Quel employeur doit prendre en charge l’accident d’un agent public survenu dans l’exercice d’une activité accessoire autorisée ?

Lorsqu’un agent public est victime d’un accident dans l’exercice de son activité accessoire, autorisée par son employeur public auprès de qui il exerce son activité principale, il revient à ce dernier de prendre en charge les conséquences financières de l’accident.

Cette solution confirmée très récemment par le Tribunal administratif de Bordeaux dans un jugement du 30 mars 2022 (n° 2002407) en matière de fonction publique d’Etat mais parfaitement transposable à la fonction publique territoriale ou hospitalière, à vocation à s’appliquer lorsque l’activité accessoire est accomplie pour le compte d’un autre employeur public.

En l’espèce une enseignante autorisée à cumuler son activité d’enseignement au sein d’un collège public avec une activité accessoire de vacataire auprès d’une Université, a été victime d’un accident de trajet entre le lieu d’exercice de son activité accessoire et son domicile.

Après avoir jugé, en application des dispositions de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, que « la collectivité publique qui emploie un agent doit supporter les conséquences financières d’un accident survenu à l’occasion du service. Lorsque l’agent exerce pour le compte d’une tierce collectivité publique une activité accessoire autorisée par l’employeur principal, cette charge incombe à ce dernier alors même que l’accident est survenu dans l’exercice de l’activité accessoire », le Tribunal a estimé qu’il appartenait au Rectorat, en sa qualité d’employeur principal, et non à l’employeur « accessoire » de prendre en charge les arrêts et soins occasionnés par l’accident de trajet de son agent.

Relevons qu’à la lecture de ce considérant, il semble donc possible de déduire, sous réserve de confirmation ultérieure par la jurisprudence, qu’a contrario, lorsque l’activité accessoire n’a pas fait l’objet d’une autorisation préalable par l’employeur principal, la prise en charge des conséquences financières de l’accident survenu à l’occasion de l’activité accessoire ne saurait incomber à l’employeur public principal.

Le jugement susmentionné rendu par le Tribunal administratif de Bordeaux, qui a le mérite de se prononcer sur une question assez peu posée au juge administratif, est par ailleurs conforme aux dispositions de l’article D. 171-11 du Code de la sécurité sociale en vertu desquelles lorsque les agents de l’Etat et des collectivités territoriales sont victimes d’accidents survenus dans l’exercice d’une activité accessoire accomplie au service de l’Etat, d’un département, d’une commune ou d’un établissement public, ces accidents sont « réparés comme s’ils étaient survenus dans l’activité principale ».

Sur le fondement de ces dispositions, la circulaire relative à la protection sociale des fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps complet ou à temps non complet contre les risques maladie et accidents de service (NOR/MCT/B/06/00027/C) du 13 mars 2006 avait ainsi déjà considéré que « l’accident de service survenu au cours d’une activité accessoire accomplie dans le respect de la réglementation sur les cumuls d’emplois pour le compte d’un second employeur public est réparé comme s’il était survenu dans l’activité principale ».

Précisons enfin que le juge administratif semble considérer, en vertu des dispositions de l’article D. 171-5 du Code de la sécurité sociale, qu’à l’inverse, la prise en charge des conséquences financières de l’accident d’un agent public survenu au cours de l’activité accessoire, incombe lorsque celle-ci est exercée pour le compte d’une personne privée (activité salariée ou assimilée), à l’employeur auprès de qui l’agent exerce son activité accessoire et non à l’employeur public principal (voir notamment en ce sens : Cour administrative d’appel de Nantes, 3ème chambre, 20 juin 2002, n° 98NT01891). 

Conseil d’administration des OPH : nouvelles règles de composition à prévoir !

Les modalités de composition des conseils d’administration des OPH, établissement public local industriel et commercial sont régies par le Code de la construction et de l’habitation.

Ces règles évoluent avec le décret n° 2022-706 du 26 avril 2022 relatif à la gouvernance des offices publics de l’habitat et modifiant le code de la construction et de l’habitation.

Ce qui ne change pas : les personnes composant les conseils d’administration listées à l’article L. 421-8 du Code de la construction et de l’habitation, à savoir :

  • des membres représentant la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement, qu’ils désignent au sein de leur organe délibérant et parmi des personnalités qualifiées au regard des interventions de l’office dans le domaine des politiques de l’habitat ;
  • des personnalités qualifiées désignées par les institutions dont elles sont issues, parmi les caisses d’allocations familiales, l’union départementale des associations familiales du département du siège, l’association Action Logement Groupe (article 313-18 du CCH), les organisations syndicales les plus représentatives dans le département du siège ;
  • D’au moins un représentant d’associations dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées ;
  • De locataires représentant les locataires de l’office, élus par ces derniers dans les conditions prévues à l’article L. 421-9 ;
  • De représentants du personnel de l’office désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du Code du travail, qui disposent d’une voix délibérative.

S’agissant des représentants du personnel de l’office, le décret est venu préciser que « les seuls membres du personnel de l’office pouvant être désignés au conseil d’administration sont ceux désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du Code du travail » (art. R. 421-9 du CCH).

Ce qui change : l’effectif du conseil d’administration est librement déterminé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement de l’office, dans la limite de 35 membres (art. R. 421-4 du CCH).

Après avoir déterminé l’effectif, la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement de l’office devra fixer les nombres de sièges revenant à chaque catégorie en tenant compte des deux règles inchangées suivantes et qui figurent à l’article L. 421-8 du CCH :

  • Les membres désignés par la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement disposent de la majorité des sièges ;
  • Les représentants des locataires disposent d’au moins un sixième des sièges.

S’agissant enfin de la composition du bureau du conseil d’administration régie par l’article R. 421-12 du CCH :

  • Il comptait quatre membres dont un représentant des locataires ;
  • Désormais, il compte entre quatre et six membres dont au moins un administrateur représentant les locataires.

Quand les offices doivent-ils ou peuvent-ils faire application du décret ?

Le présent décret entre en vigueur le lendemain de sa publication et a pris soin d’ajouter à l’article R. 421-4 du Code de la construction et de l’habitation, la disposition suivante : « Le nombre de membres ou la composition du conseil d’administration peut être modifié lors de chaque renouvellement de celui-ci, ainsi qu’à l’issue d’un changement de rattachement ou d’une fusion avec un autre office ».

Ainsi, les membres du conseil d’administration des OPH demeurent 23 ou 27, liberté est laissée aux collectivités de rattachement de modifier le nombre au moment du renouvellement de leur organe délibérant, ou à l’occasion d’une fusion d’OPH ou du changement de collectivité de rattachement.

La composition actuelle des conseils d’administration est d’ores et déjà conforme aux dispositions du décret.

Quel est l’impact de ces dispositions sur la composition du bureau ?

Les membres du conseil d’administration peuvent modifier dès à présent les modalités de composition du bureau qui pourra comprendre désormais 4 ou 5 ou 6 membres.

Quel est l’impact des prochaines élections des représentants des locataires en novembre 2022 dans les OPH ?

Sauf hypothèse de renouvellement, de fusion ou de changement de rattachement de collectivité avant novembre 2022, le nombre des administrateurs représentant les locataires au sein du conseil d’administration et la règle de leur représentativité du sixième sont inchangés. Ainsi, les élections de novembre 2022 donneront lieu à l’élection de quatre ou cinq administrateurs représentants des locataires.

Quel est l’impact des prochaines élections professionnelles des CSE en décembre 2022 dans les OPH ?

Pour mémoire, depuis la loi ELAN le conseil d’administration d’un OPH doit être composé « de représentants du personnel de l’office désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du code du travail, qui disposent d’une voix délibérative ».

Toutefois, face à l’impossibilité de concilier cette disposition avec les équilibres du dispositif existant, la Fédération des OPH avait recommandé aux OPH de faire application des dispositions anciennes, qui prévoyaient que le secrétaire du CSE était la personne idoine pour siéger au conseil d’administration.

Le décret n° 2022-7606 a repris les dispositions légales en ajoutant que « les seuls membres du personnel de l’office pouvant être désignés au conseil d’administration sont ceux désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du Code du travail » (art. R. 421-9 du CCH).

Aux termes des dispositions précitées, seront donc élues soit deux soit quatre personnes qui auront voix délibérative.

Loi « séparatisme » : quelles conséquences pour les fonds de dotation ?

Introduit par l’article 40 de la loi n° 2008-776 datant du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le fonds de dotation est un outil efficace au service du mécénat. Bénéficiant de modalités de constitution simples et rapides, les fonds de dotation sont prisés aussi bien par les personnes privées que par les collectivités.

A l’inverse des associations et des fondations, les fonds de dotation ne peuvent pas recevoir de fonds publics. Néanmoins, tout comme ces autres structures à but non lucratif, les fonds de dotation ont été fortement impactés par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme ».

I. Dispositions propres aux fonds de dotation

L’article 17 de cette loi renforce le contrôle des fonds de dotation : l’autorité administrative est tenue de vérifier non seulement la régularité du fonctionnement du fonds de dotation, mais également la conformité de son objet à la définition légale d’un fonds de dotation.

La loi impose désormais au fonds de dotation l’obligation d’établir un rapport d’activité annuel, transmis à l’autorité administrative chargée de son contrôle, dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice, soit pour un exercice social prenant fin le 31 décembre, une transmission avant le 30 juin, ajoutant ainsi une obligation légale de respect d’un délai au-delà duquel une sanction pourra s’appliquer.

Cette obligation vaut aussi pour la transmission, dans le même délai, des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.

A défaut de transmission, l’autorité administrative peut, après une mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds de dotation jusqu’à leur transmission effective. Les décisions de suspension et de levée de suspension doivent alors faire l’objet d’une publication au Journal officiel dans un délai d’un mois. La suspension du fonds de dotation est levée lors de la transmission aux autorités des documents demandés.

En l’absence de réponse dans un délai de six mois suivant la suspension ci-dessus mentionnée, la même autorité pourra alors saisir l’autorité judiciaire aux fins de dissolution du fonds de dotation dans un délai de deux mois suivant une mise en demeure non suivie d’effet.

Le pouvoir de l’autorité administrative de suspendre l’activité d’un fonds de dotation et, le cas échéant, de saisir l’autorité judiciaire pour en demander la dissolution se trouve également étendu à d’autres cas de figure. Ainsi, dans les deux mois suivant une mise en demeure infructueuse, l’autorité administrative pourra décider de suspendre l’activité du fonds de dotation pour une durée pouvant aller jusqu’à 18 mois et, le cas échéant, saisir l’autorité judiciaire pour en demander si dissolution, si elle constate :

  • que l’objet du fonds de dotation méconnaît la définition légale d’un fonds de dotation, telle qu’énoncée à l’article 140, I de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
  • que des dysfonctionnements affectent la réalisation de son objet ;
  • que l’une de ses activités ne relève pas d’une mission d’intérêt général ;
  • ou qu’il méconnaît les obligations de transmission de ses documents administratifs et comptables, ci-dessus mentionnées.

II. Dispositions générales impactant les fonds de dotation

En premier lieu, la « loi séparatisme » fait obligation au fonds de dotation – tout comme pour les associations et les fondations – de présenter un état séparé des avantages et ressources provenant de l’étranger dont il bénéficie, cet état devant faire l’objet d’une annexe aux comptes annuels du fonds de dotation et être ainsi transmis aux autorités administratives dans les conditions précédemment citées.

En deuxième lieu, les fonds de dotation ont désormais l’obligation, depuis le 1er janvier 2022, de souscrire à un contrat d’engagement républicain s’ils souhaitent obtenir l’agrément nécessaire pour recevoir des volontaires dans le cadre d’un service civique.

Par ailleurs, les fonds de dotation se voient appliquer les dispositions nouvelles relatives à l’émission de reçus fiscaux. Comme tout autre organisme délivrant des reçus ouvrant droit à avantage fiscal, les fonds de dotation doivent dorénavant déclarer annuellement le montant global des ressources dont ils ont pu bénéficier dans ce cadre ainsi que le nombre de documents qu’ils auront délivrés au cours de l’exercice précédant leur déclaration. Cette déclaration doit être réalisée dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice. L’absence d’une telle déclaration pourra être sanctionnée d’une amende de 1.500 €.

Cette obligation déclarative est applicable aux reçus fiscaux délivrés au titre des dons et versements reçus à compter du 1er janvier 2021 ou au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021. Les organismes devront ainsi déclarer dès 2022 le montant total des dons et versements reçus en 2021 et pour lesquels ils ont émis des reçus fiscaux.

Enfin, les donateurs souhaitant bénéficier d’une réduction d’impôts devront quant à eux être en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives attestant la réalité des dons et versements. La réalité du versement des dons est donc désormais contrôlée par l’administration.

***

Si ces nouvelles dispositions vont dans le sens d’une plus grande transparence du fonctionnement des fonds de dotation, un renforcement généralisé des contrôles des organismes collecteurs de dons s’accompagne également d’une défiance vis-à-vis des acteurs du secteur, et conduit à s’interroger sur la mise en œuvre concrète de ces dispositions par les autorités publiques.

Loi littoral – précisions sur la notion de « secteurs déjà urbanisés » de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme issu de la loi Elan

Par une récente décision du 22 avril 2022 (req. n° 450229), mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat s’est pour la première fois prononcé sur la notion de secteurs déjà urbanisés de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, introduite par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN).

  1. Pour rappel, dans sa précédente version, l’article L 121-8 du Code de l’urbanisme prévoyait uniquement que « l’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

Au visa de ces dispositions, il est classiquement jugé que :

« […] les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ». (CAA Nantes, 28 septembre 2021, 20NT00951 ; CE, 9 novembre 2015, Commune de Porto Vecchio, req. n° 372531 Porto Vecchio ; – 28 décembre 2016, req. n° 392878; -, 21 avril 2017, req. n° 403765).

L’article 42 de la loi ELAN a profondément modifié les dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme :

  • tout d’abord en supprimant la possibilité d’étendre l’urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l’environnement ;
  • mais encore en ajoutant la possibilité de délivrer des autorisations d’urbanisme dans des « secteurs déjà urbanisés» , hors bande littorale de cent mètres et espaces proches du rivage, et ce, selon deux modalités.

L’article 42 § I de la loi ELAN a en effet ajouté un deuxième alinéa à l’article L.121-8 rédigé comme
suit :

« Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. es secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs ».

Il s’agit du régime général : peuvent être autorisées les constructions et installations à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics dans les secteurs urbanisés identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme.

En outre, l’article 42 § III de la loi ELAN prévoit un régime transitoire applicable jusqu’au 31 décembre 2021 selon lequel, sans condition de finalité cette fois, peuvent être autorisées les constructions et installations, dans des secteurs déjà urbanisés mais qui n’ont pas encore été identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme.

La décision commentée s’inscrit dans le cadre de ce régime transitoire.

  1. Saisi d’un pourvoi à l’encontre du jugement du Tribunal administratif de Pau ayant annulé un permis d’aménager un lotissement de onze lots sur le fondement des dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que :

« […] en se bornant à considérer que le terrain d’assiette du projet s’inscrit dans un  » compartiment  » ne présentant pas une densité significative de constructions pour juger qu’il n’est pas situé dans un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, sans faire application des critères retenus par ces dispositions pour distinguer les secteurs déjà urbanisés des espaces d’urbanisation diffuse, le tribunal administratif a entaché son jugement d’une erreur de droit ».

Cette motivation, quelque peu sibylline, implique d’analyser la décision à la lumière des conclusions du Rapporteur public pour en déterminer précisément la portée.

Monsieur Laurent Domingo souligne que c’est au prix d’une erreur de droit que « le tribunal a raisonné pour les secteurs déjà urbanisés comme pour les agglomérations et villages, en recherchant la densité significative de constructions ».

Il ajoute que :

« La nouvelle règle de construction issue de la loi ELAN a pour objet d’autoriser des projets qui ne se situent pas en continuité des agglomérations et villages, c’est- à-dire de zones avec une densité significative de constructions, mais qui se situent dans des secteurs qui sont néanmoins déjà urbanisés et suffisamment urbanisés.

Les « secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages » de la loi ELAN, c’est donc autre chose que les zones ou espaces urbanisés [identifiés] pour l’application de la règle de l’extension en continuité des agglomérations et villages, ou même pour l’application de celles de l’extension limitée dans les espaces proches du rivage ou de l’interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres ».

Ainsi, selon le Conseil d’Etat, il existe deux types de « secteurs déjà urbanisés » dans les communes littorales :

  • les SDU caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions (agglomérations et villages) qui peuvent être étendus et densifiés ;
  • les SDU qui ne sont pas caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qui répondent aux critères du deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme et qui peuvent uniquement être densifiés.

Comme le précise le Rapporteur public, les SDU issus de la loi ELAN correspondent donc à « un niveau intermédiaire d’urbanisation, entre ce qui est significativement urbanisé et ce qui est une urbanisation diffuse ».

  1. En outre, en précisant « au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 121-8 » que « constituent des agglomérations ou des villages où l’extension de l’urbanisation est possible » , « les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions », la décision commentée confirme la jurisprudence de la Commune de Porto Vecchio (précitée supra). On notera toutefois qu’il est désormais fait référence à la notion de « secteurs » déjà urbanisés, et non plus à celle de « zones » déjà urbanisées. Cette évolution peut prêter à confusion puisque selon que ces espaces relèvent du premier ou du deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, leurs possibilité d’urbanisation sont nettement distinctes 
  1. L’apport essentiel de la décision tient davantage aux précisions apportées quant à l’appréciation de la notion de continuité au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme :

« Il ressort des énonciations du jugement attaqué que pour juger que le terrain d’assiette du projet en litige n’était pas situé en continuité avec une agglomération ou un village existant, le tribunal administratif ne s’est pas borné à prendre en compte les constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain mais a apprécié le respect du principe de continuité, posé par l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, en resituant, sans dénaturer les pièces du dossier, le terrain d’assiette du projet dans l’ensemble de son environnement ».

Pour s’assurer du respect de principe de continuité, la Haute juridiction invite à prendre en considération l’ensemble de l’environnement du terrain d’assiette du projet et non les seuls terrains contigus.

Cette analyse rejoint celle, fréquemment invoquée, du rapporteur public Édouard Crepey, lequel expliquait au Conseil d’Etat à propos de la mise en œuvre de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme :

« Votre jurisprudence ayant à juste titre posé un critère d’éloignement et non de coupure […] dès lors que l’on se situe à distance de la zone dense, cette distance fût-elle comblée par de l’urbanisation diffuse, le critère de la continuité par rapport à une construction existante ne suffit pas à autoriser le projet, sans quoi il serait indéfiniment possible, si vous nous passez cette expression, d’accrocher des wagons aux wagons précédents » (Édouard Crépey, conclusions sur CE, 19 juin 2013, Commune de la Teste-de-Buch, req. n° 342061).

 

Camille Treheux, avocate associée de SEBAN ARMORIQUE

Le délai imparti pour introduire un recours en reprise des relations contractuelles ne peut pas être interrompu par la saisine du CCIRA

Par une décision en date du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser que la saisine du Comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges (CCIRA) tendant à la reprise des relations contractuelles n’était pas de nature à interrompre le délai de deux mois imparti pour introduire un recours en reprise des relations contractuelles (« Béziers II »).

Dans cette affaire, l’Agence régionale d’équipement et d’aménagement de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (AREA PACA), mandataire de maîtrise d’ouvrage déléguée de la Région dans le cadre d’une opération d’extension et de réhabilitation d’un lycée, avait attribué la maîtrise d’œuvre de ce projet à un groupement conjoint.

Lors de la réception de l’ouvrage, un avis défavorable a été émis par le contrôleur technique s’agissant de l’un des bâtiments du projet.

A la suite d’une mise en demeure restée infructueuse, l’AREA PACA a notifié au mandataire du groupement sa décision de résilier le marché pour faute, par un ordre de service reçu le 5 mars 2018.

Le 27 avril 2018, le mandataire du groupement a saisi le Comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges de Marseille de ce litige.

Il a ensuite saisi le Tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée le 31 mai 2019, afin qu’il ordonne la reprise des relations contractuelles.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat énonce le principe qu’il a dégagé dans sa décision « Béziers II », tout en rappelant que ce recours doit s’exercer dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le cocontractant a été informé de la mesure de résiliation :

« Le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ».

Si le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre avait bien saisi le Comité consultatif interrégional de règlement des litiges avant l’écoulement d’un tel délai, celui-ci a toutefois attendu plus d’un an avant d’introduire sa requête devant le Tribunal administratif de Marseille.

La société requérante affirmait que sa requête n’était pas tardive, en raison de la saisine dudit comité qui était, selon elle, de nature à interrompre le délai de recours en vertu de l’article 127 du Code des marchés publics de l’époque.

La Cour administrative d’appel de Marseille avait considéré que la compétence confiée au CCIRA, qui se borne à la formulation de propositions de solutions amiables aux différends financiers relatifs à l’exécution des marchés publics, ne s’étend pas aux litiges portant exclusivement sur la contestation de la régularité ou du bien-fondé d’une mesure de résiliation en vue d’obtenir la reprise des relations contractuelles.

Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat se réfère donc à l’article 127 du Code des marchés publics, qui disposait, dans sa version alors en vigueur :

« Les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret.

Ces comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d’une solution amiable et équitable.

La saisine d’un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions.

La saisine du comité suspend les délais de recours contentieux jusqu’à la décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité.

La composition, l’organisation et les modalités de fonctionnement des comités consultatifs, notamment les pouvoirs propres de leurs présidents, sont fixés par décret ».

Dans un troisième temps, il se réfère à l’article 1er du décret du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics alors applicable qui dispose notamment que :

« Les comités de règlement amiable mentionnés à l’article 127 du code des marchés publics ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l’exécution des marchés passés en application du code des marchés publics ».

Il en conclut que la compétence du CCIRA ne s’étend pas aux litiges tendant exclusivement à la reprise des relations contractuelles, qui relèvent de la seule compétence du juge du contrat.

La Cour administrative d’appel n’avait donc commis d’erreur de droit en considérant que la saisine de ce comité n’était pas de nature à interrompre le délai de recours de plein contentieux tenant à la reprise des relations contractuelles.

L’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de tout marché public ou contrat de concession avec les personnes de nationalité russe, ou avec les personnes, organismes ou entités détenues par une personne de nationalité russe

Depuis le 9 avril 2022[1], les acheteurs publics et autorités concédantes des Etats membres de l’Union européenne ont l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de tout marché public ou contrat de concession avec les personnes de nationalité russe, ou avec les personnes, organismes ou entités détenues par une personne russe.

Cette interdiction concerne les contrats mentionnés à l’article L. 2 du Code de la commande publique, répondant à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens, mais également certains contrats portant sur des thématiques sensibles, normalement exclus du champ d’application des directives. C’est notamment le cas des marchés portant sur la revente ou de location d’eau ou d’énergie à des tiers, ou des marchés de services financiers.

Désormais, les acheteurs et autorités concédantes ont l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de ces contrats lorsque :

  • l’attributaire est un ressortissant russe ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme établi sur le territoire russe ;
  • l’attributaire est détenu à plus de 50 %, de manière directe ou indirecte, par une entité établie sur le territoire russe ;
  • l’attributaire est une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou sur instruction d’une entité établie sur le territoire russe ou d’une entité détenue à plus de 50 % par une entité elle-même établie sur le territoire ;
  • le sous-traitant, le fournisseur ou toute entité aux capacités de laquelle il est recouru pour des prestations représentant plus de 10 % de la valeur du marché, se trouve dans l’un des trois cas susvisés.

Ces hypothèses pouvant se révéler être délicates à identifier dans la pratique, la Direction des Affaires juridiques de Bercy a publié une fiche technique ayant pour objet d’accompagner les acheteurs et autorités concédantes dans la mise en œuvre de cette interdiction.

Dans un premier temps, la fiche technique propose une méthode permettant aux acheteurs et autorités concédantes d’identifier les contrats visés par l’interdiction.

S’agissant de l’identification des contrats concernés, les acheteurs et autorités concédantes peuvent ainsi s’aider des données issues de la procédure de passation (avis d’attribution, données essentielles de la commande publique, données du recensement), ainsi que des codes CPV.

S’agissant de l’identification des opérateurs économiques concernés, la tâche peut se révéler beaucoup plus compliquée.

D’abord, l’acheteur ou l’autorité concédante peut vérifier les données relatives à l’adresse et à l’immatriculation de l’opérateur, qui figurent notamment dans l’acte d’engagement, l’offre, ou encore dans les formulaires DC et DUME. Il est à noter que la Direction des Affaires juridiques les incite à effectuer des vérifications sur le site info-clipper.com.

Ensuite, la fiche technique opère une distinction entre les cas de détention directe de l’attributaire, et les cas de détention indirecte.

En cas de détention directe, les acheteurs et autorités concédantes doivent vérifier la composition du capital, en se référant aux règles de droit des sociétés ou des associations. En présence d’une société anonyme, ils devront se procurer les statuts, puis additionner les parts détenues par d’éventuels ressortissants ou entités russes pour analyser si le seuil de 50 % est atteint.

En cas de détention indirecte, les acheteurs et autorités concédantes devront remonter les liens capitalistiques pour vérifier si l’opérateur est in fine détenu pour moitié par un ressortissant ou une entité russe. La Direction des affaires juridiques propose alors un faisceau d’indices.

Enfin, les acheteurs et autorités concédantes pourront vérifier si les sous-traitants ne se trouvent pas dans une situation faisant l’objet de l’interdiction, dans le cadre du contrôle qu’ils effectuent lors de la procédure d’agrément.

Les acheteurs publics et autorités concédantes devront opérer ces identifications lors des procédures de passation qu’ils engageront, mais également dans le cadre d’une revue de l’ensemble des contrats en cours d’exécution. En effet, ceux-ci sont tenus, d’ici le 10 octobre 2022, de résilier tout contrat entrant dans le champ de l’une des hypothèses concernées par l’interdiction.

Cette résiliation unilatérale ne donne droit à aucune indemnisation, compensation, prorogation de paiement ou garantie au bénéfice de l’opérateur.

Dans un second temps, la fiche technique s’attache à rappeler la liste des exceptions à l’interdiction.

Ces exceptions sont, pour la plupart, sectorielles. Il s’agit notamment des déchets radioactifs, programmes spatiaux, achat importation ou transport de gaz naturel et de pétrole.

Seule une exception est générale à tous les domaines d’activité, mais ne peut être mise en œuvre qu’à deux conditions cumulatives. Le contrat doit porter sur la fourniture de biens ou de services qui, d’une part, doivent pouvoir être qualifiés de « strictement nécessaires » et qui, d’autre part, ne peuvent être fournis en quantité suffisante que par les personnes visées par l’interdiction.

Le caractère strictement nécessaire doit être analysé au cas par cas, et doit prendre en compte l’impact d’une rupture d’approvisionnement ou d’une cessation de fourniture de ces services et la capacité à trouver des produits ou services substituables ou équivalents.

La Direction des affaires juridiques indique toutefois que l’attribution d’un contrat à une personne visée par l’interdiction doit être autorisée par la Direction générale du Trésor, sous peine de sanctions.

L’acheteur ou l’autorité concédante qui contreviendra à l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de tout marché public ou contrat de concession avec les personnes de nationalité russe, ou avec les personnes, organismes ou entités détenues par une personne russe, s’exposera à des sanctions pénales pouvant aller, notamment, jusqu’au prononcé d’une peine d’emprisonnement de cinq ans, à la confiscation du corps du délit, à la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction, et à une amende égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction.

Les sanctions prévues par le texte sont donc particulièrement lourdes, en dépit de la réelle difficulté que constitue l’identification par les acheteurs et autorités concédantes des contrats concernés et, surtout, des opérateurs russes visés par le texte…

 

[1] Règlement (UE) 2022/576 du Conseil du 8 avril 2022 modifie le règlement (UE) n° 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.

Les délégations de pouvoir et de signature des Directeurs généraux d’OPH

Un décret n° 2022-706 en date du 26 avril 2022 relatif à la gouvernance des offices publics de l’habitat a modifié, notamment, les articles R. 421-16 et R. 421-18 du Code de la construction et de l’Habitation (CCH) qui concernent, respectivement, les compétences du conseil d’administration d’un OPH et les pouvoirs du Directeur général (ci-après DG).

En effet, avant l’édiction de ce décret, les dispositions de l’article R. 421-18 du CCH prévoyaient seulement la possibilité pour le directeur général de déléguer sa signature, avec l’accord du conseil d’administration, aux membres du personnel de l’office exerçant les fonctions de directeur ou de chef de service.

Traditionnellement, la doctrine systématise deux régimes de délégations : les délégations de signature et les délégations de pouvoir.

Si les conditions d’octroi des délégations sont communes, en revanche, deux différences essentielles de régime sont mises en avant.

S’agissant tout d’abord de leur point commun, on notera que les délégations, qu’elles soient de pouvoir (de compétences) ou de signature, doivent nécessairement être prévues par un texte pour être octroyées[1].

La seconde condition repose sur la précision suffisante avec laquelle la délégation doit être octroyée.

Le contenu de la délégation doit être précis et explicite, tant sur le plan de l’identité du délégataire que sur celui de l’étendue des compétences déléguées[2].

Pour l’identité du délégataire, le Conseil d’Etat a indiqué que la délégation de signature consentie à un directeur d’administration centrale devient caduque à compter de la date de la nomination d’un nouveau directeur[3].

Dans un sens inverse, et par parallélisme des formes, le changement d’identité du délégant entraine également la nécessité d’arrêter de nouvelles délégations de signature.

S’agissant ensuite des différences existantes entre les délégations de signature et de pouvoir, selon la doctrine, la première est donnée, concrètement, à une personne désignée nominativement tandis que la seconde est donnée, abstraitement, à une autorité désignée par sa fonction et non pas à la personne qui occupe cette fonction[4].

Bien davantage, en théorie, en cas de délégation de pouvoir, il y a transfert juridique de la compétence, le délégant est dessaisi de sa compétence au profit du délégataire, tandis qu’en cas de délégation de signature, le délégant reste au contraire titulaire de sa compétence, il se décharge pour partie de l’exercice de cette compétence sur le délégataire, mais peut à tout moment non seulement lui adresser des instructions, mais exercer lui-même la compétence transférée.

Par conséquent, auparavant, le DGl d’un OPH pouvait seulement confier des délégations de signature à l’exclusion de toute délégation de pouvoir.

Désormais, outre une délégation de signature, le DG peut « avec l’accord du conseil d’administration et dans les limites fixées par lui, déléguer à des membres du personnel de l’office exerçant les fonctions de directeur ou de chef de service une partie des pouvoirs qu’il détient en application de textes législatifs ou réglementaires en matière d’actes et de contrats. Il peut, dans les mêmes conditions, déléguer sa signature à ces mêmes personnes ».

Par conséquent, cela signifie que le pouvoir de délégation du DG ne se limite plus à la signature d’actes mais il concerne aussi ses missions en tant que telles. A cet égard, compte tenu de la formulation retenue, il apparait que le DG ne peut déléguer que ses compétences propres.

Le texte précise encore que le DG peut aussi toujours confier des délégations de signature à des membres du personnel de l’office exerçant des fonctions de directeur ou de chef de service « pour les compétences qu’il exerce par délégation du conseil d’administration ».

Cela permet d’éclairer le fait que le DG peut aussi bien déléguer sa signature pour les actes qu’il établit dans le cadre de ses compétences propres que pour ceux réalisés dans le cadre des compétences qui lui sont déléguées par le CA.

Enfin, le décret introduit la possibilité de subdéléguer la délégation de signature à d’autres membres de l’OPH si la délégation les y autorise expressément, ce qui introduit une souplesse de fonctionnement indéniable dans les services.

De plus, avec ce décret, l’article R. 421-16 du CCH a été modifié afin que le conseil d’administration puisse, désormais, confier une autorisation permanente au DG pour ester en justice dans les cas précisément définis.

Cette autorisation est confiée au directeur général à chaque renouvellement du conseil d’administration et peut prendre fin à tout moment.

Notons que, si le décret ne le précise pas expressément, le renouvellement du DG doit aussi, à notre sens, entrainer l’édiction d’une nouvelle délégation permanente.

Cette possibilité de délégation permanente induit également plus de souplesse de fonctionnement pour les OPH et sécurise les interventions des DG en matière juridictionnelle puisque, en pratique, le conseil d’administration n’autorisait pas expressément les DG à ester en justice préalablement à chaque introduction d’instance ou dépôt de mémoire.

Précisons encore que si le bureau peut recevoir une délégation pour autoriser le DG ou le Président à ester en justice pour certains dossiers, il ne peut, en revanche, confier une autorisation permanente d’ester.

 

[1] CE, 25 février 1949 Roncin, p. 9

[2] CE, 16 novembre 2005, n° 262360

[3] CE, 28 mai 1997, n° 179905

[4] F-P. Benoit et Jean Benoit, Municipalité : fonctionnement

Précisions apportées sur le droit d’expression des élus dans le bulletin d’informations municipales

CE, 14 avril 2022, Commune de Willems, n° 441097

 

L’article L. 2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que :

« Dans les communes de 1.000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l’expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale ».

Les modalités d’application de ces dispositions doivent être précisées par le règlement intérieur de chaque municipalité, ce qui a donné lieu à de nombreuses contestations quant à l’importance de l’espace réservé.

Le juge administratif prend en compte la périodicité de la publication et le nombre total de pages de celle-ci pour apprécier le caractère suffisant et équitable de l’espace réservé aux élus de l’opposition.

Dans une décision du 14 avril 2022, le Conseil d’Etat a précisé que ce droit ne visait pas que les élus d’opposition et pouvait aussi bénéficier aux conseillers de la majorité :

« Il résulte de ces dispositions, d’une part, que l’espace réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication et, d’autre part, qu’elles n’ont pas pour objet d’interdire qu’un espace soit attribué à l’expression des élus de la majorité, sous réserve que cette expression n’ait pas pour effet, notamment au regard de son étendue, de faire obstacle à l’expression des élus n’appartenant pas à la majorité » (CE, 14 avril 2022, Commune de Thouaré-sur-Loire, n° 448912).

La limite est donc que l’espace réservé aux élus de la majorité ne fasse pas obstacle à l’expression des élus d’opposition.

Dans une seconde décision du même jour, il a confirmé que ce droit s’applique, quelle que soit la forme revêtue par la publication :

« Il résulte de ces dispositions qu’un espace doit être réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale dans toute publication comportant des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal, y compris sur le site internet de la commune ».

Transfert des routes – loi 3DS

La loi 3DS du 21 février 2022 prévoit la possibilité pour les voies non concédées du domaine public routier national d’être transférées aux départements et métropoles ou mises à disposition des régions.

Un décret, établi après concertation des collectivités territoriales concernées et consultation du Conseil national d’évaluation des normes, devait fixer la liste des autoroutes, des routes ou des portions de voies non concédées dont la propriété pouvait être transférée.

Dans le délai de six mois à compter de la publication dudit décret, il appartient aux collectivités territoriales de délibérer sur les voies dont elles sollicitent le transfert et de transmettre leur délibération au préfet de Région. En cas de demandes concurrentes, le préfet de Région organise une phase de concertation d’un maximum de deux mois pour répartir les voies entre les collectivités territoriales. A l’issue de la concertation, une nouvelle délibération de demande est adoptée. Le Ministre chargé des transports a trois mois, à compter de l’expiration du délai de six mois, pour notifier le transfert avant qu’il soit constaté par arrêté préfectoral dans un délai de quatre mois à compter de l’expiration du délai de trois mois.

Ce décret attendu a été publié le 30 mars 2022 (décret n° 2022-459).

Composé de deux articles, il rappelle brièvement son objet tenant dans la fixation des voies non concédées du domaine public routier national pouvant être transférées.

L’annexe du décret se compose d’un tableau listant les autoroutes et routes nationales de France pouvant être concédées. Chaque autoroute ou route nationale est ensuite assimilée à la région, au département et, le cas échéant, à la métropole que la voie traverse. De cette manière le tableau peut se lire à l’horizontal afin de connaître l’autoroute ou la route nationale qui pourra être transférée ou à la verticale si l’on souhaite savoir la portion de voie qu’un département, une métropole ou une région pourrait se voir transférer la propriété ou mettre à disposition.

74 autoroutes, 172 routes nationales et 10 routes nationales d’outre-mer sont répertoriées au sein de ce décret.

A titre d’exemple, il est indiqué que l’autoroute A1 traverse la Région Hauts de France, le Département du Nord et la Métropole européenne de Lille. Ainsi l’autoroute A1 pourra être transférée au Département du Nord ou à la Métropole européenne de Lille ou être mise à disposition de la Région Hauts de France.

Il est précisé que les voies ou portions de voies non concédées en cours de réalisation, situées dans le prolongement ou constituant une déviation en tout ou partie des autoroutes et routes nationales citées dans le tableau, peuvent également être transférées ou mises à disposition. Leur mise en service devra alors être antérieure au transfert ou à la mise à disposition de la voie concernée.

Ainsi, ce décret n’apporte pas de précision supplémentaire concernant la procédure de transfert ou de mise à disposition. Il fait tout de même courir le délai de six mois au cours duquel les collectivités territoriales pourront délibérer sur le transfert des voies. A l’expiration de ce délai, soit le 30 septembre 2022, des concertations débuteront afin de répartir les voies ayant fait l’objet de demandes de transfert ou de mise à disposition.

Loi 3DS / Présentation générale

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, avait pour ambition initiale de réformer une nouvelle fois l’organisation territoriale française, à la suite de plusieurs lois récentes (loi RCT de 2010, loi MAPTAM de 2014 ou loi NOTRe de 2015 entre autres).

Cette loi souffre toutefois de plusieurs défauts structurels qui nuisent à cette ambition. Tout d’abord, elle n’échappe pas à la tendance du markéting législatif, en faisant parfois primer le concept sur la nécessité ou la portée utile de la mesure. Elle semble par ailleurs souhaiter satisfaire tous types d’acteurs locaux, quitte à céder à un éparpillement des sujets et d’inutiles complexités. Enfin, si la loi cherche (à juste titre) à compléter les récentes lois portant sur l’organisation territoriale française, cela ne s’inscrit pas toujours en cohérence des grands principes définis précédemment.

Ainsi, si son intitulé même témoigne d’une forte ambition, l’analyse précise du texte ne pourra que décevoir. En particulier, son concept phare de différenciation n’a rien de la révolution juridique annoncée (faut-il le regretter ?). Pour autant, la loi procède à quelques avancées significatives dans des domaines disparates, qui seront traités dans le cadre des différentes brèves figurant au sein de cette lettre d’actualité.

La nature floue du concept de « différenciation » et son caractère inabouti, ajoutés à une portée utile très incertaine compte tenu des contraintes constitutionnelles, pourront laisser sceptique. Si la notion générale parait bien faible, il faut néanmoins saluer des avancées techniques permettant d’améliorer le fonctionnement des EPCI (transfert des pouvoirs de police, délégation et transferts partiels de compétence notamment).

L’assouplissement de la définition des conflits d’intérêts public-public, qui intervient peu de temps après une restriction du champ du délit de prise illégale d’intérêts, était très attendue par les acteurs publics locaux. Les mécanismes prévus par la loi seront-ils efficaces et suffisants ? Quels sont les organismes jouissant désormais d’une protection dans les relations public-public ? Quelles limites à cette protection ? Ces mécanismes sont-ils clairs, complets et efficaces ? D’autres sujets déontologiques sont abordés dans la loi, en matière de représentation d’intérêts, d’encadrement de la rémunération des élus locaux ou d’obligations déclaratives notamment.

Les aspects mobilité représentent eux aussi un pan important de la loi. En particulier, la loi permet de compléter le transfert des routes nationales non concédées qui n’avaient pas encore été transférées aux départements. Un mécanisme d’expérimentation au profit des régions, d’une particulière complexité, est inséré, en contrariété avec l’objectif de spécialisation fonctionnelle des départements et des régions souhaités par la loi NOTRe. Le droit ferroviaire fait également l’objet d’ajustements intéressants dans un contexte d’ouverture à la concurrence. Une facilitation du transfert de gestion des petites lignes est également prévue.

Des aspects importants concernant l’économie sociale et solidaire sont également présents dans la loi. Ils ont trait notamment à la modification du régime d’autorisation des ESSMS accueillant des personnes handicapées, au travail adapté, à la possibilité pour les métropoles et les communautés urbaines de créer des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), à la renationalisation du RSA ou à l’habitat inclusif.

Les apports en matière de droit de l’urbanisme sont plus modestes mais concernent aussi bien les documents d’urbanisme (encadrement de l’implantation des éoliennes notamment) que les autorisations d’urbanisme ou l’exercice du droit de préemption.

En matière de logement, la loi procède à certains assouplissements dans l’application de la loi SRU sur les quotas de logements sociaux, tout en portant l’objectif à 33 % (au lieu de 25) dans certaines communes.

La loi comprend encore un titre II consacré à la transition écologique. La réglementation des petits et grands cycles de l’eau y occupe une place prépondérante.

La réforme du fonctionnement des entreprises publiques locales est également un sujet significatif de la loi.

Enfin, les avancées en matière de simplification demeurent circonscrites mais permettront de fluidifier le fonctionnement des administrations (échanges de données, recours à la visioconférence).

Cette lettre d’actualité permettra de faire un premier bilan synthétique des dispositions marquantes de la loi 3DS.

 

Aloïs RAMEL

Air : la mise à jour des zones administratives de surveillance de la qualité de l’air

Le 9 mars 2022 a été publié au Journal Officiel un nouvel arrêté abrogeant celui du 26 décembre 2016 relatif au découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l’air ambiant. Ces zones administratives sont « un dispositif de surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé et sur l’environnement » (article L. 221-2 du Code de l’environnement[1]) et leurs modalités de surveillance sont adaptées aux besoins de chaque zone, notamment pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. 

Il découpe les régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l’air ambiant, classées en trois catégories :

  • Les «zones à risques – agglomération », comportant une agglomération de plus de 250.000 habitants, telle que définie par l’arrêté prévu à l’article L. 222-4 du Code de l’environnement ;
  • Les « zones à risques – hors agglomération », ne répondant pas aux critères des zones à risques – agglomération et ne respectant pas ou risquant de ne pas respecter les normes de qualité de l’air prévues à l’article R. 221-1 du Code de l’environnement ;
  • La « zone régionale », qui s’étend sur le reste du territoire de la région.

Ce découpage précise la superficie, la population ainsi que les communes de chaque zone administrative de surveillance du territoire.

Ce nouvel arrêté prend en compte les évolutions concernant le nombre d’habitants au sein des agglomérations ainsi que leur superficie.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031062739

Dépôt illégal de déchets : le producteur des déchets ne peut s’exonérer de sa responsabilité mêmes s’ils ne peuvent être précisément identifiés

Par un arrêt en date du 7 mars 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les obligations des producteurs et détenteurs de déchets, même après le dépôt de ces derniers dans une installation destinée à les recueillir.

En 2014, les sociétés requérantes avaient été mises en demeure de façon définitive (avec astreinte journalière) par le Préfet de Moselle à la suite d’une inspection d’une installation classée pour la protection de l’environnement, au cours de laquelle les inspecteurs avaient constaté qu’elles avaient stockés illégalement des déchets non-inertes illégalement sur le site d’une ICPE qui n’était pas habilitée à les recueillir. Elles indiquaient en particulier, à l’appui du recours contre cet arrêté de mise en demeure, que le mélange de leurs propres déchets avec d’autres ainsi qu’avec de la terre ne permettait pas leur identification et empêchait que pèse sur elles la responsabilité de leur gestion. Elles avaient contesté les obligations découlant de cet arrêté devant le Tribunal administratif de Strasbourg en 2016, ainsi que les astreintes journalières qui leur avaient été imposée par le Préfet de Moselle sur le fondement de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement[1]. Le Tribunal administratif avait toutefois rejeté leurs demandes, de même que la Cour administrative d’appel (CAA) de Nancy en appel. 

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy qui, selon lui, n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que l’argument selon lequel les déchets seraient mélangés et donc plus identifiables n’était pas de nature à exonérer les producteurs ou détenteurs initiaux des déchets de se soumettre aux prescriptions des articles L. 541-1 et suivants du Code de l’environnement. L’impossibilité de dénombrer spécifiquement la quantité de déchets déposés illégalement sur le site de l’ICPE par les entreprises n’était donc pas de nature à les exonérer de leurs obligations de gestion, de traitement et d’élimination des déchets. Enfin, le Conseil d’Etat souligne également la légalité de la solution retenue par le préfet de Moselle en l’espèce, à savoir permettre aux entreprises en question de « recourir à une solution de gestion collective des déchets sur le site de l’installation classée ». Cette gestion collective concerne les producteurs des déchets et l’exploitant du site sur lequel les déchets ont été entreposés.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599299/

Espèces protégées : l’essentialité du critère de la raison impérative d’intérêt public majeur

En 2016 le Préfet de l’Hérault avait autorisé par arrêté, à titre dérogatoire sur le fondement de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement[1], une société à détruire ou altérer les habitats de reproduction ou de repos de spécimens de plusieurs espèces animales protégées, afin de réaliser un parc de dix éoliennes pour une puissance de trente mégawatts. Le recours formé en première instance par l’association de protection de la faune avait été rejeté par le Tribunal administratif de Marseille. La Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille en janvier 2020 avait, quant à elle tranché en faveur de l’association et avait ainsi annulé l’arrêté préfectoral, portant dérogation à la protection des espèces dites « protégées » pour ce projet. En effet, elle a considéré que l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, qui permet notamment de déroger aux interdictions relatives aux espèces protégées, n’était pas en mesure de s’appliquer ici. En cause, l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur du projet de construction du parc d’éolien, du fait de la « faible contribution que ce projet apporterait à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans une zone qui compte déjà de nombreux parcs éoliens », ainsi que des bénéfices socio-économiques limités.

Le 10 mars 2022, la 6ème chambre du Conseil d’Etat valide le raisonnement le raisonnement de la CAA. Il retient en effet que, en l’espèce, le projet de construction du parc éolien était susceptible d’affecter soixante-quinze espèces de reptiles, d’amphibiens et d’oiseaux, dont neuf à fort enjeux de conservation. De plus, il considère que le parc éolien n’apporterait qu’une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables et s’inscrirait dans une zone qui comptait déjà de nombreux parcs éoliens. Ces éléments ont donc été de nature à justifier l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, et ainsi à refuser l’application de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement. Le Conseil d’Etat confirme ainsi l’arrêt rendu par la Cour administrative et confirme l’annulation de l’arrêté préfectoral de l’Hérault de 2016. Ainsi, il précise que dès lors que le critère de la raison impérative d’intérêt public majeur, essentiel à l’application de la dérogation prévue à l’article L411-2 du Code de l’environnement, n’est pas rempli, l’autorisation d’un projet d’aménagement ou de construction portant ou risquant de porter atteinte à des espèces protégées ne peut être délivrée, et ce quel que soit le niveau de l’atteinte envisagée.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033034252/

Coupure de gaz naturel en cas de crise d’approvisionnement : mise en place d’un ordre de priorité au profit des petits consommateurs

Dans le contexte de guerre en Ukraine et de risques de tensions sur le réseau gazier, le Gouvernement a adopté le décret n° 2022-495 du 7 avril 2022 relatif au délestage de la consommation de gaz naturel et modifiant le code de l’énergie, afin de revoir les modalités de délestage au profit des petits consommateurs de gaz.

Le délestage de la consommation de gaz naturel consiste, pour les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution, à diminuer très significativement la consommation en moins de 2 heures[1]. Lesdits gestionnaires ne doivent recourir à ce procédé qu’en dernier recours. 

Le décret commenté prévoit un nouveau mécanisme de délestage de la consommation de gaz naturel permettant de réduire, voire d’arrêter, la consommation pour les plus gros clients, à savoir ceux dont la consommation de gaz naturel est supérieure à 5 gigawattheures par an.

L’application de ces dispositions suppose, en amont, que les gros consommateurs répondent à une enquête annuelle et justifient notamment des « conséquences économiques qu’il[s] subirai[en]t en cas de réduction ou d’arrêt de [leur] consommation de gaz naturel, ainsi que le niveau d’alimentation en gaz naturel en dessous duquel ces conséquences économiques sont susceptibles d’être observées ».

Sur le fondement des éléments communiqués par les gros clients, le préfet de département établit des listes des gros consommateurs, en distinguant ceux qui assurent une mission d’intérêt général liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation et ceux dont le délestage serait susceptible d’engendrer des conséquences économiques majeures. Ces listes permettent ainsi de procéder à des coupures ciblées par ordre de priorité des entreprises.

Ainsi que le permet l’article L. 434-4 du Code de l’énergie[2], les gros consommateurs s’exposent, en cas de manquement aux dispositions précitées, à une sanction pécuniaire prononcée par l’autorité administrative, sans mise en demeure préalable, dans les conditions prévues à l’article L. 142-32 du même Code.

 

[1] Conformément au nouvel article R. 434-6 du Code de l’énergie, créé par le décret ici commenté.

[2] « Les consommateurs de gaz naturel se conforment aux ordres de délestage émis par le gestionnaire du réseau auquel ils sont raccordés. En cas de manquement, l’autorité administrative peut prononcer, sans mise en demeure préalable, une sanction pécuniaire conformément à l’article L. 142-3 ».

Bouclier tarifaire en matière de gaz naturel : soutien de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation des prix

Dans un contexte de hausse significative du prix du gaz naturel, le décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel, instaure une aide permettant d’en limiter les conséquences sur les factures des clients, pour la période du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022.

Précisément, cette aide bénéficiera aux personnes physiques qui résident à titre principal ou secondaire :

  • dans une maison individuelle directement raccordée à un réseau de chaleur ;
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation soumis au statut de la copropriété[1] ;
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation notamment géré par un organisme d’habitation à loyer modéré (HLM)[2], une société d’économie mixte (SEM)[3], une association foncière logement[4] ou une société civile immobilière dont les parts sont détenues à au moins 99 % par une association foncière logement, ou un organisme bénéficiant de l’agrément de l’article L. 365-2 du Code de la construction et de l’habitation[5];
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation appartenant à un propriétaire unique[6];
  • dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation compris dans le périmètre d’une association syndicale de propriétaires[7], lorsque cette association est cliente d’une des entreprises visées à l’alinéa 1er de l’article 2 du décret ici commenté.

Ces personnes physiques, pour bénéficier de cette aide, doivent également être approvisionnées en chaleur :

  • à partir d’une chaufferie collective au gaz naturel[8];
  • ou par un exploitant d’une chaufferie au gaz naturel[9];
  • ou par un gestionnaire d’un réseau de chaleur urbain utilisant en tout ou partie du gaz naturel[10].

Conformément à l’article 2 du décret du 9 avril 2022 commenté, cette aide sera versée par l’intermédiaire des entreprises fournissant du gaz naturel titulaires de l’autorisation de fourniture prévue à l’article L. 443-2 du Code de l’énergie, des exploitants d’installations de chauffage collectif ou des gestionnaires de réseaux de chaleur urbains.

A ce titre, lesdites entreprises devront présenter, pour le compte des clients éligibles énumérés supra, une demande d’aide auprès de l’Agence des services et de paiement[11].

Les entreprises devront ensuite reverser l’intégralité de cette aide à leurs clients au plus tard 30 jours après l’avoir reçue.

 

[1] Au sens de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. 

[2] Visé à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation.

[3] Mentionné à l’article L. 481-1 du même Code.

[4] Visée à l’article L. 33-34 du même Code.

[5] Dès lors qu’il y est fait application des alinéas 6 à 10 de l’article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

[6] Dès lors qu’il y fait application des alinéas 6 à 10 de l’article 23 précités.

[7] Régie par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

[8] Dans les conditions définies à l’article 3.

[9] Dans les conditions définies à l’article 4.

[10] Dans les conditions définies à l’article 5.

[11] Mentionnée à l’article L. 313-1 du Code rural et de la pêche maritime.

Maprimerenov’ : évolution de la prime pour les équipements de chauffage à énergies renouvelables dans le cadre du plan de résilience économique et sociale

Pour mémoire, la prime de transition énergétique, également appelée « MaPrimeRenov’ », a été créée par l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2020 de finances pour 2020. Ce dispositif d’aide permet de soutenir la rénovation des logements occupés à titre de résidence principale par leur(s) propriétaire(s).

 

L’arrêté du 7 avril 2022 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique et l’arrêté du 17 novembre 2020 modifié relatif aux caractéristiques techniques et modalités de réalisation des travaux et prestations dont les dépenses sont éligibles à la prime de transition énergétique, fait évoluer la prime de transition énergétique dans le cadre du plan de résilience économique et sociale.

Son article 1er augmente ainsi de 1.000 euros les forfaits d’aide relatifs à l’installation de certains équipements de chauffage des locaux fonctionnant à partir d’énergies renouvelables, s’agissant des demandes de primes déposées à compter du 15 avril 2022 et jusqu’au 31 décembre 2022.

 

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2023, seront supprimés les forfaits d’aide relatifs à l’installation d’une chaudière au gaz à très haute performance énergétique, conformément à son article 2.

Prise en charge des frais de déplacement d’ouvrages de réseau en cas de travaux réalisés dans l’intérêt du domaine public occupé

Par une décision du 31 mars 2022, le Conseil d’Etat rappelle les règles relatives à la prise en charge des frais de déplacement d’ouvrage en cas de travaux réalisés dans l’intérêt du domaine public.

Dans cette affaire, des travaux de création d’une ligne de tramway ont nécessité le dévoiement de réseaux situés sous la voirie d’une commune, et notamment le réseau de chauffage. Celui-ci a été installé par la société Sarcelles Investissements sur le domaine public au titre d’une servitude de droit privé et exploité par la société Sarcelles Energie, qui avait la charge de la redevance d’occupation du domaine public par les installations litigieuses.

Conformément à un protocole signé entre la société Sarcelles Investissements et le département du Val-d’Oise, ce dernier a procédé à ses frais aux travaux de dévoiement des réseaux en cause et a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société Sarcelles Investissements en vue du remboursement du coût de ces travaux.

Le juge administratif rappelle la règle classique au terme de laquelle « le bénéficiaire d’une autorisation d’occupation du domaine public, doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine ».

Cette règle demeure identique même si l’ouvrage a été installé au terme d’une servitude de droit privé sur une parcelle appartenant à une personne publique qui a été postérieurement classée dans le domaine public : 

« Le titulaire d’une servitude de droit privé permettant l’implantation d’ouvrages sur le terrain d’une personne publique, maintenue après son incorporation dans le domaine public, doit être regardé comme titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine à raison de ces ouvrages, quand bien même il n’acquitterait pas de redevance à ce titre. Par suite, il doit supporter les frais de déplacement des ouvrages implantés à raison de cette servitude, pour permettre l’exécution de travaux dans l’intérêt du domaine public et conformes à sa destination. ».

Le Conseil d’Etat considère ainsi que la Cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit en considérant que le titulaire d’une servitude de droit privé ne pouvait être regardé comme titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public au titre des ouvrages installés à raison de cette servitude.

L’électricité est un produit au sens du régime dérogatoire de la responsabilité des produits défectueux

La Cour d’appel rappelle qu’au terme de l’article 1245-2 du Code civil, « l’électricité est considérée comme un produit », et ce faisant relève du régime dérogatoire de la responsabilité des produits défectueux prévu par les articles 1245 du Code civil.

En vertu de l’article 1245 du Code civil « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ». Et, selon l’article 1245-3 alinéa premier du Code civil : « Un ‘produit‘ est ‘défectueux‘ au sens du présent chapitre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre« .

La Cour rappelle également que « le régime particulier de la responsabilité du fait des produits défectueux ainsi développé exclut l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra contractuelle de droit commun fondés sur le défaut d’un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre à l’exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés ».

Les demandeurs souhaitaient mettre en cause la responsabilité contractuelle d’Enedis, et se prévalaient du délai de prescription de droit commun de cinq ans.

Or, la Cour rappelle que le gestionnaire de réseau, « certes […] n’assure pas la production de l’électricité à haute tension (20’000 V ) issues de différentes sources géographiques et types d’énergie (nucléaire, gaz, charbon, éolien…) mais elle doit l’acheminer vers le consommateur final et répondre à ses obligations de gestionnaire du réseau électrique français qui résultent des dispositions de l’article L. 322-12 du Code de l’Energie qui lui imposent de distribuer l’électricité dans le cadre d’un réseau qu’elle doit développer, exploiter moderniser et gérer en effectuant notamment les transformations du produit et les raccordements nécessaires pour fournir une desserte en électricité d’une qualité régulière définie et compatible avec les utilisations usuelles de l’énergie électrique ».

A ce titre elle joue un rôle actif et déterminant dans la qualité de l’électricité fournie aux usagers au regard des besoins de ces derniers et de la sécurité à laquelle ils peuvent légitimement s’attendre, notamment par la transformation et le maintien de la tension appropriée, et doit donc être considérée comme producteur au sens des textes précités (Cass. Civ., 1ère, 2 juin 2021, Arrêt nº 404 ) ».

Ainsi, le caractère défectueux du produit fourni par Enedis résultant d’un incident sur le réseau de distribution qui a engendré une surtension sur le réseau électrique privatif de la maison d’habitation entraine l’application exclusive du régime juridique dérogatoire des produits défectueux.

Or, sur le fondement de l’article 1245-16 du Code civil, l’action en réparation de la responsabilité pour produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage

En l’espèce, l’assignation ayant été introduite plus de trois ans après la connaissance du sinistre, l’action était prescrite et donc irrecevable. 

Les erreurs opérationnelles sur les marchés de gros de l’énergie peuvent être qualifiées d’opérations privilégiées au sens du Règlement REMIT

Décision n° 02-40-18 du CoRDiS en date du 25 avril 2022 portant sanction à l’encontre de la société EDF et de la société EDF Trading Limited

 

Après avoir constaté des différences de pratique de publication d’informations relatives à des erreurs opérationnelles sur les marchés de gros de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) précise, par une délibération n° 2022-113 du 14 avril 2022, que de telles informations peuvent être qualifiées d’informations privilégiées au sens des textes de l’Union européenne.

Pour mémoire, le règlement européen n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (ci-après « le REMIT ») définit la notion d’information privilégiée comme une « information de nature précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible les prix de ces produits énergétiques de gros ».

Afin d’assurer le bon fonctionnement des marchés de gros de l’énergie, ces informations privilégiées doivent faire l’objet d’une publication en temps utile par les acteurs dudit marché et doivent faire l’objet d’un suivi et d’une mise à jour par ces mêmes acteurs, conformément à l’article 4 du règlement REMIT. Dans ce cadre, le REMIT prohibe les opérations d’initiés[1] qui consistent notamment en l’utilisation d’une information privilégiée en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour leur propre compte ou celui de tiers, des produits énergétiques de gros auxquels se rapporte cette information et de communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de l’exercice de leurs fonctions.

Par cette délibération, la CRE rappelle les critères permettant de qualifier une information privilégiée et précise qu’une telle qualification (notamment s’agissant d’une transaction erronée) relève de la responsabilité des acteurs du marché de l’énergie, lesquels doivent tenir compte du contexte général et de quatre conditions cumulatives. Ainsi, une information privilégiée est une information précise[2] (i), ne doit pas être rendue publique (ii), doit concerner, directement ou indirectement, un ou plusieurs produits énergétiques de gros (iii) et enfin, si elle était rendue publique, cette information doit être susceptible d’influencer sensiblement les prix des produits énergétiques de gros (iv).

Force est de reconnaître que ces dispositions du REMIT font l’objet d’un contrôle effectif en droit interne, en témoignent notamment les récentes sanctions du Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) prononcées à l’égard des société EDF et EDF Trading Limited[3].

En effet, au titre de sa mission de surveillance des marchés de gros[4], la CRE a étudié les opérations de négoce de la société EDF et de ses filiales de trading dans un contexte de hausse significative des prix de gros de l’électricité sur le marché à terme à partir du mois de septembre 2016, en lien avec les indisponibilités nucléaires planifiées et fortuites pour l’hiver des années 2016-2017. Les informations transmises par la société EDF ont conduit la CRE à procéder à l’ouverture d’une enquête.

A l’issue de ladite enquête, le Président de la CRE a saisi le CoRDiS afin qu’il sanctionne la société EDF pour avoir méconnu des dispositions du REMIT et notamment celles de son article 3 précité, qui prohibent les opérations d’initiés. A ce titre, le CoRDiS a prononcé une sanction pécuniaire d’un montant de 500.000 euros à l’encontre de la société EDF. La société EDF Trading Limited a, quant à elle, été sanctionnée à hauteur de 50.000 euros pour avoir enfreint les dispositions de l’article 5 du REMIT relatives à l’interdiction des manipulations de marché.

 

[1] Interdiction prévue à l’article 3 du règlement REMIT.

[2] Une information peut être considérée comme précise sans toutefois être certaine.

[3] Décision du CoRDiS, 25 avril 2022, n° 02-40-18.

[4] Ainsi que le prévoit l’article L. 131-2 du Code de l’énergie.

Regroupement illégal de concessions hydroélectriques modifiant leurs dates d’échéance

Par une décision du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat a déclaré entaché d’illégalité l’article R. 521-61 du Code de l’énergie ainsi que le décret du 20 mars 2019 portant sur le regroupement de concessions hydroélectriques sur la Dordogne. 

Plus précisément, ledit décret prévoyait le regroupement des concessions hydroélectriques de la haute Dordogne dite « Coindre-Marèges » et de Saint-Pierre-Marèges sur la Dordogne, ces deux concessions étant exploitées par la Société Hydro-Électrique du Midi (SHEM).

En pratique, un tel regroupement modifiait leurs dates d’échéance respectives en instaurant une date commune. Une telle modification soulevait des questions de mise en concurrence de ces concessions.

En effet, les dates de fin des concessions étaient initialement fixées au 31 décembre 2012 et au 31 décembre 2062 respectivement. Leur regroupement a fait naître une nouvelle date commune fixée par l’article 1er du décret susmentionné au 31 décembre 2048 (sous réserve de l’engagement au 31 décembre 2024 des travaux énumérés à l’article 3 de ce décret).

Face à cette modification, l’Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG) a demandé au ministre de la transition écologique et solidaire de retirer ce décret. Elle a formé un recours pour excès de pouvoir et demandé au Conseil d’Etat d’annuler celui-ci ainsi que la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux.

Le Conseil d’Etat a, par une décision du 18 mai 2021, ordonné un supplément d’instruction afin d’éclairer les modalités de calcul de la nouvelle date commune d’échéance des concessions regroupées ainsi que sur la variable « E » mentionnée à l’article R. 521-61 du code de l’énergie.

En vertu de ce supplément d’instruction, le Conseil d’Etat rappelle que le regroupement des concessions forme une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés. Par conséquent, lui est appliquée la méthode des barycentres (qui consiste à allonger, d’une part, la durée de la concession dont la date d’échéance est proche et, d’autre part, réduire la durée d’une concession dont l’échéance est lointaine). Ce mécanisme permet d’aligner la date d’échéance des concessions regroupées tout en garantissant l’équilibre économique de l’ensemble des concessions regroupées.

S’agissant des dispositions litigieuses :

  • Selon l’article R. 521-61 du code de l’énergie, la nouvelle date d’échéance commune doit correspondre à la date à laquelle la valeur actuelle nette des flux de trésorerie disponibles futurs de la ou les concessions dont la durée est allongée compense strictement la valeur actuelle nette des flux de trésorerie futurs de la ou des concessions dont le concessionnaire est privé du fait de la réduction de leur durée.
  • Pour la variable « E », le même article définit les modalités de détermination de la date d’échéance théorique pour garantir la neutralité économique du regroupement. La formule de calcul varie selon qu’est positive, négative ou nulle la variable « E », qui correspond à la valeur actualisée nette des flux de trésorerie pendant la période de prorogation de la concession, augmentée des investissements de remise en bon état des biens qui incombaient au concessionnaire à la date normale d’échéance de la concession et qui ont été réalisés après cette date.

Or, selon l’analyse du Conseil d’Etat, pour le calcul de la date commune d’échéance des concessions regroupées dont l’une fait l’objet d’une prorogation, seuls peuvent être pris en compte les flux de trésorerie qui correspondent aux investissements réalisés par le concessionnaire pendant la période de prorogation. Cette disposition a pour objectif d’inciter le concessionnaire à poursuivre ses investissements pendant cette période, indépendamment du caractère excédentaire ou déficitaire de son exploitation. Sont ainsi exclus les flux de trésorerie qui visent seulement la remise en bon état des biens qui incombaient au concessionnaire à la date normale d’échéance de la concession comme le prévoient les dispositions de l’article R. 521-61 du code de l’énergie.

Ces dispositions sont ainsi déclarées contraires à celles du quatrième alinéa de l’article L. 521-16-1 du code de l’Energie qui en constituent la base légale. Par conséquent, le décret attaqué qui a fait application, pour calculer la nouvelle date commune d’échéance des concessions regroupées, des dispositions entachées d’illégalité de l’article R. 521-61 du code de l’énergie, est lui-même entaché d’illégalité.