Urbanisme, aménagement et foncier
le 19/05/2022

La Cour administrative d’appel de Paris reconnait l’intérêt public majeur de la liaison ferroviaire directe CDG Express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle

CAA Paris, 28 avril 2022, n° 20PA03994

Le CDG Express permettra de relier directement la gare de l’Est à l’aéroport Paris Charles de Gaulle.

Pour permettre sa réalisation, le projet doit respecter toute une série de procédures et disposer de diverses autorisations, parmi lesquelles une autorisation environnementale organisée par les articles L. 181-1 et suivants du Code de l’environnement. Cette autorisation délivrée le 11 février 2019, tient lieu d’autorisation au titre de la loi sur l’eau, de déclaration au titre du régime Natura 2000 et de dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées.

C’est en tant que l’arrêté du 11 février 2019 emporte dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, que le Tribunal administratif de Montreuil avait, à la demande de la commune de Mitry-Mory, annulé l’arrêté en cause.

Le Ministère de la transition écologique, Aéroport de Paris, SNCF Réseau et la société gestionnaire d’infrastructures CDG Express ont sollicité l’annulation de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Paris.

Pour procéder à l’annulation de l’arrêté du 11 février 2019 en tant qu’il délivre la dérogation faune flore prévue à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, le Tribunal a jugé que, contrairement à ce qu’exige cet article, le CDG Express n’était pas justifié par une « raison impérative d’intérêt public majeur ».

En effet, pour rappel, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement prévoit le principe selon lequel il est interdit de porter atteinte aux espèces floristiques et faunistiques protégées. Si l’article L. 411-2 prévoit la possibilité d’obtenir une dérogation à ce principe, ce n’est qu’à plusieurs conditions : tout d’abord qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante mais également que les atteintes autorisées ne nuisent pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Ces dérogations doivent, de plus, être justifiées par l’un des motifs énumérés à l’article L. 411-2, notamment, par l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou par d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.

L’arrêté inter-préfectoral a précisé que le projet était bien justifié par un intérêt public majeur en relevant que le CDG Express « vise à améliorer la desserte de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle par les transports en commun, à décongestionner le réseau existant, à soutenir le développement économique de l’agglomération francilienne et à faciliter l’interconnexion entre les différents modes de transports », il a en outre « fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ».

Le Tribunal administratif de Montreuil a jugé ces motifs insuffisants pour qualifier l’existence d’un tel intérêt public majeur et a donc partiellement annulé l’arrêté inter-préfectoral en tant qu’il autorisait à porter atteinte à certaines espèces protégées.

La Cour a censuré le raisonnement du tribunal en relevant le déploiement de l’activité de l’aéroport Charles de Gaulle, en soulignant « le constat d’un défaut d’adaptation de ses actuelles conditions de desserte » qui a été fait de longue date, « tant en ce qui concerne la saturation des axes routiers, conduisant à des trajets à la durée incertaine, que la longueur des trajets réalisés par la ligne B du RER […] et qu’il en résulte des nuisances sur le confort et les conditions de transport de l’ensemble des usagers de la ligne ». La Cour poursuit en relevant que « le report de trafic des passagers à destination de l’aéroport vers la nouvelle ligne expresse peut être raisonnablement regardé comme de nature à améliorer les conditions de circulation et de confort pour l’ensemble des usagers du réseau public, en limitant les incidents ».

Après avoir relevé que la concession de travaux « prévoit la réalisation de travaux sur les voies existantes empruntées par le TER et sur des ouvrages communs aux voies empruntées par ce TER, le transilien et la ligne B du RER comme par le « Charles de Gaulle Express » projeté, et une participation financière du concessionnaire à d’autres travaux à destination « des transports en commun du quotidien » ; la Cour souligne que l’intérêt public majeur est également constitué dans la mesure où il « n’est pas sérieusement contestable que la mise en place d’une desserte spécifiquement dédiée et conçue pour les voyageurs à destination et de retour de l’aéroport Paris Charles de Gaulle, présentant des caractéristiques d’accès aisé, de haut niveau de régularité et de ponctualité sera de nature à améliorer l’image, l’attractivité et la compétitivité de cet aéroport et plus généralement à renforcer l’attractivité touristique de Paris et sa région pour l’ensemble des voyageurs intéressés ».

Enfin, les nombreuses interventions législatives et celles du Conseil d’Etat visant à permettre la réalisation du CDG Express ont également nourri la réflexion de la Cour qui a rappelé qu’ « il est constant que le législateur, à cinq reprises, a adopté des dispositions relatives à la réalisation d’une liaison ferroviaire expresse entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, et qu’une habilitation consentie par lui au Gouvernement sur le fondement de l’article 38 de la Constitution a conduit à la prise d’une ordonnance aux mêmes fins. Le Conseil d’État statuant au contentieux a, par un arrêt n° 411086, 411154 du 22 octobre 2018, regardé comme légalement fondée la déclaration d’utilité publique du projet, aux motifs notamment des bénéfices attendus du projet, qui permettra notamment d’améliorer la desserte de l’aéroport international Charles-de-Gaulle, le deuxième aéroport européen, et de le doter d’une liaison directe, rapide et assurant un haut niveau de ponctualité, à l’instar des dessertes d’aéroports internationaux d’autres États membres de l’Union européenne, de favoriser le développement économique régional et national, en contribuant à la compétitivité de la région Ile-de-France et de Paris ainsi qu’à la réussite des Jeux Olympiques de 2024 et de s’inscrire, par un mode de transport plus respectueux de l’environnement limitant le recours aux transports routiers, dans le cadre d’un développement durable ».

Cet arrêt est une nouvelle illustration des difficultés évidentes que représente l’interprétation de la notion de raison impératives d’intérêt public majeur. Cette analyse éminemment casuistique, et quelque peu subjective donc, représente un sujet difficile à anticiper et appréhender pour les porteurs de projet, et donc une fragilité juridique.

Le Conseil d’Etat aura peut-être une nouvelle occasion d’affiner son interprétation de cette notion si la commune de Mitry-Mory décide de se pourvoir en cassation.