La Commission européenne poursuit son travail sur la gestion des capacités ferroviaires transfrontières

Après avoir lancé un appel à contributions du 8 mars au 5 avril 2022, la Commission européenne a désormais ouvert une période de consultation publique (sous forme de questionnaire) du 30 mars 2022 au 22 juin 2022 à propos de l’amélioration de la gestion des capacités ferroviaires au niveau européen. En effet, l’optimisation de l’utilisation des infrastructures ferroviaires constitue un levier essentiel pour développer le trafic transfrontalier de passagers et de marchandises.

Lors de la phase d’appel à contributions en vue d’élaborer une analyse d’impact, la Commission européenne a reçu 67 avis. Parallèlement, une étude externe à l’appui de l’analyse d’impact a été lancée au cours du premier trimestre 2022. En outre, les résultats de la consultation publique seront résumés dans un rapport qui sera rendu disponible en ligne sur le site web de la Commission.

Parmi les dysfonctionnements constatés, la Commission pointe notamment : une gestion inefficace des capacités sur le réseau existant, des manquements en matière de coordination transfrontière pour la gestion des capacités d’infrastructure et du trafic, un déploiement et une utilisation insuffisants des outils numériques, une coopération insuffisante entre les parties prenantes opérationnelles ou, encore, une transparence insuffisante en ce qui concerne la performance des services d’infrastructure et de transport de fret. Elle pointe également le nombre insuffisant d’infrastructures ferroviaires ou leur mauvais état, ainsi que le manque d’interopérabilité technique et opérationnelle des systèmes ferroviaires nationaux (non couverts par l’initiative de la Commission).

Les principaux domaines d’intervention identifiés sont les suivants :

  • La gestion des capacités ferroviaires : planification des investissements, gestion des actifs, définition des horaires notamment ;
  • Gestion du trafic et des aléas : gestion en temps réel du trafic ferroviaire, tant en situation normale que perturbée ;
  • Intégration accrue du transport de fret ferroviaire dans les chaînes logistiques multimodales ;
  • Suivi et gestion des performances au cours de la phase post-opérationnelle ;
  • Conditions d’utilisation des infrastructures, fournitures d’informations et surveillance règlementaire.

Pour traiter ces sujets, la Commission envisage différentes options, dont le niveau d’ambition est distinct :

  • Option 1, « statut quo »: le cadre juridique est affiné – mais pas bouleversé. Il s’agit de clarifier et développer les outils en vigueur (tels que corridors européens et guichets uniques), améliorer la cohérence avec d’autres instruments de la législation de l’UE (par exemple interopérabilité et sécurité ferroviaires), et de développer par ailleurs des initiatives sectorielles ;
  • Option 2, « ambitieuse »: les règles sont globalement modernisées et harmonisées, des procédures et outils sont développés pour le trafic de fret et de passagers tels que la planification prospective et pluriannuelle de l’utilisation des capacités ferroviaires pour les différents segments de trafic, des procédures de répartition des capacités plus souples et un recours accru aux outils numériques notamment, des mécanismes d’incitation supplémentaires liés aux performances ;
  • Option 3, « intégrée »: renforcement de la centralisation des fonctions décisionnelles et opérationnelles à l’échelon européen. Il s’agit ici de prévoir, en plus des mesures de l’option 2, une gouvernance et un organe opérationnel au niveau du réseau centralisant certaines fonctions décisionnelles et opérationnelles. Cela pourrait avoir lieu via la création d’entités spécialisées à l’échelle européenne ou le renforcement des compétences d’exécution de la Commission européenne.

L’analyse d’impact doit permettre d’évaluer ces différentes options.

Ces démarches doivent aboutir à l’adoption d’un Règlement européen pour le quatrième trimestre 2022 ou début 2023.

PAVE et récupération des charges de gardiennage auprès des locataires

De plus en plus de communes implantent des points d’apport volontaires enterrées (PAVE) qui sont des conteneurs enterrés destinés à recevoir les ordures ménagères et autres déchets, notamment à recycler.

Les ordures sont ainsi apportées volontairement par les locataires et collectés plus facilement par les entreprises de ramassage d’ordures.

Les charges de gardiennage sont récupérables auprès des locataires à hauteur de 40 % lorsque les gardiens effectuent l’élimination des rejets et de 75 % lorsqu’ils assurent également l’entretien des parties communes.

Or en présence de PAVE, se pose la question du taux de récupération des gardiens qui n’auraient plus à s’occuper de l’élimination des ordures ménagères.

En réponse à cette question, le ministère du Logement fait savoir que :

« La mise en place des PAVE a pour effet, lorsque le gardien ou le concierge était en charge de l’élimination des déchets, de le décharger de cette tâche ; elle est donc susceptible d’avoir des incidences sur le taux de récupération applicable. Il convient toutefois de relever que la jurisprudence ne limite pas l’élimination des rejets aux seuls déchets ménagers (s’agissant notamment des frais de détartrage des colonnes de chutes, des branchements d’eaux usées et d’eaux-vannes et des frais de curage des collecteurs extérieurs : Cass. Civ., 3ème, 6 décembre 1995, n° 93-17.250, Bull. civ. III, 1995, n° 251). Les PAVE ne doivent donc pas, à eux seuls, amener à considérer qu’il a été mis fin à la mission d’élimination des rejets du gardien ou concierge ; une appréciation au cas par cas doit être réalisée ».

La présence de PAVE n’exclut donc pas une récupérabilité des charges de gardiennage au titre de sa mission d’élimination des rejets, à condition que le bailleur justifie dument les tâches accomplies par le gardien.

Dans un souci de sécurité juridique, il pourra être privilégié la mise en place d’un accord collectif prévoyant le taux de récupération des charges de gardiennage à appliquer, sur le fondement des articles 41 et suivants de la loi du 23 décembre 1986.

Le mécénat de compétences, désormais ouvert au secteur public à travers la mise à disposition de fonctionnaires

Le mécénat de compétences peut être défini comme un don en nature : une société met à disposition d’un organisme d’intérêt général un ou plusieurs de ses salariés, qui seront rémunérés pour mettre à la disposition de cet organisme, leurs compétences et capacité de travail.

Il est régi par la loi Aillagon de 2003 et ne s’applique pas aux personnes publiques. 

C’est la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS », qui a finalement permis d’élargir les possibilités de mise à disposition de fonctionnaires auprès d’associations et fondations dans le cadre du mécénat de compétences.

  • Quels fonctionnaires concernés ?

Son article 209 dispose que pourront être mis à la disposition d’organismes privés d’intérêt général et associations reconnues d’utilité publique :

    • les fonctionnaires de l’Etat ;
    • les fonctionnaires de départements ;
    • les fonctionnaires de régions ;
    • les fonctionnaires d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
    • les fonctionnaires de communes de plus de 3.500 habitants.
  • Pour quelle durée ?

Cette mise à disposition ne pourra excéder une durée de 18 mois, renouvelable dans la limite d’une durée de 3 ans 

  • Sous quelles conditions et modalités ?

La hiérarchie du fonctionnaire devra préalablement apprécier la comptabilité de l’activité envisagée du fonctionnaire.

Ce type de mécénat spécifique ne donne pas automatiquement lieu à remboursement par l’organisme d’accueil. En cas d’absence de remboursement de cette mise à disposition, celle-ci sera considérée comme une subvention.

Chaque année, un état des fonctionnaires mis à disposition devra être établi à la fois par les structures publiques mais également par les structures bénéficiaires.

Cet état sera annexé au budget et communiqué à l’assemblée délibérante avant l’examen du budget de la personne publique.

Les modalités seront précisées par décret en Conseil d’Etat, qui permettra aux organismes d’intérêt général de bénéficier d’une telle mise à disposition de fonctionnaires pour une durée expérimentale de 5 ans.

L’affaire des « Serpents » de Jeff Koons

Jeff Koons, est l’un des artistes américains d’œuvres kitsch les plus chers du monde, dont l’une des fameuses sculptures a été vendue à plus de 91 millions de dollars en 2019.

Mais dans les années 80-90, l’artiste n’était pas aussi célèbre qu’aujourd’hui.

C’est lors d’une vente aux enchères douanière en 1991, qu’un collectionneur italien acquiert pour quelques centaines d’euros seulement, une œuvre représentant deux serpents portant chacun un nœud papillon vert, de style « cartoon », sur laquelle était simplement inscrite la mention « Jeff Koons, Serpents ».

Ce collectionneur indique, afin de la revendre aux enchères, avoir sollicité de l’artiste un certificat d’authenticité quelques années plus tard, tout en refusant de reconnaitre la sculpture comme une œuvre authentique mais un simple prototype qui devait être détruit.

Le litige a été jugé en première instance par le Tribunal de Milan qui a considéré qu’il s’agissait d’une œuvre authentique de l’artiste.

Ce dernier a fait appel devant la Cour d’appel de Milan qui a confirmé en octobre 2021 la position des juges de première instance.

L’artiste aurait formé un pourvoi devant la Cour suprême de cassation italienne…

Une nouvelle occasion pour la Cour de cassation de préciser la qualité requise de l’auteur du délit de détournement de fonds publics et de rappeler les contours du principe Non Bis in idem

Par un arrêt en date 16 mars 2022, la Cour de cassation est venue préciser, d’une part, la qualité et les prérogatives qui doivent incomber à la personne poursuivie du chef de détournement de fonds publics, tel qu’entendu par l’article 432-15 du Code pénal, et rappelle, d’autre part, les contours du principe non bis in idem.

En l’espèce, la directrice de cabinet du maire d’une commune était poursuivie devant le Tribunal correctionnel pour avoir, en qualité de personne chargée d’une mission de service public, mis en paiement, accepté et transmis aux services payeurs de la collectivité, dans le cadre de ses fonctions, six factures d’une société pour des prestations non réalisées ou non prévues au contrat liant cette dernière à la ville.

Le maire de la commune était, quant à lui, renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour complicité de détournement de fonds publics pour avoir organisé des rendez-vous ou des réunions et avoir donné des instructions à ce sujet.  

Par jugement du 20 novembre 2017, le Tribunal correctionnel déclarait coupable la directrice de cabinet du maire des faits de détournement de fonds publics et d’usage de faux et le maire de complicité de détournement de fonds publics.

La juridiction d’appel confirmait le jugement en déclarant notamment que, si la signature des factures litigieuses était le fait de plusieurs signataires, le rôle de la directrice de cabinet du Maire a été déterminant via les instructions et les informations communiquées aux différents intervenants.

Saisie du litige, la Cour de cassation se prononce, à l’occasion de cet arrêt, sur deux sujets distincts :

  • Sur le principe non bis in idem, il était reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la prévenue à la fois coupable d’usage de faux et de détournement de fonds publics à raison du même fait, à savoir son implication dans la signature et la transmission au service comptable pour mise en paiement des six factures litigieuses.

Dans son arrêt, la Cour de cassation écarte la violation du principe non bis in idem au motif qu’aucune de ces infractions n’est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l’autre, suivant les dispositions qui les prévoient.

A ce titre, la Cour de cassation considère ainsi que le principe selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits ne trouve pas à s’appliquer, en l’espèce, puisque les deux délits ne procèdent pas d’une même action.

  • Sur la qualité et les prérogatives de l’auteur du délit de détournement de fonds publics, l’arrêt de la Cour d’appel était attaqué en ce qu’il s’était contenté de relever le rôle déterminant de la directrice de cabinet du maire dans la validation des factures, sans constater l’existence d’une délégation de signature du maire au profit de l’intéressée.

La Cour de cassation casse la décision d’appel en rappelant qu’en effet, les fonctions de directrice de cabinet du maire ne supposent pas, par elles-mêmes, que les fonds de la commune soient remis à l’intéressée au sens de l’article 432-15 du Code pénal.

La juridiction d’appel aurait donc dû rechercher si, au moment de la commission des faits de détournements de fonds publics, la directrice de cabinet disposait d’une délégation du maire, ordonnateur de la commune, lui permettant de mettre les factures en paiement, sauf à requalifier les faits – notamment en trafic d’influence ou corruption.

Cet arrêt rappelle ainsi, d’une part, que le principe non bis in idem ne trouve pas à s’appliquer lorsque deux qualifications pénales se fondent sur des éléments constitutifs différents ; dans un tel cas, il est de fait question d’actions distinctes, pouvant donner lieu à deux déclarations de culpabilité.

D’autre part, s’agissant de l’imputation du délit de détournement de fonds publics, le fait que la remise des fonds ait été induite par « les fonctions ou la mission » de la personne chargée d’une mission de service public ne peut être appréciée qu’au regard d’une circonstance de droit, à l’instar d’une délégation de signature.

Précisions sur le recouvrement de la taxe d’aménagement en cas de pluralité de bénéficiaires et de division du terrain

Par une décision en date 17 mars dernier, le Conseil d’Etat a précisé que, lorsqu’un permis de construire a été délivré à plusieurs personnes physiques ou morales, chacun d’entre eux est redevable de l’intégralité de la taxe d’aménagement prévue aux dispositions de L. 331-6 du Code de l’urbanisme et l’administration compétente peut la mettre à la charge soit de l’un quelconque des bénéficiaires du permis, soit de chacun de ces bénéficiaires si le montant cumulé correspondant aux différents titres de perception émis n’excède pas celui de la taxe due à raison de la délivrance du permis.

Dans cette affaire, le Maire de la commune de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) a délivré à Monsieur et Madame M., Monsieur et Madame R. et A. K. et Monsieur et Madame F. et T. L. un même permis de construire pour étendre des constructions individuelles. L’unité départementale de la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEAT) de l’Ile-de-France a informé Monsieur M. du montant de la taxe d’aménagement. Ce dernier lui a alors adressé deux chèques correspondant aux sommes dues par Monsieur et Madame K. et par lui-même, en précisant que le reste était à la charge de Monsieur et Madame L. En réponse, la DRIEAT de l’Ile de France a indiqué à Monsieur M. à qu’il restait débiteur de ce solde, pour un montant de 2,122 euros, à charge pour lui de se retourner contre les autres titulaires du permis.

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi de ce litige, a fait droit de la demande de Monsieur et Madame M. d’être déchargés de cette dette dès lors que le terrain avait fait l’objet d’une division avant la demande de permis de construire.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’État, saisi par la Ministre de la transition écologique, a été amené à se prononcer sur l’opposition de la taxe d’aménagement lorsqu’un permis de construire a été délivré à plusieurs personnes physiques ou morales, en particulier lorsque le terrain a fait l’objet d’une division avant la demande de permis de construire et que l’administration dispose de la répartition des surfaces de plancher entre les bénéficiaires.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article L. 331-6 du Code de l’urbanisme prévoient que :

 » Les […] opérations de construction […] soumises à un régime d’autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d’une taxe d’aménagement, sous réserve des dispositions des articles L. 331-7 à L. 331-9. / Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article […]. / Le fait générateur de la taxe est […] la date de délivrance de l’autorisation de construire […] « .

Il a, également, rappelé que les dispositions de l’article L. 331-24 du même Code prévoient que :

 » La taxe d’aménagement et la pénalité dont elle peut être assortie en vertu de l’article L. 331-23 sont recouvrées par les comptables publics compétents comme des créances étrangères à l’impôt et au domaine. / Le recouvrement de la taxe fait l’objet de l’émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l’émission d’un titre unique lorsque le montant n’excède pas 1 500 euros […] « .

Ainsi, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que chacun des bénéficiaires du permis de construire était redevable de l’intégralité de la taxe d’aménagement et l’administration compétente pouvait la mettre à la charge soit de l’un quelconque des bénéficiaires du permis, soit de chacun de ces bénéficiaires si le montant cumulé correspondant aux différents titres de perception émis n’excède pas celui de la taxe due à raison de la délivrance du permis.

Il a, ensuite, précisé que les circonstances que le terrain ait fait l’objet d’une division avant la demande de permis de construire et que l’administration dispose de la répartition des surfaces de plancher entre les bénéficiaires ne sont pas de nature à priver l’administration de cette faculté.

Par suite, le Conseil d’Etat a annulé le jugement rendu par Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de réglé l’affaire au fond en jugeant que Monsieur et Madame M. étaient, comme les autres titulaires de ce permis, redevables de l’intégralité de la taxe d’aménagement due à raison des constructions autorisées, sans préjudice de la possibilité de réclamer aux autres bénéficiaires du permis de construire le reversement de la part de la taxe correspondant aux constructions leur appartenant.

La dénomination sociale d’un candidat pouvant créer un risque de confusion avec un autre candidat n’est pas un motif d’exclusion de la passation d’une concession

Par un récent arrêt, le Conseil d’Etat a précisé sa jurisprudence sur les motifs pouvant donner lieu à l’exclusion d’un candidat à l’attribution d’un contrat de la commande publique.

Dans cette instance, la commune de Ramatuelle avait lancé une consultation afin d’attribuer une sous-concession de travaux et services public balnéaire pour l’exploitation du lot n°23 « Etablissement de plage » de cette plage entre 2022 et 2030.

La société EPI plage de Pampelonne, candidate évincée arrivée en deuxième position, a alors formé un référé précontractuel auprès du Juge des référés du Tribunal administratif de Toulon afin d’obtenir l’annulation de la procédure de passation de la sous-concession.

Faisant droit à cette demande, le Juge des référés a considéré que la dénomination sociale de la société EPI, attributaire de la sous-concession, avait créé un « grave risque de confusion » avec la dénomination d’une société détenant un hôtel du même nom et actionnaire unique de la demanderesse évincée, la société EPI plage de Pampelonne. Le Tribunal en a déduit que l’autorité concédante aurait dû exclure la société EPI de la procédure de passation au motif que la société EPI devait être regardée comme ayant « entrepris d’influer indûment le processus décisionnel de l’autorité concédante ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du contrat de concession, ou [de fournir] des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution » au sens de l’article L. 3123-8 du Code de la commande publique ou, à tout le moins, solliciter ses observations sur le fondement de l’article L. 3123-11 du code de la commande publique.

Cependant, saisi par la société EPI, le Conseil d’Etat a censuré cette décision de première instance.

Il a d’abord rappelé qu’aux termes de l’article L. 3123-8 du Code de la commande publique peuvent effectivement être exclus de la procédure de passation d’un contrat de concession certains candidats lorsque des éléments précis et circonstanciés permettent d’attester qu’ils ont tenté d’influer sur le processus décisionnel de l’autorité concédante et lorsque ces candidats n’ont pas établi, après demande de l’acheteur, que leur participation n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats.

Or, le Conseil d’Etat a considéré qu’en l’espèce la candidature de la société attributaire n’aurait pu faire l’objet d’une telle exclusion car le choix par un opérateur économique d’une dénomination sociale ne peut justifier son exclusion de la procédure de passation sur le fondement de l’article L. 3123-8 du Code de la commande publique au seul motif que cette dénomination peut induire un risque de confusion avec une autre société également candidate. Le Conseil d’Etat a alors estimé que le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulon avait, dans son appréciation, commis une erreur de droit.

Toutefois, le Conseil d’Etat choisissant de régler l’affaire au fond a annulé la procédure de passation de la sous-concession considérant que l’offre de la société attributaire aurait dû être écartée par l’autorité concédante comme étant irrégulière, faute de respecter les stipulations du cahier des charges techniques imposant d’allouer à la location de bains de soleil une surface minimum de 60 % de l’établissement de plage.

Possibilité pour le maître d’ouvrage de déduire d’office, dans le DGD, le montant de travaux correspondant à des réserves non levées du solde du marché dû au titulaire

Dans cette affaire, une commune (Sainte-Flaive-des-Loups), a prononcé la réception de l’ouvrage réalisé par son titulaire dans le cadre d’un marché public de travaux portant sur le réaménagement d’une grange en bibliothèque, sous réserve de l’achèvement de certaines prestations.

Puis, considérant que la prestation n’était toujours pas conforme au marché malgré l’intervention de son titulaire, la commune a refusé la levée de certaines des réserves et a déduit du décompte général qu’elle lui a transmis les sommes correspondantes aux travaux nécessaires.

Saisi d’un recours en ce sens de la société titulaire, le Tribunal administratif de Nantes avait condamné la commune à lui verser le solde de ce décompte assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation par un jugement du 19 juin 2019[1], confirmé ensuite par la Cour administrative de Nantes[2].

En effet, la Cour avait alors considéré, après avoir relevé que la commune n’avait « ni passé de marché de substitution ni obtenu un accord de la société MC Bat sur une réduction du montant de son marché »,jugé que « le refus de la commune de lever une partie des réserves ne l’autorisait pas à opérer d’office, dans le décompte général, une réfaction sur le montant total du marché à hauteur du prix des travaux qu’elle estimait nécessaires pour réparer les malfaçons continuant, selon elle, d’affecter l’enduit extérieur ».

Dans sa décision du 28 mars 2022, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement.

Le Conseil d’Etat rappelle, en s’appuyant sur les articles 41.6 et 41.7 du CCAG travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 relatifs à la possibilité pour le maître d’ouvrage d’assortir la réception de l’ouvrage de réserves et de lui proposer une réfaction du prix en lieu et place de la réparation des malfaçons constatées (lesquels sont similaires aux articles 41.6 et 41.7 correspondants du CCAG travaux actuellement en vigueur[3]) que :

  • D’une part, le maître d’ouvrage n’a pas l’obligation, lorsqu’il fait usage de la possibilité de faire exécuter aux frais et risques de son titulaire les travaux faisant l’objet de réserves non levées dans le délai imparti, de le faire avant l’établissement du décompte général. Le Conseil d’Etat censure donc le raisonnement tenu par la Cour administrative d’appel de Nantes au terme duquel la Cour exigeait que le maître d’ouvrage ait déjà passé le marché de substitution pour pouvoir en imputer le coût à l’entrepreneur ;
  • D’autre part, le Conseil d’Etat rappelle que les réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non. En l’absence de chiffrage, le décompte ne devient définitif que sur les éléments n’ayant pas fait l’objet de réserves. Dans le cas où les réserves sont chiffrées, sans que leur montant ne fasse l’objet d’une réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité et les sommes correspondant à ces réserves peuvent ainsi être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire si celui-ci n’a pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves.

Ainsi, l’inscription dans le décompte général d’une somme correspondant au chiffrage, par le maître d’ouvrage, de travaux ayant fait l’objet de réserves non levées fait naître à son profit une créance correspondant à ladite somme à l’encontre de son titulaire, et ce alors même que les travaux n’ont pas encore été réalisés aux frais et risques du titulaire.

 

[1] TA Nantes, 19 juin 2019, société MC Bat, n° 1708437.

[2] CAA Nantes, 8 janvier 2021, société MC Bat, n° 19NT03351.

[3] Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux.

Les préconisations du Premier Ministre sur l’exécution des contrats dans le contexte de hausse des prix

Depuis le début de la guerre en Ukraine, de nombreux secteurs d’activité pâtissent d’une hausse conséquente du prix de certaines matières premières, comme le gaz, le pétrole, ou encore l’acier.

Dans ce contexte, par une circulaire n° 6338/SG en date du 30 mars 2022, le Premier ministre a formulé certaines consignes ayant pour objectif d’assurer la pérennité des entreprises et de l’emploi et, par voie de conséquence, la pérennité des services publics. Si ces consignes s’adressent avant tout aux ministres, elle concerne également les préfets, qui sont chargés d’inciter les collectivités territoriales et leurs établissements publics à suivre ces directives d’effet immédiat.

Pour l’essentiel, il s’agit d’un rappel – classique mais néanmoins utile – des trois outils juridiques déjà à la disposition des acheteurs soumis au droit de la commande publique pour adapter leurs contrats à cette évolution brutale de la conjoncture économique (modification pour circonstances imprévues, indemnité d’imprévision, gel des pénalités).

La modification « pour circonstances imprévues » telle que prévue par le Code de la commande publique

En premier lieu, la circulaire rappelle aux acheteurs publics que, dans les cas où la pénurie des matières premières ou la hausse des prix sont susceptibles d’avoir des conséquences sur les conditions techniques d’exécution des contrats, il leur est possible d’en modifier les stipulations (substituer un matériau à celui initialement prévu et devenu introuvable ou trop

cher, modifier les quantités ou le périmètre des prestations à fournir, aménager les conditions et délais de réalisation des prestations).

Pour ce faire, ils peuvent recourir aux différentes hypothèses de modification des contrats en cours prévues par la réglementation en vigueur, et plus particulièrement aux articles R. 2194-5 (pour les marchés publics) et R. 3135-5 (pour les concessions) du Code de la commande publique (CCP).

Ces dispositions permettent une modification du contrat en cours d’exécution, lorsqu’elle est rendue nécessaire « par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir », étant rappelé que l’incidence financière de telles modifications ne peut représenter plus de 50 % du montant initial du contrat, ce plafond n’étant toutefois pas applicable aux contrats des entités adjudicatrices intervenant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports, et des services postaux.

Pour autant, ainsi que le rappelle la circulaire, « l‘acheteur ne doit pas utiliser ces dispositions pour modifier par voie d’avenant les clauses fixant le prix lorsque cette modification du prix n’est pas liée à une modification du périmètre, des spécifications ou des conditions d’exécution du contrat ». En d’autres termes, il doit y avoir un lien de nécessité suffisamment direct entre les circonstances imprévues qui sont invoquées pour justifier les modifications et le contenu de celles-ci.

L’indemnisation du titulaire sur le fondement de la théorie de l’imprévision

En deuxième lieu, l’exécutif détaille longuement les conditions dans lesquelles les acheteurs publics peuvent faire application, au cas par cas, de la théorie de l’imprévision, d’origine jurisprudentielle et désormais prévue à l’article L. 6 du CCP, pour indemniser leurs cocontractants au titre de charges supplémentaires dues à la survenance d’un évènement extérieur aux parties et imprévisible, entraînant un bouleversement temporaire de l’équilibre du contrat.

Dans le cas présent, la circulaire acte que la hausse exceptionnelle du prix du gaz et du pétrole constatée depuis le dernier trimestre 2021, dont l’ampleur est accentuée par la crise en Ukraine, ainsi que la flambée du prix de certaines matières, sont « sans conteste » imprévisibles et extérieures aux parties.

Pour autant, la condition tenant au bouleversement temporaire de l’équilibre du contrat doit être vérifiée au cas par cas, en tenant compte du secteur économique et des justifications apportées par le titulaire, ainsi que de l’application d’éventuelles clauses de révision de prix prévues par le contrat. Il est ainsi rappelé que pour que l’imprévision soit reconnue, « le bouleversement doit entraîner dans le cadre de l’exécution du contrat un déficit réellement important et non un simple manque à gagner ». Selon la jurisprudence, cette condition est remplie lorsque les charges extracontractuelles atteignent environ 1/11e du montant initial HT du marché ou de la tranche (CAA Marseille, 17 janvier 2008, Société Altagna, n° 05MA00492).

S’agissant du montant de l’indemnité, lorsque celle-ci est due, la circulaire insiste sur le fait que ce montant doit être déterminé au cas par cas afin de ne couvrir que le montant des charges extracontractuelles, en tenant compte des diligences mises en œuvre par l’entreprise pour se couvrir (l’analyse de ces diligences devant varier selon la taille de l’entreprise), et en laissant à la charge de celle-ci une part d’aléa (entre 5 et 25 %).

A cet égard, la circulaire apporte une importante clarification quant à la période sur laquelle doit être évalué le montant des charges extracontractuelles : en principe, ce montant doit être évalué « sur l’ensemble du contrat, et donc à la fin de l’exécution de celui-ci », et non pas sur la seule période au cours duquel l’évènement à l’origine de l’imprévision se déroule.

Néanmoins, conscient que le versement de l’indemnité d’imprévision ne peut, dans la plupart des cas, attendre la fin du contrat, l’exécutif prescrit que l’indemnité soit versée « au moins pour partie […] de façon aussi proche que possible du moment où le bouleversement temporaire de l’économie du contrat en affecte l’exécution », sous la forme de provisions à valoir sur l’indemnité globale d’imprévision dont le montant définitif ne pourra être déterminé qu’ultérieurement. La circulaire rappelle par ailleurs que de telles provisions ne peuvent être versées qu’aux titulaires qui en font la demande et que le montant de ces provisions doit être fixé « en tenant compte des données de chaque espèce et notamment de la situation du titulaire ».

Enfin, la circulaire souligne utilement que le support juridique d’une indemnité d’imprévision ne peut, en principe, être un avenant, dès lors que cette indemnité n’a pas pour vocation de modifier le contrat mais au contraire de restaurer son équilibre économique en compensant temporairement des charges extracontractuelles imprévues. L’indemnisation doit donc être formalisée dans le cadre d’une « convention liée au contrat applicable pendant la situation d’imprévision et qui pourra comprendre une clause de rendez-vous à l’issue du contrat de manière à fixer le montant définitif de l’indemnité ».  

Accessoirement, la circulaire rappelle que, pour ce qui concerne les contrats de droit privé conclus depuis le 1er octobre 2016, l’article 1195 du Code civil prévoit également une obligation de principe de tirer les conséquences du bouleversement de l’équilibre économique du contrat par une renégociation du contrat entre les parties ou par une modification ou une résiliation par le juge. Et, si une clause du contrat aménage ou écarte l’application de cette disposition, qui n’est pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de l’écarter, compte tenu des circonstances exceptionnelles actuelles.

La suspension des pénalités contractuelles

En troisième lieu, dans une logique analogue à celle qui ressortait de l’ordonnance du 25 mars 2020 prise lors du premier confinement, le Premier ministre exprime le souhait que l’exécution des clauses des contrats prévoyant des pénalités de retard ou l’exécution des prestations aux frais et risques du titulaire soit suspendue tant que celui-ci est dans l’impossibilité de s’approvisionner dans des conditions normales.

Pour autant, l’exécutif ne préconise pas un tel gel des pénalités contractuelles de manière systématique et rappelle, au contraire, que l’augmentation des prix ne conduit pas, en elle-même, à une situation de force majeure permettant au titulaire de se soustraire à ses obligations contractuelles.

En définitive, la suspension des pénalités contractuelles doit donc continuer à s’envisager au cas par cas.

L’insertion d’une clause de révision des prix dans tous les contrats de la commande publique à venir

En plus d’évoquer les leviers à la disposition des acheteurs publics pour adapter l’exécution de leurs contrats, la circulaire rappelle les acheteurs à leurs obligations en matière de rédaction des clauses de prix. En effet, ainsi que le prévoit l’article R. 2112-13 du CCP, un marché doit être conclu à prix révisable, et non pas ferme, « dans le cas où les parties sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution des prestations ». Ces dispositions sont applicables aux marchés d’une durée d’exécution de plus de trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, et notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux.

Dans la même logique, la circulaire prescrit d’écarter les formules de révision de prix contenant des termes fixes, les clauses butoir et les clauses de sauvegarde.

Réforme des instances médicales de la fonction publique territoriale

Le conseil médical est enfin substitué au comité médical et à la Commission de réforme dans la fonction publique territoriale.

Plus précisément, la fusion des instances est entrée en vigueur le 1er février 2022, en application de l’ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique.

Mais c’est le décret du 11 mars 2022 qui définit la composition de cette nouvelle instance, les modalités de désignation de ses membres ainsi que ses compétences et ses règles de fonctionnement. 

Notamment, le conseil médical se réunit selon deux formations, restreinte (c’est-à-dire uniquement composée de médecins) ou plénière (avec également des représentants du personnel et de l’administration), laquelle varie selon l’objet de la saisine.

Des mesures transitoires sont prévues à plusieurs égards. Ainsi, l’article 52 du décret précise que les médecins agréés membres de comités médicaux et de commissions de réforme à la date d’entrée en vigueur du présent décret siègent en tant que médecins membres des conseils médicaux pour la durée restante de leur mandat et, au plus tard, jusqu’au 30 juin 2022, tandis que les avis demandés aux comités médicaux et commissions de réforme avant la date d’entrée en vigueur du présent décret qui n’ont pas été rendus avant cette date sont valablement rendus par les conseils médicaux.

Etant donné les enjeux liés à la procédure suivie devant les instances s’agissant de la légalité des décisions rendues in fine par les collectivités la vigilance est donc de mise.

Illégalité de la présence d’un emblème religieux sur une parcelle communale ne relevant pas des emplacements publics limitativement prévus par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905

En 2014, une statue de la Vierge Marie d’une hauteur de 3,6 mètres a été installé sur une parcelle de la commune de Saint-Pierre d’Alvey, village situé dans le département de la Savoie. Réalisé et financé par une association de droit privé, cet emblème religieux installé sur le domaine communal n’a toutefois pas fait l’unanimité.

Des habitants de la commune, invoquant la méconnaissance du principe de laïcité, ont ainsi demandé au maire de procéder à son retrait. Cette demande ayant donné lieu à une décision implicite de rejet, les habitants ont porté le litige devant le juge administratif.

En première instance, le Tribunal administratif de Grenoble a refusé de faire droit à la demande des requérants tendant à l’annulation de la décision susvisée et à ce qu’il soit enjoint au maire de procéder au retrait de la statue (TA Grenoble, 3 octobre 2019, n° 1603908). En effet, le juge a considéré que le terrain sur lequel l’emblème a été installé, marqué d’une croix sommitale et situé à environ deux kilomètres de l’église de la commune, devait être considéré comme une dépendance de celle-ci. Dès lors, il était possible d’y installer une statue de la Vierge Marie.

La Cour administrative d’appel de Lyon donnera finalement gain de cause aux habitants, en jugeant que la parcelle communale sur laquelle était installée la statue ne pouvait être regardée comme fonctionnellement indissociable de l’église. N’étant pas constitutive d’une dépendance indissociable et affectée de ce fait au culte, aucun emblème religieux ne pouvait donc y être édifié (CAA Lyon, 29 avril 2021, n° 19LY04186).

Contestant cette lecture de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la commune a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

Pour rappel, l’article 28 de cette loi pose un principe général d’interdiction d’élever ou d’apposer un quelconque signe ou emblème religieux sur les monuments et emplacements publics, exception faite des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. Le Conseil d’État avait ainsi déjà pu juger illégale, sur ce fondement, l’installation d’une statue du Pape Jean-Paul II sur une place communale (CE, 25 octobre 2017, n° 396990).

En l’occurrence, invités à se prononcer sur la qualification d’édifice servant au culte du terrain d’assise de la statue de la Vierge Marie et, en conséquence, sur la possibilité d’y installer un emblème religieux, les Juges du Palais-Royal ont répondu par la négative. En effet et contrairement à ce qu’avançait la commune requérante, le fait que des processions religieuses partant de l’église et convergeant vers ce terrain aient lieu chaque année depuis le 18ème siècle à l’occasion de la Pentecôte ne suffit pas à faire de cette parcelle un édifice cultuel au sens de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905.

Dans ces conditions, et dès lors que la parcelle ne constitue pas davantage un terrain de sépulture, un monument funéraire ou un lieu d’exposition, il a été jugé que la présence de la statue de la Vierge Marie méconnaissait les dispositions susmentionnées de la loi du 9 décembre 1905.

Le Conseil d’Etat a précisé, à cette occasion, que l’interdiction ainsi posée par l’article 28 de cette loi concerne à la fois les dépendances du domaine public et du domaine privé de la collectivité concernée.

Par ailleurs, le Conseil d’État rappelle que l’éventuelle qualification de la parcelle en dépendance immobilière nécessaire de l’église, au sens des articles 12 et 13 de la loi du 9 décembre 1905, et 5 de la loi du 2 janvier 1907, est sans incidence sur la légalité de la présence de la statue sur le domaine public. En effet, en application de ces dispositions, cette qualification de dépendance d’un édifice du culte, contrairement à celle d’édifice servant au culte, n’a d’incidence qu’en matière de propriété et d’affectation cultuelle de la parcelle.

Ainsi, seule la qualification d’édifice servant au culte de la parcelle aurait en l’espèce permis d’y élever des emblèmes religieux.

Marché de substitution, prestations de reprise des malfaçons et droit à l’information du titulaire initial

Attention au contenu d’un marché de substitution ! Le solde du marché de substitution ayant pour objet à la fois de remédier à des désordres dans la construction imputés à un titulaire et d’achever les prestations non réalisées par ce même titulaire dans le cadre de son propre marché, ne peuvent être mis à sa charge dans le décompte du marché mis en régie si ce titulaire n’a pas été mis en mesure d’en suivre l’exécution, alors même qu’un marché qui viserait uniquement à remédier à des désordres dans la construction ne saurait être qualifié de marché de substitution.

Dans le cadre d’une opération impliquant notamment la réhabilitation de l’ancien centre de tri postal et de sa reconversion en locaux associatifs, la communauté de communes d’Erdre et Gesvres a confié à l’office public de l’habitat Habitat 44 la maîtrise d’ouvrage de cette partie de l’opération. L’exécution du lot « Gros Œuvre » relatif à la construction de l’ouvrage, qui avait été confié à la société CBI, a été suspendu par Habitat 44 en raison de difficultés rencontrées sur le chantier. Mais, après avoir constaté que des travaux de reprise qui avaient sollicités n’avaient pas tous été exécutés, Habitat 44 a mis en demeure la société CBI de réaliser ces travaux dans un délai de quinze jours. La mise en demeure n’ayant pas été exécutée, la communauté de communes a résilié le marché aux frais et risques de la société. A l’initiative de cette dernière, l’affaire a été portée devant le Tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel. Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour et jugé que :

« Si les contrats passés par le maître d’ouvrage avec d’autres entrepreneurs pour la seule reprise de malfaçons auxquelles le titulaire du marché n’a pas remédié ne constituent pas, en principe, des marchés de substitution soumis aux règles énoncées au point précédent et, en particulier, au droit de suivi de leur exécution, il est loisible au maître d’ouvrage qui, après avoir mis en régie le marché, confie la poursuite de l’exécution du contrat à un autre entrepreneur, d’inclure dans ce marché de substitution des prestations tendant à la reprise de malfaçons sur des parties du marché déjà exécutées. Dans ce cas, le droit de suivi du titulaire initial du marché s’exerce sur l’ensemble des prestations du marché de substitution, sans qu’il y ait lieu de distinguer celles de ces prestations qui auraient pu faire l’objet de contrats conclus sans mise en régie préalable » (CE, 27 avril 2021, Société CBI, req. n° 437148).

Autrement dit, si les contrats visant à remédier à des malfaçons ne sont pas des marchés de substitution et ne permettent pas au titulaire du marché initial d’en suivre l’exécution, le maître de l’ouvrage peut inclure la reprise de malfaçons dans les marchés de substitution, ce qui ouvre au titulaire du marché initial un droit de suivi sur l’ensemble des prestations.

L’affaire lui ayant été renvoyée, la Cour administrative d’appel de Nantes tire les conséquences financières de cette règle dans cette affaire :

« il n’est pas contesté que le marché confié en décembre 2011 à la société Eiffage Construction avait pour objet à la fois de remédier à des désordres dans la construction imputés à la société CBI et d’achever les prestations non réalisées par cette même société dans le cadre de ses propres marchés. Il est également constant, ainsi que le reconnaissent les personnes publiques intimées, que ce marché n’a aucunement été notifié à la société CBI avant l’exécution de ce dernier et que la société appelante n’a donc pas été mise à même d’user du droit qu’elle a de suivre, en vue de sauvegarder ses intérêts, les opérations exécutées à ses risques et périls par le nouvel entrepreneur. La société CBI ne saurait donc être tenue de supporter les conséquences onéreuses de ce marché, alors même que ce marché avait partiellement pour objet de remédier à des désordres qui lui étaient imputés » (CAA de Nantes, 4 février 2022, Société CBI, req. n° 21NT01182).

Alors même que la société CBI n’en avait pas été informé, la communauté de communes avait, en effet, conclu un marché avec la société Eiffage pour reprendre les malfaçons et poursuivre l’exécution du marché initialement confié à la société CBI. Le droit de suivi du marché de substitution par le titulaire initial s’exerçant sur toutes les prestations exécutées dans le cadre du marché de substitution, le titulaire initial ne saurait supporter la charge de ce dernier.

On relèvera que d’autres contrats avaient été passés pour remédier aux désordres affectant les prestations du titulaire initial et que, dès lors qu’il n’est pas établi qu’ils « auraient inclus des prestations devant être initialement réalisées par la société CBI », ils n’ont pas la nature d’un marché de substitution, et pouvaient donc être pris en compte dans le décompte général et définitif du marché mis en régie en l’absence de notification au titulaire du marché initial.

Fonds de commerce et domaine public, les liaisons (toujours) dangereuses

Par une décision ambiguë en date du 11 mars 2022, le Conseil d’Etat estime que si la clause interdisant un fonds de commerce sur le domaine public est illicite, pour autant, il ne s’agit pas d’un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation de la convention.

Commençons par rappeler que l’article L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques précise depuis la loi du 18 juin 2014[1] qu’« un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre ». Ces dispositions ne sont applicables qu’aux contrats d’occupation qui sont postérieurs au texte[2]. En outre, le fonds de commerce doit ici être distingué du bail commercial, lequel demeure interdit sur le domaine public[3] compte du caractère précaire et révocable de l’occupation.

Les faits prenaient place au Cap-d’Ail : un couple exploitait depuis 1995 un restaurant sur le domaine public communal. La convention expire en 2016 et le couple signe une nouvelle convention d’occupation précaire de la parcelle pour une durée de cinq ans. Mention y est apportée que l’occupation ne donnerait lieu à la création d’aucun fonds de commerce.

Victimes selon leurs termes d’une « extorsion », le couple saisit  le Tribunal administratif en annulation du contrat. Les premiers juges[4], puis la Cour Administrative d’Appel de Marseille[5] leur donnent tort. Le Conseil d’Etat est saisi.

Le Tribunal administratif de Nice affirmait :

« les parties à la convention du 15 février 2016 ont pu, en toute légalité, exclure l’exploitation d’un fond [sic] de commerce sur la parcelle cadastrée AI 49 dès lors qu’il est constant que l’article L. 2124-32-1 précité du code général de la propriété des personnes publiques n’ouvre qu’une faculté pour une personne publique d’autoriser l’exploitation d’un fonds de commerce sur son domaine public artificiel ».

Pour les premiers juges, la reconnaissance d’un fonds de commerce ne relevait donc que d’une faculté à la discrétion des parties. Ils ne se sont donc pas penchés sur la licéité de la clause.

La Cour Administrative d’Appel de Marseille est déjà plus nuancée :

« à supposer même que cette clause serait illégale au regard des dispositions de l’article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques[…], cette illégalité ne pourrait, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, entraîner l’annulation de la convention ni même l’annulation de cette seule clause, indivisible du reste de la convention ».

En clair, compte tenu du prisme d’analyse donnée par la jurisprudence Béziers I[6], un tel ajout ne constitue pas à ses yeux un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat.

A quelques mots près, le Conseil d’Etat est du même avis et juge :

« La Cour administrative d’appel de Marseille a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la clause figurant à l’article 3 de la convention litigieuse, selon laquelle l’occupation du domaine ne donnerait pas lieu à la création d’un fonds de commerce, formait un ensemble indivisible avec les autres stipulations. En jugeant que la méconnaissance par une telle clause des dispositions de l’article L. 2124-32-1 du Code général des propriétés publiques ne pouvait constituer, à elle seule, un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation de la convention ou de cette seule clause indivisible du reste de la convention, la cour, par un arrêt suffisamment motivé, n’a pas commis d’erreur de droit ».

Certains lecteurs y ont vu la possibilité d’écarter contractuellement la création d’un fonds de commerce. Il conviendrait d’être plus prudent, car à bien le lire, le Conseil d’Etat se veut plus nuancé.

En effet, le (relativement) faible montant de la redevance domaniale est précisément lié à l’absence de possibilité de constituer un fonds de commerce[7]. La lecture de cette clause aurait probablement été différente si le montant de la redevance avait été équivalente aux prix du marché – du loyer de baux commerciaux voisins, par exemple.

De plus, il pourrait être tentant de généraliser cette interdiction aux conventions d’occupation à venir. Ne nous y risquons pas, car contrairement au Tribunal administratif de Nice qui n’y voyait qu’une simple faculté, le Conseil d’Etat rappelle bien qu’une clause proscrivant les fonds de commerce demeure illicite. Ce n’est que l’obstacle posé par la jurisprudence Béziers I qui retient le juge d’annuler le contrat. Mais alors, la loi s’effacerait au profit d’un principe prétorien ? Le débat doctrinal reste ouvert.

Enfin, à l’issue de la convention d’occupation, si malgré tout l’article L. 2124-32-1 du CG3P offre à l’occupant le droit de constituer un fonds de commerce, sa valeur chiffrée dépend-elle de l’existence d’un repreneur de l’activité ? Là encore, la décision commentée est éloignée de ces considérations financières. Prudence, donc, car le litige pourrait trouver une issue sur le plan indemnitaire et devant le juge commercial en cas de reprise de l’activité par un tiers. Voire administrative, sans repreneur, dans le cadre d’une procédure tirée de la faute commise d’avoir inséré, à tort, une telle clause.

En somme, le Conseil d’Etat n’a pas déplié toutes les aspérités d’une décision aux enjeux protéiformes.

 

Thomas MANHES, avocat associé

Seban Armorique

 

 

 

[1] relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel.

[2] CE, 24 novembre 2014, n° 352402.

[3] CE, 8e ch, 27 déc. 2021, n° 452381, pour un exemple, à propos d’un pourvoi non admis.

[4] TA Nice, 26 juin 2018, n° 1601897.

[5] CAA Marseille, 7e ch., 9 avr. 2021, n° 18MA03151.

[6] CE, Assemblée, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, p. 509.

[7] Conclusions du rapporteur public sur l’affaire « la cour relevait que la clause faisant obstacle à la reconnaissance d’un fonds de commerce exploité sur le domaine public n’était pas divisible des autres stipulations de la convention, comme trouvant nécessairement une contrepartie dans le montant de la redevance ».

Association en charge d’un musée municipal sur le domaine public : les différentes conventions d’occupation et de subventions doivent être analysées comme des délégations de service public, et les fonds comme des biens de retour

Par un arrêt en date du 24 mars dernier, le Conseil d’État répond à une question préjudicielle posée par le Tribunal judiciaire de Toulouse, et qualifie de délégations de service public une série de conventions par laquelle la ville de Toulouse avait autorisé une association à occuper son domaine public pour y gérer un musée local de la photographie, tout en lui versant des subventions.

Par une délibération du 18 mai 1978, la ville de Toulouse a créé un musée de la Photographie au Château d’eau, monument historique de la ville et appartenant à son domaine public. La Ville a, dans un premier temps, assuré la gestion en régie de ce musée, avant de la confier à l’association pour la Photographie au Château d’eau (l’association PACE), créée en 1981 « dans le but d’apporter son appui à la galerie » (Conclusions de Mireille Le Corre sous CE, 24 mars 2022, req. n° 449826).

Les relations entre la ville et cette association ont ainsi fait l’objet, depuis 1985, d’une série de conventions qui (i) autorisaient l’association à occuper la Galerie en organisant le contrôle de la ville sur l’activité de l’association et en mettant notamment (plus ou moins clairement selon les conventions) à la charge de cette dernière le soin de constituer le fonds de photographies qui devaient être exposées dans la Galerie et (ii) prévoyaient le versement de subventions municipales à l’association pour l’exercice de cette activité.

En 2019, l’association a été placée en procédure de sauvegarde, puis de redressement judiciaire, et a entendu céder les fonds photographique et documentaire. La Ville, considérant que ces fonds avaient été constitués à sa demande, pour la gestion d’un service public qu’elle avait délégué à l’association et qu’ils devaient ainsi être analysés comme des biens de retour lui appartenant ab initio, en a alors revendiqué la propriété devant le Juge-commissaire du Tribunal judiciaire de Toulouse.

Le Juge-commissaire a sursis à statuer pour saisir le Tribunal administratif de Toulouse d’une question préjudicielle relative à la qualification des différentes conventions conclues entre la ville et l’association depuis 1985, et à la nature des biens constitués dans le cadre de ces conventions.

Par un jugement du 2 février 2021, le Tribunal administratif a considéré que les premières conventions (conclues en 1985 et 1987) confiaient effectivement une mission de service public à l’association, mais que les subventions qui les accompagnaient était « de nature à prémunir l’association de tout risque lié à l’exploitation de ce service public », si bien qu’elles étaient en réalité des marchés publics de services. Et il a jugé que les conventions suivantes devaient être qualifiées uniquement de conventions d’objectifs et de moyens, et non pas de marchés publics, en raison de leur contenu, ou de délégations de service public, parce qu’elles ne confiaient pas à l’association un risque lié à l’exploitation de la Galerie. Et il en a déduit que les fonds ne pouvaient être qualifiés de biens de retour, mais sans se prononcer sur leur nature publique ou privée (TA Toulouse, 2 février 2021, req. n° 2005649).

Saisi en cassation, le Conseil d’État a pris le contrepied de ce jugement.

Il rappelle tout d’abord la différence fondamentale entre les contrats de la commande publique (marchés, concessions, délégations de service public) et les subventions : contrairement aux secondes, les premiers « sont conclus pour répondre aux besoins de la personne publique ».

Et ici, il ne faisait pas de doute que « l’ensemble des conventions visaient à répondre à un besoin de la commune ». La Rapporteure publique rappelle à ce titre que la ville a géré la Galerie en régie directe à ses débuts, a mis à la disposition de l’association certains de ses agents, et a surtout entendu, bien que les conventions les plus récentes l’indiquent moins clairement, mettre à la charge de l’association (d’ailleurs créée à cet effet) une mission de service public (Conclusions de Mireille Le Corre sous CE, 24 mars 2022, req. n° 449826).

Ce postulat admis, le Conseil d’État relève que si la ville a effectivement versé des subventions annuelles à l’association, celle-ci « a toujours conservé un risque lié à l’exploitation de la galerie, son équilibre financier n’étant pas garanti par les sommes apportées par la commune ». Il exerce donc un contrôle de la qualification juridique des faits permettant d’établir le transfert d’un risque lié à l’exploitation d’un service public et annule le jugement du Tribunal administratif sur ce fondement.

À ce sujet, on peut souligner que la Rapporteure publique s’appuyait, dans ses conclusions, sur « trois points permanents » pour établir qu’un risque d’exploitation avait été effectivement mis à la charge de l’association : « d’abord, la subvention n’est jamais définie comme une subvention d’équilibre, visant à compenser les charges de l’activité. Ensuite, l’association elle-même reconnaît que la diminution de la subvention a conduit à la réalisation du risque d’exploitation ayant été à l’origine du déficit de l’association de 60 000 euros et finalement à la procédure de sauvegarde. Enfin, même si le risque est faible, il existe et il est supporté par l’association. Rien ne garantit que les dépenses soient couvertes par les recettes tirées de l’exploitation de l’activité. Et, contrairement à la gestion d’une cantine par exemple dont l’activité est prévisible, la fréquentation d’expositions culturelles n’obéit évidemment pas à une telle stabilité » (Conclusions de Mireille Le Corre sous CE, 24 mars 2022, req. n° 449826).

S’agissant ensuite de la qualification des conventions, le Conseil d’État juge que toutes les conventions ont bien eu pour objet de confier à l’association « l’exploitation d’un musée de la photographie créé à l’initiative de la commune et dont elle avait assuré directement la gestion de 1978 à 1985, qu’elle a ensuite repris à compter du 1er janvier 2020 » et plus précisément, au regard du contenu des conventions, « la gestion d’un service public muséal ». Et parce qu’il considère que l’association a bien supporté un risque dans l’exploitation de ce musée, il en déduit que les conventions doivent être qualifiées de délégations de service public.

Par conséquent, le Conseil d’État applique le régime des biens de retour, aujourd’hui codifié à l’article L. 3132-4 du Code de la commande publique, aux fonds photographique et documentaire : il juge qu’ils ont bien été « constitués pour les besoins de l’exploitation du musée […] et notamment aux fins de réaliser des expositions ouvertes au public », si bien qu’ils « constituent des biens de retour », c’est-à-dire des biens « qui sont et demeurent la propriété de la commune de Toulouse ».

La Cour administrative d’appel de Bordeaux s’était d’ailleurs déjà prononcée en ce sens : dans le cadre d’une affaire relative aux conséquences de la liquidation d’une association chargée par la commune de Lourdes de gérer son musée local, elle avait jugé que les biens acquis par l’association pour constituer les collections de ce musée étaient affectés à un service public culturel, et qu’ils appartenaient dès lors au patrimoine de la Ville (CAA Bordeaux, 4 décembre 2000, Commune de Lourdes, req. n° 96BX00709).

Par un sixième avenant, la Commission européenne prolonge et adapte l’encadrement temporaire des aides d’Etat dans le contexte de crise sanitaire

Afin de faire face à l’impact économique de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid 19, la Commission Européenne a assoupli, de façon temporaire, le cadre régissant le recours aux aides d’Etat.

En effet, un premier encadrement temporaire, se fondant sur l’article 107.3,b) du TFUE, avait été adopté dès le mois de mars 2020 pour permettre aux entreprises ayant rencontrés des difficultés, à compter du 31 décembre 2019, de bénéficier d’aides au titre de ce dispositif.

Par suite, et face à une crise durablement installée, la Commission Européenne a dû adopter une succession de modifications relatives à cet encadrement pour continuer de s’adapter aux graves perturbations économiques rencontrées par les entreprises. Ainsi, des formes d’aides diverses ont été attribuées, des plafonds se sont vu relevés, et les délais d’octroi ont été étendus.

Par une communication du 18 novembre 2021 un sixième, et probablement dernier, avenant a été adopté. Cette modification a pour ambition de continuer à soutenir les entreprises, encore touchées par la crise, et de permettre une transition progressive vers la forte reprise attendue dans l’ensemble de l’économie européenne.

En premier lieu, cette sixième modification de l’encadrement temporaire des aides prévoit une prolongation de l’application de l’encadrement temporaire jusqu’au 30 juin 2022.

En second lieu, la Commission Européenne a entendu adapter le plafond de certaines catégories d’aides en les réévaluant à la hausse.

  • Concernant le régime des aides à un montant limité, le plafond est porté à 2,3 millions d’euros par entreprise et par pays, au lieu de 1,8 millions euros anciennement ;
  • Concernant les aides de soutien aux coûts fixes non couvertes, ces dernières ne doivent pas dépasser 12 millions d’euros, contre 10 millions d’euros anciennement.

En troisième lieu, deux nouveaux outils, dont le but est spécifiquement de soutenir de façon durable la reprise de l’économie, ont été adoptés.

  • D’un part, des mesures de soutien à l’investissement : il s’agit de permettre aux Etats membres de créer des mécanismes d’incitations pour encourager les entreprises à investir, et notamment pour permettre d’accélérer les transitions écologiques et numériques. Les montant de ces aides restent cependant plafonnés ;
  • D’autre part, des mesures de soutien à la solvabilité : il s’agit de permettre aux Etats membres d’octroyer des garanties afin que le risque lié à l’endettement des entreprises soit partagé entre Etats membres et investisseurs privés. La valeur de cette garantie est également plafonnée mais représente un intérêt certain eu égard à la montée de l’endettement des entreprises pendant la crise.

En dernier lieu, une série de modifications ont également été prévues par la Commission :

  • Une prolongation, jusqu’au 30 juin 2023, de la possibilité pour les Etats membres de convertir certains instruments remboursables, tels que les garanties, les prêts et les avances remboursables en d’autre formes d’aides, telles que des subventions directes ;
  • Une adaptation, proportionnellement à leur prolongation, des montants maximaux de certains types d’aides ;
  • Une clarification de l’utilisation des dispositions en matière de flexibilité exceptionnelle des lignes directrices de la Commission concernant les aides au sauvetage et à la restructuration ;
  • Une prolongation de trois mois, du 31 décembre 2021 au 31 décembre 2022, de la liste adaptée des pays à risque non commercialisable dans le cadre de l’assurance-crédit à l’exportation à court terme.

1607 heures : le bras de fer entre l’Etat et certaines communes continue

Les derniers mois ont vu naître un riche contentieux éminemment politique en matière de temps de travail dans la fonction publique territoriale, à l’occasion des recours engagés par les représentants de l’Etat dans les départements à l’encontre des mesures prises – ou non – par les collectivités pour faire application de leurs nouvelles obligations en la matière.

Rappelons en effet que, par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le législateur a décidé d’abroger le dernier alinéa de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qui prévoyaient la possibilité de déroger au temps de travail de 1607 heures imposées par la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, pour les collectivités dans lesquelles un temps de travail inférieur existait avant l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Les collectivités et leurs établissements publics disposaient d’un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes pour adopter une délibération conforme à ces dispositions. Ces délibérations avaient vocation à entrer en vigueur, une fois adoptées, au 1er janvier 2022.

A compter de cette date, l’ensemble des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale devaient donc appliquer un régime de temps de travail fixé sur la durée annuelle de 1607 heures, sous réserve des éventuelles sujétions reconnues pour des fonctions particulières autorisant à abaisser cette durée annuelle.

Pour cette raison, au cours de cette année 2021, certaines collectivités ont voté une délibération appliquant un régime de temps de travail de 1607 heures, qu’elles ont naturellement transmise au préfet au titre de son contrôle de légalité.

Le préfet pouvait alors déférer cet acte au juge administratif, le cas échéant dans le cadre d’une procédure d’urgence, s’il estimait qu’il était contraire aux obligations prescrites par la loi. C’est notamment ce qu’a fait le Préfet de Paris à l’encontre de la délibération de la ville de Paris de juillet 2021.

Le règlement modifié par la délibération avait en effet prévu l’octroi à l’ensemble des agents de la Ville de Paris de jours de congés supplémentaires en considération des « niveaux importants de bruit et de pollution atmosphérique et soumis à des conditions de travail particulières du fait de la sursollicitation du territoire et des services publics ». Ces circonstances constituaient, selon la ville de Paris, une sujétion justifiant une minoration de la durée annuelle de travail de l’ensemble des agents, prenant la forme de jours de congés supplémentaires.

Le Préfet de Paris n’a toutefois pas partagé cette analyse, et a déféré cette délibération devant le Tribunal administratif de Paris, sollicitant en urgence la suspension de cette délibération au regard de l’illégalité dont il l’estimait entachée. Selon le Préfet, on ne pouvait considérer que l’ensemble des agents de la commune était soumis à une sujétion particulière du fait du seul environnement de travail particulier de la ville de Paris.

Le Tribunal administratif, le 25 octobre 2021, puis, saisie à son tour, la Cour administrative d’appel de Paris, le 13 décembre 2021, ont donné raison au Préfet. Les deux juridictions ont estimé que les sujétions justifiant une diminution du temps de travail devaient être propres à chaque fonction exercée, et ne pouvaient résider dans la seule nature de l’environnement de travail de l’ensemble des agents[1].

Ce litige n’a toutefois marqué qu’une première étape dans les rapports entre l’Etat et certaines collectivités quant à la mise en œuvre de l’article 47 de la loi du 6 août 2019.

En effet, selon le Gouvernement, un cinquième des collectivités n’avaient pas adopté de délibération dans les délais prescrits par la loi, avec différentes motivations : pour certaines, les travaux nécessaires à la mise en place d’une délibération ont été très largement retardés par le contexte de la crise sanitaire qui rendait naturellement difficile notamment la mise en place du dialogue social qui cadence la plupart du temps la mise en place d’un nouveau régime de temps de travail, pour d’autres, en revanche, l’abstention à délibérer était volontaire et exprimait une opposition de leurs élus au principe même de la loi.

Estimant que cette abstention méconnaissait, dans tous les cas, les dispositions précitées de l’article 47 de la loi du 6 août 2019, et considérant cette abstention définitivement acquise au 1er janvier 2022, date à laquelle les délibérations, si elles avaient été prises, devaient entrer en vigueur, les préfets ont ainsi décidé d’agir à l’encontre de ces collectivités. N’ayant toutefois manifestement par concerté leur action, les recours engagés par les représentants de l’Etat ont donné lieu à des contentieux différents.

Ainsi le Préfet de la Seine-Saint-Denis a pour sa part décidé d’adresser une demande aux communes du département n’ayant pas encore adopté la délibération en leur enjoignant de lui communiquer la délibération appliquant les 1607 heures.

Les communes ont alors répondu au Préfet qu’elles étaient dans l’impossibilité de transmettre cette délibération, celle-ci n’ayant pas encore été votée, et lui demandaient un délai supplémentaire afin de poursuivre les négociations avec les organisations syndicales.

Le Préfet a saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil de deux requêtes en référé suspension, la première portant sur le refus de communiquer la délibération fixant le nouveau régime de temps de travail, la seconde demandant au Juge d’ordonner, en tant que mesure utile, que la délibération soit prise.

De manière quelque peu surprenante, le Juge des référés n’a communiqué aux communes que la première requête visant à suspendre le refus de communiquer la délibération, sollicitant en outre des injonctions au terme desquelles l’adoption du nouveau régime de temps de travail devait intervenir dans un délai d’un mois sous astreinte de 1 000 euros par agent et par jour de retard.

Ce recours était fondé sur deux moyens tirés de l’absence de communication.

Le choix du Préfet était particulièrement surprenant car aucune disposition du Code général des collectivités territoires (CGCT) ne lui permet de déférer au Juge une telle décision, rendant automatiquement son recours irrecevable.

En effet, les articles L. 2131-2 et L. 2131-3 du CGCT confèrent la possibilité au préfet de déférer à la juridiction administrative tout acte soumis à son contrôle de légalité ainsi que les autres actes des communes exécutoires de plein droit dont il aurait demandé la communication.

Or, la décision attaquée en l’espèce n’entrait pas dans le champ d’application de ces articles, le refus de transmission d’une délibération ne pouvant être assimilé à aucun des actes mentionnés par le CGCT.

Il était en outre évident que les communes qui n’avaient pas pris la délibération ne pouvaient lui communiquer une décision inexistante.

Le Juge aurait donc dû logiquement faire droit aux fins de non-recevoir soulevées en défense et rejeter pour irrecevabilité les déférés suspension.

Mais le Juge administratif, tout de même conscient de l’irrecevabilité de la demande telle que formulée par le Préfet, a d’une part décidé de requalifier sa demande de refus de communiquer une délibération en refus de prendre la délibération et, d’autre part, d’accueillir un moyen que le Préfet n’avait même pas pris la peine de soulever dans ses écritures, à savoir la méconnaissance de l’article 47 de la loi du 6 août 2019.

Il a en outre enjoint les communes, sous un délai de 40 jours, de transmettre au Préfet la délibération ou tout élément relatif au temps de travail de leurs agents.

Le Préfet se désistait par ailleurs de sa seconde requête, pourtant beaucoup mieux fondée en droit.

Toutefois, considérant les ordonnances rendues irrégulières, les communes ont décidé d’interjeter appel, faisant ainsi valoir la méconnaissance de l’office du Juge, qui a requalifié les demandes mêmes du Préfet ainsi que ses moyens, statuant ainsi bien au-delà des conclusions et moyens dont il était saisi.

Le Juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris bien qu’exprimant à l’audience ses doutes sur la recevabilité de cette requête de première instance, a fait le choix de confirmer les ordonnances, en considérant que le Préfet avait nécessairement entendu saisir le Juge de la question de la légalité du refus de la commune de satisfaire à l’obligation de mettre les règles définissant le temps de travail de ses agents en conformité avec les dispositions de la loi du 6 août 2019 et de prendre en temps utile la délibération[2] .

Un dernier volet s’ouvre avec la saisine annoncée par les communes du Conseil d’Etat à l’encontre de ces ordonnances.

Nul doute que la décision qui sera rendue par le Conseil d’Etat aura une influence certaine sur les jugements à venir du Tribunal administratif de Montreuil sur les déférés « classiques » déposés par le Préfet simultanément à ses déférés suspension, et qui restent encore à juger.

L’action de la Préfète du Val de Marne s’est présentée d’une façon quelque peu différente à l’encontre des collectivités du département. Un total de 11 communes et établissements n’ayant pas délibéré à la date d’émission de la requête – le 3 février 2022 – ont été déférées devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Melun. Selon la Préfète, cette abstention manifestait un refus des maires et du président d’établissement « d’appliquer la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 », qu’elle demandait donc au tribunal de suspendre, et d’accompagner sa décision d’une injonction avec astreinte à l’autorité territoriale de veiller à l’adoption d’une délibération en application de ces dispositions, dans un délai d’un mois.

Devant le juge, trois axes de défense principaux ont été opposés.

Un premier axe a été, pour certaines communes, de soulever une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre de la loi, l’estimant notamment contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales puisqu’elle les privait de toute possibilité de définir leur temps de travail librement.

Pour d’autres communes, il était surtout question de se défendre contre les conclusions en injonction de la Préfète : délibérer en un mois sur le temps de travail, sous la pression d’une astreinte importante, comme le demandait la Préfète, n’était tout simplement pas sérieusement envisageable. Les travaux nécessaires à l’élaboration d’une délibération, la consultation du comité technique, la réunion du conseil municipal étaient autant de facteurs qui rendaient impossible l’adoption d’une délibération dans ce délai.

Enfin, un autre ensemble de collectivités se trouvaient dans une situation bien différente : elles soutenaient qu’elles n’avaient aucune volonté de s’opposer à l’application de la loi du 6 août 2019, mais n’avaient, pour diverses raisons, tout simplement pas été en mesure de le faire dans le délai prescrit. Leur défense consistait alors, notamment, à démontrer qu’elles n’avaient pas pris la décision de refus que la Préfète leur imputait, en produisant par exemple des éléments attestant de l’avancée des travaux destinés à permettre la mise en œuvre de la délibération et des difficultés rencontrées pour délibérer dans les temps.

Ces axes de défense ont donné lieu à deux séries d’ordonnances rendues par le Juge des référés du Tribunal administratif de Melun, le 3 mars 2022.

La première catégorie d’ordonnances[3] donnait raison aux communes qui soutenaient être sur le point d’adopter la délibération, le Juge des référés estimant notamment que les travaux mis en œuvre par les services municipaux démontraient une volonté d’appliquer les dispositions de la loi du 6 août 2019, et excluaient donc que l’autorité territoriale soit regardée comme ayant refusé cette application. Pour certaines, la délibération avait même été adoptée entre-temps, ce qui excluait naturellement l’existence d’une décision de refus. Le Tribunal a donc rejeté la requête dans ces litiges, et a même condamné la Préfète au versement des frais irrépétibles, fait suffisamment rare pour être souligné.

La deuxième catégorie d’ordonnances[4] considérait, conformément aux conclusions de la Préfète, que les autorités territoriales des collectivités concernées devaient être regardées comme ayant refusé d’inscrire à l’ordre du jour de leur conseil municipal l’adoption d’une délibération faisant application de l’article 47 de la loi du 6 août 2019. Ce refus a donc été suspendu par le Juge des référés, qui a en revanche largement atténué la sévérité des conclusions de la représentante de l’Etat, en limitant son injonction à un délai de quatre mois à compter de la date de notification de l’ordonnance.

Surtout, le Juge des référés a jugé qu’il y avait lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les communes au Conseil d’Etat. C’est donc désormais à cette juridiction qu’il appartiendra de juger si la question doit être transmise au Conseil constitutionnel. Disposant à cette fin d’un délai de trois mois, le Conseil d’Etat rendra sa décision, au plus tard, le 3 juin 2022.

Pour l’heure, le premier acte, concernant pour l’essentiel un défaut total d’application de l’article 47, a donc pris fin avec ces ordonnances.

L’histoire est pour autant loin d’être terminée. Outre les suites que connaitra ou non la QPC soulevée, à laquelle pourrait se joindre d’autres communes, un nouvel acte débutera une fois les délibérations de ces communes adoptées. Outre l’application d’un régime de principe de 1607 heures, nombre de communes vont faire application des dérogations prévues par la réglementation, et définir une durée annuelle inférieure à ce seuil pour l’ensemble ou une partie de leurs agents, en considération des sujétions particulières de leurs fonctions.

Or, à ce jour, la jurisprudence comme la doctrine est très avare de précisions sur les sujétions qui peuvent être prises en compte, et la diminution de temps de travail qui peut être prévue dans ces cas. Ce flou, c’est à craindre, risque fortement de faire naître une nouvelle série de déférés, car, à l’instar de la ville de Paris, les préfets pourraient ne pas être en accord avec les interprétations qu’auront faites les communes des dérogations à la durée du travail prévues par la réglementation.

 

Lucie LEFEBURE et Vincent CADOUX

 

 

[1] CAA Paris, ordonnance du 13 décembre 2021, n° 21PA05761 (http://paris.cour-administrative appel.fr/content/download/186502/1796969/version/1/file/ordonnance%2021PA05761.pdf).

[2] CAA Paris, ordonnances du 30 mars 2022, n°22PA00703, 22PA00737, 22PA00738 et 22PA00739 (voir pièce jointe).

[3] TA Melun, ordonnance du 3 mars 2022, n°2201146 (http://melun.tribunal-administratif.fr/Media/TACAA/Melun/Decisions/2201146)

[4]TA Melun, ordonnance du 3 mars 2022, n° 2201150, (http://melun.tribunal-administratif.fr/Media/TACAA/Melun/Decisions/2201150)

Bilan de l’ouverture des marchés de détail de l’énergie au 4ème trimestre 2021 (données au 31/12/2021 publié le 25/03/2022)

La CRE a publié son observatoire des marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel pour le 4ème trimestre de 2021. Les données témoignent des effets de la crise des prix de l’énergie sur l’ouverture des marchés de détail pour les clients résidentiels et professionnels.

 

S’agissant des clients résidentiels, malgré la crise des prix, la CRE observe que la concurrence continue à se développer sur le marché de détail de l’électricité pour les particuliers, mais à un moindre rythme que les années passées.

 

Dans ce contexte haussier, le ralentissement de la croissance des offres de marché s’observe surtout chez les fournisseurs alternatifs alors que le développement des offres de marché des fournisseurs historiques est stable.

 

La CRE relève qu’en revanche, l’ouverture s’accélère sur le marché de détail du gaz naturel, et ce compte tenu de la fin programmée des tarifs réglementés de vente de gaz en juillet 2023. Dans ce cadre, la CRE observe que les usagers se tournent surtout vers les offres de marchés des fournisseurs historiques.

 

Néanmoins, en électricité comme en gaz naturel, si la part des offres de marché continue à augmenter, le nombre d’offres de marché à prix variables proposées au consommateur s’est fortement réduit du fait là encore de la crise énergétique.

 

S’agissant des clients professionnels, en électricité, la dynamique d’ouverture du marché a perduré, même si les fournisseurs alternatifs ont gagné moins de clients qu’au cours des précédents trimestres, alors que le développement de la concurrence est resté stable au cours du 4ème trimestre 2021 pour le gaz naturel.

 

Enfin, les comparaisons sur les différents segments de clientèle publiés par la CRE montrent que les tarifs réglementés de vente ont gagné en compétitivité par rapport aux trimestres précédents, regardés sans doute comme des valeurs refuges dans cette période de crise énergétique.

 

Proposition de loi nº 5170 visant à faciliter le recours à l’autoconsommation collective et à promouvoir la transition énergétique

L’autoconsommation collective a été introduite dans le droit français par la loi Transition énergétique du 17 août 2015, aujourd’hui codifiée à l’article L. 315‑2 du Code de l’énergie.

 

Depuis, quelques évolutions juridiques ont été mises en œuvre afin de la rendre plus attractive, telle que la possibilité pour les organismes d’habitation à loyer modéré de « créer, gérer et participer à des opérations d’autoconsommation collective » [1], la pérennisation de l’autoconsommation collective étendue, et l’admission de l’intervention du tiers‑investisseur dans l’opération d’autoconsommation individuelle [2].

 

Malgré ces évolutions, le régime juridique et financier de l’autoconsommation collective ne favorise pas son essor. En effet, l’autoconsommation collective ne bénéficie d’aucun soutien financier spécifique et n’est pas immédiatement rentable, compte tenu notamment des coûts d’installation très importants, avec un retour sur investissement estimé à plus de 24 ans.

 

La proposition de loi insiste sur la nécessité de développer l’autoconsommation collective afin de d’atteindre les objectifs fixés par la France pour lutter contre le réchauffement climatique.

 

La proposition de loi propose ainsi une série de mesures afin que l’autoconsommation collective devienne un mode de production et de consommation d’avenir avec un cadre permettant de s’assurer que le producteur d’une opération d’autoconsommation d’énergie puisse couvrir ses coûts de production, s’assurer une rentabilité raisonnable et proposer un prix de vente de l’électricité aux consommateurs qui soit compatible avec les offres du marché.

 

Ainsi, afin de pallier l’insuffisance des aides financières, l’article 1er de la proposition de loi prévoit d’étendre le bénéfice des Certificats d’économie d’énergie (CEE) aux opérations d’autoconsommation collective et individuelle.

 

L’article 2 met en œuvre un mécanisme de Prêts garantis par l’État (PGE), appelé « Prêt d’amorçage écologique », qui serait une garantie d’État pour les prêts liés aux investissements dans des projets visant à réduire la consommation énergétique ou l’empreinte carbone des entreprises, tous secteurs d’activité confondus, avec une logique assurantielle dans laquelle les fonds de l’État ne seraient débloqués qu’en cas d’échec des projets d’autoconsommation collective.

 

L’article 3, révise les modalités de fixation du Tarif d’Utilisation du Réseau Public de transport d’Electricité (TURPE) afin de mettre en œuvre un cadre permettant aux autoconsommateurs de payer en fonction de la nature des coûts qu’ils génèrent pour le financement du réseau.

 

Dans la même logique, l’article 4 exonère les flux autoproduits par les autoconsommateurs de Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Electricité (TICFE) et de Taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE), comme c’est le cas pour l’autoconsommation individuelle. Cela permettrait ainsi d’alléger les lourdes formalités comptables auxquelles sont exposées les autoconsommateurs collectifs.

 

Par ailleurs, afin d’alléger les contraintes juridiques, l’article 5 supprime l’obligation de mettre en œuvre une Personne Morale Organisatrice (PMO). L’organisation de l’autoconsommation collective s’aligne sur le fonctionnement de l’autoconsommation individuelle avec la possibilité de désigner un mandataire pour gérer les clés de répartition directement en lien avec le consommateur, via des compteurs dédiés.

 

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[1] Article L. 424-3 du code de la construction et de l’habitation issu de l’article 41 de la Loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

[2] L. 315‑1 du code de l’énergie

Modification des taux de réfaction tarifaire applicables pour le raccordement des installations de biogaz et des installations de production d’électricité à partir d’EnR aux réseaux d’énergie

Consultation publique relative à la participation de tiers aux investissements nécessaires au renforcement des réseaux de gaz naturel pour l’insertion du biométhane

 

Arrêté du 22 mars 2022 relatif à la prise en charge par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité des coûts de raccordement aux réseaux publics d’électricité des installations de production d’électricité renouvelable

 

En matière de gaz, pour rappel, les articles L. 452-1 et L. 452-1-1 du Code de l’énergie fixent le plafond de prise en charge dans le tarif régulé (tarif d’Accès des Tiers au Réseau de Distribution de gaz naturel, ATRD) des coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de transports et à certains réseaux publics de distribution de gaz naturel.

 

Dans ce cadre, l’arrêté du 30 novembre 2017 fixait ce taux de réfaction applicables aux coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de distribution de gaz naturel à 40 % du coût du raccordement et l’arrêté du 10 janvier 2019 fixait le taux de réfaction des coûts de raccordement de ces installations aux réseaux de transports  gaz naturel à 40 % de ce coût dans la limite d’un plafond de 400.000 euros.

 

Puis, l’article 94 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 [1] a modifié les dispositions des articles L. 452-1 et L. 452-1-1 du Code de l’énergie susvisés afin d’augmenter de 40 % à 60 % lesdits plafonds de réfaction tarifaire.

 

Dans ce contexte, l’arrêté du 2 mars 2022 ici commenté, dont le projet a fait l’objet d’une délibération de la CRE en date du 27 janvier 2022 et d’un avis d’ailleurs défavorable de la part de cette dernière, vient désormais fixer :

 

  • Pour l’application de l’article L. 452-1 du Code de l’énergie, le niveau de prise en charge des coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de transport de gaz naturel à 60 % du coût du raccordement, dans la limite de 600.000 euros ;

 

  • Pour l’application de l’article L. 452-1-1 du Code de l’énergie, le niveau de prise en charge des coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de distribution de gaz naturel qui ne sont pas concédés en application de l’article L. 423-6 du Code de l’énergie et dont la société gestionnaire dessert un réseau de distribution de plus de 100.000 clients sur le territoire métropolitain continental, également à 60 % du coût du raccordement, dans la limite de 600.000 euros.

 

Ainsi, l’arrêté en date du 2 mars 2022 vient abroger les arrêtés susvisés des 30 novembre 2017 et 10 janvier 2019 mais ces derniers continuent toutefois s’appliquer aux contrats de raccordement d’installation de production de biométhane mentionnés à l’article D. 446-13 du Code de l’énergie dont la signature est antérieure à son entrée en vigueur.

 

On notera qu’en parallèle de cette première incitation à l’injection de biogaz dans les réseaux de gaz naturel, la CRE avait ouvert, jusqu’au 24 mars 2022, une consultation publique relative aux modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion de biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

 

Cette consultation s’inscrit dans le cadre du « droit à l’injection » instauré par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 [2] pour les producteurs de biogaz et le dispositif de « participation de tiers » permettant aux porteurs de projets aux collectivités locales ou tout autre tiers d’apporter une contribution financière dans les zones considérées comme non efficaces pour l’injection du biométhane.

 

En matière d’électricité, c’est l’article L. 341-2 du Code de l’énergie qui prévoit une réfaction tarifaire pour le raccordement aux réseaux publics des installations de productions d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables pour les producteurs.

 

A ce titre, l’article 98 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 susvisée est venue relever le plafond du taux de réfaction, fixé à 40 % du coût de raccordement, à 60 % pour les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable dont les installations sont raccordées aux réseaux publics de distribution, pour des puissances inférieures à 500 kilowatts.

 

Il a également inséré au sein de l’article L. 341-2 susvisé du Code de l’énergie un plafonnement dérogatoire du taux de prise en charge de 8 0% pour certaines opérations de remplacement, d’adaptation d’ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes.

 

Et, l’arrêté du 22 mars dernier vient fixer les taux de réfaction tarifaire à l’aune de ce évolutions, modifiant ainsi l’arrêté du 30 novembre 2017, lui-même modifié par l’arrêté du 19 mars 2019.

 

Ainsi, le nouvel arrêté relève de 40 % à 60 % ce taux de réfaction tarifaire pour les installations d’une puissance inférieure à 500 kilowatts, allégeant ainsi leur coût, la part réfactée se trouvant prise en charge par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE).

 

___________

[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

[2] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

Lancement de deux procédures de mise en concurrence pour la réalisation d’un projet d’éoliennes flottantes en Méditerranée

Proposition de loi permettant d’arrêter l’implantation anarchique des éoliennes, n° 5163, déposé(e) le mardi 15 mars 2022

Saisi par la Ministre de la transition écologique sur le fondement des dispositions de l’article L. 121-8-1 du Code de l’environnement et L. 311-10 du Code de l’énergie, la Commission nationale du débat public a, par une décision du 29 juillet 2020, ouvert un débat public quant à la construction et l’exploitation de parc éoliens flottants en mer Méditerranée.

 

Le compte rendu et le bilan de ce débat public ont été publiés le 31 décembre 2021.

 

Dans ce cadre, par la décision du 17 mars 2022 ici commentée, la Ministre de la transition écologique a décidé de lancer deux procédures de mise en concurrence en vue de l’attribution de parcs éoliens situés en mer Méditerranée et plus précisément sur des zones numérotées de 1 à 3 identifiées en annexe de la décision :

 

  • La première sera lancée en 2022 pour l’attribution de deux parcs d’éoliennes en mer flottantes d’une puissance d’environ 250 mégawatts ;

 

  • La seconde sera lancée ultérieurement pour deux autres parcs d’une puissance d’environ 500 mégawatts, lesquels constitueront des extensions des premiers.

 

Les zones de raccordements en mer et à terre de ces parcs telles qu’envisagées sont également identifiées en annexe 1 de cette décision et feront l’objet d’une concertation comme prévu par la circulaire du 9 septembre 2002 relative au développement des réseaux publics de transport et de distribution de l’électricité.

 

On notera que cette décision intervient alors qu’une nouvelle proposition de loi très hostile à l’éolien a été déposée, le 15 mars 2022, à l’Assemblée nationale.

 

Dans le même esprit qu’une proposition de loi qui avait été déposée le 25 janvier dernier devant l’Assemblée Nationale et commentée dans une précédente lettre d’actualité du cabinet, cette proposition de loi « permettant d’arrêter l’implantation anarchique des éoliennes » prévoit un droit de véto au profit des communes consultées dans le cadre d’un projet d’installation de parc éolien, leur permettant d’empêcher l’octroi de l’autorisation environnementale nécessaire au projet.