Energie
le 12/05/2022
Ariane FRAISSEIXAriane FRAISSEIX

Espèces protégées : l’essentialité du critère de la raison impérative d’intérêt public majeur

CE, 10 mars 2022, Association Sauvegarde des Avants-Monts et autre, n° 439784

En 2016 le Préfet de l’Hérault avait autorisé par arrêté, à titre dérogatoire sur le fondement de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement[1], une société à détruire ou altérer les habitats de reproduction ou de repos de spécimens de plusieurs espèces animales protégées, afin de réaliser un parc de dix éoliennes pour une puissance de trente mégawatts. Le recours formé en première instance par l’association de protection de la faune avait été rejeté par le Tribunal administratif de Marseille. La Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille en janvier 2020 avait, quant à elle tranché en faveur de l’association et avait ainsi annulé l’arrêté préfectoral, portant dérogation à la protection des espèces dites « protégées » pour ce projet. En effet, elle a considéré que l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, qui permet notamment de déroger aux interdictions relatives aux espèces protégées, n’était pas en mesure de s’appliquer ici. En cause, l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur du projet de construction du parc d’éolien, du fait de la « faible contribution que ce projet apporterait à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans une zone qui compte déjà de nombreux parcs éoliens », ainsi que des bénéfices socio-économiques limités.

Le 10 mars 2022, la 6ème chambre du Conseil d’Etat valide le raisonnement le raisonnement de la CAA. Il retient en effet que, en l’espèce, le projet de construction du parc éolien était susceptible d’affecter soixante-quinze espèces de reptiles, d’amphibiens et d’oiseaux, dont neuf à fort enjeux de conservation. De plus, il considère que le parc éolien n’apporterait qu’une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables et s’inscrirait dans une zone qui comptait déjà de nombreux parcs éoliens. Ces éléments ont donc été de nature à justifier l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, et ainsi à refuser l’application de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement. Le Conseil d’Etat confirme ainsi l’arrêt rendu par la Cour administrative et confirme l’annulation de l’arrêté préfectoral de l’Hérault de 2016. Ainsi, il précise que dès lors que le critère de la raison impérative d’intérêt public majeur, essentiel à l’application de la dérogation prévue à l’article L411-2 du Code de l’environnement, n’est pas rempli, l’autorisation d’un projet d’aménagement ou de construction portant ou risquant de porter atteinte à des espèces protégées ne peut être délivrée, et ce quel que soit le niveau de l’atteinte envisagée.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033034252/