Annulation partielle par le Conseil d’Etat du décret du 20 février 2020 portant mise en œuvre du traitement automatisé GendNotes

Par son arrêt n° 439360 du 13 avril 2021, le Conseil d’État va amener le Ministère de l’Intérieur à reconsidérer son projet d’interconnecter avec des fichiers tiers l’application de prise de notes utilisée sur le terrain par la Gendarmerie Nationale – en tout cas jusqu’à des précisions sur les finalités de traitement dont il a relevé l’absence.

Par un décret du 20 février 2020, le Premier ministre a autorisé le ministre de l’intérieur à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Application mobile de prise de notes » (GendNotes). Cette application vise à faciliter d’une part le recueil et la conservation des données collectées par les gendarmes à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations ou d’intervention en vue de leur exploitation dans d’autres fichiers et d’autre part la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires.

Plusieurs associations dont la Ligue des droits de l’homme avaient demandé au Conseil d’État l’annulation de ce décret par la voie d’un recours formé au mois de mars 2020.

Statuant au contentieux, la Haute juridiction constate que le texte ne comporte aucune indication sur la nature ou l’objet des transferts de données collectées via GendNotes qui pourraient être réalisés vers d’autres fichiers, ni sur leurs conditions d’exploitation dans ces fichiers. En conséquence, le Conseil d’État juge que la finalité du traitement GendNotes n’est pas « déterminée, explicite et légitime » comme l’exige pourtant la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978. De sorte qu’il identifie un risque substantiel de détournement de finalité. Par conséquent, il annule la possibilité de transférer les données de GendNotes vers d’autres fichiers.

En revanche, le Conseil d’État a refusé d’annuler la partie du décret qui permet la collecte de données sensibles. Ces dispositions permettent aux gendarmes d’enregistrer dans la zone de commentaire libre de GendNotes des données « relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle » à condition qu’elles soient « strictement nécessaires ». Les associations saisissantes craignaient la mise en place d’un fichage massif des minorités. La juridiction a pourtant estimé que le dispositif présentait, sur ce point, des garanties suffisantes et que les finalités poursuivies par celui-ci ainsi que ses conditions de mise en œuvre étaient conformes à la loi.

Le juge administratif s’est néanmoins attaché à rappeler expressément les conditions de légalité de la collecte de ces données sensibles. D’une part, ces données ne peuvent être collectées qu’en cas de « nécessité absolue », cette condition devant être appréciée, « au regard des seules nécessités de l’intervention au cours de laquelle elles sont collectées, notamment pour la compréhension d’un fait ou la qualification ultérieure d’une infraction ». D’autre part, a été soulignée l’impossibilité d’utiliser les données collectées dans ce cadre comme une base d’entrée pour quelque recherche que ce soit.

Le droit au respect du domicile est personnel

Le propriétaire de constructions à usage d’habitation dont la démolition est sollicitée pour avoir été érigées sur un terrain situé en zone agricole du plan d’urbanisme où n’étaient autorisées que les constructions nécessaires à l’activité agricole invoque pour s’y opposer la violation du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

Les juges du fond le déboutent au motif que seuls les locataires concernés par les mesures de démolition pouvaient se prévaloir de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

Le propriétaire forme un pourvoi en cassation.

La troisième chambre civile dans son arrêt du 4 mars 2021 rendu au visa de l’article 31 du code de procédure civile relatif à l’intérêt à agir, rejette le pourvoi en considérant que celui qui invoque la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, garanti par l’article 8 de la CEDH doit être personnellement touché par la violation alléguée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque la construction était louée à des locataires.

Le droit au respect du domicile est donc un droit attaché à la personne et non au logement.

Tenir son AG ou son CA en période de crise sanitaire : mise à jour

Le fonctionnement des organes de contrôle et d’administration des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité morale a durement été impacté durant cette crise sanitaire en raison des mesures de distanciation sociale.

Ainsi, pour assurer la continuité du fonctionnement de ces personnes et entités, plusieurs adaptations exceptionnelles et temporaires avaient été apportées à leurs règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération.

Ces mesures figuraient à l’origine dans deux textes :

  • l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19 ;
  • le décret n° 2020-418 du 10 avril 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19.

Ces deux textes, qui ont été prorogés, étaient applicables du 12 mars au 30 novembre.

En raison de la persistance de la crise sanitaire, ces mesures ont été prolongées et adaptées :

  • d’une part, l’ordonnance n° 2020-1497 du 2 décembre 2020 et le décret n° 2020-1614 du 18 décembre 2020 ont prolongé l’application de ces mesures jusqu’au 1er avril 2021. Le décret n° 2021-255 du 9 mars 2021 a à nouveau prolongé l’application de ces mesures jusqu’au 31 juillet 2021 ;
  • d’autre part, l’ordonnance du 2 décembre 2020 et le décret du 18 décembre 2020 ont adapté ces mesures à l’effet, notamment, de renforcer les droits des membres des assemblées en cas d’organisation d’une assemblée à huis clos et de faciliter l’adoption à distance des décisions relevant de la compétence des assemblées.

Ces mesures sont applicables aux réunions de ces organes jusqu’au 31 juillet 2021.

En revanche, il convient de noter que les mesures relatives aux délais de procédure et à l’approbation des comptes n’ont pas encore été prorogées à ce stade.

Illustration du caractère décennal d’un défaut d’implantation d’un ouvrage faisant courir un risque de démolition

Cette décision intéressante revient sur la qualification d’une erreur d’implantation altimétrique d’une construction de maison individuelle en désordre de nature décennale.

On rappellera que la mise en œuvre de la responsabilité décennale des constructeurs, en ce compris le constructeur de maison individuelle, sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, suppose l’exigence d’un désordre présentant un caractère décennal, et donc, notamment, de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination.

Dans cette affaire, l’assureur de l’entreprise de travaux mise en cause sur le fondement de cette responsabilité faisait valoir que « si une erreur d’implantation non régularisable, susceptible d’aboutir à la démolition de l’immeuble, peut porter atteinte à la destination de l’immeuble et constituer un désordre de nature décennale, c’est à la condition que la démolition de l’immeuble soit certaine dans le délai décennal » et qu’il n’était pas constaté « l’existence d’une diligence quelconque de la commune […] manifestant son intention de saisir le tribunal de grande instance aux fins de démolition de l’immeuble dans le délai de prescription ».

Autrement dit, l’assureur estimait que, contrairement à ce que soutenait le maître d’ouvrage, il n’était pas certain qu’une telle erreur d’implantation nécessite de démolir et reconstruire la maison dans le délai d’épreuve de dix ans à compter de la réception.

D’ailleurs, si la commune avait refusé à plusieurs reprises de délivrer un certificat de conformité et de délivrer un permis de construire modificatif en raison de la hauteur du faîtage, elle n’avait engagé aucun recours aux fins de démolition.

Pour autant, cette erreur d’implantation altimétrique semblait difficilement régularisable.

La jurisprudence retient que le non-respect d’une réglementation, notamment d’urbanisme, entraînant l’obligation de démolir et de reconstruire constitue bien un dommage de nature décennale (Cass. Civ., 3ème, 8 avr. 1998, RGDA 1998 ; Cass. Civ., 3ème, 6 décembre 2018, n° 17-28.513 ; Cass. Civ., 3ème, 15 avril 2015, n° 14-13.054 ; Cass. Civ., 3ème,4 mai 2016, n° 15-15.899).

Dans ce contexte, la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif au :

« […] ayant souverainement retenu que l’erreur d’implantation faisait actuellement courir le risque de la démolition de l’ouvrage, la cour d’appel a pu, de ces seuls motifs, en déduire que le désordre, qui rendait l’ouvrage impropre à sa destination, était de nature décennale ».  

Ainsi, un simple risque, même non encore réalisé, de démolition de l’ouvrage peut constituer un désordre de nature décennal.

L’impropriété à destination peut donc parfaitement résulter d’un risque de perte de l’ouvrage, notamment si l’erreur d’implantation constatée est susceptible d’entraîner sa démolition.

 

Quel juge compétent pour un litige entre cotraitants d’un marché de travaux publics ?

Le Tribunal des conflits a été amené à délimiter la portée de la réserve de compétence des juridictions judiciaires en présence d’un contrat de droit privé, qui découle d’une décision de principe bien connue selon laquelle :

« le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé » (TC, 24 novembre 1997, De Castro, n° 3060).

A titre d’illustration de cette exception, il a d’ailleurs pu être jugé que la convention d’aménagement, pour des opérations de construction d’une ZAC, ayant ou non le caractère de travaux publics, conclue avec une personne morale de droit privé, agissant pour son propre compte, est un contrat de droit privé dont les litiges nés de son exécution relèvent des juridictions judiciaires (TC, 15 octobre 2012, n° C3853).

Toutefois, cette compétence de principe a pu être écartée dans l’hypothèse où l’une des parties au contrat agit pour le compte d’une personne publique (TC, 9 juillet 2012, n° 3834).

Dans notre affaire, l’existence d’un contrat de droit privé liant deux sociétés membres d’un même groupement, co-traitants d’un marché de travaux publics, ne fait aucun doute.

Pour autant, le litige ne portait pas sur l’exécution même dudit contrat, au titre de la responsabilité contractuelle, mais tendait à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle du cocontractant pour des fautes commises au cours du chantier sous maîtrise d’ouvrage publique ayant entraîné une interruption de travaux préjudiciable.

Autrement dit, le litige supposait d’apprécier les conditions dans lesquelles le marché public de travaux avait été exécuté, lequel est bien un contrat de droit public justifiant la compétence du juge administratif.

Ainsi, puisque l’exécution d’un contrat de droit privé n’était nullement en cause, la réserve de compétence au profit d’un juge judiciaire ne trouvait pas à s’appliquer.

La solution aurait vraisemblablement était différente si la responsabilité contractuelle des co-traitants avait été recherchées sur la base du contrat de co-traitance, contrat de droit privé. 

Publication de six nouveaux cahiers des clauses administratives générales

Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de prestations intellectuelles

Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de techniques de l’information et de la communication

Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux

Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics industriels

Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de maîtrise d’œuvre

 

Les nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG) sont arrivés. Le 1er avril 2021 ont été publiés un nouveau CCAG des marchés publics de maîtrise d’œuvre (CCAG-MOE) et les nouvelles versions des cinq autres CCAG (applicables aux marchés publics de travaux, de fournitures courantes et de services, de prestations intellectuelles, industriels et de techniques de l’information et de la communication).

Particulièrement attendu, le CCAG-MOE permet de s’affranchir du CCAG-PI pour les prestations de maîtrise d’œuvre. Il permet, en effet, de tenir compte de certaines spécificités liées à la maîtrise d’œuvre tels que, notamment, le principe selon lequel, en cas de groupement, chaque membre perçoit directement les sommes se rapportant à l’exécution de ses propres prestations (article 12.1.1). De plus, il établit, dans le silence des documents particuliers du marché, des seuils de tolérance attachés aux engagements du maître d’œuvre sur le coût prévisionnel des travaux et le coût total définitif des marchés de travaux (article 13). On notera également qu’est prévu un mécanisme d’interruption des prestations pour retard de paiement (article 25.1).

Les autres CCAG étaient également attendus en raison de l’évolution du droit de la commande publique. Ils sont notamment mis à jour de la jurisprudence administrative, ainsi que de la terminologie des directives européennes de 2014 et du code de la commande publique. De manière générale, on notera que les CCAG de 2021 maintiennent de nombreuses règles présentes dans les CCAG de 2009 mais contiennent aussi des nouveautés dont les plus notables méritent d’être relevées.

Pénalités de retard : un plafonnement et une procédure nouvelle

Les nouveaux CCCAG prévoient un plafonnement à 10 % des pénalités de retard (art. 14.1.2 CCAG-PI ; art. 16.2.2 CCAG-MOE ; art. 19.2.2 CCAG-Travaux ; art. 14.1.2 CCAG-FCS ; art. 15.2 CCAG-MI ; art. 14.1.2 CCAG-TIC). Si ce plafonnement est de nature à attirer les opérateurs économiques et à réduire (du moins en théorie) le prix des marchés, il paraît sévère au regard des tolérances admises par la jurisprudence administrative et en décalage avec la pratique. En outre, ce taux unique pourrait ne pas être adapté à toutes les prestations. Bien évidemment, les acheteurs peuvent y déroger en prévoyant un seuil différent ou même en n’en prévoyant aucun.

Par ailleurs, une procédure préalable est désormais prévue pour l’application des pénalités de retard. En effet, les nouveaux CCAG imposent à l’acheteur d’inviter par écrit le titulaire à présenter des observations dans un délai de quinze jours avant de pouvoir éventuellement appliquer les pénalités (art. 14.1.1 CCAG-PI ; art. 16.2.4 CCAG-MOE ; art. 19.2.4 CCAG-Travaux ; art. 14.1.1 CCAG-FCS ; art. 15.1 CCAG-MI ; art. 14.1.1 CCAG-TIC). Là encore, les acheteurs sont autorisés à déroger aux CCAG pour écarter l’application de cette procédure préalable.

Exécution aux frais et risques

A l’instar des CCAG de 2009, tous les CCAG de 2021 prévoient les conditions dans lesquelles un acheteur pouvait prononcer l’exécution d’un marché aux frais et risques du titulaire (art. 27.1 CCAG-PI, 34.1 CCAG-MOE, 52.2 CCAG-Travaux, 45.1 CCAG-FCS, 48.1 CCAG-MI, 54.1 CCAG-TIC).

Cependant, et d’une manière opportune, les CCAG de 2021 ont supprimé l’obligation purement formelle de prévoir cette mesure dans les documents particuliers du marché qui était prévue dans tous les CCAG de 2009 à l’exception du CCAG-Travaux.

Développement des clauses relatives à l’utilisation des résultats (droits de propriété intellectuelle)

Alors que, parmi les CCAG de 2009, seul le CCAG-PI contenait une clause relative aux droits de propriété intellectuelle applicables aux résultats du marché, tous les CCAG de 2021 prévoient des stipulations en la matière (articles 32 à 35 CCAG-PI, 22 à 24 CCAG-MOE, 45 à 48 CCAG-Travaux, 34 à 37 CCAG-FCS, 37 à 40 CCAG-MI, 43 à 46 CCAG-TIC). Rendues utiles notamment par le fait que les marchés donnent de plus en plus lieu à l’utilisation de procédés informatiques, ces stipulations permettent donc de sécuriser le régime applicable aux résultats lorsqu’aucune stipulation particulière n’a été prévue dans le marché et ne nécessitent en principe pas de choix ou d’aménagements de la part de l’acheteur. Et, on relèvera l’effort entrepris par les rédacteurs des CCAG sur la description des connaissances antérieures du prestataire.

Clauses d’insertion sociale et environnementale

De manière innovante par rapport aux CCAG de 2009, les nouveaux CCAG comportent une clause environnementale générale portant notamment sur la question de la gestion des déchets. Ces clauses prévoient également une pénalité associée (art. 16.2 CCAG-PI, 18.2 CCAG-MOE, 20.2 CCAG-Travaux, 16.2 CCAG-FCS, 29 CCAG-MI, 16.2 CCAG-TIC). De plus, les nouveaux CCAG ont intégré une clause en matière d’insertion sociale. Pour l’instant optionnelle, cette clause pourrait être rendue obligatoire dans un délai de deux à trois ans (art. 16.1 CCAG-PI, 18.1 CCAG-MOE, 20.1 CCAG-Travaux, 16.1 CCAG-FCS, 17.1 CCAG-MI, 16.1 CCAG-TIC).

Application dans le temps

Enfin, on notera que les nouveaux CCAG sont applicables depuis le 1er avril 2021. Les acheteurs peuvent donc les appliquer depuis cette date, à condition toutefois de faire explicitement référence aux arrêtés du 30 mars 2021 qui les ont approuvés. En effet, la simple référence à un CCAG dans les documents particuliers du marché, sans précision sur sa version, réputera l’application du CCAG dans sa version de 2009 pour les marchés dont la consultation a été engagée avant le 30 septembre 2021 ou l’avis de marché a été publié avant cette date.

L’employeur ne doit pas seulement prévenir les risques, il doit s’assurer que son salarié a intégré ce dispositif de prévention

Il pèse sur l’employeur une obligation de sécurité de résultat envers son salarié et en cas de survenance d’un accident du travail si la faute inexcusable de l’employeur y a concouru, cela peut ouvrir droit pour le salarié à la réparation des dommages consécutifs à l’accident du travail et à la majoration de sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Cette faute inexcusable est retenue lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures pour le préserver de ce risque qui s’est finalement réalisé.

En l’espèce, le chauffeur d’une société de livraison était victime chez un client d’un accident de travail, alors qu’il se déplaçait à pied hors des zones prévues à cet effet, en étant percuté par un chariot élévateur qui lui-même circulait dans une zone où il n’avait pas le droit d’être.

Face à l’action en reconnaissance de faute inexcusable engagée par son salarié, l’employeur excipait la faute de la victime qui a emprunté un chemin non prévu dans le protocole d’accueil et de prévention des risques mis en place en collaboration avec son client et le fait que son salarié avait été régulièrement formé.

La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, écarte cette argumentation en retenant que la conscience du danger auquel était exposé le salarié résultait de l’existence même du protocole d’accueil dont aucun élément ne permettait de s’assurer qu’il avait été porté effectivement à la connaissance du salarié et que les consignes y figurant avaient été rappelées à ce dernier.

En retenant ainsi la faute inexcusable, la Cour de cassation rappelle que l’employeur ne doit pas seulement mettre en place les mesures permettant de prévenir les dangers pesant sur ses salariés mais doit également s’assurer de l’intégration des consignes et des dispositifs de préventions par ses salariés en s’assurant, notamment sur un plan probatoire, que le salarié a bien pris connaissance des protocoles de prévention, qu’il a été formé et que ces consignes lui ont été régulièrement rappelées.

Cette jurisprudence vient préciser la forte obligation qui pèse sur l’employeur en matière de prévention des risques. Ce dernier ne peut se contenter de rédiger des systèmes de prévention théoriques mais doit s’assurer que ceux-ci sont connus, appliqués et suivis par ses salariés.

A ce titre, l’affichage de la DUER et une remise en main propre avec une décharge au personnel sont à consolider. Il est également conseillé dans le cadre des réunions d’équipe de prévoir un rappel des points sécurité et prévention des risques avec une retranscription dans les comptes rendus de ces réunions afin de s’assurer la preuve de l’effectivité de la prévention des risques.

Télétravail et titres-restaurant : le débat reste ouvert, une nouvelle décision exige l’octroi de titres-restaurant

Tel que nous vous indiquions au mois de mars dernier , le Tribunal judiciaire de Nanterre avait validé la position de certains employeurs qui estimaient que les télétravailleurs, dans la mesure où ils pouvaient se restaurer à leur domicile, n’étaient pas dans une situation comparable à celle de leurs collègues sur site et ne pouvaient donc prétendre au maintien de leurs titres-restaurant (TJ Nanterre, 10 mars 2021, RG n° 20/09616).

Nouveau rebondissement, le Tribunal judiciaire de Paris a estimé au contraire que les salariés placés en télétravail devaient bénéficier des titres-restaurant.

Pour mémoire, les titres restaurants sont un avantage consenti par l’employeur non légalement obligatoire, le Code du travail se limitant à préciser que son attribution est possible si le repas du salarié est compris dans son horaire de travail journalier (C. trav. art. R. 3262-7). Compte tenu du recours massif au télétravail dans le contexte de la crise sanitaire, leur attribution fait l’objet de nombreux débats. 

Alors que le ministère du travail rappelle dans  son « Questions-réponses  sur le télétravail », qu’en application du principe général d’égalité de traitement entre salariés les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise, il semble au regard des très récentes décisions des juridictions saisies que cette préconisation gouvernementale ne fasse pas l’unanimité.

Selon la juridiction de Nanterre, l’attribution des titres-restaurant a pour objectif de permettre aux salariés de faire face au surcoût lié à la restauration en dehors du domicile. Les salariés de l’UES en question, placés en télétravail, sont à leur domicile. Dès lors, leur situation ne serait pas comparable à leurs collègues travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise. En l’absence de surcoût lié à leur restauration à domicile, les télétravailleurs ne pouvaient revendiquer le maintien de l’avantage des titres-restaurant.

Telle n’est pas la position de la juridiction parisienne qui dans une décision du 30 mars 2021 donne un verdict totalement opposé.

Saisie par un syndicat et un CSE, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné sous astreinte un employeur à attribuer aux salariés placés en télétravail du fait de l’épidémie de Covid-19.

Pour la juridiction, l’objet du titre-restaurant est de permettre au salarié de se restaurer lorsqu’il accomplit son horaire de travail journalier comprenant un repas, mais non sous condition qu’il ne dispose pas d’un espace personnel pour le préparer. Selon les juges du fond parisiens, les conditions d’utilisation des titres-restaurants sont donc tout à fait compatibles avec l’exécution des fonctions en télétravail : « les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site ». Le refus de la société d’attribuer des titres-restaurants aux salariés en télétravail ne repose sur aucune raison objective en rapport avec l’objet des titres-restaurants et la violation du principe d’égalité de traitement est retenue.

Cette décision se fonde d’une part expressément sur la position adoptée par le ministère du Travail dans son questions-réponses « Télétravail en période de Covid », du 20 mars 2020 qui précise que « dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurants, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes » et, d’autre part ; sur l’ANI sur le télétravail du 26 novembre 2020 dont ils précisent que ce texte « ne comporte aucune mention expresse quant à la restauration des salariés en télétravail ne saurait permettre de conclure que l’employeur ne dispose d’aucune obligation d’attribuer des tickets-restaurants aux salariés en télétravail ».

 Cette nouvelle décision s’inscrit dans le prolongement de la position adoptée parle Ministère du travail et les Urssaf sur leur site internet qui orientaient vers un maintien des titres-restaurant pour les télétravailleurs.

Compte tenu de cette divergence de jurisprudence, il conviendra d’être attentif aux suites données à ces jugements de première instance devant les Cour d’appel de Versailles et de Paris qui pourraient être prochainement saisies.

Comment concilier télétravail et garde d’enfant ? Mise à jour du questions/réponses du Gouvernement

Le 13 avril 2021, la jour la fiche relative au traitement de la situation des salariés dans l’impossibilité de télétravailler et contraints de garder leurs enfants a été actualisée par le Gouvernement afin d’adapter les mesures à ce troisième confinement.

Pour les salariés, une distinction est établie pour la période allant jusqu’au 26 avril et celle suivant le 26 avril.

Jusqu’au 26 avril, les salariés qui ne peuvent pas décaler leurs congés, qui ne disposent pas de modes de garde alternatifs et qui sont dans l’incapacité de télétravailler pourront demander à bénéficier de l’activité partielle pour garder leur enfant, s’ils sont parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’un enfant en situation de handicap, sans limite d’âge.

Le salarié est considéré comme étant dans l’incapacité de télétravailler s’il occupe un poste non télétravaillable ou si l’employeur estime qu’il est dans l’incapacité de télétravailler. Dans ce dernier cas, le salarié pourra par exemple faire état du nombre d’enfants à charge, de leur âge, de ses conditions de logement, etc.

Le salarié devra remettre à son employeur une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est le seul des deux parents demandant à bénéficier de l’activité partielle au motif de la garde d’enfant.

Après le 26 avril, les salariés de droit privé qui sont contraints de garder leur enfant en raison de la fermeture pour raison sanitaire de la section, de la classe ou de l’établissement d’accueil de leur enfant ou en raison de l’identification de leurs enfants de moins de 16 ans ou d’un enfant en situation de handicap, comme cas contact, sans pouvoir télétravailler, sont pris en charge par l’activité partielle.

Ces derniers devront alors remettre à l’employeur un justificatif :

  • attestant de la fermeture d’établissement d’accueil, de la classe ou de la section de l’enfant selon les cas (message général reçu de l’établissement ou, le cas échéant, de la municipalité informant de la non ouverture ou du fait que l’enfant ne sera pas accueilli compte tenu des mesures sanitaires décidées ou une attestation fournie par l’établissement) ou un document de l’assurance maladie attestant que l’enfant est identifié comme cas contact à risque et doit donc respecter une mesure d’isolement ;
  • une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est le seul des deux parents demandant à bénéficier d’un arrêt de travail au titre de la garde de son enfant contraint de demeurer à domicile pour les jours concernés.

Si ces consignes n’ont pas de valeur contraignante juridiquement, l’administration pourrait en cas de contrôle solliciter ces justificatifs : il convient donc de les demander et de les conserver !

Enfin, pour rappel, l’indemnité d’activité partielle équivaut à 70 % de son salaire antérieur brut, dans la limite de 70 % de 4,5 SMIC (84 % du net).

Expropriation : transmission au Conseil constitutionnel d’une QPC portant sur l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation

Par un arrêt en date du 1er avril 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique relatif, d’une part, à la date à laquelle sont évalués les biens expropriés et, d’autre part, à la date de référence fixant l’usage effectif d’un bien et les règles d’urbanisme applicable à ce bien.

La QPC interroge la Cour de cassation sur le point de savoir si l’article L.322-2 du Code précité porte une atteinte injustifiée au droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et qui exige une juste et préalable indemnité de l’exproprié en tant qu’il ne permet pas le bénéfice d’une indemnité accessoire, dans l’hypothèse de l’expropriation d’un bien qui serait indivisible de sa revente ultérieure par l’expropriant.

La Cour de cassation considère que cette question présenté un caractère sérieux au motif que la règle d’évaluation des biens expropriés selon leur usage effectif à la date de référence et sans prise en compte des changements de valeur intervenus depuis cette date, lorsqu’elle est appliquée à l’évaluation d’un bien destiné à être revendu par l’expropriant dans des conditions déjà déterminées et lui permettant de bénéficier d’une plus-value certaine, est de nature à créer un déséquilibre entre les intérêts de l’exproprié et de l’expropriant, celui-ci étant protégé de la spéculation foncière qui aurait pu bénéficier à l’exproprié, tout en étant assuré d’en tirer lui-même profit.

La Cour considère que lesdites dispositions sont susceptibles, en l’absence d’une indemnisation spécifique dans une telle hypothèse, de porter atteinte à l’exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Cette question fera donc l’objet d’un contrôle du Conseil de Constitutionnel.

Expropriation : tous les propriétaires doivent être informés du dépôt du dossier d’enquête parcellaire en mairie au moins 15 jours avant l’expiration de celle-ci

Au visa des articles L.221-1 et R.131-6 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la Cour de cassation rappelle que l’ordonnance d’expropriation ne peut être rendue qu’il est justifié, par l’expropriant, de la notification individuelle du dépôt du dossier d’enquête parcellaire à la mairie quinze jours au moins avant la fin de l’enquête parcellaire.

Au cas présent, la Cour de cassation relève qu’il n’est pas justifié que deux des propriétaires concernés par l’expropriation ont reçu notification individuelle du dépôt en mairie dudit dossier d’enquête parcellaire au moins quinze jours avant la fin de l’enquête, ni que ceux-ci aient formulé des observations sur le registre de ladite enquête.

Faute de pouvoir en justifier, l’ordonnance d’expropriation est entachée d’un vice de forme qui l’entache de nullité.

Expropriation : l’expropriant doit justifier de la nécessité d’exproprier

Par un arrêt en date du 8 avril 2021, la Cour administrative d’appel de Versailles rappelle qu’au titre de l’examen de l’utilité publique d’une opération, le juge administratif fait un contrôle successif en trois temps, destiné à vérifier que :

  1. L’opération répond à une finalité d’intérêt général ;
  2. L’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation ;
  3. Les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs au regard de l’intérêt qu’elle présente.

Au titre du deuxième temps de contrôle relatif à la nécessité pour l’expropriant de recourir à l’expropriation, celui-ci doit pouvoir justifier qu’il n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, en utilisant les biens de son patrimoine.

Par arrêté préfectoral, un projet d’aménagement d’un parc de stationnements, d’une piste cyclable et de jardins familiaux sur la commune de Mennecy a été déclaré d’utilité publique. Cet aménagement, couvrant une surface de 2.325 m², est destiné à renforcer l’offre de stationnements à l’entrée du cimetière et à proximité du centre hippique de la commune, à déplacer la liaison cyclable existante en fonction du parc de stationnement et à créer des jardins familiaux sur le reliquat.

Au cas présent, le juge administratif constate que la commune est déjà propriétaire d’une surface de 5.000 m² situées près du cimetière et du centre hippique.

Il en conclut que la commune ne justifie qu’elle n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation. Pour ce motif, la déclaration d’utilité publique est annulée pour défaut d’utilité publique.

Ainsi, tout expropriant doit toujours pouvoir justifier dans son dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique qu’il ne dispose pas de biens dans son patrimoine lui permettant de réaliser l’opération pour laquelle l’utilité publique est requise.

Recensement de la commande publique : publication des chiffres de 2019

L’Observatoire d’orientation de la commande publique (OECP) a publié en avril 2021 son rapport sur le recensement des marchés publics supérieurs à 90.000 euros HT effectué sur l’année 2019, avec une mise en perspective par rapport aux années 2017 et 2018.

On peut tout d’abord relever une forte augmentation de la valeur totale des contrats conclus par rapport à l’année précédente (110,816 milliards d’euros en 2019, contre 100,834 milliards d’euros en 2018, soit + 9,90 %). L’OECP impute néanmoins cette forte hausse pour partie à l’amélioration du processus de collecte des informations auprès des acheteurs.

En matière de participation des PME à la commande publique, les tendances sont relativement décevantes. En effet, la part des contrats attribués à des PME dans le montant total des contrats conclus sur l’année 2019 est en nette baisse par rapport à 2018 pour ce qui concerne l’Etat et le secteur hospitalier (- 21,5 %) et les collectivités territoriales (- 13,1 %) ; en nombre de contrats, la part attribuée aux PME est également en baisse pour ce qui concerne les collectivités territoriales (- 5,8 %), mais en hausse pour ce qui concerne l’Etat et le secteur hospitalier (+ 5,5 %). Quant aux autres acheteurs (entreprises publiques, opérateurs de réseaux, etc.), la part des contrats attribués aux PME est certes en forte hausse en montant (+ 87,34 %) comme en nombre (+ 26,43 %), mais l’OECP relativise toutefois ces tendances en les expliquant au moins pour partie par des biais statistiques (retour à la normale après une année 2018 où la part des grandes entreprises en montant avait été exceptionnellement importante en raison de l’attribution de contrats d’une valeur record, déclaration de davantage de contrats inférieurs à 90.000 € HT, ce qui augmente mécaniquement la part des PME).

S’agissant des clauses sociales, les tendances sont contrastées. En effet, elles ont été incluses dans davantage de contrats par l’Etat et le secteur hospitalier (+ 26,5 % en nombre, + 7 % en valeur) et surtout les autres acheteurs (+ 123,2 % en nombre, + 45,8 % en montant). A l’inverse, les collectivités territoriales ont eu moins recours aux clauses sociales par rapport à l’année précédente (- 9 % en nombre, – 16,3 % en montant).

S’agissant des clauses environnementales, les tendances sont plus encourageantes. En effet, elles ont été insérées dans une part plus importante de contrats en nombre par l’ensemble des acheteurs (+ 22,2 % pour l’Etat et le secteur hospitalier ; + 1,57 % pour les collectivités territoriales ; + 93,7 % pour les autres acheteurs). En montant, la tendance est également à la hausse pour les collectivités territoriales (+ 14,5 %) et les autres acheteurs (+ 19,8 %) mais à la baisse pour l’Etat et le secteur hospitalier (- 3,75 %).

Au final, les résultats obtenus en 2019 par l’Etat et les collectivités territoriales en matière de clauses sociales et environnementales sont très insuffisants pour espérer atteindre les objectifs prévus par le plan national d’action pour les achats publics durables, à savoir 25 % des marchés contenant au moins une clause sociale et 30 % contenant au moins une clause environnementale en 2020. En revanche, ces objectifs pourraient être atteints par les autres acheteurs, dont les bonnes pratiques ressortent davantage dans le recensement 2019 que dans les recensements précédents grâce à une amélioration de la précision des données fournies.

Fonction publique hospitalière : l’indemnisation dérogatoire pour les congés non pris reconduite en 2021

Arrêté du 26 mars 2021 fixant le montant de l’indemnité compensatrice prévu à l’article 3 du décret n° 2021-332 du 26 mars 2021 portant dérogation temporaire aux règles en matière de congés non pris applicables aux agents de la fonction publique hospitalière

 

Le décret n° 2020-1685 du 23 décembre 2020 portant dérogation temporaire aux règles en matière de congés non pris applicables aux agents de la fonction publique hospitalière avait mis en place, précisément par dérogation au deuxième alinéa de l’article 4 du décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 afférent aux congés annuels de la fonction publique hospitalière, une possibilité d’indemnisation des congés non pris. Il s’agissait pour les agents affectés dans l’un des établissements mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 5° de l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 disposant d’un solde de congés annuels ou de jours de repos au titre de la réduction du temps de travail non pris, entre le 1er octobre et le 31 décembre 2020, de bénéficier d’une indemnité compensatrice, suite à une décision de refus de congés motivée par des raisons de service liées à la lutte contre l’épidémie de covid-19.

Un nouveau décret n° 2021-332 du 26 mars 2021 portant dérogation temporaire aux règles en matière de congés non pris applicable aux agents de la fonction publique hospitalière vient de redéfinir les contours de ce système pour l’année 2021.

Il s’agit d’instaurer à titre temporaire une indemnité compensatrice de congés non pris pour des raisons de service pour les fonctionnaires et agents contractuels de droit public, exerçant dans des établissements publics de santé, des établissements publics accueillant des personnes âgées et des établissements publics prenant en charge des mineurs ou adultes handicapés relevant de la fonction publique hospitalière.

Ce décret prévoit sur ce point que le fonctionnaire ou l’agent contractuel réunissant les conditions fixées à l’article 1er pour bénéficier de l’indemnité compensatrice choisit, au plus tard le 31 décembre 2021, soit de bénéficier de cette indemnité, fixée par arrêté, soit de reporter les jours dont il dispose ou de les inscrire sur son compte-épargne temps.

Il prévoit aussi, certainement pour tenir compte de l’actuelle « troisième vague », que lorsqu’une demande portant sur trois, quatre ou cinq jours ouvrés de congés, en continu ou en discontinu, à prendre entre le 1er février et le 30 avril 2021, a fait l’objet d’une décision de refus pour des raisons de service liées à l’épidémie de covid-19, le fonctionnaire ou l’agent contractuel concerné bénéficie d’un jour supplémentaire pour le calcul de son solde de congés. Un second jour supplémentaire est attribué par ailleurs  au fonctionnaire ou à l’agent contractuel lorsque le nombre de jours de congés refusés dans les mêmes conditions est au moins égal à six. Il s’agit d’une nouveauté par rapport au décret de 2020.

Il est à noter que la limite de dix jours indemnisés au maximum est la même dans les deux décrets et qu’entre 2020 et 2021 le montant de l’indemnité est aussi le même, à savoir, selon l’arrêté intervenu le 26 mars :

  • Pour les agents relevant de la catégorie hiérarchique A ou assimilés : 200 euros ;
  • Les agents relevant de la catégorie hiérarchique B ou assimilés : 130 euros ;
  • Pour les agents relevant de la catégorie hiérarchique C ou assimilés : 110 euros.

Un agent contractuel qui refuse le renouvellement de son contrat pour motif familial légitime est considéré comme involontairement privé d’emploi et a droit au versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi

Par un arrêt en date du 2 avril 2021, le Conseil d’État précise qu’un agent contractuel de la fonction publique peut refuser, pour des considérations personnelles tenant à son déménagement et à la garde de ses enfants, le renouvellement de son contrat à durée déterminée. Ce motif familial est considéré par la Haute juridiction comme légitime et lui permet donc de prétendre aux allocations de retour à l’emploi (ARE).

En l’espèce, la requérante avait été employée par les Hospices civils de Lyon par le biais de plusieurs contrats à durée déterminée (ci-après « CDD ») de courte durée. Elle avait informé son employeur de son intention de ne pas voir renouveler son dernier CDD en raison de sa séparation récente avec son conjoint et de la nécessité d’assurer seule la garde de ses deux jeunes enfants, dont un n’était pas scolarisé ainsi que son emménagement dans un nouveau domicile distant d’une vingtaine de kilomètres de son lieu de travail. Or, les Hospices civils de Lyon lui ont refusé le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.

La requérante a formé un recours en excès de pouvoir à l’encontre de cette décision de refus qui a été rejetée par le Tribunal administratif de Lyon dès lors que les motifs familiaux évoqués « ne constituaient pas un motif légitime de refus de renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée pour une durée de trois mois ». Elle s’est donc pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Cette affaire permet au Conseil d’Etat de préciser la mise en œuvre de la réforme de l’indemnisation du chômage des agents public à la suite du décret n° 2020-741 du 16 juin 2020 relatif au régime particulier d’assurance chômage applicable à certains agents publics et salariés du secteur public. La Haute juridiction indique que, pour l’application des articles L. 5421-1 et L. 5424-1 du Code du travail, « il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de déterminer si les circonstances dans lesquelles un contrat de travail à durée déterminée n’a pas été renouvelé permettent de l’assimiler à une perte involontaire d’emploi. À ce titre, et ainsi que le prévoit désormais le décret n° 2020-741 du 16 juin 2020, l’agent qui refuse le renouvellement de son contrat de travail ne peut être regardé comme involontairement privé d’emploi, à moins que ce refus soit fondé sur un motif légitime, qui peut être lié notamment à des considérations d’ordre personnel ou au fait que le contrat a été modifié de façon substantielle et sans justification par l’employeur ».

Et, ici, le Conseil d’Etat a considéré que les motifs familiaux évoqués par la requérante pour justifier son refus d’accepter le renouvellement de son CDD étaient légitimes de sorte qu’elle pouvait être regardée comme ayant été involontairement privée d’emploi. Il a donc été enjoint par aux Hospices civils de Lyon de lui accorder le bénéficie des ARE.

La livraison incluse en matière de restauration : un effet lié à la Covid-19 ou une mutation des usages commerciaux

Les activités de vente à emporter, de plats confectionnés et cuisinés sur place et de vente de ces plats par internet avec livraison constituent une modalité particulière d’exploitation de l’activité de restauration combinée à celle d’alimentation générale que le bail autorise, ce qui est conforme à l’évolution des usages commerciaux.

En l’espèce, la Cour d’appel est appelée à statuer sur une décision du juge des loyers commerciaux du 6 octobre 2017 dont l’un des principaux motifs de déplafonnement du loyer tenait dans l’adjonction d’une activité de « restauration à emporter et vente par internet avec livraison gratuite ». Aucune autorisation du bailleur n’avait été sollicitée et ce dernier y voyait une activité connexe ou complémentaire relevant de la procédure de l’article L. 145-47 du Code de commerce.

Le preneur conteste en arguant que l’évolution des usages commerciaux fait que la vente à emporter et la livraison à domicile des produits achetés, tant en alimentation générale qu’en restauration asiatique soit devenue « une modalité particulière de l’exploitation telle que prévue par le bail », autrement dit une activité incluse dans la destination du bail commercial, non soumise à autorisation du bailleur et non susceptible de justifier le déplafonnement du loyer.

Jusqu’à présent, s’agissant de la livraison à domicile, les décisions connues à ce jour ont refusé d’y voir une activité incluse, le principal obstacle étant le fait qu’elle nécessite la mise en place d’une logistique supplémentaire (véhicules, livreurs) étrangère à l’activité initiale de restauration prévue au bail (CA Paris, 16e ch. A, 23 mai 2001).

En l’espèce, la Cour d’appel considère que la livraison à domicile est l’expression d’une « tendance croissante » permettant « à la clientèle, notamment en milieu urbain, comme en l’espèce, de pouvoir emporter les plats cuisinés par les restaurants ou se les faire livrer à domicile, notamment par l’intermédiaire des plateformes ». Elle en déduit donc que la vente de plats sur Internet avec livraison à domicile est une activité incluse dans la destination contractuelle.

Si cette décision s’inscrit dans un contexte de crise sanitaire certain où de multiples mesures sont prises pour soutenir les commerces ne pouvant plus recevoir de clientèle, on peut s’interroger sur la portée d’une telle décision dans un futur plus lointain notamment quant à l’évolution des usages commerciaux et aux conséquences juridiques et financières en découlant.

Refus d’inscription d’un élève à la cantine scolaire par manque de places : le Conseil d’Etat a tranché

Par une décision en date du 22 mars 2021, le Conseil d’Etat a jugé que les collectivités territoriales peuvent légalement refuser d’admettre un élève à la cantine scolaire lorsque la capacité maximale d’accueil du service public est atteinte.

Ce faisant, il a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy qui avait adopté la solution opposée.

Pour rappel, le législateur a, par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, inséré un article L. 131-13 au sein du Code de l’éducation, aux termes duquel :

« L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Le Tribunal administratif de Besançon, puis la Cour administrative d’appel de Nancy avaient jugé qu’il résultait de ces dispositions que, dès lors qu’un service de restauration scolaire était institué, la collectivité territoriale était tenue de garantir le droit d’inscription à chaque enfant scolarisé qui en faisait la demande, sans que puisse être opposé le nombre de places disponibles (TA, 7 décembre 2017, n° 1701724 ; CAA Nancy, 5 février 2019, Commune de Besançon, n° 18NC00237).

Cette solution revenait sur la jurisprudence antérieure à la loi du 27 janvier 2017, qui ne s’opposait pas à la possibilité de restreindre les conditions d’accès en raison de capacités d’accueil limitées du service, dans la limite de ne pas instaurer, à cette occasion, un critère discriminatoire entre les élèves, sans lien avec l’objet du service (CE, 25 octobre 2002, Mme Renault, n° 251161 ; 23 octobre 2009, Fédération des conseils de parents d’élèves de l’enseignement public du Rhône, n° 329076). Ainsi, par exemple, la circonstance que les parents d’un enfant sont sans emploi ne peut légalement fonder la limitation de l’accès de cet enfant à la cantine (TA Lyon, 21 janvier 2010, Commune d’Oullins, n° 0903116).

Les juges de première instance et d’appel s’étaient, dans les deux cas, référés aux travaux parlementaires de la loi du 27 janvier 2017. A cet égard, le rapport n° 827 de Mmes les sénatrices Estrosi Sassone et Gatel du 14 septembre 2016 indique que « la proposition de loi instaure une obligation d’accueil de l’ensemble des élèves pour l’autorité responsable de la restauration scolaire » (p. 540).

Le Conseil d’Etat, se fondant également sur les travaux préparatoires de la loi, a estimé que le législateur avait entendu rappeler, d’une part, qu’il appartient aux collectivités territoriales ayant fait le choix d’instituer un service public de restauration scolaire de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les élèves puissent bénéficier de ce service public, d’autre part, qu’elles ne peuvent légalement refuser d’y admettre un élève sur le fondement de considérations contraires au principe d’égalité. Pour autant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les collectivités territoriales puissent légalement refuser d’y admettre un élève lorsque, à la date de leur décision, la capacité maximale d’accueil de ce service public est atteinte.

Ainsi le Conseil d’Etat a le mérite d’être pragmatique.

Nous indiquions en effet, dans une précédente LAJ, au sujet du jugement du Tribunal administratif de Besançon susmentionné, que l’interprétation retenue paraissait très éloignée des réalités concrètes auxquelles sont confrontées les communes, qui peuvent souhaiter mettre en place un service de restauration scolaire sans néanmoins avoir les moyens de garantir un accueil de l’ensemble des usagers, et qu’elle risquait fort de dissuader certaines communes de mettre en place un tel service, privant alors tous les enfants d’accès à ce service.

Ces inquiétudes pour les collectivités territoriales n’ont donc plus lieu d’être aujourd’hui.

Droit pénal de l’environnement : dissuasion, répression et indemnisation

Article publié dans les cahiers juridiques de La Gazette N° 234 • Février 2021

 

La préoccupation écologique est aujourd’hui centrale dans le débat public et marque donc naturellement de son empreinte, les politiques publiques menées par les Collectivités dans leurs territoires.

Le droit pénal de l’environnement peut constituer dans ce cadre un outil efficace, en appui de la mise en œuvre de leurs pouvoirs de police administrative spéciale en matière environnementale.

L’infraction criminelle d’écocide n’est en l’état pas intégrée dans l’arsenal juridique, mais l’utilisation du droit pénal comme outil de protection de l’environnement est désormais, non seulement admise, mais effective.

Le 29 janvier 2020, la Garde des Sceaux a déposé au Conseil des ministres un projet de loi intitulé « Une justice pour l’environnement », proposant notamment la création de juridictions spécialisées et un accroissement de la réponse pénale par la mise en place d’une convention judiciaire environnementale qui permettrait la mise en œuvre de mécanismes de compensation ou de réparation[1].

Le droit pénal de l’environnement présente ainsi à n’en pas douter un effet répressif et poursuit à ce titre un objectif de prophylaxie, tout autant qu’une logique réparatrice qui est au cœur du mécanisme répressif mis en place.

 

Application des principes directeurs de droit pénal

Principe de légalité – A l’instar de toute action répressive et conformément au principe de légalité, un manquement aux règles environnementales ne peut être poursuivi que si un texte le prévoit expressément[2]. Il n’est toutefois pas rare en la matière que les textes, supports des infractions, définissent les comportements prohibés par renvoi à d’autres dispositions réglementaires (décrets, arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux) ; ce qui sur le plan constitutionnel ne pose pas de difficultés[3]. Cette technique du renvoi rend toutefois plus difficilement prévisible les comportements répréhensifs.

Responsabilité personnelle – « Nul n’est responsable que de son propre fait »[4]. Le Code de l’environnement identifie les auteurs des infractions prévues, selon le domaine régi (ICPE, eau, déchets, etc).

 

Les infractions au droit de l’environnement

 

La nature des infractions

Le Code de l’environnement contient plusieurs dispositions répressives en matière de réglementation notamment sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), la gestion de l’eau, des déchets etc.

Infractions à la réglementation sur les ICPE – Le Code de l’environnement sanctionne l’exercice sans droit d’une activité réglementée, savoir le fait d’exploiter une installation sans l’autorisation ou l’enregistrement requis[5] mais également le fait d’exploiter une installation soumise à autorisation sans satisfaire aux règles générales et prescriptions techniques[6].

En matière de déchets – L’article L. 541-46 I- 4° du Code de l’environnement réprime le fait d’« abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires aux dispositions » législatives et réglementaires « des déchets » ; il peut s’agir de déchets industriels – inertes ou dangereux – mais également d’ordures ménagères entreposées au mépris des règles de collecte fixées sur le territoire d’une Commune.

En matière de gestion de l’eau – L’article L. 216-6 du Code de l’environnement[7] est le fondement légal le plus usité pour les atteintes à l’eau. Cette disposition réprime à la fois le rejet dans l’eau de substances nuisibles, mais aussi l’abandon des déchets dans l’eau. Ont ainsi été reconnus coupables de ce délit l’exploitant d’une station de traitement des eaux pour le rejet de boues noirâtres[8] ou encore le directeur d’une usine pour avoir déversé accidentellement de l’ammoniac en eau douce ayant entrainé une destruction piscicole[9].

Une contravention de portée générale – En sus de ces dispositions spécifiques, le Code pénal contient un article R. 610-5 qui réprime, au titre d’une contravention de 1ère classe, toute « violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police ». Ainsi et en dépit d’exemples illustratifs, il ne peut être exclu que la méconnaissance d’arrêtés relevant des pouvoirs du Maire en matière de salubrité publique puisse relever de ces dispositions[10].

 

La typologie dominante des infractions

Infractions formelles – Si toutes les infractions au Code de l’environnement n’excluent pas l’effectivité d’un dommage écologique, il est à noter que plusieurs dispositions sanctionnent un comportement, indépendamment de toute atteinte effective à l’environnement. A titre d’exemple, l’abandon de déchets sur un terrain[11] est répréhensible, en dehors de tout caractère incommodant qui en résulterait pour autrui.

Infractions non intentionnelles – L’article 121-3 du Code pénal précise qu’ « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». En matière environnementale, toutes les infractions ne sont pas subordonnées à la démonstration d’une volonté de l’auteur des faits de porter atteinte à l’environnement. Tel est le cas notamment du délit de pollution des eaux résultant de l’article L. 216-6 du Code de l’environnement[12] qui requiert une imprudence, susceptible d’être démontrée par le simple fait pour l’auteur d’avoir conscience que son activité pouvait produire le résultat dommageable.

Infractions attitrées – Là encore, si tous les comportements infractionnels ne sont pas concernés, il est à relever qu’une majorité des délits environnementaux ne peuvent être reprochés qu’à des personnes – morales ou physiques – définies par les dispositions législatives et réglementaires. Ainsi, en matière de gestion des déchets, l’article L. 541-48 du Code de l’environnement précise explicitement que ces infractions ne peuvent être reprochées qu’« à tous ceux qui, chargés à un titre quelconque de la direction, de la gestion ou de l’administration de toute entreprise ou établissement, ont sciemment laissé méconnaître par toute personne relevant de leur autorité ou de leur contrôle les dispositions mentionnées audit article ».

 

Les particularismes en matière procédurale

Sur la recherche et la constatation des infractions – Pour chacun des domaines protégés, le Code de l’environnement définit la procédure de constatation et liste les agents compétents pour procéder aux recherches et constatations des infractions. L’article L. 172-1 du Code de l’environnement désigne à ce titre trois catégories de personnes habilitées à chercher et constater des atteintes environnementales : les officiers et agents de police judiciaire, les agents publics spécialement habilités et, à titre principal, les enquêteurs de l’Office français de la Biodiversité[13]. Les agents de cet Office revêtent une double casquette, étant, en sus de l’aspect judiciaire, chargés des opérations administratives de contrôle[14].

Sur la possibilité de transiger – L’article L. 173-12 du Code de l’environnement prévoit la possibilité pour l’autorité administrative – tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement – de transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite des contraventions et délits prévus par le Code de l’environnement. Cette procédure qui est soumise à une homologation du Procureur de la République, a été avalisée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 septembre 2014[15]. Le contenu de cette transaction – qui entraine l’extinction de l’action publique – est déterminé « en fonction des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges »[16]. La Circulaire du 21 avril 2015 relative aux orientations de politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement précise, toutefois, que le recours à la transaction pénale « doit être réservé aux infractions de faible gravité et exclu lorsque les faits […] ont causé des dommages importants à l’environnement ou à des victimes. […]. Il doit être écarté lorsque des victimes ont porté plainte et ont demandé réparation d’un préjudice ».

 

Une action à visée réparatrice

Exclusion de l’aspect indemnitaire en cas de recours à une transaction – Si les victimes des infractions environnementales sont informées, en considération de l’article 40-2 du Code de procédure pénale – du recours à la procédure transactionnelle, elles ne sont toutefois pas admises à y exercer l’action civile. Le Conseil constitutionnel estime toutefois que cette seule information est de nature à préserver leur droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, celles-ci pouvant « agir pour demander la réparation de leur préjudice devant les juridictions civiles ainsi que, dans le délai de la prescription de l’action publique, devant les juridictions répressives »[17].

 

Les titulaires de l’action civile

L’article 2 du Code de procédure pénale permet à « tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction » d’engager l’action civile. La victime d’une infraction environnementale – personne physique ou morale, de droit privé ou public – peut ainsi saisir les juridictions pénales afin d’obtenir la réparation de son dommage, à condition qu’elle puisse invoquer un préjudice direct et personnel et qu’il soit en lien direct avec les faits poursuivis. Des difficultés peuvent toutefois se poser lorsque les intérêts protégés par des personnes morales qui exercent l’action civile se confondent avec l’intérêt collectif défendu par le Parquet de la République. En outre, le lien entre le fait générateur et le dommage causé pouvant être ténu et donc difficile à démontrer, l’article L. 142-3 du Code de l’environnement prévoit la possibilité pour une association agréée de mener une action en représentation conjointe « de personnes physiques ayant subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d’une même personne et qui ont une origine commune ».

Droit dévolu aux associations agréées de protection de l’environnement – La loi habilite certaines associations de protection de l’environnement – notamment celles agréées mentionnées à l’article L.141-1 du Code de l’environnement – à exercer les droits reconnus à la partie civile dès lors que les faits causent « un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre »[18].

Action ouverte aux personnes publiques – Le droit de se constituer partie civile est également reconnu aux personnes morales de droit public aux termes de l’article L. 142-4 du Code de l’environnement qui prévoit que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement ainsi qu’aux textes pris pour leur application ». Ce droit est également dévolu à certaines personnes morales de droit public spécifiques, dès lors qu’elles sont intervenues matériellement ou financièrement dans les incidents causés à l’environnement. L’article L. 211-5 du Code de l’environnement prévoit que « sans préjudice de l’indemnisation des autres dommages subis, les personnes morales de droit public intervenues matériellement ou financièrement ont droit au remboursement, par la ou les personnes à qui incombe la responsabilité de l’incident ou de l’accident, des frais exposés par elles. A ce titre, elles peuvent se constituer partie civile devant les juridictions pénales saisies de poursuites consécutives à l’incident ou à l’accident ». Les Groupements de Collectivités, à l’instar des Syndicats mixtes dotés notamment d’une compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) seraient donc recevables à solliciter une réparation de leur préjudice en cas par exemple de pollution de points d’eaux dont ils ont la gestion. En effet, dans son jugement du 16 janvier 2008 dans l’affaire du naufrage de l’Erika[19], le Tribunal de grande instance de PARIS a considéré que les collectivités locales qui peuvent demander la réparation d’une atteinte à l’environnement sont celles qui reçoivent de la loi une compétence spéciale en matière d’environnement leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion ou la conservation d’un territoire.

 

Les chefs de préjudices susceptibles d’être réparés

L’article 3 du Code de procédure pénale dispose que les parties civiles peuvent solliciter la réparation de « tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite ».

Un préjudice matériel – Une partie civile peut solliciter la réparation d’un préjudice matériel au titre par exemple des frais engagés pour constater ou faire cesser la pollution.

Un préjudice moral – La jurisprudence admet que les personnes morales – dont bien évidemment les Collectivités et les associations agréées – sont recevables à solliciter un préjudice moral[20]. Dans un arrêt du 20 février 2001, la Chambre criminelle a ainsi retenu un préjudice moral lié à l’atteinte aux efforts déployés par des associations de protection des eaux pour faire respecter la réglementation en cours[21].

Un préjudice écologique – Au-delà de l’indemnisation des préjudices classiques (matériel, financier, moral), les victimes d’infractions environnementales peuvent prétendre à la réparation d’un préjudice écologique que la Cour de cassation a défini, dans l’affaire du naufrage de l’Erika comme « l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction »[22].

 

 

[1] http://www.justice.gouv.fr/publications-10047/rapports-thematiques-10049/une-nouvelle-justice-pour-lenvironnement-32905.html ;

[2] Article 111-3 du Code pénal ;

[3] CC 10 nov. 1982, DC n°82-145 ;

[4] Article 121-1 du Code pénal ;

[5] Articles L.173-1 et suivants du Code de l’environnement – A titre d’exemple, Crim. 16 juin 2009, n° 08-87.911 : une société d’exploitation de carrières et son directeur ont été condamnés pour avoir exploité sans autorisation une installation classée pour la protection de l’environnement pour avoir dépassé la production annuelle autorisée par arrêté préfectoral, pour une carrière à ciel ouvert de calcaire ;

[6] Article R.514-4 du Code de l’environnement ;

[7] « le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L.218-73 et L.432-2, ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation en eau ou des limitations d’usage des zones de baignade »;

[8] Crim. 16 janv. 2007, n°03-86.502 ;

[9] CA Toulouse 30 juill. 2008, AZF ;

[10] Crim. 14 mars 1989, n°87-91.686, Bull. crim. n°127 : Ces dispositions ont « pour objet de sanctionner la méconnaissance des décrets et arrêtés légalement faits destinés à assurer le maintien de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon l’origine des pouvoirs de police en vertu desquels ils ont été pris » – Voir aussi Crim. 25 avril 2001, n°00-86.992, Bull. crim. n°102 ;

[11] Article L.546-1 du Code de l’environnement ;

[12] « le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L. 218-73  et L. 432-2 , ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation en eau ou des limitations d’usage des zones de baignade » – A titre d’exemple, Crim. 7 oct. 2008, n° 08-81.176, NP : un propriétaire foncier a été condamné pour avoir réalisé des plans d’eau successifs sur sa parcelle en détournant le cours d’un ruisseau sans demande d’autorisation de travaux ;

[13] Article L.557-59 : les agents des douanes – Article L.596-24 : les inspecteurs de la sureté nucléaire ;

[14] Articles L.171-1 à L.171-5 du Code de l’environnement ;

[15] CC 26 septembre 2014, n°2014-416, QPC ;

[16] Article L.173-12 III du Code de l’environnement ;

[17] CC 26 septembre 2014, n°2014-416, QPC, §10 ;

[18] Article L. 142-2, al. 1 du Code de l’environnement;

[19] TGI Paris 16 janvier 2008, n°9934895010 – CA Paris 30 mars 2010, n°08/02278 ;

[20] Crim. 14 mars 2007, n° 06-81010, NP ;

[21] Crim. 20 février 2001, n°00-82.655, NP ;

[22] Crim. 25 sept. 2012, n°10-82.938, Bull. crim. n°198 ; 

Sortie du statut de déchet : adaptation des instruments règlementaires

Arrêté du 1er avril 2021 modifiant l’arrêté du 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité mentionné à l’article D. 541-12-14 du code de l’environnement

 

Deux instruments règlementaires du 1er avril 2021 ont précisé les nouvelles conditions de sortie du statut de déchet, lesquelles avaient été modifiées par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC.

En effet, initialement, en application de l’article L. 541-4-3 du Code de l’environnement, plusieurs conditions devaient être réunies pour qu’un déchet perde cette qualité et redevienne un produit :

  • il doit avoir été traité par une ICPE ou une IOTA ;
  • il doit avoir subi une opération de valorisation ;
  • il doit répondre à certains critères cumulatifs fixés par le ministre chargé de l’environnement, relatifs notamment à son absence d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine, ou encore au respect par l’objet ou la substance de la législation et des normes applicables aux produits.

L’article 115 de la AGEC a supprimé la condition relative au traitement du déchet par une ICPE ou une IOTA.

Les deux instruments du 1er avril 2021 modifient ainsi la partie règlementaire du Code de l’environnement relative à cette problématique, laquelle figure aux articles D. 541-12-4 et suivants de ce Code, et l’arrêté du 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité mentionné à l’article D. 541-12-14 du code de l’environnement, permettant d’assurer une cohérence avec les dispositions législatives.

Ainsi, le terme d’« exploitant » d’une ICPE ou IOTA est remplacé par la notion de « producteur ou détenteur des déchets ». Désormais, sous réserve de remplir les autres conditions de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, c’est donc tout producteur ou détenteur de déchets qui pourra demander au ministre chargé de l’environnement que soient fixés les critères permettant que les déchets qu’il produit ou détient cessent d’avoir le statut de déchets.

Le décret du 1er avril 2021 précise que ces critères de sortie du statut de déchet seront fixés par le ministre chargé de l’environnement et que ces critères incluront des exigences relatives aux déchets autorisés utilisés en tant qu’intrants pour l’opération de valorisation, aux procédés et techniques de traitement autorisés, aux critères de qualité applicables aux matières issues de l’opération de valorisation, aux exigences pour les systèmes de gestion ainsi qu’à l’exigence d’une attestation de conformité.

Le décret du 1er avril 2021 énonce également que les critères de sortie du statut de déchets peuvent également inclure un contrôle par un tiers, le cas échéant accrédité, et le ministre chargé de l’environnement pourra fixer par arrêté les critères de ce contrôle (relatifs à la fréquence des contrôles, aux procédures, procédés et objets du contrôle ainsi qu’aux modalités d’échantillonnage et de conservation des échantillons).

L’arrêté du 1er avril 2021 fixe quant à lui notamment les modalités du contrôle par un tiers des producteurs ou détenteurs de déchets dangereux, de terres excavées ou de sédiments qui mettent en œuvre une opération de valorisation de ceux-ci.

Cet arrêté définit également le tiers comme, « aux fins du présent arrêté, (…) une personne impartiale et objective dans l’exercice de son activité, indépendante notamment de la personne réalisant l’opération de valorisation du déchet (…) ».

Pesticides : l’application du principe de participation du public à l’élaboration des chartes d’engagement induit une inconstitutionnalité du texte en vigueur

Aux termes de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), des mesures doivent être mises en œuvre pour protéger les riverains lorsque des produits phytopharmaceutiques sont utilisés à proximité des habitations. A cet égard, il est notamment prévu qu’une charte d’engagement à l’échelle départementale devant formaliser les mesures de protection des personnes habitant à proximité des zones d’épandage soit mise en place, les utilisateurs des produits phytopharmaceutiques s’engageant alors à respecter dite charte. L’article L. 253-8 du CRPM énonce que cette charte doit être élaborée « après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique ».

Par une décision QPC du 19 mars 2021, le Conseil constitutionnel a été amené à examiner la constitutionnalité de ce dispositif, et plus particulièrement des termes précités « après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique » avec le principe de participation du public consacré à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Le juge relève tout d’abord que ces chartes doivent être approuvées par l’autorité administrative, ce qui en fait des décisions publiques, et qu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement. Dès lors, ces Chartes doivent respecter les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement en matière de participation du public.

Le Conseil constitutionnel énonce alors que le dispositif de participation du public prévu pour les chartes d’engagement est insuffisamment encadré par le législateur. En effet, celui-ci a seulement prévu que la participation devait se dérouler à l’échelle départementale, « sans définir aucune autre des conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit de participation du public » (§13). En outre, le texte prévoyait la possibilité que les seuls représentants des personnes vivant à proximité des zones d’épandage soient consultés, ce qui « ne satisfait pas les exigences d’une participation de « toute personne » qu’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement » (§13).

Ce dispositif a donc été déclaré contraire aux normes constitutionnelles.