L’obligation de mise en concurrence impose que les contrats de travaux soient soumis au vote de l’assemblée générale

Selon l’article 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, « l’assemblée générale des copropriétaires, statuant à la majorité de l’article 25, arrête un montant des marchés et des contrats à partir duquel la consultation du conseil syndical est rendue obligatoire. A la même majorité, elle arrête un montant des marchés et des contrats autres que celui de syndic à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire ».

Selon l’article 19-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, « la mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic, prévue par le deuxième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l’assemblée générale n’en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises ».

En l’espèce, un copropriétaire demandait l’annulation de la résolution d’une assemblée générale ayant approuvé le seul devis mentionné à l’ordre du jour, au motif que la mise en concurrence suppose que plusieurs devis soient soumis au vote de l’assemblée générale.

Dans un arrêt du 15 décembre 2020, la Cour d’appel de Versailles rejette sa demande, dans la mesure où même si un seul devis a été soumis au vote de l’assemblée générale des copropriétaires, plusieurs devis avaient été joints à la convocation et avaient fait l’objet d’un audit par le maître d’œuvre. 

La Cour de cassation, dans son arrêt du 9 mars 2022, casse cet arrêt, affirmant que « la mise en concurrence impose, lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps que l’ordre du jour, qu’ils soient soumis au vote de l’assemblée générale ».

Ce faisant, elle considère que le respect de l’obligation de mise en concurrence nécessite que les copropriétaires eux-mêmes, et non le seul maître d’œuvre, aient la possibilité de choisir entre les différents devis.

Vente parfaite : celui qui s’est déjà engagé ne peut vendre au plus offrant

Selon l’article 1583 du Code civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

En l’espèce, alors qu’ils ont accepté une offre d’achat de leur bien immobilier, les vendeurs se rétractent au profit d’un autre acquéreur, dont l’offre est supérieure à la première.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 20 novembre 2020, rejette la demande de dommages et intérêts des acquéreurs évincés. Elle retient du document intitulé « Proposition d’achat » – qui détermine l’objet de la vente, l’adresse, le prix du bien, et la mention « bon pour acceptation de l’offre » – qu’il ne constitue qu’une « simple acceptation d’une offre ». La Cour d’appel considère que les parties n’en étaient qu’au stade des pourparlers et que la vente n’est pas parfaite.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 16 mars 2022, casse cet arrêt d’appel, au visa de l’article 1583 du Code civil : « En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la proposition d’achat, qui indiquait la chose à vendre et le prix proposé sans concours bancaire avait été contresignée par [les vendeurs] qui y avaient ajouté la mention manuscrite « lu et approuvé, bon pour acceptation de l’offre », de sorte qu’il y avait accord des parties sur la chose et sur le prix rendant la vente parfaite, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Le refus de mettre en place une enquête administrative n’est pas contestable

Il y a si peu de décisions rendues sur la question des enquêtes administratives que chacune d’entre elles est scrutée à la loupe…surtout quand il n’y a pas grand-chose à voir.

Les enquêtes internes ont toujours existé, elles sont indispensables à l’employeur pour éclaircir certains faits ou comprendre l’origine d’une situation parfois complexe. Appelées enquêtes administratives dans le secteur public – on notera d’ailleurs que la décision commentée reprend la terminologie du privé – elles se sont considérablement développées d’une part du fait du contrôle du juge sur la matérialité des faits qui motivent les décisions (la faute a-t-elle bien été commise ?), d’autre part en raison de la mise en place des mécanismes de signalement de harcèlement moral, sexuel et actes sexistes qui requièrent que l’employeur, afin de protéger ses agents, détermine la réalité des actes signalés.

Si quelques rares décisions ont pu être rendues permettant d’encadrer juridiquement le déroulement de ces enquêtes, aucune à notre connaissance n’était venue préciser si la décision refusant de mettre en place une telle enquête pouvait être utilement déférée au Juge administratif.

Donc, dans l’affaire ici brièvement commentée, on notera que la requérante, étudiante en thèse d’après la décision de première instance, a saisi l’Administrateur général du Collège de France d’un signalement relatif à des « faits constitutifs d’abus de fonctions et d’une violation des devoirs de l’enseignant » et a sollicité en conséquence qu’une enquête interne soit organisée afin probablement de les voir établis et l’enseignant sanctionné.

C’est le refus implicite opposé à cette demande qui a fait l’objet d’un recours initial devant le Tribunal administratif de Paris, lequel a été rejeté et dont l’appel a été transmis à la Cour administrative d’appel de Paris.

Pour mémoire, le Collège de France est un établissement public d’enseignement supérieur et de recherche, dont l’administrateur général a l’autorité sur tous les personnels. La procédure disciplinaire est encadrée par le Code de l’éducation qui renvoie à la procédure, en tout cas pour les enseignants chercheurs, applicable au sein des universités. Or, cette précision revêt toute son importance puisque cette procédure spécifique comporte une phase d’instruction au cours de laquelle une commission d’instruction « instruit l’affaire par tous les moyens qu’elle juge propres à l’éclairer », en étant notamment obligée d’entendre l’enseignant visé, et rend un rapport dans un délai maximal de deux mois sur lequel la section disciplinaire se fondera pour décider (ou pas) d’une sanction[1].

En réalité, le Président de l’Université (ou en l’espèce l’Administrateur général du Collège de France) dispose naturellement de l’opportunité des poursuites : tous les faits qui lui sont signalés ne déboucheront pas nécessairement sur l’ouverture d’une procédure disciplinaire et donc sur la saisine de cette commission d’instruction. Il a, dans ses compétences en qualité d’autorité disciplinaire[2], l’obligation d’apprécier si les faits sont suffisants pour saisir la commission d’instruction.

Et c’est probablement précisément à ce stade que se joue notre affaire : la requérante a, semble-t-il, sollicité qu’une enquête administrative, qui aurait eu pour effet d’éclairer l’Administrateur général sur l’opportunité de saisir la commission d’instruction, soit diligentée. Ce dernier, estimant sans doute que les faits et les preuves soumis n’étaient pas suffisants, n’a pas donné suite à cette demande.

La Cour administrative d’appel de Paris, saisie en appel de la décision du Tribunal administratif de rejeter le recours de la requérante à l’encontre de cette décision implicite de rejet, l’a également déboutée, toujours sur le fondement de l’irrecevabilité de la demande.

On aurait pu imaginer que cette irrecevabilité soit fondée sur l’absence d’intérêt à agir de la requérante, reprenant ainsi la jurisprudence constante du Conseil d’Etat qui considère que le droit disciplinaire intéressant au premier chef les rapports de l’administration et de ses agents, un tiers n’a pas d’intérêt à agir contre une sanction disciplinaire infligée à un fonctionnaire, alors même que le comportement de l’agent sanctionné lui avait causé un préjudice (CE 17 mai 2006, Bellanger, req. 268938). C’est d’ailleurs un des arguments retenus par le Tribunal administratif : « A supposer que la requérante ait entendu demander à l’Administrateur du Collège de France l’ouverture d’une enquête disciplinaire à l’encontre de son ancien directeur de thèse, elle serait en tout état de cause dépourvue d’intérêt à déférer au juge administratif le refus de prendre une telle mesure ».

On notera que le tribunal opère une différence claire entre l’enquête administrative, et l’enquête disciplinaire qui est probablement celle de la commission d’instruction préalablement citée.

Mais quoi qu’il en soit, la Cour, à l’instar du tribunal, s’est fondée sur non pas la qualité du demandeur, mais sur la nature même de l’acte. Quel que soit le requérant, la décision de refuser d’organiser une enquête administrative ne pourra être utilement déférée au juge administratif, lequel considère qu’il s’agit là d’une mesure d’ordre intérieur, non susceptible de recours.

Il s’agit là en réalité de l’application d’une jurisprudence ancienne[3] mais constante du Conseil d’Etat.

Pour mémoire, la notion de mesures d’ordre intérieur est employée par le juge administratif « pour qualifier certains actes pris par l’autorité administrative pour l’organisation du service ou pour des motifs disciplinaires, dans des domaines où elle jouit d’un très large pouvoir discrétionnaire »[4] ou, plus concrètement, « les mesures d’ordre intérieur n’affectent pas l’ordonnancement juridique et la situation de leurs destinataires de manière suffisamment immédiate ou grave pour justifier qu’un juge en connaisse ».[5]

En d’autres termes, la décision de mettre en place, ou non, une enquête administrative est une décision éminemment discrétionnaire mais de faible gravité, dont les conséquences juridiques sont mineures. Le Tribunal administratif précise d’ailleurs que la décision est une « simple » mesure d’ordre intérieur.

Le Rapporteur public sous cet arrêt de la Cour administrative d’appel, Marc Baronnet, a considéré dans ses conclusions que la qualification de mesure d’ordre intérieur se justifiait non seulement par la volonté d’éviter à l’administration de justifier des demandes d’enquêtes inopportunes (ce dont on peut respectueusement disconvenir), mais également en raison de l’existence de voies alternatives telles que, notamment dans l’hypothèse de harcèlement moral ou sexuel, le recours indemnitaire contre l’administration ou la plainte pénale.

C’est cependant bien mal connaître les délais de traitement des plaintes et des recours devant les juridictions administratives, qui peuvent frôler les trois ans.

Bref : l’intérêt pratique de cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris est que les employeurs publics ne sont pas tenus d’organiser des enquêtes administratives dès lors qu’un fait est dénoncé, et leur refus (ou leur acceptation) ne pourra pas faire l’objet d’une quelconque annulation, le recours étant ab initio irrecevable. Cette décision ne pourra pas plus fonder un recours en responsabilité d’ailleurs, et l’employeur n’aura donc aucun compte à rendre à cet égard.

Mais pour autant, l’absence de peur du gendarme ne saurait conduire à ne pas en organiser : les enquêtes administratives permettent d’établir les faits et ainsi de sécuriser les décisions prises en matière disciplinaire, mais également de protection fonctionnelle.

Dès lors que l’employeur respecte le formalisme nécessaire, elles sont d’une aide précieuse, et peuvent y compris permettre de dénouer une situation complexe, notamment quand on les confie à des tiers expérimentés.

 

[1] cf. article R. 712-33 du Code de l’éducation.

[2] TC, 20.10.2008, req. 08-03695.

[3] CE, 18 juin 1971, Bordesoules, T. p.1142.

[4] Gilles Pelissier, Répertoire de contentieux administratif, Recours pour excès de pouvoir : conditions de recevabilité, n° 136 et s.

[5] Bernard Seiller, Répertoire de contentieux administratif, Acte administratif : identification, n° 315 et s.

Recevabilité de conclusions à fin d’injonction en matière de responsabilité pour faute et sans faute pour dommages de travaux publics

Dans un avis n° 458176 du 12 avril 2022, le Conseil d’État définit les conditions de recevabilité de conclusions à fin d’injonction en matière de responsabilité pour faute et de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute.

En l’espèce, le Tribunal administratif de Pau, se fondant vraisemblablement sur une décision d’espèce du Conseil d’État du 27 janvier 2020[1] était convaincu qu’un requérant avait la possibilité, en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute, de saisir le juge de conclusions à fin d’injonction, en l’absence de toute conclusion aux fins d’indemnité, pour qu’il enjoigne l’administration  de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets.

Se faisant, il a, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, a adressé plusieurs questions au Conseil d’État dont notamment une question tendant à savoir si « la possibilité pour le juge administratif de mettre en œuvre ses pouvoirs d’injonction, en l’absence de toute conclusion aux fins d’indemnité, reconnue en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute, [pouvait] être étendue en matière de responsabilité pour faute, notamment dans le cas de la carence fautive d’une personne publique à exercer ses pouvoirs de police ou de son refus de se conformer aux obligations qui lui sont fixées par voie législative ou réglementaire ? ».

Le Conseil d’État commence par rappeler que les principes classiques de la responsabilité pour faute des personnes publiques en énonçant que la « personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d’une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l’indemniser des conséquences dommageables de ce comportement ».

Il poursuit en énonçant expressément les conditions de recevabilité de conclusions à fin d’injonction présentées devant le juge administratif pour qu’il enjoigne à la personne publique de mettre un terme à son comportement fautif. Ainsi, la personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d’une personne publique « peut également, lorsqu’elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu’elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets ». Et, le Conseil d’État souligne notamment que « de telles conclusions à fin d’injonction ne peuvent être présentées qu’en complément de conclusions indemnitaires ».

Il résulte de cet avis que la recevabilité de conclusions à fin d’injonction tendant à ce qu’il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets est expressément subordonnée à la présentation de conclusions indemnitaires tendant la réparation du préjudice subi au titre du comportement fautif.

On soulignera également que de telles conclusions supposent également et fort logiquement d’établir la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu’elle lui cause puisqu’à défaut d’une telle persistance, les conclusions à fin d’injonction seraient sans objet faute d’un comportement à faire cesser.

Ensuite, corrigeant l’erreur d’interprétation commise par le Tribunal administratif de Pau quant aux conditions de recevabilité de conclusions à fin d’injonction en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute, le Conseil d’État énonce que « de la même façon, le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d’une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu’il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu’en complément de conclusions indemnitaires ».

Ainsi, il découle de cet arrêt que la recevabilité de conclusions à fin d’injonction pour faire cesser la persistance d’un comportement fautif d’une personne publique ou les préjudices subis en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute est subordonnée à la présentation de conclusions indemnitaires.

 

[1] CE, 27 janvier 2020, Syndicat mixte d’assainissement du Val Notre-Dame, n° 427079.

La Cour administrative d’appel de Paris reconnait l’intérêt public majeur de la liaison ferroviaire directe CDG Express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle

Le CDG Express permettra de relier directement la gare de l’Est à l’aéroport Paris Charles de Gaulle.

Pour permettre sa réalisation, le projet doit respecter toute une série de procédures et disposer de diverses autorisations, parmi lesquelles une autorisation environnementale organisée par les articles L. 181-1 et suivants du Code de l’environnement. Cette autorisation délivrée le 11 février 2019, tient lieu d’autorisation au titre de la loi sur l’eau, de déclaration au titre du régime Natura 2000 et de dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées.

C’est en tant que l’arrêté du 11 février 2019 emporte dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, que le Tribunal administratif de Montreuil avait, à la demande de la commune de Mitry-Mory, annulé l’arrêté en cause.

Le Ministère de la transition écologique, Aéroport de Paris, SNCF Réseau et la société gestionnaire d’infrastructures CDG Express ont sollicité l’annulation de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Paris.

Pour procéder à l’annulation de l’arrêté du 11 février 2019 en tant qu’il délivre la dérogation faune flore prévue à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, le Tribunal a jugé que, contrairement à ce qu’exige cet article, le CDG Express n’était pas justifié par une « raison impérative d’intérêt public majeur ».

En effet, pour rappel, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement prévoit le principe selon lequel il est interdit de porter atteinte aux espèces floristiques et faunistiques protégées. Si l’article L. 411-2 prévoit la possibilité d’obtenir une dérogation à ce principe, ce n’est qu’à plusieurs conditions : tout d’abord qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante mais également que les atteintes autorisées ne nuisent pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Ces dérogations doivent, de plus, être justifiées par l’un des motifs énumérés à l’article L. 411-2, notamment, par l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou par d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.

L’arrêté inter-préfectoral a précisé que le projet était bien justifié par un intérêt public majeur en relevant que le CDG Express « vise à améliorer la desserte de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle par les transports en commun, à décongestionner le réseau existant, à soutenir le développement économique de l’agglomération francilienne et à faciliter l’interconnexion entre les différents modes de transports », il a en outre « fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ».

Le Tribunal administratif de Montreuil a jugé ces motifs insuffisants pour qualifier l’existence d’un tel intérêt public majeur et a donc partiellement annulé l’arrêté inter-préfectoral en tant qu’il autorisait à porter atteinte à certaines espèces protégées.

La Cour a censuré le raisonnement du tribunal en relevant le déploiement de l’activité de l’aéroport Charles de Gaulle, en soulignant « le constat d’un défaut d’adaptation de ses actuelles conditions de desserte » qui a été fait de longue date, « tant en ce qui concerne la saturation des axes routiers, conduisant à des trajets à la durée incertaine, que la longueur des trajets réalisés par la ligne B du RER […] et qu’il en résulte des nuisances sur le confort et les conditions de transport de l’ensemble des usagers de la ligne ». La Cour poursuit en relevant que « le report de trafic des passagers à destination de l’aéroport vers la nouvelle ligne expresse peut être raisonnablement regardé comme de nature à améliorer les conditions de circulation et de confort pour l’ensemble des usagers du réseau public, en limitant les incidents ».

Après avoir relevé que la concession de travaux « prévoit la réalisation de travaux sur les voies existantes empruntées par le TER et sur des ouvrages communs aux voies empruntées par ce TER, le transilien et la ligne B du RER comme par le « Charles de Gaulle Express » projeté, et une participation financière du concessionnaire à d’autres travaux à destination « des transports en commun du quotidien » ; la Cour souligne que l’intérêt public majeur est également constitué dans la mesure où il « n’est pas sérieusement contestable que la mise en place d’une desserte spécifiquement dédiée et conçue pour les voyageurs à destination et de retour de l’aéroport Paris Charles de Gaulle, présentant des caractéristiques d’accès aisé, de haut niveau de régularité et de ponctualité sera de nature à améliorer l’image, l’attractivité et la compétitivité de cet aéroport et plus généralement à renforcer l’attractivité touristique de Paris et sa région pour l’ensemble des voyageurs intéressés ».

Enfin, les nombreuses interventions législatives et celles du Conseil d’Etat visant à permettre la réalisation du CDG Express ont également nourri la réflexion de la Cour qui a rappelé qu’ « il est constant que le législateur, à cinq reprises, a adopté des dispositions relatives à la réalisation d’une liaison ferroviaire expresse entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, et qu’une habilitation consentie par lui au Gouvernement sur le fondement de l’article 38 de la Constitution a conduit à la prise d’une ordonnance aux mêmes fins. Le Conseil d’État statuant au contentieux a, par un arrêt n° 411086, 411154 du 22 octobre 2018, regardé comme légalement fondée la déclaration d’utilité publique du projet, aux motifs notamment des bénéfices attendus du projet, qui permettra notamment d’améliorer la desserte de l’aéroport international Charles-de-Gaulle, le deuxième aéroport européen, et de le doter d’une liaison directe, rapide et assurant un haut niveau de ponctualité, à l’instar des dessertes d’aéroports internationaux d’autres États membres de l’Union européenne, de favoriser le développement économique régional et national, en contribuant à la compétitivité de la région Ile-de-France et de Paris ainsi qu’à la réussite des Jeux Olympiques de 2024 et de s’inscrire, par un mode de transport plus respectueux de l’environnement limitant le recours aux transports routiers, dans le cadre d’un développement durable ».

Cet arrêt est une nouvelle illustration des difficultés évidentes que représente l’interprétation de la notion de raison impératives d’intérêt public majeur. Cette analyse éminemment casuistique, et quelque peu subjective donc, représente un sujet difficile à anticiper et appréhender pour les porteurs de projet, et donc une fragilité juridique.

Le Conseil d’Etat aura peut-être une nouvelle occasion d’affiner son interprétation de cette notion si la commune de Mitry-Mory décide de se pourvoir en cassation.

Publication des modalités d’application des mesures commande publique de la loi dite « climat et résilience »

Ce décret vient préciser les modalités de mise en œuvre de l’article 35 de la loi n° 2021-1104 du 22 aout 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui avait enclenché le processus de « verdissement » du Code de la commande publique.

Afin de permettre aux acteurs de la commande publique de participer aux « objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale », qui figurent désormais à l’article 3-1 du Code de la commande publique, ce décret vient insérer de nouveaux dispositifs dans la partie règlementaire du Code de la commande publique.

Six principales mesures sont issues de ce décret :

1/ L’article 1 du décret, abaisse de 100 à 50 millions d’euros le seuil prévu à l’article D. 2111-3 du Code de la commande publique à partir duquel l’adoption d’un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER) est obligatoire. En effet, conformément aux dispositions de l’article L. 2111-3 du Code de la commande publique, les collectivités territoriales et les acheteurs soumis au Code dont le statut est fixé par la loi ont l’obligation d’établir un SPASER lorsque le montant total annuel de leurs achats est supérieur à un seuil fixé par voie réglementaire.

Ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2023.

2/ L’article R. 2152-7 du Code de la commande publique supprime la possibilité pour les acheteurs d’apprécier les offres sur la base du critère unique du prix.

Plus précisément, les acheteurs devront désormais choisir l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base :

  • Soit du critère unique du coût global, qui devra prendre en compte les caractéristiques environnementales des offres. La Direction des Affaires Juridiques (DAJ) de Bercy du Ministère de l’Economie a précisé dans son commentaire sur ce décret, que cela pourra concerner « par exemple les coûts liés à la consommation d’énergie ou d’autres ressources, les coûts de collecte et de recyclage ou encore les coûts imputés aux externalités environnementales aux différentes étapes du cycle de vie des fournitures, services ou travaux commandés» ;
  • Soit d’une pluralité de critères parmi lesquels figurent le prix et le coût. Le décret précise que dans cette hypothèse au moins l’un des critères devra prendre « en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ».

Ces dispositions, qui font suite aux modifications de l’article L. 2152-7 du Code de la Commande publique par l’article 35 de la loi dite « Climat et Résilience », disposent ainsi qu’« au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre » constituent l’un des apports majeurs de ce décret.

3/ S’agissant des concessions, l’article R. 3124-4 du Code de la commande publique, tel que modifié par le décret, impose aux autorités concédantes d’attribuer le contrat sur une pluralité de critères dont l’un au moins d’entre eux devra prendre « en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ». La prise en compte des aspects environnementaux de l’offre dans les critères de sélection, qui était jusqu’ici facultative, devient donc obligatoire.

4/ Le décret complète également les dispositions de l’article R. 3131-3 du Code de la commande publique et prévoit ainsi que le rapport annuel du concessionnaire devra contenir « une description des mesures mises en œuvre par le concessionnaire pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique dans le cadre de l’exécution du contrat ».

Les mesures décrites aux points 2, 3 et 4 ci-dessus entreront en vigueur le 21 août 2026 et s’appliqueront aux marchés et concessions pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de cette date. Le décret prévoit, toutefois, que cette date d’entrée en vigueur pourra être modifiée par le Gouvernement et notamment avancée selon la DAJ « en fonction du degré de maturité des différents secteurs d’activité et segments d’achat concernés ».

5/ Le décret simplifie les obligations des acheteurs publics relatives à la publication des données essentielles et des données du recensement des marchés publics. Ainsi, au plus tard à compter du 1er janvier 2024 (date devant être fixée précisément par arrêté ministériel), les acheteurs publics devront publier sur le portail national de données ouvertes, et non plus sur leur profil acheteur, les données essentielles de leurs marchés dont la valeur du besoin est supérieure à 40.000 euros HT.

Des obligations de publication sur le portail national de données ouvertes similaires sont également prévues pour les contrats de concession.

Le décret ajoute que l’observatoire économique de la commande publique (OECP) effectuera le recensement économique des marchés publics à partir des données publiées sur le portail national de données, sans que les acheteurs n’aient de formalité supplémentaire à accomplir.

6/ Enfin, le décret prévoit qu’à compter du 4 mai 2022, les acheteurs publics auront la possibilité d’appliquer les dispositions de l’article L. 2147-7-1 et L. 3123-7-1 du Code de la commande publique issues de l’article 35 de la loi dite « Climat-résilience ». Ces dispositions créent un nouveau cas d’interdiction facultative de soumissionner pour méconnaissance de l’obligation d’établir un plan de vigilance prévue à l’article L. 225-102-4 du Code de commerce.

Quel employeur doit prendre en charge l’accident d’un agent public survenu dans l’exercice d’une activité accessoire autorisée ?

Lorsqu’un agent public est victime d’un accident dans l’exercice de son activité accessoire, autorisée par son employeur public auprès de qui il exerce son activité principale, il revient à ce dernier de prendre en charge les conséquences financières de l’accident.

Cette solution confirmée très récemment par le Tribunal administratif de Bordeaux dans un jugement du 30 mars 2022 (n° 2002407) en matière de fonction publique d’Etat mais parfaitement transposable à la fonction publique territoriale ou hospitalière, à vocation à s’appliquer lorsque l’activité accessoire est accomplie pour le compte d’un autre employeur public.

En l’espèce une enseignante autorisée à cumuler son activité d’enseignement au sein d’un collège public avec une activité accessoire de vacataire auprès d’une Université, a été victime d’un accident de trajet entre le lieu d’exercice de son activité accessoire et son domicile.

Après avoir jugé, en application des dispositions de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, que « la collectivité publique qui emploie un agent doit supporter les conséquences financières d’un accident survenu à l’occasion du service. Lorsque l’agent exerce pour le compte d’une tierce collectivité publique une activité accessoire autorisée par l’employeur principal, cette charge incombe à ce dernier alors même que l’accident est survenu dans l’exercice de l’activité accessoire », le Tribunal a estimé qu’il appartenait au Rectorat, en sa qualité d’employeur principal, et non à l’employeur « accessoire » de prendre en charge les arrêts et soins occasionnés par l’accident de trajet de son agent.

Relevons qu’à la lecture de ce considérant, il semble donc possible de déduire, sous réserve de confirmation ultérieure par la jurisprudence, qu’a contrario, lorsque l’activité accessoire n’a pas fait l’objet d’une autorisation préalable par l’employeur principal, la prise en charge des conséquences financières de l’accident survenu à l’occasion de l’activité accessoire ne saurait incomber à l’employeur public principal.

Le jugement susmentionné rendu par le Tribunal administratif de Bordeaux, qui a le mérite de se prononcer sur une question assez peu posée au juge administratif, est par ailleurs conforme aux dispositions de l’article D. 171-11 du Code de la sécurité sociale en vertu desquelles lorsque les agents de l’Etat et des collectivités territoriales sont victimes d’accidents survenus dans l’exercice d’une activité accessoire accomplie au service de l’Etat, d’un département, d’une commune ou d’un établissement public, ces accidents sont « réparés comme s’ils étaient survenus dans l’activité principale ».

Sur le fondement de ces dispositions, la circulaire relative à la protection sociale des fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps complet ou à temps non complet contre les risques maladie et accidents de service (NOR/MCT/B/06/00027/C) du 13 mars 2006 avait ainsi déjà considéré que « l’accident de service survenu au cours d’une activité accessoire accomplie dans le respect de la réglementation sur les cumuls d’emplois pour le compte d’un second employeur public est réparé comme s’il était survenu dans l’activité principale ».

Précisons enfin que le juge administratif semble considérer, en vertu des dispositions de l’article D. 171-5 du Code de la sécurité sociale, qu’à l’inverse, la prise en charge des conséquences financières de l’accident d’un agent public survenu au cours de l’activité accessoire, incombe lorsque celle-ci est exercée pour le compte d’une personne privée (activité salariée ou assimilée), à l’employeur auprès de qui l’agent exerce son activité accessoire et non à l’employeur public principal (voir notamment en ce sens : Cour administrative d’appel de Nantes, 3ème chambre, 20 juin 2002, n° 98NT01891). 

Conseil d’administration des OPH : nouvelles règles de composition à prévoir !

Les modalités de composition des conseils d’administration des OPH, établissement public local industriel et commercial sont régies par le Code de la construction et de l’habitation.

Ces règles évoluent avec le décret n° 2022-706 du 26 avril 2022 relatif à la gouvernance des offices publics de l’habitat et modifiant le code de la construction et de l’habitation.

Ce qui ne change pas : les personnes composant les conseils d’administration listées à l’article L. 421-8 du Code de la construction et de l’habitation, à savoir :

  • des membres représentant la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement, qu’ils désignent au sein de leur organe délibérant et parmi des personnalités qualifiées au regard des interventions de l’office dans le domaine des politiques de l’habitat ;
  • des personnalités qualifiées désignées par les institutions dont elles sont issues, parmi les caisses d’allocations familiales, l’union départementale des associations familiales du département du siège, l’association Action Logement Groupe (article 313-18 du CCH), les organisations syndicales les plus représentatives dans le département du siège ;
  • D’au moins un représentant d’associations dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées ;
  • De locataires représentant les locataires de l’office, élus par ces derniers dans les conditions prévues à l’article L. 421-9 ;
  • De représentants du personnel de l’office désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du Code du travail, qui disposent d’une voix délibérative.

S’agissant des représentants du personnel de l’office, le décret est venu préciser que « les seuls membres du personnel de l’office pouvant être désignés au conseil d’administration sont ceux désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du Code du travail » (art. R. 421-9 du CCH).

Ce qui change : l’effectif du conseil d’administration est librement déterminé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement de l’office, dans la limite de 35 membres (art. R. 421-4 du CCH).

Après avoir déterminé l’effectif, la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement de l’office devra fixer les nombres de sièges revenant à chaque catégorie en tenant compte des deux règles inchangées suivantes et qui figurent à l’article L. 421-8 du CCH :

  • Les membres désignés par la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement disposent de la majorité des sièges ;
  • Les représentants des locataires disposent d’au moins un sixième des sièges.

S’agissant enfin de la composition du bureau du conseil d’administration régie par l’article R. 421-12 du CCH :

  • Il comptait quatre membres dont un représentant des locataires ;
  • Désormais, il compte entre quatre et six membres dont au moins un administrateur représentant les locataires.

Quand les offices doivent-ils ou peuvent-ils faire application du décret ?

Le présent décret entre en vigueur le lendemain de sa publication et a pris soin d’ajouter à l’article R. 421-4 du Code de la construction et de l’habitation, la disposition suivante : « Le nombre de membres ou la composition du conseil d’administration peut être modifié lors de chaque renouvellement de celui-ci, ainsi qu’à l’issue d’un changement de rattachement ou d’une fusion avec un autre office ».

Ainsi, les membres du conseil d’administration des OPH demeurent 23 ou 27, liberté est laissée aux collectivités de rattachement de modifier le nombre au moment du renouvellement de leur organe délibérant, ou à l’occasion d’une fusion d’OPH ou du changement de collectivité de rattachement.

La composition actuelle des conseils d’administration est d’ores et déjà conforme aux dispositions du décret.

Quel est l’impact de ces dispositions sur la composition du bureau ?

Les membres du conseil d’administration peuvent modifier dès à présent les modalités de composition du bureau qui pourra comprendre désormais 4 ou 5 ou 6 membres.

Quel est l’impact des prochaines élections des représentants des locataires en novembre 2022 dans les OPH ?

Sauf hypothèse de renouvellement, de fusion ou de changement de rattachement de collectivité avant novembre 2022, le nombre des administrateurs représentant les locataires au sein du conseil d’administration et la règle de leur représentativité du sixième sont inchangés. Ainsi, les élections de novembre 2022 donneront lieu à l’élection de quatre ou cinq administrateurs représentants des locataires.

Quel est l’impact des prochaines élections professionnelles des CSE en décembre 2022 dans les OPH ?

Pour mémoire, depuis la loi ELAN le conseil d’administration d’un OPH doit être composé « de représentants du personnel de l’office désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du code du travail, qui disposent d’une voix délibérative ».

Toutefois, face à l’impossibilité de concilier cette disposition avec les équilibres du dispositif existant, la Fédération des OPH avait recommandé aux OPH de faire application des dispositions anciennes, qui prévoyaient que le secrétaire du CSE était la personne idoine pour siéger au conseil d’administration.

Le décret n° 2022-7606 a repris les dispositions légales en ajoutant que « les seuls membres du personnel de l’office pouvant être désignés au conseil d’administration sont ceux désignés conformément aux articles L. 2312-72 à L. 2312-77 du Code du travail » (art. R. 421-9 du CCH).

Aux termes des dispositions précitées, seront donc élues soit deux soit quatre personnes qui auront voix délibérative.

Loi « séparatisme » : quelles conséquences pour les fonds de dotation ?

Introduit par l’article 40 de la loi n° 2008-776 datant du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le fonds de dotation est un outil efficace au service du mécénat. Bénéficiant de modalités de constitution simples et rapides, les fonds de dotation sont prisés aussi bien par les personnes privées que par les collectivités.

A l’inverse des associations et des fondations, les fonds de dotation ne peuvent pas recevoir de fonds publics. Néanmoins, tout comme ces autres structures à but non lucratif, les fonds de dotation ont été fortement impactés par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme ».

I. Dispositions propres aux fonds de dotation

L’article 17 de cette loi renforce le contrôle des fonds de dotation : l’autorité administrative est tenue de vérifier non seulement la régularité du fonctionnement du fonds de dotation, mais également la conformité de son objet à la définition légale d’un fonds de dotation.

La loi impose désormais au fonds de dotation l’obligation d’établir un rapport d’activité annuel, transmis à l’autorité administrative chargée de son contrôle, dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice, soit pour un exercice social prenant fin le 31 décembre, une transmission avant le 30 juin, ajoutant ainsi une obligation légale de respect d’un délai au-delà duquel une sanction pourra s’appliquer.

Cette obligation vaut aussi pour la transmission, dans le même délai, des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.

A défaut de transmission, l’autorité administrative peut, après une mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds de dotation jusqu’à leur transmission effective. Les décisions de suspension et de levée de suspension doivent alors faire l’objet d’une publication au Journal officiel dans un délai d’un mois. La suspension du fonds de dotation est levée lors de la transmission aux autorités des documents demandés.

En l’absence de réponse dans un délai de six mois suivant la suspension ci-dessus mentionnée, la même autorité pourra alors saisir l’autorité judiciaire aux fins de dissolution du fonds de dotation dans un délai de deux mois suivant une mise en demeure non suivie d’effet.

Le pouvoir de l’autorité administrative de suspendre l’activité d’un fonds de dotation et, le cas échéant, de saisir l’autorité judiciaire pour en demander la dissolution se trouve également étendu à d’autres cas de figure. Ainsi, dans les deux mois suivant une mise en demeure infructueuse, l’autorité administrative pourra décider de suspendre l’activité du fonds de dotation pour une durée pouvant aller jusqu’à 18 mois et, le cas échéant, saisir l’autorité judiciaire pour en demander si dissolution, si elle constate :

  • que l’objet du fonds de dotation méconnaît la définition légale d’un fonds de dotation, telle qu’énoncée à l’article 140, I de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
  • que des dysfonctionnements affectent la réalisation de son objet ;
  • que l’une de ses activités ne relève pas d’une mission d’intérêt général ;
  • ou qu’il méconnaît les obligations de transmission de ses documents administratifs et comptables, ci-dessus mentionnées.

II. Dispositions générales impactant les fonds de dotation

En premier lieu, la « loi séparatisme » fait obligation au fonds de dotation – tout comme pour les associations et les fondations – de présenter un état séparé des avantages et ressources provenant de l’étranger dont il bénéficie, cet état devant faire l’objet d’une annexe aux comptes annuels du fonds de dotation et être ainsi transmis aux autorités administratives dans les conditions précédemment citées.

En deuxième lieu, les fonds de dotation ont désormais l’obligation, depuis le 1er janvier 2022, de souscrire à un contrat d’engagement républicain s’ils souhaitent obtenir l’agrément nécessaire pour recevoir des volontaires dans le cadre d’un service civique.

Par ailleurs, les fonds de dotation se voient appliquer les dispositions nouvelles relatives à l’émission de reçus fiscaux. Comme tout autre organisme délivrant des reçus ouvrant droit à avantage fiscal, les fonds de dotation doivent dorénavant déclarer annuellement le montant global des ressources dont ils ont pu bénéficier dans ce cadre ainsi que le nombre de documents qu’ils auront délivrés au cours de l’exercice précédant leur déclaration. Cette déclaration doit être réalisée dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice. L’absence d’une telle déclaration pourra être sanctionnée d’une amende de 1.500 €.

Cette obligation déclarative est applicable aux reçus fiscaux délivrés au titre des dons et versements reçus à compter du 1er janvier 2021 ou au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021. Les organismes devront ainsi déclarer dès 2022 le montant total des dons et versements reçus en 2021 et pour lesquels ils ont émis des reçus fiscaux.

Enfin, les donateurs souhaitant bénéficier d’une réduction d’impôts devront quant à eux être en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives attestant la réalité des dons et versements. La réalité du versement des dons est donc désormais contrôlée par l’administration.

***

Si ces nouvelles dispositions vont dans le sens d’une plus grande transparence du fonctionnement des fonds de dotation, un renforcement généralisé des contrôles des organismes collecteurs de dons s’accompagne également d’une défiance vis-à-vis des acteurs du secteur, et conduit à s’interroger sur la mise en œuvre concrète de ces dispositions par les autorités publiques.

Loi littoral – précisions sur la notion de « secteurs déjà urbanisés » de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme issu de la loi Elan

Par une récente décision du 22 avril 2022 (req. n° 450229), mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat s’est pour la première fois prononcé sur la notion de secteurs déjà urbanisés de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, introduite par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN).

  1. Pour rappel, dans sa précédente version, l’article L 121-8 du Code de l’urbanisme prévoyait uniquement que « l’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

Au visa de ces dispositions, il est classiquement jugé que :

« […] les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ». (CAA Nantes, 28 septembre 2021, 20NT00951 ; CE, 9 novembre 2015, Commune de Porto Vecchio, req. n° 372531 Porto Vecchio ; – 28 décembre 2016, req. n° 392878; -, 21 avril 2017, req. n° 403765).

L’article 42 de la loi ELAN a profondément modifié les dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme :

  • tout d’abord en supprimant la possibilité d’étendre l’urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l’environnement ;
  • mais encore en ajoutant la possibilité de délivrer des autorisations d’urbanisme dans des « secteurs déjà urbanisés» , hors bande littorale de cent mètres et espaces proches du rivage, et ce, selon deux modalités.

L’article 42 § I de la loi ELAN a en effet ajouté un deuxième alinéa à l’article L.121-8 rédigé comme
suit :

« Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. es secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs ».

Il s’agit du régime général : peuvent être autorisées les constructions et installations à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics dans les secteurs urbanisés identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme.

En outre, l’article 42 § III de la loi ELAN prévoit un régime transitoire applicable jusqu’au 31 décembre 2021 selon lequel, sans condition de finalité cette fois, peuvent être autorisées les constructions et installations, dans des secteurs déjà urbanisés mais qui n’ont pas encore été identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme.

La décision commentée s’inscrit dans le cadre de ce régime transitoire.

  1. Saisi d’un pourvoi à l’encontre du jugement du Tribunal administratif de Pau ayant annulé un permis d’aménager un lotissement de onze lots sur le fondement des dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que :

« […] en se bornant à considérer que le terrain d’assiette du projet s’inscrit dans un  » compartiment  » ne présentant pas une densité significative de constructions pour juger qu’il n’est pas situé dans un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, sans faire application des critères retenus par ces dispositions pour distinguer les secteurs déjà urbanisés des espaces d’urbanisation diffuse, le tribunal administratif a entaché son jugement d’une erreur de droit ».

Cette motivation, quelque peu sibylline, implique d’analyser la décision à la lumière des conclusions du Rapporteur public pour en déterminer précisément la portée.

Monsieur Laurent Domingo souligne que c’est au prix d’une erreur de droit que « le tribunal a raisonné pour les secteurs déjà urbanisés comme pour les agglomérations et villages, en recherchant la densité significative de constructions ».

Il ajoute que :

« La nouvelle règle de construction issue de la loi ELAN a pour objet d’autoriser des projets qui ne se situent pas en continuité des agglomérations et villages, c’est- à-dire de zones avec une densité significative de constructions, mais qui se situent dans des secteurs qui sont néanmoins déjà urbanisés et suffisamment urbanisés.

Les « secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages » de la loi ELAN, c’est donc autre chose que les zones ou espaces urbanisés [identifiés] pour l’application de la règle de l’extension en continuité des agglomérations et villages, ou même pour l’application de celles de l’extension limitée dans les espaces proches du rivage ou de l’interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres ».

Ainsi, selon le Conseil d’Etat, il existe deux types de « secteurs déjà urbanisés » dans les communes littorales :

  • les SDU caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions (agglomérations et villages) qui peuvent être étendus et densifiés ;
  • les SDU qui ne sont pas caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qui répondent aux critères du deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme et qui peuvent uniquement être densifiés.

Comme le précise le Rapporteur public, les SDU issus de la loi ELAN correspondent donc à « un niveau intermédiaire d’urbanisation, entre ce qui est significativement urbanisé et ce qui est une urbanisation diffuse ».

  1. En outre, en précisant « au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 121-8 » que « constituent des agglomérations ou des villages où l’extension de l’urbanisation est possible » , « les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions », la décision commentée confirme la jurisprudence de la Commune de Porto Vecchio (précitée supra). On notera toutefois qu’il est désormais fait référence à la notion de « secteurs » déjà urbanisés, et non plus à celle de « zones » déjà urbanisées. Cette évolution peut prêter à confusion puisque selon que ces espaces relèvent du premier ou du deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, leurs possibilité d’urbanisation sont nettement distinctes 
  1. L’apport essentiel de la décision tient davantage aux précisions apportées quant à l’appréciation de la notion de continuité au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme :

« Il ressort des énonciations du jugement attaqué que pour juger que le terrain d’assiette du projet en litige n’était pas situé en continuité avec une agglomération ou un village existant, le tribunal administratif ne s’est pas borné à prendre en compte les constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain mais a apprécié le respect du principe de continuité, posé par l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, en resituant, sans dénaturer les pièces du dossier, le terrain d’assiette du projet dans l’ensemble de son environnement ».

Pour s’assurer du respect de principe de continuité, la Haute juridiction invite à prendre en considération l’ensemble de l’environnement du terrain d’assiette du projet et non les seuls terrains contigus.

Cette analyse rejoint celle, fréquemment invoquée, du rapporteur public Édouard Crepey, lequel expliquait au Conseil d’Etat à propos de la mise en œuvre de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme :

« Votre jurisprudence ayant à juste titre posé un critère d’éloignement et non de coupure […] dès lors que l’on se situe à distance de la zone dense, cette distance fût-elle comblée par de l’urbanisation diffuse, le critère de la continuité par rapport à une construction existante ne suffit pas à autoriser le projet, sans quoi il serait indéfiniment possible, si vous nous passez cette expression, d’accrocher des wagons aux wagons précédents » (Édouard Crépey, conclusions sur CE, 19 juin 2013, Commune de la Teste-de-Buch, req. n° 342061).

 

Camille Treheux, avocate associée de SEBAN ARMORIQUE

Le délai imparti pour introduire un recours en reprise des relations contractuelles ne peut pas être interrompu par la saisine du CCIRA

Par une décision en date du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser que la saisine du Comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges (CCIRA) tendant à la reprise des relations contractuelles n’était pas de nature à interrompre le délai de deux mois imparti pour introduire un recours en reprise des relations contractuelles (« Béziers II »).

Dans cette affaire, l’Agence régionale d’équipement et d’aménagement de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (AREA PACA), mandataire de maîtrise d’ouvrage déléguée de la Région dans le cadre d’une opération d’extension et de réhabilitation d’un lycée, avait attribué la maîtrise d’œuvre de ce projet à un groupement conjoint.

Lors de la réception de l’ouvrage, un avis défavorable a été émis par le contrôleur technique s’agissant de l’un des bâtiments du projet.

A la suite d’une mise en demeure restée infructueuse, l’AREA PACA a notifié au mandataire du groupement sa décision de résilier le marché pour faute, par un ordre de service reçu le 5 mars 2018.

Le 27 avril 2018, le mandataire du groupement a saisi le Comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges de Marseille de ce litige.

Il a ensuite saisi le Tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée le 31 mai 2019, afin qu’il ordonne la reprise des relations contractuelles.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat énonce le principe qu’il a dégagé dans sa décision « Béziers II », tout en rappelant que ce recours doit s’exercer dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le cocontractant a été informé de la mesure de résiliation :

« Le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ».

Si le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre avait bien saisi le Comité consultatif interrégional de règlement des litiges avant l’écoulement d’un tel délai, celui-ci a toutefois attendu plus d’un an avant d’introduire sa requête devant le Tribunal administratif de Marseille.

La société requérante affirmait que sa requête n’était pas tardive, en raison de la saisine dudit comité qui était, selon elle, de nature à interrompre le délai de recours en vertu de l’article 127 du Code des marchés publics de l’époque.

La Cour administrative d’appel de Marseille avait considéré que la compétence confiée au CCIRA, qui se borne à la formulation de propositions de solutions amiables aux différends financiers relatifs à l’exécution des marchés publics, ne s’étend pas aux litiges portant exclusivement sur la contestation de la régularité ou du bien-fondé d’une mesure de résiliation en vue d’obtenir la reprise des relations contractuelles.

Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat se réfère donc à l’article 127 du Code des marchés publics, qui disposait, dans sa version alors en vigueur :

« Les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret.

Ces comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d’une solution amiable et équitable.

La saisine d’un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions.

La saisine du comité suspend les délais de recours contentieux jusqu’à la décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité.

La composition, l’organisation et les modalités de fonctionnement des comités consultatifs, notamment les pouvoirs propres de leurs présidents, sont fixés par décret ».

Dans un troisième temps, il se réfère à l’article 1er du décret du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics alors applicable qui dispose notamment que :

« Les comités de règlement amiable mentionnés à l’article 127 du code des marchés publics ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l’exécution des marchés passés en application du code des marchés publics ».

Il en conclut que la compétence du CCIRA ne s’étend pas aux litiges tendant exclusivement à la reprise des relations contractuelles, qui relèvent de la seule compétence du juge du contrat.

La Cour administrative d’appel n’avait donc commis d’erreur de droit en considérant que la saisine de ce comité n’était pas de nature à interrompre le délai de recours de plein contentieux tenant à la reprise des relations contractuelles.

L’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de tout marché public ou contrat de concession avec les personnes de nationalité russe, ou avec les personnes, organismes ou entités détenues par une personne de nationalité russe

Depuis le 9 avril 2022[1], les acheteurs publics et autorités concédantes des Etats membres de l’Union européenne ont l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de tout marché public ou contrat de concession avec les personnes de nationalité russe, ou avec les personnes, organismes ou entités détenues par une personne russe.

Cette interdiction concerne les contrats mentionnés à l’article L. 2 du Code de la commande publique, répondant à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens, mais également certains contrats portant sur des thématiques sensibles, normalement exclus du champ d’application des directives. C’est notamment le cas des marchés portant sur la revente ou de location d’eau ou d’énergie à des tiers, ou des marchés de services financiers.

Désormais, les acheteurs et autorités concédantes ont l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de ces contrats lorsque :

  • l’attributaire est un ressortissant russe ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme établi sur le territoire russe ;
  • l’attributaire est détenu à plus de 50 %, de manière directe ou indirecte, par une entité établie sur le territoire russe ;
  • l’attributaire est une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou sur instruction d’une entité établie sur le territoire russe ou d’une entité détenue à plus de 50 % par une entité elle-même établie sur le territoire ;
  • le sous-traitant, le fournisseur ou toute entité aux capacités de laquelle il est recouru pour des prestations représentant plus de 10 % de la valeur du marché, se trouve dans l’un des trois cas susvisés.

Ces hypothèses pouvant se révéler être délicates à identifier dans la pratique, la Direction des Affaires juridiques de Bercy a publié une fiche technique ayant pour objet d’accompagner les acheteurs et autorités concédantes dans la mise en œuvre de cette interdiction.

Dans un premier temps, la fiche technique propose une méthode permettant aux acheteurs et autorités concédantes d’identifier les contrats visés par l’interdiction.

S’agissant de l’identification des contrats concernés, les acheteurs et autorités concédantes peuvent ainsi s’aider des données issues de la procédure de passation (avis d’attribution, données essentielles de la commande publique, données du recensement), ainsi que des codes CPV.

S’agissant de l’identification des opérateurs économiques concernés, la tâche peut se révéler beaucoup plus compliquée.

D’abord, l’acheteur ou l’autorité concédante peut vérifier les données relatives à l’adresse et à l’immatriculation de l’opérateur, qui figurent notamment dans l’acte d’engagement, l’offre, ou encore dans les formulaires DC et DUME. Il est à noter que la Direction des Affaires juridiques les incite à effectuer des vérifications sur le site info-clipper.com.

Ensuite, la fiche technique opère une distinction entre les cas de détention directe de l’attributaire, et les cas de détention indirecte.

En cas de détention directe, les acheteurs et autorités concédantes doivent vérifier la composition du capital, en se référant aux règles de droit des sociétés ou des associations. En présence d’une société anonyme, ils devront se procurer les statuts, puis additionner les parts détenues par d’éventuels ressortissants ou entités russes pour analyser si le seuil de 50 % est atteint.

En cas de détention indirecte, les acheteurs et autorités concédantes devront remonter les liens capitalistiques pour vérifier si l’opérateur est in fine détenu pour moitié par un ressortissant ou une entité russe. La Direction des affaires juridiques propose alors un faisceau d’indices.

Enfin, les acheteurs et autorités concédantes pourront vérifier si les sous-traitants ne se trouvent pas dans une situation faisant l’objet de l’interdiction, dans le cadre du contrôle qu’ils effectuent lors de la procédure d’agrément.

Les acheteurs publics et autorités concédantes devront opérer ces identifications lors des procédures de passation qu’ils engageront, mais également dans le cadre d’une revue de l’ensemble des contrats en cours d’exécution. En effet, ceux-ci sont tenus, d’ici le 10 octobre 2022, de résilier tout contrat entrant dans le champ de l’une des hypothèses concernées par l’interdiction.

Cette résiliation unilatérale ne donne droit à aucune indemnisation, compensation, prorogation de paiement ou garantie au bénéfice de l’opérateur.

Dans un second temps, la fiche technique s’attache à rappeler la liste des exceptions à l’interdiction.

Ces exceptions sont, pour la plupart, sectorielles. Il s’agit notamment des déchets radioactifs, programmes spatiaux, achat importation ou transport de gaz naturel et de pétrole.

Seule une exception est générale à tous les domaines d’activité, mais ne peut être mise en œuvre qu’à deux conditions cumulatives. Le contrat doit porter sur la fourniture de biens ou de services qui, d’une part, doivent pouvoir être qualifiés de « strictement nécessaires » et qui, d’autre part, ne peuvent être fournis en quantité suffisante que par les personnes visées par l’interdiction.

Le caractère strictement nécessaire doit être analysé au cas par cas, et doit prendre en compte l’impact d’une rupture d’approvisionnement ou d’une cessation de fourniture de ces services et la capacité à trouver des produits ou services substituables ou équivalents.

La Direction des affaires juridiques indique toutefois que l’attribution d’un contrat à une personne visée par l’interdiction doit être autorisée par la Direction générale du Trésor, sous peine de sanctions.

L’acheteur ou l’autorité concédante qui contreviendra à l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre l’exécution de tout marché public ou contrat de concession avec les personnes de nationalité russe, ou avec les personnes, organismes ou entités détenues par une personne russe, s’exposera à des sanctions pénales pouvant aller, notamment, jusqu’au prononcé d’une peine d’emprisonnement de cinq ans, à la confiscation du corps du délit, à la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction, et à une amende égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction.

Les sanctions prévues par le texte sont donc particulièrement lourdes, en dépit de la réelle difficulté que constitue l’identification par les acheteurs et autorités concédantes des contrats concernés et, surtout, des opérateurs russes visés par le texte…

 

[1] Règlement (UE) 2022/576 du Conseil du 8 avril 2022 modifie le règlement (UE) n° 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.

Les délégations de pouvoir et de signature des Directeurs généraux d’OPH

Un décret n° 2022-706 en date du 26 avril 2022 relatif à la gouvernance des offices publics de l’habitat a modifié, notamment, les articles R. 421-16 et R. 421-18 du Code de la construction et de l’Habitation (CCH) qui concernent, respectivement, les compétences du conseil d’administration d’un OPH et les pouvoirs du Directeur général (ci-après DG).

En effet, avant l’édiction de ce décret, les dispositions de l’article R. 421-18 du CCH prévoyaient seulement la possibilité pour le directeur général de déléguer sa signature, avec l’accord du conseil d’administration, aux membres du personnel de l’office exerçant les fonctions de directeur ou de chef de service.

Traditionnellement, la doctrine systématise deux régimes de délégations : les délégations de signature et les délégations de pouvoir.

Si les conditions d’octroi des délégations sont communes, en revanche, deux différences essentielles de régime sont mises en avant.

S’agissant tout d’abord de leur point commun, on notera que les délégations, qu’elles soient de pouvoir (de compétences) ou de signature, doivent nécessairement être prévues par un texte pour être octroyées[1].

La seconde condition repose sur la précision suffisante avec laquelle la délégation doit être octroyée.

Le contenu de la délégation doit être précis et explicite, tant sur le plan de l’identité du délégataire que sur celui de l’étendue des compétences déléguées[2].

Pour l’identité du délégataire, le Conseil d’Etat a indiqué que la délégation de signature consentie à un directeur d’administration centrale devient caduque à compter de la date de la nomination d’un nouveau directeur[3].

Dans un sens inverse, et par parallélisme des formes, le changement d’identité du délégant entraine également la nécessité d’arrêter de nouvelles délégations de signature.

S’agissant ensuite des différences existantes entre les délégations de signature et de pouvoir, selon la doctrine, la première est donnée, concrètement, à une personne désignée nominativement tandis que la seconde est donnée, abstraitement, à une autorité désignée par sa fonction et non pas à la personne qui occupe cette fonction[4].

Bien davantage, en théorie, en cas de délégation de pouvoir, il y a transfert juridique de la compétence, le délégant est dessaisi de sa compétence au profit du délégataire, tandis qu’en cas de délégation de signature, le délégant reste au contraire titulaire de sa compétence, il se décharge pour partie de l’exercice de cette compétence sur le délégataire, mais peut à tout moment non seulement lui adresser des instructions, mais exercer lui-même la compétence transférée.

Par conséquent, auparavant, le DGl d’un OPH pouvait seulement confier des délégations de signature à l’exclusion de toute délégation de pouvoir.

Désormais, outre une délégation de signature, le DG peut « avec l’accord du conseil d’administration et dans les limites fixées par lui, déléguer à des membres du personnel de l’office exerçant les fonctions de directeur ou de chef de service une partie des pouvoirs qu’il détient en application de textes législatifs ou réglementaires en matière d’actes et de contrats. Il peut, dans les mêmes conditions, déléguer sa signature à ces mêmes personnes ».

Par conséquent, cela signifie que le pouvoir de délégation du DG ne se limite plus à la signature d’actes mais il concerne aussi ses missions en tant que telles. A cet égard, compte tenu de la formulation retenue, il apparait que le DG ne peut déléguer que ses compétences propres.

Le texte précise encore que le DG peut aussi toujours confier des délégations de signature à des membres du personnel de l’office exerçant des fonctions de directeur ou de chef de service « pour les compétences qu’il exerce par délégation du conseil d’administration ».

Cela permet d’éclairer le fait que le DG peut aussi bien déléguer sa signature pour les actes qu’il établit dans le cadre de ses compétences propres que pour ceux réalisés dans le cadre des compétences qui lui sont déléguées par le CA.

Enfin, le décret introduit la possibilité de subdéléguer la délégation de signature à d’autres membres de l’OPH si la délégation les y autorise expressément, ce qui introduit une souplesse de fonctionnement indéniable dans les services.

De plus, avec ce décret, l’article R. 421-16 du CCH a été modifié afin que le conseil d’administration puisse, désormais, confier une autorisation permanente au DG pour ester en justice dans les cas précisément définis.

Cette autorisation est confiée au directeur général à chaque renouvellement du conseil d’administration et peut prendre fin à tout moment.

Notons que, si le décret ne le précise pas expressément, le renouvellement du DG doit aussi, à notre sens, entrainer l’édiction d’une nouvelle délégation permanente.

Cette possibilité de délégation permanente induit également plus de souplesse de fonctionnement pour les OPH et sécurise les interventions des DG en matière juridictionnelle puisque, en pratique, le conseil d’administration n’autorisait pas expressément les DG à ester en justice préalablement à chaque introduction d’instance ou dépôt de mémoire.

Précisons encore que si le bureau peut recevoir une délégation pour autoriser le DG ou le Président à ester en justice pour certains dossiers, il ne peut, en revanche, confier une autorisation permanente d’ester.

 

[1] CE, 25 février 1949 Roncin, p. 9

[2] CE, 16 novembre 2005, n° 262360

[3] CE, 28 mai 1997, n° 179905

[4] F-P. Benoit et Jean Benoit, Municipalité : fonctionnement

Précisions apportées sur le droit d’expression des élus dans le bulletin d’informations municipales

CE, 14 avril 2022, Commune de Willems, n° 441097

 

L’article L. 2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que :

« Dans les communes de 1.000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l’expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale ».

Les modalités d’application de ces dispositions doivent être précisées par le règlement intérieur de chaque municipalité, ce qui a donné lieu à de nombreuses contestations quant à l’importance de l’espace réservé.

Le juge administratif prend en compte la périodicité de la publication et le nombre total de pages de celle-ci pour apprécier le caractère suffisant et équitable de l’espace réservé aux élus de l’opposition.

Dans une décision du 14 avril 2022, le Conseil d’Etat a précisé que ce droit ne visait pas que les élus d’opposition et pouvait aussi bénéficier aux conseillers de la majorité :

« Il résulte de ces dispositions, d’une part, que l’espace réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication et, d’autre part, qu’elles n’ont pas pour objet d’interdire qu’un espace soit attribué à l’expression des élus de la majorité, sous réserve que cette expression n’ait pas pour effet, notamment au regard de son étendue, de faire obstacle à l’expression des élus n’appartenant pas à la majorité » (CE, 14 avril 2022, Commune de Thouaré-sur-Loire, n° 448912).

La limite est donc que l’espace réservé aux élus de la majorité ne fasse pas obstacle à l’expression des élus d’opposition.

Dans une seconde décision du même jour, il a confirmé que ce droit s’applique, quelle que soit la forme revêtue par la publication :

« Il résulte de ces dispositions qu’un espace doit être réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale dans toute publication comportant des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal, y compris sur le site internet de la commune ».

Transfert des routes – loi 3DS

La loi 3DS du 21 février 2022 prévoit la possibilité pour les voies non concédées du domaine public routier national d’être transférées aux départements et métropoles ou mises à disposition des régions.

Un décret, établi après concertation des collectivités territoriales concernées et consultation du Conseil national d’évaluation des normes, devait fixer la liste des autoroutes, des routes ou des portions de voies non concédées dont la propriété pouvait être transférée.

Dans le délai de six mois à compter de la publication dudit décret, il appartient aux collectivités territoriales de délibérer sur les voies dont elles sollicitent le transfert et de transmettre leur délibération au préfet de Région. En cas de demandes concurrentes, le préfet de Région organise une phase de concertation d’un maximum de deux mois pour répartir les voies entre les collectivités territoriales. A l’issue de la concertation, une nouvelle délibération de demande est adoptée. Le Ministre chargé des transports a trois mois, à compter de l’expiration du délai de six mois, pour notifier le transfert avant qu’il soit constaté par arrêté préfectoral dans un délai de quatre mois à compter de l’expiration du délai de trois mois.

Ce décret attendu a été publié le 30 mars 2022 (décret n° 2022-459).

Composé de deux articles, il rappelle brièvement son objet tenant dans la fixation des voies non concédées du domaine public routier national pouvant être transférées.

L’annexe du décret se compose d’un tableau listant les autoroutes et routes nationales de France pouvant être concédées. Chaque autoroute ou route nationale est ensuite assimilée à la région, au département et, le cas échéant, à la métropole que la voie traverse. De cette manière le tableau peut se lire à l’horizontal afin de connaître l’autoroute ou la route nationale qui pourra être transférée ou à la verticale si l’on souhaite savoir la portion de voie qu’un département, une métropole ou une région pourrait se voir transférer la propriété ou mettre à disposition.

74 autoroutes, 172 routes nationales et 10 routes nationales d’outre-mer sont répertoriées au sein de ce décret.

A titre d’exemple, il est indiqué que l’autoroute A1 traverse la Région Hauts de France, le Département du Nord et la Métropole européenne de Lille. Ainsi l’autoroute A1 pourra être transférée au Département du Nord ou à la Métropole européenne de Lille ou être mise à disposition de la Région Hauts de France.

Il est précisé que les voies ou portions de voies non concédées en cours de réalisation, situées dans le prolongement ou constituant une déviation en tout ou partie des autoroutes et routes nationales citées dans le tableau, peuvent également être transférées ou mises à disposition. Leur mise en service devra alors être antérieure au transfert ou à la mise à disposition de la voie concernée.

Ainsi, ce décret n’apporte pas de précision supplémentaire concernant la procédure de transfert ou de mise à disposition. Il fait tout de même courir le délai de six mois au cours duquel les collectivités territoriales pourront délibérer sur le transfert des voies. A l’expiration de ce délai, soit le 30 septembre 2022, des concertations débuteront afin de répartir les voies ayant fait l’objet de demandes de transfert ou de mise à disposition.

Loi 3DS / Présentation générale

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, avait pour ambition initiale de réformer une nouvelle fois l’organisation territoriale française, à la suite de plusieurs lois récentes (loi RCT de 2010, loi MAPTAM de 2014 ou loi NOTRe de 2015 entre autres).

Cette loi souffre toutefois de plusieurs défauts structurels qui nuisent à cette ambition. Tout d’abord, elle n’échappe pas à la tendance du markéting législatif, en faisant parfois primer le concept sur la nécessité ou la portée utile de la mesure. Elle semble par ailleurs souhaiter satisfaire tous types d’acteurs locaux, quitte à céder à un éparpillement des sujets et d’inutiles complexités. Enfin, si la loi cherche (à juste titre) à compléter les récentes lois portant sur l’organisation territoriale française, cela ne s’inscrit pas toujours en cohérence des grands principes définis précédemment.

Ainsi, si son intitulé même témoigne d’une forte ambition, l’analyse précise du texte ne pourra que décevoir. En particulier, son concept phare de différenciation n’a rien de la révolution juridique annoncée (faut-il le regretter ?). Pour autant, la loi procède à quelques avancées significatives dans des domaines disparates, qui seront traités dans le cadre des différentes brèves figurant au sein de cette lettre d’actualité.

La nature floue du concept de « différenciation » et son caractère inabouti, ajoutés à une portée utile très incertaine compte tenu des contraintes constitutionnelles, pourront laisser sceptique. Si la notion générale parait bien faible, il faut néanmoins saluer des avancées techniques permettant d’améliorer le fonctionnement des EPCI (transfert des pouvoirs de police, délégation et transferts partiels de compétence notamment).

L’assouplissement de la définition des conflits d’intérêts public-public, qui intervient peu de temps après une restriction du champ du délit de prise illégale d’intérêts, était très attendue par les acteurs publics locaux. Les mécanismes prévus par la loi seront-ils efficaces et suffisants ? Quels sont les organismes jouissant désormais d’une protection dans les relations public-public ? Quelles limites à cette protection ? Ces mécanismes sont-ils clairs, complets et efficaces ? D’autres sujets déontologiques sont abordés dans la loi, en matière de représentation d’intérêts, d’encadrement de la rémunération des élus locaux ou d’obligations déclaratives notamment.

Les aspects mobilité représentent eux aussi un pan important de la loi. En particulier, la loi permet de compléter le transfert des routes nationales non concédées qui n’avaient pas encore été transférées aux départements. Un mécanisme d’expérimentation au profit des régions, d’une particulière complexité, est inséré, en contrariété avec l’objectif de spécialisation fonctionnelle des départements et des régions souhaités par la loi NOTRe. Le droit ferroviaire fait également l’objet d’ajustements intéressants dans un contexte d’ouverture à la concurrence. Une facilitation du transfert de gestion des petites lignes est également prévue.

Des aspects importants concernant l’économie sociale et solidaire sont également présents dans la loi. Ils ont trait notamment à la modification du régime d’autorisation des ESSMS accueillant des personnes handicapées, au travail adapté, à la possibilité pour les métropoles et les communautés urbaines de créer des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), à la renationalisation du RSA ou à l’habitat inclusif.

Les apports en matière de droit de l’urbanisme sont plus modestes mais concernent aussi bien les documents d’urbanisme (encadrement de l’implantation des éoliennes notamment) que les autorisations d’urbanisme ou l’exercice du droit de préemption.

En matière de logement, la loi procède à certains assouplissements dans l’application de la loi SRU sur les quotas de logements sociaux, tout en portant l’objectif à 33 % (au lieu de 25) dans certaines communes.

La loi comprend encore un titre II consacré à la transition écologique. La réglementation des petits et grands cycles de l’eau y occupe une place prépondérante.

La réforme du fonctionnement des entreprises publiques locales est également un sujet significatif de la loi.

Enfin, les avancées en matière de simplification demeurent circonscrites mais permettront de fluidifier le fonctionnement des administrations (échanges de données, recours à la visioconférence).

Cette lettre d’actualité permettra de faire un premier bilan synthétique des dispositions marquantes de la loi 3DS.

 

Aloïs RAMEL

Air : la mise à jour des zones administratives de surveillance de la qualité de l’air

Le 9 mars 2022 a été publié au Journal Officiel un nouvel arrêté abrogeant celui du 26 décembre 2016 relatif au découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l’air ambiant. Ces zones administratives sont « un dispositif de surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé et sur l’environnement » (article L. 221-2 du Code de l’environnement[1]) et leurs modalités de surveillance sont adaptées aux besoins de chaque zone, notamment pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. 

Il découpe les régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l’air ambiant, classées en trois catégories :

  • Les «zones à risques – agglomération », comportant une agglomération de plus de 250.000 habitants, telle que définie par l’arrêté prévu à l’article L. 222-4 du Code de l’environnement ;
  • Les « zones à risques – hors agglomération », ne répondant pas aux critères des zones à risques – agglomération et ne respectant pas ou risquant de ne pas respecter les normes de qualité de l’air prévues à l’article R. 221-1 du Code de l’environnement ;
  • La « zone régionale », qui s’étend sur le reste du territoire de la région.

Ce découpage précise la superficie, la population ainsi que les communes de chaque zone administrative de surveillance du territoire.

Ce nouvel arrêté prend en compte les évolutions concernant le nombre d’habitants au sein des agglomérations ainsi que leur superficie.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031062739

Dépôt illégal de déchets : le producteur des déchets ne peut s’exonérer de sa responsabilité mêmes s’ils ne peuvent être précisément identifiés

Par un arrêt en date du 7 mars 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les obligations des producteurs et détenteurs de déchets, même après le dépôt de ces derniers dans une installation destinée à les recueillir.

En 2014, les sociétés requérantes avaient été mises en demeure de façon définitive (avec astreinte journalière) par le Préfet de Moselle à la suite d’une inspection d’une installation classée pour la protection de l’environnement, au cours de laquelle les inspecteurs avaient constaté qu’elles avaient stockés illégalement des déchets non-inertes illégalement sur le site d’une ICPE qui n’était pas habilitée à les recueillir. Elles indiquaient en particulier, à l’appui du recours contre cet arrêté de mise en demeure, que le mélange de leurs propres déchets avec d’autres ainsi qu’avec de la terre ne permettait pas leur identification et empêchait que pèse sur elles la responsabilité de leur gestion. Elles avaient contesté les obligations découlant de cet arrêté devant le Tribunal administratif de Strasbourg en 2016, ainsi que les astreintes journalières qui leur avaient été imposée par le Préfet de Moselle sur le fondement de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement[1]. Le Tribunal administratif avait toutefois rejeté leurs demandes, de même que la Cour administrative d’appel (CAA) de Nancy en appel. 

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy qui, selon lui, n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que l’argument selon lequel les déchets seraient mélangés et donc plus identifiables n’était pas de nature à exonérer les producteurs ou détenteurs initiaux des déchets de se soumettre aux prescriptions des articles L. 541-1 et suivants du Code de l’environnement. L’impossibilité de dénombrer spécifiquement la quantité de déchets déposés illégalement sur le site de l’ICPE par les entreprises n’était donc pas de nature à les exonérer de leurs obligations de gestion, de traitement et d’élimination des déchets. Enfin, le Conseil d’Etat souligne également la légalité de la solution retenue par le préfet de Moselle en l’espèce, à savoir permettre aux entreprises en question de « recourir à une solution de gestion collective des déchets sur le site de l’installation classée ». Cette gestion collective concerne les producteurs des déchets et l’exploitant du site sur lequel les déchets ont été entreposés.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599299/

Espèces protégées : l’essentialité du critère de la raison impérative d’intérêt public majeur

En 2016 le Préfet de l’Hérault avait autorisé par arrêté, à titre dérogatoire sur le fondement de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement[1], une société à détruire ou altérer les habitats de reproduction ou de repos de spécimens de plusieurs espèces animales protégées, afin de réaliser un parc de dix éoliennes pour une puissance de trente mégawatts. Le recours formé en première instance par l’association de protection de la faune avait été rejeté par le Tribunal administratif de Marseille. La Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille en janvier 2020 avait, quant à elle tranché en faveur de l’association et avait ainsi annulé l’arrêté préfectoral, portant dérogation à la protection des espèces dites « protégées » pour ce projet. En effet, elle a considéré que l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, qui permet notamment de déroger aux interdictions relatives aux espèces protégées, n’était pas en mesure de s’appliquer ici. En cause, l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur du projet de construction du parc d’éolien, du fait de la « faible contribution que ce projet apporterait à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans une zone qui compte déjà de nombreux parcs éoliens », ainsi que des bénéfices socio-économiques limités.

Le 10 mars 2022, la 6ème chambre du Conseil d’Etat valide le raisonnement le raisonnement de la CAA. Il retient en effet que, en l’espèce, le projet de construction du parc éolien était susceptible d’affecter soixante-quinze espèces de reptiles, d’amphibiens et d’oiseaux, dont neuf à fort enjeux de conservation. De plus, il considère que le parc éolien n’apporterait qu’une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables et s’inscrirait dans une zone qui comptait déjà de nombreux parcs éoliens. Ces éléments ont donc été de nature à justifier l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, et ainsi à refuser l’application de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement. Le Conseil d’Etat confirme ainsi l’arrêt rendu par la Cour administrative et confirme l’annulation de l’arrêté préfectoral de l’Hérault de 2016. Ainsi, il précise que dès lors que le critère de la raison impérative d’intérêt public majeur, essentiel à l’application de la dérogation prévue à l’article L411-2 du Code de l’environnement, n’est pas rempli, l’autorisation d’un projet d’aménagement ou de construction portant ou risquant de porter atteinte à des espèces protégées ne peut être délivrée, et ce quel que soit le niveau de l’atteinte envisagée.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033034252/

Coupure de gaz naturel en cas de crise d’approvisionnement : mise en place d’un ordre de priorité au profit des petits consommateurs

Dans le contexte de guerre en Ukraine et de risques de tensions sur le réseau gazier, le Gouvernement a adopté le décret n° 2022-495 du 7 avril 2022 relatif au délestage de la consommation de gaz naturel et modifiant le code de l’énergie, afin de revoir les modalités de délestage au profit des petits consommateurs de gaz.

Le délestage de la consommation de gaz naturel consiste, pour les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution, à diminuer très significativement la consommation en moins de 2 heures[1]. Lesdits gestionnaires ne doivent recourir à ce procédé qu’en dernier recours. 

Le décret commenté prévoit un nouveau mécanisme de délestage de la consommation de gaz naturel permettant de réduire, voire d’arrêter, la consommation pour les plus gros clients, à savoir ceux dont la consommation de gaz naturel est supérieure à 5 gigawattheures par an.

L’application de ces dispositions suppose, en amont, que les gros consommateurs répondent à une enquête annuelle et justifient notamment des « conséquences économiques qu’il[s] subirai[en]t en cas de réduction ou d’arrêt de [leur] consommation de gaz naturel, ainsi que le niveau d’alimentation en gaz naturel en dessous duquel ces conséquences économiques sont susceptibles d’être observées ».

Sur le fondement des éléments communiqués par les gros clients, le préfet de département établit des listes des gros consommateurs, en distinguant ceux qui assurent une mission d’intérêt général liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation et ceux dont le délestage serait susceptible d’engendrer des conséquences économiques majeures. Ces listes permettent ainsi de procéder à des coupures ciblées par ordre de priorité des entreprises.

Ainsi que le permet l’article L. 434-4 du Code de l’énergie[2], les gros consommateurs s’exposent, en cas de manquement aux dispositions précitées, à une sanction pécuniaire prononcée par l’autorité administrative, sans mise en demeure préalable, dans les conditions prévues à l’article L. 142-32 du même Code.

 

[1] Conformément au nouvel article R. 434-6 du Code de l’énergie, créé par le décret ici commenté.

[2] « Les consommateurs de gaz naturel se conforment aux ordres de délestage émis par le gestionnaire du réseau auquel ils sont raccordés. En cas de manquement, l’autorité administrative peut prononcer, sans mise en demeure préalable, une sanction pécuniaire conformément à l’article L. 142-3 ».