le 03/12/2020

Compteurs Linky : pas d’obligation légale pour le consommateur d’accepter la pose ?

CAA Bordeaux, 17 novembre 2020, Enedis c/ M.A et autres, n° RG 19/02419

Dans cette affaire, plusieurs particuliers avaient fait assigner la société Enedis devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bordeaux pour s‘opposer à l’installation d’un compteur électrique Linky ou en demander le retrait.

 

Ils avaient obtenu partiellement gain de cause devant juge des référés, celui ayant considéré qu’ils justifiaient d’un trouble manifestement illicite par manquement au principe de précaution, en ce que l’installation d’un compteur Linky s’était faite à leur domicile ou y était envisagée sans la pose d’un filtre les protégeant des champs électromagnétiques alors que ces personnes justifiaient de leur électro-hypersensibilité. La société Enedis avait alors été condamnée à installer un tel filtre (commenté dans notre LAJEE).

 

La société Enedis a toutefois relevé appel de la décision, donnant ainsi l’occasion à la Cour d’appel de Bordeaux de se prononcer à son tour sur l’existence ou non d’un trouble manifestement illicite, du fait de la violation du principe de précaution et de la violation d’un défaut d’information, ainsi que sur l’existence de pratiques commerciales trompeuses, et enfin sur l’application des dispositions du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

 

Sur l’application du principe de précaution, le juge estime que le risque environnemental auquel serait exposé les usagers est insuffisant et incertain pour déclencher l’application de ce principe.

 

Sur l’obligation d ‘information, la Cour reconnait qu’Enedis est soumis aux dispositions de l’article L. 111-1 du Code de la consommation qui imposent d’informer le consommateur des caractéristiques essentielles d’un bien ou d’un service

 

En l’espèce, la Cour considère que la société a failli à cette obligation d‘information dans la mesure où certains documents produits par Enedis relatifs au fonctionnement du compter Linky comportaient de fausses informations. La Cour a en effet considéré qu’Enedis masquait, dans sa documentation commerciale, certaines fonctionnalités alors que le compteur Linky « à l’évidence, ne se définit pas comme un simple compteur électrique, successeur moderne des anciens compteurs électromécaniques et des compteurs plus récents à télé-relevé, comme tente de l’affirmer improprement Enedis dans sa notice d’information, se référant aux dispositifs utilisés dans les années 1950 ».

 

Et à cette occasion la Cour juge que « contrairement à ce qu’affirme la société Enedis, aucun texte légal ou réglementaire, européen ou national n’impose à Enedis, société commerciale privée, concessionnaire du service public, d’installer au domicile des particuliers des compteurs Linky, qui entrent certes dans la catégorie des compteurs intelligents ou communicants, c’est à dire pouvant être actionnés et interrogés à distance, mais n’en sont en réalité qu’un modèle utilisant la technologie CPL sur le réseau à basse tension comme premier niveau de communication, un deuxième niveau étant assuré par le réseau de téléphonie mobile GPRD ou Edge ».

 

Ce principe général énoncé par la Cour devrait en principe s’appliquer à tous les consommateurs, et non seulement les personnes sensibles aux champs électromagnétiques. Nous ne savons pas à cette heure si Enedis se pourvoira en cassation contre cette décision.