le 05/03/2020

Actualités en matière de pesticides

Plusieurs actualités relatives à la règlementation des pesticides sont à noter.

  1. Ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil sur les arrêtés anti-glyphosate : 

TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001526 (les Lilas), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002163 (Saint Denis), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002165 (L’Ile-Saint-Denis), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002059 (Montfermeil), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001852 (Sevran), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001800 (Villemomble), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2001642 (Stains), TA Montreuil, 3 mars 2020, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2002102 (Tremblay-en-France)

 

Le 3 mars 2020, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a rendu huit ordonnances portant sur des requêtes en référé-suspension dirigées contre des arrêtés anti-glyphosate adopté par des Maires du département de Seine-Saint-Denis. Si le juge des référés a suspendu deux de ces arrêtés, six ont été maintenus.

Pour mémoire, ces décisions s’inscrivent dans un contentieux croissant relatif aux arrêtés anti-glyphosate adoptés par plusieurs Maires partout en France. Par ces arrêtés, les Maires interdisent l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques, dont le glyphosate, sur le territoire de leur commune. Dans ces espèces, le Préfet de la Seine-Saint-Denis a déféré ces arrêtés au Tribunal administratif de Montreuil, soutenant que les Maires n’étaient pas compétents pour les adopter.

En effet, aux termes de l’article L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), « l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention » des produits phytopharmaceutiques. Cette autorité est identifiée à l’article R. 253-45 de ce même code comme le Ministre chargé de l’agriculture. Le Tribunal administratif a cependant indiqué que, malgré l’existence d’un pouvoir de police spéciale attribué au Ministre, le maire reste compétent pour intervenir et adopter les mesures nécessaires à l’ordre public, notamment afin de prévenir les pollutions de toute nature, en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières (articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du Code général des collectivités territoriales).

S’agissant des produits phytopharmaceutiques, le Tribunal a considéré que « il ne saurait être sérieusement contesté que les produits phytopharmaceutiques visés par l’arrêté en litige […] constituent un danger grave pour les populations exposées ». Au regard de ce danger, les Maires sont donc fondés à adopter des mesures pour protéger leur population, d’autant plus que, comme le reconnait la juridiction, aucune mesure de police spéciale n’avait été adoptée par l’Etat pour assurer la protection des populations exposées aux produits phytopharmaceutiques à la date d’adoption des arrêtés attaqués.

Le juge des référés a également recherché si les communes justifiaient « de circonstances locales particulières » notamment en examinant si, sur le territoire des communes faisant l’objet des arrêtés, des produits phytopharmaceutiques étaient susceptibles d’être utilisés à proximité d’installations accueillant du public, en particulier des personnes vulnérables en s’assurant ainsi que les communes justifiaient « de circonstances locales particulières ». Le fait que ces circonstances existent « dans plusieurs territoires urbains [n’est] pas, par lui-même, de nature à priver ces circonstances d’un caractère local et particulier ».

Le Tribunal administratif de Montreuil suit ainsi l’analyse réalisée par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il est également à noter que ces ordonnances reprennent la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui a établi que « la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » devant être concilié par le législateur avec, notamment, la liberté d’entreprendre (CC, QPC, 31 janvier 2020, n° 2019-823, §4). Le juge des référés de Montreuil énonce que cette conciliation doit également être opérée par les autorités administratives.

D’autres décisions en la matière devraient prochainement survenir.

 

  1. Rapport de la Cour des comptes sur les plans Ecophyto

Cour des comptes, référé n° S2019-2659, 27 novembre 2019

Le 4 février 2020, la Cour des comptes a publié un rapport à l’occasion duquel elle s’est penchée sur « le bilan des plans de réduction des usages et des effets des produits phytopharmaceutiques », dits plans « Ecophyto ».

La directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable a imposé aux Etats-membres, en son article 4, d’adopter « des plans d’action nationaux pour fixer leurs objectifs quantitatifs, leurs cibles, leurs mesures et leurs calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement et d’encourager l’élaboration et l’introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l’utilisation des pesticides. […] ». La France a donc adopté les plans dits « Ecophyto » pour répondre à ces exigences : le plan Ecophyto 2018 (2009-2015), le plan Ecophyto II (2016-2018) puis le plan Ecophyto II+ adopté le 10 avril 2019.

La France s’est fixée comme objectif de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025 (article 31 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qui prévoyait une échéance à dix ans, objectif reporté à 2025 par le plan Ecophyto II du 26 octobre 2015). Toutefois, le rapport de la Cour des comptes souligne que cet objectif « est loin d’être atteint ». Au contraire, au lieu de diminuer, l’utilisation des pesticides a augmenté de 12% entre 2009 et 2016, et de 25% entre 2009 et 2018.

Le plan Ecophyto avait également fixé pour objectifs d’atteindre une proportion de 20 % de la surface agricole exploitée en agriculture biologique en 2020, et que 50 % des exploitations soient engagées en certifications environnementales en 2012 (article 31 de la loi précitée). S’agissant du premier objectif, la Cour des comptes relève que, en 2018, seules 7,5 % des surfaces agricoles sont exploitées en agriculture biologique. Quant au second objectif, seulement 12 % des exploitations agricoles se sont engagées en certification environnementale.

La Cour formule donc des recommandations à cet égard. Elle indique tout d’abord la nécessité de simplifier la mise en œuvre des plans Ecophyto et pointe l’excessive complexité administrative des dispositifs qui décourage les exploitants agricoles (notamment pour l’obtention d’aides à l’investissement) et qui morcelle les initiatives. Cette complexité est due notamment au nombre important et à la diversité des acteurs ainsi que des instruments intervenant dans la réduction des produits phytopharmaceutiques, ou encore à la diversité des sources de financement. Il est ainsi nécessaire de les rendre plus lisibles. Le rapport souligne également que « l’État pourrait davantage influer sur les modes de production et les filières par l’exercice de ses compétences normatives, de régulation et d’information ». La Cour des comptes recommande ainsi notamment d’améliorer les règles scientifiques et déontologiques d’évaluation et d’autorisation des substances actives, afin de permettre l’émergence de produits de substitution et d’organiser un meilleur accès aux données environnementales, dont celles relatives aux émissions de substances phytopharmaceutiques.

 

  1. Circulaire du 3 février 2020 sur les chartes d’engagement départementales

Instruction technique DGAL/SDQSPV/2020-87 du 3 février 2020, n° NOR AGRG2003727C

Le 3 février 2020, les ministères chargés de la transition écologique, de la santé, de l’agriculture et de l’économie ont adopté une instruction technique à destination des Préfets et de leurs services (DRAAF et DAAF) sur le renforcement de la protection des riverains susceptibles d’être exposés aux produits phytopharmaceutiques. Cette instruction insiste particulièrement sur l’élaboration des chartes d’engagement départementales.

Il convient à ce titre de préciser que, aux termes du III de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime, des mesures doivent être mises en œuvre pour protéger les riverains lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des habitations. Il est notamment indiqué dans cette disposition que : « Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d’engagements à l’échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique ». Cette obligation a été précisée par le décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 et un arrêté du même jour. En application de l’article D. 253-46-1-5 du Code de l’environnement, introduit par l’article 1er du décret précité, le Préfet de département doit approuver ces chartes, après s’être prononcé sur leur conformité aux prescriptions règlementaires et sur le caractère adapté des mesures de protection aux objectifs de l’article L. 253-8.

L’instruction technique du 3 février insiste sur la définition de distances de sécurité et sur la nécessité d’une adoption rapide des chartes départementales d’engagement. Il est notamment demandé aux Préfets et à leurs services de porter une attention particulière à la bonne concertation des différents acteurs sur les projets de charte, de vérifier qu’ils répondent aux exigences règlementaires, de privilégier la simplicité et la lisibilité des mesures prévues. L’instruction incite à la mise en place d’une coordination régionale pour l’élaboration de chartes concernant les productions agricoles dont l’unité géographique dépasse les limites d’un seul département.