfet de Région qui a rendu un avis en qualité d’autorité environnementale.

Ce faisant, les juges du fond renvoyaient simplement à une régularisation de la procédure, par une nouvelle saisine de l’autorité environnementale, sans préciser toutefois quelle serait cette autorité de substitution (voir en ce sens : CAA Lyon, 13 mas 2018, n° 16LY03067), alors même que, pour l’heure, aucun décret n’est venu remplacer les dispositions annulées de l’article R. 122-6 du Code de l’environnement.

Il faut relever cependant que, le fait d’inviter à une régularisation, même sans désigner l’autorité environnementale compétente, restait tout de même une option préférable à celle d’une annulation parfois pure et simple de l’acte en cause du fait de la saisine pour avis du préfet de Région (voir en ce sens pour une annulation sans régularisation : CAA LYON, 15 mai 2018, n°16LY03067).

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt n° 420119, du 27 septembre 2018, a mis fin à ces difficultés en indiquant quelle autorité lui apparaissait présenter les garanties d’impartialité requises par le droit européen : la mission régionale de l’autorité environnementale (MRAe).

 

Concrètement donc, la régularisation doit suivre les étapes suivantes :

  • Saisir pour avis de la MRAe ;
  • Consécutivement à cet avis : organiser une nouvelle enquête publique pour compléter l’information incomplète délivrée au public lors de la première enquête ;
  • Adopter d’un acte complémentaire, venant se greffer au premier pour le régulariser.

Toutefois, conscient de la lourdeur de l’organisation d’une nouvelle enquête publique, alors même que, dans bien des cas, le nouvel avis rendu par la MRAe ne diffère pas substantiellement de celui du préfet de Région, le Conseil d’Etat a, dans un avis n° 420119 du 27 septembre 2018, allégé la procédure de régularisation, s’agissant des modalités permettant de compléter l’information du public.

Dans cet avis, le Conseil d’Etat propose de n’organiser, dans ces procédures de régularisation, qu’une enquête publique complémentaire telle qu’elle est prévue par les article L. 123-14 et R. 123-23. Cette enquête complémentaire ne doit se tenir que pendant un délai de quinze jours (contre trente dans une procédure normale), et le commissaire enquêteur n’a que quinze jours (contre, là encore, trente dans une procédure normale) pour rendre son avis. Le gain de temps n’est donc pas négligeable. Il n’est, en tout état de cause, donc plus nécessaire d’organiser une toute nouvelle enquête publique.

Mais le Conseil d’Etat dans son avis va plus loin, puisqu’il précise que, dans le cas où aucune modification substantielle n’aurait été apportée à l’avis, l’information du public sur le nouvel avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation pourra prendre la forme d’une simple publication sur internet, dans les conditions prévues à l’article R. 122-7 du ode de l’environnement.

Cet avis a été confirmé par une décision du 27 mai 2019, n° 420554.

 

Pour résumer donc, à l’issue de ce cheminement jurisprudentiel, la régularisation doit concrètement respecter les formes suivantes :

  • Saisine pour avis de la MRAe ;
  • Consécutivement à cet avis : organisation soit d’une enquête publique complémentaire, soit, si le nouvel avis ne diffère pas substantiellement du premier, d’une simple mise à disposition sur internet ;
  • Adoption d’un acte complémentaire, venant se greffer au premier pour le régulariser.

Dans le cas de l’identification d’une telle difficulté, il convient donc d’anticiper ce point, en procédant, notamment, si le moyen est soulevé au contentieux, à la régularisation de la procédure (qui sera immanquablement regardée comme viciée) sans attendre que le juge y invite les parties.

 

B. Les conditions de régularisation des procédures de modification ou et de mise en compatibilité des PLU qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale

La décision du 19 juillet 2017, n° 400420, a eu moins d’écho que celles relatives à l’autorité environnementale, dans la mesure où les articles règlementaires du code de l’urbanisme annulés ne sont susceptibles d’impacter que les procédures de modification et de mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme.

Ce faisant, la jurisprudence est largement moins nombreuse, et les modalités de régularisation peinent à voir le jour.

Pour rappel par cette décision, le Conseil d’Etat a annulé les articles R. 104-1 à R. 104-16 du Code de l’urbanisme issus du décret du 28 décembre 2015, en ce qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans tous les cas où les évolutions apportées au plan d’urbanisme par la procédure de modification sont susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001.

En effet, ces dispositions n’imposaient la réalisation d’une évaluation environnementale en cas de modification du PLU que lorsque cette modification permettait la réalisation de travaux susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 et n’en imposait pas dans les cas de mise en compatibilité.

Toutefois donc, en annulant les dispositions des articles R. 104-1 à R. 104-16 du Code de l’urbanisme, il est loisible de considérer la décision du 19 juillet 2017 du Conseil d’Etat ne rend pas de facto illégale toute procédure qui a été menée sous l’empire des anciennes règles concernant les conditions d’organisation des évaluations environnementales.

A cet égard, en l’absence de nouvelles précisions règlementaires de substitution, seul l’article L. 104-3 du Code de l’urbanisme est susceptible d’éclairer les collectivités, sans détail précis toutefois, sur les cas dans lesquels une procédure de modification ou de mise en compatibilité du PLU devra faire l’objet d’une évaluation environnementale :

« Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement, au sens de l’annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d’évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l’évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration ».

Toutefois, il en ressort une constatation : s’il est établi que la procédure de modification ou de mise en compatibilité du PLU n’est pas susceptible d’avoir des effets notables sur l’environnement, alors il n’est pas nécessaire de la soumettre à l’organisation d’une évaluation environnementale.

Ce faisant, nous pensons que si l’autorité en charge de la modification ou de la mise en compatibilité du PLU parvient, au contentieux, à démontrer que la procédure en cause n’emportait pas de modification susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement, alors la juridiction pourra écarter le moyen de l’absence d’évaluation environnementale sans passer par la phase régularisation.

Ce n’est pourtant pas, pour l’heure, l’option choisie par les rares jugements qui existent en la matière.

Nous pouvons en citer deux dont nous avons connaissance et qui sont des jugements avant dire droit : TA Cergy-Pontoise, 14 mars 2019, n° 1606053 et TA Montreuil, 16 octobre 2019, n° 1806829.

Dans ces jugements avant dire droit, c’est-à-dire à l’occasion desquels la juridiction sursoit à statuer dans l’attente d’une régularisation sur le fondement de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, les tribunaux en cause ont entendu procéder à un tel sursis (sans réellement rechercher si la procédure en cause était susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement), invitant alors les parties à saisir les autorités compétentes d’un examen au cas par cas, à l’issu duquel doit donc être déterminé si la procédure devait ou non faire l’objet d’une évaluation environnementale.

La régularisation devra alors prendre deux formes très différentes :

  • Soit l’examen au cas par cas abouti à la dispense d’évaluation environnementale : dans ce cas de figure, ne restera plus qu’à adopter une délibération complémentaire confirmant le sens de la première ;
  • Soit l’examen au cas par cas abouti à l’obligation d’organiser une évaluation environnementale : les difficultés se feront alors nécessairement bien plus grandes, puisqu’il faudra alors organiser une évaluation environnementale, impliquant, principalement, la rédaction d’une étude d’impact, la saisine pour avis de l’autorité environnementale, l’organisation d’une enquête publique, etc.

 

Dans ce dernier cas de figure, la régularisation prendra a minima une à deux années.

Partant, en pareil cas, et dans l’hypothèse où le moyen est soulevé au contentieux, il apparaît particulièrement judicieux de pouvoir, sans attendre que le juge puisse y inviter les défendeurs, saisir l’autorité compétente de l’examen au cas par cas afin de disposer rapidement de son avis, et de pouvoir avoir rapidement une visibilité sur les implications de ce vice de procédure.

 

2 – L’éventualité d’un « Danthonysation »

L’option la plus courante pour éviter l’annulation des actes administratifs impactés par ces jurisprudences des 19 juillet, 6 et 28 décembre 2017 du Conseil d’Etat est donc la voie de la régularisation.

Toutefois, il convient de ne pas oublier la possibilité de faire application de la jurisprudence Danthony (CE, 23 déc. 2011, n°335033), qui permet au juge de ne pas annuler un acte au regard d’un vice de procédure qui, s’il est établi, n’a pas été susceptible d’avoir une influence sur le sens de la décision, et n’a pas été de nature à priver le public d’une garantie.

En faisant application de cette jurisprudence, la juridiction administrative n’aurait pas à inviter le défendeur à procéder à une régularisation de son acte, il n’aurait qu’à constater l’existence du vice, mais l’absence d’incidence de ce vice sur le sens de la décision et sur les garanties du public.

S’agissant du vice de procédure tenant à la saisine du préfet de Région en qualité d’autorité environnementale, il faut noter que si la jurisprudence Danthony n’a jamais encore trouvé à s’appliquer, le Conseil d’Etat a, semble-t-il, ouvert cette possibilité (CE, 21 août 2019, n°406892 – Constr. Urb, n°10 – octobre 2019 – L. Santoni « Evaluation environnementale : quelle Danthonysation du vice d’incompétence du préfet de Région »).

Il conviendra donc, dans pareil contentieux, de s’interroger sur la possibilité de faire « Danthonyser » le moyen, la mise en œuvre de cette jurisprudence induisant évidemment un gain de temps important.

S’agissant, par ailleurs, du vice de procédure tenant à l’absence d’évaluation environnementale des procédures de modification ou de mise en compatibilité d’un PLU, si la jurisprudence Danthony n’a pour l’heure jamais été appliquée dans ces contentieux, il semble qu’elle y ait pourtant toute sa place.

En effet, si la demande d’examen au cas par cas sollicitée au titre de la régularisation fait ressortir la dispense d’évaluation environnementale, alors il pourra très facilement être soutenu que l’absence de mise en œuvre initiale de l’examen au cas par cas, et l’absence corrélative d’évaluation environnementale, n’a eu aucune incidence sur le sens de la décision, et n’a pas privé le public d’une garantie dans la mesure où, en pareil situation, le dossier d’enquête publique n’aurait été complété que de la justification de la dispense d’évaluation environnementale après examen au cas par cas.

Par Emmanuelle Baron

Tribune du Médiateur national de l’énergie « En finir avec le démarchage abusif en matière de fourniture d’énergie »

Baromètre Energie-Info 2019

 

Dans sa tribune en date du 24 février 2020, le Médiateur National de l’Energie crie haro sur le démarchage abusif en matière de fourniture d’énergie, dans un contexte de fin des tarifs réglementés de gaz naturel d’ici le 1er juillet 2023.

Les chiffres du baromètre Energie-Info de 2019 témoignent de l’augmentation du démarchage sur le marché de l’énergie : ainsi, en 2019, 61% des consommateurs ont été sollicités pour souscrire à une offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel, dont 29 % à domicile. A titre de comparaison, en 2018, ils étaient seulement 56%, et 36% en 2017, à être sollicités.

Une telle augmentation se reflète dans le nombre croissant de saisines du Médiateur National de l’Energie : 1883 litiges en 2019, contre 1416 en 2018, avec pour leitmotiv l’absence de consentement des consommateurs aux souscriptions en cause.

Pour lutter contre le fléau des pratiques frauduleuses en la matière, le Médiateur National de l’Energie prône l’interdiction totale du démarchage à domicile s’agissant de la fourniture d’électricité et de gaz. Si une telle mesure était prise, elle rejoindrait le chapelet d’activités interdites au démarchage à domicile citées par le Médiateur National de l’Energie : contrats portant sur les services sociaux et de santé, sur la fourniture de denrées alimentaires, sur les jeux d’argent et de hasard, ou sur les services financiers.

A défaut d’une interdiction totale du démarchage à domicile, le Médiateur National de l’Energie préconise la mise en place de quatre mesures :

  • L’interdiction stricte pour les démarcheurs de recueillir la signature des consommateurs démarchés directement et sur les lieux du démarchage : le projet de contrat de fourniture de gaz ou d’électricité devrait être envoyé exclusivement par courriel ou courrier, et hors la présence du démarcheur ;
  • L’interdiction de commencer l’exécution du nouveau contrat de fourniture d’électricité ou de gaz avant l’expiration du délai de rétractation du consommateur (sauf en cas d’emménagement) ;
  • La nullité absolue de tout contrat de fourniture d’électricité ou de gaz qui aurait été souscrit sans respecter les règles sus-indiquées et la réactivation sans délai du contrat avec l’ancien fournisseur évincé ;
  • La création d’une sanction administrative de retrait de l’autorisation de fourniture d’énergie en cas de pratiques de démarchage frauduleuses des fournisseurs, en complément des amendes infligées par l’Administration (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

Précisions du juge administratif sur le terme T de la redevance R2 prévue par les contrats de concession relatifs à la distribution publique d’électricité

Dans un arrêt en date du 13 février 2020, la Cour administrative d’appel de Nantes (ci-après, la CAA de Nantes) a annulé trois jugements rendus par le Tribunal administratif de Nantes et apporté d’utiles précisions sur l’interprétation du terme T de la redevance d’investissement dite « R 2 » prévue par les contrats de concession relatifs à la distribution publique d’électricité.

Ces contrats comportent en effet une redevance R2 versée par le concessionnaire à l’autorité concédante en contrepartie des travaux réalisés sur le réseau de distribution publique d’électricité, et dans l’intérêt dudit réseau, sous maîtrise d’ouvrage de l’autorité concédante. Cette redevance R2 est calculée par l’application d’une formule mathématique constituée de plusieurs termes et figure à l’annexe 1 du cahier des charges des contrats de concession établis sur la base du modèle négocié en 1992 par EDF et la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (modèle applicable dans l’affaire ici jugée ainsi qu’aujourd’hui encore sur plusieurs territoires , quoique ce modèle ait été révisé en décembre 2017 en supprimant, notamment, le terme « T » objet de la présente affaire).

Ladite formule comporte un terme « T » contractuellement défini comme le « produit net des taxes municipales sur l’électricité sur le territoire de la concession, ayant fait l’objet de titres de recettes de l’autorité concédante l’année pénultième ; T ne peut toutefois être inférieur au produit net des taxes municipales sur l’électricité sur le territoire des communes rurales de la concession ». Le terme T vient en déduction de la formule de calcul de la redevance R 2 puisqu’il est soustrait aux autres termes de calcul de la cette redevance. Ainsi que la CAA de Nantes le relève dans sa décision, « plus « T » est faible, plus la part « R2 » de la redevance est élevée » (considérant n°4).

On rappellera également que la taxe visée par le terme T en cause est, actuellement, la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (ci-après, TCCFE) mentionnée à l’article L. 2333-2 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT). Dans les communes de plus de 2000 habitants, sauf délibération contraire, la taxe est perçue et conservée par la commune, et ce, même si elle a transféré sa compétence d’AODE à un Syndicat ou à un établissement public de coopération communale à fiscalité propre et ne l’exerce donc plus. La commune et l’AODE pouvant néanmoins, par délibérations concordantes, autoriser l’AODE à percevoir ladite TCCFE et à la conserver en tout ou partie.

Dans les affaires qui avaient été soumises au Tribunal administratif de Nantes, étaient en cause trois contrats de concession conclus par trois communes ayant, ensuite, transféré leur compétence d’AODE ainsi que les contrats de distribution publique d’électricité à Nantes Métropole. Cependant, ces trois communes, de plus de 2000 habitants, avaient, malgré le transfert de leur compétence d’AODE à Nantes Métropole, décidé de continuer à percevoir elle-même et de conserver la TCCFE correspondant à leur territoire.

Ne percevant aucun montant de TCCFE au titre de ces trois communes, Nantes Métropole avait décidé, au titre de la redevance R2 des années 2015 et 2016, de ne déduire de la redevance R2 aucune somme au titre du terme T. La société Enedis a contesté ce raisonnement et introduit des recours en annulation contre ces deux titres exécutoire auprès du Tribunal administratif de Nantes.

Dans deux jugements du 23 mai 2018, le Tribunal administratif avait censuré ce raisonnement en considérant que « le montant de la redevance R2 doit être calculé en déduisant du montant des investissements réalisés par l’autorité concédante le produit des taxes communales sur la consommation finale d’électricité recouvrées respectivement sur le territoire des communes de Nantes, Rezé et Indre, alors même que ces communes ont émis les titres de recette en vue du recouvrement de ces taxes et qu’elles en conservent le produit »(voir notre commentaire dans la Lettre d’Actualité Energie et Environnement du mois de septembre 2018).

La CAA de Nantes annule les jugements rendus par le Tribunal et considère, au contraire, que c’est à bon droit que Nantes Métropole a intégré un terme T nul. La Cour relève en effet que le fait pour les trois communes d’avoir transféré la compétence d’AODE à Nantes Métropole tout en décidant de conserver la perception de la TCCFE avait eu pour conséquence une dissociation entre le bénéficiaire de la taxe et l’autorité concédante. Or, pour la Cour, il y a lieu de s’en tenir à la lettre et à l’esprit du contrat qui définit le terme T comme visant le montant de TCCFE effectivement perçu par l’autorité concédante, soit Nantes Métropole en l’occurrence.

Cette précision est utilement apportée dans le contexte de renouvellement des concessions de distribution publique d’électricité en cours, dans lequel il est pertinent pour l’AODE qui envisage de renouveler sa concession de comparer justement les redevances issues de son contrat de concession en cours et celles issues du nouveau modèle.

Actualités autour de la « petite hydroélectricité »

CRE, délibération n ° 2020-022 du 30 janvier 2020 portant avis sur les projets de décret et d’arrêté fixant respectivement le cadre réglementaire et les conditions du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations rénovées de puissance électrique supérieure ou égale à 1 MW utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement

 

Deux éléments d’actualité intéressant la « petite hydroélectricité », c’est-à-dire l’hydroélectricité résultant d’installations dont la puissance est inférieure à 4,5 MW, doivent être signalés.

D’une part, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) vient de publier un rapport intitulé « Coûts et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale ».

L’analyse réalisée par la CRE a vocation à établir les niveaux de référence des coûts et de rentabilité de la petite hydroélectricité dans le but notamment de disposer des données nécessaires à la définition des modalités économiques du dispositif de soutien dédié aux installations rénovées de plus de 1 MW envisagé par la Direction générale de l’énergie et du climat du Ministère de la Transition écologique et solidaire, et ce sur la base de l’audit d’un panel de 94 installations.

La CRE y souligne que la filière hydroélectrique se caractérise par une forte hétérogénéité des installations et des contextes locaux, laquelle hétérogénéité se répercute sur les coûts d’investissement et d’exploitation ainsi que sur la production de chaque installation.

Compte tenu de la difficulté de déterminer des niveaux de rémunération pertinents malgré cette hétérogénéité, la CRE conclut notamment au fait que l’organisation d’appels d’offres apparaît comme la voie de soutien adaptée.

D’autre part, et dans le prolongement du rapport susmentionné, la CRE a adopté une délibération du 30 janvier 2020 portant avis du régulateur sur les projets de décret et d’arrêté relatifs au cadre réglementaire et aux conditions du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations rénovées de puissance électrique supérieure ou égale à 1 MW utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement, tous deux transmis le 4 novembre 2019 par Madame la Ministre de la Transition écologique et solidaire.

Le soutien à la petite hydroélectricité (c’est-à-dire l’hydroélectricité produite à partir d’installations de puissance inférieure à 4,5 MW, comme précédemment indiqué) est aujourd’hui organisé au travers :

  • d’un arrêté tarifaire pour les installations neuves et rénovées de puissance strictement inférieure à 1 MW ;
  • d’un appel d’offres pluriannuel pour les installations neuves de puissance supérieure à 1 MW.

 

Cependant, depuis le lancement en 2017 d’un appel d’offres (toujours en cours), il n’existe plus de mécanisme de soutien aux installations rénovées de puissance supérieure à 1 MW. C’est donc l’objet des projets de décret et d’arrêté soumis à la CRE.

Le dispositif de soutien envisagé exclut de son champ d’application les installations utilisant l’énergie hydrocinétique des cours d’eau, les installations turbinant les débits minimaux (mentionnés à l’article à l’article L. 214-18 du Code de l’environnement) ainsi que celles disposant d’un système de stockage par pompage nécessitant de l’énergie pour leur remplissage. Par ailleurs, les installations utilisant un dispositif de stockage de l’électricité ne sont pas autorisées pour bénéficier du mécanisme de soutien.

Ceci précisé, la segmentation retenue dans le projet d’arrêté établit une distinction entre les installations de haute chute (supérieure à 30 mètres) et de basse chute (inférieure à 30 mètres).

Puis, au terme d’une analyse économique du dispositif de complément de rémunération qui lui est proposé, la CRE formule un certain nombre de critiques et « recommande la mise en place d’une structure de rémunération différente de celle prévue par le projet d’arrêté, constituée d’un tarif de référence plafonné à 3000 heures équivalent pleine puissance et complété d’un tarif marginal plus faible pour la production excédentaire. Cette solution permet de garantir une rentabilité raisonnable pour une plage large et représentative de productible ».

Subsidiairement, si sa préconisation n’était pas retenue, la CRE recommande « a minima une révision des tarifs de référence prévus par le projet d’arrêté, conformément aux niveaux calculés au paragraphe 5.3 [de la délibération] et d’introduire le plafonnement d’heures ouvrant droit au complément de rémunération, en l’annualisant avec un mécanisme de report ».

Par ailleurs, la CRE recommande d’apporter quelques aménagements au projet d’arrêté, s’agissant :

  • de la prime de gestion, qu’elle recommande de fixer à 1 €/MWh,
  • des modalités d’indexation, qu’elle propose d’adapter selon le niveau d’investissement réalisé,
  • du plafonnement de l’énergie produite pour le calcul du complément de rémunération, qu’elle recommande de revoir à la baisse et d’annualiser,
  • et enfin du coefficient de puissance pour la compensation des heures de prix négatifs, qu’elle propose de revoir à la baisse.

 

Enfin, la CRE propose d’amender l’arrêté déjà en vigueur pour les installations neuves et rénovées de moins d’1 MW (dit « arrêté H16 »), conjointement à la création d’un guichet ouvert pour les installations rénovées de plus d’1 MW.

Publication de divers rapports concernant la consommation et la production énergétiques

RTE, Bilan électrique 2019

Panorama de l’électricité au 31 décembre 2019

 

Plusieurs rapports intéressant la consommation et la production énergétiques, et en particulier la production d’énergie d’origine renouvelable, ont été publiés dans le courant du mois de février 2020.

Tout d’abord, à l’occasion des Assises de la transition énergétique qui se sont tenues les 28, 29 et 30 janvier 2020, l’ADEME a mis à jour son étude réalisée en 2017 sur le « Coût des énergies renouvelables et de récupération en France ».

Cette étude souligne que le coût des énergies renouvelables poursuit sa baisse rapide, et que certaines filières (photovoltaïque, éolien terrestre ou bois énergie) sont aujourd’hui moins chères que les technologies conventionnelles. L’étude fait également état des coûts de production des différentes filières de production de chaleur, d’électricité et de gaz renouvelables.

 

Ensuite, la société RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, vient de publier son « bilan électrique 2019 ».

Il résulte notamment dudit bilan que la consommation d’électricité française, corrigée de l’aléa météorologique, s’élève pour 2019 à 473 TWh, soit un recul de 0,5 % par rapport à 2018. Même si le niveau est relativement stable par rapport aux années précédentes, il s’agit du plus bas niveau depuis 10 ans.

Comme les années précédentes, le secteur le plus consommateur en électricité demeure le secteur des entreprises et des professionnels (47%), suivi par le résidentiel avec près de 36% de la consommation finale d’électricité, et enfin la grande industrie qui représente 17% du volume total.

Il résulte encore de ce rapport de RTE qu’en 2019, la production nucléaire annuelle a connu une baisse de 3,5% (13,7 TWh) par rapport à l’année passée. La production hydraulique a également connu une diminution de 12,1% par rapport à 2018, année durant laquelle les conditions climatiques avaient été particulièrement favorables pour cette filière de production.

La production éolienne a quant à elle progressé de 21,2% par rapport à 2018. RTE estimant que cette augmentation s’explique non seulement par la croissance du parc mais également par des conditions météorologiques particulièrement favorables à cette filière en 2019. De même, la production d’électricité d’origine solaire est en hausse de 7,8% sur l’année 2019 et atteint 11,6 TWh.

Enfin, s’agissant toujours des énergies renouvelables, un 21ème « Panorama de l’électricité » a été publié avec les données au 31 décembre 2019, élaboré par RTE, le SER (Syndicat des énergies renouvelables), Enedis, l’ADEeF (Association des distributeurs d’électricité en France) et l’Agence ORE (Opérateurs de Réseaux d’Energie).

Ce rapport présente, s’agissant du dernier trimestre 2019, un état des lieux détaillé des principales filières de production d’électricité de source renouvelable, tant à l’échelle régionale que nationale.