Quels sont les diagnostics obligatoires à joindre lors de la conclusion d’un bail commercial ?

Lors de la conclusion d’un bail commercial, un certain nombre de diagnostics techniques doivent être obligatoirement joints en annexe du contrat.  

  • Un état des risques et pollutions (ERP) en application de l’article L. 125-5 du Code de l’environnement si le local est situé dans une zone concernée par un plan de prévention spécifique (décret n° 2005-34 du 15 février 2005). À défaut, le bailleur risque la résolution du contrat en cas de litige ;
     
  • Un diagnostic de performance énergétique (DPE) étant précisé que, pour être recevable, il sera nécessaire que celui-ci ait été réalisé au maximum 10 ans avant la mise en location ou la vente du bien immobilier en question.
     
  • Un constat de risque d’exposition au plomb pour les biens immobiliers dont le permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 1949 ;
     
  • Un diagnostic amiante pour tous les biens immobiliers dont le permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 1997 ;
     
  • Une annexe environnementale pour bureaux et commerces de plus de 2000 m2, détaillant la liste et les caractéristiques énergétiques des équipements du local. 

  

Plus spécifiquement, sur ce dernier point, la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 a introduit l’obligation pour les baux portant sur des locaux de bureaux ou commerces de plus de 2 000 m2 de comporter une annexe environnementale. Cette disposition a été inscrite à l’article L. 125-9 du Code de l’environnement.  

Le décret n° 2011-2058 du 30 décembre 2011 relatif au contenu de l’annexe environnementale mentionnée à l’article L. 125-9 du Code de l’environnement (Journal Officiel 31 Décembre 2011. – C. env., art. R. 137-1 et R. 137-21), précise le contenu de l’annexe environnementale. Elle comporte les éléments suivants, fournis par le bailleur :   

1° La liste, le descriptif complet ainsi que les caractéristiques énergétiques des équipements existants dans le bâtiment et relatifs au traitement des déchets, au chauffage, au refroidissement, à la ventilation et à l’éclairage ainsi qu’à tout autre système lié aux spécificités du bâtiment ; 

 Les consommations annuelles énergétiques réelles des équipements et systèmes dont il a l’exploitation ; 

 Les consommations annuelles d’eau des locaux loués et des équipements et systèmes dont il a l’exploitation ;  

4° La quantité annuelle de déchets générée par le bâtiment, si le bailleur en assure le traitement et, le cas échéant, la quantité qu’il a fait collecter en vue d’une valorisation ou d’un traitement spécifique. 

On notera que cette annexe est obligatoire :  

  • A compter du 1er janvier 2012 pour les nouveaux baux et les baux renouvelés ;
  • A compter du 14 juillet 2013 pour les baux en cours.  

Tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE 6 HTA-BT) : la CRE consulte les acteurs du marché

Une nouvelle consultation a été lancée par la Commission de régulation de l’énergie dans le cadre de l’élaboration des prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE) en vue de réponses attendues jusqu’au 16 novembre 2020. Les articles L. 341-2, L. 341-3 et L. 341-4 du Code de l’énergie donnent en effet compétence à la CRE pour fixer la méthode d’établissement des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE).  

La CRE souhaite recueillir l’avis des acteurs de marché, en vue de l’adoption, au début de l’année 2021, de la délibération portant décision sur le TURPE 6 HTA-BT. Ce tarif devrait entrer en vigueur le 1er août 2021 pour une durée de quatre ans environ. 

L’objet premier de cette consultation est de recueillir l’avis des acteurs du marché sur les niveaux de charges et de produits d’exploitation du distributeur, impactés par l’intégration des colonnes montantes dans le patrimoine des ouvrages exploités par le distributeur, sous réserve que ces colonnes n’aient pas déjà été intégrées dès leur construction. 

 C’est là l’effet des dispositions issues de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, comme nous avions eu l’occasion de le préciser dans une précédente lettre d’actualités. 

Un autre élément d’appréciation est le niveau de rémunération du capital d’Enedis dans le futur TURPE 6, sujet éminemment sensible depuis longtemps et dont dépend pour partie l’évolution du TURPE 6. 

Dans le cadre de cette consultation, la CRE propose également de modifier les modalités de couverture de certains postes qui étaient pris en compte à 100% dans le compte de régularisation des charges et des produits (CRCP) dans le TURPE 5 HTA-BT. 

Il en va ainsi des charges relatives aux redevances de concession dues par Enedis aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité. En effet, la CRE envisage que ces charges ne soient plus couvertes au titre du CRCP au motif invoqué qu’Enedis aura renouvelé la grande majorité de ses contrats de concession au début de la période du TURPE 6 HTA-BT et aura donc de la visibilité sur les redevances à verser aux collectivités. 

Outre le fait que toutes les concessions n’ont pas encore été renouvelées, cette évolution par rapport au TURPE 5 surprend tant il est indiscutable que les redevances de concession sont des charges fixes dans l’intérêt du service public de la distribution d’électricité. 

Ce sont là autant d’éléments d’appréciation techniques et financiers sur lesquels les acteurs ne manqueront pas de se prononcer lorsque l’on sait la sensibilité de ces questions. 

Au-delà de ces questions majeures, d’autres enjeux pour ce prochain tarif peuvent être évoqués.  

La transition énergétique tout d’abord. En effet, la prochaine période tarifaire (2021-2024) devrait être marquée par une augmentation massive de la production d’électricité renouvelable (EnR), le développement de la mobilité électrique et l’autoconsommation. C’est la raison pour laquelle Enedis annoncé une forte hausse de ses investissements particulièrement pour le raccordement de la production décentralisée, mais également pour moderniser le réseau existant. 

Un autre enjeu important est celui de la qualité de l’électricité. La consultation indique qu’il appartiendra à Enedis de fiabiliser la mesure du temps de coupure en intégrant les données collectées à partir des compteurs Linky. 

Le développement de nouvelles sources de flexibilité (stockage, effacement, agrégation de flexibilités décentralisées) devrait également conduire le gestionnaire du réseau à moderniser le réseau, l’enjeu étant alors, comme l’indique la CRE, de limiter au strict nécessaire les renforcements de réseau. 

Le peu de succès de la flexibilité sur le territoire national reste étonnant et interroge, plus que sur l’évitement de futurs renforcements, sur le dimensionnement du réseau de distribution et son intérêt pour accueillir des opérations de flexibilité. 

En définitive, la CRE indique que le prochain tarif sera là pour accompagner l’opérateur dans la transformation et la modernisation du réseau qu’il exploite. L’objectif poursuivi est qu’Enedis soit incitée à recourir effectivement à des solutions innovantes et aux flexibilités, et plus généralement à favoriser l’innovation de l’ensemble du secteur et le maintien de la qualité de service. 

Ce futur TURPE 6 est fortement attendu de tous au travers de l’ensemble de ces enjeux. 

Certificats d’économie d’énergie : contrôles de certaines opérations

Un arrêté, paru le 22 octobre dernier, détermine la liste des opérations standardisées d’économies d’énergie soumises à une obligation de contrôle par tiers. 

L’article 1er de l’arrêté fixe une liste d’opérations standardisées relatives à l’isolation des murs en secteurs résidentiel et tertiaire ainsi qu’à l’isolation des parois sur des installations industrielles, devant faire l’objet de contrôles par tiers, ainsi que les modalités de ces contrôles, en application de l’article L. 221-9 du Code de l’énergie. 

Les contrôles peuvent être menés selon deux procédés : 

  • soit par un organisme de contrôle ; 
  • soit par le demandeur lui-même. 

Ce contrôle se fait sur la base d’opérations sélectionnées de façon aléatoire. 

A la suite du contrôle, une synthèse des contrôles devra être réalisée par le demandeur des certificats d’économies d’énergie ou par l’organisme de contrôle.  

Cette synthèse comprendra notamment la liste des opérations, la méthode d’échantillonnage, la liste des opérations prévues pour être contrôlées, la liste des opérations réellement contrôlées, les paramètres contrôlés, les résultats obtenus, les écarts constatés y compris sur la qualité des travaux et les contrôles non satisfaisants. Elle comprendra également des informations sur la prise de contact avec les bénéficiaires, en établissant le taux de numéros téléphoniques erronés, le taux de bénéficiaires joints ainsi que le taux d’acceptation de rendez-vous. 

Ces dispositions seront applicables aux opérations d’économies d’énergie engagées à compter du 1er janvier 2021. 

Cet arrêté vise également, dans le contexte de la crise sanitaire, à accorder certaines souplesses quant au délai de dépôt des demandes de certificats « pour les opérations achevées du 1er mars 2019 au 31 décembre 2019 ». 

Fonds de péréquation de l’électricité (FPE) : arrêté publié

Un arrêté relatif au fonds de péréquation de l’électricité a été récemment publié.    

Il vient fixer, d’une part, les coefficients de la formule du fonds de péréquation de l’électricité pour l’année 2020 et, d’autre part, les montants associés que doivent verser (contributions) ou recevoir (dotations) les gestionnaires de réseaux.  

Les dotations versées aux entreprises locales de distribution bénéficiaires du FPE leur permettent de couvrir en partie les charges qu’elles supportent au titre de leurs obligations de service public. En effet, leurs charges réelles ne sont pas prises en compte dans le calcul du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) facturé aux usagers. 

Cet arrêté est pris en application des articles R. 121-53 et R. 121-57 du Code de l’énergie qui définissent les modalités de calcul des contributions et des dotations versées au titre du FPE selon que l’exploitation du service public de la distribution assurée par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité est bénéficiaire ou déficitaire. 

L’article R. 121-58 du Code de l’énergie prévoit quant à lui que la valeur des coefficients servant au calcul de la péréquation forfaitaire, ainsi que les montants des dotations et des contributions correspondants, est fixée chaque année par arrêté.  

Projet de loi ASAP : les principales dispositions en matière énergétique

Le projet de loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique (dit projet de loi « ASAP ») a été approuvé par la Commission Mixte Paritaire le 21 octobre dernier, puis approuvé par le Sénat le 27 octobre, et enfin par l’Assemblée Nationale le 28 octobre dernier.  

Ce projet de loi, qui avait pour objet initial de répondre aux attentes exprimées lors du grand débat national en facilitant l’accès aux services publics, a, à la suite de la crise sanitaire, été enrichi de dispositions destinées à accompagner la relance de l’économie. 

Le volet environnemental de ce projet de loi fait l’objet du Focus de la présente lettre d’actualité. 

On présentera ci-après les principales dispositions du texte intéressant le secteur énergétique. 

Tout d’abord, l’article 25 Bis F tend à accélérer le développement des énergies renouvelables électriques terrestres et des installations de biogaz, en simplifiant certaines procédures et en assouplissant certaines contraintes.  

Ainsi, les règles applicables aux avances en compte courant consenties par les collectivités et leurs groupements aux sociétés de production d’énergie renouvelable auxquelles ils participent sont assouplies (leur durée passe de 2 à 7 ans renouvelable). 

Par ailleurs, l’Etat peut être dispensé d’organiser une procédure de mise en concurrence préalablement à la délivrance d’un titre d’occupation de son domaine public destiné à être le siège de l’installation et de l’exploitation d’une installation de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ou d’une installation de production de biogaz bénéficiant d’un soutien public obtenu au terme d’une procédure de mise en concurrence, sous certaines conditions. Cette évolution évite ainsi l’organisation de deux procédures de mise en concurrence successives. 

  

L’article 28 du projet de texte prévoit quant à lui de modifier l’article L. 351-1 du Code de l’énergie relatif aux consommateurs électro-intensifs, en étendant le statut de site fortement consommateur d’électricité et le bénéfice de la réduction du tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (Turpe) qui lui est associé aux ensembles de sites situés au sein d’une même plateforme industrielle

  

Ensuite, l’article 28 ter du projet de loi propose la création d‘un nouvel article L. 342-13 au sein du Code de l’énergie organisant une procédure spécifique permettant de réaliser de manière coordonnée des travaux raccordant une installation de production d’électricité au réseau public de distribution d’électricité et la pose d’une ligne de communications électroniques en fibre optique de très haut débit pour cette installation. Cette procédure serait réalisée à la demande et aux frais exclusifs du producteur d’énergie. Les travaux seraient quant à eux réalisés par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité. 

  

L’article 28 quater consacre la possibilité pour les personnes âgées résidant dans un établissement médicosocial d’utiliser leur chèque énergie pour régler certaines dépenses. On rappellera que le chèque énergie est un titre spécial de paiement permettant aux ménages modestes d’acquitter tout ou partie du montant des dépenses d’énergie de leur logement. 

  

L’article 28 quinquies du texte organise une procédure de transfert de la propriété des canalisations destinées à l’utilisation du gaz dans les immeubles et situées en amont du compteur, aux autorités organisatrices de la distribution publique de gaz, propriétaires des réseaux publics de distribution de gaz, lorsque ces parties ne sont pas déjà intégrées dans la concession. Cette procédure serait analogue à celle organisée pour les colonnes montantes électriques par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Ce dispositif prévoirait en effet que : 

  • l’ensemble des canalisations mises en service à compter de la publication de la loi ASAP seraient intégrées automatiquement au réseau public de distribution du gaz ;
     
  • le transfert de plein droit, à titre gratuit et sans condition, dans le réseau public de distribution du gaz, de l’ensemble des conduites de gaz existantes à compter du 1er janvier 2023 ;

     

  • jusqu’au 31 décembre 2022, les propriétaires ou copropriétaires des immeubles dans lesquels se trouvent des canalisations de gaz auraient la possibilité : 
    • soit de s’opposer au transfert des conduites de gaz dans le réseau public en revendiquant leur propriété ; cette revendication ne peut néanmoins prospérer si le gestionnaire de réseau ou l’autorité concédante apporte la preuve que lesdites canalisations appartiennent déjà au réseau public de distribution de gaz ;

       

    • soit de notifier au gestionnaire du réseau public de distribution de gaz leur décision de procéder au transfert anticipé des conduites dans le réseau public (ledit transfert anticipé demeurant gratuit et sans contrepartie pour le gestionnaire du réseau public).  

  

Une nuance est introduite s’agissant du transfert des parties de canalisations se situant à l’intérieur de la partie privative du logement jusqu’au dispositif de comptage. En effet, le transfert de ce tronçon du réseau ne peut prendre effet qu’après une visite de l’installation, effectuée sous la responsabilité du gestionnaire de réseau dans un délai de trois ans à compter de la notification, permettant de s’assurer de son bon état de fonctionnement et se concluant par un procès-verbal de transfert.  

  • S’agissant des parties de canalisations se situant à l’intérieur de la partie privative du logement jusqu’au dispositif de comptage, leur transfert de plein droit, gratuit et sans contrepartie, interviendra le 1er janvier 2026. 
  • Dans l’hypothèse où les propriétaires ou copropriétaires des immeubles dans lesquels sont situées ces canalisations en ont conservé la propriété, lesdites canalisations peuvent être transférées, à la demande des mêmes propriétaires ou copropriétaires, au réseau public de distribution de gaz, mais c’est alors sous réserve de leur bon état de fonctionnement. Le gestionnaire de réseau ne peut s’opposer au transfert des canalisations en bon état de fonctionnement ni exiger une contrepartie financière. Il détermine, le cas échéant, les travaux à réaliser pour assurer le bon état de fonctionnement desdites canalisations.  
  • Le projet de loi ajoute que les concessionnaires de la distribution publique de gaz ne sont tenus, au cours et à l’issue des contrats conclus avec l’autorité concédante, à aucune obligation financière liée aux provisions pour renouvellement des canalisations destinées à l’utilisation du gaz, et ce nonobstant l’existence d’éventuelles clauses contractuelles contraires. 

  

Le même article 28 quinquies clarifie les modalités de prise en charge de la réparation des ouvrages de distribution d’électricité et de gaz (notamment) en cas de dommage survenu au cours d’un chantier réalisé à proximité de ceux-ci. On rappellera en effet que la réglementation dite « anti-endommagement » (figurant aux articles L. 554-1 du Code de l’environnement) impose aux entreprises exécutant des travaux à proximité de réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution (de gaz mais aussi d’électricité, eau, télécommunications, etc.), au responsable du projet de travaux et aux exploitants de ces ouvrages, de mettre en œuvre les mesures techniques et organisationnelles nécessaires pour éviter de porter atteinte à leur intégrité, sécurité ou continuité de fonctionnement, à l’environnement, à la sécurité des travailleurs et du voisinage ou à la vie économique. 

On signalera encore l’article 28 sexies du projet de texte prévoyant une augmentation du taux de réfaction du coût d’un raccordement, de 40% à 60%, pour la production biométhane. Pour mémoire, le taux de réfaction du coût d’un raccordement (d’une unité de production de biométhane par exemple) correspond à la partie du coût de raccordement qui n’est pas facturée par le gestionnaire du réseau au demandeur du raccordement mais est couvert par le tarif d’utilisation des réseaux publics facturé, lui, à l’ensemble des consommateurs finals de gaz naturel. En augmentant de 40 à 60% la part du coût de raccordement des unités de production de biométhane, prise en charge par le tarif payé par l’ensemble des usagers, le législateur entend encourager cette filière, et notamment les projets de faible envergure, souvent portés par des agriculteurs. 

Assouplissement du critère géographique en matière d’autoconsommation collective étendue

Un arrêté du 14 octobre 2020 modifie le régime de l’autoconsommation collective étendue en prévoyant la possibilité de déroger au critère géographique de droit commun dans certains cas.  

Pour rappel, conformément aux dispositions de l’arrêté du 21 novembre 2019 fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue (NOR: TRER1932009A ; voir notre commentaire dans la Lettre d’Actualité Juridique Energie Environnement de décembre 2019) pris en application de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie, une opération d’autoconsommation collective ne peut être mise en œuvre que lorsque le(s) producteur(s) et consommateur(s) concernés sont liés entre eux au sein d’une personne morale, qu’ils sont raccordés au réseau basse tension d’un unique Gestionnaire de Réseau de Distribution (GRD) et :  

  • se trouvent à une distance maximale de 2 kilomètres (la distance s’appréciant au regard des point(s) d’injection et de livraison les plus éloignés) ;  

  • la puissance cumulée des installations de production est inférieure à 3 MW sur le territoire métropolitain continental et 0,5 MW dans les zones non interconnectées.   

Conformément au projet d’arrêté qui avait été soumis au Conseil Supérieur de l’énergie au mois d’avril 2020 (Voir notre commentaire dans la Lettre d’actualités juridiques environnement énergie davril 2020) ainsi qu’à la Commission de Régulation de l’Energie, l’arrêté du 14 octobre 2020 prévoit dans certains cas la possibilité de déroger au critère géographique.  

Le cadre dérogatoire fixé par l’arrêté commenté est le suivant : 

  • la limite de distance séparant les deux participants les plus éloignés peut être portée à 20 kilomètres ;
     
  • la dérogation est accordée par le Ministre chargé de l’énergie sur demande motivée de la personne morale organisatrice du projet d’autoconsommation collective ;
     
  • pour se prononcer, le Ministre chargé de l’énergie tient notamment compte de l’isolement du lieu du projet, du caractère dispersé de son habitat et de sa faible densité de population ;
     
  • la dérogation n’est applicable que sur le territoire métropolitain continental, et non dans les zones non interconnectées.  

Le but poursuivi par l’introduction de cette dérogation consiste à « répondre aux attentes du monde rural, auquel [les] seuils [de droit commun] ne sont pas toujours adaptés », ainsi qu’il résulte du rapport accompagnant le projet d’arrêté. 

Projet de loi ASAP : allègement des procédures relatives à la règlementation des installations classées et au domaine de l’eau

En février 2020, le gouvernement a présenté un projet de loi dans l’objectif affirmé d’une simplification des relations entre le public et l’administration, avec la mise en place d’une plus grande proximité de l’action publique et une simplification et une plus grande rapidité de certaines démarches. L’exposé des motifs de la loi énonçait par exemple viser « la suppression ou le regroupement de près de quatre-vingt-dix commissions consultatives » et indiquait que « près de 99 % des décisions administratives individuelles seront prises, avant juin 2020, au niveau déconcentré, au plus proche des citoyens ». En raison de la crise sanitaire liée au covid-19, les discussions parlementaires portant sur ce projet ont été suspendues au début du mois de mars et ont repris en septembre 2020. 

  

Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, qui comprend plus de 150 articles, a été adopté par le Sénat le 27 octobre et par l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020. Le 3 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de 60 députés pour examen a priori de la constitutionnalité de ce projet de loi. Le texte de la loi ASAP tel que présenté ci-dessous pourrait ainsi connaître des modifications dans les semaines ou jours prochains. Selon les informations disponibles (qui n’ont pu être vérifiées à l’heure où nous écrivons ces lignes), les députés ayant saisi le Conseil constitutionnel lui demanderaient de déclarer l’ensemble du projet de loi comme inconstitutionnel, ou à défaut certaines de ses dispositions. Seraient particulièrement visées les dispositions relatives à la règlementation environnementale commentées ci-après. Les députés estimeraient en effet que celles-ci seraient contraires aux principes consacrés au sein de la Charte de l’environnement, au principe de non-régression du droit de l’environnement et au droit à un recours effectif[1].  

  

Le projet de loi ASAP est articulé autour de cinq titres, relatifs à la suppression de commissions administratives, à la déconcentration de décisions administratives individuelles, à la simplification des procédures applicables aux entreprises ainsi qu’à d’autres mesures de simplification ou portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français. 

Certaines des dispositions de la loi ASAP intéressent la règlementation environnementale. Sont ainsi modifiés le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) (A), concernant notamment les modalités de participation du public et la remise en état des sites, ainsi que la règlementation dans le domaine de l’eau (B). 

A/ Allègement des procédures applicables aux projets et aux ICPE  

Les dispositions de la loi ASAP modifiant la règlementation environnementale sont principalement liées à la simplification de la réalisation de projets industriels. Les motifs de la loi indiquent ainsi que « le projet de loi vise à donner une traduction législative aux propositions du député d’Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian. Ce dernier avait été missionné pour formuler des propositions afin d’accélérer et libérer les projets industriels sur nos territoires, en simplifiant les procédures préalables aux implantations industrielles ». On note effectivement à cet égard que des dispositions de la loi ASAP tendent à la simplification des procédures applicables aux ICPE (1) et allègent les procédures de participation du public (2). Il importe toutefois de noter que les obligations de remise en état des sites sont renforcées (3).  

1 – Simplification et sécurisation des procédures applicables aux projets et ICPE 

  

(a) Une modification apportée par la loi ASAP consiste en l’instauration d’une non-rétroactivité de la règlementation applicable, en matière d’installations classées, à une demande en cours d’instruction (article 21).  

En effet, en l’état actuel du droit et en application des articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 du Code de l’environnement (C. env.), des prescriptions peuvent être adoptées par arrêté ministériel et imposées aux exploitants d’ICPE soumises à autorisation, enregistrement et déclaration. Ces prescriptions visent par exemple à fixer les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d’accident ou de pollution. Si, au moment de leur publication, ces prescriptions ne s’imposent pas aux installations existantes, elles s’appliquent aux installations nouvelles, y compris lorsque leur demande est déjà en cours d’instruction. Par exemple, un dossier de demande d’autorisation ICPE pouvait se voir appliquer une nouvelle règlementation en cours d’instruction. Les travaux parlementaires indiquent que cela pouvait entrainer une insécurité juridique à laquelle le législateur a entendu remédier.  

L’article 21 de la loi ASAP prévoit ainsi que, sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, les prescriptions relatives au gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation ou d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté, ainsi qu’aux installations déclarées existantes. Les autres prescriptions des arrêtés ministériels s’appliqueront aux demandes d’autorisation ou d’enregistrement en cours d’instruction selon les mêmes conditions et délais que pour les installations existantes, à condition que les demandes soient complètes au jour de la publication des arrêtés. Les demandes complètes d’autorisation et enregistrement sont donc traitées comme des installations existantes : les prescriptions des arrêtés ministériels relatives au gros œuvre ne leurs sont pas applicables et les autres prescriptions le sont selon les modalités prévues pour les installations existantes. 

Il pourra être noté que les motifs permettant de déroger à la non-rétroactivité des prescriptions aux demandes en cours d’autorisation, enregistrement et aux installations déclarées existantes ne comprennent pas la protection de l’environnement. Un amendement avait sollicité l’inscription de ce motif, qui a été rejeté en raison « d’un avis défavorable de la part du Gouvernement qui a jugé que les termes de « protection de l’environnement » étaient source de fragilité juridique, contrairement aux termes de sécurité, de santé et de salubrité publiques choisis pour définir les exceptions dans le projet de loi […]. Cette disposition, qui recouvrait un champ très large, conduisait en effet à vider l’article de sa substance »[2].  

 

(b) En outre, la loi ASAP supprime certaines consultations pour avis obligatoires du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (article 24). 

Lors de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une ICPE, l’avis de la commission compétente n’est plus exigé lorsque le préfet souhaite adopter des prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l’installation. Cet avis demeure toutefois obligatoire lorsque les prescriptions particulières aménagent les prescriptions générales en raison de circonstances locales (L. 512-7-3 C. env.). L’avis de la commission compétente, auparavant obligatoire en application des articles L. 512-7-5 et L. 512-12 C. env., n’est également plus exigé lorsque le préfet édicte des prescriptions complémentaires après mise en service d’une ICPE soumise à enregistrement ou pour les ICPE soumises à déclaration, en raison des potentielles atteintes aux intérêts protégés (articles L. 511-1 et/ou L. 211-1 C. env.). La consultation obligatoire du CODERST est également supprimée pour la procédure d’autorisation de construction et d’exploitation de canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé, d’hydrocarbures et de produits chimiques (L. 555-1 C. env.), ainsi que pour l’adoption des prescriptions complémentaires relatives aux canalisations soumises à autorisation (L. 555-12 C. env.). 

Les travaux parlementaires précisent toutefois que, si la consultation du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n’est plus obligatoire dans ces situations, celle-ci pourra toujours être réalisée par le préfet à titre facultatif. Un amendement visant à permettre la saisine pour avis du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sur demande du porteur de projet a néanmoins été rejeté à la suite notamment d’un avis négatif du gouvernement.  

 

(c) Ensuite, la loi ASAP introduit la possibilité pour le préfet d’autoriser, avant l’octroi de l’autorisation environnementale, le lancement de travaux de construction, sous certaines conditions (article 26). Le législateur considère en effet que l’attente de l’octroi de cette autorisation peut « générer des délais »[3].  

Deux alinéas sont ainsi ajoutés à l’article L. 181-30 du Code de l’environnement. Le préfet peut, sur demande du pétitionnaire et par une décision spéciale et motivée, autoriser le pétitionnaire à exécuter le permis de construire, donc à lancer les travaux de construction, avant que l’autorisation environnementale ne soit délivrée. Cette possibilité est cependant encadrée, et est exclue lorsque les travaux nécessitent une des décisions de l’article L. 181-2 I C. env. (par exemple dérogation espèces protégées ou une autorisation spéciale au titre des réserves naturelles) ou une autorisation loi sur l’eau (L. 214-3 C. env.). Il est également nécessaire que la possibilité de commencer les travaux préalablement à l’octroi de l’autorisation environnementale ait été portée à la connaissance du public. En outre, l’autorisation d’urbanisme devra avoir été accordée et portée à connaissance du préfet.  

La décision du préfet doit être publiée, et le pétitionnaire pourra engager les travaux à ses frais et risques.  

(d) Le processus d’actualisation des études d’impact est également simplifié. L’article L. 122-1-1 III du Code de l’environnement prévoit à cet égard que, lorsque la réalisation d’un projet est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, les incidences du projet sur l’environnement sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation. Si ces incidences n’ont pu être entièrement évaluées avant cette première autorisation, le maître d’ouvrage devra ensuite procéder à une actualisation de l’étude d’impact « dans le périmètre de l’opération pour laquelle l’autorisation a été sollicitée et en appréciant leurs conséquences à l’échelle globale du projet » (L. 122-1-1 III C. env.). Cette actualisation est soumise à l’avis de l’autorité environnementale ainsi qu’à celui des collectivités territoriales et de leurs groupements intéressés par le projet.  

L’article 23 de la loi ASAP prévoit désormais que les nouveaux avis sont émis « dans le cadre de l’autorisation sollicitée ». Les travaux parlementaires indiquent à cet égard que « l’avis de l’autorité environnementale qui est à nouveau sollicité ne revient pas sur les éléments déjà autorisés et […] les prescriptions nouvelles qui peuvent être formulées ne portent que sur ce qui fait l’objet de la demande concernée »[4]. En outre, l’avis émis par l’autorité environnementale vaut à la fois pour la procédure d’autorisation environnementale et pour la procédure d’actualisation de l’étude d’impact.  

  

2 – Modifications relatives à l’information et participation du public 

Plusieurs dispositions de la loi ASAP impactent les modalités d’information et de participation du public, notamment dans le but de réduire les délais liés à la mise en œuvre de ce principe du droit de l’environnement.  

(a) Des modifications ont été apportées aux modalités d’exercice du droit d’initiative des collectivités territoriales, des ressortissants de l’Union européenne ou des associations agréées (article 24bis de la loi ASAP). Ce droit permet à ses bénéficiaires de demander au préfet l’organisation d’une concertation préalable dans le cadre de l’élaboration de certains projets, plans ou programmes. Tout d’abord, le délai dans lequel peut s’exercer ce droit d’initiative est réduit de quatre à deux mois à compter de la publication de la déclaration d’intention du projet ou de l’acte prescrivant l’élaboration du plan ou programme. Ensuite, concernant les projets susceptibles d’être soumis au droit d’initiative, l’article 24bis de la loi ASAP instaure une obligation pour l’autorité administrative d’informer les collectivités territoriales de la déclaration d’intention de projet transmise par le maître d’ouvrage. Les collectivités concernées sont celles dans lesquelles se trouve tout ou partie du territoire mentionné dans la déclaration d’intention. D’autres collectivités, groupements et associations agréées peuvent également être informés.  

 

(b) En outre, la loi ASAP restreint le champ de l’enquête publique dans la procédure d’autorisation environnementale (article 25 de la loi). En effet, si l’autorité organisant la consultation du public estime que celle-ci peut être réalisée par consultation électronique, en fonction des impacts sur l’environnement, sur l’aménagement du territoire et des enjeux socio-économiques qui s’attachent au projet concerné, alors elle pourra être réalisée selon cette modalité et non par enquête publique. L’enquête publique demeure obligatoire pour les projets mentionnés à l’article L. 213-2 I du Code de l’environnement, c’est-à-dire, sauf exception, ceux soumis à évaluation environnementale. Le législateur justifie cette modification par le raccourcissement des délais de procédure, estimant que cela « ferait gagner environ trois semaines de délais »[5]

(c) Des précisions sont apportées sur la procédure de participation du public devant être mise en œuvre pour la modification du décret de création d’un parc naturel marin (article 25 bis C de la loi ASAP) : si la modification porte sur la délimitation du parc ou les orientations de sa gestion, celle-ci sera soumise à enquête publique ; en revanche,  lorsque la modification porte sur la composition et les modalités d’organisation du conseil de gestion, celle-ci n’est pas soumise à la procédure d’enquête publique mais à celle de consultation électronique prévue à l’article L. 123-19-1 C. env., qui est la procédure applicable lorsqu’aucune procédure particulière n’est prévue. 

(d) L’article 25 bis D de la loi ASAP améliore la transparence sur les travaux du CODERST, rendant publics les documents qui lui sont transmis dans le cadre de l’examen des affaires inscrites à l’ordre du jour, sauf si ces documents sont protégés par le secret. Cette disposition a été adoptée en application des préconisations en ce sens du rapport d’information n° 2689 de la mission d’information sur l’incendie d’un site industriel à Rouen, et tire donc les conséquences de l’incendie de Lubrizol.  

(e) Enfin, l’article 23 bis de la loi ASAP introduit un droit d’option du maître d’ouvrage concernant la procédure de participation du public à mettre en œuvre lorsque son projet est soumis en partie à la concertation prévue par le Code de l’urbanisme et en partie à la concertation préalable prévue par le Code de l’environnement (articles L. 103-2 du Code de l‘urbanisme et L. 121-15-1 du C. env.). Le maître d’ouvrage pourra ainsi choisir, au lieu de réaliser les deux procédures de consultation du public, de soumettre l’ensemble du projet à la concertation préalable prévue par le Code de l’environnement. Les projets pouvant faire l’objet de ce droit d’option sont les projets et opérations d’aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique, les projets de renouvellement urbain ainsi que la création d’une zone d’aménagement concerté. 

3 – Renforcement des obligations relatives à la remise en état des sites industriels  

  

(a) L’article 27 de la loi ASAP introduit une obligation pour l’exploitant d’une installation soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration de faire attester de la remise en état du site. Cette attestation « de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité ainsi que de l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site, puis de la mise en œuvre de ces dernières », pour les ICPE soumises à autorisation ou enregistrement, doit être délivrée par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes. Pour les installations classées soumises à déclaration, l’attestation ne concernera que la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité du site. Il ressort des travaux parlementaires que cette mesure vise à garantir la qualité des analyses nécessaires à la remise en état des sites, celles qui pouvaient être menées jusqu’à présent n’étant pas nécessairement de qualité suffisante.  

(b) L’article 27 bis de la loi ASAP introduit un nouvel article L. 512-22 dans le Code de l’environnement, lequel instaure la possibilité pour le Préfet de fixer un délai contraignant pour la réhabilitation du site des ICPE mises à l’arrêt définitif. Le préfet devra pour cela consulter l’exploitant ou propriétaire du terrain ainsi que le maire ou président de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme. Cette disposition vise à remédier aux retards souvent pris pour ces travaux, lesquels « sont fréquemment dus à une mauvaise gestion de la part des exploitants ou des propriétaires des sites »[6].

(c) La loi ASAP contient diverses autres mesures concernant la remise en état des sites. Ainsi, il est désormais prévu que, lors de la mise à l’arrêt d’une installation classée soumise à autorisation, l’exploitant devra également veiller à placer le site dans un état tel qu’il ne portera pas atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 C. env., relatifs à une bonne gestion de l’eau. Auparavant, les textes ne citaient à cet égard que les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 C. env., comprenant notamment à la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l’agriculture ou encore la protection de la nature, de l’environnement et des paysages. En outre, lorsqu’un tiers prend en charge la réhabilitation du site, l’article 27 simplifie la procédure permettant à un autre tiers de se substituer à lui. Enfin, il est désormais précisé à l’article L. 514-8 du C. env. que les dépenses mises à la charge de l’exploitant comprennent celles engagées par l’Etat pour le suivi et la gestion des conséquences d’une situation accidentelle, la ministre déléguée Mme Pannier-Runacher ayant indiqué lors des discussions parlementaires que cela trouverait à s’appliquer aux situations comparables à l’accident de l’usine Lubrizol. 

 

B/ Modifications dans le domaine de l’eau 

La loi ASAP traite également des interventions dans le domaine de l’eau, afin notamment de les adapter à l’urgence.  

(a) Tout d’abord, l’article 25 bis B introduit de nouvelles dispositions dans le Code de l’environnement afin de faciliter les interventions d’urgence. D’une part, en cas d’urgence à caractère civil, qui se définit par opposition aux situations découlant de la défense nationale, les demandes d’autorisations environnementales liées aux activités, installations, ouvrages ou travaux seront instruites selon des délais et modalités spécifiques qui seront précisés par un décret en Conseil d’État et leur pétitionnaire devra demander à l’autorité administrative compétente de lui indiquer les informations nécessaires à la préparation de son projet et de sa demande d’autorisation (article L. 181-23-1 C. env.). D’autre part, lorsque les travaux envisagés ont pour objet de prévenir un danger grave et immédiat, la seule formalité obligatoire consistera en l’information du préfet et il ne sera pas nécessaire d’avoir présenté les demandes d’autorisation ou déclaration auxquelles les travaux sont en principe soumis (article L. 214-3 II bis). Un décret en Conseil d’État précisera cette procédure, qui était déjà prévue à l’article R. 214-44 C. env. et à laquelle le législateur a souhaité donner une base légale claire.  

Les travaux parlementaires soulignent que ces procédures d’urgence ne doivent être mises en œuvre que pour les interventions urgentes et absolument nécessaires à la sécurité des personnes. 

(b) Ensuite, la loi supprime la soumission automatique à autorisation environnementale des plans de gestion groupés pour l’entretien des cours d’eau (article L. 215-15 C. env.). Il est désormais précisé que, lorsque les opérations constituant ces plans sont soumises à autorisation environnementale ou à déclaration au titre de la réglementation loi sur l’eau, celles-ci valent approbation du plan. Ensuite, la déclaration d’intérêt général (DIG) nécessaire lorsque l’entretien groupé relève de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations est d’une durée désormais pluriannuelle adaptée à l’entretien groupé, au lieu de 5 ans renouvelable auparavant.  

(c) Enfin, l’article 20 de la loi ASAP concerne l’agrément de certains dispositifs d’assainissement. En effet, l’article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales prévoit que des dispositifs de traitement destinés à être intégrés dans des installations d’assainissement non collectif doivent être agréés par les ministres chargés de l’environnement et de la santé. En application de la loi ASAP, cet agrément devra désormais être délivré par des organismes notifiés par l’Etat à l’Union européenne, en application du règlement n° 305/2011 du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction. 

Il conviendra d’être vigilant sur ces dispositifs, le Conseil constitutionnel pouvant être conduit à les censurer, en tout ou partie.  

 

Par Solenne Daucé et Julie Cazou 

 –

[1] Actu-environnement, Loi Asap : un groupe de députés saisit le Conseil constitutionnel, 4 novembre 2020. 

[2] Rapport n° 3347 de M. Guillaume KASBARIAN, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 17 septembre 2020 : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/csasap/l15b3347_rapport-fond.pdf 

[3] Ibidem. 

[4] Ibidem. 

[5] Ibidem. 

[6] Ibidem. 

COVID-19 et chômage partiel : suspension des nouveaux critères de vulnérabilité

Ce 15 octobre 2020, les juges des référés du Conseil d’Etat viennent de suspendre les dispositions du décret du 29 août dernier restreignant de manière importante les critères de vulnérabilité au covid-19 permettant aux salariés de bénéficier du chômage partiel en ramenant la liste des critères de 11 à 4.

Dès lors, en l’absence d’une nouvelle décision du Premier ministre, les critères retenus par le précédent décret du 5 mai 2020 s’appliquent à nouveau.

Sont donc à nouveau considérées comme des personnes vulnérables et pouvant bénéficier du chômage partiel, les personnes répondant à l’un des onze critères suivants :

  • Etre âgé de 65 ans et plus ;

  • Avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;

  • Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;

  • Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale : (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;

  • Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;

  • Etre atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;

  • Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;

  • Etre atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise ;

  • médicamenteuse : chimiothérapie anti cancéreuse, traitement immunosuppresseur ;

  • biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;

  • infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;

  • consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;

  • liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;

  • Etre atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;

  • Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;

  • Etre au troisième trimestre de la grossesse.

Conformité communautaire du régime de l’article L.631-7 du CCH relatif aux locations touristiques de courte durée de type Airbnb

Nous avions rapporté, dans deux précédentes LAJ (décembre 2018 et avril 2020), la saisine par la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 novembre 2018, n° 17-26.156) de la Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles relatives à la conformité de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation au droit communautaire, et plus précisément à la directive « Services » n° 2006-/123/CE du 12 décembre 2006.

Pour rappel, l’article L. 631-7 du CCH (Code de la construction et de l’habitation) soumet à autorisation la location d’habitation meublée de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, en ce qu’elle constitue un changement d’usage du local.

Se fondant sur cet article, un procureur avait assigné une SCI qui se livrait à de la location de courte durée à une clientèle de passage, sans avoir au préalable obtenu une autorisation de changement d’usage.

Condamnée par la Cour d’appel, la SCI s’était pourvue en cassation en considérant que la Cour avait violé le principe de primauté du droit de l’Union européenne.

La Cour de cassation avait sursis à statuer et saisi la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles suivantes : le régime de l’autorisation préalable posé par l’article L. 631-7 du CCH poursuit-il un objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location ? Cette mesure est-elle proportionnée et constitue-t-elle enfin une raison impérieuse d’intérêt général

L’Avocat Général de la CJUE, Michal BOBEK, avait rendu au mois d’avril 2020 (LAJ avril 2020) des conclusions favorables au communes ayant recours au dispositif de l’article L. 631-7 du CCH auquel les ces dernières ont recours pour lutter contre les locations touristiques de type Airbnb.

La grande chambre de la Cour de Justice, dans son arrêt en date du 22 septembre 2020, a considéré que la location de biens meublés destinés à l’habitation d’une clientèle de passage pour de courtes durées n’y élisant pas domicile et de manière répétée relevait de la notion de « service » et entrait par conséquent dans le champ d’application de la directive 2006/123/CE. Le régime posé par l’article L. 631-7 du CCH relevait en outre de la notion « d’autorisation préalable » de cette directive.

De plus, la Cour de Justice a jugé que l’objectif poursuivi de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers constituait une raison impérieuse d’intérêt général, l’article L. 631-7 du CCH visant à lutter contre la pénurie de logements destinés à la location.

Enfin, la juridiction communautaire a considéré que l’objectif poursuivi ne pouvait être réalisé par un dispositif moins contraignant, de telle sorte que le dispositif de l’article L. 631-7 du CCH était proportionné avec l’objectif poursuivi, et ce d’autant qu’il est matériellement et géographiquement restreint.

Nul doute que les communes reprendront activement la lutte engagée dans le cadre de nombreuses procédures ayant été suspendues le temps de la saisine de la CJUE.

Précisions sur l’octroi du congé spécial à un fonctionnaire en fin de détachement pris en charge par le centre de gestion

La Cour administrative d’appel de Versailles a été amenée à juger d’un recours indemnitaire introduit par un Centre de gestion à l’encontre d’une Communauté d’agglomération dans laquelle était précédemment détaché un fonctionnaire territorial d’une Commune. Ce détachement de la Commune à la Communauté d’agglomération était intervenu pour l’occupation d’un emploi fonctionnel, mais la Communauté d’agglomération y avait mis un terme anticipé.

Pris en charge par le Centre de gestion, le fonctionnaire avait préalablement demandé à la Communauté d’agglomération au sein de laquelle il avait été détaché le bénéfice d’un congé spécial, tel que cela est prévu par l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Mais le bénéfice lui en avait été refusé par l’EPCI et il avait finalement été pris en charge par le Centre de gestion qui, pour sa part, a demandé à la Communauté d’agglomération une indemnisation liée aux conséquences de cette prise en charge, dès lors que, selon lui, le congé aurait dû être accordé.

Pour mémoire, le régime du congé spécial des fonctionnaires territoriaux est prévu par l’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le décret n° 88-614 du 6 mai 1988.

L’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoit que le bénéfice du congé spécial aux fonctionnaires territoriaux occupant un emploi fonctionnel en position de détachement peut être demandé dans le cadre de l’article 53 de la loi n°84-53, lorsqu’il est mis fin au détachement par l’autorité territoriale et qu’il n’existe pas d’emploi vacant du grade de l’agent au tableau des effectifs.

Dans ce cas, l’agent doit compter au moins vingt ans de services civils ou militaires valables pour le calcul de ses droits à pension et être à moins de cinq ans de son âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. Le congé spécial est alors accordé de droit, même si un autre fonctionnaire en bénéficie déjà.

Dans cette hypothèse, la demande de congé spécial peut également être présentée jusqu’au terme de l’année de surnombre dans le cas où l’agent avait d’abord opté pour cette hypothèse.

Dans cette affaire, la Communauté d’agglomération Grand Paris Sud Essonne Sénart mise en cause, a fait valoir qu’elle n’aurait pas été tenue d’accorder le congé spécial, au motif qu’il incombait à la commune de Colombes, en tant que collectivité d’origine de l’intéressé, de réintégrer l’agent dans ses effectifs. Toutefois, pour la Cour, cette circonstance est sans incidence sur l’obligation qui était celle de l’EPCI, en sa qualité de collectivité d’accueil, d’accorder à l’agent le bénéfice des dispositions de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 résultant de sa nomination sur emploi fonctionnel, dès lors que l’intéressé l’avait saisie d’une demande en ce sens dans le délai de prise en charge prescrit par l’article 99 de la loi du 26 janvier 1984.

C’est ainsi que la Communauté d’agglomération a été condamnée à verser au Centre de gestion une somme de plus de 250.000 euros au titre des sommes versées par le Centre de gestion à l’agent pendant la durée de sa prise en charge.

Il résulte de cet arrêté un intérêt accru pour les collectivités à veiller de près à ce que la procédure prescrite pour mettre fin au détachement comme celle prévue pour en organiser les conséquences soient suivies au plus près.

La protection fonctionnelle n’a pas besoin d’être demandée par l’agent

Décidemment, les affaires relatives à la protection fonctionnelle se suivent mais ne se ressemblent pas.

Après sa décision du 29 juin 2020, commentée dans la LAJ de juillet dernier, et aux termes de laquelle l’autorité compétente pour octroyer la protection fonctionnelle ne saurait être le supérieur hiérarchique mis en cause, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, sans manquer à son obligation d’impartialité, le Conseil d’Etat vient cette fois ci apporter deux précisions sur la demande de protection fonctionnelle.

Les faits sont relativement simples : Monsieur F. a assigné Monsieur V., ancien Maire de la commune de Messimy-sur-Saône, devant le Tribunal de grande instance en vue de le voir condamné pour des faits d’entrave discriminatoire. La protection fonctionnelle a été accordée par le conseil municipal à l’ancien élu, et c’est cette délibération qui fait l’objet de la contestation de Monsieur F.

Certes, l’espèce est relative à la protection fonctionnelle accordée à un élu et non à un agent, mais l’un des apports de cette décision est justement d’unifier les deux régimes : « Cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions », le Conseil d’Etat ayant traditionnellement qualifié les élus « d’agents publics » s’agissant de la protection fonctionnelle.

Et les deux textes – le code général des collectivités et la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 – comportent des articles rédigés strictement de la même manière, qui permettent d’étendre aux agents publics les principes dégagés en leur application.

A l’occasion de cette affaire, le Conseil d’Etat a apporté deux nouveaux éléments à la théorie : d’une part, la protection de l’employeur public à savoir le remboursement des frais d’avocat et de la condamnation est due y compris dans le cadre d’une instance civile et non uniquement pénale, ce qui est assez logique dès lors que la protection fonctionnelle est accordée dans le cadre d’instances devant la juridiction administratives notamment dans le cas du harcèlement moral.

D’autre part, et cette solution intéressera d’autant plus les décideurs publics, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’était pas besoin de demande formelle de l’agent de bénéficier de la protection fonctionnelle.

Il a en effet considéré, en renvoyant en cela à l’argumentation développée par le Tribunal administratif de Lyon en première instance, en premier lieu qu’aucune disposition n’imposait une demande écrite formalisée et en second lieu que l’octroi de la protection fonctionnelle était « de droit ».

Or, le texte sur lequel le Tribunal s’était appuyé, à savoir l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales : « […] La commune est tenue d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions » est exactement le même que celui de l’article 11 IV de la loi du 13 janvier 1983 : « La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».

Naturellement, il sera toujours plus prudent de solliciter de l’agent une demande écrite visant à s’assurer de sa volonté de bénéficier d’une telle protection, mais quoi qu’il en soit, l’absence d’une demande formalisée ne pourra pas être invoquée comme viciant la décision d’octroi de la protection fonctionnelle.

Détenir une arme de première catégorie dans son logement de fonction peut justifier l’exclusion définitive du service d’un fonctionnaire

Si depuis la célèbre décision Dahan du Conseil d’Etat, le contrôle des juges du fond du caractère proportionné des sanctions disciplinaires infligées aux agents publics est plus étroit, il n’est pourtant pas exempt d’une certaine marge d’appréciation, que la décision commentée illustre.

Un agent disposant d’un agrément d’agent communal en charge de la surveillance des parcs et jardins délivré par le procureur de la République, et d’un logement de fonction au sein du parc dont il assurait la surveillance, a été condamné en 2013 à une peine d’un an d’emprisonnement assortie d’un sursis total pour des faits de détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie, révélés en 2011.

Ces faits n’avaient toutefois pas été portés immédiatement à la connaissance de la Commune, qui les ne les a découverts qu’en sollicitant, en 2014, un extrait du bulletin n°2 de l’agent, alors que celui-ci était placé en détention provisoire, du chef de destruction volontaire, par pyromanie, du parc dont il assurait justement la garde.

Le Tribunal administratif de Marseille avait initialement fait droit au recours en excès de pouvoir de l’agent contre la sanction de la révocation, au motif de son caractère disproportionné.

La Cour, saisie en appel par la Commune, avait finalement annulé le jugement du Tribunal, en considérant que les faits reprochés à l’agent étaient incompatibles avec l’exercice de ses fonctions de gardien de parc, dès lors que pour exercer ces dites fonctions, l’agent bénéficiait d’un agrément d’agent communal délivré par le procureur de la République, et qu’il était particulièrement chargé d’assurer la surveillance et le maintien de la sécurité d’un parc ouvert au public.

L’agent s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, et soutenait que la Cour était tenue de rechercher, pour déterminer le caractère proportionné de la sanction, si les faits reprochés avaient nuit à l’image de la Commune, et si la manière de servir de l’agent pouvait conduire à atténuer le niveau de sanction infligée.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a confirmé l’analyse de la Cour, qui ne s’était pas estimée tenue de procéder à ces examens.

En revanche, l’agent soutenait également que l’appréciation des faits conduite par la Cour avait conduit au maintien d’une sanction hors de proportion avec la faute commise. Le doute était permis sur ce point, et les conclusions du rapporteur public Raphaël Chambon sous cet arrêt sont éclairantes : « Disons-le clairement, si nous avions été à la place des juges du fond, nous aurions jugé que la sanction prononcée était disproportionnée ».

En effet, la procédure disciplinaire ayant abouti à sa révocation ne s’était fondée que sur les faits de détention d’arme, seuls faits sur lesquels le juge pénal s’était prononcé. Ainsi, le rapporteur public n’a pas manqué de relever que l’on sentait « bien que les accusations d’incendie volontaire flottaient en arrière-plan de cette procédure disciplinaire », et que les seuls faits de détention d’une arme de première catégorie, non chargée, avec des munitions inutilisables avec cette arme, auraient pu justifier une sanction du troisième groupe.

Seulement, le juge de cassation ne peut remettre en cause l’appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises que dans le cas où la solution que les juges du fond ont retenue quant au choix, par l’administration, de la sanction serait hors de proportion avec les fautes commises (CE, 27 février 2015, La Poste, n°376598).

Et en l’espèce, la détention illégale d’une arme et de munitions de première catégorie par un agent dans son logement de fonction au sein du parc dont il était chargé d’assurer la surveillance était d’une gravité suffisante pour faire échec à la censure du juge de cassation, dont le degré de contrôle n’a pas permis de censurer une appréciation que le rapporteur public avait pourtant qualifié, en creux, d’erronée.

Projet de référentiel sur la protection des données à caractère personnel dans le secteur social : lancement d’une consultation publique de la CNIL

Dans le cadre de leurs activités, les acteurs du secteur social sont amenés à traiter de nombreuses données à caractère personnel au niveau de l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement social et médico-social des personnes âgées, en situation de handicap et en difficulté, parmi lesquelles des données sensibles telles que le NIR (ou « numéro de sécurité sociale ») et les données relatives à l’état de santé de leurs usagers.

La sensibilité des traitements réalisés dans ce secteur et le peu de sensibilisation des acteurs du secteur à la protection des données personnelles ont conduit la CNIL à récemment publier un projet de référentiel soumis à la consultation publique. En août dernier, la CNIL a par ailleurs publié une fiche dédiée au secteur social.

Le projet de référentiel est actuellement consultable sur le site de la CNIL. Il est possible de déposer un avis jusqu’au 1er décembre prochain.

Ce projet de référentiel s’adresse à l’ensemble des acteurs du secteur :

  • les départements ;
  • les centres communaux d’action sociale (CCAS) ;
  • les associations de droit privé créées sous la loi de 1901 ayant notamment pour mission l’accueil, l’hébergement, l’accompagnement et le suivi social et médico-social des personnes ;
  • les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
  • les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) ;
  • les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) ;
  • les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ;
  • les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) ;
  • les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ;
  • les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ;
  • les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ;
  • les organismes chargés de la gestion d’un régime de base de la sécurité sociale légalement obligatoire ou du service des allocations, prestations et aides mentionnés dans le code de la sécurité sociale ou du code de l’action sociale et des familles.

Les référentiels publiés par le CNIL n’ont pas de valeur contraignante mais fournissent un cadre particulièrement utile pour la mise en œuvre des traitements. Ceci d’autant plus que la CNIL, en cas de contrôle, sera certainement amenée à comparer les mesures effectivement mises en place à ce référentiel.

Il est donc vivement recommandé de prendre connaissance de ce référentiel sans attendre, et de faire part à la CNIL de son inadaptation, le cas échéant. 

 

Revalorisations du Revenu de Solidarité Active (RSA) : l’Etat enjoint de prendre un arrêté conjoint de compensation des hausses exceptionnelles du RSA, pour les départements, intervenues entre 2013 et 2017

Par un jugement du 30 juin dernier, le Tribunal administratif de Paris s’est prononcé sur l’absence de compensation des revalorisations du Revenu de Solidarité Active (RSA) intervenues par voie gouvernementale, par cinq décrets de revalorisation[1]. Ces revalorisations successives ont donné lieu à une hausse de 10% du RSA intervenue entre 2013 et 2017, conformément au plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté décidé par le Gouvernement, mise à la charge des départements qui ont la compétence pour l’attribution du RSA.

En 2019, trois départements (le Calvados, la Manche et l’Orne) ont déposé un recours en annulation à l’encontre du refus des ministres compétents – à savoir le ministre de l’intérieur et le ministre de l’action et des comptes publics – d’édicter l’arrêté prévu par l’article L. 1614-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), pour chacun des décrets de revalorisation du RSA pris depuis le décret n° 2012-1488 du 28 décembre 2012, qui aurait dû constater les dépenses résultant d’un accroissement des charges pesant, du fait de ces revalorisations, sur les départements et octroyer à ces derniers une compensation de cet accroissement de charges.

Le CGCT dispose que le transfert d’une compétence à une collectivité territoriale, lorsqu’il induit un accroissement net de charges pour celle-ci, donne lieu au transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice normal de cette compétence (article L. 1614-1 dudit Code). L’article L. 1614-2 du CGCT précise quant à lui qu’en cas de charge nouvelle pesant sur les collectivités du fait de la modification par l’Etat des règles relatives à l’exercice des compétences transférées, cela donne également lieu à compensation. Enfin, les articles L. 1614-3 et L. 1614-5-1 du CGCT disposent qu’en cas d’accroissement de charges, le montant des dépenses corrélatives pour chaque collectivité concernée est constaté par arrêté conjoint des ministres chargés de l’intérieur et du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges du Comité des finances locales. Il est en outre prévu que cet arrêté conjoint intervient dans les six mois suivant la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte.

En l’occurrence, le recours des trois départements normands fait suite à la procédure engagée devant le Conseil d’Etat en vue de l’annulation de l’un des décrets ayant procédé à cette revalorisation (Décret n° 2016-1276 du 29 septembre 2016). La Haute Juridiction a rejeté cette requête en indiquant qu’il appartenait aux départements qui estimaient que le décret en cause leur imposait des charges nouvelles de « contester l’absence de compensation, notamment en demandant, le cas échéant, l’annulation du refus des ministres compétents de prendre l’arrêté constatant les dépenses résultant d’un accroissement des charges prévu par l’article L. 1614-3 du CGCT » (Conseil d’Etat, 21 février 2018, n°409286, Département du Calvados et autres).

A la suite de cette décision et après avoir demandé aux ministres compétents d’édicter pour chacun des décrets de revalorisation du RSA l’arrêté en question – demande qui a fait l’objet d’un refus implicite, les trois départements ont déféré ce refus au Tribunal administratif de Paris.

Le 30 juin dernier, ce dernier a considéré que ces revalorisations successives ont effectivement entraîné une modification « des règles relatives à l’exercice des compétences transférées » au sens des dispositions de l’article L. 1614-2 du CGCT, à l’origine de dépenses nouvelles pour les départements. Il en a déduit qu’en conséquence il incombait aux ministres chargés de l’intérieur et du budget d’édicter un arrêté conjoint, après avis de la commission consultative d’évaluation des charges du Comité des finances locales, constatant le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges induits par ces décrets, conformément aux dispositions de l’article L. 1614-3 du CGCT.

C’est ainsi que le juge administratif a annulé les décisions des ministres ayant rejeté les demandes des trois départements requérants tendant à ce que soient édictés les arrêtés de compensation.

Il est enfin à noter que ces revalorisations exceptionnelles décidées par le Gouvernement sont à différencier des revalorisations annuelles du montant forfaitaire du RSA (prises en application de l’article L. 262-3 du Code de l’action sociale et des familles) qui correspondent à l’inflation prévisionnelle et ne représentent pas une modification des règles transférées à une collectivité territoriale. Ainsi, la juridiction a considéré que l’annulation des décisions contestées en tant qu’elles refusent d’édicter les arrêtés prévus par l’article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales ne devrait pas s’étendre aux deux décrets ayant prévu cette revalorisation annuelle (Décrets n° 2012-1488 du 28 décembre 2012 et n° 2013-1263 du 27 décembre 2013).

Les conséquences de ce jugement sont loin d’être négligeables puisque l’estimation faite par la Caisse nationale d’allocations familiales du montant total pour l’ensemble des départements des revalorisations du RSA s’élève à plus de 4 milliards d’euros. Ainsi, ce serait une facture de ce montant que l’Etat devrait payer à l’ensemble des départements afin de compenser les hausses successives qu’il a décidées.

Les ministères compétents ont ainsi six mois à compter de la date à laquelle le jugement leur a été notifié pour publier les arrêtés correspondant aux cinq décrets de revalorisation. Cependant, au vu de l’importance de ce montant, il est plus que probable que l’Etat ait décidé de faire appel de cette décision.

Cette décision doit être mise en parallèle avec le projet de loi « 3D » (déconcentration, différenciation et décentralisation) aussi appelé « nouvel acte de la décentralisation », qui doit être présenté à l’automne, dans lequel il est notamment question de tester, dans certains départements volontaires, une recentralisation du RSA. L’on peut penser que ce jugement servira d’argument aux partisans de la recentralisation de cette aide sociale.

[1] Décret n°2013-793 du 30 août 2013, décret n°2014-1127 du 3 octobre 2014, décret n°2015-1231 du 6 octobre 2015, décret n°2016-1276 du 29 septembre 2016 et décret n°2017-739 du 4 mai 2017

 

Précisions sur les conditions de mise en œuvre de la procédure avec négociation

Par un arrêt en date du 7 octobre 2020, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles un acheteur peut valablement recourir à la procédure concurrentielle avec négociation prévue par les articles 42 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et 25 du décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics, laquelle correspond désormais à la procédure avec négociation prévue par les articles L. 2124-3, R. 2124-3 et R. 2124-4 du Code de la commande publique (CCP).

S’agissant du contexte, rappelons que l’office public de l’habitat de la métropole de Lyon (Lyon Métropole Habitat) avait engagé la passation d’un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de diagnostics techniques réglementaires avant démolition, relocation, vente et travaux, composé de quatre lots, selon la procédure concurrentielle avec négociation. Or, saisi dans le cadre d’un référé précontractuel engagé par un groupement d’entreprises dont l’offre avait été rejetée pour le lot n° 3 « Diagnostics avant relocation et avant-vente », le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a annulé la procédure de passation de ce lot au motif que Lyon Métropole Habitat avait irrégulièrement eu recours à la procédure concurrentielle.

Saisi d’un pourvoi de Lyon Métropole Habitat, le Conseil d’Etat a donc eu à se prononcer sur la régularité du recours à cette procédure.

Certes, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon puisque ce dernier avait annulé la procédure au prix d’une dénaturation des pièces du dossier en retenant que la procédure concurrentielle avec négociation avait été mise en œuvre par Lyon Métropole Habitat sur le fondement des dispositions du 2° du II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016 alors qu’elle avait été engagée sur le fondement des dispositions du 1° du II du même article.

De ce fait et en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat a réglé l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société AED amiante et environnement.

C’est à ce stade que la décision présente un intérêt puisque le Conseil d’Etat est venu précisé les conditions de mise en œuvre d’une procédure avec négociation et plus précisément la marge de manœuvre dont dispose les acheteurs.

En effet, le Conseil d’Etat a tout d’abord jugé que « la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés publics a entendu introduire davantage de souplesse dans la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de recourir à une procédure de passation de marché prévoyant des négociations et a, à cette fin, créé la procédure concurrentielle avec négociation, placée au même niveau que les procédures ouvertes et restreintes » et que, « en conséquence, l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics ont fait de cette procédure l’une des procédures formalisées auxquelles peuvent avoir recours les acheteurs publics ».

Toutefois, le Conseil d’Etat a précisé dans ce même considérant que « les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés au II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016, aujourd’hui codifié à l’article R. 2124-3 du code de la commande publique ».

De plus, cette décision apporte un éclaircissement utile sur la mise en œuvre de la procédure avec négociation également au stade de l’application de la règle précitée au cas d’espèce.

Il en est ainsi car le Conseil d’Etat a annulé la procédure avec négociation en considérant que si Lyon Métropole Habitat avait fait valoir que la réalisation de diagnostics immobiliers avant relocation ou avant vente portait « sur un parc immobilier nombreux, disparate, comportant des logements tant individuels que collectifs, disséminé sur un grand nombre de communes, dont les dates de construction étaient variables, et alors qu’en outre le règlement de la consultation autorisait les variantes », il demeurait toutefois que ces prestations « portaient sur les diagnostics exigés par différentes réglementations, devant être faits conformément aux normes applicables auxquelles renvoyait le cahier des clauses techniques particulières, et qu’il s’agissait donc de prestations connues et normalisées » et qu’il ne résultait pas de l’instruction « que ces prestations ne pouvaient être réalisées qu’au prix d’une adaptation par les candidats des solutions immédiatement disponibles ».

En résumé, il ressort de cette décision que si la réforme du droit de la commande publique a apporté de la souplesse dans la possibilité pour les acheteurs de recourir à une procédure de passation comportant une négociation, les acheteurs ne peuvent toutefois recourir à la procédure avec négociation que dans les cas limitativement énumérés désormais par l’article R. 2124-3 du CCP. Il en ressort également qu’une procédure avec négociation ne peut pas être mise en œuvre pour des prestations standardisées – autrement dit des prestations « sur étagère » ou « sur catalogue » –, sauf à ce que ces prestations ne puissent être réalisées qu’au prix d’une adaptation des solutions immédiatement disponibles ce qui n’est pas le cas de prestations répondant à des normes réglementaires.

Associations syndicales libres : précisions sur les modalités de convocation aux assemblées générales

Les ASL sont des associations qui dépendent uniquement de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et régies par la loi du 21 juin 1865. Comme toute association, ses statuts prévoient la tenue d’assemblées générales. La Cour de cassation a ainsi précisé les modalités de cette convocation.

En l’espèce, des époux ont contesté la validité de l’assemblée générale de l’association syndicale libre dont ils sont membres aux motifs que la convocation leur a été déposée dans leur boite aux lettres et non en mains propres.

Les juges d’appel ont fait droit aux demandes de l’ASL aux motifs que la convocation avait effectivement été déposée dans leur boîte aux lettres après que l’épouse ait refusé sa remise en mains propres. Ainsi, ayant refusé une convocation qui leur était pourtant remise conformément à ce que prévoient les statuts, les époux ne pouvaient donc pas soulever une irrégularité de forme affectant la tenue de l’assemblée générale litigieuse.

Or, la Cour de cassation infirme la décision de la Cour d’appel en considérant que l’article 15 des statuts de l’ASL prévoyait que les convocations aux assemblées générales devaient être adressées soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par lettre simple remise contre émargement. Ainsi, la Haute Cour estime que la convocation n’a pas été remise aux époux conformément aux statuts de l’ASL.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait une interprétation stricte des statuts de l’ASL bien que le défaut de cette obligation de remise en mains propres découle du refus de l’épouse.

Associations syndicales libres : précisions relatives à la publication des modifications statutaires

Par un arrêt du 24 septembre 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la publication d’un extrait des statuts d’une association syndicale libre (ci-après « ASL ») n’est nécessaire qu’autant que leur modification porte sur la date de la déclaration, le nom, l’objet et le siège de l’association.

Une ASL a assigné une usufruitière d’un lot situé dans son périmètre, en paiement d’un arriéré de cotisations.

Dans un arrêt du 4 juillet 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a débouté l’ASL de ses demandes. En effet, pour déclarer la demande de l’ASL irrecevable, l’arrêt retient qu’il n’est pas contesté que la publication des modifications statutaires a été faite au Journal Officiel mais que l’ASL ne justifie pas avoir publié un extrait de statuts : ainsi, selon les juges d’appel, l’ASL n’avait pas recouvrer sa capacité d’agir en justice.

L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’ordonnance de 2004 sur les ASL et de son décret d’application du 3 mai 2006. En effet, la Haute Cour considère que seules les modifications portant sur le nom, l’objet et le siège de l’ASL doivent faire l’objet d’une publication par extrait.

En effet, lorsque les ASL mettent leurs statuts en conformité avec les dispositions qui leur sont applicables, elles doivent respecter les formalités que ces nouvelles dispositions imposent. L’objet de la publication en cas de modification des statuts doit être déterminé en considération de l’obligation de publication initiale.

Ainsi, la publication d’un extrait des statuts contenant la date de la déclaration, le nom, l’objet et le siège de l’association étant exigée lors de la constitution d’une ASL, la publication d’un extrait des statuts n’est donc nécessaire qu’autant que la modification des statuts porte sur l’un de ces éléments.

Favorable à l’ASL, cette décision allège donc le champ de son obligation de publication puisque celle-ci porte uniquement sur les modifications relatives aux éléments précédemment évoqués.

 

Concession : l’acheteur doit donner aux candidats frappés d’exclusion en raison d’une condamnation pénale la possibilité de prouver leur fiabilité

Aux termes de l’article L. 3123-1 du Code de la commande publique (CCP), doivent être exclues de plein droit de la procédure de passation des contrats de concession les personnes physiques qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour des infractions pénales en lien avec le trafic de stupéfiants, l’escroquerie, l’abus de confiance, le blanchiment d’argent, le terrorisme, la concussion, la corruption et le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, l’entrave à l’exercice de la justice, le faux, la participation à une association de malfaiteurs, des défauts de régularité au regard des obligations sociales ou fiscales, ainsi que la traite des êtres humains. Cette exclusion s’applique également aux personnes morales dont le représentant ou l’un des membres de son organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance a fait l’objet d’une telle condamnation et ce tant que la ou les personnes condamnées exercent leurs fonctions. Cette exclusion s’applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation.

Les candidats doivent donc, lorsqu’ils postulent à l’attribution d’un contrat de concession, produire à l’appui de leur candidature une déclaration sur l’honneur attestant notamment qu’ils ne font pas l’objet de l’exclusion prévue à l’article L. 3123-1 précité, faute de quoi leur candidature doit être rejetée comme irrecevable (cf. article R. 3123-16 à R. 3121-21 du CCP, auparavant article 19 et 23 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016).

Saisi par la Société VERT MARINE d’un recours tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait rejeté sa demande d’abrogation des dispositions réglementaires précitées, le Conseil d’Etat a dans un premier temps, sursis à statuer et saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) de deux questions préjudicielles afin de l’interroger sur l’interprétation de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.

Par un arrêt C-472/19 du 11 juin 2020, la CJUE a répondu que la directive s’oppose à une réglementation nationale qui n’accorde pas à un opérateur économique condamné de manière définitive pour l’une des infractions susmentionnées la possibilité d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité. En outre, la CJUE précise que la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale confie aux autorités judiciaires l’examen du caractère approprié des mesures correctrices prises par un opérateur économique, à condition que le régime national mis en place à cet effet soit compatible avec les délais imposés par la procédure de passation des contrats de concession. Dans la même logique, la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale permette aux autorités judiciaires de relever une personne d’une interdiction de plein droit de participer aux procédures de passation de contrats de concession à la suite d’une condamnation pénale et d’effacer une telle interdiction ou d’exclure toute mention de la condamnation dans le casier judiciaire, à condition que de telles procédures judiciaires permettent à l’opérateur économique souhaitant participer à une procédure de passation de contrats de concession, de lever, en temps utile, l’interdiction le frappant, au regard du seul caractère approprié des mesures correctrices invoquées par cet opérateur et évaluées par l’autorité judiciaire compétente.

Par sa décision du 12 octobre 2020, le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la CJUE que, pour ne pas méconnaître les objectifs de la directive du 26 février 2014, le droit français doit prévoir la possibilité pour un opérateur économique, lorsqu’il est condamné par un jugement définitif prononcé par une juridiction judiciaire pour une des infractions pénales énumérées à l’article L. 3123-1 du CCP, d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité, étant précisé néanmoins que la faculté de faire preuve de sa fiabilité ne saurait être ouverte lorsque l’opérateur a été expressément exclu par un jugement définitif de la participation à des procédures de passation de marché ou d’attribution de concession, pendant la période fixée par ce jugement.

Or, il constate qu’en l’état actuel, le droit national ne respecte pas ces exigences. Il en conclut que la Société requérante est fondée à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé d’abroger les dispositions des articles 19 et 23 du décret du 1er février 2016, aujourd’hui repris aux articles R. 3123-16 à R. 3123-21 du CCP.

Le législateur et le pouvoir réglementaire vont donc devoir modifier prochainement le CCP afin de tirer les conséquences de cette décision et mettre le droit national en conformité avec les exigences découlant du droit de l’Union européenne.

Dans l’attente de ces modifications, les acheteurs devront faire application du principe dégagé par le Conseil d’Etat, qui est formulé en ces termes : « l’exclusion de la procédure de passation des contrats de concession prévue à l’article L. 3123-1 du CCP n’est pas applicable à la personne qui, après avoir été mise à même de présenter ses observations, établit dans un délai raisonnable et par tout moyen auprès de l’autorité concédante, qu’elle a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements correspondant aux infractions mentionnées au même article pour lesquelles elle a été définitivement condamnée et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du contrat de concession n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement ».

Procédure et justification d’une décision de résiliation d’une concession valant délégation de service public

Par un arrêt du 21 septembre 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille apporte des éclairages intéressants sur la procédure et les motifs justifiant une décision de résiliation d’un contrat de concession valant délégation de service public.

En l’occurrence, le litige opposait la commune de La Seyne-sur-Mer à la société immobilière et financière de l’armement (SIFA), à qui la commune avait attribué en 2012 un contrat de concession et de délégation de service public concernant la conception, le financement, l’exploitation, l’entretien et la maintenance du nouveau port de plaisance de La Seyne-sur-Mer. A la suite de diverses fautes, la commune avait mis en demeure le délégataire mettre fin aux manquements qui lui étaient reprochés dans un délai de 8 jours puis, faute pour le délégataire de se conformer à la mise en demeure, avait prononcé la résiliation pour faute du contrat par une délibération du 28 juillet 2015.

L’arrêt de la Cour traite, d’une part, de la régularité de la décision de résiliation.

A cet égard, il est intéressant de noter, en premier lieu, que la Cour s’appuie directement sur les dispositions de l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration pour contrôler la régularité de la délibération de résiliation. Pour rappel, cet article dispose que « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent », notamment les décisions infligeant une sanction (point 2° dudit article). Selon la Cour, le fait que la délibération prononçant la résiliation vise les stipulations du contrat fondant la décision et comporte « un exposé précis des griefs du concédant » constitue une motivation suffisante.

En second lieu, la Cour écarte un argument procédural du délégataire qui pouvait poser question : le contrat prévoyait une procédure de conciliation préalable obligatoire en cas de litige entre les parties et le délégataire soutenait que le délégant aurait dû mettre en œuvre cette procédure avant de résilier le contrat. La Cour considère au contraire que la résiliation pour faute n’est en elle-même un litige entre les parties et que la seule obligation du délégant était de mettre en demeure le délégataire, comme le prévoyait un autre article du contrat.

En troisième lieu, s’agissant précisément de cette mise en demeure, la Cour considère, après avoir vérifié le caractère précis de l’identification des manquements, qu’un délai de huit jours pour une telle mise en demeure est suffisant dès lors que lesdits manquements avaient fait l’objet ,plusieurs mises en demeure antérieures et de « nombreux autres courriers… depuis le début de l’exécution du contrat ». Cette appréciation de la Cour est intéressante car elle permet à un délégant qui a pris soin de matérialiser de longue date les manquements du délégataire d’éviter d’attendre à nouveau pendant un long délai de mise en demeure avant de pouvoir résilier un contrat public.

L’arrêt de la Cour traite, d’autre part, du bien-fondé de la décision de résiliation.

Trois éléments méritent d’être soulignés :

  • Lorsqu’une clause d’un contrat fixe pour point de départ d’un délai d’exécution d’une obligation contractuelle l’expiration des délais de recours contre ledit contrat :

    • Le fait qu’un tiers exerce un recours ne suffit pas à suspendre le délai d’exécution de cette obligation dès lors que la clause n’instaure une condition suspensive de cette exécution ;
    • Le fait que l’absence de clause suspensive soit contraire aux usages du secteur est un argument inopérant ;

  • L’absence de versement par le délégataire des pénalités de retard peut constituer, dès lors qu’elles n’ont pas encore été contestées par celui-ci, un faute susceptible d’être prise en compte dans la décision de résiliation ;

  • L’existence d’un recours d’un tiers contre le contrat, alors même qu’on imagine qu’il peut bloquer l’obtention par le délégataire des financements nécessaires à la réalisation des ouvrages dont la maîtrise d’ouvrage lui est déléguée, ne constitue pas une cause exonérant le délégataire de ses obligations contractuelles, faute de clause en ce sens.

En conséquence, la Cour a rejeté toutes les demandes du délégataire déchu.

Action en garantie du maître d’ouvrage reconnu responsable de dommages de travaux publics contre les constructeurs de l’ouvrage après le prononcé de la réception : les clauses relatives aux souscriptions d’assurance semblent pouvoir suffire

Dans un récent arrêt du 8 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Versailles vient apporter une précision utile sur la rédaction des clauses contractuelles permettant de maintenir la responsabilité contractuelle des constructeurs après la réception au titre des dommages aux tiers non apparents ou connus à la date de la réception.

Dans cette affaire, un piéton avait été renversé par un camion de livraison d’enrobé sur le chantier des travaux de voirie entrepris sous maîtrise d’ouvrage d’un établissement public territorial.

Saisie de l’appel du titulaire du marché de travaux contre le jugement du Tribunal administratif de Montreuil ayant prononcé sa condamnation solidaire avec le maître d’ouvrage à indemniser l’assureur du véhicule des sommes versées à la victime, la cour avait notamment à se prononcer sur le sort des appels en garantie réciproquement formés par les cocontractants.

L’on précisera d’emblée que la cour a sans difficulté admis le principe même de leur responsabilité, dont le fondement résulte d’une jurisprudence désormais constante aux termes de laquelle « la responsabilité d’une collectivité publique, maître d’ouvrage de travaux publics, est susceptible d’être engagée, même en l’absence de faute, à l’égard de la victime de dommages causés par ces travaux, lorsqu’elle a vis-à-vis d’eux la qualité de tiers, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ce dernière est alors en droit de réclamer la réparation de ces dommages, soit à l’entrepreneur, soit au maître de l’ouvrage, soit à l’un et à l’autre solidairement. Il appartient, toutefois, au demandeur tiers d’apporter la preuve de la réalité des préjudices qu’il allègue avoir subis et de l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre les travaux publics et lesdits préjudices. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel ».

L’on sait néanmoins que le constructeur est fondé à demander à être totalement garanti par le maître d’ouvrage des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages causés aux tiers lorsque la réception des travaux a été prononcée sans réserve.

Le juge administratif a toutefois introduit des exceptions limitatives à ce principe. Ainsi la réception n’est-elle pas un obstacle à la condamnation définitive du constructeur à supporter les dommages causés au tiers, et consécutivement à l’appel en garanti formé par le maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur : lorsque le dommage trouve son origine dans un désordre affectant l’ouvrage et de nature à entraîner la mise en jeu de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale ; lorsque la réception n’a été acquise au constructeur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; lorsqu’enfin une clause contractuelle expresse prévoit le maintien de la responsabilité du constructeur après la réception au titre des dommages aux tiers du fait de la réalisation des travaux publics.

Rappelant cette solution jurisprudentielle désormais bien établie, la Cour écarte le moyen soulevé par le constructeur tendant à se voir relevé par le maître d’ouvrage de toutes condamnations prononcées à son encontre, outre le rejet de l’appel en garantie formé par ce dernier à son encontre, en relevant que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait expressément que le titulaire du marché devait justifier d’une attestation d’assurance en responsabilité civile couvrant l’intégralité des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber à la suite de dommages causés aux tiers du fait ou à l’occasion de la réalisation des travaux, mais encore les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il est susceptible d’encourir vis-à-vis des tiers et du maître d’ouvrage, à la suite de tous dommages survenant après travaux.

La Cour considère ainsi que les clauses contractuelles doivent être regardées comme ayant maintenu la responsabilité du titulaire du marché de travaux, après le prononcé de la réception sans réserve au titre des dommages causés aux tiers, et ce quand bien même les dommages n’auraient été ni connus ni apparents à la date de la réception.

L’interprétation des stipulations contractuelles proposée par la Cour apparaît ce faisant particulièrement favorable aux maîtres d’ouvrages, la clause d’assurance ne faisant notamment pas expressément référence à la réception. Les dommages aux tiers n’apparaissent en effet couverts qu’en tant seulement qu’ils sont survenus au cours de la réalisation des travaux ou « après travaux ».

On ne saurait toutefois que trop conseiller aux maîtres d’ouvrage de prévoir l’insertion, dans leurs contrats, de clauses prévoyant expressément le maintien après réception de la responsabilité du titulaire au titre des dommages causés tiers qui n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception.