Contrats publics
le 19/05/2022

Un contrat entre une collectivité et une personne agréée sur le traitement des matières issues des installations d’assainissement non-collectif est de droit privé

Tribunal des conflits, 11 avril 2022, Métropole Européenne de Lille, n° 4240

Par sa décision en date du 11 avril 2022, le Tribunal des conflits règle un conflit de compétence négatif entre les juridictions judiciaire et administrative qui s’estimaient toutes deux incompétentes pour connaitre d’un litige né de l’exécution d’une convention portant sur le traitement des matières de vidange issues des installations d’assainissement non collectif conclue entre la Métropole européenne de Lille et une personne agréée exerçant des activités de vidange, curage et réfection de fosses et égouts.

Cette convention, qui permettait à la personne agréée de déposer dans certaines stations d’épuration les matières issues des vidanges qu’elle avait effectuées dans des systèmes d’assainissement non collectif, avait été résiliée par la MEL pour faute, en particulier à la suite d’un déversement d’hydrocarbures dans le réseau d’assainissement ; par la suite, la MEL avait adressé à la personne agréée un titre exécutoire afin de mettre à sa charge le coût des opérations d’investigation et de curage qui avaient été rendues nécessaires par ces pollutions d’hydrocarbures.

Souhaitant obtenir l’annulation du titre exécutoire, la personne agréée a saisi le Tribunal de grande instance de Lille d’une demande en ce sens. Mais, par une ordonnance du 28 janvier 2019, le Tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur une telle demande.

La personne agréée s’est donc tournée vers le Tribunal administratif de Lille. Mais celui-ci a, par jugement du 12 novembre 2021, saisi par renvoi le Tribunal des conflits afin que soit tranchée la question de la compétence juridictionnelle.

La réponse à cette question dépendait de l’analyse qui devait être faite de la situation de la personne agréée par rapport au service public de l’assainissement non collectif, lequel est par détermination de la loi un service public à caractère industriel et commercial : s’il s’agissait d’un simple usager du service, le contrat était de droit de droit privé et ressortait donc de la compétence de la juridiction judiciaire ; à l’inverse, si le contrat devait être regardé comme faisant participer cette personne à l’exécution du service, il était de droit public et le litige relatif à son exécution ressortait donc de la compétence du juge administratif.

Dans sa décision du 11 avril 2022, le Tribunal des conflits opte pour la première solution et statue en ces termes :

« Lorsqu’une collectivité territoriale décide, dans le cadre du service public de l’assainissement et en application du III de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, de permettre aux personnes agréées de déposer en station d’épuration des matières qu’elles ont collectées d’installations non collectives, la personne agréée, qui assure ainsi l’élimination des matières de vidange dont elle a pris la charge, doit être regardée comme un usager de ce service public. La convention par laquelle la collectivité territoriale organise avec la personne agréée le dépôt par cette dernière des matières qu’elle a collectées et transportées ne peut être regardée comme faisant participer cette personne à l’exécution du service public de l’assainissement ».

Concluant que le contrat litigieux correspondait des rapports de droit privé entre un service public industriel et commercial et l’un de ses usagers, le Tribunal des conflits renvoie donc logiquement l’affaire au Tribunal judiciaire de Lille.

Cette décision fait prévaloir une appréciation restrictive de la notion de contrat faisant participer le cocontractant à l’exécution du service public. Ce faisant, elle s’inscrit en cohérence avec la jurisprudence dégagée dans des situations analogues, notamment celle par laquelle le Tribunal des conflits avait qualifié de contrats de droit privé les marchés ayant pour objet la vérification de la conformité des installations d’assainissement non collectif et la transmission aux services de la collectivité de rapports techniques comportant des propositions de décision, au motif que leurs titulaires ne pouvaient être regardés comme gérant du service (Tribunal des conflits, 12 novembre 2018, SARL Millet BTP et SMABTP, req. n° 4139).