le 18/03/2020

Immixtion fautive du maître d’ouvrage – Rappel des conditions à remplir

Cass. Civ., 3ème, 13 février 2020, n° 19-10294

Cette décision vient illustrer et rappeler les conditions d’applicabilité de l’une des causes d’exonération de la responsabilité des constructeurs, souvent invoquée par eux : l’immixtion fautive du Maître d’ouvrage. 

L’article 1792 du Code civil prévoit en effet que les constructeurs peuvent s’exonérer, totalement ou plus généralement partiellement, de leur responsabilité décennale en démontrant l’existence d’une cause étrangère ayant contribué au dommage, telle que la force majeure, le fait d’un tiers ou la faute du Maître d’ouvrage.  

Dans ce dernier cas, pour pouvoir imputer au Maître d’ouvrage une part de responsabilité, le juge judiciaire exige que (i) il se soit immiscé dans les travaux litigieux, (ii) cette immixtion soit fautive et (iii) il soit notoirement compétent en matière de construction.  

 

C’est sur cette troisième condition que la Cour est revenue en sanctionnant la Cour d’appel :  

« Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi M. J… avait excédé son rôle de maître de l’ouvrage en demandant aux constructeurs de satisfaire certains souhaits pour des raisons pratiques, qu’il leur appartenait le cas échéant de refuser s’ils les estimaient inconcevables techniquement, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, s’il était notoirement compétent en matière de construction, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». 

Ainsi, il était insuffisant de seulement relever que le Maître d’ouvrage avait « exigé de l’architecte et de l’entreprise que la pente au sol vers le siphon fût la plus légère possible » et « la pose de plinthes droites pour des raisons de commodité du déplacement du matériel », alors même qu’il n’avait pas été recherché s’il disposait de connaissances techniques particulières dans les domaines concernés par les désordres.  

Il s’agit là d’un principe classique qui connaît des illustrations régulières en jurisprudence (voir par exemple Cass. 3ème civ., 19 septembre 2019, n° 18-15710).  

Enfin, à titre de parallèle, cette cause d’exonération de responsabilité trouve également à s’appliquer devant le juge administratif, lequel peut se montrer parfois plus sévère à l’égard du Maître d’ouvrage, probablement en raison de l’existence de services techniques compétents pouvant les assister dans leur projet. 

L’immixtion fautive du Maître d’ouvrage n’est pas pour autant systématiquement retenue comme l’illustre la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 25 juillet 2019 (n° 17BX01725), que nous avions évoquée dans notre lettre d’actualité juridique de septembre dernier.