le 05/03/2020

Total S.A. assigné par 14 collectivités et 4 associations devant le Tribunal judiciaire de Nanterre

Communiqué de presse, 2 mars 2020, Notre Affaire à Tous

Le 28 janvier 2020, quatorze collectivités territoriales (douze communes, une région et un établissement public) accompagnées cinq associations ont assigné la société Total en justice sur le fondement du non-respect de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Elles demandent à titre principal que la société émette un nouveau plan de vigilance en conformité avec les exigences de la loi. A titre complémentaire, elles demandent au juge d’ordonner, sous astreinte, à Total de s’engager à réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre effectivement la neutralité carbone.

S’agissant de l’intérêt à agir des collectivités territoriales, les requérantes décrivent d’une part les risques d’atteinte grave à l’environnement, mais aussi à la santé et à la sécurité de leurs administrés. Or chacune des populations des différentes collectivités est exposée aux risques du changement climatique : les populations urbaines sont exposées aux risques liées aux pics de chaleurs ; les populations des collectivités de la région méditerranéenne sont exposées aux risques de sécheresse ; d’autres sont exposées aux risques d’inondation et de submersion.

Par ailleurs, les collectivités soulignent qu’elles sont tenues d’agir contre les effets du changement climatique au titre d’un certain nombre d’obligations :

  • d’abord, au titre des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) prévus à l’article L. 229-26 du Code de l’environnement ainsi que des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) prévus à l’article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT)
  • ensuite, les requérants rappellent que le maire est tenu d’un pouvoir de police générale tenant à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques au titre de l’article L. 2212-1 CGCT.
  • enfin, les dispositions de l’article L. 225-102-4 du Code de commerce relatives au plan de vigilance prévoient l’implication des parties prenantes de la société, y compris à l’échelle territoriale.

S’agissant des obligations relatives à la loi sur le devoir de vigilance, l’article L. 225-102-4 du Code de commerce impose à certaines sociétés d’établir un plan de vigilance et de le mettre en œuvre de manière effective. Cet article précise le contenu de ce plan, qui doit comporter les mesures de vigilance raisonnables propres à identifier les risques et prévenir les atteintes envers les droits humains, la santé et la sécurité des personnes et l’environnement.

Les requérantes estiment en premier lieu que les activités de Total contribuent à des risques d’atteintes graves envers les valeurs visées par l’article L. 225-104-4 du Code de commerce, dans la mesure où les activités de la société en feraient un des principaux émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre (GES). L’absence de prise en compte de cette considération par le plan de vigilance le rend, selon les requérants, non-conforme aux exigences légales.

En deuxième lieu, les requérantes considèrent que le plan de vigilance de Total n’est pas conforme à loi qui requiert l’identification et la prévention des risques liés au réchauffement climatique. A titre d’illustration, l’article L. 225-104-4 du Code de commerce dispose que le plan de vigilance doit comporter une cartographie des risques, absente du plan de vigilance de Total. De plus, l’assignation pointe ce qui est considéré comme des manquements dans l’identification des risques liés au changement climatique, en particulier la société se réfère à des scénarios qui ne permettent pas de se conformer à l’Accord de Paris. Enfin, les mesures d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes à l’environnement sont considérées comme insuffisantes. A titre d’exemple, l’objectif de Total d’augmentation de sa production de gaz naturel liquéfié, qui est une énergie fossile dont le potentiel de réchauffement global est 72 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, soulève des problématiques de compatibilité avec les prévisions du GIEC. Les requérantes demandent au juge d’enjoindre Total, sur le fondement de l’article L. 226-104-4, II du Code de commerce, de mettre son plan de vigilance en conformité avec les exigences légales.

A titre complémentaire, les requérantes demandent au juge de prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir le dommage écologique sur le fondement de l’article 1252 du Code civil. Ainsi, les requérantes demandent à ce que le juge ordonne à Total de publier, dans un délai de six mois, un engagement à prendre différentes actions. Elles souhaitent notamment que le juge ordonne à Total de publier et mettre en œuvre l’alignement de l’ensemble de ses activités sur la trajectoire de réduction des émissions de GES définie par le GIEC visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, ou de réduire sa production de gaz et de pétrole d’ici à 2050.