ARENH : parution de nombreux textes encadrant la délivrance des volumes additionnels pour l’année 2022

L’actualité est riche de plusieurs textes et délibérations publiés à la suite de l’annonce du Gouvernement, le 13 janvier 2022, de relever le plafond de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ci-après « ARENH ») de 100 à 120 TWh pour l’année 2022, tel que nous le commentions dans une de nos précédentes LAJEE [1].

La mise en œuvre du dispositif exceptionnel

Cette annonce a été concrétisée par la publication de deux arrêtés le 11 mars 2022 : l’un actant le relèvement du volume global maximal d’ARENH pouvant être cédé par EDF aux fournisseurs en faisant la demande [2] et l’autre fixant, en application de l’article L.337-16 du Code de l’énergie, le prix de ces volumes additionnels d’ARENH à 46,2 euros/MWh [3].

Les modalités spécifiques d’attribution de ces volumes additionnels ont été précisées par la délibération n° 2022-72 [4] de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après « CRE ») et par le décret n° 2022-342 [5] publiés le 11 mars 2022.

Le début de la période de livraison des volumes additionnels d’ARENH est ainsi fixé au 1er avril 2022 et les fournisseurs éligibles aux volumes additionnels d’ARENH sont ceux ayant été notifiés des volumes d’ARENH pour la période de livraison débutant le 1er janvier 2022.

En outre, l’article 5 du décret susvisé précise que pour bénéficier de ces volumes additionnels, les fournisseurs concernés devront revendre à EDF un volume d’électricité équivalent à celui qui leur sera cédé au titre de la période complémentaire de livraison a un prix égal à la moyenne des cotations sur les marchés de gros du produit base calendaire pour livraison d’électricité en France métropolitaine continentale sur l’année 2022.

La CRE a, par ailleurs, publié une délibération n° 2022-73 du 11 mars 2022 [6] afin de préciser les modalités de calcul et de répartition du complément de prix ARENH.

La modification du modèle d’accord-cadre

La mise en œuvre de ce dispositif exceptionnel et l’obligation des fournisseurs de revendre à EDF un volume d’électricité équivalent ont amené la CRE à proposer une modification du modèle d’accord-cadre défini par l’arrêté du 28 avril 2011 [7]. Pour rappel, en application de l’article L.336-5 du Code de l’énergie, EDF et le fournisseur ayant demandé à bénéficier de volumes d’ARENH concluent un accord-cadre précisant les modalités selon lesquelles ce fournisseur peut exercer son droit à l’ARENH.

Le 21 mars 2022, la CRE a donc proposé, par une délibération n° 2022-94 [8], un nouveau modèle d’accord-cadre comprenant un article 17 prévoyant des stipulations dérogatoires applicables exclusivement durant la période de livraison complémentaire et portant sur les volumes additionnels d’ARENH et sur la revente à EDF de volumes équivalents d’électricité.

En outre, la CRE a proposé de modifier les stipulations générales portant sur l’obtention de volumes ARENH pour les fournisseurs de secours.

La modification du modèle d’accord-cadre a été actée par l’arrêté du 25 mars 2022 [9].

Les répercussions du dispositif exceptionnel sur le calcul des TRVE

La délivrance des volumes additionnels d’ARENH entraine enfin des répercussions, d’une part, sur le calcul des Tarifs Réglementés de Vente d’Electricité (ci-après « TRVE ») dont le calcul prend en compte le prix de l’ARENH tel que prévu par l’article L. 337-6 du Code de l’énergie et, d’autre part, sur le montant des garanties de capacité cédées par EDF [10].

Par une délibération n° 2022-74 [11] également publiée le 11 mars 2022, la CRE a ainsi communiqué à l’ensemble des acteurs les modalités retenues pour la prise en compte des 20 TWh supplémentaires d’ARENH dans le calcul des TRVE.

La CRE a précisé par ailleurs que ces modalités seront identiquement appliquées pour la construction du tarif de cession pour les ELD et qu’une partie des compléments d’énergie et de garanties de capacité consécutifs à l’écrêtement de l’ARENH seront finalement approvisionnés à l’ARENH au prix de 46,2 €/MWh et devront être revendus.

La CRE précise enfin que le maintien d’un plafond à 100 TWh de volume d’ARENH lors du guichet de novembre 2021 et la mise à disposition de 20 TWh supplémentaires postérieurement à la période de livraison ont conduit à des modifications importantes des stratégies d’approvisionnement dans les TRVE. Elle rappelle donc sa recommandation de rehausser le plafond de l’ARENH à 150 TWh pour l’année 2023.

La répercussion des volumes additionnels d’ARENH sur les consommateurs

Enfin, par une délibération du 31 mars 2022, la CRE a communiqué ses orientations relatives aux modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH dans les offres de fournitures adressées aux consommateurs [12].

Rappelant que l’attribution de 20 TWh d’ARENH supplémentaires pour l’année 2022 a pour objectif de renforcer la protection des consommateurs contre les fortes hausses des prix de gros de l’électricité, la CRE a rappelé, d’une part, que la valeur des volumes supplémentaires d’ARENH devra être intégralement répercutée aux consommateurs affectés par la hausse des prix dans leur contrat et, d’autre part, que les montants restants devront être intégralement redistribués aux consommateurs les plus touchés. Dans le cadre de sa mission de surveillance des marchés, la CRE indique qu’elle veillera particulièrement au respect de ces orientations.

Les fournisseurs devront ainsi transmettre à la CRE leur méthodologie de redistribution avant le 1er mai 2022 et informer leurs clients des modalités de redistribution avant le 1er juin 2022.

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[1] https://www.seban-associes.avocat.fr/relevement-du-plafond-de-larenh-de-100-twh-a-120-twh-pour-lannee-2022/?idlajee=107988

[2] Arrêté du 11 mars 2022 fixant le volume global maximal d’électricité devant être cédé par Electricité de France au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, pris en application de l’article L. 336-2 du code de l’énergie 

[3] Arrêté du 11 mars 2022 pris en application de l’article L. 337-16 du code de l’énergie et fixant le prix des volumes d’électricité additionnels cédés dans le cadre de la période de livraison exceptionnelle instaurée par le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) 

[4] Délibération du 11 mars 2022 portant communication sur les modalités d’accès aux volumes additionnels d’ARENH

[5] Décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) 

[6] Délibération du 11 mars 2022 portant décision relative aux modalités de calcul et de répartition du complément de prix ARENH pour la période de livraison d’ARENH complémentaire débutant le 1er avril 2022 

[7] Arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

[8] Délibération du 21 mars 2022 portant proposition d’arrêté relatif aux conditions de vente et au modèle d’accord-cadre pour l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) 

[9] Arrêté du 25 mars 2022 portant modification de l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité

[10] Article R.335-69 du Code de l’énergie.

[11] Délibération du 11 mars 2022 portant communication des modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH que la CRE retiendra dans ses propositions de tarif réglementés de vente d’électricité

[12] Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 31 mars 2022 portant orientations et décision sur les modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH dans les offres de fourniture 

Infrastructure de Recharge de Véhicules Électriques : approbation du cahier des charges de l’appel à projets « Soutien au déploiement de stations de recharge haute puissance pour les véhicules électriques »

Cahier des charges de l’appel à projet

Plateforme pour déposer un dossier 

 

Par un arrêté du 4 mars 2022, le Premier ministre a approuvé le cahier des charges de l’appel à projets relatif au soutien au déploiement de stations de recharge haute puissance pour les véhicules électriques.

 

L’ouverture de cet appel à projets a été annoncé par le Gouvernement le 17 mars 2022. Il s’inscrit dans le cadre de l’action « Industrialisation et déploiement » du plan d’investissement France 2030 afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 en soutenant l’investissement pour le déclenchement d’une dynamique de déploiement de ces infrastructures en zone urbaine et dans les territoires.

 

L’enveloppe globale qui y est consacrée par le Gouvernement s’élève à 300 millions d’euros dont 100 millions d’euros dès 2022.

 

L’appel à projets s’adresse aux opérateurs privés et aux collectivités ayant la capacité d’installer et d’exploiter un réseau de bornes de recharge. Il s’agit ainsi, pour ces dernières, de syndicats intercommunaux disposant de la compétence en matière de déploiement d’infrastructures de recharge de véhicules électriques et d’entités titulaires de la compétence de création et d’entretien de telles infrastructures, prévue à l’article L. 2224-37 du Code générale des collectivités territoriales.

 

Le cahier des charges de l’appel à projets précise que chaque station de recharge devra disposer d’au minimum 100 points de recharge si le projet est porté par un opérateur privé et de 50 points de recharge s’il est porté par une collectivité.

 

Les projets devront s’inscrire dans deux axes : l’axe « métropoles » et l’axe « territoires ». Ainsi, les stations devront être situées dans l’une des 10 métropoles principales [1] et dans d’autres métropoles, dans des villes moyennes, dans des territoires ruraux ou des zones blanches, et pourront également se situer dans les départements et régions d’Outre-Mer.

 

Le cahier des charges précise que ces infrastructures de recharge de véhicules électriques, qui ont vocation à répondre aux besoins ponctuels des particuliers et des professionnels du transport de passagers et de marchandises, seront développées en complémentarité des infrastructures de recharge utilisées pour la recharge quotidienne.

 

Sur les critères de l’appel à projets, seront analysées les études de planification sur le choix de la location et de la puissance installée de chaque station, les études d’impact du déploiement sur le réseau électricité ainsi que l’attractivité commerciale du projet, l’interopérabilité, la tarification, la qualité de service et la pérennité des infrastructures.

Il est également précisé que l’opération pour laquelle les opérateurs privés ou les collectivités éligibles demanderont une aide financière ne doit, ni avoir commencé, ni avoir donné lieu à des engagements fermes.

 

Sur les modalités de candidatures, l’appel à projets est ouvert depuis le 17 mars 2022 et se clôturera le 31 décembre 2024 à 17h00, étant précisé que la première relève de dossiers aura lieu le 11 juillet 2022 à 17h00 puis les 1er janvier et 1er juin de chaque année.

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[1] Bordeaux Métropole, Eurométropole de Lille, Nantes Métropole, Métropole Nice Côte d’Azur, Rennes Métropole, Eurométropole de Strasbourg, Toulouse Métropole, Métropole du Grand Paris, Métropole Aix-Marseille-Provence et Métropole de Lyon

Tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel : consultation publique de la CRE

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a mis en ligne le 31 mars 2022 une consultation publique relative à la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel.

 

Les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) de gaz naturel sont chargés de réaliser les missions de service public liées à la distribution du gaz naturel. Leur rémunération résulte à ce titre des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution (dits tarifs « ATRD») fixés par la CRE.

 

A côté de cette mission, ceux-ci réalisent des prestations annexes à titre exclusif à destination des fournisseurs, des producteurs et des consommateurs finals. Ces prestations figurent, pour chaque GRD de gaz naturel sur sa zone de desserte exclusive, dans un catalogue de prestations. La CRE fixe les méthodes utilisées pour établir les tarifs des prestations annexes, ainsi que les évolutions tarifaires.

 

Les évolutions objets de la consultation concernent en particulier GRDF et Régaz Bordeaux.

 

Les principales évolutions envisagées à ce stade par la CRE consistent principalement à :

  • pérenniser la prestation « changement de compteur gaz hors heures ouvrées » qui est réalisée par GRDF actuellement à titre expérimental et l’étendre aux utilisateurs équipés d’un compteur de débit > 16 m3/h ;
  • adapter deux prestations relatives à la pression disponible « standard » et « non standard» afin de répondre aux besoins des nouveaux consommateurs comme les stations de gaz naturel pour véhicules (GNV) ;
  • raccourcir le délai standard de la prestation « changement de fournisseur » pour GRDF et les entreprises locales de distribution (ELD) ;
  • introduire les prestations visant à faciliter les opérations des fournisseurs, déjà proposées par GRDF, dans les prestations optionnelles du tronc commun.

La date limite de dépôt des réponses à cette consultation publique est fixée au 28 avril 23h59.

Avis de la CRE sur le projet de décret d’application du dispositif d’obligation de restitution de certificats de production de biogaz

Dans une délibération en date du 17 mars 2022, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) s’est prononcée sur un projet de décret d’application du dispositif d’obligation de restitution de certificats de production de biogaz.

 

Ce projet de décret avait été mis en consultation par le Gouvernement au cours du mois de février dernier (voir notre brève).

 

Le projet de décret met en œuvre le dispositif de soutien à la production de biogaz et à son injection sur les réseaux de gaz naturel créé par la loi dite « climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) sous la forme de certificats de production de biogaz.

 

Ce dispositif consiste à imposer aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de restitution à l’Etat de certificats. Les fournisseurs de gaz naturel peuvent s’acquitter de cette obligation, soit en produisant directement du biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biogaz.

 

Après avoir rappelé le contenu précis du projet de décret dont elle était saisie, la CRE formule notamment les observations suivantes :

  • Sur la typologie d’installations soumises à certificat, la CRE relève que le projet de décret limite l’accès au dispositif des installations mettant en œuvre, pour la production du biométhane, des techniques de production matures et standardisées, à l’instar des typologies d’installations actuellement soutenues par l’Etat via le dispositif d’obligation d’achat. Elle estime que cette limitation est adaptée car elle devrait conduire à maîtriser les écarts de coûts de production, et par conséquent de compétitivité, entre les installations bénéficiaires du dispositif ;
  • Sur les paramètres de modulation de la capacité des installations à émettre des certificats de production de biogaz, la CRE note que la loi avait introduit une simple possibilité de modulation, et que le projet de décret « prévoit une déclinaison complète de cette disposition en fonction de quatre (4) paramètres, renvoyant à un arrêté pour la fixation des coefficients de modulation suivant chacun d’eux». La CRE déplore en conséquence la complexification réglementaire ainsi générée ;
  • Sur la franchise prévue par le projet de décret pour les fournisseurs de petite taille qui ne seront pas soumis au dispositif pendant ses quatre premières années de mise en œuvre, la CRE indique que cette franchise « permettra l’accompagnement des petits acteurs dans les premières années du dispositif », mais souhaite que soit prise en compte la notion d’entreprises liées de manière à éviter de potentiels contournements du dispositif par la filialisation.

 

Au global, si la CRE accueille favorablement le principe de fonctionnement du dispositif des certificats « dont l’objectif est de permettre, via la mise en place d’une obligation d’incorporation de biométhane pesant sur les fournisseurs de gaz, […] la poursuite durable du développement de la filière de production de biométhane injecté », elle formule néanmoins une réserve très claire quant à la complexité du texte qui lui était soumis : « la CRE prend acte avec réserve du projet de décret objet de la saisine. La complexité du système proposé nuit à son efficacité ».

 

Il sera donc intéressant d’observer si le Gouvernement tire les enseignements de cet avis en simplifiant le texte final du décret.

Obligation d’information du GRD envers les copropriétaires en matière de travaux de rénovation des colonnes montantes électriques

Une recommandation du Médiateur National de l’Energie (ci-après, MNE) récemment publiée apporte de nouvelles précisions sur les obligations pesant sur le Gestionnaire du Réseau de Distribution (ci-après, GRD) d’électricité en matière d’information des copropriétaires s’agissant du calendrier de réalisation des travaux de rénovation des colonnes montantes électriques équipant leur immeuble.

 

Pour mémoire, sauf pour les propriétaires d’immeubles à en avoir revendiqué la propriété, les colonnes montantes électriques relèvent toutes du réseau public de distribution d’électricité et doivent, en conséquence, être entretenues et, le cas échéant rénovées par le GRD (art. L. 346-1 et s. du Code de l’énergie).

 

Dans l’affaire qui était soumise au MNE, un copropriétaire avait sollicité l’ajout d’un compteur d’électricité supplémentaire. Le GRD lui avait toutefois indiqué que cet ajout n’était pas possible compte tenu de la vétusté de la colonne montante de l’immeuble. Le Syndic de l’immeuble avait alors entrepris les démarches auprès du GRD afin de connaître les modalités et le calendrier de rénovation de ladite colonne montante, et ce d’autant que la copropriété envisageait de rénover la cage d’escalier où passe la colonne, et que ces travaux ne pouvaient être réalisés avant la réfection de la colonne montante.

 

Or, pendant deux ans, le GRD s’était abstenu de répondre à cette demande, celui-ci ayant néanmoins fini par expliquer que la demande du Syndic n’avait pas été adressée au bon service, et que le service incompétemment saisi s’était abstenu de rediriger la demande. Le GRD avait alors récemment indiqué au Syndic qu’il le contacterait « ‘dans les meilleurs délais’ afin de faire le point sur la demande initiale du copropriétaire et de réaliser une visite en vue de l’ouverture d’un dossier d’ajout de compteur et l’ouverture d’un dossier de rénovation de colonne ‘si nécessaire’ ».

 

Dans sa recommandation, le MNE commence par déplorer ce traitement en relevant que « quel que soit le service du distributeur qui reçoit une demande d’un usager, il lui appartient si cette demande a été mal dirigée, de la réorienter immédiatement vers le service compétent et d’en informer l’intéressé en lui donnant les coordonnées précises de ce service ».

 

Et, s’agissant de la question de fond ayant trait au calendrier de rénovation de la colonne montante, le MNE souligne le flou de la réponse apportée par le GRD : « je constate que la réponse qui vient d’être enfin donnée par le distributeur Z est loin d’être précise : que signifie « dans les meilleurs délais » ? Qu’en est-il de la « visite » sur place ? En serez-vous préalablement informé ? Pourrez-vous y assister ? Si un compte-rendu en est fait, pourrez-vous en avoir communication ? A cela s’ajoute le fait que cette visite sera effectuée « en vue de l’ouverture » de deux dossiers ce qui est fort vague quant aux suites qui seront données et de leur échéance ».

 

Le MNE estime dans ces conditions que le GRD « doit faire parvenir [au Syndic], dans un délai qui ne saurait excéder un mois, un calendrier précis et détaillé des opérations à entreprendre pour aboutir à la pose du nouveau compteur et, préalablement, à la rénovation de la colonne montante, si la nécessité de cette rénovation est confirmée, par une étude qui devra nécessairement vous être communiquée ».

 

Le GRD est ainsi tenu de justifier, en produisant son étude, de la nécessité ou non de rénover la colonne montante et doit communiquer un calendrier précis et détailler des travaux à réaliser.

 

Cette recommandation est particulièrement intéressante pour les propriétaires d’immeubles (institutionnels ou particuliers) qui se heurtent à d’importantes difficultés pour obtenir des GRD les informations relatives au calendrier de rénovation des colonnes montantes équipant leur patrimoine et ainsi coordonner leurs propres travaux avec ceux du GRD.

Responsabilité d’une commune pour défaut d’entretien d’une digue

Dans un arrêt rendu par la deuxième chambre de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 3 mars 2022, le juge confirme la responsabilité d’une commune pour le défaut d’entretien d’une digue ayant entraîné la chute d’une passerelle construite par un propriétaire riverain, dans la rivière qu’elle enjambait.

L’objet du litige portait sur la responsabilité de l’effondrement de la passerelle enjambant la rivière, construite par les propriétaires du terrain, intervenue à suite d’une forte crue en 2014. Si la commune alléguait que la passerelle avait été construite sans autorisation et utilisée dans des « conditions douteuses par les propriétaires du terrain », ces derniers soutenaient en retour que son effondrement était dû au mauvais entretien d’une digue communale, malgré leurs demandes répétées d’intervention auprès de la Commune. Le juge administratif a retenu que les circonstances d’instabilité géologique des rives de la rivière n’étaient « pas de nature à remettre en cause le lien de causalité entre le défaut d’entretien de la digue et les dommages constatés ».

En effet, il retient qu’il résulte de l’instruction que la digue avait été fragilisée par un phénomène d’érosion régressive en 2014. Cette fragilité était connue et avait donné lieu à une mise en demeure de la commune d’effectuer les travaux par les services de l’Etat. En 2008 elle avait effectué un simple colmatage, et non une réparation complète de la digue comme cela avait été demandé. Lors de l’effondrement de la rive gauche de la berge, la passerelle avait été entraînée dans cet effondrement, ce qui a porté atteinte au droit de jouissance de la propriétaire du terrain, cette dernière n’ayant dès lors plus accès à une partie de son terrain, situé sur l’autre rive.

La Cour retient donc la responsabilité de la commune dans ce défaut d’entretien de la digue communale ayant entraîné un préjudice de jouissance de quatre années à la propriétaire du terrain attenant à la rivière.

Continuité écologique : transmission d’une QPC sur les dispositions applicables aux moulins de production hydroélectrique

La décision France Nature Environnement rendue le 8 mars 2022 par les 6ème et 5ème chambres réunies du Conseil d’Etat renvoie au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’examen de la constitutionnalité de l’article L. 214-18-1 du Code de l’environnement. Cette QPC a été demandée à l’occasion d’un recours en annulation, formulé par plusieurs associations environnementales, dont France Nature Environnement, de la décision implicite de la Ministre de la transition écologique rejetant leur demande d’abrogation des dispositions de l’article L. 214-18-1 du Code de l’environnement, ainsi que celui de leur demande de prendre toute mesure afin de « permettre l’application de la continuité écologique et sédimentaire à l’ensemble des ouvrages implantés sur les cours d’eau classés ». Des associations France Nature Environnement et autres l’ayant saisi dans le cadre de leur recours en annulation de la décision implicite rejetant leur demande d’abrogation des dispositions de l’article L. 214-18-1 du Code de l’environnement, ainsi que celui de leur demande de prendre toute mesure afin de « permettre l’application de la continuité écologique et sédimentaire à l’ensemble des ouvrages implantés sur les cours d’eau classés ».

L’article L. 214-18-1 du Code de l’environnement exonère les moulins à eau équipés pour produire de l’électricité et régulièrement installés sur les cours d’eau, des obligations qui s’imposent aux cours d’eau classés liste 2 pour permettre le franchissement des poissons migrateurs et le transport des sédiments, prévues l’article L. 214-17 du même Code), et ce dans une perspective de préservation du patrimoine hydraulique. Dans l’attente de la décision du Conseil Constitutionnel sur la constitutionnalité de ces dispositions, le Conseil d’Etat sursoit à statuer sur les requêtes.

Intégration de la « clause filet » pour les projets non soumis à étude d’impact

A la suite de l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 avril 2021 n° 425424, le décret du 25 mars 2022 n° 2022-422 relatif à l’évaluation environnementale des projets, a été publié. Le Juge administratif avait, dans la décision précitée, enjoint au Premier Ministre, à la demande de l’association France Nature Environnement, de réviser, dans un délai de neuf mois, la nomenclature des projets soumis à autorisation environnementale, annexée à l’article R122-2 du Code de l’environnement. Le décret du 25 mars introduit donc une « clause filet » afin de compléter la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement qui ne permettait pas jusqu’alors de garantir que tous les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement fassent l’objet d’une telle évaluation. Ce décret emporte la création d’un nouvel article R. 122-2-1 du Code de l’environnement, qui prévoit que l’autorité compétente, ,le préfet, « soumet à l’examen au cas par cas tout projet y compris de modification ou d’extension, situé en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 [c’est-à-dire des seuils à partir desquels le projet est soumis à étude d’impact], que ce soit dans le cadre d’une procédure d’autorisation ou d’une déclaration (lorsque le projet lui apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine». Par ailleurs, le décret prévoit que le maître d’ouvrage pourra, de sa propre initiative, saisir l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, pour tout projet situé en deçà des seuils précités.

C’est à cette même autorité, qu’il revient d’informer le maître d’ouvrage de sa décision motivée de soumettre ou non le projet à un examen au cas par cas, au plus tard quinze jours à compter du dépôt du dossier de cette demande.

Enfin, le décret prévoit l’adaptation de plusieurs procédures existantes notamment d’autorisation et de déclaration, concernant les délais d’instruction des IOTA, des sites inscrits et classés…, afin de permettre une bonne articulation de ce nouveau dispositif.

Perception de la Taxe Communale sur la Consommation Finale d’Electricité par un syndicat d’énergie avant le 31 décembre 2010 et évolution démographique des communes

Par un arrêt en date du 10 mars 2022, le Conseil d’Etat a jugé que la circonstance que le critère de la population agglomérée au chef-lieu, figurant dans les dispositions relatives à la Taxe Communale sur la Consommation Finale d’Electricité (ci-après TCCFE) en vigueur au moment de son institution, n’a pas été remplacé par celui de la population totale, retenu depuis 2004 par ces mêmes dispositions, et que la population avait, dès avant 2010, dépassé le seuil de 2000 habitants, n’est pas de nature à rendre la délibération instituant ladite taxe illégale.

 

Pour mémoire, la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (ci-après, TCCFE) est définie et régie notamment par les articles L. 2333-2 à -5 et L. 5212-24 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT).

 

En vertu de ce dernier article, la perception et la conservation de la TCCFE par le Syndicat intercommunal exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité (ci-après, AODE) est obligatoire d’une part, lorsque la population de la commune membre est inférieure ou égale à 2.000 habitants et, d’autre part, lorsque la taxe était perçue par le syndicat intercommunal au 31 décembre 2010, indépendamment de l’évolution démographique de la commune concernée.

 

Pour les communes avec une population égale ou supérieure à plus de 2.000 habitants, il est possible de prévoir, par délibérations concordantes du syndicat et de la commune, que la taxe soit perçue par le syndicat en lieu et place de la commune.

 

En l’espèce, une commune de moins de 2.000 habitants a saisi le syndicat intercommunal d’énergie de son ressort, d’une demande tendant au reversement du produit de la taxe sur l’électricité perçue par ledit syndicat sur le territoire de la commune. Ladite TTCFE a, en effet, été instituée par délibération du Comité syndical en date du 22 décembre 1971.

 

Après avoir rappelé les dispositions applicables au litige, le Conseil d’Etat remarque que le syndicat d’énergie en cause percevait, à la date du 31 décembre 2010, la TCCFE sur le territoire de la commune requérante, sans que cette perception n’ait été contestée au titre de l’année 2010. Le Conseil d’Etat en conclut, au regard des dispositions du CGCT, que le syndicat était tenu de poursuivre cette perception dans ces mêmes conditions et ne pouvait, en conséquence, que rejeter la demande présentée par la commune.

 

Le Conseil d’Etat estime, par ailleurs, que la commune ne peut utilement faire valoir, pour contester la légalité du refus du syndicat, que la délibération du 22 décembre 1971 « serait devenue illégale au motif que le critère de la population agglomérée au chef-lieu, figurant dans les dispositions relatives à la [TCCFE] en vigueur au moment de l’adoption de cette délibération, aurait dû être remplacé par celui de la population totale, retenu depuis 2004 par ces mêmes dispositions, et que sa population avait, dès avant 2010, dépassé le seuil de 2 000 habitants ».

 

En conséquence, la Haute juridiction rejette le pourvoi introduit par la Commune.

Travaux d’électrification en zone rurale – répartition des montants d’aides et reports de crédits 2021 au bénéfice des Autorités Organisatrices de la Distribution d’Electricité

Arrêté du 15 mars 2022 relatif à la répartition pour l’année 2022 des financements au titre de la mesure « Amélioration de la résilience des réseaux électriques et transition énergétique en zone rurale » de la mission « Plan de relance » créée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021

 

Par deux arrêtés en date du 15 mars 2022, la Ministre de la transition écologique a dévoilé la répartition des aides et le report de crédits de l’année 2021 au bénéfice des Autorités Organisatrices de l’Energie (AODE) pour le financement des travaux d’électrification.

 

D’abord, s’agissant du premier arrêté relatif à la répartition annuelle des montants d’aides et des reports de crédits 2021 précité[1], dans le cadre du compte d’affectation spéciale du FACE, est créé un sous-programme exceptionnel pour 2022 intitulé « Transition énergétique opération exceptionnelle ».

 

Ce sous-programme vise à financer les opérations de transition énergétique et de développement de solutions innovantes permettant une gestion plus efficace du réseau électrique et notamment le déploiement d’infrastructure de recharge pour véhicule électriques dans les territoires peu équipés.

 

La répartition des montants d’aides de ce compte d’affectation spéciale du FACE est organisée en ces termes :

  • Le programme principal, portant un budget de 353,5 millions d’euros, est partagé comme suit :
    • 170 millions d’euros pour le sous-programme « renforcement des réseaux» ;
    • 33 millions d’euros pour le sous-programme « extension des réseaux » ;
    • 40 millions d’euros pour le sous-programme « enfouissement ou pose en façade, pour des raisons d’ordre esthétique » ;
    • 97 millions d’euros pour le sous-programme « sécurisation des fils nus» ;
    • 0,5 million d’euros pour le sous-programme « déclaration d’utilité publique – très haute tension » ;
    • 12,7 millions d’euros pour le sous-programme « intempéries » ;
    • 0,3 millions d’euros pour le fonctionnement du compte d’affectation spéciale (CAS) ;
  • Quant au budget du programme spécial, porté à 6,5 millions d’euros, il est réparti comme suit :
    • 1 million d’euros pour le sous-programme « sites isolés » ;
    • 3 millions d’euros pour le sous-programme « installations de proximité en zone non interconnectée » ;
    • 0,5 million d’euros pour le sous-programme « maîtrise de la demande de l’énergie» ;
    • 1 million d’euros pour le sous-programme « transition énergétique » ;
    • 1 million d’euros pour le sous-programme « solutions innovantes ».

 

Est également fixée la répartition des aides provenant des crédits mentionnés à l’arrêté du 24 février 2024 portant report des programmes 793 et 794 du compte d’affectation spéciale du FACE pour 2022 :

  • S’agissant du programme principal, un montant de 26,65 millions d’euros[2] est réparti à hauteur de :
    • 11 millions d’euros pour le sous-programme « renforcement des réseaux » ;
    • 5 millions d’euros pour le sous-programme « sécurisation des fils nus » ;
    • 0,2 million d’euros pour le sous-programme « déclaration d’utilité publique – très haute tension » ;
    • 5,3 millions d’euros pour le sous-programme « intempéries » ;
    • 0,2 millions d’euros pour le fonctionnement du compte d’affectation spéciale (CAS) ;

 

  • S’agissant du programme spécial, un montant 24,3 millions d’euros est réparti à hauteur de :
    • 0,7 millions d’euros pour le sous-programme « sites isolés » ;
    • 6,8 millions d’euros pour le sous-programme « installations de proximité en zone non interconnectée » ;
    • 16,8 millions d’euros pour le sous-programme « transition énergétique opération exceptionnelle».

 

Ensuite, s’agissant de l’arrêté relatif au financement de la mission « Plan de relance »[3], l’enveloppe budgétaire consacrée à l’« Amélioration de la résilience des réseaux électriques et transition énergétique en zone rurale » pour l’année 2022 est fixée à hauteur de 15 millions d’euros s’agissant des sous-programmes « transition énergétique » et « solutions innovantes ».

________________

[1] Arrêté du 15 mars 2022 à la répartition annuelle des montants d’aides provenant de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour l’année 2022 et des reports de crédits 2021 au bénéfice des autorités organisatrices de la distribution d’électricité pour le financement des travaux d’électrification visés à l’article L. 322-6 du code de l’énergie

 

[2] Cet arrêté prévoit la publication d’un arrêté complémentaire portant sur la répartition des 4,95 millions d’euros de fonds de réserve restant à affecter sur ce programme principal, en fonction de besoins nouveaux identifiés en cours d’année.

[3] Arrêté du 15 mars 2022 relatif à la répartition pour l’année 2022 des financements au titre de la mesure « Amélioration de la résilience des réseaux électriques et transition énergétique en zone rurale » de la mission « Plan de relance » créée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

Pratique discriminatoire d’un distributeur d’électricité à l’égard de fournisseurs

Par une décision en date du 16 mars 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a fait application du principe de primauté du droit de l’Union en refusant d’appliquer les dispositions de l’article L. 452-3-1 II du Code de l’énergie qui prévoient la rémunération de certains fournisseurs assurant des services au gestionnaire du réseau de distribution d’électricité et la refusent à d’autres. Sans une justification objective de cette pratique par le gestionnaire du réseau de distribution, est constatée une discrimination au regard du coût à supporter pour l’utilisation de ce réseau.

En l’espèce, six fournisseurs d’électricité avaient conclu avec Enedis, gestionnaire de réseau de distribution, un contrat de prestation de service de gestion de clientèle (CPS) pour la rémunération des frais de gestion de clientèle. La société Joul, fournisseur d’électricité, avait conclu avec Enedis une convention d’accès au réseau de distribution qui ne prévoyait pas de contrepartie financière aux prestations de gestion de clientèle mises à la charge de la première pour le compte de la seconde. Elle a demandé, le 7 septembre 2016, à conclure un contrat de prestation de service de gestion de clientèle (CPS) pour la rémunération de ces prestations.

La société Joul n’ayant pas obtenu satisfaction, elle a saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (le Cordis) qui, par une décision n° 08-38-17 du 13 juillet 2018, a constaté une infraction au principe de non-discrimination. La société Enedis a fait appel de cette décision et la Cour d’appel de Paris a accueilli ses demandes en rejetant le moyen de la société Joul tendant à faire juger que la société Enedis avait méconnu son obligation de traitement non discriminatoire des fournisseurs.

La société Joul s’est pourvue en cassation et a invoqué sur ce point le moyen suivant :

« qu’en privant les fournisseurs d’électricité de la possibilité de faire constater l’existence d’une pratique discriminatoire résultant du fait que certains d’entre eux ont été contraints de supporter des coûts au titre de prestations effectuées pour le compte du gestionnaire de réseau, et ce sans qu’aucune mesure de réparation telle qu’une compensation financière puisse leur être octroyée, l’article L. 452-3-1 du code de l’énergie est contraire à la directive 2009/72/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, laquelle impose aux autorités de régulation de mettre un terme aux situations discriminatoires ; qu’en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d’appel a violé la directive 2009/72/CE, l’article 20 de la Charte des droits fondamentaux, ensemble de principe de primauté du droit de l’Union européenne ».

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 16 mars 2022, casse donc, et annule, l’arrêt rendu par la Cour d’appel et laisse inappliquées les dispositions litigieuses du Code de l’énergie.

Sur celles-ci, la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement crée au sein du Code de l’énergie l’article L. 341-4-3 qui prévoit que les prestations de gestion de clientèle réalisées par les fournisseurs d’électricité pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution dans le cadre de l’exécution des contrats portant sur l’accès aux réseaux et la fourniture d’électricité puissent donner lieu à une rémunération. L’article L. 452-3-1 II du Code de l’énergie prévoit quant à lui : « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les conventions relatives à l’accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux […] et les fournisseurs d’électricité, en tant qu’elles seraient contestées par le moyen tiré de ce qu’elles imposent aux fournisseurs la gestion de  clientèle pour le compte des gestionnaires de réseaux ou laissent à la charge des fournisseurs tout ou partie des coûts supportés par eux pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi. Cette validation n’est pas susceptible de donner lieu à réparation ».

La Chambre commerciale confirme la décision susvisée du Cordis en rappelant l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne des directives concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité. 

A titre liminaire, elle procède au rappel du principe de primauté du droit de l’Union et de la jurisprudence de la Cour de justice selon laquelle le juge national est chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire et d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure (CJCE, 9 mars 1978, Administration des finances de l’Etat/société anonyme Simmenthal, 106/77).

Puis, s’agissant des dispositions des directives mentionnées applicables au litige :

D’une part, l’article 32, §1 de la directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, interprété conformément à la jurisprudence de la CJUE, fait interdiction aux Etats membres d’organiser l’accès au réseau de distribution d’une manière discriminatoire y compris sur le plan du coût à supporter pour l’utilisation du réseau de distribution (CJUE, 29 septembre 2016, Essent, C-492/14).

Se fondant sur ces dispositions, la chambre commerciale s’oppose à la pratique constatée qui crée une discrimination au regard du coût à supporter pour l’utilisation du réseau de distribution.

D’autre part, l’article 37, § 10 de la directive susmentionnée habilite les autorités de régulation à demander aux gestionnaires de réseau de transport et de distribution de modifier au besoin les conditions, y compris notamment les tarifs, pour faire en sorte que celles-ci soient proportionnées et appliquées de manière non discriminatoire.

Sur le fondement de ces dispositions, la chambre commerciale de la Cour de cassation constate qu’en l’absence de motif apporté par la société Enedis « justifiant une telle différence de traitement entre les fournisseurs d’électricité, autre que celui invoqué devant la cour d’appel tiré de la date à laquelle ces fournisseurs avait formulé une demande de CPS, sans pertinence avec la discrimination invoquée, il doit être retenu, ainsi que l’a décidé le Cordis […], qu’en refusant de faire droit à la demande de la société Joul tendant à bénéficier d’un contrat permettant le versement d’une compensation pour les services de gestion de clientèle accomplis au bénéfice de la société Enedis, celle-ci a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire énoncée par l’article L. 322-8, 4° du code de l’énergie, de sorte que le recours formé par le société Enedis contre cette décision doit être rejeté ».

Plus largement, l’interdiction de toute action en réparation, prévue à l’article L. 452-3-1, II, du Code de l’énergie précité, ne peut être appliquée par le juge national, car contraire au droit de l’Union européenne.

La gestion de l’eau et de l’assainissement après la loi 3DS

La loi n° 2022-217 en date du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a été publiée le 22 février 2022.

Elle comporte un certain nombre de dispositions qui ont trait à la transition énergétique ou à l’environnement et la biodiversité dans leur ensemble, tandis que d’autres portent plus spécifiquement sur l’organisation des collectivités dans la gestion de l’eau (petit et grand cycle) et de l’assainissement. Nous examinerons ici les dispositions de la loi qui portent sur l’organisation territoriale de l’exercice de ces compétences (1), celles qui renforcent les prérogatives des collectivités compétentes dans le domaine de l’eau plus particulièrement (2). Nous exposerons enfin les nouveaux outils financiers dont disposent les collectivités pour exercer leur compétence en ces matières (3).

I) Les évolutions en matière d’organisation territoriale des compétences eau (petit et grand cycle) et assainissement

1/ La possibilité pour un syndicat mixte de détenir les qualités à la fois d’EPTB et d’EPAGE

En premier lieu, la loi 3DS fait quelque peu évoluer l’organisation de l’exercice de la compétence GeMAPI en permettant à un syndicat mixte d’avoir la double qualité d’EPAGE et d’EPTB.

L’article L. 213-12 du Code de l’environnement est modifié en ce sens, et permet à un syndicat mixte d’être à la fois EPAGE et EPTB, dès lors qu’il remplit les conditions fixées par ce même article pour chaque type d’établissement.

Ainsi, là où, auparavant, un syndicat mixte pouvait être transformé en EPTB, d’une part, et en EPAGE, d’autre part, formant ainsi deux structures distinctes, une même structure peut désormais détenir ces deux qualités. Cette double qualité peut s’acquérir par transformation mais également par simple modification statutaire. La procédure jusqu’alors valable pour la transformation, décrite à l’article L. 213-12 du Code de l’environnement, intègre dorénavant l’hypothèse de la modification statutaire. Le texte précise également qu’en cas de modification statutaire, le syndicat mixte conserve l’ensemble de ses biens et obligations et continue à exercer les compétences dont il est chargé à la date de la modification de ses statuts.

 

2/ Le transfert partiel des compétences en matière de gestion des eaux pluviales et de défense extérieure contre l’incendie par un EPCI-FP à un syndicat

En deuxième lieu, les compétences « gestion des eaux pluviales urbaines » et « défense extérieure contre l’incendie » peuvent désormais, elles aussi, au même titre que l’eau, la GeMAPI, l’assainissement, la collecte et le traitement des déchets et la distribution d’électricité et de gaz, faire l’objet d’un transfert partiel, par un EPCI-FP ou par un EPT, à un syndicat mixte.

Ainsi, ces compétences pourront être transférées soit pour la totalité du périmètre de l’EPCI ou de l’EPT, soit pour une partie seulement de son territoire. Le transfert peut alors s’opérer au profit de plusieurs syndicats situés chacun sur des parties distinctes de son territoire (l’article L. 5211-61 du Code général des collectivités territoriales est en ce sens modifié).

3/ Anticipation des transferts obligatoires en matière d’eau et d’assainissement aux communautés de communes

En troisième lieu, alors que la loi ne revient pas sur l’échéance au 1er janvier 2026 pour le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, l’article 30 tente tout de même d’anticiper, en amont de cette date, l’organisation de ces transferts. Il propose ainsi que dans l’année qui précède ce transfert obligatoire, les communes et leur communauté de communes organisent un débat sur la tarification des services publics d’eau et d’assainissement des eaux usées et sur les investissements liés aux compétences transférées à l’EPCI (ce débat pouvant d’ailleurs être renouvelé annuellement).

À l’issue de ce débat, une convention peut être conclue. Cette convention précise alors les conditions tarifaires des services publics en cause, en tenant compte notamment du mode de gestion du service, des caractéristiques des réseaux ainsi que des coûts de production, de traitement et de distribution. Elle détermine par ailleurs les orientations et les objectifs de la politique d’investissement sur les infrastructures ainsi que les modalités des délégations de compétences aux communes qui en feraient la demande dans les conditions prévues au I de l’article L. 5214‑16 du CGCT.

4/ La pérennisation du maintien des syndicats d’eau, d’assainissement ou de gestion des eaux pluviales urbaines inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes

En quatrième lieu, à la suite des discussions en commission mixte paritaire, la loi 3DS pérennise la possibilité pour les syndicats compétents en matière d’eau, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales urbaines d’être maintenus, lorsqu’ils sont inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes (le texte n’évoque que les communautés de communes en dérogeant toutefois également expressément à l’article L. 5216-6 du CGCT, applicable aux communautés d’agglomération, ce qui peut créer une incertitude quant aux EPCI concernés), malgré le transfert, à cette communauté de communes, des compétences qu’ils exercent. Ce maintien des syndicats existait déjà mais il est désormais pérennisé après le transfert obligatoire de ces compétences aux communautés de communes au 1er janvier 2026. La communauté de communes pourra néanmoins délibérer contre ce maintien.

 

II) Le renforcement des prérogatives des collectivités compétentes dans le domaine de l’eau

1/ L’élargissement du droit de préemption des terres agricoles aux syndicats mixtes compétents en eau potable

La loi 3DS prévoit l’élargissement du droit de préemption des terres agricoles sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable aux syndicats mixtes. Les articles L. 218-1 et L. 218-3 du Code de l’urbanisme évoquaient jusqu’alors les seuls « groupements de communes ». Cet ajout permet, sans ambiguïté désormais, aux syndicats composés d’autres collectivités que les communes, de se prévaloir de ce droit de préemption.

Cet élargissement du droit de préemption va d’ailleurs plus loin, l’article L. 218-3 du Code de l’urbanisme étant enrichi par la loi 3DS de la possibilité pour le titulaire du droit de préemption (à savoir donc la commune, le groupement de communes ou le syndicat mixte) de déléguer ce droit à un établissement public local mentionné à l’article L. 2221-10 du Code général des collectivités territoriales (à savoir les régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière), « lorsque tout ou partie du prélèvement en eau utilisée pour l’alimentation en eau potable » est confié à cet établissement.

La loi 3DS intervient également afin d’imposer l’intégration de clauses environnementales lors de la conclusion de nouveaux baux des biens acquis dans le cadre de la préemption précitée, visant à garantir la préservation de la ressource en eau (prévues à l’article L. 411-27 du Code rural et de la pêche maritime). Les biens acquis peuvent également être cédés de gré à gré, à des personnes publiques ou privées. Un tel contrat doit également contenir des obligations réelles environnementales, auxquelles l’acquéreur doit consentir. Enfin, il est conclu pour une durée maximale de quatre-vingt-dix-neuf ans, entre l’acquéreur et le titulaire ou le délégataire du droit de préemption (modification de l’article L. 218-13 du Code de l’urbanisme).

2/ Le renforcement des prérogatives des autorités locales compétentes pour le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines

L’article L. 2226-1 du CGCT modifié par la loi 3DS renforce quant à lui les prérogatives incombant aux collectivités et groupements en charge du service de la gestion des eaux pluviales urbaines. Il leur confie en effet dorénavant le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines. Ce contrôle s’effectue à la fois au regard des prescriptions techniques fixées par la collectivité compétente pour réaliser les raccordements des immeubles aux réseau public de collecte des eaux usées et des eaux pluviales (article L. 1331-1 du Code de la santé publique) mais également de celles issues du plan de zonage prévu à l’article L. 2224-10 du CGCT ou même de tout autre règlement pris en la matière.

 

III) La mise en place de nouveaux outils financiers pour les compétences d’eau et d’assainissement

La loi 3DS a mis en place plusieurs nouveaux outils financiers pour les compétences en matière d’eau et d’assainissement et expérimente un nouvel outil pour la GeMAPI.

1/ L’expérimentation d’un financement des missions de défense contre les inondations et contre la mer d’un EPTB par des contributions fiscalisées

La loi 3DS prévoit la mise en place d’une expérimentation, pour une durée de cinq ans, visant à permettre le financement des missions de défense contre les inondations et contre la mer par un établissement public territorial de bassin (EPTB) par des contributions fiscalisées. Autrement dit, il est prévu, dans le cadre de cette expérimentation, que les EPTB exerçant en tout ou partie la compétence de défense contre les inondations et contre la mer peuvent remplacer  tout ou partie de la contribution budgétaire de ses EPCI-FP membres par un produit de contributions fiscalisées composées notamment de la taxe d’habitation, des taxes foncières, de la cotisation foncière des entreprises en vue de financer la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Les contributions fiscalisées sont instituées par une délibération de l’EPTB et leur produit devra être arrêté chaque année par son organe délibérant. Le produit voté de la taxe est au plus égal au montant annuel prévisionnel des charges de fonctionnement et d’investissement résultant de l’exercice de tout ou partie de la mission de défense contre les inondations et contre la mer (5° de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement). Si cette taxe se rapproche de la taxe GeMAPI prévue à l’article L. 1530 bis du Code général des impôts, cette dernière n’est pas expressément citée. Et pour cause, les règles d’instauration diffèrent sur certains points, et notamment sur le fait que la contribution fiscalisée levée par les EPTB n’est pas plafonnée (tandis que la taxe GeMAPI ne peut dépasser 40 euros par habitant et par an).

L’organe délibérant de l’EPCI-FP peut s’opposer au recouvrement de cette contribution dans un délai de quarante jours à compter du moment où la délibération instituant les contributions a été transmise pour consultation aux communes et aux EPCI-FP membres de l’EPTB. Passé ce délai, la mise en recouvrement de la contribution fiscalisée ne peut être contestée.

Pour être complet, on relèvera que cette expérimentation peut être réalisée au profit d’un EPTB qui exerce par délégation, tout ou partie de la mission de défense contre les inondations et contre la mer, et dans les conditions prévues à l’article L. 5211-61 du CGCT.

2/ De nouvelles dérogations au principe d’interdiction du financement des services publics industriels et commerciaux (SPIC) par les EPCI spécifiques en matière d’eau et d’assainissement

Enfin, la loi 3DS rajoute des dérogations au principe d’interdiction du financement des SPIC par les budgets propres des collectivités, concernant les services de distribution d’eau potable et d’assainissement prévu à l’article L. 2224-2 du CGCT. Les EPCI compétents dans ce domaine pourront dorénavant, en plus des exceptions déjà formulées, financer ces SPIC sur leur budget principal :

  • lorsque ces services ne peuvent être financés autrement sans augmenter de manière excessive les tarifs pour les usagers.
  • durant la période d’harmonisation des tarifications de l’eau et de l’assainissement après la prise de compétence par l’EPCI-FP.

 

Clémence Du Rostu, 
Avocate Directrice 

La démonstration d’un préjudice personnel au créancier n’est pas exigée avant la procédure collective

Par un arrêt inédit en date du 12 janvier 2022, la Cour de cassation a rappelé que l’exigence d’un préjudice personnel au créancier ne vaut pas avant la procédure collective.

En l’espèce, un gérant de SARL a été assigné le 29 mai 2018 en responsabilité par des créanciers au titre d’une faute détachable, c’est-à-dire une faute intentionnelle d’une particulière gravité, de ses fonctions de dirigeant.

Quelques mois plus tard la SARL est mise en redressement puis en liquidation et les créanciers déclarent leur créance à la procédure.

La Cour d’appel de Poitiers dans un arrêt en date du 5 janvier 2021 a déclaré l’action en responsabilité personnelle irrecevable car elle a estimé que les intimés ne se prévalaient pas, en leur qualité de créancier, d’un préjudice différent du paiement de leur créance qui avait par ailleurs été fixée au passif de la procédure collective. 

Les juges du fond ont par conséquent considéré que les créanciers n’avaient pas établi un préjudice personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers.

***

La Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel de Poitiers au visa des articles 31 et 32 du Code de procédure civile et L. 622-20 du Code de commerce.

En effet, la Cour de cassation a rappelé que l ’ « intérêt au succès ou au rejet d’une prétention s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice ». Que dès lors, la recevabilité de la demande en responsabilité personnelle du dirigeant, qui a été introduite avant l’ouverture de la procédure collective, n’est pas soumise à la justification par le demandeur d’un préjudice personnel et distinct de celui des autres créanciers.

La Cour de cassation a ainsi censuré l’analyse de la Cour d’appel de Poitiers qui avait appliqué le principe du monopole du représentant des créanciers de l’article L. 622-20 du Code de commerce selon lequel le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers et qu’il fallait dès lors démontrer un préjudice personnel distinct de celui de la collectivité des créanciers.

Cet arrêt inédit permet ainsi de rappeler que les règles de la procédure collective ne s’appliquent pas en dehors de la procédure collective et qu’en conséquence les créanciers agissant contre un dirigeant de société pouvaient agir en responsabilité civile en prouvant une faute détachable et non pas en ayant à établir que leur préjudice était distinct de celui des autres créanciers quand l’action a été introduite avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.

Forfait-jours et contraintes liées à l’organisation du travail : le salarié peut être contraint à des journées ou demi-journées de présence dans l’entreprise

Par un arrêt du 2 février 2022[1], la Chambre sociale de la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir considéré que l’employeur pouvait licencier, pour faute grave, un salarié bénéficiaire d’une convention individuelle de forfait en jours, en raison de ses absences aux journées et demi-journées de présence « imposées » du fait des contraintes liées à l’activité de l’entreprise.

Faits de l’espèce, une salariée a été engagée dans le cadre d’une convention de forfait fixée à 216 jours annuels réduits à 198 jours suivant avenant du 1er janvier 2012.

Répondant favorablement à la demande de la salariée d’une réduction de son temps de travail, l’employeur lui a notifié, par courrier recommandé du 27 novembre 2012 et courriel de rappel du 30 décembre 2013, un planning de ses jours de présence, organisé en journées ou demi-journées,

La salariée a accepté cet emploi du temps mais n’a finalement pas respecté ce planning, en étant notamment, absente certains jours.

Dans ce contexte, la salariée a été licenciée pour faute grave le 31 mars 2014 pour :

  • non-respect de planning imposé,
  • et en raison du fait qu’elle quittait son lieu de travail sans prévenir ses collaborateurs.

La lettre de licenciement exposait, notamment, que le non-respect du planning rendait impossible l’anticipation des : « présences et absences [de la salariée] au sein de la Clinique et de fixer des rendez-vous à la patientèle », puisqu’ elle ne se présentait pas dans l’entreprise selon les prévisions de l’emploi du temps.

La salariée a, alors, saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement et l’affaire a fait l’objet d’un appel.[2]

La Cour d’appel avait, notamment, retenu qu’il était établi que la salariée était libre de ses horaires et qu’elle pouvait organiser ses interventions à sa guise, sous réserve de respecter les contraintes liées à l’activité de son employeur.

Pour ce faire, elle se fondait, notamment, sur le fait que la fixation de demi-journées ou de journées de présence n’a jamais empêché la salariée d’organiser sa journée de travail comme bon lui semblait.

Elle retenait, par ailleurs, des éléments démontrant que ce non-respect du planning mettait ses collègues en difficulté et rendait difficile la fixation de rendez-vous.

Les moyens du pourvoi en cassation. Dans le cadre de son pourvoi en cassation, la salariée tentait notamment, et sans succès, de faire valoir :

« qu’un cadre au forfait jours doit bénéficier d’une liberté dans l’organisation de son travail et ne peut donc se voir reprocher de ne pas avoir respecté un planning déterminé unilatéralement par son employeur ».

Elle poursuivait en indiquant que la Cour d’appel avait constaté, d’une part, qu’elle était soumise à un forfait jours et devait donc, à ce titre, bénéficier d’une large autonomie dans l’organisation de son travail ce qui n’était pas le cas avec la mise en place de plannings qui lui imposait des interventions.

La réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation n’a pas été convaincu par les arguments de la salariée.

Elle a, en conséquence, rejeté son moyen en énonçant dans les termes généraux suivants :

« une convention individuelle de forfait annuel en jours n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction ».

Dès lors, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir pu déduire que l’employeur pouvait reprocher à la salariée ses absences du fait que la fixation des journées ou demi-journées de présence imposées en raison des contraintes liées à l’activité clinique vétérinaire n’avait pas empêché cette dernière d’organiser sa journée de travail comme bon lui semblait, en dehors ces périodes.

Portée de la décision. L’arrêt du 2 février 2022 est un arrêt qui consolide de ce qu’avait déjà retenu la Cour de cassation dans un précédent cas d’espèce.

En effet, l’opposabilité d’une convention de forfait en jours est, notamment, soumise à la possibilité du salarié bénéficiaire d’organiser son temps de travail en toute autonomie.

Toutefois, il est confirmé que cette autonomie n’est pas synonyme de totale indépendance. 

En effet, dans la droite lignée de ce qu’avait déjà retenu la Cour de cassation, la convention individuelle de forfait en jour ne confère pas :

« au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur ».(Cass. soc., 2 juillet 2014, nº 13-11.904)

Ainsi, il y a lieu de retenir que dès lors que le salarié bénéficiaire d’une convention individuelle de forfait en jours dispose, eu égard aux faits de l’espèce, d’une certaine autonomie dans l’organisation de son temps de travail, l’employeur peut légitimement lui fixer des jours ou demi-journées de présence dans l’entreprise en raison des contraintes liées à l’organisation du travail.

Cette possibilité résulte de son pouvoir de direction qui est ici renforcée.

 

[1] Cass. soc., 2 février 2022, n°20-15.744 (https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045133493?init=true&page=1&query=20-15744&searchField=ALL&tab_selection=all)

[2] Cour d’appel de Versailles, 17e chambre 18 décembre 2019 (n°17/02003)

 

Du nouveau en matière de médiation

De nouvelles dispositions en matière de mesure de médiation sont dorénavant applicables aux instances en cours depuis le 27 février 2022, ainsi :

  • Le juge peut enjoindre aux parties à une procédure de rencontrer un médiateur pour qu’il leurs expose l’objet et le déroulement d’une médiation même si elles n’ont pas accepté d’entrée en médiation (nouvel article 127 du Code de procédure civile – CPC-).

Le juge fixera la durée de cette mesure d’administration judiciaire permettant aux parties soit de mettre en place une médiation conventionnelle soit de demander une médiation judiciaire régit par l’article 131-15 du CPC et donc de demander ensuite soit la poursuite de cette mesure ou d’y mettre fin.

Cette mesure d’injonction interrompt les délais pour conclure et former un appel incident et ce, jusqu’à la fin de la mission du médiateur

  • La provision sur la rémunération du médiateur est fixée par le juge mais doit être maintenant versée directement entre les mains du médiateur qui doit en accuser réception et programmer la première réunion de médiation. Sa mission débute pour une durée de 3 mois (renouvelable) à compter de cette consignation. A défaut de consigner dans les délais impartis par le juge cette mesure devient caduque et la procédure reprends son cours.

La rémunération définitive du médiateur est fixée d’un commun accord avec les parties qui peut être homologuée par le juge et rendu exécutoire à la demande de chacune des parties et du médiateur, à défaut elle est fixée par le juge.

  • Lors de la médiation les parties peuvent ou pas se faire assister par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation, ainsi si le ministère d’avocat est obligatoire seuls les avocats pourront assister les parties.
  • La médiation est également prévue devant la Cour de cassation

La distinction consommateur/non-professionnel est conforme au principe d’égalité

L’article L.218-2 du Code de la consommation dispose que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

Le Code de la consommation opère une distinction entre les consommateurs et les non-professionnels, en fonction de leur personnalité juridique. Ainsi, la Cour de cassation, de jurisprudence constante, écarte toutes les personnes morales du bénéfice des dispositions réservées aux consommateurs, notamment l’article L. 218-2 du Code de la consommation (Cass. Civ., 1ère, 13 juillet 2016, n° 15-17.702).

En l’espèce, en 2016, un syndicat de copropriétaires chargeait une société de réaliser divers travaux. En 2020, la société assignait le syndicat en paiement d’une provision correspondant à des factures impayées. Par arrêt du 20 mai 2021, la Cour d’appel de Paris rejetait la fin de non-recevoir tirée d’une prescription biennale de l’action.

Après s’être pourvu en cassation, le syndicat de copropriétaires demandait à la Cour de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée : « l’article L. 218-2 du Code de la consommation, en ce qu’il ne prévoit pas expressément que la prescription biennale qui s’applique à l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, bénéficie également au non-professionnels, méconnaît-il les principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant la justice ? ».

La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 février 2022, refuse la transmission de la question, au motif qu’elle ne présente pas de caractère sérieux, « en ce qu’à la différence d’un consommateur, un non-professionnel est une personne morale, de sorte que la différence de traitement critiquée qui est ainsi fondée sur une différence objective de situation, est en rapport avec l’objet de la loi tendant à assurer la protection des consommateurs dans leurs rapports avec les professionnels ».

En raison de sa personnalité morale et de son objet social, qui est la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes, le syndicat de copropriétaires reçoit la qualification de non-professionnel, et ne peut bénéficier de la prescription biennale inscrite à l’article L. 218-2 du Code de la consommation.

Acquisition d’un bien indivis à l’aide d’un prêt relais : l’indivisaire qui rembourse a droit à une indemnité

Selon l’article 815-13 du Code civil, « lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute ».

En l’espèce, des particuliers font l’acquisition en indivision d’un bien immobilier à l’aide d’un crédit relais en 2013.

Plusieurs années plus tard, les héritiers d’un coïndivisaire font valoir une créance à l’encontre de l’indivision, dans la mesure où le défunt avait engagé des dépenses de conservation en remboursant une partie des mensualités du prêt relais.

La Cour d’appel fait droit à leur demande, et les autres coïndivisaires portent l’affaire en cassation, affirmant que la nature et l’objet du prêt relais s’opposent à ce que son remboursement puisse être assimilé à une dépense de conservation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, au motif que « le règlement d’échéances d’emprunts ayant permis l’acquisition d’un immeuble indivis, lorsqu’il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l’indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité sur le fondement de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil, peu important que le prêt soit un prêt amortissable ou un crédit relais ».

L’acheteur d’un bien occupé qui dissimule sa libération manque à son obligation de loyauté

L’obligation de loyauté et de bonne foi dans les relations contractuelles découle des articles 1103 et 1104 du Code civil, selon lesquels les contrats, qui « tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits », doivent être « négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

En l’espèce, une promesse unilatérale de vente est conclue le 5 octobre 2011, pour cinq lots d’un immeuble en copropriété, donnés à bail à usage d’habitation.

L’acte authentique de vente est conclu le 17 janvier 2012.

Ayant appris l’existence d’un accord de résiliation amiable du bail avec indemnité de départ, conclu le 23 novembre 2011, avant la signature de l’acte authentique, entre l’acheteur et l’occupant des lors, le vendeur assigne l’acheteur en paiement de dommages-intérêts au motif que le bien aurait pu être vendu à un prix correspondant à un bien libre d’occupation.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 19 janvier 2022, confirme l’arrêt d’appel qui a condamné l’acheteur au paiement de dommages-intérêts. Considérant que c’est à la date de la signature de l’acte de vente qu’il convient d’apprécier la loyauté, la bonne foi et la sincérité des cocontractants, la Cour affirme que « la dissimulation de la libération des lieux par l’occupant en titre, de nature à augmenter de façon significative la valeur du bien, manifestait l’absence de loyauté, de bonne foi et de sincérité de l’acquéreur, ouvrant droit à dommages-intérêts pour le vendeur ».

Sanction du déséquilibre significatif du contrat conclu entre professionnels sous l’empire de l’article 1171 du Code civil

Selon l’article 1171 du Code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».

La Cour de cassation, dans un arrêt du 26 janvier 2022, est venue apporter des précisions sur les conditions d’application de cet article, introduit dans le Code civil par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

En l’espèce, une société, exerçant une activité de restauration et de sandwicherie, conclut avec une entreprise de financement un contrat de location financière pour les besoins de son activité.

Après une mise en demeure visant la clause résolutoire, la société de financement assigne la société de restauration en paiement.

Alors que la société locataire invoque l’article 1171 du Code civil pour voir déclarer non écrite la clause résolutoire, la société de financement soutient que ce texte est inapplicable, car le contrat conclu entre professionnels relève de l’article L. 442-6 du Code de commerce, qui régit le déséquilibre significatif entre commerçants.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 26 janvier 2022, rejette l’argument de la société de financement : l’article 1171 du Code civil s’applique aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou artisans, lorsqu’ils ne relèvent pas de l’article L. 442-6 du Code de commerce. Tel est le cas des contrats de location financière contractés auprès d’établissements de crédit et de sociétés de financement, lesquels ne sont pas soumis aux textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence.

L’extension de la terrasse d’une brasserie justifie-t-elle le déplafonnement du loyer commercial ?

L’agrandissement de la terrasse extérieure d’une brasserie sur le domaine public n’affecte pas les caractéristiques des locaux loués mais il peut constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité justifiant un déplafonnement du loyer.

Le loyer d’un bail commercial renouvelé échappe à la règle du plafonnement en cas de modification notable des éléments permettant la détermination de la valeur locative, et notamment des caractéristiques du local loué ou des facteurs locaux de commercialité (Code du commerce, art. L. 145-34).

Se fondant sur ces dispositions, le propriétaire d’un local commercial loué à usage de brasserie demande le déplafonnement du bail, se prévalant de l’agrandissement de la terrasse extérieure exploitée depuis des dizaines d’années en vertu d’une d’autorisation d’occupation du domaine public.

L’extension de cette terrasse de plein air devant l’établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative, ne constitue pas une modification des caractéristiques des locaux loués selon le juge de première instance.

En revanche, en permettant d’étendre l’exploitation d’une terrasse sur le domaine public, l’autorisation municipale accordée contribue au développement de l’activité commerciale. Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel aurait donc dû vérifier si cette situation modifiait notablement les facteurs locaux de commercialité, de sorte qu’elle aurait constitué un motif de déplafonnement. 

La Cour de cassation réaffirme la solution qu’elle avait déjà posée, selon laquelle une terrasse n’appartient pas à l’assiette des locaux, et partant, à ses caractéristiques (Cass. Civ., 3ème, 25 novembre 2009, n° 08-21.04,9 FS-PB :  RJDA 3/10 n° 223), soulignant alors le caractère précaire du titre d’occupation.

Les facteurs locaux de commercialité, quant à eux, dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire (Code du commerce,. art. R 145-6). Le déplafonnement du loyer est, dans cette hypothèse, subordonné à une modification effective de l’environnement des locaux loués, ayant une incidence favorable sur l’activité exercée par le locataire.

Une telle décision amène alors à considérer qu’il pourrait y a voir un risque important de déplafonnement pour toutes les activités qui ont pu bénéficier d’autorisations pour la création ou l’agrandissement de terrasses à la suite de la crise sanitaire.